MÉLANGES CAROLINGIENS

 

REMARQUES SUR LES CAUSES QUI ONT FACILITÉ LA CONQUÊTE FRANQUE EN LOMBARDIE ET QUI EN ONT ASSURÉ LA DURÉE.

 

 

L'histoire et l'organisation du royaume lombard après 774 ne peuvent être comprises, si l'on n'a pas une connaissance suffisante de l'histoire et des institutions de ce royaume avant la perte de son indépendance[1]. Cette étude préliminaire seule peut permettre de déterminer les causes pli devaient favoriser ou entraver l'œuvre de Charlemagne eu Italie.

La conquête lombarde et la conquête franque se sont opérées dans des conditions très différentes. Les Francs, en rapport avec Rome dès le commencement du IIIe siècle après J. C., étaient entrés dans le monde romain quand Julien avait établi les, Ripuaires sur le Rhin comme fédérés de l'empire, avec mission de défendre cette frontière contre les autres peuples germains. Les Ripuaires restèrent longtemps fidèles à l'Empire et lors de l'invasion de 406, ils firent vaillamment leur devoir. Les Saliens, campés aussi en Toxandrie comme fédérés, profitèrent il est vrai de la faiblesse de l'Empire pour faire des conquêtes ; mais, Aetius les ayant vaincus, ils se soumirent et leur roi Mérovée combattit à côté des Légions aux Champs Catalauniques. Bien plus, Childéric, successeur de Mérovée, ayant tyrannisé les Francs, ceux-ci le chassèrent et se mirent sous le commandement direct d'Egidius, maitre de la Milice romaine en Gaule.

Ces rapports intimes des Francs avec les Romains avaient modifié profondément les mœurs de ce peuple ; il serait complètement inexact de les considérer alors comme de véritables barbares. Aussi c'est a peine si l'on peut donner le nom de conquête à l'établissement des Francs en Gaule, sous la conduite de Clovis. Quand Clovis marche contre Syagrius, successeur d'Ægidius, les Gallo-Romains ne semblent pas voir en lui un ennemi, ils ne s'enfuient pas à son approche. Au contraire les Évêques, représentants des populations en Gaule, accueillent avec faveur le roi franc, ils facilitent ses victoires par leur appui moral, et se servent de lui pour débarrasser le pays des barbares ariens qui l'occupent, c'est-a-dire des Wisigoths et des Burgundes. La conversion de Clovis au catholicisme achève de rapprocher les Francs des Gallo-Romains, et les deux peuples ne tardent pas à se confondre.

D'autre part, le petit nombre des Francs contribua à les empêcher de tyranniser les Gallo-Romains. Tandis que les autres peuples barbares dépouillèrent les anciens habitants d'une partie de leurs terres, il n'y eut rien de semblable chez les Francs. La domination franque fut donc beaucoup moins lourde. Enfin les Francs étant peu nombreux subirent plus facilement l'influence des Gallo-Romains qui prirent une situation de plus en plus prépondérante dans le nouvel ordre de choses. Les idées et les institutions romaines eurent une action profonde sur les idées et les institutions franques, et. si pendant la période mérovingienne les meurtres et les massacres sont nombreux, on ne voit jamais que les Francs aient fait peser sur les Gallo-Romains une tyrannie quelconque.

Toute autre fut la conquête lombarde. Quand les Lombards descendirent en Italie, ils n'étaient que depuis peu de temps en contact avec la civilisation romaine. Velleius Paterculus, qui prit part à l'expédition de Tibère jusqu'à l'Elbe, appelle les Lombards gens germana feritate ferocior[2]. Tacite[3] à son tour les représente comme un peuple toujours en guerre avec ses voisins. Au moment des invasions, les Lombards avaient conservé leurs mœurs farouches et grossières. Nous en avons une preuve dans leur conduite à l'égard des Gépides. Ceux-ci, qui appartenaient à la grande nation gothique, disputaient depuis longtemps la Pannonie aux Lombards et aux Avares. Alboïn, roi des Lombards, fit alliance avec les Avares, et extermina les Gépides ; leur roi, Cunimond, fut tué et son crâne servit à faire une coupe dans laquelle but depuis lors Alboïn[4]. Ce sont bien là des mœurs barbares, semblables à celles des Chérusques du temps d'Arminius. Le général byzantin, Narsès, avait cependant pris les Lombards à son service comme fédérés, pendant la guerre gothique[5]. Mais, après la destruction du royaume ostrogoth, il s'était empressé de les renvoyer en Pannonie, à cause des ravages affreux qu'ils commettaient dans la vallée du Pô[6]. Malheureusement les Lombards connaissaient maintenant le chemin de l'Italie et ils y reparurent en 568.

L'invasion fut terrible. Alboïn traînait avec lui non seulement la nation lombarde tout entière avec femmes et enfants[7], mais aussi une foule de volontaires fournis par les peuples les plus sauvages de la Germanie, 20.000 Saxons par exemple[8]. A côté des Lombards paraissaient aussi les débris des peuples qu'ils avaient soumis, des Pannoniens, des Noriciens, des Suèves, des Gépides. Enfin, on remarquait encore des Sarmates et des Bulgares[9], c'est-à-dire des peuples slaves et tartares, encore plus barbares que les Germains. Ces hordes sauvages se précipitèrent sur l'Italie comme sur une proie. Tout s'enfuit à leur approche. L'Italie, qui sortait de la longue guerre gothique et qui était désolée par la peste et la famine, n'opposa aucune résistance[10] ; pendant plusieurs années elle fut dévastée affreusement. Tous les contemporains sont d'accord pour représenter cette époque comme une des plus malheureuses pour ce beau pays. Grégoire le Grand surtout, dans ses Homélies et ses Dialogues[11], a dépeint avec une sombre éloquence les ravages commis par les Lombards.

Les Lombards, maîtres de la vallée du Pô, traitèrent durement les vaincus. Tandis que, dans les annales franques, on ne voit nulle part qu'il y ait eu une spoliation quelconque des Gallo-Romains par les Francs, les Lombards, au contraire, à peine établis en Italie, s'empressent de dépouiller les Romains de leurs terres. Cleph commence par massacrer ou chasser du royaume un grand hombre de riches propriétaires[12]. Puis, à la faveur de l'anarchie ducale qui dure de 575 à 585, les Lombards poursuivent l'exécution de ce plan de dépouillement systématique. Il était difficile pourtant d'exterminer tous les propriétaires romains ; aussi ceux qui échappèrent à la mort ou à l'exil furent divisés entre des hospices lombards auxquels ils devaient payer, comme tributarii, le tiers du produit de leurs terres[13]. Sans nous arrêter à discuter le texte obscur de Paul Diacre qui a donné lieu à une foule d'interprétations[14], remarquons que les Lombards n'innovaient pas. Avant eux, les Wisigoths et les Burgundes en Gaule, les Hérules et les Ostrogoths en Italie, avaient agi de même à l'égard des vaincus, et ces peuples eux-mêmes ne faisaient que se conformer à l'usage qui avait prévalu sous les Empereurs de loger les soldats chez l'habitant comme hospites. Seulement, et c'est là une différence essentielle, tandis que les Wisigoths et surtout les Burgundes s'étaient établis en Gaule avec le consentement de l'Empire et des habitants, les Lombards avaient envahi brutalement l'Italie et n'avaient imposé le régime de l'Hospitalitas aux Italiens qu'après s'être emparés par la violence d'une grande partie des terres. Paul Diacre, il est vrai, ne dit pas que les Romains aient cédé aux Lombards le tiers ou la moitié de leurs terres, tandis que les chroniqueurs de la Gaule mentionnent un partage semblable entre les Gallo-Romains d'une part, les Wisigoths et les Burgundes de l'autre. Il dit simplement que les Romains devenus tributarii, paient aux hospites lombards le tiers de leurs récoltes. Il semble donc que les Italiens furent moins à plaindre que les Gaulois ; mais il faut remarquer que les Lombards s'étaient déjà faits leur part dans les terres des Italiens, non par les moyens légaux, comme les Wisigoths et les Burgundes, mais par la violence et les massacres. Aussi la situation des Italiens était bien phis malheureuse, puisque, même sur les terres qu'ils avaient gardées, ils devaient encore payer un tribut aux Lombards. L'établissement des Lombards en Italie fut donc sans contredit beaucoup plus violent que celui des Francs en Gaule, plus violent même que celui des Wisigoths et des Burgundes.

Les rapports des Lombards avec les Italiens, loin de s'adoucir avec le temps, gardèrent pendant de longues années le même caractère de dureté. Deux causes principales amenèrent ce résultat. D'abord la différence de religion. Les Lombards étaient ariens et beaucoup de leurs alliés, les Saxons, par exemple, étaient païens. Grégoire le Grand affirme que les Lombards ne persécutèrent pas les orthodoxes[15], mais il se contredit lui-même en citant presque à chaque page de ses Dialogues des exemples de cruautés commises par les barbares à l'égard de clercs et même de paysans qui refusaient de sacrifier aux faux dieux[16]. Sans doute ces cruautés n'étaient pas commises par prosélytisme, mais elles nous prouvent que les Lombards n'étaient pas bien disposés à l'égard de l'Église. Ce ne fut qu'au commencement du VIIe siècle, cent ans après la conversion de Clovis, que la reine Théodelinde, bavaroise d'origine, avec l'aide du pape Grégoire le Grand, parvint à faire élever son fils Adelwald dans la foi catholique. Mais la conversion des Lombards ne fut pas définitive, et Paul Diacre nous dit que sous le règne de Rotharis (636-652), prince peu orthodoxe, il y eut dans chaque ville un évêque arien et un évêque catholique[17]. Ce n'est que bien plus tard que les mesures rigoureuses prises par Liutprand (712-744) contre l'hérésie et l'idolâtrie ramenèrent définitivement les Lombards à l'orthodoxie[18]. La conversion des Lombards fut donc très lente. Aussi le sort des Italiens ne s'adoucit que peu à peu, et jamais le clergé italien, malgré les nombreuses donations accordées par les rois, n'eut une situation politique semblable à celle du clergé franc.

La conduite des Lombards à l'égard des Italiens tient aussi à ce qu'ils ne se sont pas emparés de suite de l'Italie tout entière. Les Francs, à la mort de Clovis, possédaient déjà la Neustrie, l'Austrasie et l'Aquitaine. Les fils de Clovis ajoutèrent à ces conquêtes celle de la Bourgogne et de la Provence. Au bout de trente ans, les Francs étaient maitres de toute la Gaule, sauf de trois pays frontières, la Bretagne, la Vasconie et la Septimanie, et l'on ne voit jamais qu'une nation étrangère ait cherché à leur contester la possession de la Gaule.

Au contraire la conquête de l'Italie par les Lombards se fit très lentement. Ils avaient à lutter contre une puissance bien autrement redoutable que les Alamans, les Wisigoths et les Burgundes, contre l'Empire d'Orient[19]. Cet empire, trop méprisé par beaucoup d'historiens, avait d'abord pour lui les souvenirs de l'Empire romain, alors très vivants en Occident, où l'on voit les chroniqueurs mentionner avec soin les événements qui se passaient ti Constantinople et omettre parfois des faits importants pour l'histoire de leur pays. D'autre part la cour de Byzance avait conservé les traditions de la politique romaine. Sa diplomatie, toujours en alerte, savait regagner par la ruse ce que la force lui avait enlevé. Loin donc de considérer l'Italie comme perdue pour elle, elle s'établit solidement dans les pays qui lui restaient et ne négligea aucune occasion d'affaiblir les Lombards. Selon son habitude, elle excita contre eux un autre peuple barbare, les Francs, qui, gagnés par l'or de Byzance[20], firent de nombreuses expéditions en Italie et occupèrent ainsi les Lombards. Quand les Francs, fatigués de ces guerres sans résultats, eurent traité définitivement avec les Lombards[21], la cour de Byzance ne craignit pas d'intervenir dans les querelles intestines qui déchiraient le royaume, et l'on vit un empereur d'Orient, Constant, débarquer en 663 en Italie et mettre le siège devant Bénévent, avec l'aide des ducs révoltés contre Grimoald[22]. Cependant les Lombards finirent par triompher de Byzance, et, à l'époque d'Aistulph, les Grecs, chassés de Ravenne, ne possédaient plus que l'extrémité méridionale de l'Italie et la suzeraineté de Naples et de Venise.

Mais alors un nouvel adversaire se dressa en face des Lombards. La papauté, d'abord absolument hostile aux Lombards ariens, ne leur fut jamais favorable, même après leur conversion au catholicisme ; elle ne pouvait voir sans peine l'extension de la domination lombarde en Italie. En effet, la politique constante de la papauté a été d'empêcher la réunion de l'Italie du nord et de l'Italie du sud en un seul État, capable de l'enserrer et de l'étouffer.

Les Lombards, trouvant toujours de nouveaux ennemis devant eux, se virent dans la nécessité de conquérir morceau par morceau la péninsule, et, jusqu'à la chute de leur royaume, ils vécurent dans un état permanent de conquête. On comprend qu'irrités par les obstacles qu'ils rencontraient, ils se soient montrés toujours fort durs à l'égard des vaincus. Les conquêtes d'Agilulf, de Rotharis, et de Liutprand , furent aussi violentes que celle d'Alboïn. Alboïn n'avait pas conquis toutes les villes de la vallée du Pô. Agilulf (591-615) prit Mantoue, Padoue, Crémone, Valdoria, Bersello et les détruisit de fond en comble[23]. Rotharis (620-652) fit des annexions encore plus importantes. Non seulement il enleva aux Grecs Oderzo, la dernière ville du Frioul qu'ils possédassent encore, mais il s'empara de la Ligurie et de toutes les villes de la Toscane, depuis Luna jusqu'à la frontière franque. Cette guerre fut accompagnée de cruautés inouïes[24], dont on trouve l'écho jusque chez le chroniqueur franc, Frédégaire[25]. La conquête s'arrêta pendant un demi-siècle à cause des dissensions qui affaiblirent le royaume lombard, mais, même pendant cette période, on peut citer des actes de violence à l'égard des Romains, tels que la destruction d'Oderzo par Grimoald[26]. Enfin Liutprand (715-744) reprit la conquête de l'Italie. Après avoir enlevé Bologne, il s'avança jusqu'en Calabre en s'emparant momentanément de l'exarchat de Ravenne, et il força le pape à s'humilier après deux expéditions victorieuses contre Rome. Le Liber pontificalis[27] nous montre le roi lombard ravageant la campagne romaine et forçant les nobles romains à porter la coiffure et les habits lombards.

Cependant il ne faudrait pas croire que les Lombards, toujours en guerre avec les Romains de l'extérieur, aient gardé le rôle de conquérants à l'égard de ceux qu'ils avaient incorporés dans leur royaume. Sans entrer dans le détail des laits, nous reconnaissons volontiers qu'avec le temps les rapports de ces Romains avec les Lombards allèrent toujours s'améliorant[28] ; et l'on peut même dire qu'au moment de la conquête franque, la fusion était complète entre les anciens et les nouveaux habitants à l'intérieur du royaume. Mais ce rapprochement, au lieu de s'opérer dès le début comme celui des Francs et des Gallo-Romains, ne s'était produit que lentement. Les Lombards et les Romains ne formaient plus qu'un seul peuple dans l'Italie septentrionale, mais ce résultat était trop récent pour qu'il y dit là une nationalité vigoureuse et capable de résister aux Francs. Quant aux Romains du reste de l'Italie, ils considéraient toujours les Lombards comme leurs ennemis naturels, et. cette hostilité mutuelle est prouvée par plus d'un fait. C'est ainsi que Ratchis ayant épousé une romaine et ayant fait des donations nombreuses à l'Église, les Lombards se montrèrent très irrités contre lui et offrirent la couronne à Aistulph[29]. A peine monté sur le trône, quand Ratel-lis se fut retiré au monastère, Aistulph donna satisfaction aux Lombards en rapportant plusieurs de ces donations et en soumettant les autres à une réglementation sévère[30].

Ainsi donc, la violence et la lenteur de la conquête lombarde ont eu pour conséquence de retarder la fusion entre les vainqueurs et les vaincus dans la partie de l'Italie soumise par les Barbares, et de maintenir en un état permanent d'hostilité les Lombards et les Romains du reste de l'Italie.

Si l'établissement des Lombards en Italie a été plus violent que celui des Francs en Gaule, les institutions des deux peuples présentent aussi des différences. Sans doute les institutions franques et les institutions lombardes, ayant une même origine, renferment de grandes analogies, mais elles diffèrent sur un point important.

L'établissement des Francs en Gaule, avait eu pour conséquence de fortifier le pouvoir royal. D'une part[31], les Francs avaient perdu depuis longtemps, ne fût-ce que par le fait de leurs migrations, les institutions de la vieille Germanie, l'assemblée nationale, la noblesse, et ils n'avaient plus, à leur entrée en Gaule, d'autre institution politique que la royauté. D'autre part, les Gallo-Romains, qui l'emportaient sur les Francs par le nombre et l'intelligence, étaient habitués à voir toute la gestion des intérêts publics dans les mains de la classe des fonctionnaires impériaux[32]. La conversion de Clovis ayant fait disparaitre toute cause de mésintelligence entre eux et les Mérovingiens, ils obéirent au roi franc comme ils avaient obéi au préfet du prétoire. Aussi, dès le règne de Clovis, la royauté franque nous apparait comme solidement organisée et toute puissante. Elle le resta même toujours, M. Fustel a démontré[33] que, pendant la période qu'on a désigné sous le nom de Décadence mérovingienne, non-seulement le roi n'a pas abandonné la plus petite parcelle de ses droits, mais que jamais on les lui a sérieusement contestés. Ce sont les Mérovingiens eux-mêmes qui se sont affaiblis par leurs luttes entre eux. Leur décadence ne vient pas, comme on l'a cris à tort, d'une lutte continuelle entre l'aristocratie et le pouvoir monarchique, puisque cette aristocratie n'était composée que des Grands du roi. Cette aristocratie de palais ne pouvait songer à combattre la royauté dont elle n'était que l'émanation et l'instrument. Aussi, quant les Carolingiens curent pris la place de la famille Mérovingienne, ils n'eurent pas besoin de faire d'autres règlements pour fortifier et réorganiser le pouvoir royal ; ces règlements existaient déjà. Si Pépin le Bref et Charlemagne paraissent avoir une puissance bien supérieure à celle de leurs prédécesseurs, ce n'est point la conséquence d'un changement de gouvernement, ni de l'abaissement d'une prétendue aristocratie, mais simplement de ce qu'ils ont uni la force personnelle au droit.

Si de la Gaule nous passons à l'Italie, nous constatons que le pouvoir royal, tel qu'il est constitué dans les lois lombardes, renferme les mêmes éléments que le pouvoir royal chez les Mérovingiens. Seulement, et c'est là une différence essentielle, dès les premières années de la conquête, les rois lombards eurent à lutter contre les prétentions des ducs. Les ducs ne formaient pas une noblesse de naissance, c'étaient des fonctionnaires royaux, administrant chacun une Civitas au nom du roi. Mais le pouvoir ducal avait précédé le pouvoir royal chez les Lombards. Pendant longtemps la nation avait été gouvernée par ses ducs, et, lorsqu'Alboïn envahit l'Italie, la royauté lombarde était une création récente[34]. Aussi, à la mort de Cleph (575), les ducs la supprimèrent et se partagèrent l'Italie lombarde. Chacun d'eux devint indépendant dans la Civitas que le roi lui avait confiée[35], et l'anarchie ducale, ou des Trente-six ducs, dura pendant dix ans. Les incursions des Francs et le retour offensif des Grecs amenèrent, il est vrai, le rétablissement de la royauté. En l'an 584, les ducs donnèrent la couronne à Autharis, fils de Cleph. Mais ils ne rendirent au nouveau roi que la moitié des terres qu'ils avaient usurpées, afin, dit Paul Diacre, qu'il put subvenir à ses frais de cour et payer les services de ses fidèles[36]. Ainsi donc, dès les premières année de la domination lombarde en Italie, on constate chez les ducs des prétentions à l'indépendance qui affaiblissent le pouvoir royal. Ces prétentions étaient même reconnues en partie par la royauté, du moins dans les premiers temps, puisque l'Édit de Rotharis prescrit que l'heriban sera payé moitié au roi, moitié au duc[37].

De bonne heure cependant les rois lombards s'efforcèrent d'abattre le pouvoir ducal. Il se montrèrent impitoyables pour tous ceux qui se révoltèrent. Agilulf et Rotharis surtout multiplièrent les proscriptions et les massacres contre les ducs[38]. Mais les mesures violentes ne suffisaient pas. L'Édit de Rotharis proclame le droit exclusif du roi à nommer les ducs et à les destituer en cas de désobéissance[39]. Ce droit, les rois réussirent à le faire respecter. Rotharis et Liutprand  enlevèrent mainte fois leur charge aux ducs rebelles. Dans cette lutte contre les ducs, les rois étaient encouragés par le clergé, et, par conséquent, dans une certaine mesure, par la population romaine. Le clergé soutint de toutes ses forces Cunibert dans sa lutte contre Alachis, duc de Trente[40] ; et un poème antique dit, que la mort de ce roi fut un deuil pour toute l'Italie[41].

Les rois, ainsi encouragés par les sympathies de l'Église, cherchèrent en outre à diminuer le pouvoir des ducs, en établissant en face d'eux un pouvoir rival. Tel est le but de l'institution des gastaldes. Les Gastaldes sont des fonctionnaires du roi (actores regii), nommés par lui pour administrer ses domaines (curtes regiæ), et dépendent complètement de lui[42]. Bien qu'occupant un rang inférieur aux ducs dans la hiérarchie administrative, les gastaldes ne sont pas tenus de leur obéir, comme les Sculdasci et Decani. Ils n'ont d'ordre à recevoir que du roi qui s'efforcera constamment d'augmenter leurs attributions pour faire contrepoids au pouvoir ducal. Il se sert d'eux pour protéger les hommes libres contre la tyrannie des ducs[43], et peu à peu on constate que les gastaldes, d'abord simples administrateurs et juges des domaines royaux, finissent par devenir des fonctionnaires judiciaires et militaires[44].

Plus tard les rois profitent des révoltes des ducs pour les remplacer par des gastaldes. Ce fut la politique constante de Liutprand. Sous son règne Bergame, Trévise, Reggio, Plaisance, Parme, deviennent des gastaldats[45]. Après lui Côme, Pistole, Sienne, Volterra, Arrezzo, Toscanella, Citta Nuova et peut-être Pise voient leurs ducs remplacés par des gastaldes[46]. Il n'y eut bientôt plus tic ducs que dans les pays frontières, et dans quelques grandes villes, et Ratais décida que tous ceux qui se montreraient négligents ou prévaricateurs seraient destitués par le roi[47].

Cependant, en dépit des progrès de la royauté lombarde, au moment de la conquête franque il subsistait encore pour elle deux causes d'affaiblissement.

1° Tandis que les Francs obéirent pendant plus de deux siècles à la famille mérovingienne, dont ils respectèrent si religieusement les droits que Pépin le Bref hésita longtemps avant de s'emparer de la couronne[48], les Lombards n'eurent pas de race royale. Au moment de leur établissement en Italie, la royauté, et par conséquent leur famille royale, étaient de date récente. Or cette famille s'éteignit dès les premières années de la conquête en la personne d'Alboïn. Depuis lors, il y eut bien des essais pour établir l'hérédité dans une famille royale. La famille bavaroise amenée en Italie par Théodelinde s'efforça de se rendre héréditaire. On vit même des rois, comme Agilulf et Perctarit, faire reconnaitre leur fils de leurs vivant[49]. Mais tous ces efforts restèrent infructueux. L'histoire de la royauté lombarde n'est qu'une suite d'usurpations et d'assassinats, elles Lombards acceptent pour roi celui d'entre leurs chics qui a su s'imposer à eux par ses qualités personnelles ou sa violence. Les ducs habitués à ne pas respecter le principe d'hérédité monarchique, se disputent le pouvoir à la mort de chaque souverain[50], et, pour appuyer leurs prétentions, ne reculent pas devant l'alliance avec les ennemis du royaume, avec les Grecs, avec les Avares, et même avec le pape. Le dernier roi lombard, Didier, qui s'était emparé de la couronne avec l'aide des Toscans dont il était duc, vit une partie des ducs l'abandonner quand Charlemagne descendit en Italie. Si, à la fin de la domination lombarde, les rois avaient, réussi à restreindre le pouvoir ducal, ils n'avaient donc pu empêcher encore les ducs de se disputer la couronne à la mort de chaque prince.

2° D'autre part, nous avons exposé les mesures prises par les rois pour abattre la puissance des ducs, et nous avons constaté leur succès ; mais ce succès ne fut pas complet, et il ne pouvait l'être à cause de la constitution géographique du royaume lombard. La Lombardie royale, c'est-à-dire la partie de l'Italie, placée sous l'autorité directe du roi, était divisée en trois régions : l'Austrie ou pays à l'est de la capitale, Pavie ou Ticinum ; la Neustrie ou pays à l'ouest de cette même ville ; et la Tuscie ou Toscane. Mais les Lombards s'étaient établis dans trois autres régions de l'Italie : au Nord-Est ils avaient occupé le Frioul, an centre Spolète, et au Sud Bénévent. Ces trois pays formèrent trois duchés plus étendus que les autres et qui prirent de bonne heure une plus grande importance à cause de leur situation excentrique et des nécessités militaires qui avaient amené leur création[51].

Le duché de Frioul avait été créé par Alboïn[52] dans un but uniquement militaire et comme une véritable marche destinée f repousser les attaques des Grecs, des Avares et des Slaves ; il resta longtemps complètement isolé de la Lombardie royale. Sa frontière orientale était menacée par les Avares, les Esclavons et les Grecs de l'Histrie ; au Sud, les possessions grecques de Venise et de l'Exarchat le séparaient du duché de Spolète ; enfin les Grecs gardèrent longtemps Mantoue, Madone, Crémone, et Bologne ne leur fut enlevée que par Liutprand. Le duché de Frioul, entouré d'ennemis nombreux, prit de bonne heure des habitudes d'indépendance et se rendit redoutable à la royauté, car sa population était belliqueuse et toujours en lutte avec les peuples voisins. Les ducs de Frioul s'emparèrent souvent du trône, ils fournirent même des ducs à Bénévent[53]. Ils cherchèrent en outre à se rendre héréditaires, et parfois même il semble que la royauté reconnut leurs prétentions. Le duc Rodoald ayant été chassé par un usurpateur, le roi Cunibert fit administrer le duché pendant son absence par le frère de Rodoald, Adon, avec le titre de Lociservator[54]. Cependant les conquêtes des rois lombards, en enlevant aux Grecs les villes qu'ils possédaient entre l'Austrie et le Frioul, firent cesser l'isolement de ce duché. Il fut alors plus facile à la royauté de surveiller les agissements des ducs. Liutprand punit cruellement le duc de Frioul Pemno d'avoir jeté en prison l'archevêque d'Aquilée[55], mais il n'osa pas supprimer l'hérédité en Frioul, et il donna le duché au fils de Pemno[56], Ratchis, qui devait être roi plus tard, ainsi que son frère Aistulph. Jusqu'à la chute du royaume lombard, le Frioul conserva donc une sorte d'autonomie, et ses ducs jouirent d'un pouvoir supérieur à celui des ducs de la Lombardie royale, puisque les évêques du duché étaient nommés consensu regis et ducis[57].

Le duché de Spolète, créé sous le règne d'Autharis[58], était enclavé entre l'Exarchat de Ravenne et le duché de Rome. Il occupait clone une situation stratégique excellente, lui permettant de diviser les forces des Grecs et d'intercepter leurs communications. Mais les ducs, déjà fort éloignés de Pavie, maîtres d'un territoire aussi étendu que l'une des trois grandes divisions du royaume lombard, Austrie, Neustrie et Tuscie, ne tardèrent pas à s'emparer de privilèges politiques inconnus aux ducs de la Lombardie royale. Nous possédons de nombreuses chartes où l'on constate que le duc de Spolète tient des Plaids avec une autorité presque souveraine. Il prend le titre de Summus dux, il rend la justice comme le roi, in palatio, una cum judicibus nostris ; il a sous ses ordres de nombreux gastaldes chargés d'administrer ses curies, nommés par lui et non par le roi[59].

Enfin le duché de Bénévent ne touchait même pas la Lombardie royale, dont le séparaient le duché Romain et le duché de Spolète. Dès leur création sous le règne d'Autharis[60], les ducs de Bénévent avaient étendu constamment leurs domaines aux dépens des Grecs qui ne possédaient plus dans l'Italie méridionale en 774 que la Calabre, la Terre d'Otrante et le duché de Naples. Le duché de Bénévent, presque aussi étendu que le royaume lombard, était le plus puissant et le plus indépendant des trois grands duchés. Sans doute, les rois réussirent à faire respecter leur droit d'investiture et de destitution en cas de révolte, mais Bénévent comme à Spolète le roi ne nomme le duc qu'en cas de déshérence[61]. En temps ordinaire les ducs se transmettent le pouvoir de père en fils[62]. On peut même dire qu'a ce point de vue le duché de Bénévent possède une autonomie complète. Les chroniqueurs prennent l'habitude d'appeler ses habitants, Sammitum populus, Beneventanorum populus, et ils remarquent que les Bénéventins se montrèrent toujours très attachés et très fidèles à leurs ducs[63]. Non-seulement le duc de Bénévent tient des plaids, parle de son palais, de ses Judices, de ses Curtes, de ses Gastaldes ; mais il a de hauts fonctionnaires, comme le roi, des Stolesaiz et des Marpahis[64]. Il publie même des Capitulaires[65].

Pour achever de se rendre indépendants, les ducs de Spolète et de Bénévent ne craignirent pas de s'allier avec la papauté. Vaincus une première fois par Liutprand[66], ils s'unirent encore avec le pape contre Didier[67] ; et attirèrent sur eux les armes de cc prince[68]. Les efforts de la royauté furent vains. Des ducs que Didier établit à Spolète et à Bénévent, l'un, celui de Spolète, fut chassé par les habitants et remplacé par Hildebrand, partisan du Pape[69] ; l'autre, Arichis de Bénévent, se tourna immédiatement contre le roi et sa trahison affermit son pouvoir.

Maintenant que nous avons constaté les différences qui existaient entre les institutions franques et les institutions lombardes, il nous est possible d'expliquer la facilité et la durée de la conquête de l'Italie par Charlemagne.

L'Italie en 774 n'est pas tout entière encore aux mains des Lombards. Les Grecs en ont conservé des fragments importants, et les Lombards ne peuvent les leur enlever sans s'attirer la haine des papes qui ne veulent pas être étouffés par la monarchie lombarde. A l'intérieur de l'État lombard existent de nombreuses causes de division. Trois grands duchés ont pris une réelle autonomie ; leurs ducs aspirent à l'indépendance et ne craignent pas de s'allier avec la papauté contre le roi. Dans la Lombardie royale, la fusion entre les anciens et les nouveaux habitants n'est consommée que depuis peu de temps ; les Romains n'ont pas perdu le souvenir de la conquête violente de l'Italie par les Lombards. Le clergé ne semble pas favorable à Didier, à cause de sa lutte contre le pape ; il jouit d'ailleurs de privilèges moins étendus que le clergé franc, et il est naturel qu'il soit bien disposé en faveur de Charlemagne qui ne lui laissera rien à désirer a cet égard. De là de nombreuses légendes qui rions montrent les clercs prenant une part active à la complète de l'Italie par les Francs. Citons les deux principales, celle du diacre Martin que l'archevêque de Ravenne aurait envoyé en Gaule pour diriger la. marche des envahisseurs[70], et celle du clerc Pétrus qui aurait livré Vérone à Charlemagne en 776 et qui aurait été récompensé de sa trahison par l'épiscopat de Verdun[71]. Enfin, les ducs de la Lombardie royale, mis à la raison par Liutprand et privés d'une partie de leurs prérogatives, n'en restent pas moins turbulents. Il y avait parmi eux un fort parti de mécontents, hostiles à l'élévation au trône du toscan Didier. Leur chef était le beau-frère de Ratchis et d'Aistulph, Anselme, fondateur du couvent de Nonantola. Irrité de ce que Didier avait empêché Ratchis de reprendre la couronne à la mort d'Aistulph, Anselme se montra toujours hostile au nouveau roi. Exilé pendant sept ans[72], il rentra en grâce et se retira au Mont-Cassin[73]. Mais il garda toujours une grande influence sur le couvent de Nonantola dont il était abbé, et qui comptait mille cent quarante-quatre moines, sans parler des novices[74]. Les partisans d'Anselme étaient nombreux. L'anonyme de Salerne nous raconte que plusieurs nobles lombards avaient invité Charlemagne à venir en Italie avec une forte armée, lui promettant de lui livrer Didier et ses trésors[75]. Nous avons d'ailleurs conservé une charte dans laquelle Didier et son fils Adelchis confisquent les biens de plusieurs Lombards qui se sont révoltés et enfuis en Gaule[76]. Sans doute il faut attribuer la solidité de la conquête franque à la persévérance de Charlemagne. Quand Didier se fut réfugié dans Pavie, Charlemagne, au lieu de faire rentrer son armée en Gaule, au moment de l'hiver, comme c'était l'usage chez les Francs, fit dresser un camp autour de la ville et tint Didier bloqué jusqu'à ce qu'il se fût rendu. Mais il dut aussi ce succès au soulèvement des habitants qui massacrèrent le vieil aquitain Hunald, partisan de la résistance. De mémo, à Vérone, Adelchis fut chassé (le la ville par les habitants qui ouvrirent leurs portes à Charlemagne.

Rappelons-nous d'ailleurs le mode de transmission du pouvoir dans le royaume lombard. Nous avons vu que l'ancienne race royale avait disparu eu la personne d'Alboïn, et que, depuis lors, en dépit (les efforts des rois pour faire respecter le principe d'hérédité, le trône avait appartenu le plus souvent à celui des ducs qui s'était montré le plus violent ou le plus habile. Les Lombards avaient menue eu des rois de race étrangère. Le duc de Turin, Agilulf, qui devint roi par son mariage avec la veuve d'Autbaris, Théodelinde, était un Thuringien de la famille des Anawat[77]. Gondobald, frère de Théodelinde, après avoir été duc d'Asti[78], devint la tige d'une famille bavaroise qui occupa quelque temps le trône[79]. Les Lombards étant habitués à obéir à des princes étrangers, la conquête franque ne pouvait leur être odieuse, pourvu qu'on leur laissât leurs biens et leurs dignités.

Or, aucun texte ne nous autorise à croire que la chute de Didier en 774 fut suivie de la spoliation des vaincus. Les Petites Annales de Lorsch disent que Charlemagne distribua à son armée les trésors des rois Lombards, qu'il avait trouvés à Pavie[80]. Ce fait semble prouvé par une lettre du roi anglo-saxon Cathulf à Charlemagne[81]. Une charte du 16 juillet 774 mentionne une donation importante laite par le roi franc en faveur de Saint-Martin de Tours[82]. Charlemagne donne à cette illustre église la péninsule de Sermione sur le lac de Garde, ainsi que les Curtes de Peschiera et de Lonato, qui avaient appartenu au publicum et au palais du roi : en outre, la donation comprend tous les droits du fisc et du roi dans le Val Camonica, depuis les frontières de Brescia et de Bergame jusqu'à celles de Trente ; enfin, l'hospice de Sancta-Maria près Pavie, avec toutes ses dépendances. Mais il faut remarquer que ces donations sont faites exclusivement sur les biens royaux et non sur les biens des particuliers. Le Libellus de imperatoria potestate in urbe Roma dit même que Charlemagne pendant sa marche en Italie, distribua des dons à quelques-uns des compagnons de Didier et promit d'en donner aux autres[83]. Ainsi donc aucun texte ne parle de confiscations opérées sur les Lombards en 774.

Charlemagne leur enleva-t-il leurs dignités ? Cela ne parait pas prouvé non plus. Les Annales de Petau disent bien que Charlemagne envoya alors des comtes dans toute l'Italie, mais que cc fut pour rendre au Pape les biens et les droits dont en ajoutant il avait été dépouillé par Didier dans les diverses Civitates[84]. Éginhard atteste que des comtes furent envoyés dans ce but en Italie[85]. On peut donc affirmer qu'en 774, Charlemagne n'a pas remplacé les ducs et les gastaldes lombards par des comtes francs. Rien loin de vouloir faire peser une tyrannie quelconque sur les Lombards, il ne songe même pas à annexer leur royaume au sien[86] ; il se contente d'ajouter à ses titres de Rex Francorum et Patricius Romanorum, celui de Rex Langobardurum qu'il porte déjà dans la charte du 16 juillet 774 que nous avons mentionnée. Ainsi s'explique le jugement favorable porté sur la conquête franque par le Lombard Paul Diacre, qui était pourtant resté fidèle à Didier après sa chute[87].

Deux ans plus tard, cependant, éclate une révolte contre Charlemagne. Faut-il voir dans ce fait le désir des Lombards de secouer le joug franc et de rétablir le fils de Didier, Adelchis ? L'étude attentive des textes ne permet pas une supposition semblable. Nous connaissons l'histoire de la révolte de 776 par les Annales franques et italiennes et par les Lettres du pape Adrien. Mais cette histoire nous apparaît sous un jour très différent, suivant que nous consultons les Lettres du pape ou les Annales.

Voyons d'abord comment Adrien la raconte. Le 27 octobre 775, Adrien reçoit une lettre du patriarche du Grado, mais les sceaux de la lettre avaient été rompus, parce que l'archevêque Léon de Ravenne l'avait prise à l'envoyé et l'avait ouverte. La lettre renfermait des révélations si graves que le pape, sans prendre le temps de boire ni de manger, écrivit aussitôt à Charlemagne de venir en Italie[88]. Quelle était la nature de ces révélations ? Adrien l'explique à Charlemagne dans plusieurs lettres. Il lui apprend que les quatre ducs, Arichis de Bénévent, Hildebrand de Spolète, Rothgaud de Frioul et Reginald de Chiusi, se sont entendus pour former une ligue contre le pape. Les hostilités doivent commencer au mois de mars 776. A ce montent, unis avec les !tordes grecques et avec le fils de Didier, Adelchis, les ducs se précipiteront sur les états du pape, afin de s'emparer de Home, d'emmener le Pape en captivité, de rétablir le roi des Lombards et (le résister à la puissance royale de Charlemagne[89]. Pour le pape, une révolte générale se prépare donc, révolte dirigée par les ducs avec l'aide des Grecs, non seulement pour abattre la puissance de pape, mais pour rétablir Adelchis sur le trône de son père.

Dans les Annales franques, la révolte de 776 a bien moins d'importance. 1° Elles ne disent pas un mot d'Adelchis. Les Annales d'Éginhard affirment, comme Paul Diacre dans l'Épitaphe de la reine Ansa, que les Lombards avaient mis tout leur espoir dans Adelchis[90]. Mais l'annaliste écrit cela en 771, au moment où le fils de Didier vient d'être chassé de Vérone, et non en 776. Depuis cc moment, Il n'est plus question d'Adelchis dans les Annales. Elles disent, une fois pour toutes, en 774, qu'Adelchis, désespérant de rétablir son autorité sur les Lombards, abandonna l'Italie et passa le reste de sa vie à Constantinople avec le titre de Patrice[91]. L'historien de l'Église de Ravenne, Agnellus, nous montre le roi lombard, s'enfuyant une première fois en Épire, puis revenant à Salerne pour s'enfuir définitivement auprès de la cour de Byzance[92] ; — 2° Les Annales franques ne disent rien non plus de la participation de l'Empire d'Orient à la révolte de 776, pas plus que de celle des ducs de Spolète et de Bénévent. Ce silence paraît singulier et donne des soupçons sur l'exactitude des rapports d'Adrien. Le pape, par peur ou par intérêt, a dé exagérer l'importance de la révolte. Depuis 774, Adrien a vu se tourner contre lui l'archevêque Léon de Ravenne et Hildebrand de Spolète. Arichis de Bénévent lui donnait aussi des inquiétudes. Aussi le pape avait envoyé plusieurs ambassades à Charlemagne pour le prier de venir en Italie[93]. N'ayant pas réussi jusqu'alors à décider le roi franc à quitter la Saxe en pleine insurrection, il a peut-être employé ce moyen pour réussir.

En tout cas, si l'on s'en tient au récit des Annales franques, la révolte de 776 se réduit à une tentative de Rothgaud, duc de Frioul, pour s'emparer de la royauté, et non pour rétablir Adelchis. Nous avons vu qu'avant la conquête franque, la mort de chaque roi lombard était le signal de troubles sanglants. Les ducs se révoltaient et cherchaient à s'emparer du trône. Parmi eux, les ducs de Frioul se faisaient remarquer par leur ambition. Rothgaud se conduisit à l'égard de Charlemagne comme ses prédécesseurs s'étaient conduits à l'égard des rois lombards. André de Bergame[94] raconte qu'après la chute de Didier, Rothgaud duc de Frioul et Gaido, duc de Vicence, voulurent s'opposer à l'entrée des Francs dans leurs duchés. Mais après avoir vaincu un détachement ennemi, ils se ravisèrent et consentirent à prêter serment de fidélité à Charlemagne qui les maintint dans leur charge. La chronique d'André de Bergame est remplie d'inexactitudes historiques et chronologiques, nous ne le contestons pas. Mais elle parait bien informée pour le fait qui nous occupe. En effet, les Annales d' Éginhard disent que Charlemagne avait donné Rothgaud comme duc aux habitants du Frioul[95] ; et les Annales de Lorsch[96] accusent Rothgaud d'avoir trahi sa foi à Charlemagne et rompu ses serments. Voilà donc un premier point établi : Rothgaud été confirmé par Charlemagne dans sa charge de duc, il est devenu un fonctionnaire franc. Ceci confirme ce que nous avons montré plus haut, Charlemagne n'enleva pas aux Lombards leurs dignités, mais leur donna une nouvelle investiture.

Quant au but de la révolte, les Annalistes sont tous d'accord pour la représenter comme une tentative d'usurpation de la couronne par Rothgaud. Les Annales d'Éginhard accusent le duc de Frioul de res novas moliri in Italia, d'affectare regnum, et elles avouent jam complures ad eum civitates defecisse[97]. Les Petites Annales de Lorsch nous montrent Ruotgauzum tyrannidem molientem[98], et les Grandes Annales de Lorsch nous disent qu'il voulut non pas soulever le Frioul seul mais Italiam rebellare[99]. Ces textes nous semblent décisifs : ils prouvent bien que Rothgaud fut poussé par un mobile d'ambition personnelle. Dés lors le silence des Annales au sujet des autres ducs, d'Adelchis et des Grecs se comprend : ni les uns ni les autres n'avaient intérêt à soutenir la cause de Rothgaud dont le succès leur eut été aussi préjudiciable que le maintien de la domination franque.

Le caractère de la révolte de Rothgaud explique aussi les mesures de rigueur prises par Charlemagne pour la réprimer. Le roi franc, tout en laissant aux vaincus leurs biens et leurs dignités, ne pouvait admettre que l'on contestai son autorité en Italie. Un exemple était nécessaire pour empêcher le retour d'une tentative semblable. Dès que Charlemagne apprend que Rothgaud a pris les armes contre lui, il descend en Italie, surprend et bat le rebelle qui périt dans le combat. Il place des comtes francs dans les villes qui avaient fait défection[100] et confisque les biens des partisans de Rothgaud. Citons parmi les chartes de confiscation, celle qui donne à Paulin d'Aquilée les biens de Galland, fils d'Immo de Laheriano, qui a été tué avec Rothgaud sur le champ de bataille (in campo)[101]. Cette charte, disons-le en passant, prouve que Rothgaud n'a pas été décapité par l'ordre de Charlemagne comme le disent certaines Annales[102], mais qu'il a péri dans le combat. En outre Charlemagne exila en France deux cents Lombards, pris parmi les plus nobles et les plus rebelles, et il confisqua leurs biens. L'authenticité de cette mesure n'est pas contestable : elle est indiquée dans de nombreuses Annales, et il y est fait allusion dans un Capitulaire de Pépin[103]. Mais les Annalistes ne s'entendent pas sur la date. André de Bergame[104] place cette mesure en 781, après le couronnement de Pépin comme roi d'Italie. Mais, sans s'arrêter sur cette singulière façon d'inaugurer un règne, la chronologie d'André de Bergame n'est qu'un tissu d'inexactitudes. D'après les Annales Guelferbytani[105] et Nazariani, l'exil des Lombards eut lieu eu 787. Boretius admet cette date et s'en autorise pour placer en 787 le Capitulare Papiense de Pépin qui règle le sort des femmes de ces Lombards[106], procédé peu critique et qui donne des soupçons sur la valeur de l'ordre adopté par Boretius pour les Capitulaires italiens. Eu effet, d'autres textes prouvent que l'exil des Lombards fut prononcé en 776 et non en 787. Nous ne citons que pour mémoire les Annales Maximiani qui donnent la date de 776[107], mais qui n'ont pas plus de valeur que les Annales Guelferbytani et Nazariani pour l'histoire de l'Italie à cette époque,. Nous invoquons eu faveur de notre, opinion, qui est celle de Bethmann-Hollweg[108], un texte de Paul Diacre. Parmi les exilés se trouvait le frère de cet historien, Arichis. Or, la pièce de vers adressée en 782 par Paul Diacre à Charlemagne[109] pour le supplier de faire grâce à son frère renferme le passage suivant :

Septimus annus adest ; ex quo nova causa dolores

Multiplices generat et mea corda quatit.

Captivas vestris extune germanas invari.

Est meus, afflicto pectore, nudus, egens...

Il n'y a donc pas de doute possible, c'est bien en 776 que Charles exila ces deux cents Lombards et confisqua leurs biens. Cette mesure était fort dure. Paul Diacre se plaint de ce que la femme de son frère erre en Italie, mendiant quelques secours[110]. Ses prières éloquentes touchèrent Charlemagne. Il ne consentit que plus tard à renvoyer les exilés en Italie, mais il ordonna à son fils Pépin de s'enquérir sur la situation de leurs femmes, et de veiller ce qu'elles n'eussent pas à souffrir d'injustices[111]. Charlemagne finit même par accorder son pardon aux exilés. Il les autorisa à retourner chez eux et leur rendit leurs biens. Ce fait nous est attesté par une charte de 808. Dans cette charte, Charlemagne confirme à l'un de ces Lombards, Manfred de Reggio, la possession de tous les biens qu'il lui avait rendus lors de son retour en Italie[112]. Ce n'est donc pas en 808 que Charlemagne prit cette mesure de clémence, mais quelque temps auparavant. Quant à la date précise, on ne peut la donner avec certitude. André de Bergame dit que ce fut post non multum tempus[113], mais comme il donne une date fausse pour le commencement de l'exil, son affirmation déjà fort vague ne petit rien nous apprendre.

Quoi qu'il en soit, Rothgaud n'eut pas d'imitateurs. La révolte de 776 fut la seule dans l'Italie septentrionale. Le Frioul, gouverné par un duc franc, ne bougea plus ; et la Lombardie royale ne montra pas plus de velléités d'indépendance qu'elle n'en avait montrées en 776. Les Lombards, réconciliés avec la conquête franque[114], se disputent les faveurs de Charlemagne. Sans doute quelques-uns d'entre eux gardèrent au fond du cœur le souvenir de leurs princes. Parmi eux il faut citer Paul Diacre, qui, malgré toute l'estime de Charlemagne, conserva toujours un amour profond pour son pays natal. Il resta fidèle de cœur à Didier[115] et fut uni par les liens d'une sincère amitié avec Arichis de Bénévent et sa femme Adalberge[116]. Pendant son séjour en Gaule, il ne pouvait détacher sa pensée de l'Italie qu'il brûlait de revoir[117]. Il finit par y retourner et mourut an monastère du Mont Cassin. Mais Paul Diacre est une exception. Beaucoup de Lombards se rallièrent franchement au nouvel ordre de choses dont ils devinrent les chauds partisans. Nous en avons une preuve dans les éloges enthousiastes prodigués à Charlemagne par l'auteur de l'Historia Langobardorum codice Gothano[118], qui était un clerc lombard contemporain de l'empereur[119]. Les Lombards, sont admis à la cour de Charlemagne ; quelques-uns sont récompensés de leurs services par des dons et des charges. Paulin d'Aquilée reçoit les biens d'un des partisans de Rothgaud[120]. Fardulf découvre la conspiration de Pépin le bossu, et obtient en récompense l'abbaye de Saint-Denis[121]. Le patriarche du Grado, Fortunat, soutient la politique franque contre les Vénitiens et reçoit de nombreux privilèges[122]. En 813, Pierre, abbé de Nonantola, est envoyé en ambassade à Constantinople[123]. Le lombard Aio, qui s'était enfui chez les Avares, rentre en grâce en 799. Il recouvre ses biens, est nommé comte et va comme missus de l'Empereur organiser l'Histrie[124]. Enfin Charlemagne est en relations intimes avec l'archevêque de Milan, Odilbert, auquel il demande souvent conseil[125].

Ces faits, en apparence isolés, ont une grande valeur à cause de la pénurie de documents sur cette époque. Ils nous prouvent la solidité de la conquête franque dans l'Italie septentrionale pendant tout le règne de Charlemagne.

AUGUSTIN BREYTON

AGRÉGÉ D'HISTOIRE

ÉLÈVE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE LYON.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] L'histoire et les institutions lombardes ont été l'objet de nombreux travaux. Voici les plus importants : Savigny, Histoire du droit romain au moyen âge, tome I. — Troya, Storia d'Italia nel medio evo. — Troya, Della condizione dei Romani vinti da' Langobardi. — Türk, Die Langobarden und ihr Volksrecht bis zum 774. — Balbo, Storia d'Italia, tome II. — Bethmann-Hollweg, article sur Paul Diacre dans le tome X des Archiv. der Gesellschaft für œltere deutsch Geschichtskunde. — Bethmann-Hollweg, Der Civilproezs in Mittelalter, tomes III et IV. — Articles du même Bethman-Hollweg et de Holder-Egger dans le tome III du Neues Archiv. — Hegel, Geschichte des Stœdteverfassung von Italien, 1817. — Pabst, Langobard. Herzogthum, dans les Forschungen zur deutsche Geschichte, t. II. — Malfatti, Imperatori e Papi ai tempi della signoria dei Franchi in Italia, 1876. — Schupfer, Istituzioni Langobardi, 1863. — Weise, Italien und die Lanyobarden-herscher von. 568 bis 628, 1887. — Schmidt, Zur Geschichte der Langobarden, 1885.

[2] Velleius Paterculus, II, 106.

[3] Tacite, Germanie, 40.

[4] Paul Diacre, I, 27, Scriptores rerum Langobardicarum, éd. Waitz, p. 69.

[5] Paul Diacre, II, 1, éd. Waitz, p. 72. — Procope, De bello gothico, IV, 26.

[6] Procope, Ibidem, IV, 33.

[7] Paul Diacre, II, 2, Éd. Waitz, p. 76.

[8] Paul Diacre, II, 6, Éd. Waitz, pp. 75-76.

[9] Paul Diacre, II, 26, Éd. Waitz., p. 87.

[10] Paul Diacre, II, 26. Ib., pp. 80-87. — Procope, op. cit., II, 20-21 ; III, 9. Paul diacre, Histor. miscell., XVI, 107 (dans Muratori, Script., l. I). — Vita Benedicti dans le Liber Pontificalis, Ed. Duchesne, tome III, p. 308.

[11] Grégoire le Grand, Homélie II sur Ézéchiel, Homélies XVIII et XXII : Lettres V. 21 et 41 ; VI, 6O ; VII, 26 ; XIII, 38. Nous suivons l'ordre de l'édition in-4° des Monumenta Germaniæ historica. — Dialogues, III, 38, p. 539 des Script. rer. Lang., Éd. Waitz. — Cf. Grégoire de Tours, IV, 41, page 174 de l'édition Arndt, tome I.

[12] Paul Diacre, II, 31, p. 90 de l'éd. Waitz.

[13] Paul Diacre, II, 32, p. 90. — Paul Diacre, III, 16, p. 101.

[14] Voir en sens différents : Savigny I, § 118 et, 119. — Troya, Della condizione, etc. § 288. — Hegel, p. 237 et suiv. — Bethmann-Hollweg, tome III. — Schupfer, passim, surtout p. 314.— Boos, Die Liten und Aldionen, 1874, p. 46 et suiv. — Leo, Geschichte der Ital. Staaten, I, p. 81.

[15] Grégoire le Grand, Dialogues, III, 25.

[16] Grégoire le Grand, Dialogues, I, 4 ; p. 526 des Scr. rer. Lang., éd. Waitz. — III, 27, 28, 29 ; pp. 531-535. — III, 37 ; p. 537. — IN, 22, 23, 24 ; p. 539-540.

[17] Paul Diacre, IV, 42, éd. Waitz, p. 134.

[18] Leges Liutprandi, 84-85. Édition Bluhme dans le tome IV des Leges de Pertz.

[19] Voir pour les rapports de Byzance avec les Lombards : Gasquet, article dans la Revue historique, janvier-février 1887 ; Gasquet, L'Empire Byzantin et la Monarchie franque, 1888 ; surtout la thèse remarquable de M. Diehl sur l'Exarchat de Ravenne, 1888.

[20] Paul Diacre, III, 17 ; éd. Waitz, p. 101. — III, 22 ; p. 104. — III, 29 ; p. 108. — III, 31, p. 110.

[21] Paul Diacre, IV, 13 ; éd. Waitz p. 121 — IV, 30 ; éd. Waitz, p. 127.

[22] Paul Diacre, V, 6 à 12, — éd. Waitz, pp. 116-150.

[23] Paul Diacre, IV, 23. Ed. Waitz, p. 124. — Cf. IV, 28, pp. 125-126. — Grégoire le Grand : Lettre à l'empereur Maurice, V, 40.

[24] Paul Diacre, IV, 45 ; p 135.

[25] Frédégaire, IV, 71. — Krusch dans les Scriptores rerum Merovingicarum, tome II, pp. 156-157.

[26] Paul Diacre, V, 28, Ed. Waitz, p. 153.

[27] Vita Gregorii III dans le Liber pontificalis, Ed. Duchesne, tome I, p. 420. — L'abbé Duchesne a démontré que ce passage était une interpolation de l'époque d'Étienne II ; mais, ajoute-t-il avec raison, cette observation n'atteint en rien la vérité des faits relatés. Introduction, p. CCXXIII.

[28] C'est ce qu'ont mis en lumière les travaux de Savigny et de Bethmann-Hollweg. (Voir la note au début de notre article).

[29] Chronic. Benedicti, monachi S. Andreæ in monte Soracte, dans Pertz, Scriptore, tome III, pp. 702-703.

[30] Leges Aistulphi, I, éd. Bluhme dans les Leges de Pertz, Tome IV.

[31] Toutes ces citations sont empruntées au remarquable ouvrage de Fustel de Coulanges, La Monarchie franque, 1888.

[32] Fustel de Coulanges, La Monarchie franque, p. 116.

[33] Fustel de Coulanges, op. cit., chapitre XIV ; notamment le paragraphe 2 sur Les Grands et le Traité d'Andelot, pages 602 et s. ; le paragraphe 3 sur l'Édit de 614, pages 612 et s. ; le paragraphe 4 sur la Nature du Conventus generalis au VIIe siècle, pages 630 et s.

[34] Paul Diacre, I, 14, éd. Waitz, p. 54.

[35] Paul Diacre, II, 32, éd. Waitz p. 90.

[36] Paul Diacre, III, 16, éd. Waitz, p. 100-101.

[37] Edictum Rotharis, 20, 21, 22, éd. Bluhme.

[38] Origo gentis Langobardorum, c. 6, Script. rerum Lang, éd. Waitz, p. 5. — Paul Diacre, IV, 3 et 13, éd. Waitz, pp. 117 et 121. — Frédégaire, IV, 70, éd. Krusch, p. 156.

[39] Edictum Rotharis, 27.

[40] Paul Diacre, V, 38 à 41, éd. Waitz, pp. 157 et s.

[41] Troya, Codic. diplomat. longobar., III, 368.

[42] Edictum Rotharis, 375. 15. 187. 221. Leges Liutprandi, 59 et s. 78. etc.

[43] Edictum Rotharis, 23. 24, éd. Bluhme.

[44] Les textes qui montrent les gastaldes rendant la justice comme fonctionnaires publics, sont nombreux : Voir leur énumération au mot Castaldi dans l'Index des Leges, tome IV. — Le texte principal qui les montre commandant les armées est dans la Vita Gregorii II (Liber Pontificalis, I, éd. Duchesne p. 400). Le biographe pontifical après avoir raconté un combat livré entre les Romains et les Lombards, ajoute que les Romains Langobardos pene trecentos cum eorum gastaldio interfererunt.

[45] Pabst, Langobard. Herzogthum, p. 181.

[46] Schupfer, Istituzioni Langobardi, p. 311.

[47] Lois de Ratchis, I, éd. Bluhme — Cf. Lois d'Aistulph, 4.

[48] L'auteur de la vie de S. Boniface dit même que Pépin fut couronné roi sedata populorum pertubatione.

[49] Paul Diacre, IV, 30 ; éd. Waitz p. 127, — V, 35, p. 156.

[50] Citons Agilulf, duc de Turin (Origo gent-Lang., c. 2, éd. Waitz p. 3). — Grimoald, duc de Bénévent (Paul Diacre, IV, 51, p. 138 et s.). — Aripert, duc de Turin (Paul Diacre, IV, 18 à 22, p. 171-172). — Ratchis, duc de Frioul (Gesta Zachariæ). — Didier, duc de Tuscie (Gesta Stephani, II).

[51] L'histoire de ces trois duchés a été étudiée dans les ouvrages d'ensemble sur les Lombards, que nous avons cités en tête de notre travail. Il faut ajouter quelques monographies, Pabst, dans les Forschungen zur deutsche Geschichte, tome II. — Hirsch, Herzogthum von Bénevent. — Enfin un Appendice important de Bethmann-Hollweg sur Spolète, dans son Civil procesz im Mittelalter, tome III.

[52] Paul Diacre, II, 9 ; éd. Waitz, pp. 77-78.

[53] Paul Diacre, IV, 30 ; éd. Waitz, p. 133. — IV, 13, 44, 46, pp. 134-135.

[54] Paul Diacre, VI, 3, p. 165. — VI, 24, p. 172.

[55] Paul Diacre, VI, 51 ; éd. Waitz, pp. 182-183.

[56] Paul Diacre, VI, 51 ; éd. Waitz, p. 183.

[57] Paul Diacre, IV, 33, p. 127. — Chronica patriarcharum Gradensium, c. 3 ; dans les Script. rerum. Langob. ; éd. Waitz, p. 394.

[58] Paul Diacre, III, 32 ; éd. Waitz, p. 112.

[59] Troya, Codice diplonnat. longob., n° 641 et 703, IV, pages 371 et 619.

[60] Paul Diacre, III, 32, p. 112 — III, 33 : Fuit autem primus Langobardorum dux in Benevento nomine Zotto, qui in ea principatus est per curricula viginti annorum. Remarquer l'expression principatus est, que Paul Diacre n'emploie jamais pour désigner le pouvoir des autres ducs Lombards.

[61] Paul Diacre, IV, 18, p. 122 — V, 16, p. 151.

[62] Paul Diacre, IV, 16, p. 122 — IV, 43, p. 131 — IV, 41, pp. 134-135 — IV, 46, p. 135 — IV, 50 et 51, p. 137-138 — VI, 2, p. 164 — VI, 30, p. 175, etc.

[63] Paul Diacre VI, 30, p. 178 — VI, 57, p. 185 — VI, 55, p. 181.

[64] Troya, Codic. dipl. long., n° 548, 779 ; IV, p. 85 ; V. p. 167.

[65] Tome IV des Leges de Pertz.

[66] Paul Diacre, VI, 55, éd. Waitz. p. 184. — Vitæ Gregorii II et Zachariœ, tome III, pages 407 et 426, du Liber Pontificalis, éd. Duchesne. — Lettre de Grégoire III, dans les Monumenta Carolina de Jaffé (lettre 2, page 17).

[67] Lettre d'Étienne II dans Jaffé, op. cit. (lettre 11, page 65).

[68] Lettre de Paul Ier, ibidem (lettre 17, p. 79).

[69] Vita Hadriani dans le Liber Pontificalis,  éd. Duchesne ; tome III, pp. 495-496.

[70] Agnellus, Liber pontificalis Ecclesiæ Ravennatis, dans les Script. rerum Langob., éd. Waitz. p. 381, chap. 160.

[71] Chronicon Hugonis Flaviniacii (dans Pertz, Scriptores, VIII, p. 351). Gesta Episcoporum Virdenensium (ibidem, IV, p. 44).

[72] Muratori, Antiquitates Italicœ, IV, p. 944.

[73] Tiraboschi, Storia della badia... di Nonantola, II, p. 72.

[74] Mabillon, Annal. Benedict., II, p. 157.

[75] Muratori, Scritores rerum Italicarum, II, B, p. 180.

[76] Troya, Codice dipl. Long. n° 668, tome V, p. 715.

[77] Edictum Rotharis, Prologus. — Origo gentis Langob., c. 6 (dans les Script. rer. Lang., éd. Waitz, p. 5).

[78] Origo gent. Lang., c. 6, p. 5.

[79] Paul Diacre, IV, 48, p. 136.

[80] Annales Laur. minores, 774.

[81] Monumenta Carolina de Jaffé, p. 337.

[82] Dom Bouquet, V, p. 724. — Sickel, Acta Carolina, II, 23-235.

[83] Il est bien clair que le Libellus de imperatoria potestate ne nous inspire guère de confiance pour cette période de l'histoire. Nous ne le citons que par surcroit.

[84] Annales Petaviani (dans Pertz, Scriptores, I, p. 16).

[85] Éginhard, Vita Caroli, c. 6 (Monum. Carol. de Jaffé, p. 515). — Cf. Lettre d'Adrien à Charlemagne (Jaffé, n° 56, p. 185, au bas de la page). — Voir en sens contraire Simson-Abel, Jahrbüch d. Karl. d. Gros., tome I, pp. 91-92.

[86] Plus tard, en 781, Charlemagne devait couronner roi d'Italie son fils Pépin, et assurer ainsi à l'ancien royaume lombard une autonomie sérieuse.

[87] Paul Diacre, Gesta episcoporum Mettensium (Pertz, Scriptores, II, p.265).

[88] Lettre d'Adrien dans les Monuntenta Carolina de Jaffé (lettre 55, pp. 182-183).

[89] Lettre d'Adrien dans les Monumenta Carolina de Jaffé (lettre 58, p. 192). Cf. Lettre 60, p. 196-7 pour la participation de Reginald à la révolte ; Lettre 56, pp. 187-188 sur les projets ambitieux de l'archevêque Léon de Ravenne.

[90] Annales d'Éginhard, 774. — Paul Diacre, Épitaphe de la reine Ansa, vers 9-11 (Poeta latini æv. Carolini, éd. Dümmler, I, p. 45-46).

[91] Annales d'Éginhard, 774.

[92] Agnelli, Liber pontificalis Ecclesiæ Ravennatis, c. 160 (Script rer. Long., éd. Waitz, p. 381).

[93] Lettres d'Adrien dans les Monum. Carol. de Jaffé (n° 51, 53, 56, 57 ; pages 170 et suiv., 176-179, 185 et suiv., 189 et suiv.).

[94] Andreae Bergomatis Historia dans les Script. rerum Lang., éd. Waitz, ch. 4, p. 224.

[95] Annales d'Éginhard, 776.

[96] Annales de Lorsch, 775.

[97] Annales d'Éginhard, 776.

[98] Annales Lauris. minores, 776.

[99] Annales de Lorsch, 775.

[100] Annales d'Éginhard, 776. Annales de Lorsch, 776.

[101] Dom Bouquet, V, p. 737. — Sickel, Acta Carolina, II, n° 74, p. 236 ; n° 79, p. 236.

[102] Annales Mettenses (Dom Bouquet, V, p. 342).

[103] Voir plus loin.

[104] André de Bergame, c. 5 (Script. rer. Lang., éd. Waitz, p. 224).

[105] Annales Guelferbytani, 787 (Pertz, I, p. 43). — Annales Nazariani 787.

[106] Boretius : Capitularia regum Francorum (Capit. 94, Introduction, p. 198). Mon. Germ. Script., I, p. 43, ad a. 787.

[107] Annales Maximiani 776 (Pertz, XIII, p. 21).

[108] Bethmann-Hollweg, Archiv. X, p. 260, Simson , Richter, Himmler se sont ralliés aussi à l'opinion de Bethmann-Hollweg.

[109] Item versus Pauli ad regem precando (Script. rer. Lang., éd. Waitz, p. 75). — Cf. Epistola Pauli ad Theudemarem abbatem Casinensem (Ibidem, p. 16).

[110] Item versus Pauli ad regem precando (Ibidem, p. 15).

Illius in patria conjux miscranda per omnes

Mendicat plateas ore tremente cibos.

[111] Pippini Capitulare Papiense, c. 10. (Boretius, p. 199).

[112] Muratori (Ant. Ital., III, p. 781-782).

[113] André de Bergame, c. 5 (éd. Waitz, p. 224).

[114] Charlemagne leur laissa aussi leurs lois, mais nous n'insistons pas sur cette question, nous réservant de la traiter en détail dans une autre étude.

[115] Épitaphe de la reine Ansa. Vers. 15-16, (op. cit., p. 46.)

[116] Lettre à Adalberge (Monum. Germ. auctores antiquissimi, II, 4, p. 1-2.) — Épitaphe d'Arichis (P. L. œv. Carol., éd. Dümmler, I, p. 67-68.)

[117] Lettre à Theudmar (Script. rer. Lang. ; éd. Waitz, p. 16.)

[118] Script. rerum Lang. ; éd. Waitz, p. 10-11. — Chap. 9.

[119] Bethmann-Hollweg : Archiv., XI, p. 365.

[120] Dom Bouquet, V, p. 737.

[121] Annales d'Éginhard, 792.

[122] André Dandolo (Muratori, Script. XII, p. 152-153, 155, 157). — Sickel, Regest. Carolina, n° 188 et 189.

[123] Tiraboschi (op. cit., II, p. 38, n° 20.)

[124] Mülhbacher : Mittheilung. d. Institüts für Œsterrei. Geschichtfors, I, p. 279-280. — Cité par Waitz, D. V., III, p. 405-409.

[125] Capitulaires, éd. Boretius. Pages 246-247.