HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

II. — RÉPONSE DE CH. LAMETH À LA DÉNONCIATION FAITE PAR GENSONNÉ LE 30 JUIN 1792.

 

 

Monsieur le président,

J'apprends que j'ai été dénoncé dans l'Assemblée nationale, d'après une lettre dont M. Gensonné n'a pas fait connaître Fauteur, mais qu'il annonce néanmoins être de l'armée du Nord. Il est inutile, monsieur le président, d'observer que la discipline militaire serait impossible à maintenir, si de telles formes d'accusation étaient permises et si un subordonné pouvait à son gré et sans danger pour lui accuser ses chefs et noircir souvent la plus belle vie.

Je partage avec tous les bons citoyens les sentiments contenus dans la lettre citée ; j'ai fait parvenir au roi l'expression des miens dans une lettre dont j'ai l'honneur, monsieur le président, de vous adresser la copie en vous priant de vouloir bien la faire connaître au Corps législatif. Je déclare au surplus à la face de la nation, et j'appelle en témoignage l'armée du Nord tout entière, que je n'ai écrit ni fait écrire, colporté ni fait colporter aucune lettre ni écrit ; que depuis que je suis à l'armée, je n'ai vu les troupes qui sont à mes ordres que pour les objets de service ; que je n'ai pas paru dans les camps des 10e et 13e régiments, depuis le jour où ils m'ont apporté des lettres remplies des sentiments les plus estimables et les plus constitutionnels en me priant, de les faire parvenir à M. le maréchal Luckner. C'est la marche que la subordination leur prescrit. S'il fallait me justifier de la pitoyable accusation d'avoir quêté des signatures, j'aurais l'honneur de vous observer seulement qu'il n'y a pas de signatures à ces lettres, hors celle du chef qui certifie que ces sentiments sont ceux de tout le corps. J'ai l'honneur de vous assurer, monsieur le président, que c'est d'une manière libre et spontanée que les 8e, 10e et 13e régiments de cavalerie ont renouvelé dans cette circonstance leur serment civique, sans avoir besoin d'être influencés par personne. Eh ! comment douter des dispositions de troupes si fidèles à leurs devoirs ?

Depuis l'époque ou la confiance de mes concitoyens m'avait appelé à me mêler des affaires publiques, en butte aux fureurs des partis, je n'ai jamais répondu à mes nombreux calomniateurs que par le silence du plus profond mépris ; mais leurs attaques n'avaient pas encore osé pénétrer jusqu'au sein du Corps législatif. Le prix que j'attache à son suffrage et à son estime me fait un devoir de démentir le contenu de la lettre citée par M. Gensonné comme absolument contraire à la vérité. Puis-je espérer, monsieur le président, que vous voudrez bien donner lecture de ma lettre à l'Assemblée nationale ?

Je suis, avec un profond respect, etc.

 

CHARLES LAMETH.