HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

IV. — POURSUITES CONTRE LES AUTEURS DES ÉVÈNEMENTS DU 20 JUIN.

 

 

Monsieur le président,

Un décret de l'Assemblée nationale, en date du 13 de ce mois, m'a ordonné de lui rendre compte des poursuites qui ont dû être faites contre les auteurs et instigateurs des événements du 20 juin.

Quoique je n'aie pas reçu encore officiellement ce décret, j'ai cru devoir me mettre en état d'y satisfaire et j'ai écrit à M. Menjaud, juge de paix de la section des Tuileries, pour lui demander ce qu'il avait fait à cet égard, ce qu'il faisait et ce qu'il se proposait de faire encore. Sa réponse m'a paru remplir tellement l'objet du décret, que j'ai l'honneur de vous en envoyer copie, en vous priant, Monsieur le président, de vouloir bien la mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale. J'insiste d'autant plus sur ce qu'elle veuille bien en entendre la lecture, que cette lettre offre la réponse aux imputations hasardées contre les juges de paix sur les prétendus mandats d'arrêt contre trente membres du Corps législatif.

Je suis avec respect, Monsieur le président, etc.

Le ministre de la justice,

DE JOLY.

Paris, le 17 juillet 1792, l'an IVe de la liberté.

 

M. Menjaud, juge de paix de la section des Tuileries, au ministre de la justice.

 

16 juillet 1792.

Monsieur,

Les événements du 20 juin ont donné lieu à la plainte rendue devant moi par M. Delaporte, intendant de la liste civile, au nom du roi, à la suite du procès-verbal, dressé les 20 et 21 juin, des effractions, violences et dégâts commis dans les appartements du roi et de sa famille au château des Tuileries. J'ai donné acte de la plainte et l'ai prise pour dénonciation aux termes de l'article 5 du titre v de la loi du 29 septembre 1791, concernant la police de sûreté, attendu qu'il s'agissait d'un délit qui intéressait l'ordre public, et par le même acte, conformément à l'article 6 du même titre, j'ai dit qu'il serait informé devant moi des auteurs, instigateurs, fauteurs et adhérents des délits et désordres du 20 juin ; j'ai en conséquence délivré la cédule nécessaire, à l'effet d'assigner devant moi les témoins qui m'avaient été indiqués et ceux qui me seraient indiqués par la suite.

Environ cent témoins ont été assignés et entendus. Il a été dressé procès-verbal de leurs déclarations, le 25 juin et jours suivants ; il en reste encore d'indiqués nouvellement à assigner et à entendre un de mes collègues, juge de paix de la section du Roide-Sicile, a reçu, de son côté, des déclarations intéressantes sur les mêmes événements.

Les inculpations résultant de l'information sont de deux classes les unes, relatives à la conduite administrative des officiers municipaux les autres, concernant les faits à la charge de quelques individus dénommés ou désignés.

L'arrêté du département de Paris, du 6 juillet, en renvoyant devant les tribunaux le maire de Paris, le procureur de la commune et quelques officiers municipaux, a ordonné que les procès-verbaux et autres pièces me seraient remis.

Le procureur-général-syndic m'a remis copie de cet arrêté avec les pièces, et m'a dénoncé, conformément au même arrêté, les faits à la charge des particuliers y dénommés.

En exécution de cet arrêté, et attendu les déclarations sur le même objet reçues par le juge de paix de la section du Roi-de-Sicile, nous nous sommes réunis au bureau central, au palais, pour y continuer cette instruction de concert.

Nous avons d'abord pensé que nous devions la faire porter sur la totalité des objets de l'information, et nous nous croyions suffisamment autorisés à cet égard par la loi du 20 août 1790, en forme d'instruction concernant les fonctions des assemblées administratives ; mais, nous étant mieux consultés et après avoir combiné et rapproché les différents articles des différentes lois sur cette matière, nous avons reconnu qu'il fallait, aux termes de l'article 38 de la loi du 3 août 1791, que l'Assemblée nationale eût prononcé sur le renvoi aux tribunaux des officiers municipaux nous n'avons conséquemment décerné aucun mandat d'amener ni contre M. Pétion, ni contre M. Manuel, ni contre aucun des officiers municipaux. Je désavoue hautement ici, pour mon collègue et pour moi, les bruits contraires qui ont été répandus à ce sujet sans le moindre fondement ; et je vous prie, Monsieur, au nom de mon collègue et au mien, de vouloir bien présenter et faire agréer ce désaveu formel à l'Assemblée nationale, auprès de laquelle on a cherché à nous calomnier à cet égard.

Il serait superflu de chercher à nous disculper sur une autre inculpation qui nous a été faite : d'avoir décerné trente mandats d'arrêt contre trente membres de l'Assemblée nationale. Cette imputation est démentie par son absurdité.

L'Assemblée nationale, par son décret du 13 juillet, ayant annulé le renvoi aux tribunaux des officiers municipaux, quant à leur conduite administrative, il n'y a plus lieu à suivre l'instruction ni la procédure sur la partie de l'information qui peut les concerner. A l'égard de la partie qui concerne les particuliers dénoncés, dénommés ou désignés, je crois, Monsieur, que mon ministère m'impose silence sur cet objet, dans la crainte que les prévenus, instruits par la publicité de votre rapport, ne se soustraient aux poursuites de la justice. Je soumets cette observation à vos réflexions et à votre sagesse.

Nous continuerons l'information quant aux témoins qui restent encore à entendre et le surplus de l'instruction ; j'aurai l'honneur de vous informer dès qu'elle sera mise en état.

MENJAUD, juge de paix de la section des Tuileries.