MÉLANGES CAROLINGIENS

 

LA SUCCESSION DE CHARLEMAGNE ET LE TRAITÉ DE VERDUN.

 

 

Étude sur les règlements de partage de l'Empire carolingien et sur les origines de la Concorde.

 

L'avènement de Charlemagne à la dignité impériale souleva une question d'un grand intérêt qui touchait à l'existence même de la monarchie franque.

Depuis trois siècles la royauté et le royaume des Francs se transmettaient comme un héritage ordinaire, suivant toutes les règles du droit privé[1]. Si le roi laissait plusieurs fils, ils divisaient entre eux le royaume en parties égales et prenaient tous le titre de roi[2]. L'un d'eux venait-il à mourir, ses fils, s'il en avait, héritaient pareillement de sa part ; sinon ses frères se la partageaient[3]. Il pouvait arriver que le même prince recueillit la. succession de tons ses parents et réunit de nouveau toute la monarchie[4]. Mais sous le règne suivant un partage brisait encore une fois l'unité politique dont le maintien on la disparition ne dépendait que du hasard.

L'empire, au contraire, était en principe un et indivisible, comme l'Église elle-même qui perpétuait la plupart des traditions impériales[5]. Il était du reste, au temps de Charlemagne, conçu tout autrement que comme la propriété d'une famille. On se le figurait sans limites précises, embrassant le monde chrétien, se confondant en quelque sorte avec la société des fidèles. L'empereur, considéré comme un ministre de Dieu dans l'ordre temporel, avait pour mission de veiller sur l'Église et sur ses biens, de travailler de concert avec elle à la défense et à l'agrandissement du domaine de la foi[6].

Cette façon de concevoir l'empire pouvait exercer quelque influence sur le règlement de la succession de Charlemagne. Il semblait que la monarchie, au lieu d'être divisée entre ses fils, dût passer tout entière à un seul d'entre eux. Tel était sans nul doute le sentiment de l'Église que ses tendances portaient vers l'unité, l'ordre et la paix. Chaque partage du royaume amenait des querelles entre les rois, excitait leur jalousie mutuelle et leurs convoitises ; ces querelles favorisaient le désordre et l'anarchie et compromettaient gravement la solidité du royaume[7]. En renonçant à une coutume aussi dangereuse, on dit affermi le pouvoir monarchique et assuré au nouvel empire quelque chance de durée.

Il n'en fut pas ainsi : la coutume des partages continua d'être observée. Mais il s'écoula. plus de quarante années avant que cette question de l'héritage carolingien reçût une solution définitive. Dans l'intervalle, elle avait fait l'objet de plusieurs règlements impériaux, mis aux prises les partisans de l'unité et ceux de la tradition, provoqué des troubles et des révoltes. Nous nous proposons d'analyser ces règlements et de suivre dans les textes contemporains les traces de ces luttes. Le caractère et la portée du débat nous ont paru 'justifier une étude spéciale[8].

 

I

Le premier document qui s'offre à notre examen est le capitulaire que Charlemagne promulgua au mois de février 806 dans un plaid tenu à Thionville[9]. Il s'ouvre par un préambule : Comme vous n'ignorez pas, dit l'empereur en s'adressant à ses fidèles et à ceux de la sainte Église de Dieu, que la divine clémence nous a comblé de bénédictions en nous donnant trois fils, que grâce à elle nos vœux sont satisfaits et l'espoir du royaume assuré, et que nous n'avons plus à craindre l'oubli de la postérité, nous vous faisons savoir que notre désir est d'associer, de notre vivant, nos fils à la royauté que nous tenons de Dieu et de les avoir, s'il plaît à Dieu, après notre mort, pour héritiers de notre empire et royaume. Mais, par mesure d'ordre, pour éviter les querelles qui résulteraient de l'indivision, nous avons fait trois parts du royaume. Chacun de nos fils trouvera désignée et décrite celle dont il aura la défense et le gouvernement. Satisfait de sa part et obéissant à notre ordonnance, il s'appliquera à défendre, avec l'aide de Dieu, les frontières de son royaume et gardera à ses frères la paix et l'amour[10].

Ainsi Charlemagne, même après son couronnement, ne renonçait pas aux habitudes de sa race ; dans sa pensée la. royauté franque restait distincte de l'empire. Roi des Francs avant tout[11], il concevait l'État comme le patrimoine de ses fils ; ils avaient tous des droits égaux sur son héritage. Il prenait même la précaution d'assigner à chacun sa part, ne lui demandant que de se tenir satisfait de son lot et de laisser à ses frères la paisible possession des leurs. Déjà Charles Martel en 741, le roi Pépin en 768 avaient partagé d'avance leur succession entre leurs fils[12] ; Charlemagne ne faisait que suivre leur exemple.

A vrai dire, ce partage était depuis vingt-cinq ans un fait accompli. Dès 781 les plus jeunes fils de l'empereur, Pépia et Louis, avaient été sacrés rois par le pape Hadrien, l'un pour l'Italie et l'autre pour l'Aquitaine[13]. Il dit été bien dangereux de modifier l'ordre de choses établi. L'Église ne semble avoir fait, à ce moment, aucune tentative pour maintenir l'unité politique de l'empire. Quant à Charlemagne, il brisa cette unité sans hésitation, sans regret apparent ; il obéit simplement à une tradition.

Les pays de l'empire furent répartis de la façon suivante : le plus jeune des rois, Louis, eut l'Aquitaine avec la Gascogne, les pagi ou comtés burgondes de l'Ouest et du Midi, la Provence et la Septimanie ou Gothie ; Pépin reçut l'Italie ou Lombardie, la Bavière et l'Alamanie orientale ; Charles, l'aîné, eut tout le reste[14].

Quelle règle Charlemagne a-t-il observée dans ce partage ? La séparation des races ne l'a pas beaucoup préoccupé[15] ; il s'est contenté d'agrandir les cieux royaumes d'Italie et d'Aquitaine qui existaient déjà tout en réservant à son fils aîné une part plus forte de territoire, il a soin d'assurer l'indépendance des cieux autres de telle sorte qu'ils n'aient pas à subir la suprématie de leur frère[16]. Chaque royaume touche par quelque celé a la mer et aux frontières de l'empire ; il est aussi contigu aux deux autres royaumes. De cette façon chaque roi possède un pays ouvert et a ses deux frères à la fois pour voisins. Ils peuvent tous trois se porter un prompt secours en cas de danger ; c'est dans ce but, cela est dit formellement, qu'on a ménagé à chacun d'eux une route pour le passage de ses troupes à travers les Alpes[17]. Tous leurs intérêts sont ainsi sauvegardés. Eu outre les frontières communes ont été exactement tracées afin d'éviter toute contestation à ce sujet ; les neuves ou les montagnes qu'elles longent, les comtés qu'elles limitent sont indiqués avec une singulière précision.

Les dispositions qui suivent montrent que l'empereur n'avait alors aucune arrière-pensée et qu'il acceptait franchement la tradition de ses ancêtres. Il décide que, si l'un de ses fils meurt avant ses frères, son royaume sera partagé entre les survivants. Tous les cas ont été prévus : quel que Soit celui des rois qui meure le premier, le nouveau partage est arrêté d'avance[18]. Si le défunt laisse un fils et que le peuple veuille que ce fils hérite du royaume, ses oncles ne pourront pas s'y opposer[19].

En réglant ainsi par avance tous les détails de sa succession, l'empereur n'a qu'un souci, comme il le dit dans le préambule : éviter que des querelles ne s'élèvent entre ses fils après sa mort. La même préoccupation lui a dicté les mesures qui forment la deuxième partie de l'acte de Thionville. L'historien Éginhard les nomme très justement constitutions en vue du maintien de la paix[20]. Voici en effet comment s'exprime Charlemagne : Nous désirons que la paix règne toujours entre nos fils ; c'est pour cela que nous défendons qu'aucun d'eux essaie d'empiéter sur le territoire de son frère, y fasse une criminelle incursion dans le but de jeter le trouble dans son royaume ou de reculer ses frontières ; que chacun d'eux, au contraire, aide les autres et leur porte secours contre leurs ennemis, dans la mesure du possible, soit à l'intérieur du pays, soit au dehors[21].

L'empereur ne s'en tient pas là ; il prévoit bien d'autres causes de conflits et s'efforce de les supprimer par de sages conseils. Il recommande à ses fils de ne pas accueillir l'homme de leur frère qui, pour ses fautes ou pour tout autre motif, chercherait à se réfugier dans leur royaume ou réclamerait leur intercession ; le droit d'asile ou d'intercession ne servira aux coupables que dans le royaume de leur seigneur[22]. Les rois se comporteront de même à l'égard de tout homme libre qui quitterait son seigneur pour passer dans un autre royaume ; ni les rois ni leurs vassaux ne pourront le recevoir[23]. Après la mort de Charlemagne les hommes de ses fils ne pourront posséder de bénéfice que dans le royaume de leur seigneur, de peur que, s'il en était autrement, cela ne produise des querelles[24]. Il importe, en effet, au maintien de la bonne harmonie[25] que chacun ne se mêle que de ses propres affaires et qu'aucune contestation ne puisse survenir, pas plus à propos des personnes qu'à propos des territoires. Mais comme le bénéfice seul, et non la propriété héréditaire, lie le vassal à son seigneur[26], chacun peut garder ses biens patrimoniaux en quelque royaume qu'ils soient situés[27]. Tout homme libre dont le seigneur vient à mourir peut en choisir un autre dans l'un des trois royaumes à son gré ; de même celui qui ne s'est encore recommandé à personne[28]. Charlemagne montre encore une sage prévoyance lorsqu'il défend à ses fils d'acheter ou de recevoir de qui que ce soit, dans un autre royaume que le leur, des biens immobiliers, tels que terres, vignes, forêts, serfs établis sur un domaine (casati). Cette défense ne s'adresse qu'aux rois et non à leurs sujets ; elle ne concerne pas les achats d'or, d'argent, de pierres précieuses, d'armes, de vêtements, de serfs non fixés sur un domaine, de tous objets de commerce en général[29].

On vient de voir que l'empereur, tout en marquant des limites très nettes entre les royaumes de ses fils, dans l'intérêt de la paix, n'entend gêner en aucune façon les relations entre leurs sujets ; il les facilite même, afin de rapprocher et de fondre ensemble le plus possible les diverses races de l'empire. Ses fils donneront leur consentement aux mariages entre personnes qui appartiennent à deux royaumes différents. Il faut, dit-il, autoriser ces échanges et laisser les peuples s'unir par des alliances de famille. Les femmes une fois mariées garderont la jouissance des biens qu'elles possédaient dans leur pays d'origine[30].

Au sujet des gens qui sont gardés comme Mages en divers endroits et de ceux qui sont bannis pour crime, Charlemagne prêche aux rois une entente amicale. Chacun d'eux, avant de renvoyer à ses frères les Mages ou les bannis qui se trouvent dans son royaume, s'assurera de leur consentement ; à l'avenir ils se rendront mutuellement le service d'en recevoir d'autres[31].

Toujours attentif à prévenir les querelles, l'empereur veut que, s'il se produit des difficultés, en dépit de ses précautions, elles soient résolues par des moyens pacifiques. Si une discussion s'élève à propos des limites des royaumes, et que le témoignage des hommes ne suffise pas pour éclaircir l'affaire et terminer le débat, nous voulons qu'on recherche la vérité et la volonté divine dans l'épreuve de la croix ; mais jamais en aucune affaire de cc genre la bataille ne sera prononcée[32]. De même, si une infraction aux présents statuts vient à être commise par faute ou ignorance, les trois frères devront s'appliquer dans le plus bref délai à la réparer selon la justice, de peur que le moindre retard n'aggrave le mal causé[33].

En ce qui touche les rapports des rois avec l'Église et avec le pape, Charlemagne trace, en ces termes, les devoirs de ses fils : Avant tout nous ordonnons que les trois frères se chargent ensemble du soin et de la défense de l'Église de Saint-Pierre, comme l'ont fait jadis notre aïeul Charles, le roi Pépin, notre père, d'heureuse mémoire, comme nous l'avons fait après eux ; qu'ils s'efforcent de la défendre avec l'aide de Dieu contre ses ennemis et de faire respecter ses droits, autant qu'ils le doivent et que la raison l'exigera. Pareillement, à l'égard des autres églises qui sont sous leur dépendance, qu'ils fassent en sorte qu'elles conservent leurs droits et leurs honneurs, et que ceux qui ont la surveillance et le gouvernement des lieux saints continuent à jouir des biens attachés à ces églises, en quelque royaume qu'ils soient situés[34].

Ainsi le patronat exercé à Rome et dans l'État pontifical par les Carolingiens fait en quelque sorte partie du patrimoine de leur famille. Charlemagne, au lieu de le réserver à celui de ses fils qui portera le titre d'empereur, le lègue à tons trois comme l'héritage de ses ancêtres. Il convient de remarquer la situation particulière de l'Église romaine à côté des autres églises. Son territoire n'est compris dans aucun des trois royaumes et reste en dehors du partage[35] ; le pape est traité en souverain à peu près indépendant[36].

Charlemagne se préoccupe également du sort de ses filles et de ses petits-fils. Les premières seront libres de choisir, après la mort de leur père, celui de leurs frères qui leur servira de tuteur. Si l'une d'elles veut embrasser la vie monastique, elle en a le droit ; celles qui seraient demandées en mariage et qui auraient du goût pour la vie conjugale, demanderont le consentement de leurs frères qui ne pourront le refuser[37]. Les rois traiteront avec douceur leurs fils et leurs neveux. Aucun de ceux-ci, pour quelque motif que ce soit, ne subira, sur une simple accusation et sans examen sérieux, la mort, la mutilation, la perte de la vue, la réclusion forcée dans un cloître. Nous voulons qu'ils soient honorés auprès de leurs pères et de leurs oncles, mais qu'ils leur témoignent en tout la parfaite soumission qui est due à de tels parents[38]. On voit que Charlemagne a gardé le souvenir de ces drames de famille, dont les chroniqueurs mérovingiens nous ont laissé le récit et qu'il craint le retour de pareilles cruautés[39].

Les rois devront observer scrupuleusement toutes les dispositions que leur père jugerait bon d'ajouter, dans leur intérêt commun, aux précédentes[40]. Charlemagne déclare, en terminant, se réserver, tant qu'il vivra, la plénitude de l'autorité comme roi et comme empereur. Il entend que ses fils et tout son peuple continuent à lui montrer, jusqu'à sa mort, l'obéissance absolue que des fils doivent à leur père et que des sujets doivent à leur empereur et roi[41].

En faisant ce règlement, l'empereur avait, semble-t-il, l'esprit dominé par une idée il comprenait les dangereux inconvénients de la coutume des partages et, tout en se conformant à cette coutume, il cherchait à en atténuer les effets. D'une part il marque des limites aussi nettes que possible entre les trois royaumes, il assure à chacun de ses fils une complète indépendance ; mais, de l'autre, il s'efforce de les rapprocher, il les exhorte à la paix, à la charité mutuelle, il veut qu'ils s'entraident. Les mesures que renferme le capitulaire de Thionville doivent, dans la pensée de Charlemagne, suppléer à l'absence d'unité politique dans l'empire, en y maintenant une certaine unité morale qui profitera au bien de tous, aux rois, à leurs sujets, à l'Église. Cette idée reparaît dans l'instruction qui fut rédigée à la même époque pour les missi : Que tout le peuple promette, dit l'empereur, d'adhérer aux statuts que nous avons faits en vue de la paix par la concorde entre nos fils[42].

Ce dessein n'était pas nouveau. Nous avons pu reconnaître, en lisant le règlement qui précède, que l'influence de la tradition et des souvenirs du passé était très forte sur l'esprit de Charlemagne. Peut-être, lorsqu'il essayait de fonder ce régime de concorde, l'empereur suivait-il encore une tradition. Nous n'avons plus malheureusement les règlements de partage antérieurs à 806[43] ; mais certains textes fie l'époque mérovingienne laissent supposer que, dès les premiers temps de la monarchie franque, l'Église se servit des préceptes de l'Évangile, des idées de fraternité chrétienne, pour unir les rois sans cesse divisés par des questions de partage[44]. La sécurité du royaume, l'ordre à l'intérieur dépendaient de cette union. Deux fils de Clovis, les rois Childebert et Clotaire prennent en commun des mesures en vue de l'ordre public[45]. Ils décident que les agents chargés de poursuivre les malfaiteurs pourront aller et venir entre leurs communes provinces : car entre nous, disent-ils, la charité fraternelle a formé, grâce à Dieu, un lien indestructible. Environ trente ans après, en 587, le roi Gontran et son neveu Childebert font ensemble le célèbre traité d'Andelot[46]. Ils commencent par déclarer qu'ils se sont réunis par esprit d'autour (caritatis studio), pour régler toutes les questions qui pouvaient engendrer querelle entre eux. En présence de Dieu, des évêques et des grands, ils ont résolu que, toute leur vie durant, ils se garderaient l'un à l'autre la foi et l'amour en toute pureté et simplicité, Les affaires traitées dans cette entrevue ont beaucoup d'analogie avec celles qui font l'objet du règlement de Thionville. Les deux rois se partagent la succession du roi Caribert, frère de Gontran[47]. Ils conviennent de se léguer mutuellement leur royaume, s'ils ne laissent pas de fils[48]. Quand l'un d'eux mourra, ils promettent de prendre sous leur tutelle, Childebert, la fille de Gontran, et Gontran, la reine Brunehaut, mère de Childebert ainsi que la sueur et la veuve de celui-ci[49]. Le roi Gontran garantit aux fils de son neveu l'héritage de leur père[50]. Viennent ensuite des clauses relatives à la situation des leudes. Ceux qui, à la mort de Clotaire Ier, ont juré fidélité à l'un de ses fils Gontran et Sigebert, puis, violant leur serment, Ont quitté l'un pour suivre l'autre, seront rendus à leur seigneur légitime. Les deux rois prennent l'engagement de ne pas chercher à s'enlever l'un à l'autre leur leudes, et de repousser ceux qui viendraient à eux en trahissant leur foi[51]. Ils confirment les donations faites aux églises[52] ; ils promettent à leurs fidèles de respecter leurs droits et les propriétés qu'ils possèdent dans les cieux royaumes[53]. Enfin, ils décident que leurs sujets circuleront librement entre les deux royaumes, pour affaires publiques ou privées, et la raison qu'ils en donnent, c'est qu'ils sont unis ensemble, au nom de Dieu, par les liens de la concorde en toute pureté et simplicité[54]. Ainsi la concorde des rois effaçait, dans une certaine mesure, les frontières entre les royaumes francs ; l'unité morale de la monarchie survivait au partage du territoire et de l'autorité royale[55].

Le langage tenu par les rois francs dans les textes que nous venons de citer n'est que l'écho de la doctrine prêchée par l'Église franque, celle qu'on trouve exposée dans les ouvrages des Pères, particulièrement dans la Cité de Dieu de saint Augustin. La société chrétienne, conçue à l'image du royaume de Dieu, doit tendre ici-bas à réaliser la concorde idéale, celle qui règne entre les membres de la cité céleste. Elle y parviendra si chacun aime le prochain comme un frère, s'il l'aide en toute occasion, s'il s'abstient de toucher à ses droits ou à sa propriété, s'il est fidèle aux engagements qu'il a contractés envers lui, s'il s'efforce de vivre en paix avec son prochain[56].

Il est très fréquent de rencontrer dans les actes publics l'expression de cette idée. Au temps de Charlemagne, un synode d'évêques prend la résolution suivante : Unis par un lien indissoluble d'amour réciproque, il convient que nous honorions Dieu, notre Père céleste, d'une voix unanime, et que nous maintenions fermement entre nous la paix par la concorde, qui s'impose continuellement à tout le peuple chrétien[57]. Cette conception toute religieuse de l'ordre et de la paix générale a laissé des traces nombreuses dans les capitulaires de Charlemagne[58]. Le premier conseil que l'empereur adresse aux grands, aux évêques, aux comtes et aux autres fonctionnaires, c'est, d'être pacifiques et de pratiquer la charité les nus à l'égard des autres : Que la paix, la concorde, l'union règnent dans tout le peuple chrétien entre les évêques, les abbés, les comtes, les fonctionnaires et les personnes de toute condition, parce que sans la paix rien ne plaît à Dieu.... Il est commandé dans la loi sainte : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, et dans l'Évangile : Heureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés les fils de Dieu. Et ailleurs : On connaitra que vous êtes mes disciples, en ce que vous vous aimerez les uns les autres[59]. Ce sont les mêmes principes qui doivent, d'après les statuts de Thionville, présider aux relations des rois francs.

Ces statuts reçurent une grande publicité ; il n'y manqua, en apparence, aucune garantie. Les grands les confirmèrent par serment[60] ; les prédécesseurs de Charlemagne avaient toujours soumis à l'approbation des optimales leurs règlements de partage[61]. De plus, tous les hommes libres durent y donner leur adhésion, mue les missi furent chargés, cette année là, de recueillir[62]. Enfin l'empereur les fit porter au pape qui les ratifia en y apposant sa signature[63].

La mort prématurée de Charles et de Pépin vint bientôt les rendre inutiles. Toutefois, comme ils étaient l'œuvre du grand empereur, et que celui-ci les avait faits conformes à la tradition[64], ils continuèrent à être respectés et eurent une influence très sensible sur les règlements de succession ultérieurs.

On a été fort surpris que Charlemagne n'ait pas réglé en 806 la transmission du titre impérial ; il n'en est pas question dans le capitulaire de Thionville. Le silence de l'empereur a été diversement interprété. L'historien Lehuërou accuse Charlemagne d'indifférence à l'égard de son empire, dont il semble abandonner les destinées au hasard, comme s'il en pressentait la ruine prochaine[65]. Selon d'antres, il n'osait pas d'abord disposer de la dignité impériale, soit qu'elle lui partit toute personnelle[66], soit qu'il craignit d'en faire un sujet de discorde entre ses fils[67]. Pourtant ses idées s'étaient modifiées sur ce point, lorsqu'en 813 il couronna empereur son fils Louis. Si l'on songe qu'il n'avait pas alors d'autre héritier[68] et que ses inquiétudes n'avaient plus de raison d'être, la dernière hypothèse devient vraisemblable. Mais elle ne nous satisfait pas plus que les précédentes.

On sait, en effet, quelle fut, à partir du 25 décembre de l'an 800, la conduite de Charlemagne vis-à-vis de la cour de Byzance[69]. Il mit tout en œuvre pour faire reconnaître son titre d'empereur par les souverains grecs : ce fut l'unique objet de ses négociations avec eux. Eût-il montré cette ténacité dans ses réclamations, s'il avait été résigné à ne point transmettre à l'un de ses enfantas la dignité impériale, à la laisser s'éteindre avec lui ? Gela n'est pas admissible. Nous croyons qu'en 806 il la destinait à son fils aîné Charles[70], sans y attacher toutefois d'autre privilège que la possession d'un territoire plus étendu[71]. La tradition, qu'il respectait, voulait que chacun de ses fils eût l'autorité royale dans les pays dont se composait sa part. La suprématie que l'on voyait encore dans l'idée de l'empire ne pouvait être que nominale[72] ; l'empereur n'entendait point subordonner Louis et Pépin à leur frère aîné[73].

Charlemagne ajournait donc simplement la désignation de son successeur. Il attendait sans doute, pour donner plus d'éclat au couronnement de son fils, que son titre impérial eût reçu, par l'adhésion du souverain de Constantinople, une consécration définitive. Depuis trois ans, les deux cours d'Orient et d'Occident avaient cessé tous rapports. Mais l'annexion à l'empire carolingien de Venise et du littoral dalmate, les périls de tout genre dont l'empereur Nicéphore était entouré, devaient. bientôt décider celui-ci à un rapprochement avec Charlemagne. Les négociations furent rouvertes en 810 ; elles aboutirent, au milieu de l'année 812, à un traité qui donnait satisfaction à Charlemagne[74]. Des envoyés de la cour d'Orient vinrent à Aix-la-Chapelle le saluer du titre de Basileus, que la chancellerie byzantine réservait exclusivement à l'héritier légitime des Césars[75]. Mais, à cette date, Charles, le futur empereur, était mort, ainsi que son frère Pépin ; ce fut le roi d'Aquitaine, Louis, qui recueillit la succession impériale.

Au mois de septembre de l'année suivante, Charlemagne, averti par l'fige et la maladie de sa fin prochaine, appela auprès de lui son fils et réunit dans le palais d'Aix un grand nombre d'évêques, d'abbés, de ducs, de comtes et d'autres fonctionnaires. Il les interrogea tous, depuis le plus élevé en dignité jusqu'au plus humble, demandant à chacun s'il consentait à ce que le titre d'empereur passai à Louis. Après ce simulacre d'élection, il procéda, le dimanche suivant, au couronnement de Louis dans l'église d'Aix, en présence des évêques et de tous les grands. Il lit promettre à son successeur d'aimer et de craindre Dieu, d'observer en tout ses préceptes, de gouverner ses églises et de les défendre contre les méchants, de traiter avec bonté ses sœurs et ses plus phis jeunes frères, les fils naturels de l'empereur, ses neveux et tous ses parents, d'honorer les prêtres comme des pères, de chérir ses sujets comme des fils[76]. Puis il plaça sur la tête de Louis la couronne impériale[77], et le peuple poussa des acclamations en l'honneur du nouvel empereur, comme avaient fait les Romains, le jour du couronnement de Charlemagne[78].

La même année, le vieil empereur donna une nouvelle preuve de son attachement aux traditions de sa famille. Le roi d'Italie, Pépin, avait laissé un fils nommé Bernard. La loi franque n'admettait pas la représentation du petit-fils dans l'hérédité d'un grand-père, a moins d'une disposition spéciale de ce dernier[79] ; de plus Bernard était un enfant naturel[80]. Malgré cela Charlemagne lui laissa une part du patrimoine de Pépin, le royaume de Lombardie[81]. Dès l'année 812, Bernard avait été envoyé en Italie[82]. L'année suivante, à l'occasion du couronnement de Louis, il fut confirmé dans son gouvernement et dans la possession du titre royal[83] Ainsi, à la veille de la mort de Charlemagne, aucun changement n'avait été encore apporté au droit successoral de la monarchie franque.

 

II

A l'avènement de Louis le Pieux, en 814, son neveu Bernard vint lui jurer fidélité[84]. Le sens de cet acte nous paraît très clair. On a vu que Charlemagne s'était réservé, sa vie durant, l'autorité pleine et entière sur tout l'empire, et qu'il avait exigé de ses fils une soumission absolue à ses ordres[85] ; il avait imposé le même devoir à ses petits-fils vis-à-vis de leur père ou de leurs oncles[86]. Sa mort ne changeait donc rien à la situation de Bernard qui resta placé, vis-à-vis du nouvel empereur, dans le même rapport d'étroite dépendance[87] ; il ne chercha pas à en sortir, du moins pour le moment.

Vers la même époque, Louis, à l'exemple de son père, envoya deux de ses fils gouverner certaines parties de l'empire avec le titre de rois : Lother, l'aîné, fut roi de Bavière ; le second, Pépin, roi d'Aquitaine[88]. L'Aquitaine formait déjà un royaume particulier, la Bavière avait été longtemps indépendante sous le gouvernement de ses ducs ; le choix de ces deux pays s'explique aisément. Le dernier fils de l'empereur, Louis, vu son jeune âge, resta à la cour.

Trois ans après, Louis le Pieux, effrayé par un accident où il faillit être tué[89], songea à son tour à régler sa succession. On a conservé son règlement qu'on désigne sous le titre de Ordinatio imperii, et qu'il est intéressant de comparer à celui de Thionville[90].

Le préambule en fait déjà connaître les traits essentiels et l'esprit qui l'a inspiré : Au nom du Seigneur Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, Louis, empereur auguste par la grâce de la Divine Providence. L'an de l'Incarnation 817, au mois de juillet, comme nous avions réuni, suivant l'usage, dans notre palais d'Aix-la-Chapelle un pieux synode et une assemblée générale de notre peuple pour discuter les affaires de l'Église et de tout l'empire, au milieu de ce travail nos fidèles, poussés par une soudaine inspiration de Dieu, nous engagèrent à profiter de notre santé et de la paix générale pour nous occuper, selon la coutume de nos pères, de l'organisation du royaume tout entier et du sort de nos fils. Bien que ce conseil fut inspiré par le dévouement et la fidélité, nous n'avons pas été d'avis, nous et les hommes de jugement sain, de briser par une division humaine l'unité de l'empire, en cédant à notre tendresse paternelle, dans la crainte de provoquer un scandale dans la sainte Église et d'offenser celui de qui dépendent tous les royaumes[91]. De ces premières lignes il ressort deux faits. D'abord, il y avait en présence, dans l'entourage de l'empereur, deux opinions très distinctes, deux partis nettement opposés l'un à l'autre. Parmi les conseillers de Louis,-plusieurs, qui subissaient l'influence de la tradition et de l'exemple de Charlemagne, le poussaient à partager l'empire entre ses fils. Mais les plus sages (hi qui sanum sapiunt) étaient d'avis de maintenir l'unité de la monarchie ; ce furent ceux-ci qui l'emportèrent. On voit d'autre part que ces partisans de l'unité appartenaient à l'Église ou tout au moins étaient dirigés par elle, cela se reconnaît à la nature des arguments qu'ils invoquent.

Continuons notre lecture : C'est pourquoi nous jugeâmes nécessaire de demander à Dieu par des jeûnes, des prières, des distributions d'aumônes, ce que notre faiblesse n'osait prendre sur elle-même. Au bout de trois jours, il arriva, par la volonté du Dieu tout-puissant, croyons-nous, que notre vœu et celui de tout le peuple se rencontrèrent dans l'élection de notre fils aîné Lother. Éclairés par cette preuve de la grâce divine, nous résolûmes, nous et tout le peuple, de le couronner, suivant l'usage, du diadème impérial, et de l'instituer notre collègue et, s'il plaît à Dieu, notre successeur à l'empire[92]. Les partisans de l'unité étaient fort pressés, cela se conçoit, de faire, désigner et associer tout de suite à l'empire le futur héritier de toute à monarchie. il fallait habituer les grands à son autorité, surtout à l'idée que cette autorité s'étendait sur tout l'empire.

Il convient de rapprocher de ce paragraphe l'article final des statuts, qui règle la transmission du pouvoir impérial, dans le cas où Lother viendrait à mourir sans enfants. Louis le Pieux fait appel au dévouement de son peuple, à la sincérité et à la fermeté de sa foi qui lui ont valu un renom presque universel, afin qu'il fasse choix de l'un des frères de Lother pour remplacer celui-ci, dans l'intérêt du salut commun, de la tranquillité de l'Église et de l'unité de l'empire. Les formes qu'on a suivies, lors de l'élection de Lother, le seront encore à cette occasion, car dans le choix d'un empereur il faut chercher à remplir la volonté de Dieu et non celle des hommes[93]. On voit d'après cela que l'empire se transmettait suivant les lois ordinaires de l'hérédité, mais à une seule personne et sans tenir compte de la. primogéniture[94]. Le choix de l'empereur était remis, en apparence, au peuple tout entier, pour obéir à la tradition romaine. Avant l'élection on procédait à une sorte de consultation de la volonté divine[95]. Ce détail s'explique par l'idée qu'on se faisait alors des devoirs impériaux. Du moment que l'empereur avait polir mission de protéger l'Église de Dieu et la religion chrétienne, il était tout naturel qu'on demandât d'abord à Dieu de désigner son élu.

Voyons la suite du préambule : Quant aux frères de Lother, Pépin et Louis, d'un commun avis il fut décidé qu'ils porteraient le titre de rois et qu'on leur réserverait les pays ci-dessous indiqués pour y exercer, après nous, le pouvoir royal sous l'autorité de leur frère aîné, conformément aux articles énumérés plus bas qui règlent les rapports que nous établissons entre eux[96]. Après avoir proclamé l'empire indivisible, l'empereur consent donc à laisser à ses fils puînés une part de son héritage. C'est qu'il juge nécessaire de faire une concession à la coutume ; il faut examiner quelle en est l'importance.

Regardons d'abord le peu d'étendue qu'ont les royaumes de Pépin et de Louis. Le premier comprend l'Aquitaine, ses annexes, le Toulousain et la Gascogne, plus quatre comtés, celui de Carcassonne en Septimanie, ceux d'Autun, d'Avallon, de Nevers en Burgundie[97]. Le second se compose de la Bavière, à laquelle on a rattaché les peuples tributaires de l'Est, les Carinthiens, les Bohémiens, les Avares[98]. Les territoires qui formaient en 806 la part des fils puînés de Charlemagne étaient de beaucoup plus vastes. Ceux-ci sont de simples apanages détachés du domaine impérial. On n'observera pas pour la transmission de ces deux royaumes les règles habituelles. Si l'un des cieux rois meurt sans laisser de fils légitimes, sa part ne sera point divisée entre ses frères, mais reviendra tout entière à l'aîné[99]. Si le défunt laisse plusieurs fils, ceux-ci ne se partageront pas davantage la succession paternelle ; un seul la recueillera, celui que le peuple aura choisi, toujours sous l'inspiration de Dieu[100]. Enfin, pour déguiser la légère atteinte que l'existence de ces cieux royaumes porte au principe même de l'unité, on les désigne non par le terme de regna, mais par celui de potestates[101]. ils forment pour ainsi dire de simples provinces de l'empire dont les administrateurs ont le titre de rois[102].

Louis et Pépin sont, en effet, placés sous les ordres de leur frère aîné (sub seniore fratre). Il ne s'agit pas là d'une suprématie purement nominale. Lother tient ses frères dans une dépendance réelle. Ils doivent, une fois l'an, en temps opportun, lui rendre visite ; ils viendront ensemble ou l'un après l'autre, suivant que les circonstances le permettront. Ils tiendront conseil avec l'empereur sur les mesures urgentes à prendre, sur les questions qui touchent à l'intérêt commun ou au maintien de la paix. ils apporteront avec eux des dons[103]. Si l'un d'eux, retenu par un obstacle insurmontable, ne peut venir à l'époque habituelle, il en avertira son frère et lui fera remettre ses dons par ses envoyés ; à condition toutefois de venir en personne, sitôt qu'il le pourra, sans se retrancher derrière des prétextes futiles[104]. Ces dons annuels sont en quelque sorte le signe de la subordination des deux frères qui se trouvent par là assimilés aux autres fidèles de l'empereur[105] ; on sait que ces dons avaient alors le caractère d'une contribution régulière et obligatoire[106].

Lother conserve la haute main sur la direction des affaires extérieures de l'empire. Les deux rois ne peuvent engager une guerre ni conclure la paix sans prendre son avis et son consentement. Mais il ne l'attendront pas pour repousser une brusque agression, une irruption soudaine de l'ennemi sur leur territoire[107]. S'ils reçoivent une ambassade d'un peuple étranger et qu'il s'agisse d'un traité à négocier, d'une guerre à conduire, de places à recevoir, ils s'abstiendront de répondre aux envoyés sans avoir consulté leur frère. Pour les autres cas, ils feront eux-mêmes la réponse[108]. Toutefois ils auront soin de porter à la connaissance de Lother tout ce qui se passe à la frontière de leur pays, afin qu'il soit toujours prêt aux mesures exigées par la situation et l'intérêt du royaume[109].

Dans les affaires intérieures les rois sont un peu plus libres. Ils disposent de tous les honneurs, c'est-à-dire des évêchés, des abbayes, des comtés, à la condition de respecter les lois ecclésiastiques et de ne consulter, pour les fonctions civiles, que le mérite et la capacité des personnes[110]. Ils perçoivent, dans les limites de leur province, les tributs, les cens et les revenus des mines, afin de pouvoir subvenir aux besoins de leurs royaumes, et de présenter à leur frère ainé des dons plus convenables[111].

Mais l'empereur est investi, à leur égard, d'un droit de surveillance et d'une sorte de juridiction morale, S'il arrivait que l'un d'eux abusât de son pouvoir pour opprimer les églises et les pauvres, semer la division et se conduire en tyran, Lother devrait l'avertir, d'abord discrètement, de réparer ses torts et, après trois avertissements, s'il persiste, le faire comparaitre devant lui en présence de son autre frère pour le réprimander avec l'amour d'un père et d'un frère. S'il ne tenait pas compte de ses salutaires avis, un conseil se réunirait pour décider de son sort afin que le coupable sur lequel les remontrances n'auraient eu aucun effet, cédât à l'autorité impériale et à la décision de l'assemblée[112].

Même en dehors de ces cas exceptionnels les deux rois sont placés sous la tutelle de leur frère aîné. Si, à la mort de leur père, ils n'ont pas atteint fixé par la loi Ripuaire, Lother les gardera près de lui et se chargera de gouverner leurs parts[113]. Quand ils seront en âge de se marier, il ne pourront le faire sans son consentement[114]. Ils ne partagent pas avec lui, comme l'aurait voulu le règlement de Thionville, la tutelle des autres membres de leur famille ; c'est à Lother seul que ce soin est confié. Si l'un d'eux vient à mourir en laissant plusieurs fils, Lother traitera comme son frère et son fils celui de ses neveux qui sera choisi par le peuple, et, l'élevant à la dignité paternelle, il observera de tous points à son égard le présent règlement[115]. Quant aux autres enfants il s'entendra avec l'autre roi pour qu'ils soient élevés dans leur entourage[116]. Si le défunt ne laisse que des fils naturels, Lother se montrera pour eux plein de pitié[117].

En résumé, Pépin et Louis ne gouvernent pas à eux deux le tiers du territoire de l'empire ; encore leurs royaumes ne sont-ils pas leur propriété, puisqu'ils échappent aux règles concernant les héritages. Pépin et Louis n'y sont rois que de nom[118] ; leurs pouvoirs ont été restreints de façon à ne laisser qu'à Lother l'autorité souveraine et la direction suprême de l'empire. Tels sont les moyens dont on s'est servi pour concilier le maintien de l'unité avec la coutume des partages. Vous aviez réservé à vos fils puînés certaines parties du royaume, dit à Louis le Pieux l'archevêque Agobard, mais vous aviez mis au-dessus d'eux celui avec lequel vous partagiez le titre d'empereur, afin qu'il n'y eût, pas trois royaumes, mais un seul[119].

Le neveu de l'empereur, Bernard, est encore moins favorisé ; le règlement ne le nomme point mais il renferme un article ainsi conçu : Le royaume d'Italie restera soumis en tout à notre fils Lother (si Dieu consent à ce qu'il nous succède), connue il l'a été à notre père et qu'il l'est encore à nous-thème par la volonté de Dieu[120]. La situation de Bernard ne parait pas changée ; mais il perd tous les droits qu'il tenait de son aïeul Charlemagne. L'exclusion prononcée contre les fils illégitimes des rois s'applique bien à lui ; il n'exercera donc jamais le pouvoir royal en son propre nom ; il obéira à son cousin, devenu empereur, comme un simple fonctionnaire impérial.

A côté de ces dispositions qui marquent un changement très sensible dans les règles successorales du royaume franc, d'autres articles sont empruntés directement aux statuts de 806. Une phrase tout entière de l'article final de ces statuts est reproduite mot pour mot dans le préambule : Louis le Pieux, à l'exemple de son père, déclare vouloir exercer jusqu'à sa mort le pouvoir souverain[121]. Par l'article neuf, il défend comme l'a fait déjà Charlemagne, que les vassaux de ses fils détiennent des bénéfices hors du royaume de leur seigneur, afin d'éviter les discordes[122] ; mais ils pourront conserver leurs biens héréditaires en quelque partie de l'empire que ce soit. Tout homme. libre a le droit, s'il n'a pas de seigneur, de se recommander à l'un des rois[123]. L'article onze décide que les églises de la Francia continueront à jouir de leurs biens situés en Aquitaine, en Italie, on dans toute autre province de l'empire, ainsi qu'elles l'ont fait sous Charlemagne et qu'elles peuvent encore le faire[124]. L'article treize autorise les unions entre sujets de deux régions différentes de l'empire, afin de resserrer par ce moyen les liens de la paix[125].

Louis le Pieux n'oublie pas non plus de rappeler à ses fils les devoirs de la concorde chrétienne. Il les engage à régler leurs affaires communes avec un amour fraternel réciproque[126]. Il veut que Lother, lorsqu'il recevra les dons annuels de ses deux frères, leur en fasse à son tour de plus généreux, en s'inspirant de la piété et de la tendresse fraternelles[127]. S'ils réclament son aide contre les peuples étrangers, il devra, suivant les circonstances, se porter en personne à leur secours ou leur envoyer tout au moins ses fidèles avec des troupes[128]. Enfin il est défendu à Pépin et à Louis de prendre pour femmes des étrangères, afin de supprimer les occasions dangereuses et de prévenir les discordes[129].

Ces analogies entre les statuts de 806 et ceux de 817 se comprennent aisément. Les dispositions maintenues.par Louis le Pieux, les exhortations qu'à l'exemple de son père il adresse à ses fils avaient encore leur utilité dans le règlement nouveau. Louis et Pépin ne devaient pas se résigner facilement à leur situation. Ils essaieraient sans doute de se prévaloir de la coutume pour réclamer les mêmes droits que leur frère aîné ; la suprématie de Lother devait leur paraitre gênante et les obligations qu'on leur imposait à son égard, bien lourdes à remplir. Il était naturel que l'empereur songeât à prévenir tous les incidents qui pouvaient altérer les bons rapports déjà difficiles entre les trois frères, et surtout à leur inspirer des sentiments de tolérance et d'affection mutuelles[130].

Cette préoccupation est déjà visible dans les lignes qui terminent, le préambule. Ces articles ont été conçus, dit l'empereur, en vue de l'intérêt de l'empire, du maintien de la paix entre ses fils et de la défense de l'Église ; après avoir été discutés en commun avec tous nos fidèles, ils ont été rédigés par notre ordre, et nous y avons mis notre signature afin que, Dieu aidant, ces articles qui sont l'expression d'un vœu unanime, soient inviolablement respectés de tous, pour la paix perpétuelle de nos fils et celle de tout le peuple chrétien[131]. Mais le maintien de la concorde entre les rois n'est plus évidemment, comme en 806, l'objet principal des statuts. Il s'agit avant tout, cette fois, de régler la succession impériale de la manière la plus conforme aux intérêts de l'Église et de l'empire[132] Telle est la véritable pensée de Louis le Pieux. A ce moment il semble que la dignité impériale commence à effacer de son prestige la vieille royauté franque[133]. Louis le Pieux a mis de côté le titre de roi des Francs et des Lombards que Charlemagne n'avait pas quitté ; il s'intitule seulement l'empereur auguste[134]. Au-dessus de la règle traditionnelle il place le principe de l'unité de l'empire. Son premier soin, après avoir proclamé ce principe, est de désigner l'héritier de toute la. monarchie et de l'associer A. son pouvoir impérial. S'il laisse à ses plus jeunes fils le titre           de rois avec une partie de son héritage, il confère à l'aîné un pouvoir supérieur, de telle sorte que l'unité de direction de tout l'empire ne soit en aucune façon compromise.

On connait les noms de ceux qui dirigeaient alors le parti de l'unité et qui furent les inspirateurs du règlement d'Aix-la-Chapelle. Ils sont revêtus pour la plupart de hautes dignités ecclésiastiques, ce qui confirme l'hypothèse que nous formulions tout à l'heure. Parmi eux on distingue le chancelier Elisachar, qui gouvernait plusieurs monastères, l'archichapelain Hilduin, abbé de Saint-Denis, l'archevêque de Lyon, Agobard, enfin Adalhard et Wala, deux cousins de l'empereur qui furent l'un et l'autre abbés de Corbie[135]. Wala et Agobard sont les chefs de ce groupe. Le premier avait été l'un des principaux ministres de Charlemagne ; tombé eu disgrâce à l'avènement de, son fils, il reprit au bout de quel-pies années sa place dans le conseil. Il n'avait pas encore regagné la faveur impériale, lors du plaid de 817 ; ce furent néanmoins ses idées qui prévalurent dans cette occasion. Les hautes fonctions qu'il avait exercées, son expérience du gouvernement lui donnaient une autorité prépondérante : il était vraiment la tête du parti[136]. Agobard en était l'organe ; c'était par ses écrits que l'archevêque de Lyon servait la cause de l'unité. On a de lui plusieurs opuscules, presque tous composés au milieu de la lutte que lui et ses amis entreprirent, quelques années plus tard, CH faveur des statuts de 817[137].

Les hommes de ce parti n'ont point en vue seulement les intérêts de l'Église. Ils font valoir sans doute la nécessité, pour les églises, d'avoir leur indépendance garantie, et de jouir, à l'égard de leurs domaines, d'une sécurité, d'une liberté absolues[138]. Mais ils ont surtout un sentiment très juste et très profond des besoins de l'empire franc. Ils songent à assurer la défense des frontières, l'ordre et la paix à l'intérieur. Ils considèrent avec raison que le maintien de l'unité affermira le pouvoir, donnera à l'empereur plus d'autorité et de prestige, tandis que les partages affaibliront la monarchie et l'exposeront à sa ruine[139], Certains de leurs arguments, d'une nature tout ecclésiastique, méritent quelque attention. Un partage de l'empire leur semblerait une offense à la majesté divine, puisque le Sauveur a dit : Tout royaume divisé en lui-même sera en proie à la désolation[140]. Ils ont du invoquer ce texte de l'Évangile, à l'appui de leurs prétentions, dans le conseil où fut discuté le règlement de 817[141]. Une lettre d'Agobard à l'empereur contient ces mots : L'unité, cette grande œuvre de Dieu[142]. Aux yeux de cet archevêque, le peuple chrétien obéissant à une même loi, à une même autorité, présente une image plus parfaite de la Cité divine[143]. Lui et Wala voient dans l'unité politique l'une des conditions de cette concorde idéale que l'Église travaillait à établir dans le monde chrétien[144].

Ces idées toutefois n'étaient point, on l'a vu plus haut, comprises de tous les grands. Si les partisans de l'unité persuadèrent aisément le pieux empereur, en éveillant ses scrupules religieux, ils ne réussirent pas à abolir un usage constamment suivi depuis trois siècles, auquel le fondateur de l'empire lui-même n'avait pas essayé de se soustraire. Le règlement de Thionville lui avait donné une consécration récente. Les concessions faites au passé dans les statuts de 817 sont une preuve de l'influence que la tradition exerçait encore sur les esprits. La suite des événements achèvera de le faire voir.

Aucune résistance ne parait s'être produite lors du placite d'Aix-la-Chapelle ; dans ces sortes d'assemblées la volonté de l'empereur faisait loi[145]. Les textes nous disent que les grands donnèrent une approbation unanime au projet arrêté d'avance dans le conseil impérial[146]. Mais quelques mois s'étaient à peine écoulés qu'on apprenait la révolte de Bernard. Le roi d'Italie était celui qui perdait le plus dans la nouvelle constitution de l'empire. Après s'être résigné à un rôle subalterne du vivant de son oncle, Bernard comptait bien, à la mort de Louis le Pieux, recouvrer son indépendance, peut-être même se croyait-il autant de droits que Lother à la couronne impériale[147] ; et voilà qu'un règlement préparé à son insu le dépouillait de son patrimoine et le réduisait à la condition de sujet. Il protesta par une prise d'armes ; plusieurs comtes et même quelques évêques le soutinrent[148]. On connait l'issue malheureuse de cette tentative ; si facilement que l'empereur l'ait réprimée, elle n'en éveilla pas moins dans son esprit des inquiétudes. Ses trois frères de naissance illégitime, Drogon, Hugues et Théoderic, furent tonsurés par ses ordres dans la crainte qu'ils n'élevassent aussi quelque prétention à l'héritage paternel[149]. C'était, nous dit un biographe de Louis le Pieux, dans le but d'apaiser la discorde[150]. L'irritation très vive que manifestaient déjà contre les statuts d'Aix-la-Chapelle les fils puinés de l'empereur, encore jeunes pourtant, était un symptôme plus grave que la révolte de Bernard[151].

Quatre ans après l'assemblée d'Aix, Louis le. Pieux exigea que tous les grands lissent le serment de respecter le nouveau règlement de succession. Les uns furent convoqués à Nimègue, dans l'été de 821, les autres en automne à Thionville[152]. Ils jurèrent fidélité au jeune empereur Lother et promirent obéissance aux statuts de 817[153]. Il ne parut alors à personne que ce serment fût inutile ; on le trouva au contraire juste et opportun, parce qu'il garantissait la paix et la concorde[154]. C'est Agobard qui tient ce langage ; si les défenseurs de l'unité jugeaient alors de telles garanties nécessaires, cela fait supposer qu'ils n'étaient point eux-mêmes très sûrs du succès.

Toutefois, dans les années qui suivirent, le règlement de 817 reçut un commencement d'exécution. Pépin et Louis allèrent prendre le gouvernement de leurs royaumes d'Aquitaine et de Bavière, le premier en 822, le second en 825[155] ; Dans l'intervalle, Lother fut envoyé en Italie. Le pape Pascal Ier couronna le jeune empereur à Rome en 823[156] ; l'Église, dans la personne de son chef, donna ainsi son approbation complète aux décisions du plaid d'Aix-la-Chapelle[157]. A partir de 825 le nom de Lother figura sur les lettres et les diplômes impériaux à côté de celui de son père[158]. L'année précédente, une constitution célèbre avait fixé les rapports de l'empereur et du pape el les droits que le premier possédait sur le territoire de l'État pontifical. Le serinent que prêtèrent les Romains à cette occasion commence par :ces mots : Je promets qu'à partir de ce jour je serai désormais, ma vie durant, fidèle à nos seigneurs les empereurs Louis et Lother[159]. Plus tard le biographe de Wala, Paschase Radbert, fait ainsi parler le jeune empereur : Quand vous m'avez institué votre collègue à l'empire, dit-il à son père, vous avez partagé avec moi le soin et la défense du Siège Apostolique[160]. Ainsi le patronat de l'Église romaine, qui devait être, d'après le règlement de 806, exercé en commun par les trois fils de Charlemagne, devint, sous Louis le Pieux, un attribut du pouvoir impérial et fut réservé à l'héritier du titre d'empereur[161]. Sur ce point encore Louis le Pieux ne respectait pas la tradition carolingienne.

 

III

Contre toute attente, ce fut l'empereur lui-même qui viola la charte de l'unité et donna ainsi le signal des luttes intestines qui attristèrent les dix dernières années de son règne[162].

En réglant sa succession Louis le Pieux n'avait pas songé aux enfants qui pourraient lui naître dans la suite. Lorsque, six ans plus tard, il eut tin fils de sa seconde femme, il se trouva assez embarrassé[163]. Il ne pouvait faire moins pour le nouveau-né que pour ses frères Louis et Pépin ; mais il n'osait pas toucher au partage d'Aix-la-Chapelle qu'il avait garanti avec le pape, les évêques et tous les grands. Il s'y décida pourtant à l'instigation de Judith. Son fils ainé, qui avait servi de parrain au jeune Charles, se laissa attendrir par ses prières ; il lit le serment de reconnaître à son frère la part du royaume que son père voudrait lui attribuer et de protéger Charles à l'avenir contre tons ses ennemis[164]. Fort de son appui et de cette promesse, l'empereur ferma en 829 un nouveau royaume destiné à Charles et qui comprenait l'Alamanie, l'Alsace, la Rhétie (pays de Coire) et une partie de la Burgundie[165].

Lother regretta bientôt son serment[166]. il vit avec inquiétude grandir de jour en jour l'ascendant de l'impératrice sur le caractère faible et docile de Louis le Pieux. Depuis la naissance de Charles, l'unique souci de Judith était d'assurer l'avenir de son fils. Elle réussit peu à peu à écarter de la cour les anciens conseillers de l'empereur, ceux qui avaient préparé le règlement de 817 et qui étaient intéressés à ce qu'il fût maintenu. Elle mit à leur place ses créatures, entre autres le fameux comte de Septimanie, Bernard, auquel elle fit donner l'office de camérier et qui devint rapidement le personnage le plus important du Palais[167].

Wala et ses amis, irrités de leur disgrâce et de l'atteinte portée à leur œuvre, n'hésitèrent pas à soulever contre l'impératrice les trois fils d'Hildegarde[168]. Lother et ses cieux frères avaient des intérêts opposés dans la succession paternelle. Il n'y avait entre eux aucune amitié réciproque ; ils résistaient à tous les conseils d'union et de concorde[169]. Mais, en cette circonstance, la haine qu'ils portaient tous les trois à Judith et à son entourage les mit d'accord. Aucun d'eux n'était d'ailleurs disposé à admettre un nouveau venu au partage du patrimoine commun[170].

Le complot s'exécuta au mois d'avril 830. Le parti de l'impératrice fut renversé, Bernard s'enfuit à Barcelone, Judith elle-même fut enfermée au monastère de sainte Radegonde, à Poitiers. Dans le plaid de Compiègne, Louis le Pieux déclara qu'il consentait f reprendre ses conseillers et promit de respecter désormais les statuts d'Aix-la-Chapelle[171]. Mais il ne restait empereur que de nom[172]. Son fils aisé s'était emparé du pouvoir et faisait garder par des moines son frère et le jeune Charles[173].

Cet état de chose dura peu ; au bout de quelques mois Louis le Pieux reprit la direction du gouvernement. Il avait sans peine ramené à lui ses plus jeunes fils par la promesse d'un agrandissement de territoire[174]. Au mois d'octobre, ses fidèles accoururent en si grand nombre à Nimègue que Lother lui fit sa soumission et laissa même, l'année suivante, condamner à l'exil l'abbé Wa.la et plusieurs de ses partisans[175]. Dans un plaid tenu au mois de février 831, il prêta à son père un serment de fidélité et jura de ne pas renouveler sa tentative[176]. Déchu de son titre d'empereur, il ne conserva que le gouvernement de l'Italie ; son nom ne paraît plus, à partir de cette époque, dans les actes publics[177].

Vers le même temps, un nouveau règlement de partage donna satisfaction à ses frères : Pépin et Louis eurent leur royaume augmenté, comme on le leur avait promis[178]. Ces mots de l'historien Nithard fixent la date d'une pièce curieuse, dont on a beaucoup discuté le caractère : c'est un acte qui partage l'empire tout entier, sauf l'Italie. laissée à Lother, entre les trois derniers fils de l'empereur[179]. Le royaume d'Aquitaine, qui est celui de Pépin, est accru du pays entre Loire et Seine et de vingt-huit comtés au nord de cc dernier fleuve, représentant les bassins de la Somme, de l'Oise, de l'Aisne inférieure et de la Marne. A la Bavière, royaume de Louis, sont ajoutées la Thuringe, la Saxe, la Frise, la Ripuarie (pays de Cologne) et la partie septentrionale de la France moyenne[180] ; à l'Alamanie, royaume de Charles, le reste de la France moyenne, la Burgundie (sauf les comtés attribués à Pépin en 817), la Provence et la Gothie[181]. L'empire franc était divisé en quatre parts à peu près égales ; Louis le Pieux revenait clone à la tradition qu'il avait sacrifiée, quatorze ans auparavant, au principe de l'unité.

Mais, en même temps qu'il suivait l'exemple de Charlemagne, l'empereur renouvelait la plupart des dispositions contenues dans le règlement de Thionville ; c'est le côté le plus intéressant de l'acte de 831. Sauf de légers changements dans les termes et quelques additions, cet acte reproduit une grande partie du préambule et presque tous les articles de 806[182]. Les grands attachés aux traditions franques, en obtenant de Louis le Pieux le rétablissement des statuts de 806, prenaient leur revanche sur le parti qui l'avait emporté en 817. La révolte n'avait abouti qu'a la ruine complète de Pieuvre de ce parti.

Toutefois le nouveau règlement renfermait une clause destinée à le rendre précaire. Si l'un de nos fils, disait Louis, plus désireux de plaire au Dieu tout-puissant et à nous-même, mérite, par sa soumission et sa bonne volonté, de recevoir plus d'honneur et de puissance, nous nous réservons le droit d'augmenter son royaume, son honneur et sa puissance de la part de celui de ses frères qui n'aurait pas cherché à nous satisfaire, et de l'élever au rang dont il se sera rendu digne[183]. Le maintien des avantages accordés à Louis et à Pépin dépendait donc de leur conduite ultérieure. Cet article remettait tout en question ; il permettait à Judith, rentrée en possession de son rang et de son influence, d'annuler les concessions que l'empereur n'avait faites que per nécessité, de rétablir même, en faveur de son fils Charles, la situation privilégiée qui avait appartenu à Lother. Elle disposait, dans tous les cas, d'une arme menaçante pour frapper celui des frères de Charles qui essaierait de contrarier ses projets[184].

Les rois de Bavière et d'Aquitaine avaient gagné, en somme, peu de chose à leur réconciliation avec leur père. Le nouveau partage n'était exécutoire qu'à la mort de Louis le Pieux[185] ; encore n'étaient-ils pas surs d'occuper le pays qu'on leur avait promis, rien ne les protégeant contre l'ambition de l'impératrice[186]. Ils ne restèrent pas longtemps en repos ; une année ne s'était point écoulée que le père et le fils étaient de nouveau brouillés. Au début de l'année 832, l'empereur allait punir son fils Pépin d'un acte de rébellion, quand il apprit que Louis avait envahi l'Alamanie, s'était fait prêter par le peuple un serment de fidélité et qu'il s'avançait avec des projets hostiles. Il leva une armée et marcha à sa rencontre. Louis s'enfuit à son approche et vint bientôt après recevoir le pardon que lui offrait son père[187]. Quant à Pépin, il fut traité avec plus de rigueur ; Louis le Pieux lui retira le gouvernement de l'Aquitaine et donna son royaume à Charles[188]. Mais l'escorte qui emmenait Pépin le laissa échapper et revenir en Aquitaine.

Les circonstances favorisaient le rapprochement de Lother avec ses frères. Le parti de l'unité en profita pour organiser, en 833, un soulèvement général. Tous ses efforts tendaient à l'annulation du nouveau partage et au rétablissement du précédent ordre de choses[189]. L'abbé de Corbie, Wala, dirigeait encore l'opposition ; l'archevêque de Lyon, Agobard, en exposa les plaintes dans un véritable manifeste sous la forme d'une lettre adressée à l'empereur[190]. Il rappelait à Louis le Pieux le langage qu'il 'avait tenu devant les grands lors du plaid de 817. Pour leur faire accepter les mesures qu'il leur présentait, il avait invoqué l'intérêt de l'empire. Eu associant Lother à la dignité impériale, il avait écouté une inspiration de Dieu. Les statuts de 817 portaient sa signature et celle du pape ; un serment solennel en avait garanti l'exécution. Et voilà que, sans raison aucune, ajoutait Agobard, sans prendre l'avis de personne, vous rejetez sans Dieu celui que vous aviez choisi avec Dieu. Je vous en prie, seigneur, que votre généreuse piété reste intacte ; n'accueillez pas avec dédain cet avertissement[191].

Cette fois le chef de l'Église mitan service des mécontents son influence personnelle et le prestige de son autorité morale. Le pape Grégoire IV, venu d'Italie avec Lother, l'accompagna en Alsace où il fut rejoint par ses frères. Le désir de réconcilier l'empereur avec ses enfants, de rendre la paix à l'Église et à l'empire fut le prétexte de son voyage[192] ; mais il se proposait surtout de demander à Louis le Pieux le maintien des statuts qui avaient reçu jadis l'approbation de son prédécesseur[193]. Un certain nombre d'évêques, attachés par l'intérêt à l'empereur, essayèrent de s'opposer à ce dessin et firent même au pape des remontrances sur sa conduite à l'égard de Louis le Pieux. Agobard fut obligé de prendre sa défense[194]. Grégoire IV lui-même, dans la réponse qu'il adressa aux évêques francs, leur reprocha de n'avoir pas rappelé à l'empereur ses promesses : pour lui, il croirait manquer à son devoir, s'il ne l'avertissait pas des fautes qu'il avait commises contre l'unité et la paix de l'Église et du royaume ; sa mission était une mission de paix et d'unité[195]. C'est qu'en effet, pour Wala, Agobard et tous ceux qui partageaient leur manière de voir, la paix n'allait point sans l'unité. Tout le mal venait, d'après eux, des changements apportés aux statuts d'Aix-la-Chapelle[196] ; il suffisait, pour supprimer le conflit qui avait éclaté entre l'empereur et ses fils, de déclarer que ces statuts seraient rétablis.

On sait quel résultat eut l'intervention du pape. L'empereur, abandonné peu à peu de tous ceux qui lui étaient d'abord restés fidèles, devint pour la seconde fois le prisonnier de ses fils et subit la peine de sa résistance aux chefs du clergé[197]. Lother prit en main le gouvernement de l'empire ; son nom remplaça sur les diplômes celui de son père[198]. Mais ceux qui ne l'avaient aidé que pour défendre le principe de l'unité eurent une prompte déception. Lother dut, après sa victoire, payer à ses frères le prix de leur concours ; il fit avec eux un partage de l'empire[199]. On n'en connaît pas les divisions d'une façon précise ; il semble que les deux rois aient alors pris possession des pays que leur attribuait le dernier règlement[200]. Louis reçut en outre l'Alamanie avec l'Alsace, peut-être en échange d'une partie de la Francia proprement dite[201] ; les peuples germaniques, tant à l'ouest qu'à l'est du Rhin, se trouvèrent alors réunis semis une même autorité[202].

Ce n'était pas là, sans doute, un accord définitif ; Lother ne renonça point à la suprématie qui lui avait été jadis conférée avec le titre impérial, il prétendit gouverner l'empire tout entier[203]. Il convoqua à Compiègne, au mois d'octobre 833, un grand nombre de comtes, d'abbés, d'évêques, y reçut les dons annuels et le serment de fidélité[204]. Afin de consolider son pouvoir, il voulut rester seul empereur et fit prononcer par les évêques la déposition de son père[205]. Louis le Pieux dut faire une pénitence publique, en énumérant toutes les fautes dont il s'était rendu coupable. La plus grave, aux yeux des partisans de l'unité, était sans contredit d'avoir touché arbitrairement au pacte qu'il avait arrêté par le conseil et avec le consentement de tous ses fidèles pour la paix, l'unanimité de l'empire et la tranquillité de l'Élise[206]. On lui reprochait d'avoir causé par là un scandale, d'avoir troublé la paix et violé ses serments. Cette affligeante cérémonie eut lieu dans l'église de Saint-Médard de Soissons ; l'empereur déposa son glaive sur l'autel et revêtit l'habit de pénitent[207]. Il resta au monastère de Saint-Médard, tandis que son fils Charles était relégué à l'abbaye de Prüm et l'impératrice exilée à Tortone.

Une réaction se produisit bientôt. Même dans le parti de Lother on blâmait la conduite du jeune empereur à l'égard de son père[208] Le pape n'avait pas été consulté pour la déposition de Louis le Pieux et ne l'avait pas approuvée[209] ; il regagna l'Italie plein de tristesse et même, si l'on en croit Nithard, saisi de remords au sujet de ce voyage dont il était loin de prévoir toutes les conséquences[210]. Le gouvernement de Lother ne répondait pas à l'espoir des partisans de l'unité. L'abbé Wala se plaignait avec amertume d'être tenu à l'écart[211] ; deux ou trois ambitieux se disputaient la première place dans le Palais et, par leurs intrigues, mettaient l'État en péril[212]. Pépin et Louis n'entendaient point, d'autre part, obéir à leur frère aîné[213]. Enfin la captivité de Louis le Pieux, l'humiliation qu'avait subie en sa personne la majesté impériale, lui ramenaient de nombreuses sympathies.

Dès le mois de décembre suivant, on vit éclater la mésintelligence entre Lother et Louis le Germanique. Pépin, averti par un message de son frère, leva des troupes, Louis en fit autant ; tous deux marchèrent sur Aix-la-Chapelle où le vieil empereur était alors retenu prisonnier. A cette nouvelle, Lother emmena son père à Paris, puis le laissa à l'abbaye de Saint-Denis pour prendre la fuite. Les évêques présents rendirent aussitôt à Louis le Pieux les insignes du pouvoir (1er mars 834)[214]. Après avoir lutté quelque temps contre son père et ses frères, Lother se soumit. L'empereur proclama une amnistie en faveur de ceux qui avaient participé à la révolte ; mais il exigea que son lits aisé se retirât de nouveau en Italie et qu'il prit l'engagement, pour lui et les siens, de ne pas franchir les Alpes sans en avoir reçu l'ordre[215]. L'année suivante une assemblée générale du clergé, réunie à Thionville, déclara que Louis avait triomphé des factions avec le secours de Dieu, qu'il était rétabli dans les droits et honneurs de la royauté et qu'on devait lui obéir comme à remueur et au maître[216] ; il était désormais réconcilié avec l'Église. Le prélat qui l'avait attaqué avec le plus de violence au plaid de Compiègne, Ébon, archevêque de Reims[217], reçut à son tour le châtiment qu'il avait naguère prononcé contre l'empereur : il fut solennellement déposé. L'archevêque de Lyon, Agobard, eut le même sort pour avoir écrit l'apologie de la révolte[218].

Ce nouvel échec des partisans de l'unité ne peut guère nous surprendre. Une fois que l'empereur lui-même eut porté les premiers coups à leur œuvre, ils furent impuissants à la protéger. Le triomphe facile qu'ils avaient eu à deux reprises était dit à l'accord momentané de Lother, de Pépin et de Louis. Mais c'était là une alliance précaire : entre l'héritier désigné de toute la monarchie et ses frères qui réclamaient une part égale dans la succession paternelle, il ne pouvait y avoir aucune entente durable, parce qu'il n'y avait pas une véritable communauté d'intérêts[219]. En face de l'ennemi commun ils étaient unis ; mais, au lendemain de la victoire, chacun ne pensait plus qu'à son intérêt particulier. Les deux rois n'avaient aucune envie de maintenir une constitution qui ne leur accordait qu'une faible part de territoire et d'autorité, au mépris d'un usage constant que Charlemagne avait lui-même respecté.

L'empereur ne se hâta point, cette fois, de consacrer son succès par un nouveau règlement ; toute décision relative à son héritage fut ajournée. Instruit par l'expérience, il préféra, semble-t-il, attendre que le calme fût tout à fait rétabli et que son autorité fût mieux affermie. Il usa de ménagements à l'égard de ses plus jeunes fils : s'il ne confirma point, par un acte formel, leurs récentes acquisitions, il leur laissa du moins ce qu'ils avaient pris en 833[220]. En même temps il fit a /près de Lother plusieurs tentatives de conciliation[221].

Au bout de trois ans il se crut assez sûr de son pouvoir pour s'occuper de l'avenir du jeune Charles, sans avoir à craindre le retour des troubles. Au plaid d'Aix-la-Chapelle, en 837, il désigna les pays qui formeraient la part du fils de Judith. Les Annales dites de Saint-Bertin nous font connaitre, avec une précision suffisante les limites de cc territoire. Il comprenait la plus grande partie de la Belgique, depuis les frontières de la Saxe jusqu'à la Seine et était borné d'un côté par la mer, de l'autre par la Meuse entre Maëstricht et Verdun, puis par une ligne joignant Verdun, Toul, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Auxerre, Montargis, Étampes et Paris[222]. Tous les évêques, les comtes et les vassaux bénéficiaires de cette région reconnurent Charles comme leur seigneur et lui prêtèrent le serment de fidélité ; parmi eux se trouvaient Hilduin, abbé de Saint-Denis, et le comte de Paris, Gérard.

L'empereur avait eu la précaution de demander à ses fils Louis et Pépin leur consentement. Le premier assistait en personne à l'assemblée d'Aix, le second s'y était fait représenter ; ils ne protestèrent ni l'un ni l'autre[223]. Cependant le roi de Bavière dut être peu satisfait qu'on eût choisi pour Charles la meilleure part du royaume franc[224], sur laquelle le règlement de partage de 831 semblait lui donner quelque droit ; au mois de, mars 838, il se rencontra secrètement avec Lother, dans une localité des Alpes[225]. Louis le Pieux, averti de cette entrevue, adressa à son fils des remontrances qu'il accueillit fort mal[226] ; cédant alors aux conseils de l'impératrice et de ses palatins[227], il retira à Louis le Germanique le gouvernement des provinces que celui-ci avait usurpées en 833 et qu'il n'avait pas osé d'abord lui reprendre : c'étaient l'Alsace et l'Alamanie, la Saxe, la Thuringe, et la Francia orientale[228].

La même année, le jeune Charles atteignit l'âge viril ; à cette occasion, son père lui remit solennellement ses armes, le couronna roi et lui donna à gouverner une partie de la Neustrie, le duché du Mans et le littoral de l'Ouest entre la Seine et la Loire[229]. Ces pays devaient-ils être réunis à ceux que Charles avait reçus l'année précédente pour constituer son patrimoine ? On ne saurait le dire ; les vues de l'empereur à l'endroit de sa succession n'apparaissent pas encore à ce moment. Il semble n'avoir d'autre préoccupation pie d'imposer son autorité à tous ses enfants et de rétablir entre eux tous la bonne harmonie. Le roi Pépin se prêta assez docilement à son désir[230]. Bien que sa part fût de nouveau réduite à l'Aquitaine, il ne manifesta aucune colère et se réconcilia tout à fait avec Charles. Entre eux régna désormais, selon le langage du temps, l'unanimité[231]. Il n'en alla pas de même avec Louis de Bavière. Vers la fin de l'année 838, Louis résolut de reconquérir les provinces qu'il venait de perdre. Il rassembla tous les partisans qu'il comptait dans la France orientale, la Thuringe, l'Alamanie et vint jusqu'à Francfort pour braver son père et affirmer ses droits sur les pays situés à l'est du Rhin[232]. De Mayence, où il s'était rendu en toute hâte, l'empereur se borna à faire porter à son fils des messages ; il l'exhortait, disent les Annales, à la concorde pour la paix, mais ce fut en vain[233]. Les défections nombreuses qui se produisirent dans l'armée du jeune Louis le forcèrent bientôt à rentrer précipitamment dans son royaume.

Vers le même temps, le roi d'Aquitaine, Pépin, mourut (13 décembre 838). Il laissait deux fils en bas âge auxquels la loi franque, comme on l'a vu à propos de Bernard d'Italie, ne reconnaissait aucun choit à hériter de leur aïeul. A cette époque, l'impératrice Judith et ceux des grands qui lui étaient dévoués décidèrent l'empereur à faire de nouvelles avances à son fils aîné.

D'après l'historien Milliard, qui fut dans la suite l'un des amis les plus fidèles de Charles le Chauve, ils n'avaient en vue que le maintien de l'ordre, en prévision de la mort de Louis le Pieux et de la prochaine ouverture de sa succession. Si ou parvenait à réconcilier Lother et Charles, les deux rois pourraient contenir l'ambition de leur cohéritier et l'empêcher de troubler la paix[234]. Mais le projet de Judith et des siens devait être moins désintéressé. Ils craignaient sans doute que, si les choses eu restaient au même point jusqu'à la mort de l'empereur, Lother et son frère Louis ne s'entendissent pour enlever à Charles son héritage. Dans le but de les diviser, ils préféraient avantager l'un d'eux, pourvu qu'il garantit le patrimoine de Charles contre les attaques du second[235].

Louis le Pieux entama des négociations dans ce sens avec son fils aîné. Il lui promit d'oublier le passé, s'il consentait à respecter ses volontés à l'égard de Charles et à partager avec son jeune frère l'empire[236] tout entier, sauf la Bavière qu'on laisserait à Louis. L'occasion était propice ; Lother avait vu disparaitre, quelques années auparavant., un certain nombre de ses meilleurs conseillers, de ses plus fidèles soutiens : Wala était mort le premier en 836, les autres avaient été emportés par une épidémie qui causa en 837 de grands ravages en Italie[237]. Lother, tout disposé à un rapprochement, accepta l'offre de son père, et se rendit auprès de lui à Worms ; c'est là qu'eut lieu en 839 le partage projeté. L'empereur proposa à son fils allié de faire lui-même les parts ; Lother préféra lui laisser ce soin, pour avoir le droit de choisir celle qui lui conviendrait le mieux. Alors son père partagea avec les siens, le plus également qu'il put, tout le royaume, la Bavière exceptée, et Lother choisit la portion située à l'est de la Meuse, abandonnant de son plein gré à Charles la portion située à l'ouest[238].

Ce partage nous est connu par les Annales de Saint-Bertin qui nous ont conservé la teneur de la formule officielle[239]. A l'aide de ce document, qui rappelle l'acte de partage de 806 par la précision des détails, on peut déterminer avec assez d'exactitude la limite qui séparait les deux royaumes. Elle était marquée à peu près par la Meuse, depuis son embouchure jusqu'à sa source, puis par la Saône, enfin par le Rhône entre Lyon et Genève et par les Alpes[240]. On voit que le royaume de Charles différait peu de la France actuelle ; il comprenait surtout des populations de langue romane. Mais la part de Lother, formée d'une large bande de territoire qui s'étendait du Nord au Midi, renfermait à la fois des Allemands et des Italiens. Ainsi, pas plus que dans les partages précédents, on ne cherche alors à satisfaire certaines aspirations à l'indépendance nationale. L'empereur ne paraît nullement préoccupé de grouper ensemble des peuples de même origine, de même langue ; la nouvelle division de l'empire ne résulte que des circonstances. A deux royaumes déjà constitués, l'Italie et l'Aquitaine, on s'est borné à réunir les pays voisins, en tenant compte seulement des frontières naturelles ; le partage de 806 a donné lieu à une remarque semblable.

Le règlement de Worms présente encore d'autres analogies avec celui de 806. Lother recouvra le titre impérial[241] ; mais il ne fut pas question celle lois d'y attacher aucune prérogative. Charles n'eut envers Lother que des obligations morales ; il devait l'honorer comme son père spirituel et son frère aîné[242]. Louis le Pieux conjura ses fils de rester unis, de s'aimer entre eux et de se prêter une mutuelle assistance[243]. Trente ans auparavant, Charlemagne avait tenu à ses fils un langage identique.

Nous avons déjà signalé à deux reprises l'influence que parait avoir exercée le règlement de Thionville sur ceux que Louis le Pieux fit ensuite. Quelques articles en avaient été conservés en 817 ; on l'avait reproduit presque tout entier en 831. L'empereur s'en inspira encore en 839 et ne prit cette fois que les traits essentiels du régime de la concorde. Ces emprunts répétés témoignent des profonds souvenirs que ce règlement avait laissés dans les esprits ; ces souvenirs expliquent, dans une certaine mesure, l'échec des partisans de l'unité et le retour à la pure tradition. Tandis que Wala, Agobard et leurs amis luttaient pour maintenir les statuts d'Aix-la-Chapelle, tous ceux qui restaient attachés aux anciennes coutumes à u royaume franc ne songeaient, semble-t-il, qu'à remettre en vigueur la constitution de Thionville, devenue en quelque sorte la charte de leurs revendications[244].

Le règlement de Worms avait le grave défaut d'être incomplet. S'il faisait des parts égales à Lother et à Charles, il réduisait celle de Louis au petit royaume de Bavière. L'un des fils de l'empereur restait toujours en dehors de la concorde. En outre, Louis le Pieux n'imita pas, à l'égard de ses petits-enfants, la bonté dont Charlemagne avait donné l'exemple envers Bernard :- les fils du roi d'Aquitaine, mort du vivant de son père, ne furent pas admis an partage. Aussi, vers la fin de son règne, l'empereur eut deux révoltes à combattre, celle des Aquitains qui voulaient prendre pour roi l'aîné des fils de Pépin[245], et celle de Louis de Bavière. Ce dernier réclamait pour la seconde fois les pays de l'empire situés à l'est du Rhin[246]. A la mort de Louis le Pieux, en 840, le règlement de la succession carolingienne n'avait donc pas encore reçu de solution définitive.

 

IV

Sur les événements de la période suivante nous sommes assez bien renseignés, grâce à l'ouvrage de l'historien Nithard[247] : trois des quatre livres dont il se compose sont consacrés à la guerre civile des fils de Louis le Pieux. Nithard vu la plupart des faits qu'il raconte ; parent de Charles le Chauve, il a toujours servi sa cause, a pris part à. ses côtés à la bataille de Fontanet et s'est trouvé mêlé à diverses négociations. Son témoignage est clone fort précieux, il a du reste les qualités d'un véritable historien[248]. Les Annales dites de Saint-Bertin[249] et celles de Fulde[250] sont plus sobres de détails, mais elles n'ont pas une moindre valeur. Elles sont rédigées, pour cette période, par deux hommes qui font partie de l'entourage des rois Louis et Charles et peuvent être considérés en quelque sorte comme leurs historiographes[251]. Ils connaissent les archives du Palais ; plus d'une pièce importante nous a été conservée par l'annaliste de Saint-Bertin, Prudence, évêque de Troyes. On en a. vu plus haut des exemples.

Ces observations ne sont pas inutiles. Pour saisir le sens exact du traité de Verdun, il faut étudier avec un soin particulier les faits, les négociations qui l'ont immédiatement précédé. Les sources dont nous venons de parler rendent cette recherche possible[252].

Quelque temps avant sa mort, Louis le Pieux avait fait remettre à son fils aîné les insignes du pouvoir impérial, la couronne, le glaive et le sceptre, en lui rappelant ses promesses de l'année précédente[253]. Mais Lother ne tint en aucune façon les engagements qu'il avait pris envers Charles et l'impératrice. En apprenant la mort de son père, rapporte Nithard, il envoya aussitôt des exprès dans toutes les provinces, spécialement dans toute la Francia, et fit annoncer par eux son arrivée dans l'empire qui lui avait été donné autrefois[254]. Ses envoyés promettaient à tous les grands que leurs honneurs seraient confirmés et même augmentés. Ils vinrent à lui en foule, plus soucieux de leurs intérêts que de leurs serments[255]. Enhardi par ce succès[256], Lother réfléchit aux moyens de s'emparer de tout l'empire[257]. Nous lisons d'autre part dans les Annales Bertiniennes que Lother se prévalut de son titre d'empereur pour violer les droits de la nature et s'arma contre ses frères[258]. Le moine Rodolphe, le rédacteur des Annales de Fulde, dit à son tour : Les trois frères ne purent se mettre d'accord au sujet d'un partage du royaume ; Lother s'y opposait et revendiquait pour lui seul la monarchie[259].

Ces textes sont clairs et indiquent le véritable sens de la lutte qui s'engage, à cette époque, entre Lother et ses deux frères. Le nouvel empereur ne songe plus, en 840, à exécuter le règlement de Worms ; il préfère tenter un dernier effort pour maintenir à son profit l'unité de l'empire. Il place l'origine de ses droits dans l'élection qui lui a conféré, en 817, la dignité impériale[260] ; comme il est seul, cette fois, à la porter, il compte être plus heureux que du vivant de son père. Contre ses prétentions Louis et Charles invoquent l'autorité de la coutume et réclament une part égale de l'empire, qu'ils regardent comme leur patrimoine commun. Ils ne refusent pas de reconnaître le titre d'empereur à Lother, à condition qu'il n'essaie pas de leur imposer sa suprématie.

Bien qu'ils soutiennent la même cause, les cieux rois ne songent pas tout d'abord à faire alliance. Cela se conçoit : chacun d'eux fonde ses droits sur un règlement de partage dont l'autre a été exclu et qu'il n'a pas approuvé[261]. Louis revendique les pays germaniques qu'il a gouvernés déjà pendant cinq ans, de 833 à 838, d'abord avec le consentement de Lother, puis grâce à la tolérance de Louis le Pieux[262]. Quant à Charles, il n'a qu'a demander à Lother l'exécution du partage de Worms.

Ce défaut d'entente entre eux servit les projets de leur frère aisé. Celui-ci s'efforça, de les tenir séparés le plus longtemps possible ; il négociait avec l'un taudis qu'il cherchait à soumettre l'autre. Cette tactique lui réussit au moins pendant quelques mois[263]. A son arrivée d'Italie, il fit porter à Charles un message dans lequel il lui témoignait des intentions bienveillantes ; il le priait seulement d'épargner son neveu Pépin jusqu'à leur prochaine entrevue[264]. Cependant il marchait contre Louis. Mais le roi de Bavière, aidé par les Francs orientaux, était résolu à défendre ses droits. Lother n'osa pas lui livrer bataille, craignant d'exposer trop tôt son prestige. Il préféra conclure une trêve avec Louis, afin de s'occuper de son second frère. Sans perdre de temps, Louis se fit prêter le serment de fidélité d'usage par les Francs orientaux, les Alamans, les Saxons et les Thuringiens[265].

Charles, retenu dans l'Aquitaine par la révolte du jeune Pépin, n'avait pas encore pris possession des provinces franques que lui attribuait le partage de Worms. Peu rassuré au sujet des dispositions de Lother, il députa vers lui deux : de ses fidèles, Nithard et Adelgaire, pour lui rappeler la promesse solennelle qu'il avait faite à Louis le Pieux, s'engageant, s'il l'exécutait, à lui être fidèle et soumis, comme on doit l'être à un frère aîné[266]. Il le suppliait de ne pas solliciter davantage ses sujets et de ne pas jeter le trouble dans le royaume que Dieu lui avait confié. On doit céder de part et d'autre, disait-il, à la paix et à la concorde[267]. Charles observait de tous points l'esprit du règlement de 839.

Lother, sans écouter ses prières, passa la Meuse et entraîna dans son parti un grand nombre des fidèles de Charles, entre autres l'abbé de Saint-Denis el le comte de Paris[268]. Pendant ce temps ses émissaires travaillaient les grands de la région comprise entre la Seine et la Loire. Il s'avança en personne jusqu'à la Loire et rencontra son frère près d'Orléans. L'armée impériale était plus nombreuse que celle de Charles ; néanmoins Lother offrit à son frère un arrangement : il lui abandonnait l'Aquitaine, la Septimanie, la Provence et dix comtés au nord de la Loire, à condition que Charles ne franchirait pas les limites provisoires de son royaume, jusqu'à ce qu'ils eussent ensemble une nouvelle entrevue à Attigny. Charles dut subir ces conditions, mais fit stipuler que, dans l'intervalle, Lother respecterait son territoire et ne ferait aucun acte d'hostilité contre Louis[269]. Cette dernière clause du traité laisse prévoir un changement prochain dans la conduite de Charles. Convaincu de la duplicité de son frère aîné (il en acquit bientôt d'autres preuves), il comprenait la nécessité de s'unir avec Louis. En attendant il mit la trêve à profit, reçut le serment des grands de la Burgundie, de Bernard de Septimanie, des comtes de la région du Mans, même celui de Noménoé, duc des Bretons. Louis faisait de même et employait tour à tour les menaces et les promesses pour gagner le plus de partisans possible à l'est du Rhin[270].

Lother voulait les contenir tous les deux ; mais ses troupes laissèrent Charles forcer le passage de la Seine, et Louis, celui du Rhin. Au mois de mai 841, Charles se trouvait au rendez-vous convenu ; Lother n'y vint pas. En revanche le roi d'Aquitaine reçut à Attigny une ambassade de son frère le Germanique[271]. Peu de temps après les deux rois firent la jonction de leurs armées aux environs de Châlons-sur-Marne : le danger commun les avait réconciliés.

Sur le champ ils ouvrirent des négociations. Ils suppliaient Lother de songer au Dieu tout-puissant, d'accorder la paix à ses frères et à toute l'Église de Dieu : ils demandaient qu'il leur cédât à chacun la part qui leur était due, en vertu du consentement de leur père et de leur frère[272]. Louis et Charles s'appuyaient encore sur deux règlements distincts qui avaient eu l'un et l'autre l'agrément de Lother, celui de. 833 qui avait attribué à Louis tous les pays germaniques, mais dont Charles avait été exclu, et celui de 839, par lequel Charles était à son tour le plus favorisé. Sans souci de la logique, ils en réclamaient l'exécution, seulement pour la partie qui leur était avantageuse[273].

Lother repoussa ces ouvertures et fit répondre qu'il préférait recourir à un combat ; puis il alla au-devant de Pépin d'Aquitaine, son allié naturel contre Charles-le-Chauve. Ses frères le suivirent et rangèrent leur armée près de la sienne, dans le voisinage d'Auxerre. Renouvelant leurs avances, ils prièrent Lother de se rappeler qu'il était leur frère, de permettre à l'Église de Dieu et à tout le peuple chrétien de vivre en paix, de leur laisser les royaumes qu'ils avaient reçus avec son consentement, de garder enfin pour lui les provinces qu'il devait seulement à la miséricorde de son père, car il ne méritait pas de les avoir[274]. Ils ajoutaient qu'ils lui céderaient volontiers chacun une partie de leurs royaumes ; Charles reculerait sa frontière jusqu'à la forêt Carbonaria (c'est-à-dire les Ardennes), et Louis, la sienne jusqu'au Rhin. S'il refusait, on diviserait toute la Francia en trois portions égales, en lui laissant choisir celle qu'il voudrait[275]. Ce second message était fort différent du premier ; Lother fit observer avec raison qu'il n'avait pas encore reçu de la part de ses frères des propositions aussi nettes et leur demanda du temps pour réfléchir. Sur ces entrefaites Pépin lui amena des renforts ; il pria alors Louis et Charles de considérer, puisqu'ils savaient que le titre d'empereur lui conférait une grande autorité, par quels moyens il pourrait remplir une charge si haute ; au surplus, il n'était pas disposé à chercher leur profit à tous deux[276].

Cette réponse décida les deux rois à accepter la lutte. C'est à ce propos que l'annaliste de Fulde parle des prétentions que Lother élevait à la monarchie. Prudence rapporte de son côté que les deux frères essayèrent plusieurs fois de traiter avec Lother, pour gouverner tout le royaume dans la paix et l'unanimité, mais qu'il leur fut impossible de le ramener à l'union de la paix et de la fraternité[277]. La question se posait de nouveau entre les deux systèmes représentés respectivement par les statuts de 806 et ceux de 817 : d'une part, le maintien dans l'empire d'une seule direction politique, confiée à l'héritier du titre impérial ; de l'autre, le partage du territoire et de la puissance royale en portions égales, combiné seulement avec un régime de concorde fraternelle. Dès lors les conséquences de la bataille de Fontanet se dégagent sans peine : la défaite de Lother fut celle du principe de l'unité, elle prépara le règlement de la succession carolingienne dans le sens des statuts de Thionville[278].

Avant de combattre, Louis et Charles avaient déclaré s'en remettre au jugement de Dieu[279]. La bataille terminée, les évêques se réunirent et décidèrent d'une voix unanime que la cause des deux rois était juste, qu'ils n'avaient lutté que pour le triomphe de l'équité ; que quiconque avait pris part à la guerre avait obéi à la volonté de Dieu et n'encourait ainsi aucun blâme[280].

Ce langage avait une portée considérable. Jusque là les défenseurs de l'unité s'étaient recrutés surtout parmi les dignitaires du clergé. C'étaient des évêques et des abbés qui avaient dirigé les révoltes contre Louis le Pieux ; le pape lui-même s'était associé à leurs revendications. Lother groupait encore autour de lui, lors de son avènement, un assez grand nombre de prélats[281]. Mais les principaux chefs de son parti, entre autres Wala et Agobard, avaient disparu[282]. Ses échecs répétés faisaient pressentir aux évêques l'inutilité de leurs efforts pour s'opposer au partage de l'empire. Ils étaient, d'ailleurs, las de la lutte et n'aspiraient qu'à la paix. Au lieu de s'obstiner dans la poursuite d'un but chimérique, ils aimèrent mieux borner leur tache au rétablissement de la concorde, persuadés qu'ils serviraient ainsi plus utilement la cause de et celle de tout l'empire. C'était déjà par leurs conseils que Louis et Charles avaient proposé deux fois à Lother un accommodement[283] ; sur son refus la guerre avait continué. Mais après que Dieu lui-même se fut prononcé contre lui, n'hésita plus à les soutenir[284].

La conduite de Lother était peu faite pour lui ramener les sympathies du clergé. Ses frères, avant la bataille, avaient accepté d'avance le jugement de Dieu. Vainqueurs, ils observèrent un jeûne de trois jours pour obtenir de Dieu le pardon du sang versé[285]. En toute occasion ils prenaient l'avis des évêques et donnaient des preuves de leur piété[286]. L'empereur, au contraire, sentant son prestige ruiné et ses fidèles prêts à la défection, mit tout eu œuvre pour se faire des alliés. Il tenta de provoquer en Saxe un soulèvement des classes inférieures ; il promit de rendre aux Saxons les lois que leurs ancêtres suivaient au temps où ils adoraient les idoles. Il rechercha l'appui des envahisseurs païens et concéda en bénéfice à Hériold, roi danois, File de Walcheren et plusieurs cantons voisins[287]. Dans une course qu'il fit dans le pays compris entre la Seine et la Loire, il laissa ses soldats tout piller et brûler sur leur passage, ne protégeant pas même les églises et les choses saintes, obligeant des prêtres, des clercs, même des religieuses lui prêter serment de fidélité[288].

Nous ne connaissons, il est vrai, Lother que par les historiens du parti de ses frères. Lorsqu'ils l'accusent de duplicité, de lâcheté, ou lui attribuent les violences dont il vient d'être question, faut-il accepter sans réserve leur témoignage ? II est certain qu'ils sont parfois injustes à son égard. A Fontanet Lother se battit bravement[289], il montra aussi de l'énergie, de la persévérance en continuant la lutte sans se laisser décourager par sa défaite, en revendiquant jusqu'au bout ses prérogatives impériales. Il ne fut pas le seul à recourir à la violence ; ses frères usèrent, comme lui, des menaces, de la terreur même pour retenir leurs sujets dans la fidélité[290]. On ne doit pas non plus le rendre entièrement responsable de tous les excès que ses troupes ont pu commettre[291]. Néanmoins ses fautes furent assez graves pour lui aliéner l'Église.

Charles et Louis s'étaient séparés après leur victoire, en se donnant rendez-vous à Langres ; ils jugeaient nécessaire de faire acte de présence dans leurs royaumes, afin de hâler la soumission des indécis. Lother profita de cc répit pour réorganiser son armée. Quand Louis revint de la Saxe, il apprit que son frère alité avait passé le Rhin avec toutes ses forces, et marchait à sa rencontre. Mais, à la nouvelle que Charles, de retour d'Aquitaine, s'avançait vers lui, Lother abandonna son projet et accourut pour défendre la Meuse contre Charles. Celui-ci avait trop peu de troupes pour lui livrer bataille ; il chercha à l'arrêter par des négociations et se retira précipitamment derrière la Seine. Lother conduisit sur Paris une armée de Saxons, d'Austrasiens et d'Alamans ; mais une crue l'empêcha de franchir la Seine. Il fit à son tour à Charles des ouvertures de paix : il l'invitait à rompre son alliance avec Louis, promettant en échange de laisser celle du jeune Pépin et de céder à son frère la partie de l'empire située à l'ouest de la Seine, sauf la Septimanie et la Provence[292].

Cette offre ne pouvait satisfaire Charles ; il demanda à rester, pendant l'hiver suivant, en possession des pays que son père lui avait donnés. Au printemps ils auraient ensemble une entrevue, et, s'ils ne parvenaient pas à s'entendre pour régler leurs intérêts, les armes décideraient entre eux[293]. Si Lother avait consenti à exécuter sincèrement le partage de 839, comme Charles le lui demandait, peut-être réussi à le séparer de Louis. Mais il repoussa ces conditions et alla encore une fois au devant de Pépin qui revenait de l'Aquitaine. De son côté Charles s'occupa de rejoindre Louis. Les deux rois se rencontrèrent, au mois de février 842, à Strasbourg où ils échangèrent des serments restés célèbres.

Le texte de ces serments, que Nithard nous a conservé, a fixé l'attention des philologues surtout, parce qu'ils ouvrent la série des monuments en prose de la langue française du moyen âge[294]. Mais ils ont aussi de l'intérêt au point de vue de l'histoire politique.

Ils furent précédés d'une adnuntiatio ad populum, dans laquelle les rois expliquèrent aux grands et à, toute l'armée les raisons de leur conduite. Ils rejetèrent sur leur frère aîné toute la responsabilité de la guerre civile ; à son oubli de la fraternité chrétienne, à son mépris pour le jugement de Dieu, à ses violences, ils opposèrent leur propre modération : ils n'avaient jamais demandé qu'à jouir paisiblement de leur part légitime d'héritage[295]. Leur discours se terminait ainsi : C'est pourquoi nous nous réunissons aujourd'hui, contraints par la nécessité. Comme nous croyons que vous avez quelques doutes au sujet de la sincérité de notre foi et la solidité de notre union fraternelle, nous avons résolu de nous prêter l'un à l'autre un serment en votre présence. Ce n'est pas une coupable avidité qui nous fait agir ainsi, nous ne cherchons qu'à, nous garantir nos communs avantages et faisons le vœu qu'avec votre concours Dieu nous accorde enfin le repos[296]. Puis tous deux, employant la langue vulgaire afin d'être compris de tout le monde, jurèrent, dans les deux idiomes roman et tudesque, de se prêter, pour l'amour de Dieu, leur salut et celui du peuple chrétien, une mutuelle assistance et de ne pas traiter séparément avec Lother. Les fidèles de chaque armée firent ensuite le serment de ne point aider leur seigneur, s'il ne tenait point sa parole[297].

Ces promesses solennelles de foi et d'amitié réciproques étaient, nous le savons, dans les habitudes des rois francs. L'influence de l'Église apparait toujours dans ces sortes de contrats : les rois, dans ces circonstances, parlent un langage religieux et semblent obéir à une pensée chrétienne. Le traité de Strasbourg peut donc être considéré comme l'œuvre des évêques. Remarquons, d'autre part, que les sujets se portent garants des engagements de leurs maures et sont associés au pacte conclu par les rois en vue de rétablir la paix. Cette idée n'est pas nouvelle : on se rappelle qu'en 806 Charlemagne faisait jurer à tous les hommes libres de se soumettre au règlement qu'il venait d'arrêter pour le maintien de la paix par la concorde entre ses fils[298]. Mais c'est surtout à partir de 842, par un progrès des théories politiques de l'Église, que l'on conçoit l'ordre dans la société carolingienne comme fondé sur l'observation d'un double contrat, celui que les rois ont fait entre eux et celui que les fidèles ont fait avec les rois[299]. Le moment où cette idée prend plus de consistance et de force sur les esprits est précisément celui où l'unité politique de la monarchie est brisée d'une façon définitive, où la paix générale est le plus compromise.

Louis et Charles, après avoir consolidé leur union, firent à Lother de nouvelles ouvertures de paix qui ne reçurent pas un meilleur accueil que les précédentes. Ils se décidèrent à marcher sur la capitale de l'empire, Aix-la-Chapelle, où leur frère séjournait. A leur approche, l'empereur s'enfuit et gagna en toute bide la ville de Lyon, pour s'assurer une retraite en Italie. Arrivés à Aix, les deux rois consultèrent les évêques et les prêtres qui s'y trouvaient réunis en grand nombre, leur demandant ce qu'il fallait faire du peuple et du royaume que leur frère venait d'abandonner. Leurs conseils, donnés en quelque sorte an nom de Dieu, devaient, dit Nithard, déterminer leur décision et lui donner plus de poids[300]. Ils furent d'accord pour déclarer que Dieu avait retiré à Lother le gouvernement de son royaume et l'avait confié à ses frères. Les griefs qu'ils formulèrent alors contre lui font penser à ceux dont Lother avait autrefois dressé la liste contre Louis le Pieux. A son tour il fut accusé d'avoir violé ses serments et imposé un parjure au peuple chrétien ; on lui reprocha même d'avoir deux fois chassé son père du trône, en oubliant que les chefs (le l'Église franque l'avaient aidé dans ses révoltes. Mais le régime de l'unité était condamné en même temps que son représentant, par la faute duquel l'Église avait souffert des maux de toute sorte.

Louis et Charles furent ensuite interrogés par les évêques : voulaient-ils régner d'après les exemples de leur frère ou selon la volonté de Dieu ? Ils répondirent que tant que Dieu leur accorderait le pouvoir et le savoir, ils se conduiraient, eux et leurs sujets, selon sa volonté. En vertu de l'autorité divine, dirent alors les évêques, nous vous prions et ordonnons de prendre ce royaume, et vous exhortons à le gouverner conformément aux lois de Dieu[301]. Chacun des rois désigna douze commissaires pour procéder au partage ; Nithard entre autres fut choisi. On se préoccupa beaucoup moins, dit-il, de la fertilité ou de l'égalité des parts que du voisinage et de la convenance de chacun[302]. Ces mots semblent indiquer que le partage se fit avec un peu de précipitation ; il devait n'avoir qu'un caractère provisoire. Les rois reçurent cependant un serment de fidélité de leurs nouveaux sujets.

Ce coup hardi eut le résultat qu'ils en attendaient peut-être. Peu de temps après, Lother demanda à traiter : Il pria ses frères de lui accorder quelque chose de plus que le tiers du royaume, en raison du titre d'empereur que son père lui avait laissé et de la dignité impériale réunie à la royauté franque par son aïeul ; sinon, de lui céder au moins le tiers du royaume, la Lombardie, la Bavière et l'Aquitaine une fois mises de côté : Chacun d'eux, avec l'aide de Dieu, gouvernerait sa part le-mieux possible et pourrait compter sur l'appui et le bon vouloir des autres rois ; ils garantiraient à leurs sujets le maintien de la paix et des lois ; enfin ils feraient ensemble, sous la protection de Dieu, une paix perpétuelle[303].

Ainsi Lother ne prétendait plus au gouvernement de l'empire tout entier, en vertu de son titre d'empereur ; il ne réclamait qu'une part de territoire un peu plus étendue et consentait à laisser ses frères libres dans leurs royaumes. Il acceptait, en un mot, à la place du régime de la monarchie, celui de la concorde. Ses propositions étaient conçues absolument dans le même esprit que le règlement de Thionville ; les termes mêmes qu'il employait différaient peu de ceux dont s'était servi Charlemagne[304]. Ce fut sur ces bases, acceptées tout de suite par Louis et Charles, que s'engagèrent les négociations qui aboutirent à l'accord définitif.

Les lignes principales du partage furent d'abord arrêtées. Les deux rois offrirent à Lother la région comprise entre le Rhin et les Alpes d'un côté, la Meuse, la Saône et le Rhône de l'autre. Après quelques pourparlers il obtint que la limite de son territoire fût reculée à l'ouest jusqu'aux Ardennes. Il fut convenu que ce partage n'était que provisoire ; que, dans leur prochaine entrevue, les trois frères diviseraient l'empire, sauf les trois pays susmentionnés, en trois parts aussi égales que possible, et qu'enfin Lother aurait le droit de choisir[305]. Depuis le commencement du règne de Louis le Pieux, l'Italie, la Bavière et l'Aquitaine avaient eu un gouvernement séparé ; les deux premiers de ces pays avaient été réservés à Lother et à Louis dans tous les règlements de partage ; Charles avait pris en Aquitaine la place de son frère défunt. On ne s'étonnera pas que ces trois royaumes aient été mis hors de contestation.

Au mois de juin, les trois fils de Louis le Pieux se rencontrèrent près de Mâcon, dans une île de la Saône ; ils étaient accompagnés chacun d'un nombre égal de fidèles. Ils se bornèrent à ratifier de vive voix ce dont ils étaient convenus déjà par l'entremise de leurs envoyés[306]. Ils échangèrent ensuite des serments de paix et de fraternité[307] : Lother entra à son tour dans le pacte d'amitié et de concorde que ses frères avaient formé ensemble l'aimée précédente. Chacun des copartageants choisit quarante commissaires chargés de dresser le projet de partage définitif[308].

Cette commission devait se réunir à Metz, le 1er octobre suivant ; elle ne se mit au travail que le 19, à Coblentz, afin de se trouver à égale distance de Thionville, où Lother était venu s'établir, et de Worms où ses frères demeuraient. Mais il s'éleva bientôt une difficulté : personne ne disposait d'une notice complète de l'empire[309]. Sans données précises il était impossible de faire un partage équitable. Les rois consentirent à prolonger la trêve jusqu'au mois de juillet suivant. Dans l'intervalle, on confia à des envoyés spéciaux le soin de recueillir dans les provinces les éléments d'une description de l'empire : il s'agissait probablement de dresser un état complet des comtés, évêchés, abbayes, bénéfices et domaines royaux compris dans le territoire à diviser, pour en faire ensuite une égale répartition[310].

Ces détails ont leur importance. Il ressort évidemment de ce qui précède que les commissaires n'avaient qu'une préoccupation : faire trois parts aussi égales que possible. Comme dans tous les règlements de partage antérieurs, les questions de nationalités eurent très peu d'influence sur leurs décisions ; on ne les voit pas encore apparaître clairement. Au cours de la guerre civile chacun des peuples de l'empire se trouvait représenté à la fois dans les deux partis[311]. Les grands, à quelque race qu'ils appartinssent, n'étaient conduits que par des vues d'intérêt personnel[312]. De là la confusion répandue dans la société carolingienne, et qui inspirait à Nithard ce retour mélancolique : Au temps du grand Charles d'heureuse mémoire, qui mourut il y a près de trente ans, le peuple marchait d'un commun accord dans la droite voie, la voie du Seigneur ; aussi la paix et la concorde régnaient partout. Mais à présent que chacun marche dans le sentier qui lui plaît, on ne voit partout que discordes et querelles[313]. C'est toujours à l'oubli des devoirs de la religion et à l'égoïsme des grands que les contemporains attribuent les malheurs de l'empire[314] ; des tendances de la part des peuples à former des groupes politiques distincts ne s'aperçoivent nulle part dans les textes.

 

V

Ce fut seulement dans les premiers jours du mois d'août 843 que les fils de Louis le Pieux, réunis à Verdun, réglèrent d'une façon définitive le partage de l'empire[315]. Nous ne possédons pas l'original du traité ; il faut nous contenter de cc qu'en disent les historiens et des allusions éparses dans des lettres ou des actes publics. L'ouvrage de Nithard est malheureusement inachevé et ne nous conduit pas au delà des préliminaires. Le texte le plus important est celui des Annales de Saint-Bertin ; l'évêque Prudence parle en ces termes du partage de Verdun : Lors de la distribution des parts, Louis reçut tous les pays situés au delà du Rhin et, en deçà du Rhin, les cités de Spire, Worms et Mayence avec leurs comtés. Lother eut la région comprise entre le Rhin et l'Escaut d'abord jusqu'à la mer ; sa frontière suivait ensuite le comté de Cambrai, celui du Hainaut, les comtés Lomensis et Castritius[316] et ceux qui bordent la Meuse en deçà jusqu'au confluent de la Saône et du Rhône, puis le Rhône jusqu'à la mer, entourant de même les comtés placés sur les deux rives. En dehors de ces limites, Lother acquit l'abbaye d'Arras[317] qu'il ne dut qu'a la bonté de son frère Charles. Tout le reste jusqu'à l'Espagne, échut à Charles[318].

Ces détails sont trop précis pour ne pas être empruntés à un document officiel ; il est facile de reconnaître ici les formes de rédaction employées d'ordinaire dans les traités de délimitation. Prudence s'est donc servi de l'acte original du partage. Cette remarque donne à son témoignage une valeur particulière. On peut d'ailleurs le contrôler à l'aide d'un autre document. Le royaume de Lother fut partagé, en 870, entre Charles et Louis le Germanique ; l'archevêque de Reims, Hincmar, qui rédigeait à ce moment les Annales de Saint-Bertin, a reproduit la formule de ce partage[319]. Il ressort de la comparaison des deux textes que Prudence a fort exactement indiqué la limite qui séparait les royaumes de Charles et de Lother. Quant à la frontière orientale du royaume de Lother, elle suivait effectivement le Rhin sur la plus grande partie de son cours ; mais l'empereur possédait au delà du Rhin la Frise[320]. Par contre, plusieurs autres textes nous autorisent à placer dans la part de Louis le Germanique le duché de Coire ou Rhétie, situé sur la rive gauche du fleuve[321]. Ces deux omissions sont peu graves : la Frise fut presque sans interruption, pendant de longues années, occupée par les Normands[322] ; la Rhétie, d'autre part, couverte de montagnes, n'était pas un territoire d'une grande valeur. On comprend que l'historiographe de Charles le Chauve ait mis plus de soin à décrire la frontière qui l'intéressait davantage. Nous ferons enfin observer que, s'il ne prolonge pas la limite orientale au delà des sources du Rhin, c'est que l'Italie et la Bavière se touchaient par les Alpes et que ces deux pays n'étaient point compris dans le partage, comme on l'a vu plus haut : c'est une nouvelle preuve que Prudence avait sous les yeux l'original du règlement[323].

Le rédacteur des Annales de Fulde, le moine Rodolphe, est infiniment plus bref ; il se contente de cette vague indication : Les trois frères se partagèrent le royaume : Louis reçut la portion orientale, Charles, la portion occidentale, Lother, qui était l'allié, celle du milieu. Ils firent entre eux la paix, la confirmèrent par serment ; puis chacun s'en alla pour s'occuper de l'administration et de la défense de son royaume[324]. L'archevêque de Vienne, Adon, avec lequel Charles le Chauve eut des relations d'amitié, mentionne aussi le partage en quelques mots dans sa Chronique : L'empire, une fois divisé, chacun va gouverner et administrer sa part[325].

Ces deux textes ne nous apprennent rien sur le partage ; mais la dernière phrase mérite quelque attention. Rodolphe et Adon emploient des termes à peu près identiques, tout à fait semblables à ceux dont se servaient Lother, quand il fit ses propositions de paix (regeret quisque illorum, Deo favente, portionem regni sui[326]) et Charlemagne lui-même, dans le préambule des statuts de Thionville (portionem quam quisque illorum tueri vel regere debeat[327]). Il semble que ce soit là en quelque sorte une expression consacrée pour dire que chacun des copartageants est roi et maitre sur son territoire. Il est permis de supposer que l'acte de Verdun contenait une phrase de ce genre[328] ; elle équivalait à l'abrogation formelle des clauses du règlement de 817 qui conféraient à Lother un droit de gouvernement supérieur sur tout l'empire.

Le traité renfermait-il d'autres articles ? On l'ignore absolument. Mais, à notre avis, le silence du rédacteur des Annales Bertiniennes est une preuve du contraire. Après les serments, dit-il, on se sépara enfin, chacun allant de son côté[329]. Si les rois avaient fait, en 843, un règlement général pareil à ceux qui sont joints aux partages antérieurs, Prudence l'eût au moins mentionné ; s'il n'en dit rien, c'est qu'à Verdun la question du partage fut seule réglée[330].

On sait, en revanche, à quels serments il fait allusion ; il en est parlé à plusieurs reprises dans des lettres de rois, d'évêques ou de papes. Chacun des copartageants promit de respecter la part de ses frères et de la laisser à leurs fils ; tous trois s'engagèrent l'un envers l'autre à ne jamais franchir les limites de leurs territoires respectifs et se jurèrent une mutuelle amitié[331]. Ce fut sous cette forme qu'ils firent ensemble un pacte solennel d'union ; les textes l'appellent de noms divers, pax, fœdus amicitiæ, concordia[332]. Comme en 842, à Strasbourg, les fidèles se portèrent garants de ces promesses et jurèrent de maintenir le partage de Verdun[333]. Les formules de ces divers serments furent envoyées à Rome pour y être soumises à l'approbation du pape, comme l'avaient été jadis les règlements de 806 et de 817[334]. Ainsi le traité de 843, autant que nous eu pouvons juger par ces renseignements trop brefs, fut la reproduction exacte des préliminaires de l'année précédente ; les emprunts faits aux statuts de Thionville par les petits-fils de Charlemagne sont encore faciles à reconnaître[335].

Cette étude serait incomplète, si nous ne jetions un rapide coup d'œil sur le régime qui prévalut dans l'empire carolingien à la suite de ce traité. A partir de 843, l'unité de l'empire disparaît ; l'idée en subsiste cependant[336]. Lother écrit au pape Léon IV, après le partage de Verdun : Notre royaume a été divisé en trois parts égales, je veux dire sectionné[337]. Ses frères et lui portent tous trois également le titre de rex Francorum[338]. Ils parlent à chaque instant de leur commun royaume, de leurs fidèles communs[339]. Il semble, à les entendre, que l'empire soit resté indivis entre eux. De temps à autre, ils ont ensemble des conférences où ils s'occupent des intérêts généraux de l'empire et arrêtent des mesures d'ordre public communes aux trois royaumes. Ces conférences ont lieu en 844 à Thionville[340], en 847 et en 851 à Mersen[341] ; après la mort de Lother, ses frères en tiennent de semblables avec leurs neveux[342]. Tous les rois carolingiens paraissent former entre eux une sorte de confédération dont le but est de travailler au commun profit, à la défense de l'empire, au maintien de l'ordre et de la paix à l'intérieur[343].

Le règlement d'Aix-la-Chapelle, en 817, ordonnait à Lother et à ses frères.de tenir des réunions analogues. Mais Louis et Pépin étaient obligés de se rendre régulièrement chaque année auprès de Lother ; ils lui présentaient un rapport sur la situation de leurs royaumes ; ils lui devaient des dons comme au véritable souverain. Les conférences postérieures au traité de Verdun ont un tout autre caractère. Elles ne sont pas périodiques et n'ont lieu que lorsque les rois en reconnaissent la nécessité et qu'ils se sont mis d'accord sur l'endroit et sur la date de leur entrevue[344]. Celui d'entre eux qui a hérité du titre impérial n'y occupe pas un rang plus élevé que les autres. Tous trois se traitent d'égaux, de pairs[345]. Leurs capitulaires ne font même jamais mention de l'empereur.

L'unité de l'empire n'est plus qu'une unité morale et religieuse. Ce qui rapproche les rois, c'est le souvenir du pacte de fraternelle concorde qui les lie l'un à l'autre[346]. Ils ne se séparent jamais sans le renouveler en termes formels ; ils l'inscrivent en tête de leurs décrets communs. Ceux de 817 débutent ainsi : Paix, concorde, unanimité entre les rois frères ; que le lien d'une charité sincère et non feinte les unisse, que personne ne sème entre eux des occasions de querelle. — Qu'ils se prêtent un mutuel secours et s'aident entre eux contre leurs ennemis, ceux de Dieu et de la sainte Église[347]. Les trois premiers articles des capitulaires de 851 sont remplis de promesses de paix, de pardon, d'oubli mutuel des injures, de fraternel amour : Qu'il y ait entre nous, Dieu aidant, à partir de cc jour, un tel penchant de sincère charité, découlant d'un cœur pur, d'une bonne conscience, d'une foi non feinte, exempte de ruse et de dissimulation, qu'aucun de nous ne souhaite de mal au royaume ou aux fidèles de son pair, ne forme de mauvais desseins contre lui. — Que chacun soutienne fidèlement son pair de son conseil et de son aide, partout où il sera nécessaire et de tout son pouvoir, par lui-même, ses fils ou ses fidèles[348].

Cette union intime des rois carolingiens est le résultat des efforts de l'Église. Un an seulement après le partage de Verdun, un synode d'évêques adresse aux rois réunis à Thionville les conseils suivants : Si vous voulez avoir, pour le moment, un règne heureux et être sauvés plus tard, appliquez-vous à pratiquer entre vous cette charité enseignée par l'apôtre, d'un cœur pur, d'une conscience droite et d'une foi sincère. — On connaîtra, a dit le Seigneur, que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. — Si l'un de vous le demande, aidez-le selon vos forces, d'un conseil sincère et d'un prompt secours, car il est écrit que le frère qui est aidé par son frère est comme une cité inébranlable. Ainsi donc, à ce peuple qui vous est confié donnez cette paix dont le Christ, montant au ciel, a laissé l'immense bienfait à ses fidèles, en leur disant : Je vous laisse ma paix., je vous donne ma paix, sans laquelle personne ne verra Dieu[349]. Les rois ont fait, dans leurs capitulaires, plus d'un emprunt à ce discours, ce qui montre quelle part les évêques ont eue dans la réunion de ces congrès. Sans doute leurs exhortations sont rarement écoutées et pour peu de temps ; elles ont sans cesse besoin d'être répétées. Mais elles parviennent aussi plus d'une fois à rétablir la paix, lorsqu'elle a été troublée par l'un des frères. En 859 le synode de Metz chargea une délégation de neuf évêques de ramener à la concorde Louis le Germanique ; ces évêques sont appelés les ambassadeurs du Christ, les messagers de la paix chère à Dieu[350]. A la suite de cette démarche eut lieu le plaid de Coblentz, en 860, dans lequel les rois recommencèrent à discuter ensemble les intérêts de l'empire tout entier.

Le chef de l'Église veille attentivement an maintien d'un tel accord. Avant la bataille de Fontanet, le pape Grégoire IV a déjà fait auprès des frères ennemis une tentative de conciliation[351]. A partir de 813, les papes, que les rois ont constitués les gardiens de leurs serments, interviennent fréquemment an milieu de leurs querelles, soit pour prévenir une rupture, soit pour les rappeler au respect de la foi jurée[352]. Ils tracent aux évêques leurs devoirs sur ce point, stimulent leur zèle, les gourmandent quand leur ardeur se relâche, encouragent leurs efforts[353]. En 876 le pape Jean VIII reproche aux évêques de Germanie de n'avoir pas détourné leur roi d'envahir le royaume de son frère. A ce propos il leur montre ce que doit être le rôle de l'Église dans la société chrétienne : Lorsque la concorde règne dans les cœurs, nous les enveloppons dans la paix de ; s'ils sont désunis, nous les ramenons à la grâce de la concorde[354]. Les papes s'adressent enfin aux comtes et aux grands de chaque royaume ; ils les invitent à garder leur foi à leur seigneur ou à l'empêcher de violer la sienne envers ses frères[355]. Rois et fidèles sont liés, en effet, par les mêmes serments ; les uns et les autres ont pris, à Verdun, l'engagement de maintenir la paix.

La plupart des historiens de France ou d'Allemagne font commencer à la date de 843 l'histoire particulière de leur nation[356]. Il est vrai que le royaume de Charles correspondait à peu près à la France actuelle et qu'on y parlait surtout des idiomes romans ; que celui de Louis comprenait la plus grande partie des peuples de langue tudesque. Mais le partage de Verdun ne résultait pas d'aspirations nationales ; du moins les textes ne les montrent pas[357]. On peut remarquer que toutes les races et toutes les langues étaient représentées dans la population du royaume de Lother ; ceux de ses frères mêmes étaient loin d'avoir une population homogène. Dès lors ceux qui n'ont vu dans les évènements de 843 que la formation de deux peuples distincts par l'origine et par le langage ont contribué à fausser le sens de ces évènements, à dénaturer le véritable caractère du traité de Verdun[358].

Il faut juger ce traité comme le jugeaient les contemporains eux-mêmes, n'y voir autre chose qu'un règlement de succession analogue à tous ceux qui l'ont précédé ou suivi dans l'histoire de la monarchie franque. Mais ce règlement acquiert, par suite des circonstances, une portée bien différente de celle qu'ont eue tous les autres.

Il y avait, en 843, près d'un demi-siècle qu'une grave question s'était posée au sujet de l'héritage de Charlemagne. La coutume franque exigeait que cet héritage fût divisé en parts égales entre les fils de l'empereur. Mais quelques politiques, des dignitaires de l'Église surtout, subissant peut-être l'influence des souvenirs de l'empire romain, effrayés à coup sûr des dangers de ce partage, avaient voulu conserver intacte l'unité de l'État carolingien. Leur tentative, plusieurs fois renouvelée, venait d'échouer définitivement. Le traité de Verdun y mit pour toujours un terme. A ce point de vue il justifiait les plaintes fameuses du diacre Florus : Ce royaume, beau entre tous, florissait sous un brillant diadème : il n'y avait qu'un prince, il n'y avait aussi qu'un peuple... Dépouillé de son diadème, il a perdu le nom et la dignité d'empire : de ce royaume uni on a fait trois parts. Personne ne mérite plus le titre d'empereur ; au lieu d'un roi, un roitelet., au lieu d'un royaume, des morceaux de royaume. On parle de la paix, alors qu'on ne goûte aucun des bienfaits de la paix[359]. Florus appartenait à l'église de Lyon, naguère encore dirigée par l'un des plus vaillants défenseurs de l'unité, l'archevêque Agobard. Ses plaintes traduisaient précisément les amers regrets, le désespoir sincère qu'avaient éprouvés, lors du partage de Verdun, les derniers partisans de l'unité de l'empire.

Le traité de Verdun ouvrait en même temps une période nouvelle dans l'histoire de l'empire carolingien[360]. A l'unité de direction politique qui avait pu se maintenir pendant près de soixante-dix ans sous Charlemagne et sous Louis le Pieux, succédait un régime qu'on a défini très justement le régime de la Fraternité ou de la Concorde[361] : l'idée de la concorde fraternelle qui doit régner entre les chrétiens en était la base essentielle[362]. L'Église franque en a conçu la première le plan ; elle a travaillé, à partir de 843, à l'organiser et l'a soutenu de tous ses efforts. Dans la pensée des évêques, l'unité de la paix et de la concorde[363] devait compenser la perte de l'unité politique ; ils espéraient, jusqu'à un certain point, en tirer le même profit. Il faut reconnaître que ce résultat avait été préparé, dans une large mesure, par le règlement de Thionville. La solution qui fut donnée, en 813, au problème de l'héritage de Charlemagne était conforme tout à la fois aux desseins du fondateur de l'empire et aux plus anciennes traditions de la monarchie franque.

 

APPENDICE.

Dans l'étude qui précède sur le traité de Verdun, nous avons laissé de côté tous les textes non officiels rédigés vers la fin du Ise siècle ; un rapide examen de ces textes montrera que nous étions en droit de les négliger[364].

Le premier est emprunté à une Historia regum Francorum, sorte de précis très court où sont notés les principaux événements de l'histoire de la famille carolingienne entre 840 et 870, la bataille de Fontanet, le partage de Verdun, ceux de 855 et de 865 entre les fils de Lother et ceux de Louis le Germanique, le partage du royaume de Provence entre Louis II et Lother II. Aucun indice ne révèle la provenance de cet écrit[365].

Viennent ensuite les Annales dites de Xanten[366]. A la date de 869, elles donnent la distribution de l'empire carolingien et nous renseignent ainsi indirectement sur le traité de Verdun. Le rédacteur inconnu de ces Annales appartenait, semble-t-il, à une région voisine du Rhin. Il écrivait dans le dernier tiers du IXe siècle[367], au milieu des incursions des Normands et des Hongrois qui troublaient sans cesse le pays, et probablement sans le secours d'aucun document ; il commet de fréquentes erreurs de dates[368].

Nous avons encore deux textes dus, l'un à un moine de Reichenau, continuateur du Breviarium d'Erchembert[369], l'autre à un moine du Mont-Cassin qui a nom Erchampert et est l'auteur d'une Historia Langobardorum[370]. Tous deux rédigent leur chronique au temps de Charles le Gros, de 884 à 888. Ils sont mal placés pour recueillir des informations sûres : le monastère de Reichenau n'a pas, à cette époque, pris le développement auquel il devait atteindre deux siècles plus farci, celui du Mont-Cassin est pillé par les Sarrasins qui ravagent le midi de l'Italie[371].

On peut enfin consulter, sur le traité de Verdun, la chronique de l'abbé de Prüm, Réginon[372]. Cet ouvrage a une grande valeur ; malheureusement, pour la période qui nous intéresse, les documents ont fait à peu près défaut à Réginon. Il ne connaissait pas les Annales de Fulde et de Saint-Bertin, ni l'ouvrage de Nithard[373] ; ses erreurs de chronologie ne sont pas rares. Il a dû écrire dans les premières années du Xe siècle[374].

On voit que ces différents textes présentent peu de garanties d'exactitude. Sans relations avec les princes, les auteurs que nous venons de. citer ne pouvaient puiser leurs informations aux sources officielles ; ce qu'ils savent leur est fourni par la tradition orale. Encore leur champ de renseignements ne s'étend-il guère au delà des limites de leur canton[375] ; les fréquentes incursions des Normands, des Hongrois, des Sarrasins rendaient les routes moins sûres et par suite les relations plus difficiles entre les diverses parties de l'empire. Il faut remarquer en outre que les royaumes issus du partage de 813 furent démembrés à leur tour au bout de quelque temps, que les nouveaux partages de 855, 863, 865, 870, durent produire quelque confusion dans les esprits et faire oublier rapidement les frontières fixées par le traité de Verdun.

Les Annales Bertiniennes, dans lesquelles un évêque fort bien renseigné, grâce à ses attaches avec ]a cour de Charles le Chauve, mêlé lui-même aux affaires du gouvernement, enregistrait au fur et à mesure les événements dont il était témoin, méritent infiniment plus de confiance. Nous ferons toutefois quelques réserves en faveur de Réginon. Ce chroniqueur a vécu dans une abbaye impériale, celle de Prüm, et à l'évêché de Trêves ; il se peut qu'il ait utilisé des pièces officielles conservées dans les archives de ces maisons[376]. Nous ne serions pas loin d'accorder aussi quelque valeur à l'Historia regum Francorum dont il a été question plus haut. On constate que ce document a été connu et copié dans des régions diverses. Le continuateur d'Adon de Vienne, un Bourguignon sans doute, l'a reproduit mot pour mot[377]. De même le moine Hariulf, qui écrivait au XIIe siècle la chronique de Saint-Riquier en Picardie[378]. On le trouve encore transcrit dans le cartulaire de Sithin[379], composé au Xe siècle, et dans les manuscrits des chroniques de Saint-Wandrille en Normandie et de William de Malmesbury en Angleterre[380]. La vogue dont parait avoir joui au moyen âge ce résumé sec et tout impersonnel, vient peut-être de ce que les Grandes Annales, peu répandues et jalousement gardées, ont servi à le rédiger. C'est une simple hypothèse qui nous est suggérée par l'examen de ce document.

Le passage relatif au traité de Verdun est ainsi conçu : Les trois frères firent la paix et se partagèrent l'empire des Francs. Lother prit le royaume des Romains et toute l'Italie, la partie orientale de la Francia et toute la Provence. Louis, outre le Norique, qu'il occupait déjà, prit les royaumes que son père lui avait donnés[381], c'est-à-dire l'Alamanie, la Thuringe, l'Austrasie, la Saxe et le royaume des Avares, c'est-à-dire des Huns ; Charles, la moitié occidentale de la Francia, toute la Neustrie, la Bretagne, la plus grande partie de la Bourgogne, la Gothie, la Wasconie et l'Aquitaine, d'où il chassa Pépin, fils de Pépin, qui fut enfermé au cloître de Saint-Médard.

Ce texte diffère, sous plus d'un rapport, de celui de Prudence : il ne fait mention ni de la date ni de la ville où le traité a été conclu. Le partage est exposé suivant une autre méthode ; le rédacteur, au lieu de trace r les frontières des trois royaumes, énumère les pays qu'ils comprennent. C'est ainsi que l'Italie, l'Aquitaine et la Bavière, bien que mises à part en 843, figurent dans cette liste. Le texte original du traité n'a pas été consulté, c'est évident ; toutefois la distribution des provinces de l'empire est exacte. La Frise seule a été oubliée dans cette énumération, mais aucun texte ne la mentionne ; c'est la charte du partage de 870 qui nous apprend qu'elle était comprise dans le royaume de Lother. Cette omission est peu grave ; pendant plus de vingt ans, de 831 à 855, cette province avait subi de fréquentes incursions des pirates danois ou normands. Ceux-ci avaient fini par s'y établir avec la permission de Lother. Comme l'autorité des rois francs était à peu près nulle dans ce pays, il pouvait bien ne plus être compté au nombre des provinces de l'empire[382].

Le texte de Réginon est plus précis : Les trois frères se partagèrent l'empire des Francs. A Charles échurent les royaumes de l'Occident, de l'Océan britannique à la Meuse ; à Louis, les royaumes de l'Orient, A savoir toute la Germanie jusqu'au Rhin et quelques cités avec les pagi adjacents au delà du Rhin, à cause de leur richesse en vignobles. Lother, qui était l'aîné et portait le titre d'empereur, prit la part du milieu qui, depuis, a reçu son nom, toute la Provence et tous les royaumes de Malle avec la ville de Rome elle-même.

Ainsi, à l'exemple de Prudence, Réginon essaie d'indiquer les limites des parts ; il connaît aussi les enclaves du royaume germanique sur la rive gauche du Rhin. On pourrait supposer que le traité de Verdun lui était connu dans sa teneur ; mais cela n'est pas nécessaire. Rapprochons en effet sa chronique des Annales de Fulde :

Ann. Fuldenses, 843 :

 

Reginonis Chronicon, 842 :

Hludowicus orientalem partem accepit, Karolus occidentalem tenuit, Hlotharius qui major natu erat, mediam inter eos sortitus est portionem.

 

Karolo occidentalia regna cesserunt..., Hludowico orientalia..., Lotharius, qui major natu erat, medius inter utrosque inceclens, regnum sortitus est...

Voilà des analogies frappantes. Pourtant Réginon ne s'est pas servi des Annales de Fulde : il place le partage en 842. Il n'a pu avoir sous les yeux qu'une sorte d'abrégé de ces Annales. Il a utilisé d'autre part l'Historia regum Francorum, comme le montre cette autre comparaison :

Francor. reg. Historia :

 

Reginonis Chronicon :

Diviserunt inter se Francorum imperium. Lotharius accepit regnum Romanorum et totam Italiam... totamque Provintiam.

 

Tres fratres imperium Francorum inter se diviserunt. Hlotharius.... sortitus est... totam Provintiam nec non et omnia regna Italiæ cum ipsa Romana urbe.

Remarquons encore que Réginon cite l'Océan britannique, alors que l'Historia regum Francorum est le seul texte qui mentionne la Bretagne à propos du traité de Verdun. Réginon a vraisemblablement puisé à la même source les détails qui concernent Pépin d'Aquitaine[383]. Qu'il ait su que les cités de Mayence, de Worms et de Spire appartenaient à Louis le Germanique, cela s'explique sans avoir besoin de supposer qu'il se soit servi des Annales Bertiniennes : c'est dans la région voisine du Rhin que Réginon a passé sa vie, qu'il a exercé de hautes fonctions dans le clergé ; il est donc naturel qu'il ait ajouté ce renseignement à ceux que lui avaient fournis les deux textes précédents.

Le continuateur d'Erchembert s'exprime ainsi : Lother eut l'Italie, la Bourgogne, une partie de la Gaule Lyonnaise, la province Mosellane et une partie de ceux qu'on appelle les vieux Francs (veteres Franci). Son frère Louis prit toute la Germanie, c'est-à-dire toute la France orientale, l'Alamanie ou Rhétie, le Norique, la Saxe et une foule de nations barbares. Charles eut cinq provinces, les Viennois, la province des Éduens, la Gaule Narbonnaise et une partie de la Belgique ainsi que de la Lyonnaise. Quant à l'Aquitaine, l'Espagne (marche d'Espagne), la Gascogne, la Gothie, elles forment un quatrième royaume, celui de Pépin, le frère des précédents rois. La Provence (ea provincia quæ proprio ipso vocabulo nuncupatur) est laissée en dehors, sous prétexte qu'elle a toujours été disputée entre les uns et les autres. Le rédacteur de ce texte a mélangé ici toutes sortes de renseignements. Il confond le jeune Pépin avec son père ; d'après lui, Charles n'a reçu un royaume qu'à l'instigation de sa mère, l'intrigante Judith. Le partage de Verdun est décrit sans exactitude et même d'une façon peu claire, c'est un chaos de termes de toute origine, où des noms anciens sont mêlés à ceux du temps, des noms de peuples à des noms de pays, tout cela avec une complète ignorance. La Gaule Narbonnaise fait double emploi avec la Provence et la Gothie réunies. Toutefois la part de Lotis le Germanique est celle que l'auteur connaît le mieux, parce qu'il est moine de Reichenau et sujet du royaume allemand[384].

Le moine Erchampert résume en quelques lignes le partage de Verdun : A la mort de Louis, qui le second en Gaule présidait à l'empire auguste, Lother devint son héritier et, depuis, l'empire des Francs fut divisé. Lother gouvernait les royaumes d'Aix et d'Italie, Louis celui de Bavière, et Charles, né d'une autre mère, le royaume d'Aquitaine. Erchampert ignore évidemment les détails du partage. Vivant au fond de l'Italie, il n'a qu'une notion très vague des événements qui se sont passés au centre de l'empire ; il sait seulement que l'empereur Lother possédait, outre l'Italie, un vaste territoire au delà des Alpes, dont Aix était la capitale.

L'annaliste de Xanten, à la date de 813, fait un récit incomplet et inexact des opérations préliminaires du partage. Comme les réunions des commissaires royaux eurent lieu dans les villes du pays rhénan, il est naturel que la tradition locale en ait conservé le souvenir. C'est cette tradition qu'a recueillie l'annaliste, qui habitait probablement la région de Cologne. Mais il est muet sur le traité de Verdun ; c'est seulement pour l'année 869 qu'il trace la carte suivante de l'empire carolingien : En ce temps, quatre rois occupaient l'ancien royaume du grand Charles. Louis, fils de l'empereur Louis, régnait en Orient sur les Slaves, la Bavière, l'Alamanie et Coire, la Saxe, les Suèves, la Thuringe et les Francs orientaux avec les pagi de Worms et de Spire. Charles, son frère, commandait aux Gaulois, aux Aquitains et aux Gascons. Louis, fils aîné de l'empereur Lother, gouvernait l'Italie et le Bénéventin. Lother, son frère, la Ripuarie, la Burgundie et la Provence. On s'explique très bien, pour la même raison que plus haut, que cet historien soit mieux renseigné sur les pays qui composaient la part de son maigre Louis le Germanique ; qu'il connaisse les cités qui relevaient de Louis à l'ouest du Rhin ; que, seul de ses contemporains, il mentionne la Ripuarie parmi les provinces de Lother. Mais il ne s'est pas servi d'un document officiel, sans quoi il n'eût pas omis le nom de la cité de Mayence[385].

Aucun des textes qu'on vient de lire n'est comparable à celui de Prudence. La forme en est toute différente. Aucun de ces auteurs n'a eu sous les yeux des pièces officielles ; ils ne disposaient, pour le partage de Verdun, que de la tradition orale, tout au plus de quelques documents écrits de seconde ou troisième main. Ils commettent parfois de graves erreurs, et somme toute, on n'en peut tirer aucun renseignement qui ne se trouve déjà dans les Annales de Saint-Bertin, sauf en ce qui touche la situation de la Rhétie.

PH. POUZET.

 

 

 



[1] C'est ce qu'a très bien montré Fustel de Coulanges dans son récent volume La Monarchie franque, 1888, pages 39-42.

[2] Grégoire de Tours, III, 15 18 ; Annales Mettenses, anno 741 (Pertz, Scriptores, t. I). L'expression æqua lance dividere, employée par les historiens, est exactement celle qui était usitée dans les partages de succession en droit privé. V. Textes relatifs aux institutions privées aux époques mérovingienne et carolingienne, publiés par M. Thévenin (Paris 1887), n° 14 et 16.

[3] Lorsque les enfants étaient en bas-âge, il arrivait souvent que leurs oncles s'emparaient de l'héritage. Les grands y faisaient rarement opposition. Aussi quelques historiens ont-ils soutenu que le droit des fils à hériter n'était pas absolu (V. Lehuërou, Hist. des institutions caroling., 1813, liv. Ier, chap. VII ; Waitz, Deutsche Verfassungsgesch., 2e édit.. t. III, p. 275-276). Il n'est pas douteux que ce droit n'existât. V. Fustel, La monarchie franque, 1888, pp. 39-42.

[4] Ce fut le cas de Clotaire Ier en 558, de Clotaire II en 612, d'autres encore ; c'était celui de Charlemagne depuis 771.

[5] V. Gasquet, L'empire byzantin et la monarchie franque, 1888, p. 184. Les partages de l'empire romain aux Ive et va siècles ne peuvent, pas être assimilés à ceux du royaume franc ; ils laissaient subsister en principe l'unité de l'empire. V. Paillard, Hist. de la transmission du pouvoir impérial..., 1875 ; pp. 253-55, 257-63.

[6] Sur cette conception nouvelle de l'empire, voir Waitz, ouvr. cité, t. III p. 201-203 ; Dœllinger, Das Kaiserthum Karls d. Gr., p. 337, 331 (Münchner histor. Jahrb., 1863) ; Gregorovius, Gesch. der Stadt Rom., 2e édit., 1869, t. II, p. 497-98 ; Giesebrecht, Gesch. d. deutch. Kaiserzeit, 4e édit., 1873, t. I, 1re partie, p. 123-121. — Lettre de l'archevêque Odilbert de Milan à Charlemagne (Boretius, Capital. regum Francor., I, p. 247).

[7] Grégoire de Tours, liv. V, Prologue. V. Dareste, Hist. de France, 3e édit., 1881, t. I, p. 220 ; Dümmler, Gesch. d. ostfr. Reiches, 2e édit. 1887, t. I, p. 20-21.

[8] Nous ne connaissons qu'une seule étude d'ensemble sur les règlements de partage de l'empire carolingien, celle de M. C. F. Meyer, Die Theilungen im Reiche der Karolinger, Stettin, 1877, 51 pages. L'auteur a bien voulu nous l'envoyer lui-même ; qu'il reçoive ici nos remercîments. Voir aussi Waitz, ouvr. cité, t. IV, p. 654 et suivantes ; et les Jahrbücher des frœnkischen Reiches de Simson (Karl. d. Gr., t. II, 1883 ; Ludwig d. Fr., 2 vol. 1870-74).

[9] Divisio regnorum (806), Boretius, I, p. 126-130.

[10] Préambule, Divisio regnorum (806), Boretius, I, p. 126.

[11] Il garde ce titre dans l'en-tête de ses actes. Voir le préambule.

[12] Contin. de Frédégaire, c. 110, 136. V. Meyer, ouvr. cité, p. 3-7.

[13] Ann. Lauriss, 781 (Pertz, Scriptores, t. I).

[14] Divisio regnorum, ibid., art. 1-3. V. Longnon, Atlas historique de la France, planche V et texte, p. 50.

[15] Les historiens allemands eux-mêmes le reconnaissent. Waitz, ouvr. cité, t. IV, p. 655. Cf. Meyer, ouvr. cité. p. 11, note 3.

[16] Waitz, t. IV, p. 655. Cf. Dümmler, ouvr. cité, t. I, p. 21.

[17] Art. 3.

[18] Art. 4 : Si c'est l'aîné qui meurt le premier, sa part sera divisée de façon que Louis et Pépin occupent respectivement les pays attribués à Charlemagne et à son frère Carloman dans le partage de 768. M. Meyer (ouvr. cité, p. 12, note 4) à donné, selon nous, une interprétation inexacte de cet article, en disant que le partage de 768 doit être, dans ce cas, rétabli purement et simplement ; l'ancienne frontière ne sera rétablie que partiellement, dans les pays qui formaient la part de Charles. Louis et Pépin conserveront chacun leur royaume de 806.

[19] Art. 5 : Waitz a prétendu, en s'appuyant sur cet article, que les frères du roi défunt avaient à hériter de lui autant de droits que leurs neveux (Deutsche Verfassangsgesch., IV, p. 276). En tint il dépendait des grands que les fils du défunt entrassent en possession de l'héritage de leur père ; mais Charlemagne reconnaît implicitement leurs droits.

[20] Cette division du capitulaire de Thionville en deux parties distinctes est indiquée par les premiers mots de l'art. 6. — Éginhard n'a pas manqué de faire cette distinction dans le récit qu'il a fait du plaid de 806 (Annales d'Éginhard, a. 806).

[21] Art. 6.

[22] Art. 7.

[23] Art. 8.

[24] Art. 9.

[25] Dans deux manuscrits la phrase suivante est ajoutée à l'art. 8 : Hoc non solum de liberis sed etiam de servis fugitivis statuimus obsercundum, ut nulla discordiis relinquatur occasio.

[26] Waitz soutient, contre Roth et Faugeron, que la concession d'un bénéfice engendre le rapport de vassalité (ouvr. cité, IV, p. 261,302-361) : s'il en était autrement on ne comprendrait pas la disposition contenue dans l'art. 9.

[27] Art. 9.

[28] Art. 10.

[29] Art. 11. C'est pour la même raison que Charlemagne a détaché de la Bavière les deux villæ d'Ingolstadt et de Lanterhofen, données autrefois en bénéfice au duc Tassilon et qui formaient deux enclaves dans le pagus de Nordgau. V. ibid., art. 2-3.

[30] Art. 12.

[31] Art. 13.

[32] Art. 14.

[33] Art. 16.

[34] Art. 15.

[35] C'est ce qu'on voit à l'art. 4 de la Divisio regnorum, qui règle le partage du royaume d'Italie entre Charles et Louis, dans le cas où Pépin mourrait avant ses frères.

[36] Remarquer l'opposition exprimée dans la seconde partie de l'art. 15 : De ceteris ecclesiis quæ sub illorum fuerint potestate. — D'après Gregorovius (Gesch. der Stadt Rom, 2e édit. 1869, t. II, p. 459-460), le pape Léon III, lorsqu'à son avènement il promettait fidélité à Charlemagne, le reconnaissait comme son Oberherr. Le pape conservait la Landeshoheit dans l'État de Saint-Pierre ; son autorité reposait sur l'immunité épiscopale : On peut, dit Gregorovius, appeler l'État de l'Église romaine une grande ou la plus grande immunité épiscopale.

[37] Art. 17 : Cette tutelle exercée en commun par des rois sur leurs sœurs est conforme à la tradition. Après la mort de Clovis, le roi des Wisigoths, Amalaric, demanda à ses fils la main de leur sœur Clotilde et l'obtint. V. Grégoire de Tours, III, 1.

[38] Art. 18. Charlemagne avait lui-même fait tondre et enfermer au monastère de Prüm un de ses fils naturels, accusé de complot contre sa personne. Il ne voulait pas que cet acte de rigueur, sans doute justifié, soit imité trop facilement par ses fils. V. Éginhard, Vita Karoli, cap. 20.

[39] On sait que Charlemagne se faisait lire les historiens. Éginhard, Vita Karoli, cap. 21 (édition in usum scholarum, p. 21).

[40] Art. 19.

[41] Art. 20.

[42] Capitul. missorum, 806 (Boretius, p. 131), art. 2.

[43] Pourtant certains textes de la Vita Karoli d'Eginhard, où il est question de ces partages, méritent quelque attention. A l'occasion du partage que fit Charles Martel de la mairie du palais entre ses deux fils, le biographe de Charlemagne dit (Vita Karoli, cap. 2) : Hunc (honorem) cum Pippinus, pater Karoli regis, ab avo et patre sibi et fratri Karlomanno relictum, summa cum eo concordia divisum. Plus loin (ibid., cap. 3), après avoir rappelé le partage de 768, il ajoute : Mansitque ista, quamvis cum summa difficultate, concordia, multis ex parte Karlomanni societatem separare molientibus..., et quelques lignes plus bas : Karlomannus, post administratum communiter biennio regnum... Il est curieux de voir revenir, à propos de chaque partage du royaume franc, l'idée d'une union, d'une certaine communauté entre les rois.

[44] Grégoire de Tours (Hist. Francor., liv. V, Préambule), déplorant les querelles incessantes des rois francs, leur adresse ce reproche : Unum vobis deest, quod pacem non habentes, Dei gratiam indigetis. Cf. Vita Radegundis, II, 11. La reine priait, ut inter se non bella nec arma tractarent, sed pacem firmarent, ne patria periret. L'étude des actes privés fournit un rapprochement curieux avec les actes publics. Voir, dans le recueil de Marculf, la formule des partages de succession (Textes relatifs aux époques mérovingienne et carolingienne, publiés par M. Thévenin, 1887, n° 16). Cf. ibidem, n° 53.

[45] Pactus pro tenore pacis (Boretius, p. 4-7).

[46] Boretius, Capitularia, p. 12-14. Voir l'analyse qu'en a faite récemment Fustel de Coulanges (La monarchie franque, p. 607-612).

[47] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 1-3.

[48] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 4.

[49] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 17.

[50] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 5.

[51] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 7-8.

[52] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 13.

[53] Cf. Cf. Divisio regnorum 806, art. 9.

[54] Boretius, p. 14 : Quia inter prœfatos reges pura et simplex est in Dei nomine concordia illigata.

[55] V. Waitz, Deutsche Verfassungsgesch, 2e édit. t. II, p. 113-116.

[56] Sur cette doctrine l'Église a essayé, dans la seconde partie du IXe siècle, de construire toute une théorie politique. Lire à ce sujet les derniers chapitres de l'intéressant ouvrage de M. Em. Bourgeois, Le capitulaire de Quierzy-s.-Oise, 1883.

[57] Boretius, Capitul., p. 226.

[58] Il est curieux de noter que Charlemagne se plaisait particulièrement à la lecture de la Cité de Dieu. V. Éginhard, Vita Karoli, c. 24.

[59] Admonitio generalis, 789, c. 62 (Boretius, p. 58). Cf. Capitul. missocum, 802, c. 14 (Ibid., p. 94) : Capitul. missor. speciale, 802, c. 31 (Ibid., p. 103) ; Capitul. missor., 809, c. 4 (Ibid., p. 150 et 152).

[60] Annales d'Éginhard, 800.

[61] V. Chronique de Frédégaire, c. 76. Contin. de Frédégaire, c. 110, 136. Ann. Mettenses, 741, 768.

[62] Capital. missor. Niumagœ 806, c. 2 (Boretius, p. 131).

[63] Annales d'Éginhard, 806.

[64] Ce caractère traditionnel a été remarqué par Dümmler, ouvr. cité, p. 21.

[65] Lehuërou, Hist. des institutions carolingiennes, 1843, p. 367.

[66] Dœllinger, Das Kaiserthum Karls des Grossen, 1865, p. 367. Waitz (t. IV, p. 656), propose la même explication, mais sans se prononcer. Dans un autre endroit (t. III, p. 273, note 2), il cite, à l'appui de son opinion, le texte du serment que Charlemagne s'est fait prêter après son couronnement et dans lequel il n'est pas question de ses fils. Mais l'argument n'a pas une grande valeur : la dignité impériale n'étant pas divisible, Charlemagne n'aurait pu faire prêter serment qu'à l'un de ses fils, en l'associant à l'empire par un acte spécial.

[67] Dœllinger, ouvr. cité, p. 367.

[68] Pépin était mort le 8 juillet 810, et Charles, le 4 décembre 811. V. Richter, Annalen der deutschen Geschichte, t. II (1885), p. 185, 191.

[69] V. Harnack, Das karolingische und das byzantinische Reich..., Gœttingen, 1880, p. 41-58.

[70] Certains textes peuvent faire supposer que c'était l'opinion des contemporains. Les auteurs s'adressent à Charles ; Alcuin lui dit : sequens excellentissimi patris tui exempla... quatenus divina clementia illius benedictionem te hereditario jure possidere concedat. (Jaffé, Bibl. rerum germanicarum, t. VI, p. 789). Cf. Theodulf. carm. 35, v. 31-34 (ibid. p. 527) : ut patrias valeas rutilus conscendere sedes || atque jurante deo sceptra tenere manu. — Toutefois il est difficile de voir dans ces phrases une allusion claire à la succession impériale.

[71] Dans tous les partages prévus dans le règlement de Thionville, la part la plus grande est toujours attribuée à Charles. V. Divisio 806, art. 1-4. Il semble, à lire les écrivains contemporains, que toute la réalité de l'empire soit contenue dans un titre : Ann. Lauresh., 801 (Pertz, Scriptores, t. Ier) : Et quia jam tunc cessabat a parte Græcorum nomem imperatoris. — Ann. Lauriss., 801 : Ablato patricii nomine, imperator et augustus est appellatus. — Chron. Moissiac., 801 : Quod apud Græcos nomen imperatoris cessasset, et femina... sibi nomen imperii usurparit. Cf. Éginhard, Vita Karoli, cap. 16, 18, 29. — Les historiens ne disent pas que Charlemagne a transmis à son fils les droits impériaux ou l'empire, mais le titre d'empereur, nomen imperiale, nomen imperii, V. Ann. Einhardi, 813 ; Eginard, Vita Karoli, c. 30 ; Thégan, Vita Hludotvici, c. 6. La possession d'un simple titre est l'unique objet du débat entre Charlemagne et l'empereur Nicéphore, plus tard entre Louis II et l'empereur Basile Ier. Voir la réponse de Louis II à Basile dans Pertz, Scriptores, t. III, p. 523.

[72] On était habitué depuis de longs siècles, en Occident, à envisager de cette façon l'autorité impériale. Giesebrecht (Gesch. d. deutsch. Kaiserzeit, 4e édit. 1873, t. I, 1re partie, p. 121) et Gregorovius (Gesell. d. Stadt Rom, t. II, p. 498) reconnaissent tons deux que la puissance impériale, al l'époque de Charlemagne et de ses successeurs, est concile d'une manière tout idéale. Charlemagne n'acquit point, par son couronnement, des pouvoirs nouveaux sur les pays qu'il gouvernait comme roi ; il y gagna seulement plus de prestige et de majesté. Le serment qu'il exigea, à cette occasion, de tous les hommes libres, ne diffère pas de celui qu'il s'était fait prêter comme roi : il y apporta seulement plus de solennité. V. Boretius, Capitul., p. 92, 101.

[73] Himly, Wala et Louis le Débonnaire, p. 86.

[74] Harnack, ouvr. cité, p. 51-55. Le traité fut conclu entre Charlemagne et l'empereur Michel, qui venait de succéder à Nicéphore : Charlemagne rendait à l'empereur d'Orient la Vénétie et les ports dalmates. — L'idée d'une union fraternelle entre les deux empereurs servit alors à effacer la division de l'empire, comme elle atténuait le partage du royaume franc. Éginhard, Vita Karoli, c. 16. Charlemagne, en écrivant aux souverains de Byzance, les traite de frères : Epist. ad Nicephor ; Epist. ad Michael. (Jaffé, Bibl. rer. germanic., t. IV, p. 394, 415) ; cf. Éginhard, Vita Karoli, cap. 28. Plus tard Louis II écrit à l'empereur Basile (Pertz, Scriptores, t. III, p. 522) : Unum est imperium... cujus pars est ecclesia constituta in terris, quam tamen Deus nec per te solum nec per me tantum gubernari disposuit, nisi quia sumus tanta ad invicem caritate connexi, ut non jam divisi set unum existere videamur. On voit que l'unité de l'empire subsistait toujours en théorie. M. Gasquet a le premier rapproché le traité franco-byzantin de 812 des pactes de fraternité conclus par les princes carolingiens. (L'empire byzantin et la monarchie franque, pp. 301, 306, 313).

[75] Gasquet, p. 297.

[76] Éginhard, Vita Karoli, cap. 30 ; Thégan, Vita Hludov., cap. 6.

[77] C'est la version d'Éginhard. D'après Thégan, Charlemagne aurait invité son fils à se couronner de ses propres mains.

[78] Chron. Moissiac., 813. — Éginhard dit que cette cérémonie rehaussa au dehors le prestige de l'empire franc (Vita Karoli, cap. 30). Des chants en ont conservé le souvenir, ce qui prouve qu'elle avait vivement frappé l'imagination populaire. V. Gaston Paris, La littérature française au Moyen Age, 1888, p. 67.

[79] Voir la formule usitée dans ce cas dans les Textes relatifs aux institutions carolingiennes, publiés par M. Thévenin, n° 13.

[80] Thégan, Vita Hludov., cap. 22. Les enfants naturels étaient, en principe, exclus de la royauté. Lire dans Éginhard (Vita Karoli, cap. 20) le récit de la tentative de révolte d'un bâtard de Charlemagne. Quelques-uns des grands l'avaient entrainé rana regni promissione.

[81] Éginhard, Vita Karoli, cap. 19 : filio defuncto, nepotem patri surcedere fecisset. Cf. Translatio S. Viti (Jaffé, Bibl., I, 7) : (Adalhard fut chargé) ut regnum Langobardorum gubernare deberet, donec filius Pippini, Bernhardus nomine, cresceret. Dans ce passage d'Éginhard (Vita Karoli, cap. 30) : Hludowicum... consortem sibi tolius regni... constituit, regnum doit s'entendre du seul royaume des Francs.

[82] Ann. Lauriss., 812.

[83] Ann. Einhardi, 813. Depuis le mois d'avril 813, Bernard porte sur les diplômes le titre de rex Langobardorum (Bœhmer, Regesta imperii, édit. Mülhbacher, n° 496b).

[84] Thégan, Vita Hludov., cap. 12.

[85] Divisio regnorum, 806, art. 20.

[86] Divisio regnorum, 806, art. 18.

[87] Tout rapport d'obéissance prend alors la forme d'un contrat de vassalité. Bernard est vis-à-vis de son oncle dans la même situation que ses cousins vis-à-vis de leur père. Voir les paroles que Paschase Radbert prête à Louis le Pieux, s'adressant à ses fils, Vita Walœ, II, 17 (Pertz, Scriptores, II, p. 563) : Mementote quod mei vassalli estis, mihique cum juramento fidem firmastis.

[88] Ann. Lauriss. majores, 814 ; Anon. vita Hludorici, cap. 24. — Simson a soutenu (Ludwig der Fromme, t. I, p. 29), d'après le texte des Annales de Lorsch et celui des Ann. Lauriss. min. (constituit filios suos duces) que Lother et Pépin ne portaient pas encore le titre de rois ; on a la preuve du contraire. V. Resgesta imperii, édit. Mülhbacher, p. 218.

[89] Le 9 avril 817, le portique de bois, qui unissait l'église Sainte-Marie d'Aix-la-Chapelle au palais, s'écroula au moment où l'empereur le traversait avec sa suite : Louis eut de légères contusions.

[90] Boretius, Capitul., t. I. p. 270-273.

[91] Ordinatio imperii 817 (Boretius, p. 270).

[92] Ordinatio imperii 817 (Boretius, p. 271).

[93] Ordinatio imperii, art. 18 (Ibid., p. 273).

[94] Dümmler, ouvr. cité, t. I, p. 23 et note 1.

[95] L'archevêque de Lyon, Agobard, dans sa Flebilis epistola (Migne, t. 104, p. 388) fait le récit du placite de 817.

[96] Ordinatio imperii, p. 271.

[97] Ordinatio imperii, art. 1.

[98] Ordinatio imperii, art. 2. Cf. Longnon, Atlas historique de la France, planche VI ; texte, p. 67-68. Il est inexact que les Slaves de l'Elbe et de la Vistule relèvent de Louis le Germanique, comme l'indique la carte de M. Longnon. Voir à ce sujet Dümmler, Gesch. der ostfrœnk. Reiches, 2e édit, t. I. p. 27-28.

[99] Ordinatio imperii, art. 15.

[100] Ordinatio imperii, art. 14.

[101] Ordinatio imperii, art. 3. Cf. art. 9, 14, 15. Le mot regnum n'est employé qu'une fois dans l'article 16.

[102] Le mot potestas désigne souvent, dans les actes publics, la circonscription d'un fonctionnaire. V. Capitula legi addenda, art. 14 (Boretius, p. 284).

[103] Ordinatio imperii, art. 4.

[104] Ordinatio imperii, art. 4.

[105] Meyer, Die Theilungen..., p. 19.

[106] Waitz, Deutsche Verfassungsgesch., t. IV, p. 107.

[107] Ordin. imperii, art. 7.

[108] Ordin. imperii, art. 8.

[109] Ordin. imperii, art. 8.

[110] Ordin. imperii, art. 3.

[111] Ordin. imperii, art. 12.

[112] Ordin. imperii, art. 10. — Cet article ne s'adresse qu'aux deux rois ; si on avait quelque doute à cet égard, à cause de l'expression si aliquis illorum, il suffirait de lire les articles suivants où elle se trouve aussi et pour lesquels aucun doute n'est possible.

[113] Ordin. imperii, art. 16.

[114] Ordin. imperii, art. 13.

[115] Ordin. imperii, art. 14.

[116] Ordin. imperii, art. 14.

[117] Ordin. imperii, art. 15.

[118] Il convient de remarquer ces mots de l'art. 3 : hi duo fratres qui regis nomine censentur. Meyer, ouvr. cité, p. 20, compare Louis et Pépin à de simples margraves ou gardes-frontières.

[119] Agobard, Flebilis epistola (Migne, t. 104, 288). — Cette différence essentielle entre les deux règlements de 806 et de 817 est bien marquée dans la thèse de Himly, Wala et Louis le Débonnaire, p. 85-86.

[120] Ordin. imperii, art. 17.

[121] Ordin. imperii, p. 271. Cf. Divisio 806 (Boretius, p. 130).

[122] Ordin. imperii, art. 9. Cf. Divisio 806, art. 9.

[123] Ordin. imperii, art. 9. Cf. Divisio 806, art. 10.

[124] Cf. Divisio 806, art. 15.

[125] Propter pacem artius conligandam. Cf. Divisio 806, art. 12.

[126] Ordin. imperii, art. 4.

[127] Ordin. imperii, art. 5.

[128] Ordin. imperii, art. 6.

[129] Ordin. imperii, art. 13.

[130] Un poète du temps, Walafrid Strabon, cherche à montrer à Louis le Germanique que, grâce à la concorde, il participe dans une certaine mesure à la majesté impériale (Poeta latini, éd. Dümmler dans les Monum. german., II, 375) :

Dignum quidem referes nomen virtute paternum

Quanquam cura minor, tamea est tibi gloria consors,

Nec dolcas, quode gazo negat, concordia prœstat.

[131] Ordin. imperii (Boretius, p. 271).

[132] Dümmler, ouvr. cité, I, pp. 21-22.

[133] Il y a un curieux rapprochement à faire entre les termes du préambule de 806 et ceux de l'Ordinatio imperii de 817. Dans le premier on lit : Regni consortes habere, imperii vel regni nostri heredes relinquere ; dans la seconde : consortem et successorem imperii.

[134] Ordin. imperii, p. 270. Cf. l'en-tête de la Divisio de 806 (Boretius, p. 126).

[135] Voir sur ce parti Himly, ouvr. cité, pp. 91-97.

[136] C'est à M. Himly que revient le mérite d'avoir mis en relief le caractère de Wala et bien marqué le rôle que ce personnage a joué pendant le règne de Louis le Pieux.

[137] V. Ebert, Hist. de la littérature latine au Moyen Age, traduct. française, t. II.

[138] Vita Walœ, II, 10 (Pertz, Scriptores, II, 557).

[139] Agobard, Flebilis epistola (Migne, t. 104, p. 238) ; Vita Walœ, II, 10 (Pertz, Scriptores, II, 557).

[140] Vita Walœ, II, 10.

[141] Voir le préambule de l'Ordinatio imperii. Cf. Dümmler, ouvr. cité, I, p. 23.

[142] Epist. adress. legem Gundobadi (D. Bouquet, t. VI, p. 350).

[143] Epist. adress. legem Gundobadi (D. Bouquet, t. VI, p. 350).

[144] Vita Walœ, II, 10. Telles sont les vues prêtées à Wala par son biographe.

[145] Il ne faut pas attacher un sens trop précis à ce consensus totius populi, dont il est souvent question dans les textes relatifs au règlement de 817. Les grands ne donnaient pas librement leur avis dans une assemblée où l'empereur parlait en maitre. Voir le récit que fait Agobard de la diète d'Aix-la-Chapelle, dans la Flebilis epistola (Migne, t. 104, p. 288). Cf. Fustel de Coulanges, Le gouvernement de Charlemagne (Rev. des Deux-Mondes, 1er janv. 1876).

[146] Agobard, Flebilis epistola. Cf. Chronicon Moissiac., 817.

[147] Simson, Ludwig der Fromme, 1870-74, t. I, p. 113.

[148] Annales d'Éginhard, 817, 818, Thégan, Vita Hludovici, cap. 22. Cf. Himly, ouvr. cité, p. 87-90. — Simson ne voit dans la tentative de Bernard qu'un complot analogue à celui de Pépin, bâtard de Charlemagne et sans rapport direct avec les décisions prises à Aix-la-Chapelle au mois de juillet. On possède cependant un texte où la relation entre ces deux faits est nettement exprimée, celui de la chronique de Moissac : Audiens autem Bernardus, quod factum erat...

[149] Nithard, I. 2 : Iliuc autem metuens, ne post dicti fratres populo sollicitato, eadem facerent. (Nithard vient de parler de la révolte de Bernard). — Simson, ouvr. cité, t. I, p. 127.

[150] Thégan, Vita Hludovici, cap. 24.

[151] Thégan, Vita Hludovici, cap. 21.

[152] Ann. Lauriss.  Maj., 821.

[153] Agobard, Flebilis epistola (Migne, t. 104, p. 290). Cf. Vita Walœ, II, 10 (Pertz, Scriptores, t. II, p. 557).

[154] Agobard, Flebilis epistola (Migne, t. 104, p. 290).

[155] Richter, Annalen d. frœnk. Reiches, t. II, pp. 236, 250.

[156] Ann. Lauriss. maj., 823.

[157] Agobard, Flebilis epistola ; Vita Walœ, II, 10.

[158] Agobard, Flebilis epistola. Cf. Sickel, Acta Karolinorum, I, pp. 268, 277.

[159] Constitutio romana (Pertz, Leges, I, p. 322).

[160] Vita Walœ, II, 17 (Pertz, Scriptores, II, 563).

[161] V. Martens, Die rœmische Frage, 1881, p. 229. — II faut remarquer que Lother emploie ici les mêmes termes que ceux dont Charlemagne s'est servi dans l'art. 15 de la divisio de 806 (Boretius, p. 120).

[162] Ces luttes ont été exposées par Himly, (Wala et Louis le Débonnaire, chap. IV-VIII) ; Simson (Ludwig d. Fromme, 2 vol.) et Dümmler (Gesch. d. ostfrœnk. Reiches, 2e édit. t. I).

[163] Nithard, I, 3.

[164] Nithard, I, 3.

[165] V. Dümmler, ouvr. cité, I, pp. 50-51. Cela se fit par un simple décret impérial sans ratification des grands : Nithard, I, 3.

[166] Nithard, I, 3.

[167] Himly, ouvr. cité, p. 106-124 ; Dümmler, ouvr. cité, I, p. 42-55.

[168] Himly, p. 126-132.

[169] Au concile de Paris (juin 829), les évêques donnent à l'empereur le conseil suivant : ut (liberi) in mutuœ dilectionis caritate et fraternitatis amore atque unanimitatis concordia vicissim consistant, sedula paternaque admonitione insistatis (Mansi, Coll. Concil., XIV, 602). Jonas d'Orléans, dans le traité qu'il rédigea à l'intention de Pépin, lui disait : opportet immo necesse est, ut vos et fratres vestri heriles nostri in mutua dilectione indissolubiliter consistatis.

[170] Thégan, Vita Hludov., cap. 35, après avoir dit que l'empereur attribua au nouveau-né une partie de l'empire en présence de ses fils Lother et Louis, ajoute : Et illi indignati sunt una cum Pippino germano eorum. V. Dümmler, I, p. 59.

[171] Vita Walœ, II, 9.

[172] Vita Hludovici, cap 45.

[173] Nithard, I, 3.

[174] Nithard, I, 3.

[175] Ann. Bert., 821 ; Nithard, I, 3.

[176] Nithard, I, 3. Vita Hludov., cap. 37.

[177] Vita Walœ, II, 10 (Pertz, Scriptores, II, 555). — Sickel, Acta Karolinorum, I, p. 283.

[178] Nithard, I, 3.

[179] Pertz, Leges, I, p. 356-59. — L'authenticité de ce document ne fait aucun doute. Simson, qui l'a étudié avec soin, n'y voit qu'un projet d'acte, non l'acte définitif (Ludwig der Fromme, t. Ier, Excursus VI) ; Waitz s'est rangé à cette opinion. Sickel est d'un avis contraire (Acta regum et imperat. Karolinorum, t. II, p. 338-39) et son jugement a bien quelque valeur ; Dümmler a adopté cette manière de voir. Quant à l'époque à laquelle il faut placer ce document, les dates les plus diverses ont été proposées. Celles de 835 et de 836, adoptées respectivement par Himly et par Funck (Ludw. d. Fromme, Francfort, 1832) ne peuvent pas se justifier. D'après Simson (ouvr. cité, t. II, p. 93), l'acte aurait été rédigé en 834, après la seconde révolte des fils de l'empereur ; ses raisons ont été réfutées par Meyer (Die Theilungen, p. 28-31). La date de 831, adoptée par Sickel, par Mülhbacher, dans son édition nouvelle des Regesta Imperii (n° 853), par Meyer et enfin par Dümmler (Gesch. d. ostfrœnh. Reiches, 2e édit., t. I, p. 62, note 2), paraît définitivement admise. La question nous semble d'ailleurs tranchée par le texte de Nithard.

[180] V. sur ce terme de Media Francica, Longnon, Atlas historique de la France, texte, p. 48, note 4.

[181] V. Longnon, Atlas historique de la France, texte, p. 69-70.

[182] Divisio 831, art. 1-14. Cf. divisio 806 (Boretius, p. 126-130) art. 5-16, 19-20.

[183] Divisio 831, art. 13.

[184] Dümmler (ouvr. cité, p. 63-64) juge ainsi cet article : Schwebte die ganze Theilung in der Luft.

[185] Divisio 831, art. 13.

[186] Dümmler, p. 66-67.

[187] Dümmler, p. 70-71.

[188] Nithard, I, 4.

[189] Himly, p. 152-154 ; Dümmler, p. 72-73.

[190] Flebilis epistola, dans Migne (Patrol. lat., t. 104, p. 288-290) et D. Bouquet (t. VI, p. 367).

[191] Flebil. epist.

[192] Il écrit à Agobard qu'il se rend auprès de l'empereur, ut pax et concordia pristina domui et regno ejus restituatur (Migne, t. 104, p. 296). Quand il est reçu dans le camp impérial, à Rothfeld, multis assertionibus perdocet non se tantum iter ob aliud suscepisse, nisi quia dicebatur quod inexorabili contra filios discordia laboraret, ideoque pacem in utramque partem serere vellet (Vita Hludov., cap. 48). D'après Paschase Radbert (Vita Walœ, II, 14), le pape est venu pro pace, pro reconciliatione patris et filiorum, principum et seniorum, pro statu ecclesiarum, pro adunatione populi et salvatione totius imperii.

[193] Vita Walœ, ibid. ; Vita Hludov., cap. 48.

[194] C'est l'objet de sa lettre De comparatione utriusque regiminis (D. Bouquet, VI, 366).

[195] Epist. Gregorii papœ ad episcopos regni Francorum (Migne, t. 104, p. 311, cf. p. 303).

[196] Epist. Gregorii papœ ad episcopos regni Francorum (Migne, t. 104, p. 312). Le pape nie que le premier règlement de partage (primam divisionem regni) ait été modifié juxta rerum opportunitatem.

[197] V. sur le rôle du pape dans la révolte de 833, Himly, pp. 156-165 ; Dümmler, pp. 74-79.

[198] Richter, Annal. d. Frœnk. Reiches, t. II, p. 279.

[199] Vita Hludov., cap. 48 ; Ann. Xantenses (Pertz, Scriptores, t. II, p. 225).

[200] Meyer, ouvr. cité p. 35. — Cette supposition est fondée sur les textes suivants : Ann. Bertin., 834 et 838.

[201] Ou Media Francia, V. Longnon, Atlas histor., texte, p. 48, note 4.

[202] Simson, ouvr. cité, t. II, pp. 58-59. — Il ne faut pas voir dans ce fait l'indice d'un mouvement national, ces peuples étaient loin de former une population homogène et unie. V. Dümmler, ouvr. cité, t. I.

[203] Vita Walœ, II, 18 (Pertz, Scriptores, II, p. 565).

[204] Ann. Bertin., 833.

[205] Dümmler, t. I, p. 83 ; Himly, pp. 169-172.

[206] Relatio episcoporum de exauctorat. Hludov. (Pertz, Leges, I, pp. 366 et suiv.), art. 2. Rapprocher ce texte du préambule de l'Ordinatio imperii de 817. V. Dümmler, I, p. 88.

[207] Himly, pp. 174-176.

[208] Himly, pp. 167-168. Ce fut à cette occasion qu'Agobard écrivit son Liber Apologeticus pro filiis Hlidov. Pii adversus patrem (D. Bouquet, t. VI, p. 248).

[209] Il est dit dans l'Epist. Concil. Tricass. (D. Bouquet, t. VII, p. 588) qu'elle se fit sine consilio atque consensu Gregorii papœ. Ce témoignage détruit l'assertion de Paschase Radbert, Vita Walœ, II, 18.

[210] Vita Hludov., cap. 48 ; Nithard, I, 4.

[211] Himly, pp. 167-168.

[212] Nithard, I, 4.

[213] Nithard, I, 4.

[214] Lettre de Louis le Pieux à l'abbé Hilduin (D. Bouquet, VI, p. 348). Cf. Ann. Bertin., 833-831.

[215] Vita Hludov., cap. 53. Cf. Ann. Bertin., 831.

[216] Ann. Bertin., 835.

[217] Ann. Bertin., 835.

[218] Vita Hludov., cap 51 ; Liber apostolicus (Migne, t. 104, p. 307). — Sur l'échec des partisans de l'unité, voir Dümmler, I, p. 101.

[219] Le passage du Liber apologeticus montre les inquiétudes qu'éprouvait Agobard à ce sujet (Migne, t. 104, p. 307).

[220] Dümmler, I, p. 101. On sait que Louis le Germanique resta, jusqu'en 838, en possession de la Saxe, de la Thuringe, de la France orientale (à l'est du Rhin), de l'Alsace et de l'Alamanie, Ann. Fuldens., Ann. Bertin., 838 ; cf. Francorum regum historia (Pertz, Scriptores, t. II, p, 324).

[221] Ann. Bertin., 836. L'empereur, au début de l'année, envoie à Lother des ambassadeurs, monentes cum obœdientiœ ac reverentiœ paternœ pacisque illi concordiam multiplicenter incubantes. Voir, sur ces démarches, Dümmler, t. I, p. 113.

[222] Ann. Bertin., 837 ; cf. Nithard, I, 13. V. Longnon, Atlas histor., texte, p. 70.

[223] Ann. Bertin., 837.

[224] Ann. Fuldens., 837. V. Dümmler, I, p. 124.

[225] Nithard, I, 6 ; cf. Ann. Bertin., 838.

[226] Ann. Bertin., 838.

[227] Vita Hludov., cap. 59.

[228] Ann. Bertin. ; Ann. Fuldens., 838.

[229] Ann. Bertin., 838. Nithard, I, 6.

[230] Ann. Bertin., 838.

[231] Nithard, I, 6.

[232] Nithard, I, 6.

[233] Ann. Bertin., 839.

[234] Nithard, I, 6.

[235] Dümmler, I, p. 130.

[236] Nithard, I, 6.

[237] Himly, p. 208 ; Meyer, p. 36.

[238] Nithard, I, 7.

[239] Ann. Bertin., 839.

[240] V. Longnon, Atlas histor., p. 71. Ce partage, comme les précédents, ne devait se réaliser qu'à la mort de l'empereur : Ann. Bertin., 839.

[241] Ann. Fuldens., 839.

[242] Vita Hludor., cap. 60.

[243] Nithard, I, 7 ; Vita Hludor., cap. 60.

[244] Meyer, ouvr. cité, p. 10, note 1, remarque qu'ils devinrent la loi fondamentale (Grundgesetz) de la maison carolingienne ; mais il n'a pas développé cette idée.

[245] Nithard, I, 8. Cr. Vita Hludov., cap. 61.

[246] Ann. Bertin., 840 ; Ann. Fuldens., 840.

[247] Nithardi historiarum libri IV, édit. Pertz, in usum scholarum, 1870.

[248] Wattenbach, Deutschlands Geschichtquellen, 1817, t. I, pp. 172-173.

[249] Annales Bertiniani, édit. Pertz, in usum scholarum.

[250] Annales Fuldenses, Pertz, Scriptores, t. I.

[251] Wattenbach, ouvr. cité, t. I, pp. 185 et 210.

[252] Cette période a été étudiée par Schwartz (Der Bruderkrieg der Sœhne Ludwigs d. Frommen, 1843) ; Meyer von Knonau (Ueber Nithards vier Bücher Geschichte, 1866) et Dümmler (Gesch. d. ostfrœnk. Reiches, t. I).

[253] Ann. Fulde., 840. Vita Hludor., cap. 63.

[254] Nithard, II, 1.

[255] Ann. Fulde., 840. Cf. Hincmar, Episc. ad Ludoricum Balbum (D. Bouquet, t. VII, p. 551).

[256] Lother ne vint pas en Gaule immédiatement, afin de voir quelle tournure prendraient les choses : Nithard, II, 1.

[257] Nithard, II, 1. Cf. Adonis Chronicon (Pertz, Scriptores, t. II, p. 322).

[258] Ann. Bert., 840.

[259] Ann. Fulde, 811.

[260] Meyer, Die Theilungen, p. 40. Dümmler, ouvr. cité, t. I, pp. 139-143.

[261] Dümmler, I, p. 152.

[262] Ann. Fulde, 810.

[263] Ann. Bert., 810.

[264] Nithard, II, 1.

[265] Ann. Fulde, 810.

[266] Nithard, II, 2.

[267] Nithard, II, 2.

[268] Nithard, II, 3.

[269] Nithard, II, 4.

[270] Ann. Bertin., 841.

[271] Nithard, II, 9. Cf. Ann. Fulde, 841. Aucun des deux frères ne veut paraître avoir fait les premières avances.

[272] Nithard, II, 9 : obsecrent ut memor sit Dei omnipotentis et concedat pacem fratribus suis universœque ecclesiœ Dei : cederet cuique quod patris fratrisque consensu juste debeatur.

[273] Dümmler, t. I, p, 152, note 2, trouve un peu obscur le passage de Nithard cité plus haut ; frater désigne évidemment Lother. Cf. Nithard, II, 10.

[274] Nithard, II, 10.

[275] Nithard, II, 10. Ces mots universa Francia désignent le territoire qui s'étend de l'Océan au Mein et qui était divisé auparavant en Neustrie et Austrasie ; au IVe siècle, on semble distinguer plutôt la Francia occidentalis, la Francia orientalis, à l'est du Rhin, et entre les deux la media Francia. V. Longnon, ouvr. cité, p. 48.

[276] Nithard, II, 10.

[277] Ann. Bert., 811.

[278] Dümmler, t. I, p. 162.

[279] Nithard, II, 10. Plus tard, Louis et Charles justifient ainsi leur conduite (Nithard, III, 5) : cum nec fraternitas, nec christianitas, nec quodlibet ingenium, salva justitia ut pax inter nos esset, adjuvare posset, tandem coacti rem ad judicium omnipotentis Dei detulimus, ut suo nutu quid cuique deberetur contenti essemus. La charte de 806 ordonnait, en cas de contestation, de recourir au jugement de Dieu, mais elle interdisait la bataille.

[280] Nithard, III, 1.

[281] Les décrets du synode d'Ingelheim, qui se tint au mois d'août 840, sont signés par vingt évêques dont quatre métropolitains (Pertz, Leges, I, p. 374).

[282] Wala était mort en 836, Agobard en 810.

[283] Nithard, II, 9.

[284] V. Dümmler, t. I, p. 178.

[285] Nithard, III, 1.

[286] Nithard, III, 9, raconte un trait de piété de Charles le Chauve. Il aida les moines de Saint-Médard de Soissons à porter une châsse contenant des reliques et leur fit don du domaine royal de Braine.

[287] Nithard, IV, 9 ; Ann. Bert., 842. V. Dümmler, t. I, p. 166.

[288] Ann. Bert., 841.

[289] V. le poème d'Angilbert sur la bataille de Fontanet (D. Bouquet, t. VIII, p. 300).

[290] Ann. Bert., 841.

[291] Nithard rapporte (III, 4) que Charles lui-même eut beaucoup de peine à protéger la ville de Laon contre la fureur de ses soldats.

[292] Nithard, III, 3.

[293] Nithard, III, 3.

[294] V. G. Paris, La littérature française au Moyen Age, 1888, p. 148.

[295] Nithard, III, 5.

[296] Nithard, III, 3. Cf. Ann. Bert., 842.

[297] Nithard, III, 5 ; cf. Ann. Bert., 842.

[298] Il faut remarquer en quels termes Charles le Chauve faisait plus tard allusion aux serments de Strasbourg (Pertz, Leges, t. I, p. 462).

[299] V. Bourgeois, Le capitulaire de Quierzy, pp. 221 et suiv.

[300] Nithard, IV, 1.

[301] Nithard, IV, 1.

[302] Nithard, IV, 1. On ne sait rien de précis sur ce partage ; le manuscrit de Nithard présente, à cet endroit, une lacune, après ces simples mots : Erenitque Lodhuwico munis Fresia. Le passage suivant de Nithard a fait supposer que la Meuse servait de limite entre les deux parts : Karolus Mosam, regnum suum ordinaturus, trajecit (Nithard, IV, 2). — L'étendue même du territoire partagé n'est pas aisée à fixer, il est probable qu'il s'agissait seulement de la Francia (Ann. Fulde, 812).

[303] Nithard, IV, 3.

[304] V. Divisio 806, préambule et art. 6.

[305] Nithard, IV, 3.

[306] Nithard, IV, 4.

[307] Nithard (voir la note précédente) ; Cf. Ann. Bert., 842.

[308] C'est le nombre indiqué par les Annales de Fulde ; le texte de Nithard (IV, 4) donne un total de cent dix commissaires ; mais ce chiffre est probablement altéré ; les trois frères durent choisir un nombre égal de délégués.

[309] Nithard, IV, 5 : quæsitum est si quis illorum totius imperii notitiam ad liquidum haberet. Cum nullus reperivetur... Il faut entendre par notitia une liste des divisions administratives ; Cf. la Notitia dignitatum de l'empire romain.

[310] Ann. Bert., 812 ; Ann. Xantenses, 843. Rapprocher de ces textes la descriptio, que fit faire Charlemagne en 807, des beneficia et fisci regules (Pertz, Leges, t. I, pp. 175-180). Le passage suivant de Nithard, relatif aux négociations préliminaires (IV, 3), montre qu'on procéda en 843 ainsi que nous l'indiquons : cum in divisione regni quatuor dies vel eo amplius morarentur, tandem visum est ut... omnes videlicet episcopatus, abbatias, comitatus, fisca eis Alpibus consistentia... in parte regni tertia offerrent.

[311] Adonis Chronicon (Pertz, Scriptores, t. II, p. 322).

[312] Dümmler, t. I, p. 140.

[313] Nithard, IV, 7.

[314] V. le Manuel de Dhutoda, publié par M. Bondurand, Paris, 1887, pp. 66-67, 131, 205 et passim.

[315] Ann. Bert., 843 ; Ann. Fulde, 843. L'époque précise peut être fixée à l'aide d'un acte de vente daté du 10 août 843 et qui mentionne le partage de Verdun. V. Mülhbacher, Regesta, p. 412. — Nous ne connaissons qu'une seule monographie consacrée au traité de Verdun, celle de Fr. Suklje, Die Entstehung und Bedeutung des Verduner Vertrags (Progr.), Laybach, 1876, 26 pages.

[316] Le Hainaut tirait son nom de la Haine qui le traversait et s'étendait sur les deux rives de la Sambre. Le Lomensis pagus était situé entre la Sambre et la Meuse ; le Castritius, au sud du précédent, sur la rive droite de la Meuse, autour de Sedan. V. Longnon, Atlas histor. de la France, 2e fascicule.

[317] Le texte porte Atrebates tantum ; mais il s'agit seulement de l'abbaye de Saint-Vaast. V. Longnon, Atlas histor., p. 72, note 2.

[318] Ann. Bert., 843.

[319] Ann. Bert., 870.

[320] Longnon dit à ce propos (Atlas historique, p. 73) : Cet acte (l'acte de partage de 870)... nous a permis de tracer avec une exactitude absolue la limite intérieure des trois États créés par le traité de Verdun ; il complète les renseignements donnés par Prudence, en indiquant parmi les possessions de Lothaire une province d'outre-Rhin, la Frise, et son étude attentive permet d'établir, contrairement à l'opinion exprimée en plus d'une carte de la dernière édition de Sprüner, qu'il ne comprenait, en dehors de cette région, aucun pages de la rive droite du Rhin. V. Suklje, ouvr. cité, p. 20.

[321] Ce sont d'abord deux textes relatifs au partage que Louis le Germanique fit de ses États entre ses fils : Adonis continuatio (Pertz, Scriptores, t. II, p. 325) ; Erchamberti candit. (Pertz, ibid., p. 329). Cf. Ann. Xantens., 869.

[322] V. Ann. Bert., 834-835, passim.

[323] Ces pays sont mentionnés dans les chroniques postérieures qui n'ont pas été rédigées à l'aide de documents officiels.

[324] Ann. Fulde, 843.

[325] Adonis Chronicon (Pertz, Scriptores, t. II, p. 322).

[326] Nithard, IV, 3.

[327] Divisio 806 (Boretius, p. 126).

[328] Les Annales dites d'Éginhard, qui mentionnent le règlement de 806, sans l'analyser, reproduisent le passage en question du préambule de cet acte ; Adon et le moine Rodolphe ont sans doute aussi reproduit une phrase de l'adnuntiatio ad populum de 843.

[329] Ann. Bert., 843.

[330] Lother conserva l'autorité sur l'État pontifical qui était devenue le privilège exclusif de l'empereur. Après l'élection du pape Sergius II, successeur de Grégoire IV, il envoya à Rome son fils Louis avec l'évêque de Metz, Drogo (Ann. Bert., 844) ; cf. Vita Sergii papœ, II, cap. 15.

[331] Lettre de Charles le Chauve au pape Hadrien II (D. Bouquet, t. VII, p. 449). Lettre du pape Jean VIII à Louis le Germanique (Jaffé, Regesta pontificum Romanorum, n° 3000).

[332] Voir la lettre de Charles le Chauve, citée dans la note précédente. Cf. Ann. Fulde, 843 ; lettre de Lother au pape Léon IV (D. Bouquet, VII, 566) ; acte de vente du 10 août 843 (Regesta imperii, édit. Mülhbacher, p. 412).

[333] Au placite de Savonnières, en 839, Charles le Chauve prononce les paroles suivantes (Pertz, Leges, t. I, p. 462) : Partem divisionis cum mutuis nostris scilicet nostrorumgue fidelium sacramentis... suscepi ; lettre d'Hincmar à Louis le Germanique (D. Bouquet, VII, 520) ; lettre du même à Louis le Bègue (D. Bouquet, VII, 550).

[334] Lettre du pape Hadrien II à Charles le Chauve (D. Bouquet, VII, 449) ; Lettre du pape Jean VIII au même (Jaffé, Regesta pontif. Roman. n° 3000).

[335] Rapprocher le texte des serments de Verdun de l'art. 6 du règlement de Thionville. Les fils de Louis le Pieux se sont inspirés aussi de l'art. 5 du même règlement lorsqu'ils ont garanti à leurs neveux l'héritage de leur père. V. la lettre du pape Jean VIII citée plus haut.

[336] Faugeron, De fraternitate, seu colloquiis inter filios et nepotes Ludovici Pii, 1868 (thèse), p. 8-10.

[337] D. Bouquet, t. VII, p. 566 : Regnum nostrum œqualiter in tres partes divisum, imo distinctum. Le dernier mot est difficile à rendre : il renferme une atténuation de l'idée de partage. Cf. Convent. apud Marsnam (817), Pertz, Leges, I, 393, art. 4.

[338] V. Dümmler, I, p. 206.

[339] Capit. ap. Marsnam (Pertz, Leges, I, 393) ; Capit. Silvac. (853), ibid., p. 423.

[340] Ann. Bert., 844.

[341] Conv. ap. Marsnam (847), Pertz, Leges, I, p. 303 et suiv. ; Conv. ap. Marsnam (851), Leges, I, p. 407 et suiv. ; Cf. Ann. Bert., 851.

[342] A Coblentz, en 860 (Leges, I, p. 469, Ann. Bert., 860) ; à Savonnières, près de Toul, en 862 (Leges, I, p. 486).

[343] Faugeron, ouvr. cité, p. 18 ; Bourgeois, Le capitulaire de Quierzy-sur-Oise, p. 220.

[344] Conv. apud Sablonarias (862), Adnunt Hludov.. (Leges, I, 486). Les rois semblent s'inspirer plutôt de l'art. 16 du règlement de 806. Voir plus haut.

[345] Faugeron, ouvr. cité, pp. 31, 67.

[346] Faugeron, ouvr. cité, p. 95 ; Dümmler, I, p. 208 : L'unité de l'empire ne consiste plus dans la subordination des plus jeunes frères à rainé, mais dans leur action commune, dans leur concours amical et fraternel.

[347] Conv. ap. Marsnam (Pertz, Leges, I, 393), art. 1 et 9.

[348] Conv. apud Marsnam (Leges, I, p. 408), cap. 2 et 3.

[349] Capit. in synodo apud Theod. villam habita (Pertz, Leges, I, 381).

[350] Pertz, Leges, I, 458, cap. 1.

[351] Agnelli Liber pontif. Ravenn., cap. 174 (Muratori, Scriptores, II, 185 ; cf. Ann. Bert. 841). Prudence fait par erreur de l'archevêque Georges de Ravenne un envoyé du pape ; il se rencontra seulement avec les envoyés pontificaux dans le camp de Lother.

[352] V. Jaffé, Regesta poncif. Roman., 2e édit., Leipzig, 1885, t. Ier, n° 2727, 2773-2175, 2788,2795-2796, 2920, 2926, 2930, 2961, 3000, 3044.

[353] Lettre du pape Hadrien II aux évêques du royaume de Germanie (D. Bouquet, VII, 452) : utpote fidei custodes invigilatis et ut fœdera inter eos habita inconvulsa maneant, suadere curatis ; cf. Jaffé, ouvr. cité, n° 2774-75, 2918-19, 2921, 2927-28, 3037-39.

[354] D. Bouquet, VII, 460.

[355] Jaffé, Regesta, n° 2708, 2799. 2917, 2901, 2929, 3037, 3040.

[356] Suklje, ouvr. cité, p. 5, 22 ; Giesebrecht, Deutsche Kaiserzeit, t. I, p. 138 ; Waitz, Deutsche Verfassungsgesch, t. IV (2e édit. 1885), p. 701 : Forum besteht ein deutsches Reich : der Verduner Vertrag hat es in die Geschichte eingeführt. M. Meyer a simplement reproduit cette conclusion. Cf. Henri Martin, Hist. de France, t. II, p. 421 : L'histoire des origines est achevée ; l'histoire de France proprement dite commence. M. Dareste (Hist. de France, 3e édit. 1884, t. Ier, p. 443) a formulé une opinion analogue, mais en y apportant quelque réserve.

[357] Faugeron, ouvr. cité, p. 25.

[358] D'après Suklje, ouvr. cité, p. 22-26, le traité de Verdun a encore modifié les rapports de l'aristocratie avec la royauté et de l'Église vis-à-vis de l'État, c'est-à-dire qu'il a préparé à la fois l'établissement du régime féodal et de la théocratie pontificale. Cette opinion nous parait aussi exagérée que celle que nous combat. tons ici. Il est plus simple de rechercher, comme nous le faisons, la relation directe qui existe entre le traité de Verdun et les faits qui l'ont précédé ou immédiatement suivi.

[359] Flori diaconi Lugdun. querela de dirisione imperii (D. Bouquet, t. VII, p. 301-304).

[360] V. Bayet, Revue historique, t. 32 (1888), p. 182-183.

[361] V. les ouvrages déjà cités de Faugeron et de M. Bourgeois.

[362] C'est à tort que Faugeron (ouvr. cité, p. 25) en place l'origine dans la parenté très puissante chez les Germains.

[363] Lettre du pape Hadrien II (D. Bouquet, VII, 440) : Pacis et concordiæ unitas. Le texte suivant montre que pour l'Église les idées d'unité et de paix étaient étroitement associées ; c'est un décret du synode de Mayence de 851, (Pertz, Leges, I, p. 411) : Sane opus est ut pax et concordia sit atque unanimitas in populo christiano quia unum Deum patrem habemus in cœlis et unam matrem Ecclesiam, unam fidem, unam baptisma : ideo in una pace et unanimitate concorditer vivere debemus, si ad unam et veram hereditatem regni cœlestis cupimus pervenire. Le synode était présidé par Raban Maur, un des partisans de Lother et de la cause de l'unité, auquel, pour ce motif, Louis le Germanique avait retiré en 812 l'abbaye de Fulde. V. Ebert, Hist. de la littérat. lat. au moy. âge, t. II de la traduct. française.

[364] Suklje, ouvr. cité, p. 11-18, a fait cet examen, mais sans marquer suffisamment ce qui distingue ces textes de celui de Prudence.

[365] Pertz, Scriptores, II, 324.

[366] Pertz, Scriptores, II, 217-235.

[367] Le dernier fait qu'il mentionne est de l'année 873.

[368] V. Wattenbach, Deutschlands Geschichtsquellen, 4e édit. 1877, t. I, p. 214.

[369] Pertz, Scriptores, II, 329.

[370] Waitz, Scriptores rerum Langobardicarum, p. 239.

[371] Wattenbach, ouvr. cité, t. I, p. 248.

[372] Pertz, Scriptores, t. I, p. 536-612.

[373] Il déclare lui-même qu'il n'a pu trouver aucun document pour le règne de Louis le Pieux. V. Pertz, Scriptores, t. I, p. 566.

[374] Sa chronique s'arrête en 906, Réginon est mort en 915.

[375] Wattenbach, ouvr. cité, t. I, p. 213-214.

[376] L'abbaye de Prüm fut l'objet des faveurs de Lother Ier ; c'est là qu'il prit l'habit monastique, quelque temps avant sa mort. V. Wattenbach, I, p. 211-213.

[377] Pertz, Scriptores, t. II, p. 324.

[378] D. Bouquet, VII, 2-14.

[379] Simson, Ludwig der Fromme, II, 97, note 4. Voir le Chartul. Sithiense, publié par Guérard, p. 59. L'abbé Folcuin, de Lobbes, élevé au monastère de Saint-Bertin, en dressa le cartulaire en 961 et y mêla quelques extraits d'histoires (Wattenbt.ch, ouvr. cité, 3e édit. t. II, p. 375).

[380] Pertz, Scriptores, t. II, p. 324.

[381] Ou plutôt qu'il avait gardés, avec son agrément, de 833 à 838. Ann. Fulde, 838.

[382] Ann. Bertin., ann. 834-855.

[383] Reginonis chronicon, 853. Cf. Hist. reg. Francorum (Pertz, Scriptores, 324) ; Ann. Fulde, 851, Ann. Bert., 852 et années suivantes.

[384] Il appelle Louis le Germanique son maitre, le très glorieux roi Louis.

[385] Sur ses moyens d'information, voir Wattenbach, ouvr. cité, t. I, p. 214.