MÉLANGES CAROLINGIENS

 

PAR BARDOT, POUZET ET BREYTON.

AGRÉGÉS D'HISTOIRE - ANCIENS ÉLÈVES DE LA FACULTÉ DES LETTRES

PARIS - ERNEST LEROUX, ÉDITEUR - 1890

 

PRÉFACE PAR CH. BAYET, PROFESSEUR D'HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE DU MOYEN AGE.         

G. BARDOT. — Remarques sur un passage de Richer.

PH. POUZET. — La succession de Charlemagne et le traité de Verdun. (Remarques sur les règlements de partage de l'Empire Carolingien et sur les origines de la Concorde).

Parties : I - II - III - IV - V - Conclusion.

AUGUSTIN BREYTON. — Remarques sur les causes qui ont facilité la conquête Franque en Lombardie et qui en ont assuré la durée.

 

PRÉFACE.

L'étude de la période carolingienne a été, dans ces dernières années, assez négligée en France[1], il semble même qu'on se soit déshabitué d'y voir une partie de notre histoire nationale et qu'on l'ait en quelque sorte cédée à la science étrangère : en Allemagne, au contraire, les ouvrages sur cette époque se sont multipliés ; il suffira de rappeler les noms de Waitz, Sickel, Simson, Dümmler, etc. Dans les conférences pratiques, dont je suis chargé à l'Université de Lyon, j'ai cherché à réagir contre cette tendance et à. fixer l'attention des étudiants sur ces siècles si riches en faits de tout ordre ; souvent j'ai donné des sujets de travaux qui s'y rapportaient. Parmi ceux qui m'ont été remis, j'ai pensé qu'il ne serait pas sans intérêt d'en faire connaître quelques-uns ; je les présente au public tels qu'ils ont été écrits, sans retouches indiscrètes du maître : ceux qui les ont composés étaient des étudiants de licence ou d'agrégation, c'est-à-dire de modestes apprentis en histoire : ils ont donc droit à cette bienveillance que les vrais savants ne refusent point à des débutants. Depuis, ils ont fait leur chemin, ils sont agrégés, professeurs ; ils préparent des livres où ils seront tenus de donner leurs preuves de maîtrise. Le véritable mérite de ces essais nie paraît être d'attester une lecture personnelle et réfléchie des textes, de montrer qu'on travaille dans nos Universités, que des jeunes gens s'y forment aux recherches méthodiques et critiques, et qu'enfin les efforts qui ont été faits pour développer l'enseignement supérieur historique portent quelques fruits.

Le mémoire de M. Bardot a pour objet de défendre la bonne foi de Richer[2] : les ch. 22-24 du l. Ier, où il fait intervenir Henri Ier de Germanie, lui ont valu de terribles assauts. On a prétendu que, par vanité nationale, il avait sciemment faussé l'histoire afin de représenter le roi germanique comme vassal du roi de France. M. Bardot a voulu montrer que l'erreur de Richer ne cachait pas tant de noirceur. Si, dans une nouvelle rédaction, il a mis Henri Ier à la place qu'occupait Gislebert de Lorraine dans la première, il l'a fait dans la candeur de son unie et pour rétablir dans l'enchaînement des événements dont il parlait la continuité qui lui semblait y manquer. Mais, en outre, ce passage de Bicher s'explique tout naturellement par les idées de son temps : le prestige de la dynastie carolingienne survivait encore, Charles le Simple eu était alors le représentant officiel, il était en théorie souverain de tous les pays qui avaient fait partie de l'empire de Charlemagne, il occupait le rang que peu de temps auparavant les chroniqueurs attribuaient à Arnulf de Germanie. La vanité nationale n'a donc rien à voir ici. Richer raisonne, écrit en partisan fidèle de la maison carolingienne. L'étude de M. Bardot est comme un chapitre détaché d'une histoire des théories politiques du IXe et du Xe siècles.

La succession de Charlemagne et les partages antérieurs au traité de Verdun ont été étudiés dans bien des ouvrages généraux ; peut-être ne s'est-on pas encore assez préoccupé de comparer los uns aux autres les actes qui règlent ces partages. C'est ce que M. Pouzet a voulu faire. Déjà, dans le premier de ces actes, celui de 806, il a signalé l'influence de conventions entre rois mérovingiens ; il a montré quelle place y tiennent ces idées de paix, de concorde, qui reparaîtront sans cesse dans les documents de ce genre et qui seront comme la base sur laquelle on cherchera à édifier tout un système politique. Dans les actes ultérieurs, dans la division de 817, puis dans celles de 831, de 839, il relève des analogies avec le règlement de 806 qui paraît ainsi avoir été adopté comme un modèle de chancellerie, alors même qu'on s'en écartait sur des points essentiels. Enfin l'auteur a montré quels principes politiques étaient en question dans ces luttes et étudié le caractère du traité de Verdun.

M. Breyton prépare une thèse de doctorat sur l'histoire et l'organisation du royaume franco-lombard, qui n'ont point été de notre temps l'objet d'une monographie sérieuse. Il y a été conduit par un travail d'étudiant dont il a reproduit ici une partie. Dans cette étude préparatoire, il s'est proposé de montrer que la conquête si rapide de la Lombardie en 774 s'explique par l'histoire antérieure des Lombards, par la faiblesse chez eux du pouvoir royal, par la situation des principaux ducs : c'est ainsi que Charlemagne a pu s'emparer facilement du pays et qu'il n'a pas eu à combattre d'insurrections générales.

Bien des points sont encore obscurs dans l'histoire politique du VIIIe, du IXe et du Xe siècle. Il serait à souhaiter que, par des dissertations bien choisies, on pût, dans nos Universités, préparer la solution de quelques problèmes, éveiller quelques vocations. Je serais heureux que l'Université de Lyon eût, en cette occasion, prêché d'exemple.

 

 

 



[1] Il faut excepter cependant l'excellent livre de M. Bourgeois sur Le Capitulaire de Kieny.

[2] Par suite de nécessités typographiques, on n'a pas suivi, à mon vif regret, dans l'impression de ces mémoires, l'ordre chronologique.