Robert Ier et Raoul de Bourgogne rois de France (923-936)

 

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

CHAPITRE III - La captivité de Charles le Simple, la guerre normande et la perte de la Lorraine.

Le roi Charles ayant vu échouer ses démarches auprès de ses vassaux rebelles, se tournait du côté du roi de Germanie, Henri Ier, avec lequel il avait entamé, dès 921, des négociations bientôt interrompues par la révolte des grands. Il espérait que la nouvelle de la mort de son dangereux adversaire, Robert, déciderait peut-être Henri à traiter avec lui et même à lui procurer un secours effectif. Il envoya des députés en Germanie avec des présents, au nombre desquels se trouvaient des reliques de saint Denis considérées comme ayant une valeur inestimable. Henri accueillit bien les envoyés de Charles, mais ne promit nullement d'intervenir en sa faveur: il se borna à ne pas nouer de relations avec Raoul[1].

Là-dessus Charles reçut inopinément une députation d'Herbert de Vermandois, conduite par le propre cousin de celui-ci, le comte Bernard[2]. D'après Richer[3], qui donne évidemment l'esprit du discours des envoyés, Herbert faisait déclarer à Charles qu'il ne s'était uni à ses ennemis que bien malgré lui, et que voyant à présent une occasion favorable pour tout réparer, il lui demandait de venir le joindre sans grande escorte, afin de n'éveiller aucun soupçon.

Charles, à bout de ressources, fut enchanté de ce revirement soudain d'un vassal puissant, qui l'avait aidé jadis. Il accueillit avec empressement la proposition inespérée des députés. Qu'on ne l'accuse point à la légère de faiblesse ou de simplicité. Il était très possible qu'Herbert, d'origine carolingienne et par là d'autant plus sujet à un retour de loyalisme, devenu mécontent ou jaloux de Raoul, voulût profiter du séjour de celui-ci en Bourgogne pour faire échec à un rival bien autrement dangereux qu'un suzerain affaibli. Au surplus, Bernard et ses acolytes étaient, dit-on, de bonne foi. S'ils trompèrent Charles c'est qu'ils avaient été trompés eux-mêmes par Herbert. Celui-ci aurait, dit-on, jugé préférable de laisser ignorer ses vrais desseins à ses propres créatures.

Charles prit donc le chemin de Saint-Quentin avec les députés du comte de Vermandois. A peine mis en présence d'Herbert, il fut appréhendé et conduit sous bonne garde au donjon de Château-Thierry. Quant aux gens de sa suite, trop peu nombreux pour résister, ils furent renvoyés sans être inquiétés[4].

Ce lâche guet-apens préparé par Herbert à son suzerain légitime, le descendant de Charlemagne, produisit une pénible impression sur les contemporains. L'écho s'en retrouve dans les textes relativement nombreux qui y font allusion. Les versions diffèrent sur la date de la capture (placée parfois avant l'élection de Raoul), sur l'ordre des séjours du roi dans ses prisons de Saint-Quentin, Château-Thierry et Péronne, mais elles sont toutes unanimes, même les plus brèves, pour flétrir en termes énergiques l'acte d'Herbert[5]. Il y avait là un abus trop injustifié de ruse perfide et de force brutale pour que, même en ce siècle de fer, l'opinion générale n'en fût point émue. On voyait recommencer pour Charles les humiliations de son aïeul Louis le Pieux. Aussi trouve-t-on appliquées à Herbert, dans les textes, les épithètes suivantes: « traître plein de perfidie, menteur le plus fourbe, le dernier des infidèles et des indignes, le plus mauvais des seigneurs français, l'instigateur de tous les maux »; la note dramatique ne manque pas dans plusieurs récits de sa mort, où l'on voit poindre l'idée d'un châtiment céleste exprimée par les circonstances légendaires dont ils sont agrémentés[6].

Les historiens modernes n'ont jamais essayé sinon de justifier la conduite d'Herbert, du moins de la concilier avec les pratiques tolérées alors par les usages entre belligérants. Il est clair, en effet, que si l'acte sans précédent du comte de Vermandois révoltait l'opinion--et on en relève la trace certaine--c'est qu'il était considéré comme un attentat brutal au droit de légitimité dès lors établi, un crime de lèse-majesté envers la personne sacrée du suzerain à qui fidélité avait été jurée. Comment se fait-il que des seigneurs puissants et indépendants comme Hugues le Grand et surtout Raoul de Bourgogne ne s'y soient pas opposés et n'aient pas contraint Herbert à se dessaisir de la personne de ce fantôme de roi, qui était plus redoutable pour eux entre les mains de l'intrigant comte de Vermandois qu'en liberté? Il y a là un de ces faits historiques difficiles à expliquer parce qu'ils résultent d'un concours extraordinairement complexe de circonstances et d'influences morales déterminant, dans les rapports politiques, une tension anormale qui aboutit presque fatalement à des mesures extrêmes. Il ne faut pas, toutefois, oublier qu'Herbert était arrière-petit-fils de l'infortuné Bernard d'Italie, la victime du bisaïeul de Charles le Simple, Louis le Pieux, entre les mains duquel il était tombé à la faveur d'un guet-apens analogue à celui qui nous occupe[7].

On peut se demander si Herbert II, imbu des traditions de famille si vivaces à cette époque, ne saisit point cette occasion pour la maison de Vermandois d'exercer son « droit de vengeance » sur la branche carolingienne régnante. Celle-ci l'avait évincée, en effet, de la succession à l'empire et ensuite frappée par un acte de sauvagerie inouï. Or le droit de vengeance privée est parmi les vieilles coutumes germaniques une de celles qui étaient les plus ancrées dans les mœurs au moyen âge, puisqu'on en trouve encore des traces jusqu'au XVe siècle[8]. Charlemagne en s'associant son second fils Louis le Pieux, au détriment de sa descendance aînée, avait causé de funestes rivalités dans sa famille[9].

On pouvait donc, dans l'entourage de Raoul, considérer l'attitude d'Herbert comme moins inique et on le faisait d'autant plus volontiers qu'on était fort satisfait d'avoir vu le comte de Vermandois accepter un suzerain bourguignon. Et Hugues le Grand, en outre, dont le père avait succombé en luttant contre Charles, ne pouvait être mécontent du sort d'un suzerain contre lequel il devait nécessairement nourrir des idées de revanche.

A côté de l'attentat commis sur la personne de Charles, il y a lieu de signaler la tentative qu'aurait faite Herbert pour s'emparer du jeune Louis, son fils, si l'on admet le témoignage de Richer. Dans un passage de la chronique de cet historien, le roi Louis rapporte lui-même, au concile d'Ingelheim (en 948), qu'il a été soustrait aux mains d'Herbert, caché dans une botte de foin par des serviteurs, et qu'ainsi il a pu gagner l'Angleterre avec sa mère Ogive, fille du roi anglo-saxon Édouard Ier l'Ancien[10]. Le récit de Richer ne mérite toutefois qu'une confiance très limitée. On y remarque une singulière confusion entre Hugues et Herbert, et on ne s'explique pas comment Ogive restée en Lorraine avec son fils aurait eu besoin de le cacher pour l'emmener en Angleterre, puisqu'elle n'avait pas à traverser les domaines du comte de Vermandois. Il faudrait supposer que celui-ci eût machiné quelque complot pour obtenir de se faire livrer l'enfant.

La famille de Charles comprenait encore, outre ce fils, quatre filles de sa seconde femme Frérone et quatre enfants naturels[11]. Leurs prétentions n'étaient nullement redoutables; ils ne furent pas inquiétés.

Herbert se rendit immédiatement après la capture de Charles, en Bourgogne, auprès de Raoul[12]. Il sentait la nécessité de se justifier aux yeux de celui-ci et de le gagner à sa politique. Bientôt, en effet, le pape Jean X intervint en faveur du roi déchu, probablement sous l'influence de l'empereur Bérenger qui s'était déjà montré favorable à Charles, en 921, lors de l'occupation de l'évêché de Liège. Jean X réclamait, sous menace d'excommunication, la réintégration de Charles sur le trône[13]. La mort de Bérenger, survenue le 7 avril 921[14], atténua sans doute le zèle du souverain pontife qui finit par s'incliner devant le fait accompli, lorsque plusieurs années de règne eurent affermi la souveraineté de Raoul.

Les Normands avaient pris les armes à l'appel de Charles. Ils entrèrent enfin en campagne. Le roi-de-mer Rögnvald, chef de la colonie scandinave qui depuis des années dominait sur l'estuaire de la Loire, mécontent sans doute des concessions illusoires que lui avait faites Robert[15] et obéissant d'ailleurs aux messages antérieurs de Charles, avait pris le commandement des Normands de Rollon établis sur les bords de la basse Seine, et fait irruption en « France », en passant l'Oise. Un premier échec que lui infligèrent les vassaux du comte de Vermandois, aidés de plusieurs seigneurs du nord de la France, les comtes Raoul de Gouy et Enjorren de Leuze[16], n'eut d'autre effet que de le pousser à de plus graves dévastations. Une nouvelle défaite qu'il essuya en luttant contre le comte d'Arras, Alleaume, le contraignit cependant à reculer. Les pillages n'en continuèrent pas moins. Hugues se décida enfin à demander assistance à son beau-frère le roi Raoul.

Celui-ci accourut à Compiègne, en plein pays envahi, avec ses troupes. Les contingents fournis par l'archevêque Séulf, par Herbert et les autres vassaux étant venus le joindre, il se sentit assez fort pour passer de la défensive à l'offensive. Il pénétra en Normandie, au delà de l'Epte, et par représailles ravagea tout le pays, en chassant devant lui les bandes pillardes[17]. Cette pointe hardie en avant démontrait à la fois la valeur militaire du nouveau roi et son désir bien arrêté de régner autrement que de nom. La lutte contre les Normands était assurément le meilleur moyen de s'attacher les populations qui avaient eu tant à souffrir des incursions des pirates, par suite de l'indifférence ou de l'impuissance apathique de certains rois carolingiens. Cependant Raoul ne pouvait s'attarder à pourchasser une poignée de brigands, quand la plupart des seigneurs lorrains, qui jusqu'alors avaient sans cesse lutté pour Charles, désespérant de sa cause, depuis sa captivité, envoyaient un message pour offrir de faire leur soumission. Il était urgent de répondre à leurs propositions conciliantes et avantageuses, si l'on ne voulait pas en perdre le bénéfice et voir ce pays échapper de nouveau à la France. Raoul réunit donc les grands vassaux qui l'entouraient pour prendre conseil, et il fut décidé que ceux-ci continueraient seuls la poursuite des fuyards tandis que lui-même se rendrait immédiatement en Lorraine[18].

Raoul s'arrêta d'abord sur la frontière, à Monzon. L'évêque de Metz Guerri vint l'y trouver et le décida à marcher avec lui sur Saverne[19], où le roi de Germanie Henri Ier avait laissé une garnison. Le siège dura une bonne partie de l'automne et se termina par la capitulation des gens d'Henri Ier qui, ne se voyant pas secourus par leur suzerain, comme ils y avaient compté, se résolurent à livrer des otages[20].

En revenant à Laon, Raoul trouva la reine Emma qui, de sa propre autorité, venait de se faire consacrer reine par l'archevêque de Reims Séulf. Ce fait décèle à la fois l'ambition et l'esprit d'initiative de la fille du roi Robert[21]: sachant la vie de son mari en danger dans le voyage sur territoire lorrain, elle avait pris ses précautions pour être assurée de jouer un rôle en cas de malheur.

Un certain nombre de seigneurs lorrains, et non des moindres, avaient préféré se tourner du côté du roi de Germanie plutôt que de reconnaître celui qu'ils considéraient comme un usurpateur. Le duc Gilbert et l'archevêque de Trèves appelèrent Henri Ier en Lorraine: celui-ci accourut aussitôt et, passant le Rhin, commença le pillage du pays, comptant sur de nouvelles défections. L'effet produit fut tout le contraire: malgré la réputation d'inconstance des Lorrains, il n'y eut guère d'autre défection que celle d'Otton, fils de Ricoin, ennemi personnel de Raoul[22]. La nouvelle que le roi de France se disposait à marcher contre l'envahisseur avec une puissante armée, recrutée tant en France qu'en Bourgogne, décida Henri à mettre son butin en sûreté sur l'autre rive du Rhin. Il se hâta de conclure avec les Lorrains un armistice jusqu'au 1er octobre de l'année suivante, emmenant avec lui de nombreux otages et des troupeaux entiers capturés entre Rhin et Moselle[23].

L'influence française était prépondérante dans le pays, surtout vers la partie méridionale. Guerri de Metz s'empara de Saverne dont il fit raser le château fort, et à la mort de l'évêque de Verdun, Dadon, Raoul donna l'évêché à un certain Hugues auquel Séulf conféra la prêtrise[24]. Les Lorrains paraissaient accepter avec un certain enthousiasme la souveraineté bourguignonne, qui pouvait leur sembler un acheminement vers l'autonomie et un retour à leur prépondérance éphémère de jadis, au temps du « royaume de Lothaire Ier ».

Cependant Hugues et Herbert, secondés par l'archevêque de Reims Séulf, avaient protégé contre les Normands leurs domaines de la rive gauche de l'Oise au moyen d'une armée de couverture. Il n'y eut pas de rencontre décisive, mais des irruptions suivies de pillages, de chaque côté. On finit par entamer des pourparlers où les conditions d'une paix définitive furent discutées: on parla d'étendre à l'ouest le long de la mer, jusque vers le Cotentin, les limites du territoire concédé à Rollon, sur les deux rives de la Seine inférieure. Enfin un armistice fut conclu jusqu'au milieu de mai 924. Les Normands donnaient des otages, et en retour on achetait encore honteusement, comme par le passé, leur inaction, moyennant un lourd tribut. L'argent nécessaire devait être fourni à l'aide d'une sorte de taxe personnelle extraordinaire (pecunia collaticia)[25].

Pourquoi ce retour aux anciennes humiliations, après une campagne de début si brillante? Ce changement subit et un peu déconcertant au premier abord paraît dû à la nécessité où était Raoul d'en finir au plus vite avec la question normande pour se trouver complètement libre d'agir en Aquitaine.

Tout le Midi, à peu d'exceptions près, persistait dans son attitude hostile à l'égard du nouveau roi et refusait absolument de le reconnaître. Raoul n'entendait pas renoncer à ses droits de suzeraineté et il voulait profiter, dès le début, de son succès sur les Normands ainsi que du prestige que lui donnait la soumission inespérée de la Lorraine, pour entrer en contact avec les opposants et les contraindre par l'intimidation, ou au besoin par la force, à l'obéissance.

L'armée royale entra si soudainement en campagne que le duc d'Aquitaine, Guillaume II, eut à peine le temps d'organiser la résistance. Le roi était déjà en Autunois, suivi d'innombrables vassaux, et son avant-garde atteignait la Loire, quand Guillaume parut sur la rive opposée. Ainsi les deux adversaires étaient en présence, séparés seulement par le cours du fleuve. Une telle situation était celle qu'à cette époque on recherchait surtout pour les entrevues, par mesure de sécurité: des négociations commencèrent aussitôt. Les émissaires faisaient la navette d'une rive à l'autre. Le soir venu, Guillaume se décida enfin, à la faveur de la nuit, à faire le premier pas pour hâter une solution. Muni d'un sauf-conduit, il passa le fleuve et se rendit à cheval au camp de Raoul. Celui-ci l'attendait également à cheval. Dès que Guillaume fut en présence du roi, il sauta en bas de sa monture, pour le saluer comme son suzerain, et Raoul lui répondit en lui donnant l'accolade. Ce cérémonial symbolique ratifiait l'échange préalable de promesses, et la conclusion définitive de la paix fut remise à une seconde entrevue qui eut lieu le lendemain. La condition mise par Guillaume à sa soumission était la restitution du Berry que Raoul avait occupé. Une suspension d'armes de huit jours fut décidée pour permettre aux Aquitains d'approuver cet accord, et au bout du délai, la paix fut conclue formellement et définitivement[26].

Raoul paraît alors avoir tenu à Autun, puis à Chalons, une véritable cour plénière, dont le rôle politique est certain, encore que nous n'en ayons point de preuves matérielles. La reine Emma était venu le joindre[27], avec un grand nombre de puissants feudataires français, l'archevêque de Reims, Séulf, les évêques de Troyes, Anseïs[28], de Soissons, Abbon (qui remplissait les fonctions de chancelier avec Rainard pour notaire), le marquis Hugues, le comte Herbert de Vermandois. Les vassaux bourguignons étaient naturellement au complet: le frère du roi, Hugues, les comtes Walon et Gilbert, fils du comte Manassès, les abbés de Saint-Martin d'Autun, Eimon[29], et de Tournus, Hervé[30], le prévôt de Saint-Symphorien d'Autun, Hermoud[31]. Plusieurs hauts personnages aquitains avaient en outre accompagné le duc Guillaume, par exemple l'évêque du Puy Allard[32]. Enfin on vit venir le régent du royaume de Provence pour l'empereur Louis l'Aveugle, Hugues, qui prit part aux discussions de cette sorte de plaid[33].

Tous ceux qui s'étaient montrés les premiers fidèles à Raoul reçurent des libéralités. Herbert eut Péronne, qui devint sa principale forteresse[34], Hugues reçut le Mans, Séulf obtint d’Hugues de Provence, grâce à l'intercession royale, la restitution des domaines épiscopaux situés en Lyonnais, dont Hervé s'était vu dépouiller[35].

La présence d’Hugues de Provence s'explique probablement par le désir de conjurer au moyen d'une bonne entente toute cause de conflit ultérieur avec le roi de France, à raison des prétentions possibles de ce dernier à la suzeraineté sur le royaume du sud-est: le mariage de Boson, frère de Raoul, avec la propre nièce d’Hugues, Berthe, future comtesse d'Arles et d'Avignon, scella cet accord. La confirmation par Raoul des biens d'un monastère sis en Viennois et en Provence, à Vaison et Fréjus, ne prouve pas nécessairement qu'il ait revendiqué des droits sur ces pays, car souvent il arrivait qu'un abbé sollicitât de plusieurs souverains la confirmation de ses titres, afin d'en augmenter la force probante en cas de contestation[36].

Raoul ne distribuait pas seulement ses faveurs aux grands vassaux. Toute une série de diplômes de cette année 924, donnés en Bourgogne en faveur d'abbayes ou d'églises, nous sont parvenus. Le premier, pour Saint-Symphorien, est daté d'Autun même, le 29 février[37]; les suivants ont été donnés à Chalons sur Saône. Le 6 avril, Saint-Martin d'Autun obtenait la confirmation de ses privilèges, avec de nouvelles libéralités[38]. Le 8, l'évêque du Puy se faisait concéder, sur l'intervention de Guillaume d'Aquitaine, comte de Velay, les droits attachés au comté de la ville du Puy, notamment celui de battre monnaie[39]. Le 9 enfin, le monastère de Tournus obtenait confirmation de ses dépendances situées en Chalonnais[40].

Si Raoul était généreux envers ses vassaux fidèles, il se montrait par contre impitoyable à l'égard de ceux qui, par leur turbulence, suscitaient des querelles intestines. Le vicomte d'Auxerre, Rainard, frère de l'ennemi du roi Robert, Manassès de Dijon, qui avait si souvent molesté les évêques de sa cité, s'était permis, sans motif apparent, d'occuper la forteresse de Mont Saint Jean[41], et refusait de la rendre malgré toutes les sommations. Raoul intervint et confia le siège de la place à un groupe de seigneurs bourguignons au nombre desquels se trouvaient, avec son frère Hugues, les propres neveux du rebelle: Walon et Gilbert de Dijon. Ces derniers, au bout de quelque temps, purent décider leur oncle à envoyer son fils en otage au roi. Ils intervinrent ensuite auprès de Raoul, pour que celui-ci voulût bien recevoir Rainard et lui accorder un armistice. Le roi y consentit et s'éloigna, laissant pour surveiller la place ceux qui avaient échangé les serments d'usage avec Rainard. Puis un peu plus tard, dans le courant de l'année, il revint et força Rainard à abandonner Mont Saint Jean, dont il reprit possession[42].

En Lorraine aussi, des luttes féodales avaient éclaté. Gilbert se brouilla avec son beau-frère Bérenger, comte du pagus Lommensis, et son propre frère Renier; il ouvrit ensuite la lutte contre eux et le comte de Cambrai, Isaac, leur allié. Des pillages réciproques s'ensuivirent. Comme le roi de Germanie était retenu en Saxe par une invasion hongroise, Gilbert chercha à se rapprocher de Raoul pour en obtenir l'appui et envoya des députés lui annoncer sa soumission. Mais le caractère inconstant de Gilbert le rendait, au dire de l'historien Flodoard, si suspect et si odieux à Raoul, que celui-ci ne voulut tenir aucun compte de ces nouvelles propositions d'hommage. Un plaid réuni à Attigny décida même qu'une expédition serait faite en Lorraine pour soumettre les seigneurs qui n'avaient pas encore reconnu la suzeraineté du nouveau roi[43]. Malheureusement, sur ces entrefaites, Raoul tomba gravement malade. Une amélioration passagère de son état fut suivie d'une rechute tellement violente qu'il se fit transporter dans un état presque désespéré à Saint-Rémy, pour implorer l'assistance de l'apôtre des Francs. L'idée de ce pèlerinage est fort intéressante à examiner au point de vue psychologique: il est clair que Raoul doutait un peu de la légitimité de sa royauté et qu'il voulait calmer ses scrupules de conscience, en se mettant sous la protection du saint dont il considérait l'archevêque de Reims comme le mandataire, dans la cérémonie du sacre. Il est probable que l'exemple récent de la mort de Robert le hantait. Aussi disposa-t-il par testament de presque tous ses biens en faveur du monastère de Saint-Rémy et de diverses abbayes de France et de Bourgogne, n'en réservant qu'une bien faible part à la reine Emma[44].

Au bout de quatre semaines, sa guérison était complète, mais il n'était pas encore suffisamment rétabli pour entreprendre une campagne en Lorraine. Henri l'Oiseleur était aussi, à son tour, tombé malade sur les frontières slaves, dans le courant de l'été. L'occasion eût été extrêmement favorable, mais Raoul avait encore besoin de repos. De Reims il se rendit d'abord à Soissons, puis en Bourgogne[45].

Avant son départ, il avait chargé Hugues, Herbert et Séulf de conclure la paix projetée avec les Normands. Ceux-ci profitèrent de l'incapacité de rien entreprendre, où se trouvait alors le roi, pour se montrer exigeants. Ils demandèrent à nouveau l'extension de leur fief « outre Seine » et Hugues dut se résigner à leur abandonner le Maine qu'il venait de recouvrer et le Bessin[46]. A ce prix ils consentirent à conclure une paix définitive ... au moins en apparence[47].

Vers ce temps-là, en octobre 924, un synode fut réuni à Trosly[48] pour juger le différend survenu entre le comte de Cambrai, Isaac, et son évêque Étienne. Isaac était allé jusqu'à prendre et incendier un château épiscopal. Le clergé rémois s'en émut, et le synode où furent admis plusieurs pairs laïques du comte de Cambrai, notamment le comte de Vermandois, contraignit Isaac à s'amender et à faire publiquement pénitence[49]. Quand les fonctions civiles et ecclésiastiques n'étaient pas réunies entre les mêmes mains, le clergé avait le plus souvent, grâce à sa discipline, le dernier mot dans la lutte contre les seigneurs, toujours rivaux entre eux.

Cette même année, une horde de Hongrois passa les Alpes, après avoir pillé l'Italie et brûlé Pavie (le 12 mars). Le roi de Bourgogne Rodolphe II et Hugues de Provence ne purent arrêter les envahisseurs, mais ils les harcelèrent en les suivant à distance et réussirent à les cerner un instant dans les défilés alpestres. Parvenus à s'échapper, les Hongrois passèrent le Rhône et se rendirent en Gothie. Une épidémie de dysenterie se déclara fort à propos dans leurs rangs, et le comte de Toulouse, Raimond-Pons III n'eut pas de peine à disperser et à achever les débris de leurs bandes[50].

Rögnvald, chef des Normands de la Loire, avait pris part aux expéditions conduites en France par les Normands de la Seine. La raison de cette hostilité persistante ne ressort pas clairement des textes, mais il semble bien que ce soit la non-exécution des promesses de cession du comté de Nantes et de la Bretagne faites par Robert en 921[51]. Celui-ci avait effectivement cédé ces pays à Rögnvald: or cette apparente libéralité n'avait pas eu de résultat. Il est évident qu'en abandonnant la Bretagne ou l'une de ses parties, Robert n'avait renoncé qu'à des droits théoriques contestables, puisqu'il ne possédait point ce pays, et sa mort survenue sur ces entrefaites avait achevé de réduire à néant la valeur problématique de ses promesses. La comparaison avec les Normands de la Seine qui, eux, avaient su non seulement obtenir mais accroître la donation de Charles le Simple, décida vraisemblablement la reprise des hostilités. Exclu des négociations grâce à l'habileté des seigneurs français, Rögnvald, mécontent de ses échecs successifs, voulut une revanche éclatante.

A la tête d'une nombreuse armée, il remonta le cours de la Loire en pillant la rive gauche du fleuve. Les deux seigneurs riverains, Hugues et Guillaume, craignant pour leurs possessions, entrèrent, chacun séparément, en pourparlers avec lui. Ces négociations sont obscures. Il semble que le viking se soit contenté d'exiger le libre passage à travers des pays déjà épuisés pour se rendre dans la riche Bourgogne, encore intacte, dont le duc-roi s'était montré naguère un ardent antagoniste des Normands de la Seine et avait porté la guerre sur leur territoire. Son but paraît avoir été de montrer à l'« usurpateur » Raoul que si les Normands de la Seine avaient accepté de déposer les armes, lui, Rögnvald, n'ayant point reçu satisfaction, n'était nullement disposé à imiter leur exemple, qu'il entendait faire chèrement payer sa retraite et que l'éloignement de la Bourgogne ne suffisait pas pour la mettre à l'abri des représailles normandes.

La témérité d'une pareille tentative explique peut-être la facilité avec laquelle Hugues et Guillaume laissèrent l'ennemi se diriger, sans l'inquiéter, sur la Bourgogne, en l'absence de Raoul, alors retenu dans la France du nord. Il est surprenant que ces deux puissants vassaux se soient résolus par égoïsme et indifférence, à laisser piller les domaines de leur suzerain. Il faut peut-être supposer une tactique de leur part pour tendre un piège aux Normands; sinon on ne pourrait y voir qu'une lâcheté contraire à leurs devoirs féodaux. On en jugera d'ailleurs par ce qui suivit.

Tandis que Rögnvald pénétrait dans la Bourgogne, pillant tout sur son passage, les comtes Garnier de Sens, Manassès de Dijon, avec les évêques Josselin de Langres et Anseïs de Troyes, prévenus peut-être sous main par le marquis Hugues, avaient rassemblé leurs vassaux. Ces seigneurs se portèrent à la rencontre des Normands qui se retiraient vers la France du nord, chargés de butin. Le choc eut lieu sur les confins du Gâtinais, à Chalmont, le 6 décembre. La lutte fut acharnée. Il s'agissait pour les Normands d'assurer leur retraite, et les Bourguignons étaient décidés à leur faire expier les ravages qu'ils avaient faits chez eux. Huit cents Normands restèrent, dit-on, sur la place. Du côté bourguignon, le comte Garnier ayant eu son cheval tué sous lui fut pris et mis à mort. Enfin l'évêque Anseïs, qui se battait vaillamment à la tête de ses gens, fut grièvement blessé. Le reste de l'armée normande continua vers le nord jusqu'aux rives de la Seine, puis s'arrêta pour camper, probablement dans la région voisine du confluent de l'École[52].

Dans l'intervalle, le roi Raoul complètement rétabli, mis au courant de ce qui se passait, n'avait pas perdu un instant. Ayant réuni à la hâte les vassaux de l'église de Reims, il les entraîna à sa suite avec l'évêque de Soissons, Abbon, quelques autres amis dévoués et même Herbert de Vermandois, qui resta prudemment à l'arrière-garde, toujours prêt à tirer parti des événements. Dès qu'il s'approcha de la Bourgogne, de nombreux hommes d'armes vinrent du duché remplir auprès de lui leur service d'ost. Il marcha avec ces forces directement vers le camp ennemi et un combat s'engagea aussitôt entre les fantassins des contingents français et les Normands, qui s'étaient avancés à leur rencontre. Pendant l'action, l'avant-garde française, la première ardeur passée, s'aperçut que le gros de l'armée qui entourait le roi ne bougeait pas et que personne n'y mettait pied à terre pour combattre. Les Normands, d'autre part, faiblissaient, après quelques pertes, et se trouvaient contraints de regagner leurs retranchements. L'avant-garde française se retira alors jusqu'à environ deux ou trois milles des lignes ennemies et s'établit en cercle d'investissement tout autour. D'autre part, Hugues était sur la rive opposée de la Seine et y avait pris position juste en face des Normands. La situation de ceux-ci semblait désespérée. On attendait seulement les bateaux qui devaient venir de Paris pour les attaquer de toutes parts et donner l'assaut à leur camp, même du côté du fleuve. La lutte promettait d'être décisive Rögnvald était pris au piège où sa témérité l'avait conduit. Mais les assiégeants perdirent trop de temps à attendre les navires parisiens qui ne venaient pas. Tout à coup le rusé Normand sortit de son camp sans être aperçu, parvint à traverser par surprise les lignes ennemies, où il avait pu pratiquer des intelligences, et gagnant une forêt voisine, réussit à s'évader avec tous les siens[53].

Ainsi Rögnvald sut éviter par un coup d'audace, que la lenteur des opérations des coalisés rendit possible, la sanglante défaite ou la honteuse capitulation à l'une ou à l'autre desquelles il paraissait irrémédiablement acculé. Et maintenant l'aventureux et habile viking gagnait rapidement les bords de la Loire, à travers la forêt d'Orléans, avec les survivants de ses intrépides guerriers, échappés comme par miracle du cercle de fer dont ils avaient été un instant entourés.

Les coalisés stupéfaits de la soudaineté de cette fuite ne se hasardèrent pas à poursuivre dans les bois un ennemi brave jusqu'à la témérité, satisfaits de lui avoir infligé de très sérieuses pertes et une terrible leçon.

Peut-être est-ce au cours de cette retraite mémorable que les sectateurs d'Odin pénétrèrent dans l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Le continuateur d'Aimoin raconte, en effet, sans donner de date, que les moines s'enfuirent lors du passage de Rögnvald, emportant leurs précieuses reliques. Le récit des scènes de sauvagerie qui se déroulèrent dans le monastère pendant le séjour qu'y fit Rögnvald, celui de sa vision et du châtiment final qui l'atteignit à son retour, ont été consignés en termes émus dans les écrits monastiques[54]. On conserva longtemps, à Saint-Benoît, le souvenir de l'étrange abbatial du célèbre viking: on donna même son nom à une tête d'homme, en marbre, encastrée dans la muraille septentrionale de l'église[55].

La dislocation de l'armée des coalisés eut lieu rapidement. Elle était complète dès le mois de février. En mars, Gilbert de Lorraine entama des pourparlers avec les seigneurs français malgré son échec de l'année précédente[56]. Il eut une entrevue avec Herbert qui était l'âme de ces négociations, et celui-ci réussit à gagner de nouveau le marquis Hugues. Sur les instances de ces puissants vassaux, le roi Raoul consentit enfin à recevoir l'hommage de Gilbert. Il en fixa le lieu à Cambrai, au cours d'un plaid qu'il y devait tenir.

Pour des motifs inconnus, — peut-être des raisons de méfiance ou d'amour-propre, — les Lorrains ne parurent pas à Cambrai, et il fallut que Raoul s'avançât à leur rencontre jusqu'à la Meuse La cérémonie de l'hommage eut lieu sur les rives du fleuve, et Otton, fils de Ricoin, lui-même, l'ennemi de Boson, jura fidélité au frère de son adversaire. Seuls les archevêques de Trèves et de la cité lointaine de Cologne continuèrent de s'abstenir[57]. C'était la seconde fois depuis le commencement du siècle, qu'un roi de France recevait la soumission effective du duché de Lorraine.

Raoul dut presque aussitôt quitter précipitamment le pays. Les Normands de la Seine rompirent le traité conclu en 924, soit excités par Rögnvald lui-même, soit simplement désireux de venger une défaite normande par laquelle ils pouvaient se considérer comme moralement atteints, et ils profitèrent de l'absence momentanée de Raoul. Ils envahirent tout à coup l'Amiénois et le Beauvaisis. Amiens fut menacé, et bientôt un terrible incendie s'y déclara par suite de l'imprudence des habitants, trop pressés de fuir. Arras subit le même sort. A Noyon se produisit une véritable résistance: les bourgeois, avec l'aide des habitants du faubourg incendié, entreprirent une sortie qui leur valut la reprise d'une partie du faubourg[58].

Mais durant ces brigandages, le territoire des Normands, situé sur les rives de la Seine, fut tout à coup envahi, des deux côtés à la fois, par les habitants du Bessin et ceux du Parisis, vassaux d’Hugues le Grand. Le Vexin et une partie du Roumois furent pillés et incendiés. Cette heureuse diversion produisit le résultat attendu. Les Normands retournèrent en hâte à la défense de leurs foyers. Herbert venait d'ailleurs d'apparaître sur les bords de l'Oise avec quelques cavaliers réunis à grand-peine, à cause de la rareté du fourrage, et il occupait une position fortement retranchée de manière à barrer à l'ennemi l'entrée de ses domaines.

Dans leur retraite, les Normands furent poursuivis et harcelés par le comte de Ponthieu Helgaud et d'autres seigneurs des régions côtières septentrionales[59].

En quittant la Lorraine, Raoul s'était rendu à Laon, où le 6 avril, sur la demande du comte Roger, il confirma à l'abbaye de Saint Amand les donations de ses prédécesseurs[60], puis il avait gagné la Bourgogne: le 30 mai il s'arrêtait à Arciat, sur la Saône, avec Josselin, évêque de Langres, et le comte Manassès, pour renouveler les concessions de ses prédécesseurs à Saint Bénigne de Dijon[61], et au mois de juillet, à Autun, où il concéda par la tradition du couteau, sur la demande de sa mère Adélaïde et de son vassal Unizon, le fief de son fidèle Adon aux chanoines de Saint-Symphorien d'Autun, pour le donner en précaire à son fidèle Aldric[62].

Il se hâta de réunir ses vassaux bourguignons, que l'idée d'une revanche contre les Normands devait nécessairement séduire, et il proclama le ban et l'arrière-ban, c'est-à-dire la levée en masse, par toute la France, de manière à porter un coup décisif aux anciens pirates, voisins turbulents, encore peu accoutumés à la vie sédentaire. Cette fois de nombreuses recrues vinrent des pays maritimes du nord: les comtes Helgaud de Ponthieu, Allou de Boulogne et à leur tête Arnoul, marquis de Flandre. Herbert amena les vassaux de l'église de Reims qu'il commandait[63].

Cependant Rollon avait pris des mesures pour résister à l'invasion de ses domaines, en renforçant de mille hommes envoyés de Rouen la place d'Eu, située près de la mer, aux extrêmes confins septentrionaux. C'est en effet sur ce point que se concentrèrent les premiers efforts de l'attaque. D'après Richer, le roi Raoul dirigeait en personne les combattants[64]. Les ouvrages avancés furent vite enlevés et les murs d'enceinte pris d'assaut. Enfin le château fort lui-même tomba au pouvoir des Français. Ceux-ci avides de vengeance et décidés à mettre fin, par un exemple, aux entreprises de leurs infatigables adversaires, incendièrent la place et passèrent au fil de l'épée toute la population mâle. Quelques Normands parvinrent toutefois à s'échapper et se réfugièrent dans une petite île de la Brêle, voisine du rivage. Les Français les y poursuivirent, s'emparèrent de l'île avec plus de peine encore que de la place d'Eu et commencèrent un nouveau massacre. Les derniers survivants, perdant tout espoir, après avoir défendu vaillamment leur vie, se jetèrent à l'eau: plusieurs furent engloutis par les flots et ceux qui nagèrent jusqu'à la terre ferme furent tués en abordant au rivage. Plusieurs enfin voyant qu'on ne leur faisait point quartier se donnèrent eux-mêmes la mort, selon la coutume scandinave, pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi[65]. L'extrême férocité de cette guerre s'explique par l'état d'exaspération où en étaient arrivées des populations si longtemps éprouvées par les fureurs dévastatrices d'un ennemi rapace, cruel et insaisissable. La conquête de Rollon était sérieusement menacée. Les Français à leur tour s'emparèrent d'un énorme butin, mais ils ne poussèrent pas plus avant. Raoul établit son camp en Beauvaisis avec les Bourguignons et le marquis Hugues, de manière à protéger le pays contre tout essai de revanche[66].

 À quelque temps de là, vers la fin d'août, Hugues, de retour à Paris, conclut avec les Normands un accord, dans le genre de celui de 924, afin d'assurer l'intégrité de ses domaines: il avait à craindre des représailles contre les habitants du Bessin et du Parisis. Personne ne devait être bien sincère dans ces négociations. Hugues ne pouvait se méprendre sur les intentions des Normands: ils voulaient s'assurer le calme dans leurs foyers pour exercer leur vengeance contre Arnoul de Flandre, Helgaud et les Français du nord dont ils avaient eu tout particulièrement à souffrir dans la dernière affaire. Ils stipulèrent donc que les domaines des fils de Baudouin II le Chauve, Arnoul de Flandre et Allou, comte de Boulogne-Térouanne, de Raoul de Gouy et d'Helgaud de Ponthieu, resteraient en dehors de l'arrangement. Ils n'avaient pas eu de peine à ranimer la rivalité latente entre Hugues de France et les puissants feudataires flamands, arrière-petits-fils de Charles le Chauve par leur grand'mère paternelle Judith, mais il était évident qu'aussitôt après l'expédition projetée contre ces derniers, viendrait le tour des vassaux du duc de France[67].

La défaite des Normands à Eu, suivant de près l'échec de Rögnvald à Chalmont, fit renaître un peu de confiance parmi les populations. Les communautés monastiques, qui s'étaient enfuies devant les envahisseurs, reprirent avec leurs reliques, le chemin de leurs monastères abandonnés: ainsi les moines de Saint-Maur-des-Fossés[68] et de Saint Berchaire ou Montiérender[69]. Les premiers étaient déjà revenus du Lyonnais vers le 23 août. Raoul avait témoigné une bienveillance toute spéciale à l'égard des moines de Montiérender, en leur accordant asile et protection dans son duché. Il s'était assuré ainsi leur appui, qui lui avait déjà servi lors de son élévation au trône; et en les rapatriant, il acquit de nouveaux titres à leur reconnaissance.

Tandis que la lutte contre les Normands était poussée avec vigueur, le roi de Germanie, Henri, franchissant le Rhin, avait enlevé de vive force aux hommes de Gilbert la forteresse de Zülpich et s'était bientôt retiré après s'être fait livrer des otages par le duc[70]. De retour en Lorraine, vers la fin de l'année, il parvint à décider tous les feudataires à lui prêter l'hommage[71]. Seul l'évêque de Metz, Witger, fit quelque résistance, mais il fut contraint par la force à se soumettre[72].

Le propre frère de Raoul, Boson, fut obligé de faire comme les autres et de reconnaître la suzeraineté du roi de Germanie. À Verdun l'évêque Hugues, installé par Raoul, dut céder son poste à Bernoin, neveu de l'évêque Dadon: ce remplacement ne pouvait être qu'agréable aux Lorrains, puisque Bernoin appartenait à une famille indigène[73].

Le changement si subit survenu en Lorraine, à la suite de la prise de Zülpich, un an à peine après une soumission en apparence définitive, doit s'expliquer par l'absence trop prolongée du roi et son incapacité, en face du péril normand, d'affermir son pouvoir en un pays où le régime féodal, déjà fortement implanté, rendait toute souveraineté presque illusoire, où toute menace un peu sérieuse devait nécessairement amener des défections.

Ces événements arrivés avec une rapidité prodigieuse décidèrent pour un certain temps du sort de la Lorraine. Désormais le nom du roi de Germanie apparaîtra d'une façon constante dans les dates des actes passés en la région. Il ne faudrait pas, cependant, aller jusqu'à dire, comme on l'a fait[74], que la Lorraine est dès lors, sous Gilbert, fils de Renier Ier et gendre d'Henri Ier, un « duché allemand » rattaché pour de « longs siècles » à la Germanie. Les événements du règne de Louis d'Outre-Mer et de Lothaire donnent un démenti à ces généralisations un peu trop absolues.

Au moment où Raoul aurait eu besoin de toute sa liberté pour agir au dehors, son attention fut retenue par l'affaire de l'archevêché de Reims, qui devait être par la suite grosse de conséquences au point de vue de la situation intérieure du royaume. Séulf vint à mourir subitement le 1er septembre 925, et le bruit courut qu'il était victime du poison du comte de Vermandois[75]. Il avait, en effet, commis l'imprudence de promettre sa succession au plus jeune des fils d'Herbert, Hugues, un enfant en bas âge. Séulf laissait le souvenir d'un homme de haute valeur intellectuelle: disciple du célèbre Remy d'Auxerre, il était versé dans toutes les connaissances de son temps[76]. Il avait reçu du pape confirmation de ses prérogatives métropolitaines, et s'était montré fort apte à remplir les multiples devoirs de prélat féodal, tout ensemble ecclésiastiques et laïques: ainsi il avait fortifié Saint-Rémy en même temps qu'embelli la cathédrale de Reims[77], et plus d'une fois, quittant l'office, s'était mis à la tête des vassaux de l'église pour les conduire à l'ost du roi. Quoique tombé sous la dépendance d'Herbert, dès la première année de son pontificat, il avait toujours fait montre d'un loyalisme à toute épreuve envers Raoul.

Aussitôt la nouvelle connue, Herbert parut à Reims, où il avait des intelligences parmi les vassaux et les clercs du diocèse. Grâce à l'appui de l'évêque de Soissons, Abbon, et à celui de l'évêque de Chalons, Beuves, il fit élire comme successeur désigné de Séulf, Hugues, son fils, âgé de cinq ans à peine, puis il alla trouver Raoul, en Bourgogne, et se fit charger par lui de l'administration intérimaire du temporel de l'archevêché[78]. Le roi avait mis comme première condition à son assentiment le respect des personnes et des biens de l'évêché, et s'était refusé à reconnaître Hugues comme régulièrement intronisé, tant qu'il n'aurait pas atteint l'âge nécessaire pour recevoir l'ordination canonique. Abbon se rendit à Rome, afin de solliciter du pape Jean X son approbation générale pour les actes d'Herbert, et pour lui-même l'investiture provisoire des fonctions archiépiscopales, en qualité de vicaire. Il l'obtint[79]. Tout cédait devant l'habileté puissante du comte de Vermandois. Il y eut cependant quelques mécontents. L'historien Flodoard fut de leur nombre et cela lui coûta la prébende qu'il avait reçue de l'archevêque Hervé. D'autres récalcitrants furent traités encore plus mal. Herbert n'hésita pas à user de violence, même vis-à-vis du clergé, et deux ecclésiastiques furent tués par ses gens au cours des troubles, dans le cloître des chanoines[80].

D'autre part, les Normands ne tardèrent pas à vouloir tirer vengeance de l'effroyable massacre d'Eu. Ils ravagèrent avec leur flotte le littoral du Boulonnais, concentrèrent une nouvelle armée et envahirent l'Artois. Raoul se tenait encore sur ses gardes. Il opéra sa jonction avec Herbert et les seigneurs des régions côtières du nord, et réussit à cerner l'ennemi non loin, semble-t-il, de Fauquembergue[81]. Malheureusement l'armée française avait été obligée de se diviser. Une nuit les Normands, à la faveur de l'obscurité, sortirent soudain du défilé boisé, où ils se trouvaient enfermés, et vinrent fondre à l'improviste sur le camp royal. Plusieurs tentes furent brûlées et le roi faillit être pris. Herbert, qui campait à quelque distance, sut accourir juste à point pour témoigner un dévouement intéressé à son suzerain, et les agresseurs furent repoussés après une lutte acharnée, où ils laissèrent onze cents morts sur la place. Les Français de leur côté furent grandement éprouvés: le vaillant comte de Ponthieu, Helgaud, périt dans la mêlée, et le roi Raoul lui-même grièvement blessé fut contraint de regagner Laon. Malgré leur échec, les Normands purent ainsi pousser leurs dévastations jusqu'aux confins de la Lorraine, en Porcien[82].

Vers le même temps, aux environs de Pâques, les Hongrois rôdaient près de là, dans le pays de Voncq[83], où ils auraient pu se rencontrer avec les Normands. A leur approche, les habitants et le clergé désertaient les campagnes, les moines cherchaient avec leurs reliques un refuge à l'abri des murailles romaines des cités épiscopales de Metz, Toul et Reims, ou encore dans des lieux inaccessibles, fortifiés par la nature. Ainsi furent portées à Reims les reliques de saint Rémy et de sainte Vaubourg d'Attigny. Les Hongrois jetèrent dans l'est la même terreur que les Sarrasins dans le midi ou les Normands dans l'ouest: le pillage des riches monastères et des campagnes florissantes, jusque-là épargnés, fut considéré par les populations comme un châtiment céleste[84].

Les difficultés s'étaient accumulées autour de Raoul avec une incroyable rapidité. Lui blessé, et par conséquent condamné pour un temps assez long au repos, les Normands et les Hongrois livraient au pillage les environs de Laon et de Reims. Enhardi par les embarras d'un suzerain qu'il n'avait reconnu que contraint et forcé, le duc d'Aquitaine fit défection. Un de ses frères, probablement Affré, se jeta sur Nevers et y prit une attitude telle que Raoul, craignant pour son duché de Bourgogne[85], se hâta de transiger avec les Normands: il leur acheta la paix moyennant une forte indemnité réunie à l'aide d'un impôt spécial (exactio pecuniae collaticiae) levé sur la France septentrionale et la Bourgogne. Les Hongrois disparurent heureusement, aussi vite qu'ils étaient venus.

A peine remis de sa blessure, Raoul prit le commandement d'une armée franco-bourguignonne, et, accompagné d'Herbert de Vermandois, se dirigea sur Nevers. Il ne s'y attarda pas, se bornant à se faire livrer des otages[86], car son objectif était avant tout la soumission de Guillaume d'Aquitaine. Il pénétra sur les domaines de ce dernier et le harcela sans trêve, jusqu'à ce que la nouvelle d'un retour offensif des Hongrois vint le contraindre à se replier sur son duché. Ces envahisseurs passaient avec la rapidité d'un ouragan. Il était presque impossible de les atteindre pour les combattre: pendant deux années consécutives ils reparaissent, sans qu'il soit question d'une seule rencontre dans les textes[87].

Raoul séjourna le 10 décembre à Sens, où à la prière du comte de Troyes, Richard, et de l'évêque Anseïs, il confirma les privilèges et possessions de l'abbaye de Montiéramey[88].

Il traversait une période d'échecs. Un mariage de son beau-frère Hugues lui profita plus que ses expéditions indécises: le duc de France épousa Eadhild, fille d'Édouard Ier l'Ancien, roi des Anglo-Saxons, la propre sœur d'Ogive, femme de Charles le Simple[89]. Cette alliance avait certainement un caractère politique: Hugues, par cette union princière, se posait nettement en rival d'Herbert pour recueillir la succession éventuelle de Raoul. L'appui des Anglo-Saxons lui était désormais assuré et par suite, à Raoul, contre Herbert, le geôlier de Charles le Simple. Dans une curieuse précaire du chapitre de Saint-Martin de Tours, où l'on voit paraître à la fois l'abbé Hugues et sa sœur la reine Emma, la date donnée d'après le calcul des années du règne de Raoul porte la mention de la captivité de Charles[90]. Il semble que ce soit là l'indice d'une détente et d'un revirement en faveur du Carolingien.

 

 

 



[1] Widukind, Rev. gestar. saxonicar., 1. I, c. 33 (éd. Waitz, p. 26). On peut se demander si les reliques de saint Denis, dont il est ici question, ne sont pas à identifier avec celles qui ont été conservées à Saint Erameran de Ratisbonne au XIe siècle. Cf. Lauer, Le trésor du Sancta Sanctorum (Monuments Piol publ. par l'Acad. des Inscr., t. XV, 1906, p. 126).

[2] Il s'agit peut-être du comte de Senlis de ce nom, qu'on voit figurer dans le De Moribus de Dudon de Saint-Quentin, précisément avec un rôle de diplomate. Voyez Le règne de Louis IV d'Outre-Mer, p. 5, n. 2.)

[3] Richer, Hist., 1, 47.

[4] Les rares détails que nous ayons sont fournis par les sources suivantes: Flodoard, Ann., a. 923; Richer, I, 47; Rodulf. Glaber, I, 1, § 5 (éd. Prou, p. 6-7); Folcuin, Gesta abbat. Sith., c. 101 (MGH, Scr., XIII, 625-626). La légende apparaît dans l'Hist. Walciodor. mon., c. 5 (ibid., XIV, 507), et Jocundus, Translatio S. Serratii, c. 14 (ibid., XII, 99). Les autres textes mentionnent le fait en l'appréciant parfois sévèrement. Ce sont, dans l'ordre de publication des Monumenta Germaniae historica: Domus carolingicae genealogia; Ann. S. Maximi Trerer., a. 923; Ann. Laubiens., a. 922; Ann. Leod., a. 922; Ann. Elnon. min., a. 922; Ann. Blandin., a. 922; Hugues de Flavigny, Chron.; Genealogia comitum Buloniensium; Hist. Francor. Senon.; Miracula S. Benedicti; Hugues de Fleury, Modernor. reg. actus, c. 3; Ann. Lobienses, a.924; Genealogiae Karolorum; Ann. Prum., a. 923; Ann. S. Quintini Verom., a. 923; Aubry de Trois Fontaines, Chron. (MGH, Scr., II,312, IV, 6, 16; V, 19 et 25; VIII, 358; IX, 300, 366, 375, 381; XIII,232, 247, 251, 252; XV, 1292; XVI, 507; XXIII, 757). Citons encore pour mémoire: Odoran, Chron. (Recueil des histor. de France, VIII, 237); Magnum et Breve Chron. Turon., a. 922 (éd. Salmon, p. 110 et184). Widukind (I, 29) fait une confusion en attribuant à Hugues la prise de Charles. Cf. Thietmar, I, 13 (MGH, Scr., III, 741).

[5] Ann. Einsidlenses (MGH, Scr., III, 141); Ann. Floriac. breves (ibid., XIII, 87); Breve Chron. Tornacense (Recueil des historiens de France, VIII, 285), etc. Voyez la note précédente.

[6] Voyez Appendice et Le règne de Louis IV d'Outre-Mer, p. 94.

[7] Rappelons brièvement les circonstances: Pépin d'Italie, fils aîné de Charlemagne, laissa un fils, Bernard, qui revendiqua l'empire contre son oncle Louis le Pieux. Au moment où ce dernier marchait sur l'Italie pour le châtier, des émissaires envoyés par l'impératrice Ermenjart persuadèrent à Bernard de passer en France en lui promettant sous serment toute sûreté pour sa personne. Bernard, suivi de ses complices, alla trouver l'empereur à Chalons sur Saône et implora à genoux son pardon. On le conduisit à Aix-la-Chapelle, où son procès fut instruit et jugé. Bernard fut condamné à mort, mais Louis commua la peine en privation de la vue. Ce terrible arrêt fut exécuté si brutalement que trois jours après Bernard expira (le 17 avril 818) à 19 ans, laissant un fils, Pépin, qui fut père d'Herbert Ier, comte de Vermandois.

[8] G. Valat, Poursuite privée et composition pécuniaire dans l'ancienne Bourgogne (Dijon, 1907, in-8°); Ch. Petit-Dutaillis, Les mœurs populaires et le droit de vengeance dans les Pays-Bas au XVe siècle (Paris, 1909, in-8°).

[9] Ce sont peut-être aussi ces droits éventuels de la maison de Vermandois à l'empire qui ont empêché le roi de Germanie de soutenir la candidature d'Herbert II au trône.

[10] Richer, Hist., II, 73 (éd. Waitz, p. 75): « Me veroparvum in fasciculo farraginis a meis dissimulatum in partestransmarinas et prope in Rifeos fugere compulit. »

[11] Witger, Geneal. Arnalfi (MGH, Scr., IX, 303). Voyez Le règne de Louis IV d'Outre-Mer, p. 10.

[12] Flodoard, Ann., a. 923.

[13] Flodoard, Ann., a. 928; Hist. eccl. Rem., IV, 21; Richer, I, 54.

[14] Flodoard, Ann., a. 924; Necrolog. Modiciense; Liudprand, Antapodosis, II, 71 (éd. Dümmler, p. 52, n. 2).

[15] Voyez plus haut, p. 2.

[16] Voyez Flodoard, Ann., a. 923, éd. Lauer, p. 15, n. 4 et p. 46, n. 1.

[17] Flodoard, Ann., a. 923.

[18] Flodoard, ibid.

[19] L'Alsace faisait encore partie du royaume de Lorraine. Cf. Parisot, Le royaume de Lorraine, p. 592-593.

[20] Flodoard, ibid.

[21] Flodoard, ibid.; Hugues de Flavigny, Chron., a. 923 (d'après Flodoard).

[22] C'est le propre frère de Raoul, Boson, qui avait tué Ricoin malade dans son lit, le 14 mars 923, pour s'emparer de Verdun. Parisot, Le royaume de Lorraine (Paris, 1899), pp. 663 et 667. Le 19septembre 923, Raoul était encore reconnu comme roi à Toul, ainsi que le prouve une charte de l'évêque Josselin (Mém. de la Soc. d'archéol. lorr., XII, 133; Parisot, op. cit., p. 662, n. 5); mais il résulte d'une autre charte du même qu'Henri Ier, y fut reconnu entre le 16octobre 923 et le 14 octobre 924 (Bibl. de Nancy, ms. 77, fol. 42; Calmet., Hist. de Lorraine, 1re éd., I, pr., col. CCCXIV). Cf. J. Depoin, Études sur le Luxembourg à l'époque carolingienne (extr. De Ons Hemecht, année 1909).

[23] Flodoard, Ann., a. 923.

[24] Flodoard, ibid.

[25] Flodoard, Ann., a. 923.

[26] Flodoard, Ann., a. 924.

[27] Elle intervient dans un diplôme du 6 avril 924 en faveur de Saint-Martin d'Autun. Bulliot, Essai hist. sur l'abbaye de Saint-Martin d'Autun (Autun, 1849), I, p. 164; 11, p. 24, no 10.

[28] Il figure comme impétrant avec Adson dans un diplôme du 29 février 924, en faveur de Saint-Symphorien d'Autun. Thiroux, Hist. des comtes d'Autun, p. 118.

[29] Cf. Bulliot, loc. cit.

[30] Chifflet, Hist. de l'abbaye de Tournus, p. 275; Poupardin, Monuments de l'histoire des abbayes de Saint Philibert (Paris, 1905, in-8°), p. 120, no 27.

[31] Cf. Thiroux, loc. cit.

[32] Hist. de Languedoc, nouv. éd., V, p. 146, n° 49.

[33] Flodoard, Ann., a. 924. Diplômes de Raoul datés d'Autun, le 29 février, et de Chalons, les 6, 8 et 9 avril 924. Recueil des historiens de France, IX, 562-565.

[34] Flodoard, loc. cit.; Em. Coët, Hist. de la ville de Roye, t. I, p. 32.

[35] Flodoard, Ann., a. 924.

[36] Diplôme du 6 avril 924. Recueil des historiens de France, IX, 563; Bulliot, Essai sur l'abbaye de Saint-Martin d'Autun, I, 164; II, 24. Sur le mariage de Boson, voyez G. de Manteyer, La Provence du premier au douzième siècle (Paris, 1908, in-8), p. 158-159; Poupardin, Le royaume de Bourgogne, p. 59, 69 et 282, n. 5; du même, Le royaume de Provence, p. 232, 240, 338 et 394.

[37] Recueil des historiens de France, IX, 562; Gall. christ., IV, instr., 372; Thiroux, loc. cit.

[38] Rec. des histor. de Fr., IX, 563, et Bulliot, loc. cit.

[39] Recueil des historiens de France, XI, p. 564, et Hist. de Languedoc, nouv. éd., V, p. 146, n° 49; VIII, 387, 416 (Numismatique de la province de Languedoc). Les monnaies épiscopales portèrent le nom de Raoul. --Cf. M. Prou, Catal. des monnaies françaises de la Bibliothèque nationale. Les monnaies carolingiennes (Paris, 1896), p. LVI, LXX, 107 (n° 772).

[40] Ibid., p. 565, et Chifflet, Hist. de Tournus, loc. cit.

[41] Côte d’Or, arr. de Beaune, cant. de Pouilly en Auxois.

[42] Flodoard, Ann., a. 924, passim.

[43] Flodoard, Ann.

[44] Flodoard, ibid., a. 924.

[45] Flodoard, ibid.

[46] Le comté du Maine semble avoir fait partie autrefois des domaines de Robert. Cf. Eckel, p. 36-37.

[47] Flodoard, Ann., a. 924; Dudon de Saint-Quentin, De moribus, éd. Lair, introd., p. 66. Cette cession du Maine ne fut sans doute pas complètement exécutée ou bien elle fut rendue impossible, car on voit, dans la suite, ce pays disputé entre l'Anjou et la Normandie. Cf. Lot, Hugues Capet, p. 197-198.

[48] Trosly-Loire, Aisne, arr. de Laon, cant. de Coucy le Château.

[49] Flodoard, Ann., a. 924.

[50] Flodoard, Ann., a. 924; Chron. Nemaus., a. 925(MGH, Scr., III, 219); Hist. de Languedoc, III, 99, 100.

[51] Voyez plus haut, p. 2.

[52] Flodoard, Ann., a. 925; Richer, I, c. 49. —Pour l'identification de Mons Calaus avec Chalmont (Seine-et-Marne, arr. de Melun, comm. de Fleury en Bière), voyez Les Annales de Flodoard, éd. Lauer, p. 26, n. 6.

[53] Flodoard, Ann., a. 925.

[54] Miracul. S. Bened., II, 2 (éd. de Certain, p. 96-98).

[55] Voyez la note précédente, in fine, et Rocher, Hist. de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Orléans, 1865, in-8), p. 108 et 499.

[56] Flodoard, Ann., a. 925.

[57] Flodoard, Ann., a. 925.

[58] Flodoard, ibid.; A. Lefranc, Hist. de la ville de Noyon et de ses institutions (Bibl. de l'École des hautes études, fasc.75, 1887), p. 18; Peigné-Delacourt, Les Normands dans le Noyonnais (Noyon, 1868, in-8, p. 36.)

[59] Flodoard, Ann., a. 925.

[60] Recueil des historiens de France, IX, 566. La rédaction de ce diplôme présente des particularités qui ont été relevées par N. de Wailly, Élém. de paléographie, I, 358.

[61] Diplôme du 30 mai 925 dans Recueil des historiens de France, IX, 569 (à l'année 926), d'après Pérard, Recueil de pièces servant à l'hist. de Bourgogne, p. 162. On ne peut identifier Artiaco villa supra fluvium Ararim avec Arcy (Saône-et-Loire, arr. de Charolles, canton de Marcigny, comm. de Vindecy), cette localité n'étant pas sur la Saône. M.-P. Gautier qui vient de rééditer le diplôme d'après l'original (Étude sur un diplôme de Robert le Pieux dans le Moyen Age, t. XXII, 1909, p. 281) identifie Artiaco villa avec Arsoncourt. C'est plutôt Arciat, Saône-et-Loire, arr. de Mâcon, cant. de La Chapelle-de-Guinchay, comm. de Crèches sur Saône.

[62] Il avait visité l'église Saint-Symphorien, suivi d'une pompeuse escorte. Les chanoines profitèrent de l'occasion pour se faire accorder diverses concessions. Le diplôme fut souscrit par Adélaïde, mère de Raoul, et par un certain nombre de seigneurs bourguignons présents, appartenant à la famille comtale de Dijon. Thiroux, Hist. des comtes d'Autun, p. 119.

[63] Flodoard, Ann., a. 925.

[64] Richer, Hist., I, c. 50.

[65] Flodoard, Ann., a. 925. Richer (I, 50) prétend que Rollon périt au cours de ces combats. Cf. Dudon de Saint-Quentin, De moribus, éd. Lair, introd., p. 77.

[66] Flodoard, ibid.

[67] Flodoard, Ann., a. 925.

[68] Charte de Thion, vicomte de Paris (23 août 925) dans Mabillon, Ann. Bened., III, 384.

[69] Liber de diversis casibus coenobii Dervensis (Mabillon, Acta SS. ord. S. Bened., saec. II, col. 846-847).

[70] Flodoard, Ann., a. 925; Waitz, Heinrich I, p. 81.

[71] Flodoard, ibid.

[72]

[73] Flodoard, Ann., a. 926; Ann. Virdun. (MGH, Scr., IV, 8); Hist. episcopor. Virdun. cont. (Scr., IV, 45); Ann. S. Benigni Divion. (Scr., IV, 8); Hugues de Flavigny, Chron. (Scr., VIII, 358).

[74] Parisot, Le royaume de Lorraine, p. 675; K. Wittich, Die Enlstehung des Herzogthums Lothringen (Göttingen, 1862, in-8),p. 114; Recueil des chartes de l'abbaye de Stavelot-Malmédy, éd. Halkin et Roland (Acad. roy. de Belgique, Bruxelles, 1909), n° 56(charte de 926, datée de l'an 4 du règne d'Henri Ier); Cartulaire de Gorze, éd. d'Herbomez, n° 92 (charte de 933, datée de l'an 8 du règne d'Henri Ier, en Lorraine); Wauters, Table chronologique des chartes et diplômes impr. concernant l'hist. de Belgique, t. I, p. 340(charte du duc Gilbert, datée de DCCCCXXVIII, anno vero V domini Henrici serenissimi regis super regnum quondam Lotharii, indictione I). Dès 924 on datait des années d'Henri Ier à Trèves et à Stavelot (Wauters, op. cit., t. I, p. 338).

[75] Flodoard, Ann., a. 925; Hist. eccl. Rem., IV, 19 et 35.

[76] Flodoard, Hist. eccl. Rem., IV, 18.

[77] Flodoard, ibid.

[78] Flodoard, Hist. eccl. Rem., IV, 19.

[79] Jaffé-Löwenfeld, Regesta pontif. roman, n° 3570 (17 février 926).

[80] Flodoard, Hist. eccl. Rom., IV, 20 et 35; Richer, I, 55.

[81] Pas-de-Calais, arr. de Saint-Omer. Il semble, en effet, qu'il faille identifier la bataille livrée par Raoul aux Normands, en Artois, d'après Flodoard, avec le combat de Fauquembergue, mentionné par Folcuin dans les Gesta abbatum Sithiensium, c. 101 (MGH, Scr., XIII, 626).

[82] Flodoard, Ann., a. 926.

[83] Ardennes, arr. de Vouziers, cant. d'Attigny.

[84] Flodoard, Hist. eccl. Rom., IV, 21; Miracula S. Apri, c. 22; Miracula S. Basoli, c. 7 (MGH, Scr., IV, 517); Ann. S. Vincentii Mett. (Scr., III 157); Gesta episcopor. Mettens. (Scr., X, 541); Miracula S. Deicoli (Duchesne, Scr., III, 422); Polypl.Virdunense (Scr., IV, 38); charte de Saint Maximin de Trèves (926) dans Reyer, Millelrhein. Urkandenbach (Coblentz, 1860), t. I, n°167: « ... depopulantibus Agarenis pene totum regnum BelgicaeGalliae ». — Voyez aussi Dussieux, Invasions des Hongrois, p. 11.

[85] Flodoard, Ann., a. 920; Hist. de Languedoc, nouv. éd. III, 101.

[86] R. de Lespinasse, Le Nivernais et les comtes de Nevers, t l. I (Paris, 1909, in-8), p. 173. Il existe une monnaie de Nevers à l'effigie de Raoul. Soultrail. Essai sur la numismatique nivernaise (Paris, 1854, in 4), p. 20.

[87] Flodoard, Ann., a. 926; Ann. Augienses (MGH, Scr., II, 68); Ekkehard, Casas S. Galli (Scr., II, 110). Voyez Waitz, Heinrich I, p. 88.

[88] A. Giry, Études carolingiennes, dans les Études d'histoire du moyen âge dédiées à Gabriel Monod (Paris, 1896, in-8), p. 134, n° 26; Nicolas Vignier, Bibl. historiale, t. II (1588, in-folio.), p. 551.

[89] Flodoard, Ann., a. 926, in fine. Voyez W.G. Searle, Anglo-saxon bishops, kings and nobles (Cambridge, 1899, in-8), p. 346.

[90] Mabille, La pancarte noire de Saint-Martin de Tours, n° CIII (130).