Robert Ier et Raoul de Bourgogne rois de France (923-936)

 

Philippe Lauer (1910) - 188e fascicule de la Bibliothèque des Hautes Études.

 

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

AVANT-PROPOS

CHAPITRE PREMIER

Robert duc de France et Raoul duc de Bourgogne

CHAPITRE II

Les élections de Robert et de Raoul

CHAPITRE III

La captivité de Charles le Simple, la guerre normande et la perte de la Lorraine

CHAPITRE IV

La lutte contre Herbert de Vermandois. Première période

CHAPITRE V

La lutte contre Herbert de Vermandois après la mort de Charles le Simple

CHAPITRE VI

La fin du règne

CONCLUSION

APPENDICE

 

 

AVANT-PROPOS

Cet opuscule est destiné à combler la lacune qui existait entre les ouvrages sur les règnes de Charles le Simple et de Louis d'Outre-Mer, parus dans la série des Annales de l'histoire de France à l'époque carolingienne entreprises sur l'initiative d'Arthur Giry[1]. L'étude que M.W. Lippert a consacrée à Raoul, dans une thèse écrite et publiée en Allemagne[2], n'était pas accessible à tous, et, malgré sa très réelle valeur, devait être rectifiée, modifiée ou complétée sur plus d'un point, principalement en ce qui concerne la topographie, la diplomatique et les affaires de Lorraine.

Les identifications des noms de lieux, comme par exemple celles de Donincum avec Doullens (Somme) et de Calaus mons avec Chaumont le Bois (Côte d’Or), étaient évidemment à réformer, ainsi que je l'ai montré dans mes notes des Annales de Flodoard. Les cartulaires n'avaient pas été tous connus, ainsi ceux de Stavelot, de Saint-Étienne de Limoges; et les chartes de Saint-Hilaire de Poitiers publiées par Rédet n'avaient pas été utilisées. Plusieurs des dépouillements relatifs aux éditions des diplômes royaux étaient ou incomplets ou devenus insuffisants par suite des publications postérieures. Divers passages d'annales ou de chroniques n'étaient pas analysés ou commentés d'une manière satisfaisante; enfin certains textes avaient été omis, comme les Annales Nivernenses. Mais ce qui rendait surtout désirable un nouveau travail, c'était la conception même du rôle politique de Raoul à l'extérieur, que ni Kalckstein ni Lippert n'avaient bien nettement dégagé. En Lorraine et dans le royaume de Provence, ce souverain a visiblement fait des efforts pour étendre l'influence française et il s'est servi de son frère Boson, possessionné à la fois dans les vallées de la Meuse et du Rhône, pour parvenir à ses fins. C'est sous son règne que se pose nettement la question de savoir si le roi de France succédera ou non aux rois de Lorraine et de Provence. Les droits incontestables de Raoul sur ce dernier royaume et sa puissante position en Bourgogne, à proximité de la Lorraine, semblaient le désigner pour recueillir ces héritages, mais sa situation même d'adversaire de Charles le Simple, le descendant direct des Carolingiens, lui fit visiblement un tort immense à en juger par les résultats obtenus. Ajoutez à cela la lutte acharnée contre les Normands et l'hostilité de ses propres vassaux.

Tel est le point de vue que nous nous sommes efforcé de mettre davantage en lumière.

Nous n'avons pas non plus négligé de souligner certains détails de nature à éclairer un peu des faits enveloppés d'obscurité, ainsi l'antagonisme entre la famille comtale de Dijon et les Robertiens ou les causes d'union et de rupture entre Herbert de Vermandois et Hugues le Grand. On ne s'est occupé des antécédents de Robert Ier ou de la personnalité et des actes de Charles le Simple que dans la mesure où cela était nécessaire au récit des événements, M. Eckel ayant déjà traité à fond ces questions.

Il n'y avait pas ici place pour une bibliographie du genre de celles qui sont en tête des volumes relatifs à Louis d'Outre-Mer et à Charles le Simple; elle eût trop ressemblé à ces dernières. Nous avons préféré mettre à la suite des livres nouveaux, cités en note, les indications bibliographiques indispensables. Du reste, on s'est efforcé de ne pas abuser des citations. Ainsi on ne trouvera guère mentionnées les œuvres de K. von Kalckstein[3], Lippert, Waitz[4], Eckel[5] et mon édition des Annales de Flodoard[6], auxquelles il eût été facile de multiplier les renvois. Mais les sources sont toujours indiquées, avec leurs éditions quand il y a lieu. Je me permettrai de renvoyer, en ce qui les concerne, à ma bibliographie du Règne de Louis d'Outre-Mer[7], pour tout ce qui pourrait paraître insuffisant[8].

On n'est pas entré non plus dans l'étude diplomatique des actes, qui trouvera sa place avec l'édition des diplômes royaux dans la collection des Chartes et diplômes publiée par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, mais on en a naturellement tiré parti au point de vue historique.

Nous espérons que, malgré ses imperfections, le présent travail pourra contribuer à faire mieux connaître un moment intéressant dans cette période mouvementée de la décadence carolingienne et de l'établissement du régime féodal.

 

 

 



[1] M. Labande qui s'était d'abord chargé de la rédaction des Annales du règne de Raoul a bien voulu y renoncer en ma faveur. Je tiens à le remercier ici en même temps que MM. Pfister et L. Halphen qui ont lu ce travail, l'un en manuscrit, l'autre en épreuves, et m'ont très obligeamment communiqué leurs critiques.

[2] Geschichte des westfränkisch en Reiches unter König Rudolf (Inaugural-Dissertation der Universität Leipzig). Leipzig, 1885, in-8, 126 pp. et sous le titre: König Rudolf von Frankreich. Leipzig, 1886.

[3] Geschichte des Französischen Königthums unter den ersten Capelingern. I. Der Kampf der Robertiner und Karolinger. Leipzig, 1877, in-8°.

[4] Jahrbücher des deutschen Reiches unter König Heinrich I. 3e éd. Leipzig, 1885, in-8°.

[5] Charles le Simple. Paris, 1899, in-8° (Bibliothèque de l'École des hautes études, fasc. 124).

[6] Les Annales de Flodoard. Paris, 1906, in-8° (Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire)

[7] Le règne de Louis IV d'Outre-Mer (Bibliothèque de l'École des hautes études, fasc. 127, p. XXI et suiv.)

[8] Il faudra cependant y ajouter, pour mémoire, l'étrange dissertation d'Aimé Guillon de Montléon, Raoul ou Rodolphe, devenu roi de France l'an 923, ne serait-il pas le même personnage que Rodolphe II, roi de Bourgogne Transjurane, et d'où vient que le cinquième de nos rois, du nom de Charles, n'est pas appelé Charles V? Dissertation historique. Paris, 1827, in-8, 124 pp., tabl. 3 pl. Cf. la critique de Daunou dans Journal des savants, année 1828, p. 93-102. — Et on peut mettre au même rang la « Vie de Rodolphe, roi de France, tirée de tous les bons auteurs par Jean Munier, avocat du roi ès cours royales d'Autun » (n° 16487 du P. Lelong) conservée dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale fr. 4629, p. 89. C'est un chapitre des Recherches sur les anciens comtes d'Autun de Jean Munier (m. 1635), où l'auteur se préoccupe surtout de réfuter les « calomnies » mises en circulation par Jean de Serres sur Raoul, dans le célèbre Inventaire général de l'histoire de France depuis Pharamond jusques à présent, illustré par la conférence de l'Église et de l'Empire (Paris, 1600, 3 vol. in-8°) qui eut quatorze éditions (la dernière en 1660).