HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

TOME DEUXIÈME

 

LIVRE V. — LES FÉDÉRÉS.

 

 

I

Aux approches du 14 juillet, les fédérés commencèrent à affluer dans Paris. Dès leur arrivée ils étaient entourés par les meneurs des faubourgs, conduits dans la salle Saint-Honoré, harangués par les jacobins les plus fameux ; comment n'auraient-ils pas été enivrés de leur importance ?

Robespierre composa en leur honneur, de son style le plus emphatique, une espèce de dithyrambe qui commençait ainsi

Salut aux défenseurs de la liberté, salut aux généreux Marseillais qui ont donné Je signai de la sainte fédération qui les réunit Salut aux Français des quatre-vingt-trois départements, dignes émûtes de leur courage et de leur civisme ! Salut à la patrie puissante, invincible, qui rassemble autour d'elle l'élite de ses innombrables enfants armés pour sa défense ! Que nos maisons soient ouvertes à nos frères comme nos cœurs ; volons dans leurs bras, et que les douces étreintes d'une sainte amitié annoncent aux tyrans que nous ne souffrirons pas d'autres chaînes.

Généreux citoyens... vous n'êtes point venus pour donner un vain spectacle à la capitale et à la France. Votre mission est de sauver la patrie. Ne sortez point de cette enceinte sans avoir décidé dans vos cœurs le salut de la France et de l'espèce humaine. Citoyens, la patrie est en danger ! la patrie est trahie ! Oh ! combattez pour la liberté du monde ! Les destinées de la génération présente et future sont entre vos mains voilà la mesure de notre sagesse et de votre courage[1].

En même temps qu'elle expédiait son terrible contingent, la municipalité de Marseille avait envoyé à l'Assemblée une adresse qui était le véritable programme de la journée du 10 août. L'hérédité de la royauté, y lisait-on, consacrée en faveur d'une race parjure, est un privilège subversif de la liberté. La nation, qui s'est affranchie de tous les autres, ne peut plus le subir. L'inviolabilité du roi, qui a fui lâchement, qui ne cesse, au moyen de la liste civile, d'alimenter une source intarissable de trahisons et d'abus, et qui, par le veto suspensif, élève la volonté d'un seul au-dessus de la volonté de tous, est une absurdité contraire a la raison et à l'intérêt national. Que le pouvoir exécutif soit nommé et destitué par le peuple, comme les autres fonctionnaires !

Quand cette adresse fut lue à l'Assemblée, Martin (de Marseille), celui que Mirabeau avait surnommé le Juste, homme honorable entre tous, et qui avait longtemps joui dans sa ville natale de la plus éclatante popularité, fit entendre cette noble protestation : Cette adresse audacieusement criminelle suffirait pour déshonorer à jamais la commune de Marseille. Je dois à l'Assemblée, je me dois à moi-même et à mes commettants, de déclarer qu'elle est l'œuvre de quelques factieux qui se sont emparés des places, et non des Marseillais, qui sont de bons citoyens... Vous devez à Marseille, qui gémit sous l'empire de ces factieux, de manifester hautement votre improbation... Je demande que les signataires soient sévèrement punis. Plusieurs membres de la droite réclamaient un décret d'accusation contre les auteurs d'un pareil appel à la révolte mais, sur la demande de Lacroix et de Cambon, qui n'osèrent pas cependant justifier les doctrines énoncées, l'Assemblée se contenta de renvoyer cette adresse à sa commission extraordinaire, en lui ordonnant de lui rendre compte, dès le lendemain, du résultat de ses délibérations.

Le lendemain était le 13 juillet ; la commission des douze était tout occupée à faire son rapport sur la réinstallation de Pétion.

La fête de la Fédération vint, le 14, faire une nouvelle diversion, et l'on ne reparla plus de l'audacieux écrit dont le bataillon marseillais devait, un mois après, donner une nouvelle édition autrement significative.

Cette deuxième fédération[2] fut aussi morue que la première avait été brillante ; l'une avait été toute rayonnante de joie et d'espérance, l'autre fut pleine d'angoisses et de troubles. En 1790, les cœurs couraient au-devant des cœurs ; les partis, à peine dessinés, oubliaient leurs dissentiments dans un embrassement fraternel. En 1792 les illusions étaient anéanties, les cœurs s'étaient ulcérés, les âmes débordaient d'amertume et de colère. Le baiser Lamourette, encore chaud sur les joues de ceux qui se l'étaient donné, était, depuis qu'on l'avait appelé le baiser de Judas, renié par ceux mêmes qui s'étaient abandonnés le plus facilement à cette démonstration sentimentale.

Les cérémonies omelettes se ressemblent toutes. Les pensées secrètes des acteurs sont en contradiction flagrante avec les discours qu'ils prononcent ; on prête des serments que l'on sait ne pouvoir tenir ; on déclare pompeusement que l'ère des révolutions vient de se clore, au moment même où l'on s'apprête à la rouvrir ; on a sur les lèvres des paroles de concorde et de réconciliation, au fond du cœur des sentiments de haine et de vengeance.

L'Assemblée avait réglé, par un décret du 12 juillet, le cérémonial qui devait être observé dans la fête du H. Le président lut la formule du serment, chaque député répondit individuellement ; puis le roi prêta celui que la constitution lui avait particulièrement imposé ; enfin le serment civique fut prononcé par le commandant de la garde nationale parisienne, et tous les citoyens répétèrent en un chœur général ces mots sacramentels : Je le jure.

Le roi était placé à la gauche du président et sans intermédiaire. Louis XVI était triste et résigné ; lorsqu'entouré des membres de l'Assemblée nationale il monta les marches de l'autel de la patrie, ou crut voir, suivant la belle expression de Mme de Staël, la victime s'offrant volontairement au sacrifice[3]. Tous les honneurs populaires furent pour Pétion, le véritable roi du jour. On entendait hurler de tous les côtés : Pétion ou la mort ! on voyait ces mots écrits sur toutes les bannières les hommes à piques, les émeutiers des faubourgs les portaient inscrits a la craie sur leurs chapeaux. A voir l'enthousiasme dont il était l'objet, Pétion put croire à l'éternité de sa popularité. Un an après, jour pour jour, il était mis hors la loi et les mêmes individus criaient : Pétion à la mort !

 

II

Les jacobins sentaient bien que La Fayette était le principal obstacle à J'accomplissement de leurs desseins. Aussi, dès le lendemain de la fête de la Fédération et de la rentrée triomphale de Manuel et de Pétion à l'Hôtel de Ville, réunirent-ils tous leurs efforts pour faire mettre le général en accusation. La commission des douze était peu favorable à cette mesure extrême. Elle ne pouvait éviter de donner son avis mais elle résolut d'entamer une affaire aussi 'délicate par J'examen de la question  théorique Y a-t-il dans la constitution un article qui interdise le droit de pétition aux généraux et aux agents supérieurs de la force publique ? Le rapporteur, Lemontey, répondit négativement et proposa une loi qui, statuant sur l'avenir, défendait : 1° aux généraux d'armée, aux commandants en chef de détachements, places, etc., d'adresser aux autorités constituées des pétitions dans lesquelles il serait traité d'objets étrangers à leurs fonctions militaires ou à leurs intérêts personnels ; 2° aux militaires en activité de service et aux volontaires gardes nationaux, de présenter des pétitions en nom collectif[4].

La gauche avait paru pressée d'entendre le rapport des douze et de le discuter ; mais voyant qu'il lui serait impossible de faire infliger au général La Fayette la peine de forfaiture et de destitution que le décret proposait d'appliquer aux infractions futures, elle changea tout à coup de tactique et demanda que l'on ajournât toute discussion, jusqu'à ce que la commission eût fait connaître son opinion sur les questions particulières que soulevait la démarche personnelle de La Fayette.

Mais les débats furent bientôt repris à l'occasion de l'arrivée de Luckner à Paris. il y était depuis deux jours et un décret lui avait ordonné : 1° de rendre compte à l'Assemblée des ordres qu'il avait reçus du ministre de la guerre et de ceux qu'il avait lui-même donnés depuis le commencement de la campagne ; 2° de présenter l'état de tout ce qui était nécessaire pour assurer le succès des opérations à venir.

Le maréchal répondit qu'il ne devait correspondre qu'avec le roi, son chef suprême, et avec le ministre chargé de transmettre les ordres royaux ; que, d'ailleurs, la prudence lui commandait le secret des opérations de la campagne. Mais au lieu de conserver cette attitude aussi ferme que digne, le vieux maréchal se rendit à la commission extraordinaire ; il s'y expliqua longuement en présence d'un grand nombre de députés et laissa des notes sur les forces dont il pouvait disposer. De ces notes, lues en séance publique, il résultait que Luckner n'avait que 70.000 hommes disponibles à opposer à 200.000 Autrichiens, Prussiens, Hessois, Russes, accompagnés de nombreux émigrés ; que les cadres des troupes de ligne, au lieu de se remplir, se dégarnissaient tous les jours ; que les bataillons de gardes nationaux n'étaient pas au complet, que la discipline était sans force, enfin qu'il était impossible de défendre les frontières avec une armée aussi inférieure en nombre à celle des envahisseurs.

La communication de ces renseignements soulève les plus vives récriminations Cambon reproche au comité militaire et à la commission des douze d'avoir caché la vérité Carnot accuse le maréchal d'avoir parlé, dans la commission, sur un ton beaucoup plus rassurant.

Bientôt, pour ajouter à la confusion, survient une lettre de Dumouriez. Celui-ci, à sa sortie du ministère, avait été envoyé sous Luckner à l'armée du Nord ; il profitait de l'absence de son chef pour écrire directement à l'Assemblée et faire des avances très-significatives au parti extrême que, dans son instinct de l'avenir, il pressentait devoir bientôt être Je seul maître de la situation.

Comme j'ignore, écrivait Dumouriez, s'il existe un ministre de la guerre, comme de deux généraux d'armée l'un est en route pour la Moselle ou à Paris, l'autre est presque sur la même route comme je me trouve commandant par intérim, je crois devoir vous rendre compte, ainsi qu'au pouvoir exécutif, de la situation des choses. Le général déclarait qu'il ne comprenait rien aux opérations qu'on lui avait laissé le soin de continuer ; que d'ailleurs il manquait d'instructions, de vivres, d'argent, etc. enfin il demandait ce qu'il devait faire en présence d'un ennemi beaucoup plus nombreux que son armée.

Cette lettre devient naturellement le signal d'un nouveau tumulte. Luckner est accusé de mensonge, de trahison même ; on réclame de toutes parts un rapport sur l'affaire qui domine toutes les autres, celle du générai La Fayette. La droite, qui comprend parfaitement la gravité de la situation, n'est pas moins pressante que la gauche. On ne peut pas, dit Dumolard, reculer indéfiniment, à la veille d'un combat, l'examen de la conduite d'un général. Pour vaincre, n'a-t-il pas besoin de toute la confiance de son armée ?

Enfin, après un long échange d'interpellations, l'Assemblée décide que la discussion aura lieu le lendemain à midi et se continuera toute affaire cessante.

 

III

Muraire vint, le 19 juillet, lire, au nom de la commission extraordinaire, le rapport si impatiemment attendu. Ce rapport était simple et concis. La commission extraordinaire avait examiné la lettre écrite à l'Assemblée nationale par le général le 16 juin, la pétition qu'il avait présentée lui-même, le 28, et sa nouvelle lettre du 29. Elle s'était posé deux questions : 1° Les chefs de la force armée peuvent-ils adresser des pétitions ? 2° La conduite de La Fayette est-elle coupable ou seulement répréhensible ? Sur la première, un rapport avait été fait. Relativement à la seconde, la' commission reconnaissait, conformément à la Constitution et à la déclaration des droits de l'homme, qu'un citoyen, quel qu'il fût, ne pouvait être jugé et condamné qu'en vertu d'une loi antérieure au délit. Or, aucune limite n'ayant encore été fixée à l'exercice du droit de pétition, La Fayette n'avait contrevenu à aucune disposition légale. Dès lors l'Assemblée n'avait pas à incriminer la démarche du général, elle ne pouvait que discuter le projet qui lui avait été présenté quatre jours auparavant par Lemontey.

A cette conclusion, la gauche se récrie ; elle demande, malgré la décision de la veille, l'ajournement de toute discussion à trois jours, pour que l'on ait le temps de réfléchir sur te rapport de la commission. Vous ne parliez pas de même dans l'affaire Pétion, vous avez voulu décider sans désemparer, sans entendre la lecture d'aucune pièce, objecte-t-on à droite. La calomnie n'est pas assez mûre, s'écrie Calvet. La gauche, pour intimider les amis du général, demande que l'on vote sur l'ajournement par appel nominal. Les tribunes ne cessent de pousser des vociférations furibondes. Le président les rappelle continuellement à la décence, mais son autorité est méconnue, et la séance est forcément levée au milieu d'un tumulte épouvantable.

Le lendemain, les choses changent de face par suite du déplacement inattendu de la majorité dans 'le sein de la commission extraordinaire ; un autre rapporteur, Lacuée, vient déclarer qu'un nouvel examen a fait découvrir un délit militaire dans ce qui s'est passé à l'armée du centre, et qu'en conséquence il est chargé de présenter le décret dont la teneur suit :

L'Assemblée nationale, considérant que la loi défend aux corps armés de délibérer, et que les adresses et pétitions qui sont venues de l'armée du centre prouvent évidemment que la loi a été violée, charge le pouvoir exécutif de lui rendre compte par écrit et sous huit jours des peines de discipline qui ont été infligées par le général à ceux qui ont violé la loi ou en ont souffert la violation, ou des moyens pris par le pouvoir exécutif lui-même, pour obtenir l'exécution de la loi et la réparation qui lui est due.

 

François de Neufchâteau, croyant simplifier l'affaire, propose un ordre du jour avec rappel à la loi et semonce du président au général La Fayette, qui se serait égaré. Mais cette motion, fort mal accueillie de la gauche, est violemment repoussée par la droite ; elle ne veut pas d'un pardon injurieux pour le défenseur de l'ordre et de la Constitution.

La motion est donc écartée à l'unanimité par la question préalable, et la séance se passe tout entière à entendre les orateurs de la gauche qui traitent le général de citoyen dangereux, d'intrigant coupable, de nouveau Monk ; ils évoquent à chaque instant les souvenirs du 17 juillet 1791, de ce jour où La Fayette, suivant eux, avait, de propos délibéré, fait égorger les patriotes au Champ de Mars.

Le lendemain, 21 juillet, Lasource rouvre la discussion par un discours longuement étudié :

Je viens briser une idole que j'ai longtemps encensée, s'écrie-t-il. Je viens vous dénoncer celui qui, divorçant avec la liberté que jadis il avait épousée en Amérique, a quitté son armée pour venir attaquer la faction jacobite.

Par faction jacobite qu'entend-il ?

Serait-ce la masse imposante des amis de la liberté ? Serait-ce la majorité même du Corps législatif ? a Digne émule de Bouillé, La Fayette tient le même langage que les conspirateurs d'outre-Rhin. It a les mêmes vues, il forme les mêmes vœux que l'ennemi contre lequel, lui général, il est tenu de porter les armes comme Léopold et Kaunitz, ii veut défendre le roi contre cette prétendue faction jacobite... Il vient nous parler d'anéantir le règne des clubs, lui qui a transformé en club son armée !... Eh bien ! moi, je vous dénonce La Fayette comme employant toutes sortes de moyens pour aveugler pour tromper, pour séduire les soldats. La Fayette a voulu faire marcher des troupes vers la capitale et engager le brave Luckner, qui a été inébranlable, à partager cet acte de scélératesse et de haute trahison. La proposition en a été faite à Luckner par M. Bureaux de Pusy. J'invoque ici le témoignage de ceux de mes collègues auxquels cet exécrable projet a été révélé en même temps qu'à moi ce sont MM. Brissot, Guadet, Gensonné, Lamarque et Delmas ; je demande qu'on interpelle le maréchal Luckner lui-même, et s'il reste le moindre doute sur l'exécrable attentat dont j'accuse ici La Fayette, je consens à être moi-même aussi vil, aussi coupable, aussi sévèrement puni, aussi exécré que ce traître dont le nom seul me fait frémir.

 

La gauche attendait le plus grand effet de cette dénonciation, mais l'Assemblée n'y prête d'abord qu'une médiocre attention ; Dumolard, quoique souvent interrompu par les rires et les murmures des tribunes, prend énergiquement la défense de La Fayette.

Pourquoi le général ne pourrait-if pas pétitionner comme tout autre citoyen ? C'est précisément pour empêcher que son armée ne délibère, ce qui eût été illégal, qu'il est venu, en son nom propre, exprimer à Paris ce qu'elle pensait. La Fayette s'est présenté à la barre de l'Assemblée, seul et désarmé. Comment a-t-on pu le comparer à César passant le Rubicon ? Cependant la calomnie, avec art organisée, a voulu voir un crime dans cette démarche ; les perturbateurs, accusés par l'ami de la liberté constitutionnelle, ont ameuté ce qu'ils nomment le peuple.

La gauche interrompt violemment. Et moi aussi, je respecte, j'honore le peuple, s'écrie Dumolard. — Eh ! bien, il ne vous estime pas ! lui réplique insolemment Bazire. Dumolard dédaigne de relever cette étrange interruption et reprend ainsi :

Oui, je respecte le peuple, je vois en lui mon souverain. Mais je ne reconnais pas le peuple dans les orateurs de café et de place publique ; dans les folliculaires, dont la plume ne trace que des caractères de sang et dont l'imagination ne se repaît que d'atrocités ; dans ces hommes sans moyens d'existence connus, sans profession déterminée, qui sont moins une partie intégrante du corps social, qu'une lèpre honteuse qui le dévore et le consume. Voilà ceux qui mettent en mouvement et qui dirigent une multitude crédule, voilà ceux qui ont découvert l'art de justifier les crimes et de légaliser les émeutes voila ceux qui se trouvent réunis pour composer cette prétendue opinion publique qui condamne La Fayette[5].

 

Ici se produit un véritable soulèvement des tribunes. Le président menace de sévir contre elles. — Ne faites pas attention, s'écrie un montagnard, c'est une femme qui pleure son fils massacré au Champ de Mars !

Torné, le fameux évêque constitutionnel du Cher, succède à Dumolard ; il dirige les plus vives attaques contre La Fayette et fait le plus pompeux éloge de la journée du 20 juin. Voici l'étrange description qu'il en donne :

Un peuple nombreux s'assemble en armes pour célébrer une fête civique ; il paraît dans le sein du Corps législatif ; il y déploie toute la majesté d'un peuple libre. Après avoir offert ses hommages à ses représentants élus, il se rend tranquillement et avec la même dignité chez son représentant héréditaire. Jamais peuple n'avait montré aux yeux d'un monarque tant de force, de dignité, de modération et de respect tout ensemble pour sa personne et pour la loi. Jamais un roi ne fut plus dignement entouré ; les haillons de la vertu avaient pris la place de la dorure de tous les vices. Ce peuple ne jeta sur le luxe royal que des regards de mépris ; dans ses yeux se mariaient le reproche et l'amour, le mécontentement et la retenue sur ses lèvres était la vérité sans injure, et dans ses bras fut la force, la grande force sans attentat... Jamais roi n'eut une cour plus digne d'un père du peuple, et jamais lui-même n'eut une popularité plus touchante et plus calme s'il eut un moment de défiance, bientôt elle fit place à la sécurité et se termina par l'admiration[6].

 

Torné termine son discours en s'élevant contre les suggestions pestiférées de la cour, les horreurs clandestines d'une procédure infernale, les machinations des Feuillants et de tous les animaux nourris à la ménagerie de la liste civile[7].

Sans daigner répondre à la harangue du prêtât montagnard, les amis du général La Fayette demandent à aller aux voix. Mais la gauche veut prendre le temps de donner un corps à la dénonciation annoncée par Lasource. En effet, si cette dénonciation était admise, La Fayette ne serait plus un général coupable seulement d'une démarche imprudente, mais un conspirateur pris en flagrant délit de machination contre la sûreté de l'État, dénoncé par un frère d'armes qui n'aurait pas voulu s'associer à ses projets liberticides.

Les tribunes étaient remplies de soi-disant fédérés. Depuis le commencement de la séance l'orage grondait, mais, après le discours de Torné, il éclate. Le président est obligé de se couvrir, les perturbateurs n'en continuent pas moins leur effroyable désordre. Le président menace de faire sortir par la force les habitués des tribunes et leurs amis des départements mais d'eux-mêmes ils se précipitent hors de la salle en vociférant.

Dans l'Assemblée, l'émotion est à son comble ; on s'attend à une invasion de la populace. Un grand nombre de députes s'écrient : Nous saurons mourir à notre poste ! Nous ne pouvons plus délibérer ici, la liberté des opinions est violée il n'y a plus d'Assemblée nationale !

Mais le président, Aubert-Dubayet, apaise le tumulte en rappelant à l'ordre les membres qui viennent d'exprimer des craintes. L'Assemblée nationale, dit-il avec calme, ne peut cesser d'exister un moment ; elle saura aller siéger partout ailleurs dans le royaume. — Oui, s'écrie Calvet, nous saurons braver tes Autrichiens et les Prussiens ; allons, s'il le faut, à Maubeuge ; mais nous ne pouvons rester plus longtemps dans un lieu ou l'on ne respecte plus ni la loi ni ses organes[8].

Enfin, le président peut se découvrir ; la séance se rouvre et l'on demande la clôture de la discussion. Mais Guadet s'empare de la tribune et vient déposer sur le bureau une dénonciation en régie contre La Fayette.

Quelques membres de l'Assemblée nationale ayant eu l'occasion de voir M. le maréchal Luckner, le 17 juillet au soir, chez M. l'évêque de Paris, et lui ayant demandé s'il était vrai qu'on lui eût proposé, de la part de M. La Fayette, de marcher sur Paris avec son armée après l'événement du 20 juin, M. le maréchal Luckner a répondu en ces termes :

Je ne nie pas : c'est M. Bureaux de Puzy, celui qui a été, je crois, trois fois président de l'Assemblée nationale. Je lui ai répondu : Monsieur, je ne mènerai jamais l'armée que je commande que contre les ennemis du dehors. La Fayette est le maître de faire ce qu'il voudra ; mais s'il marche sur Paris, moi je marcherai sur lui, et je le dauberai. M. Bureaux de Puzy me dit alors : Mais la vie du roi est en danger ! Voilà ce qu'il m'a dit, et ils m'ont fait d'autres propositions qui sont bien plus horribles.

Telles sont les propres expressions de M. le maréchal Luckner que nous avons entendues et que nous attestons[9].

 

Aussitôt après la lecture de cette pièce, Girardin demande que Guadet la signe sur le bureau des secrétaires ce que fait Guadet, et son exemple est suivi par Brissot, Gensonné, Lamarque, Lasource et Delmas.

La droite, néanmoins, insiste pour que l'on prenne immédiatement une décision sur le rapport de la commission des douze, sauf a revenir, plus tard et après information, sur le nouveau grief imputé au générai mais la discussion est brusquement interrompue par un des officiers de garde, qui vient annoncer au président qu'une masse énorme d'individus se porte vers le château et vers l'Assemblée. On entend sonner le tocsin Saint-Roch. Au moment même paraît le dieu qui apaise les tempêtes, le maire Pétion[10].

On a craint un mouvement, dit-il, je suis intervenu, tout est calme. Plusieurs citoyens, il est vrai, voulaient entrer au jardin des Tuileries je m'y suis opposé, ils ont obéi.

Les tribunes et la gauche font une ovation à Pétion lorsque, refusant les honneurs de la séance qui lui ont été accordés par l'Assemblée, il se retire pour aller où son devoir l'appelle. Après son départ, la gauche demande l'ajournement de toute décision à l'égard du général La Fayette, jusqu'à ce que l'on ait pu éclaircir le fait avancé par Guadet et ses amis. Dans toute Assemblée nombreuse et agitée, les propositions d'ajournement ont toujours une faveur assurée, parce que les gens faibles et timorés s'y rallient pour n'avoir pas besoin de prendre une décision immédiate ils ne prévoient pas que les choses vont bien souvent en s'aggravant, et que ce qui était difficile un jour devient impossible le lendemain.

Malgré les énergiques protestations de la droite, l'ajournement est donc accepté par la majorité.

 

IV

L'émeute[11], qui avait été renforcée par la brusque sortie des fédérés, avait pris son origine dans les rassemblements qu'occasionnait aux abords des Tuileries la fermeture du jardin fermeture qui avait eu lieu le lendemain du 20 juin et qui avait été maintenue depuis cette époque. Cette mesure avait été prise pour soustraire le roi et la reine aux insultes les plus grossières. Des fédérés avaient chanté à tue-tête, en voyant la reine se promener dans le jardin des couplets tels que ceux-ci :

Madame Veto avait promis

De faire égorger tout Paris...

Les gardiens ayant voulu imposer silence aux chanteurs, il s'en était suivi une rixe dans laquelle une des personnes qui accompagnaient la reine avait dû, pour éloigner les insolents, les frapper à coups de plat de sabre. Les fédérés étaient aussitôt allés a l'Assemblée nationale dénoncer cet attentat à la majesté du peuple français, et ils avaient obtenu les honneurs de la séance[12].

Fiers d'un si bel exploit, ils revinrent les jours suivants errer autour du jardin des Tuileries. La populace les y suivit, poussée par les Jacobins ; ils avaient répandu le bruit que la grille était fermée parce que le château se remplissait d'armes et de conspirateurs. Après l'émeute du 21 juillet, ce même bruit fut répété avec plus d'insistance on ajoutait, à l'adresse des députés timorés, que, maîtresse de la terrasse des Feuillants, la cour disposait des abords de l'Assemblée nationale et pouvait un jour ou l'autre faire envahir la salle de ses séances par les séides du despotisme. Fauchet, profitant de ces nouvelles rumeurs, demanda qu'il fut décrété d'urgence que l'allée des Feuillants serait désormais comprise, pour le service de la police, dans l'enceinte extérieure de l'Assemblée nationale, depuis la porte de la cour du Manège jusqu'à celle de l'Orangerie. La droite voulut s'opposer à cet empiétement, obtenir au moins que le temps d'élever un mur de clôture entre la terrasse et le jardin fût laissé au roi. Ces observations ne furent pas écoutées ; la majorité, qui avait peur de l'invasion des chevaliers du poignard, adopta avec empressement la proposition de Fauchet. Dès lors, les émeutiers furent maîtres d'un des principaux abords des Tuileries. Ils se tenaient en permanence sur la terrasse des Feuillants, insultant les promeneurs. qui avaient encore l'audace de se risquer dans le jardin, mesurant des yeux les dernières lignes de défense que la royauté pouvait encore leur opposer.

Cette victoire de Fauchet fut suivie d'un nouveau triomphe remporté par la gauche en faveur des tribunes, ses fidèles alliées. Celles-ci avaient été si tumultueuses et si insolentes le 21 juillet, que la droite crut pouvoir tenter un suprême effort pour réprimer leur tyrannie toujours croissante.

Le lendemain même de ce jour, Deusy, l'un des constitutionnels les plus considérés et les plus courageux, réclame des 'mesures pour réduire les spectateurs au silence. Cette proposition est naturellement accueillie par les plus violents murmures de la gauche. Torné demande le renvoi de la proposition à l'inquisition de Portugal. Choudieu déclare qu'elle ne peut venir que de députés qui oublient le respect du au peuple, leur souverain et leur juge...

A ces mots éclate un tumulte effroyable que le président Aubert-Dubayet ne peut parvenir à dominer. Est-ce que vous avez peur, lui crie-t-on ? Quand vous aurez mon courage, vous pourrez parler ainsi, réplique à l'interrupteur celui qui devait, un an plus tard, s'illustrer par la défense de Mayence.

La droite, craignant de succomber en insistant pour l'adoption de nouvelles mesures, demande seulement que l'on fasse imprimer et placarder de nouveau, dans les tribunes, la loi qui interdit toute marque d'improbation ou d'approbation. On lui refuse cette satisfaction presque dérisoire ; l'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur l'existence de la ici, et consacre ainsi la domination qui tous les jours s'appesantissait sur elle.

 

V

Le 22 juillet il avait été rendu, sur la proposition de Lacroix, un décret ainsi conçu :

L'Assemblée nationale décrète : 1° que M. Bureaux de Puzy sera tenu de comparaître a sa barre, pour rendre compte, en ce qui le' concerne, du fait dénoncé par M. Gensonné, relatif au projet de faire marcher les deux armées sur Paris ; 2° que MM. Luckner et La Fayette donneront séparément et par écrit des explications positives sur le même fait, et que copie de la dénonciation leur sera envoyée avec le présent décret.

 

Jusqu'au 28 juillet, en dépit des vives et incessantes réclamations des Jacobins et de leurs amis, on ne s'occupa point de La Fayette au sein de l'Assemblée. Enfin ce jour-là, le président reçut la lettre suivante :

Monsieur le président,

Je me suis rendu à Paris aussitôt que j'ai pu me conformer au décret du Corps législatif qui m'y a mandé j'attends qu'il lui plaise de recevoir les éclaircissements qu'il exige de moi, et, comme d'autres devoirs non moins importants me rappellent au poste que j'ai quitté, je désire vivement que l'Assemblée nationale veuille bien hâter le moment de m'entendre et me rendre la liberté de retourner à mes fonctions.

Je suis avec respect, etc.

Signé : BUREAUX DE PUSY, capitaine au corps du génie.

Paris, le 29 juillet 1792, l'an IV de la liberté.

 

L'ami du général La Fayette est immédiatement reçu à la barre. Après avoir produit toute la correspondance échangée depuis un mois entre Luckner et La Fayette, il exprime le regret d'être obligé de convaincre d'imposture des législateurs ; et, faisant allusion au rôle qu'il eut l'honneur de jouer à l'Assemblée constituante, il termine ainsi l'exposé de sa conduite : Je déclare à mes accusateurs qu'ils ne parviendront pas à me faire oublier que, dans cette même enceinte, à cette même place, j'ai, le premier de tous les Français, contracté l'engagement solennel de maintenir de tout mon pouvoir la liberté de mon pays et la constitution qu'il s'est donnée. S'ils sont en état de m'enseigner bien des choses que je ne désire pas savoir, je puis du moins leur en apprendre une que sans doute ils ne connaissent pas assez c'est le respect qu'on doit à son serment.

De très-vifs applaudissements retentissent dans une grande partie de l'Assemblée. On demande l'impression de cette harangue si nette et si ferme. Elle est décrétée avec la condition réclamée par Bureaux de Pusy lui-même, que les secrétaires signeront et parapheront comme lui ne varientur les pièces de sa justification, qu'il dépose entre leurs mains. Quand il s'assied au banc des pétitionnaires admis aux honneurs de la séance, l'ami de La Fayette est salué des acclamations de la droite et des huées des tribunes. On demande le rappel à l'ordre des spectateurs. Laissez-les, dit dédaigneusement Fressenet, leurs murmures improbateurs complètent la justification de M. Bureaux de Pusy[13].

Après un moment de tumulte, Lasource prend la parole, non pour discuter la prétendue justification qui vient d'être présentée, mais pour maintenir ce qu'il a avancé.

Si quelque chose, ajoute Guadet, était capable de m'étonner dans la démarche de M. Bureaux de Pusy, c'est que cet ancien député n'ait pas eu le temps, pendant sa carrière politique, d'apprendre que ni les menaces ni les injures ne sont capables de détourner un véritable ami du peuple de faire son devoir ; je le remercierai au nom de l'Assemblée.

Non, non ! crie la droite.

Je le remercierai au nom de l'Assemblée...

On interrompt encore, et trois fois de suite Guadet répète la phrase aux applaudissements de la gauche et des tribunes ; mais comme les murmures redoublent, il se décide à dire :

Je le remercie au nom de la nation. — Non, non, vous n'avez pas le droit de parler au nom de la nation.

Eh bien, dit Guadet, je le remercie au nom des amis de la liberté de ce que, moins audacieux que son général, il n'a pas cru devoir faire partager à l'Assemblée elle-même les outrages qu'il a eu l'air d'adresser seulement à une partie de ses membres... J'espère que l'Assemblée mettra quelque différence entre le témoignage de six représentants du peuple et l'un des auteurs de la révision. Je réclame l'impression de ma dénonciation signée de mes cinq collègues en tête de la justification de M. Bureaux de Pusy.

La discussion ne pouvait évidemment aboutir dans le moment même ; l'Assemblée se contenta de charger sa commission des douze de faire avant huit jours un rapport sur cette affaire.

Le lendemain (30 juillet) le ministre de la guerre transmit à l'Assemblée ce billet de La Fayette :

Ai-je proposé à M. le maréchal Luckner de marcher avec nos armées sur Paris ? A quoi je réponds en quatre mots fort courts : cela n'est pas vrai.

Longwy, 26 juillet 1792.

 

A la séance du soir, on lut la lettre de Luckner, relative au même fait :

Au quartier général, Longueville, près Metz, 28 juillet.

Je sens bien vivement en ce moment combien il est affligeant pour moi de ne pas savoir parler la langue du pays où je sers, et à la liberté duquel j'ai dévoué le reste de ma vie. Cette difficulté de me faire entendre a été sans doute la cause de la différence qu'il y a entre la conversation que j'ai eue chez M. l'évêque de Paris, et celle que je trouve dans le procès-verbal de l'Assemblée nationale. Jamais proposition de marcher sur Paris ne m'a été faite...

 

Les journaux jacobins s'efforcèrent d'ôter toute importance à ces dénégations successives. Le Patriote français déclara que la lettre de Luckner lui avait été imposée et qu'elle n'était évidemment pas de lui... puisqu'elle était écrite en français. D'autres relevèrent avec aigreur deux lettres écrites à Luckner, de la propre main du roi. Dans la première, Louis XVI remerciait le vieux maréchal des dispositions de ses troupes à son égard : Vous m'avez, disait-il, donné trop de preuves de votre attachement à la constitution pour que vous ne désiriez pas voir rétablir dans le royaume l'ordre public et le règne des lois. Dans la seconde, le monarque engageait les officiers à ne pas donner leur démission par attachement pour lui, et à se tenir prêts à le seconder dans la résolution inébranlable où il était de défendre le pays contre tous ses ennemis[14].

 

VI

Le 11 juillet, sur le rapport fait par Hérault-Séchelles, au nom des comités militaire et diplomatique et de la commission extraordinaire, l'Assemblée avait proclamé la patrie en danger. Cette déclaration était accompagnée de deux adresses : l'une à l'armée, rédigée par Vaublanc ; l'autre aux Français, due à la plume de Vergniaud[15].

Les formalités de la transmission du décret au pouvoir exécutif, au directoire du département et à la municipalité ayant pris plusieurs jours, ce ne fut que le dimanche 22 et le lundi 23 que le décret fut, promulgué dans Paris. Ces deux jours-là, à six heures du matin, le canon d'alarme du parc d'artillerie établi sur le Pont-Neuf annonça, par une salve de trois coups, la sinistre proclamation toute la journée, il ne cessa de retentir d'heure en heure. Pendant ce temps le rappel était battu dans tous les quartiers, et deux cortèges officiels parcouraient la ville.

En tête de chaque cortège marchait un détachement de cavalerie avec trompettes, tambours, corps de musique, et six pièces de canon. Puis apparaissaient à cheval douze officiers municipaux ; derrière eux était déployée une bannière tricolore, sur laquelle étaient inscrits ces mots : Citoyens, la patrie est en danger !

Au milieu des places, dans les carrefours, sur des amphithéâtres préparés d'avance, se dressaient des tentes ornées de banderoles tricolores et de couronnes de chêne une planche, posée sur des caisses de tambours, était destinée à servir de bureau pour l'inscription des volontaires. En arrivant à chacun des endroits désignés, le cortège s'arrêtait, le drapeau tricolore était agité, les tambours exécutaient un roulement ; un officier municipal lisait l'acte du corps législatif. Le gros du cortège reprenait ensuite sa marche, laissant les gardes nationaux de l'arrondissement déposer leurs drapeaux sur l'amphithéâtre et former un grand cercle, au milieu duquel se rangeaient les volontaires à mesure qu'ils s'étaient fait inscrire. Durant les deux journées, les officiers municipaux suffirent à peine à recevoir les engagements.

Le dimanche et surtout le lundi soir, quand les deux cortèges, partis de la maison commune, y rentrèrent, ils étaient considérablement accrus par les enrôlés, qui, sans avoir quitté leurs habits de travail, avaient déjà le sac au dos, le fusil ou la pique sur l'épaule, et marchaient en chantant des airs patriotiques. Une foule immense les accompagnait en criant : Vive la nation ! vive la liberté ! vivent leurs défenseurs !

Saint et enivrant enthousiasme, vous auriez dû être sans mélange ! Toutes les passions, tous les délires des sectes politiques auraient dû expirer au pied de ces amphithéâtres, ou l'amour de la patrie enfantait des héros. Mais l'esprit de parti ne peut s'apaiser devant les spectacles les plus sublimes. Ces sycophantes qui empruntaient le masque du patriotisme pour assouvir leurs implacables haines disaient tout haut dans les groupes :

Malheureux ! où courez-vous ? pensez donc sous quels chefs il vous faudra marcher à l'ennemi ! Vos principaux officiers sont presque tous nobles ; un La Fayette vous mènera à boucherie. Eh ! ne voyez-vous pas comme, sous les persiennes des Tuileries, on sourit d'un rire féroce à votre empressement généreux mais aveugle[16].

On cherchait ainsi à arrêter l'élan des volontaires parisiens on s'efforçait surtout de retenir à Paris les plus exaltés des fédérés départementaux on voulait les faire servir à la réussite des desseins que les meneurs ultrarévolutionnaires ne prenaient déjà presque plus la peine de cacher. Il suffit de parcourir le Journal de la Société des Amis de la Constitution, pour voir qu'au moment même où l'Assemblée nationale consacre tous ses soins à la défense nationale, les Jacobins ne parlent de nos armées que pour dénoncer la trahison des généraux et exciter les soldats contre leurs officiers. Ils s'occupent beaucoup moins des moyens de préserver les frontières de l'invasion que de renverser la royauté. Ainsi, à la séance du 15 juillet, Billaud-Varennes, qui n'était encore qu'un très-obscur avocat, s'écrie : Le moment est décisif. Nos frères d'armes sont ici ; s'ils partent sans que de grandes mesures aient été prises, tous les sacrifices de la révolution ne conduiront la patrie qu'à l'esclavage. Ainsi, peu de jours après, Robespierre déclare qu'avant de s'occuper de repousser l'ennemi extérieur, il faut punir le traître dont L'existence menace la tranquillité de la France. Quel traître ? Robespierre se garde bien d'être clair ; il tient à rester dans tes nuages. Mais ces nuages, voici Danton qui brutalement les déchire. Que les fédérés, s'écrie-t-il en plein club, examinent ce qu'il y a à faire pour sauver la patrie des trahisons du pouvoir exécutif. Le droit de pétition n'a pas été enseveli dans le Champ de Mars, avec les cadavres de ceux qu'on y a immolés... Que les fédérés présentent donc une pétition à l'Assemblée sur le sort du pouvoir exécutif, et ne se séparent pas avant yue les traîtres n'aient été punis, ou mieux, n'aient passé à l'étranger[17].

 

VII

Quand on écrit l'histoire de 1792, on est obligé de se servir de la même dénomination, celle de fédérés, pour désigner à la fois et les braves qui, par leur courage, sauvèrent la France de l'invasion étrangère, et les misérables qui empruntèrent le masque du dévouement patriotique pour se livrer impunément au meurtre et au pillage[18]. Nous n'aurons pas assez d'éloges pour les uns, pas assez de mépris pour les autres.

Chaque soir, la salle de la rue Saint-Honoré était remplie de pseudo-fédérés, qui venaient déposer sur le bureau du président les lettres de créance à eux remises par les frères et amis des sociétés affiliées, à l'Instigation desquelles ils avaient pris la route de Paris. Aux applaudissements des habitués du lieu, ils se posaient en arbitres des destinées de la France, ils s'arrogeaient le droit de parler au nom de leurs départements, qui certes ne leur avaient donné aucun mandat à cet effet. Ainsi, l'on entendait (12 juillet) deux fédérés de la Charente déclarer qu'ils ne quitteraient Paris qu'après que l'Assemblée nationale aurait statué sur le sort du pouvoir exécutif ; d'autres, du Calvados, demandaient ouvertement la destitution du roi ; un de leurs émules, de la Drôme, s'écriait (16 juillet) : Le peuple seul peut sauver la France ; mais où trouver le peuple ?... dans les fédérés ! Si l'Assemblée nationale n'a pas le droit de rendre la souveraineté au peuple le peuple la reprendra. Le peuple, bien entendu, c'était lui et ses dignes acolytes.

On organisa aux jacobins un comité central des fédérés, qui, réuni aux principaux meneurs du club, se mit en rapport avec les comités occultes des diverses sections parisiennes. Ce comité central devint bientôt la cheville ouvrière de l'insurrection. Son premier acte fut de lancer le programme suivant, en opposition manifeste avec les décrets de l'Assemblée : Arrivés ou en route, les fédérés ne doivent point se laisser diviser, ils doivent faire masse à Paris, et, malgré tous les ordres qui pourraient leur être donnés, refuser de se rendre au camp de Soissons.

En s'obstinant à ne pas quitter Paris après le délai nxé par la loi, les fédérés pouvaient courir le risque de ne pas toucher les trente sols par jour qui leur avaient été alloués. On proposa, en séance publique des jacobins, de pourvoir à cette difficulté financière. Un grand nombre d'adeptes déclarèrent qu'ils étaient prêts à recevoir chez eux chacun un fédéré. Dès lors, ces individus, hébergés, fêtés, échauffés sans cesse par les libations faites en nombreuse compagnie et par les discours prononcés en leur honneur dans le club Saint-Honoré, devinrent, on le conçoit sans peine, les instruments aveugles de la formidable société.

Le 17 juillet, une députation de fédérés se présente à la barre de l'Assemblée et y lit une adresse où l'on trouve les phrases suivantes :

Représentants, on nous dit que la nation est en danger c'est nous appeler à son secours, c'est nous dire qu'il faut qu'elle soit sauvée ; si elle ne peut l'être par ses représentants, il faut bien qu'elle le soit par elle-même.

Pères de la patrie, nous ne voulons point porter atteinte à notre constitution, mais nous voulons qu'elfe soit et qu'elle puisse être exécutée ; nous ne refusons pas d'obéir à un roi, mais nous mettons une grande différence entre un roi et une cour conspiratrice dont la constitution même, dont toutes les lois divines et humaines réclament la punition et l'expulsion.

Après avoir employé cette précaution oratoire, les pétitionnaires dénoncent La Fayette, s'étonnent qu'il existe encore, demandent la destitution des directoires départementaux coalisés contre la liberté publique, et réclament qu'il soit fait du pouvoir exécutif ce que le salut de l'État et de la constitution même exigent dans les cas où la nation est trahie par lui.

Aux jacobins, les fédérés parlaient un langage a peu près semblable

Frères et amis, nous avons entendu les cris de la patrie en péril, et nous avons volé à son secours. C'est à Paris que nous devons vaincre ou mourir, et nous avons juré d'y rester. C'est ici notre poste ; c'est le lieu de notre triomphe ou ce sera celui de notre tombeau.

Simples comme la nature, purs comme l'air que l'on respire dans nos campagnes, ce n'est pas sur nous que le souffle empoisonné des ambitieux portera sa contagion... Déjà des cabales se laissent deviner, qui voient le salut de l'État dans un changement de ministres...

 

Le journal des jacobins ne nous a pas conservé le nom de l'auteur de ces deux pièces d'éloquence, nous serions tenté de les attribuer à Robespierre lui-même. Nous croyons le reconnaître au style filandreux et bucolique qui lui est particulier, à la tendresse toute paternelle avec laquelle il accueillit ces deux adresses dans son journal, le Défenseur de la Constitution (n° 10), et surtout à l'allusion insidieusement lancée dans la dernière phrase contre les Girondins. Robespierre n'occupait alors aucun emploi public. Il s'était cantonné dans le. club de la rue Saint-Honoré là, comme le dieu caché au fond du temple, il rendait ses oracles en attendant que ses séides inaugurassent au grand jour le culte de la haine, de l'envie et de la délation, déités que l'orgueilleux tribun personnifiait en lui.

 

VIII

Les pseudo-fédérés se déclaraient chaque jour prêts à mourir pour la patrie, mais il restaient à Paris, couraient les tavernes et les clubs, s'amassaient aux abords de l'Assemblée et du château pour insulter la famille royale et les députés constitutionnels, faisaient des adresses pour demander la mise en accusation des généraux qui, dans ce moment même, défendaient notre territoire. Pendant ce temps, les vrais fédérés se dirigeaient de tous les points du royaume vers les armées actives ou, les camps de réserve. Quelques-uns avaient été obligés de traverser la capitale, ou s'y étaient laissé conduire, quoique Paris ne fût point sur leur route la plus directe. Mais, à peine arrivés, ils avaient pu s'apercevoir des manœuvres perfides dont on cherchait à les entourer. Ils avaient apprécié les compagnons parmi lesquels ils s'étaient fourvoyés ; ils s'étaient hâtés de fuir les luttes fratricides, et de quitter les clubs pour les camps[19]. Là, au moins, la conduite à tenir n'était pas douteuse ; là, tous s'abandonnaient avec enthousiasme aux mêmes sentiments la haine de l'étranger et l'amour de la patrie.

Mais ces nouvelles forces s'ignoraient elles-mêmes il fallait les organiser, ou plutôt il fallait organiser l'armée toute entière œuvre d'autant plus difficile que l'émigration avait presque épuisé les anciens cadres, et qu'en présence du danger de la patrie, on devait, pour ainsi dire, improviser tout un matériel, armer, équiper, instruire une masse énorme de volontaires.

La Législative ne resta pas au-dessous de sa tâche. Les historiens ont exalté l'héroïque résistance que la France opposa à l'invasion étrangère, et en ont rapporté tout l'honneur à la Convention ils se sont montrès souverainement injustes envers l'Assemblée qui décréta la réquisition de 1792. Les principaux éléments de la résistance nationale ont été préparés par la commission extraordinaire, composée, par moitié, de constitutionnels et de Girondins, unanimes en tout ce qui concernait la défense du territoire. Si Vergniaud, son organe habituel, eut le malheur d'attacher son nom, comme président de la Législative et de la Convention, à des événements à jamais déplorables, ses entraînements et ses fautes seront rachetés, nous l'espérons pour sa mémoire, par son courage et par te service immense qu'il rendit à la France en la dotant d'une armée qui devait la sauver de l'invasion étrangère.

Le 24 juillet, Vergniaud présenta un décret concerté avec les généraux des armées du Rhin et du Midi, aux termes duquel les bataillons de volontaires devaient être formés par canton, et les grades, jusqu'à celui de lieutenant-colonel, donnés à l'élection. Ces jeunes gens, partant pour ainsi dire du même village, ayant pu de longue date s'apprécier les uns les autres, n'hésitèrent pas, au moment où ils allaient affronter des troupes aguerries, à mettre de côté affections, rivalités, jalousies, et à choisir, pour les conduire à la victoire ou à la mort, les plus capables et les plus énergiques d'entre eux. Si l'on parcourt la liste des officiers qui, dans chaque département, furent élus à l'heure suprême du danger de la patrie pour marcher à la tête des fédérés, on y retrouve les noms de la plupart de ces soldats illustres qui devaient ruiner la vieille tactique des généraux de Frédéric, de Marie-Thérèse et de Catherine, et remplir durant un quart de siècle l'Europe du bruit de leurs exploits[20].

Le lendemain (25 juillet), ce fut encore sur la proposition de Vergniaud que la Législative adopta le décret qui défendait, sous peine de mort, à tous commandants d'une place forte de se rendre avant que l'ennemi eut ouvert une brèche réellement praticable, et qui ordonnait que les habitants ou les corps administratifs des villes de guerre fussent traités comme rebelles et déclarés traîtres à la patrie, s'ils demandaient à capituler.

La Législative répondait ainsi aux craintes de la France entière au moment de la retraite de Luckner, craintes accrues par les paroles que l'on prétendait avoir été prononcées par le vieux maréchal :

Dans l'état effroyable où se trouve l'armée, je ne puis répondre que les Autrichiens ne soient à Paris avant six semaines !

Les Autrichiens à Paris ! ils ne devaient y venir que vingt-deux, ans plus tard, après avoir été rejetés hors de nos frontières à trois reprises différentes, écrasés en Italie et en Allemagne, obligés de subir par deux fois la honte de la prise de Vienne et de souscrire quatre ou cinq traités plus durs les uns que les autres. Ils ne devaient y venir' que le jour ou la France, épuisée par des revers inouïs, dus à l'ambition d'un insatiable conquérant, aurait attiré l'Europe entière sur ses campagnes veuves de leurs défenseurs. Mais qui pouvait, en juillet 1792, assurer que l'étranger serait arrêté dès ses premiers pas en Champagne, que la France, comme autrefois la Grèce, aurait ses Thermopyles ? Royalistes, montagnards et constitutionnels, tous, l'œil fixé sur les cartes de France, étudiaient, anxieux et rêveurs, les contrées où le sort du pays allait se décider. Chacun, avec des espérances, des craintes, des colères bien différentes, y suivait la marche des armées coalisées, comptait les étapes qu'elles avaient franchies, celles qu'elles avaient encore à parcourir avant d'arriver à Paris, dans cette ville que les émigrés et les princes étrangers désignaient hautement comme le but de la campagne ou plutôt de la partie de plaisir qu'ils allaient entreprendre[21].

Pendant ce temps, les journaux ultra-royalistes et les journaux ultra-révolutionnaires semblaient s'accorder pour enflammer les passions et satisfaire leurs haines particulières. Les premiers ne déguisaient pas la joie anticipée que leur causait l'annonce du retour des émigrés, précédant ou suivant les armées étrangères ils ne tarissaient pas en plaisanteries sur ce qui se passerait à Paris lorsque les uhlans auraient restauré l'autorité royale[22]. Les seconds profitaient des troubles et de la confusion qui régnaient dans tous les esprits, pour calomnier les Girondins dont la supériorité portait déjà ombrage aux véritables chefs de la démagogie. Ainsi, les amis de Robespierre et de Marat taisaient courir le bruit que Vergniaud, Guadet, Condorcet ; Brissot, avaient pris leurs passeports pour fuir de Paris et au besoin trouver un refuge en Angleterre. A cette absurde accusation, Brissot répondit avec une noble fierté : Je méprise trop les lâches qui abandonnent leur poste dans la crise ou nous sommes, pour partager leur ignominie. Quant aux autres, la calomnie tomba d'elle-même, mais nous la verrons se reproduire et devenir contre eux un chef d'accusation devant le tribunal révolutionnaire.

 

IX

Ces bruits calomnieux furent-ils dus à l'attitude que prirent les principaux Girondins dans la deuxième quinzaine de juillet ? On ne saurait rien affirmer à cet égard.

Nous avons déjà vu le rédacteur de l'adresse des fédérés aux jacobins glisser quelques insinuations sur les calculs de ceux qui ne désiraient autre chose qu'un changement de ministère opéré au profit de leurs amis. A quelques jours de là (18 juillet), un autre jacobin reprochait publiquement, dans la salle Saint-Honoré, à Vergniaud, d'être resté silencieux lors de la discussion sur l'affaire de La Fayette et de n'être pas éloigné d'une transaction avec le roi s'il consentait à replacer au pouvoir certains ministres.

Robespierre surveillait les Girondins avec cette haine jalouse qui donne souvent des intuitions extraordinaires savait-il qu'en ce moment ils étaient engagés dans une négociation avec Louis XVI, par l'intermédiaire du peintre Boze et de Thierry, l'un des valets de chambre du roi ? Boze avait pris l'initiative de ces pourparlers, se figurant, avec naïveté, pouvoir mener a bonne fin une entreprise dans laquelle de plus habiles auraient vraisemblablement échoué ; car il fallait que, de part et d'autre, on mît de côté bien des préjugés, bien des ressentiments, bien des méfiances. Boze avait obtenu des trois principaux chefs girondins, Gensonné, Guadet et Vergniaud, qu'ils lui écriraient une lettre, destinée à être mise sous les yeux de Louis XVI. Dans cet écrit, les trois députés exprimaient la pensée que les dangers qui menaçaient le roi pouvaient encore être conjurés, si définitivement et franchement il séparait, par des actes significatifs, sa cause de celle de la contre-révolution s'il choisissait ses ministres parmi les hommes les plus prononcés en laveur du nouvel ordre de choses ; s'il remettait la garde et l'éducation du jeune prince royal à un gouverneur revêtu de la confiance de la nation si, enfin, il retirait à La Fayette le commandement de l'armée[23].

Les constitutionnels faisaient agir de leur côté auprès de Louis XVI, pour le déterminer à se jeter dans leurs bras. La Fayette offrait toujours de recevoir le roi au milieu de son armée. Il était en correspondance active avec Lally-Tollendal revenu tout exprès d'Angleterre, et, par son intermédiaire, entretenait des relations indirectes avec MM. de Montmorin et Bertrand de Molleville, anciens ministres, et toujours confidents de Louis XVI. A ces deux propositions, si différentes par le but, les moyens et les hommes qui les présentaient, le roi répondit d'une manière à peu près identique. Aux Girondins, on fit dire d'une manière banale que le pouvoir exécutif apportait le plus grand soin au choix des ministres qu'il s'était tenu très-scrupuleusement dans les limites de la constitution ; qu'on avait mis tout en œuvre pour empêcher la coalition des puissances, mais que la guerre étant aujourd'hui déclarée et l'ayant été par des ministres patriotes, il n'y avait plus qu'à la poursuivre. A La Fayette, par l'intermédiaire de son aide de camp La Colombe, on fit écrire : Nous sommes bien reconnaissants envers votre général, mais ce qu'il y aurait de mieux pour nous serait d'être enfermés pendant deux mois dans une tour. Aux intimes on disait : M. de La Fayette sauvera peut-être le roi, mais il ne sauvera pas la royauté.

Ainsi, entre tous les partis possibles, on choisissait aux Tuileries le pire, celui de se laisser aller aux événements. Or, presque toujours et surtout en temps de révolution, les événements tournent au profit des audacieux et contre les timides. Quoi de plus naturel ? Les premiers les font naître, les seconds les subissent.

 

X

A ce moment, les Girondins semblaient caresser avec amour une idée, qu'ils croyaient de nature à concilier les partisans de la république et les partisans de la monarchie. C'était, après avoir fait prononcer la déchéance de Louis XVI, de donner à l'enfant royal un gouverneur qui aurait été investi d'une grande partie du pouvoir exécutif, et aurait reçu leurs inspirations ; par ce moyen ils espéraient se séparer avec éclat des auxiliaires dangereux et impatients, dont ils étaient encore obligés d'accepter le concours mais dont il leur tardait d'être à jamais débarrassés. Aussi les voyons-nous jouer un triple rôle éviter d'attaquer directement le pouvoir royal, s'efforcer de retenir les exagérés, et cependant briser tout ce qui pouvait, hommes ou choses, faire obstacle à leur rentrée au pouvoir.

Le 21 juillet, Vergniaud vient, au nom de la commission extraordinaire[24], présenter la déclaration suivante, qui est à l'instant même votée et portée au roi :

L'Assemblée nationale, considérant que depuis longtemps les ministres ont déclaré qu'ils ne croyaient pas pouvoir servir utilement la chose publique ; qu'en conséquence ils ont donné leur démission ;

Considérant qu'une pareille déclaration de leur part a dû altérer, dans toutes les parties de l'administration, la confiance sans laquelle il est impossible d'assurer le succès de nos opérations, qu'elle peut nuire même à l'harmonie que l'Assemblée est jalouse de maintenir entre les deux pouvoirs ;

Considérant que, dans les circonstances graves où se trouve la nation, la mésintelligence entre les autorités constituées, le moindre embarras dans l'exécution des moyens de défense, les plus légères fautes ou même l'inaction la plus instantanée du pouvoir exécutif pourraient nous conduire aux revers les plus funestes ;

Déclare au roi que le salut de la patrie commande impérieusement de recomposer le ministère, et que ce renouvellement ne peut être différé sans un accroissement incalculable des dangers qui menacent la liberté et la constitution.

 

Le 23, Guyton-Morveau, au nom de la même commission, fait adopter une nouvelle déclaration plus grave encore :

L'Assemblée nationale, considérant que le plus sacré de ses devoirs est de déployer tous les moyens que la constitution met à sa disposition, pour prévenir et faire promptement cesser le danger de la patrie ;

Considérant que rien ne peut contribuer plus efficacement à remplir cet objet important, que de donner à la responsabilité des ministres toute la latitude que le salut de l'État exige dans de telles circonstances :

Décrète que, quand le Corps législatif a proclamé, dans les formes prescrites par le décret du 5 de ce mois, que la patrie est en danger, indépendamment des cas ou la responsabilité peut être exercée contre les agents du pouvoir exécutif, tous les ministres sont solidairement responsables, soit des actes délibérés au conseil relatifs à la sûreté intérieure et extérieure de l'État, qui auraient occasionné le danger, soit de la négligence des mesures qui auraient du y être prises pour le prévenir ou en arrêter les progrès ;

Laquelle responsabilité solidaire aura lieu également contre tous les ministres après la proclamation du danger et tant qu'elle ne sera pas révoquée...

 

C'était aggraver considérablement la responsabilité ministérielle, c'était suspendre l'épée de Damoclès sur la tête des agents du pouvoir exécutif. L'Assemblée décida, de son autorité privée, que cet acte, ne devant point avoir un effet immédiat, n'avait pas besoin d'être soumis à la sanction royale ; il fut néanmoins promulgué dans les formes des lois ordinaires et revêtu de l'exequatur du malheureux monarque, qui se laissait ainsi enlever une à une ses dernières prérogatives.

Le même jour, Lasource fait renvoyer à l'examen de la commission extraordinaire les questions suivantes :

1° Quels sont les maux de la patrie ?

2° Quelles en sont les causes ?

3° Les moyens employés jusqu'à présent sont-ils suffisants ?

4° Y a-t-il lieu de prendre des moyens extraordinaires, et quels sont-ils ?

 

Les Girondins espéraient, par cette série d'actes agressifs, conserver la direction exclusive du mouvement et apaiser les soupçons de la montagne mais celle-ci ne se contentait pas de si peu chaque jour elle essayait de faire expliquer la Gironde sur ses véritables et dernières intentions.

Choudieu apporte, le 23 au soir, une pétition, suivie de dix pages de signatures elle est aussi brève que terrible :

Angers, 18 juillet, l'an IV de la liberté.

Législateurs,

Louis XVI a trahi la nation, la loi et ses serments. Le peuple est souverain vous êtes ses représentants ; prononcez sa déchéance, et la France sera sauvée.

 

Deux jours plus tard (25 juillet), Vergniaud est l'objet des plus vives récriminations de la part d'un autre montagnard, qui lui reproche, à raison des dernières mesures défensives qu'il fait adopter par l'Assemblée, d'avoir mis tout le royaume sous le régime militaire. A qui ce grand pouvoir est-il confié ? s'écrie en terminant le fougueux Duhem ; au pouvoir exécutif, au premier traître du royaume !

Vergniaud est obligé de venir justifier la commission extraordinaire et de gourmander les ardeurs trop vives de son collègue jacobin.

Gardons-nous, dit-il, d'un trop grand excès de zèle ; nous devons entretenir le feu qui vivifie, éteindre le feu qui dévore. Ne nous laissons pas entraîner par des mouvements désordonnés, ni subjuguer par de vaines terreurs. Quant aux dangers auxquels M. Duhem vient de faire allusion, il peut-être été prudent de ne pas en autant parler.

Mais tant de circonspection ne peut satisfaire Chabot qui demande que l'examen de la conduite du roi soit mis a l'ordre du jour, pour le lendemain a midi, toute affaire cessante. L'ex-capucin voit que l'Assemblée ne paraît pas disposée à seconder son impatience, il cherche donc une occasion de passionner le débat et se jette dans ses divagations habituelles. Ce sera à ses amis à s'emparer de l'incident qu'il va faire naître.

Tous les décrets de l'Assemblée, s'écrie-t-il, ne peuvent étouffer l'opinion publique. S'il est prouvé a la nation que le Corps législatif ne trouve point dans la constitution assez de pouvoir pour agir, nulle puissance ne pourra l'empêcher de se sauver elle-même. Quand bien même le pouvoir exécutif sortirait blanc comme neige de cette discussion, le peuple français aura toujours le droit incontestable de changer-sa constitution... A ces mots la droite se soulève, demande, exige le rappel à l'ordre du député qui viole le serment qu'il a prêté.

Le président, Lafond-Ladebat, prononce le rappel, mais aussitôt Choudieu s'élance à la tribune, demande ou plutôt prend la parole, accuse le président d'avoir méconnu la souveraineté du peuple français, consacrée par la constitution. Se tournant vers la droite, il s'écrie : Je prie mes adversaires de faire silence et de m'écouter ! Voici les propres termes de la constitution : L'Assemblée constituante déclare que la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution. Je dis qu'il n'est plus de constitution, qu'il n'y a plus de principes sacrés, si vous n'arrêtez l'audace de vos présidents. Je demande donc que le président soit rappelé à l'ordre et à ce qu'il doit à la majesté de la nation.

La gironde fait cause commune avec la montagne. Isnard insiste pour qu'un blâme solennel vienne rassurer le peuple sur sa souveraineté. Lacroix invite Lafond-Ladebat à réparer lui-même sa propre faute. Mais celui-ci n'accepte pas la générosité de Lacroix, il fait lire la constitution par l'un des secrétaires. Point de chancelier ! justifiez-vous vous-même ! lui crie-t-on. Le président lit l'article sur la révision et déclare que, dans son opinion, en rappelant Chabot à l'ordre, il ne s'est point écarté du pacte fondamental mais que, comme son opinion ne peut faire loi, il va consulter l'Assemblée pour savoir si elle la partage. On lui crie à gauche de quitter le fauteuil Lafond-Ladebat en descend. Un des ex-présidents, Aubort-Dubayet, l'y remplace et consulte l'Assemblée. Celle-ci déclare que son président sera rappelé à l'ordre.

Ainsi se termina cette scène presque unique dans les fastes parlementaires. La majorité abaissa la dignité présidentielle devant cet ignoble et impudent personnage qu'on appelait Chabot ; la montagne reconnut une fois de plus qu'a force d'insistance, de bruit et de clameurs, elle réussirait à imposer. à l'Assemblée ses volontés turbulentes.

 

XI

Poussés, pressés, harcelés par la montagne, les Girondins sentirent qu'ils ne pouvaient pas rester longtemps encore dans l'expectative. Ils se distribuèrent les rôles ; Guadet se chargea des menaces, Brissot des avances à faire au pouvoir exécutif.

Le 26, Guadet vint, au nom de la commission extraordinaire, présenter un projet d'adresse au roi. C'était une dernière et suprême sommation adressée à Louis XVI, c'était le résumé officiel de la lettre remise par l'intermédiaire de Boze.

Sire,

La nation française vous a confié le soin de sa défense, et les officiers de nos troupes ont fui chez les puissances étrangères. Réunis à vos parents, a vos courtisans, à vos gardes, ils forment une armée et nous ont déclaré la guerre. Le peuple français voit ses frontières envahies, ses campagnes menacées... D'un bout du royaume à l'autre, des prêtres, des nobles, des factieux de toute espèce troublent le repos des citoyens et tous s'honorent du titre de vos défenseurs. Par quelle fatalité sommes-nous obligés de douter si ces ennemis de la France vous servent ou vous trahissent ?

 

Puis venaient des allusions très-directes au renvoi de Roland, Clavière et Servan, à la possibilité d'une réconciliation si le roi s'entourait d'un ministère vigilant et ferme. L'adresse se terminait ainsi :

La nation seule saura sans doute défendre et conserver sa liberté ; mais elle vous demande, sire, une dernière fois, de vous unir à elle pour défendre la constitution et le trône.

 

Brissot alla très-loin dans ses avances.

S'il existe, dit-il, des hommes qui travaillent à établir maintenant la république sur les débris de la constitution, le glaive de la loi doit frapper sur eux comme sur les amis actifs des deux chambres et sur les contre-révolutionnaires de Coblentz... Appuyant l'adresse présentée par Guadet, il ajouta : Il vaut beaucoup mieux tenter cette suprême démarche, quel qu'en doive être le succès, que de discuter prématurément la déchéance, car il importe de suivre l'opinion de la grande masse des Français qui veulent la constitution et ont une égale horreur pour le patriotisme ardent et le modérantisme extrême point de succès dans la guerre entreprise, si nous ne la faisons sous les drapeaux de la constitution. Les dangers augmentent, les troupes ennemies nous menacent de près, dit-on ; soit ! ce qui est plus dangereux, selon moi, c'est que la moitié de la nation se réunisse à nos ennemis. Tel serait infailliblement notre sort, si vous prononciez ainsi la déchéance avant que toute la nation soit bien convaincue qu'elle a été encourue, avant qu'un mûr et sévère examen n'en démontre l'évidence.

Brissot avait été fréquemment interrompu par les murmures de l'extrême gauche et des tribunes les épithètes de scélérat, de traître à double face, de doublure de Barnave, lui avaient été prodiguées la droite l'avait au contraire plusieurs fois soutenu de ses plus chaleureuses acclamations. Quand l'orateur descendit de la tribune, les huées des spectateurs redoublèrent, mais la très-grande majorité de l'Assemblée[25] applaudit et décréta l'impression de son discours. On jeta feu et flammes au club Saint-Honoré contre Brissot ; mais si les récriminations furent violentes, elles s'apaisèrent assez vite, parce que les diverses nuances du parti comprirent qu'au moment de l'action il fanait étouffer tous les germes de division, sauf à les faire revivre plus tard. La tolérance des jacobins fut poussée à un tel point que, Lasource s'étant permis d'attaquer les fédérés parce qu'ils restaient à Paris, Legendre ne put le faire rappeler à l'ordre ; Manuel supplia la société de ne point infliger sa censure à l'orateur girondin, en raison des services qu'il avait précédemment rendus à la chose publique[26].

 

XII

Du sein de l'Assemblée nationale et du club des jacobins, l'agitation descendait dans la rue. Le bruit s'était répandu dans Paris que l'on faisait aux Tuileries des dépôts d'armes. Le ministre de l'intérieur, pour dissiper les soupçons, écrivit à Pétion que le roi désirait que deux officiers municipaux vinssent sur-le-champ visiter le palais ; mais le conseil général refusa de délibérer sur cette motion et chargea le maire d'écrire au comité de la section des Tuileries qu'il eût à recevoir de chacune des personnes habitant le château la déclaration des armes en leur possession[27]. Ainsi, la municipalité traitait le roi comme un simple particulier, qui devait aller à sa section remplir les formalités auxquelles était astreint tout habitant de Paris. Il est difficile de concevoir une manière plus leste et plus cavalière d'agir vis-à-vis de celui que, dans le langage constitutionnel, on appelait le représentant héréditaire de la nation.

La droite réclama a diverses reprises le rapport du décret qui avait rouvert nuit et jour au public la terrasse des Feuillants ; mais l'Assemblée se contenta de charger son comité de résoudre cette question : Le jardin des Tuileries est-il ou n'est-il pas une propriété publique ? Les meneurs n'attendirent point la réponse. Comme leur intérêt était d'empêcher tout mouvement partiel, ils établirent entre la terrasse et le jardin un ruban tricolore. Cette barrière qui, au dire du Patriote français, marquait la ligne de démarcation entre le territoire français et le territoire autrichien, fournit aux jacobins de nouvelles occasions d'injurier le roi. Presque chaque matin on trouvait attachées au ruban des devises menaçantes, celle-ci notamment : La colère du peuple tient à un ruban la couronne du roi tient à un fil.

Cependant, les démagogues s'impatientaient des hésitations de l'Assemblée ; ils craignaient surtout de voir s'éloigner les fédérés, dont l'autorité militaire pressait le départ pour Soissons[28]. Afin d'avoir le prétexte de retenir au moins ceux qu'on voulait conserver à Paris, on imagina de leur donner, le 26 juillet, un banquet populaire sur les ruines de la Bastille. Mais était-ce simplement une fête destinée, suivant le langage du temps, à sceller la fraternité entre Paris et les départements ? Non, sans doute ; les meneurs jacobins et cordeliers espéraient bien que cette soirée pourrait devenir l'occasion de l'insurrection depuis longtemps projetée.

En effet, vers sept heures du soir, le cabaret du Soleil <for, situé vis-à-vis de la Bastille, a l'entrée du faubourg Saint-Antoine, recevait dans une arrière-boutique les conspirateurs subalternes qui s'étaient chargés de mettre ce jour-là en mouvement les masses populaires. A l'état-major ordinaire de l'émeute, à Santerre, à Lazouski, à Fournier l'Américain, s'étaient joints Vaugeois, vicaire constitutionnel de l'évêque de Blois, le collègue et ['ami de l'ex-capucin Chabot ; Westermann, alors simple greffier de Haguenau, le seul vraiment brave de toute cette troupe ; le journaliste Carra, l'homme de plume et le futur annaliste de l'insurrection ; le professeur Guillaume, Debessé de la Drôme, Galissot de Langres, Anthoine, ex -maire de Metz, président des jacobins, et plusieurs autres agitateurs obscurs.

Quelques-uns de ces individus faisaient partie du directoire secret des fédères, les autres n'étaient, que des meneurs consultants. Entre eux fut discuté et dressé un premier plan d'attaque des Tuileries. L'insurrection devait se ranger autour de drapeaux rouges, dont le modèle fut apporté par Fournier. On y lisait ces mots, écrits en caractères noirs : Résistance à l'oppression ; loi martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif. Westermann se chargea d'aller à Versailles et d'en ramener la garde nationale avec ses canons. Lazowski promit que le faubourg Saint-Marceau serait prêt avant quatre heures du matin.

Cependant, on savait vaguement aux Tuileries ce qui se tramait. Le commandant général de la garde nationale, Mandat, avait convoqué six ou sept mille hommes, puis, ses moyens de défense disposés, s'était rendu a la mairie pour avoir des renseignements précis et exciter 'te zèle du premier magistrat de la capitale. Pétion venait d'apprendre que la garde nationale de Versailles ne marcherait pas et qu'on ne s'entendait plus au Soleil d'or. L'insurrection n'ayant, ce jour-là, aucune chance de réussite, le maire était disposé à remplir son devoir ; il allait partir pour la Bastille, où il arriva à minuit. Le festin civique était terminé. Tout le faubourg y avait pris part, chacun ayant apporté son souper. Les tables retirées, on dansait des farandoles civiques et on chantait des airs révolutionnaires. En parcourant les groupes qui ne paraissaient penser qu'à se réjouir, te maire rencontre quelques fédérés, avec lesquels il cause en ami ; puis, après avoir tâté l'opinion, il harangue la foule : On connaît le projet d'aller au château, toutes les mesures de précaution ont été prises donc, ne bougez pas et rentrez paisiblement chez vous[29].

Le conseil fut suivi, et les conspirateurs attablés dans le cabaret de la place de la Bastille se retirèrent eux-mêmes, fort à contre-cœur. Cependant, comme durant quelques minutes le tocsin avait sonné, la générale avait été battue, 400 ou 500 fédérés avaient formé un rassemblement qui s'était, il est vrai, bientôt dispersé, il fallait expliquer ces mouvements qui avaient jeté l'inquiétude dans tout Paris. Ce fut Carra, Carra lui-même, l'un des convives du Soleil d'or, qui se chargea de donner le change à l'opinion publique ; on lut, le lendemain, dans les Annales patriotiques :

Le banquet civique s'est fait hier sur le terrain de la Bastille avec la plus parfaite tranquillité, malgré les efforts de quelques émissaires du cabinet autrichien, qui, sous l'apparence du patriotisme, cherchaient a profiter du rassemblement pour égarer l'opinion publique... Les Tuileries sont toujours barricadées ; le bruit court depuis quelques jours qu'il s'y entasse une quantité prodigieuse d'armes et de munitions, qu'on y apporté beaucoup d'habits de gardes nationaux. Le Patriote français[30], voulant faire pardonner à Brissot son récent discours, fit chorus avec les Annales, et le Moniteur[31] s'accorda avec le Patriote pour attribuer l'émotion populaire aux bruits répandus sur les préparatifs militaires des Tuileries. Les agitateurs, disait le Moniteur, ont encore une fois perdu leur temps et leur argent. Mais les mensonges du journalisme ne suffisaient pas pour anéantir tous les soupçons, une démarche officielle était indispensable. Pétion, qui avait été initié aux projets des conspirateurs, qui avait été instruit heure par heure — il s'en vanta lui-même plus tard — de ce qui se passait au Soleil d'or, à Versailles, dans les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, Pétion paya d'audace et, accompagné de son fidèle Manuel et d'une députation de la municipalité, vint lire a la barre de l'Assemblée nationale un rapport qu'il avait écrit d'avance, pour le cas où il n'aurait pas pu être admis[32].

Paris, le 27 juillet 1792.

Monsieur le président,

Je saisis mes premiers instants de liberté pour vous faire part des événements qui viennent d'avoir lieu.

Hier, à minuit, je fus instruit d'un projet qui n'a pu être imaginé que par des ennemis de notre liberté et par des citoyens égarés. Il paraît que l'on avait conçu l'idée de réunir en masse les fédérés, les faubourgs de Paris, les environs, et même la garde nationale de Versailles, de les rassembler au bruit du tambour et du tocsin, et de les porter autour de l'Assemblée nationale et du château. Que serait-il arrivé alors ? C'est ce que j'ignore.

Cette nouvelle ne me fut pas plus tôt connue, que je me rendis sur l'emplacement de la Bastille, où l'on m'avait annoncé que se faisait le rassemblement. Il était alors minuit, Je trouvai des citoyens paisibles dont les uns dansaient et les autres étaient à table. Je leur parlai, je leur dis ce que j'avais appris, je leur découvris le piège qui leur était tendu, je les engageai à se retirer tranquillement chez eux, et ils m'écoutèrent avec quelque confiance.

De là, je fus au faubourg Saint-Marceau. J'entrai à la section, qui était rassemblée. Je fis part aux citoyens présents du motif de mes inquiétudes ; on me répondit qu'on venait de recevoir un message par un particulier à cheval, qui les engageait à s'armer pour la liberté et à prendre leurs canons. Plusieurs citoyens m'assurèrent que je pouvais être tranquille, que le faubourg le serait, et qu'ils attendraient tous l'ordre des magistrats pour marcher.

Sur les deux heures et demie, je rentrai à la mairie, assez satisfait de la disposition des esprits. A cinq heures, j'ai reçu la nouvelle que le tocsin avait sonné et que la générale avait été battue dans le faubourg Saint-Antoine ; qu'il s'y formait un rassemblement considérable et que l'issue était interceptée pour tous ceux qui voulaient en sortir. Je priai l'un de MM. les administrateurs au département de police de s'y rendre à l'instant, et je l'y ai suivi de très-près. J'ai trouvé, en effet, un concours prodigieux de citoyens et les bataillons sous les armes avec leurs canons. Je me suis arrête de distance en distance pour haranguer ces nombreux citoyens, et, ce qu'il y a de consolant pour le magistrat, c'est qu'il a vu encore, dans cette occasion, que la voix de la raison était plus puissante et plus salutaire que celle de la force. On s'est plaint de ce que la caisse avec laquelle on avait battu la générale avait été enlevée de force dans un corps de garde, et de ce qu'on avait forcé les portes d'une église pour sonner le tocsin.

J'ai fait assembler le conseil général, et je lui ai rendu compte. Je lui ai proposé la mesure d'un avis aux citoyens ; j'espère qu'une journée, dont les commencements paraissaient annoncer des orages, finira par être calme.

J'ai, au surplus, donné des ordres à M. le commandant général pour tenir sous les armes des forces imposantes.

Je suis avec respect, monsieur le président, etc.

Le maire de Paris,

PÉTION.

 

Lafond-Ladebat présidait. Maigre les rumeurs qui accusent Pétion d'avoir été de connivence avec les émeutiers, il est obligé de se rendre à tant d'and-ace, et il exprime avec bonne foi la satisfaction de l'Assemblée nationale pour la manière dont le maire de Paris a compris et rempli son devoir. Cette scène de haute comédie se termine par des applaudissements que prodiguent à l'envi la gauche et les tribunes au vertueux magistrat.

Dès que le silence est rétabli, Hua s'écrie que si le maire a rempli son devoir, l'Assemblée doit aussi remplir le sien ; qu'elle est tenue de rechercher les causes des troubles, d'inviter le ministre de la justice à découvrir et à faire punir les auteurs de ces complots, par lesquels le peuple est continuellement tenu dans un état convulsif[33]. Mais cette proposition n'a pas de suite, et la gauche parvient à diriger toute l'attention de l'Assemblée sur une adresse du conseil général, que Pétion avait lue aussitôt après son rapport. La commune réclamait :

1° Une loi d'urgence qui interdit à tout Français de sortir du royaume pendant la durée du danger de la patrie ;

2° Le séquestre des biens de ceux qui contreviendraient à cette loi ;

3° L'établissement d'un comité de surveillance dans le sein de la municipalité.

De ces trois propositions, la première, convertie en motion, est adoptée sur-le-champ ; les deux autres sont renvoyées à la commission extraordinaire.

Le comité de surveillance, demandé le 27 juillet par Pétion, fut établi après le 10 août. Il inaugura son installation en remplissant les prisons de prétendus suspects et en les faisant massacrer au 2 septembre. La démagogie procède toujours de la même manière elle commence par le mensonge et la calomnie, elle finit par les emprisonnements et les assassinats. Ce ne sont pas toujours les mêmes hommes qui font l'une et l'autre besogne ; mais comment ceux qui ont posé les prémisses pourraient-ils repousser toute solidarité avec ceux qui ont tire les conséquences ?

 

 

 



[1] Défenseur de la constitution, n° IX.

[2] Il n'y eut pas de fête de la Fédération en 1791 à cause du voyage de Varennes qui venait d'avoir lieu.

[3] Mme de Staël était présente à cette fête. Elle a raconté ses impressions dans la troisième partie de ses Considérations sur la Révolution, ch. VII. Nous y renvoyons nos lecteurs.

[4] Le rapport de Lemontey, lu le 15 juillet, est tout entier au Moniteur, p. 833.

[5] Journal des Débats et Décrets, n° 308, p. 298.

[6] Voir le Journal des Débats et Décret, p. 302, n° 299, et le discours que Torné fit imprimer à l'Imprimerie nationale. Ce discours n'occupe pas moins de vingt-six pages in-8°, toutes sur le même ton.

[7] L'évêque constitutionnel du Cher, qui était loin, on le voit, de professer la mansuétude évangélique, semble faire ici allusion à un abominable pamphlet probablement dû à la plume d'un de ses amis, puisqu'il se servit en pleine Assemblée des mêmes expressions que l'ignoble folliculaire. Nous avons retrouvé deux éditions de cet écrit. Nous en citons ici tout ce qui peut en être honnêtement extrait, pour faire deviner le reste :

Description de la ménagerie royale d'animaux vivants, établis aux Tuileries, près de la terrasse nationale, avec leurs noms, qualités, couleurs et propriétés.

Il y a quelque temps qu'il existe dans le château de Henri IV une ménagerie véritablement curieuse, tant par la rareté des animaux qui la composent que par la dépense excessive que son entretien coûte à la nation.

Le public a examiné les bêtes féroces qui étaient dans leurs cages respectives dans le parc de Versailles. Il peut voir plus commodément, et sans se déranger beaucoup, une quantité de quadrupèdes rassemblés au Louvre. Nous allons citer les plus remarquables de ces bêtes féroces, indiquer leurs habitudes et leurs inclinations, leur manière de se nourrir et leurs propriétés.

Suit la description du royal Veto, du royal Veto femelle, du Delphinus, de la Madame Royale, d'Elisabeth Veto, etc., etc.

[8] Journal des Débats et Décrets, n° 299, p. 304 et 305.

[9] Copié sur l'original même, signé des six députés ; les comptes rendus du Journal des Débats et Décrets et du Moniteur présentent quelques variantes.

[10] Pour cette partie de la séance du 21, le compte rendu du Journal des Débats et Décrets est beaucoup plus détaillé que celui du Moniteur.

[11] Prudhomme, dans, ses Révolutions de Paris, raconte ainsi les scènes tumultueuses qui se passaient au dehors pendant les débats que nous venons de retracer :

Des hommes parcourent les rues voisines de la rue Saint-Honoré en criant : Aux armes on met la main sur les députés patriotes et sur les braves fédérés, on les égorge dans le jardin des Tuileries ; il faut en briser les portes ! Une vingtaine d'hommes apportent une poutre, la lancent contre la grille du Manège ; la foule envahit le jardin des Tuileries. Mais en ce moment arrive Pétion.

Mes frères, mes amis, s'écrie-t-il, je viens vous dire de ne pas vous laisser aller à ces mouvements partiels qu'on excite au milieu de vous pour vous porter à des excès et perdre vos magistrats.

A la voix du populaire Pétion, le jardin des Tuileries est évacué, et, de toute cette émeute, il ne reste plus qu'une foule fort agitée, réunie autour de l'Assemblée et attendant la sortie de ses membres pour leur distribuer avec équité l'éloge et le blâme ; c'est-à-dire pour les applaudir avec frénésie ou les insulter avec lâcheté. De tels désordres auraient-ils dû être tolérés un instant ? Ne présageaient-ils pas assez ce qui allait suivre ?

[12] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 373. Journal des Débats et Décrets, n° 294, p. 227-228.

[13] Journal des Débats et Décrets, p. 420.

[14] Ces deux lettres furent répandues à profusion dans l'armée. Elles étaient certifiées conformes par Alexandre Berthier, alors chef d'état-major du maréchal Luckner. Berthier devait se retrouver exactement dans le même emploi, quatre ans plus tard, auprès d'un jeune officier qui, pour le moment, promenait son oisiveté aux abords de l'Assemblée et du château, voyait défiler devant lui les promenades civiques, les émeutes et les révolutions, sans se douter que tous ces gens si agités, si acharnés les uns contre les autres, si ardents à la conquête de la liberté, travaillaient à lui préparer le trône qu'occupait alors l'héritier de soixante rois.

Quant au malheureux maréchal Luckner, auquel on faisait ainsi dire blanc et noir dans l'espace de quelques jours, il tomba bientôt dans un discrédit complet. Après le 10 août, il fut rabaissé au rôle subalterne de général de l'armée de réserve, puis destitué par la Convention, qui déclara dédaigneusement qu'il pouvait se retirer où il voudrait. Il fut un instant oublié, mais on se souvint de lui pour le traduire devant le tribunal révolutionnaire, et il paya de sa tête ses tergiversations, ses dires contradictoires et son mauvais français. Il avait averti La Fayette de se tenir en garde contre les Jacobins ce fut lui qui, après avoir choisi le rôle de la prudence, devint une des premières victimes de la tourmente révolutionnaire.

[15] Ces deux adresses se trouvent dans l'Histoire parlementaire de Buchez et Roux, p. 359 et 360 du tome XV.

Nous ne croyons pas que l'on ait, avant nous, fait remarquer que plusieurs passages de l'adresse aux Français ont été presque textuellement reproduits dans la Marseillaise ; Rouget de Lisle se contenta de mettre en vers ces paroles échappées à la verve brûlante de Vergniaud : Souffrirez-vous que des hordes étrangères se répandent comme un torrent destructeur dans vos campagnes, qu'elles désolent notre patrie par l'incendie et le meurtre, qu'elles vous accablent de chaines teintes du sang de ce que vous avez de plus cher ?

[16] Buchez et Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, l. XVI, p. 112, d'après les Révolutions de Paris, n° CLIX, et autres journaux populaires.

[17] Journal des Jacobins, n° 201.

[18] Dans la séance du club des Jacobins du 12 juillet, le journaliste Robert demanda que le nom de fédérés, donné aux hommes envoyés des départements, fût remplacé par celui d'insurgés, le seul, dit-il, qui leur convint. C'était la vérité, mais toute vérité n'est pas bonne à dire ; on fit taire le malencontreux orateur et la société passa à l'ordre du jour. Voir l'Histoire parlementaire de Buchez et Roux, l. XVI, p. 117.

[19] Voir le discours prononcé à la barre de l'Assemblée par Ricard, au nom de soixante de ses camarades, pour démentir les adresses fabriquées dans le club de la rue Saint-Honoré.

[20] Nous avons constaté, au moyen des états de service des généraux de la République et de l'Empire, la position que chacun d'eux occupait, le 1er août 1792, dans les bataillons de volontaires nationaux.

Nous donnons ici le résultat de nos recherches ; on y verra que la plupart de ces généraux furent élus officiers dans les bataillons formés avant la date que nous avons prise pour base de notre travail. Quelques-uns des plus illustres manquent à cette liste glorieuse, mais voici pourquoi ou ils faisaient déjà partie de l'armée active, ou ils ne devinrent officiers qu'après la date par nous choisie. Nous n'avons pas poussé nos recherches au-delà de ceux qui obtinrent sous l'Empire le grade de généraux de division.

Belliard, capitaine au 1er bataillon de la Vendée.

Bon (mort général de division à Saint-Jean-d'Acre), commandant du 1er bataillon de la Drôme.

Bonnet, lieutenant au 1er bataillon de l'Orne.

Boudet, lieutenant au 7e bataillon de la Gironde.

Broussier, capitaine au 3e bataillon de la Meuse.

Brune, adjudant-major au 2e bataillon de Seine-et-Oise.

Chabran, commandant du 5e bataillon des Bouches-du-Rhône.

Championnet, commandant du 6e bataillon de la Drôme.

Charpentier, capitaine au 1er bataillon de l'Aisne.

Compans, capitaine au 3e bataillon de la Haute-Garonne.

Defrance, sous-lieutenant au 3e bataillon des fédérés nationaux.

Delaborde, commandant du 4e bataillon de la Côte-d'Or.

Delmas, commandant du 4e bataillon de la Corrèze.

Delort, capitaine au 3e bataillon du Gers.

Dessolle, capitaine au 1er bataillon du Gers.

Duhesme, capitaine au 1er bataillon de Saône-et-Loire.

Friant, commandant du 9e bataillon des volontaires parisiens.

Gazan, lieutenant-colonel du 2e bataillon du Var.

Gouvion Saint-Cyr, capitaine au 1er bataillon de volontaires parisiens.

Guilleminot, sous-lieutenant au 4e bataillon du Nord.

Harispe, capitaine commandant de la compagnie franche des Basses-Pyrénées.

Heudelet, lieutenant au 3e bataillon de la Côte-d'Or.

Jacquinot, lieutenant au 1er bataillon de la Meurthe.

Jourdan, commandant du 2e bataillon de la Haute-Vienne.

Lannes, sous-lieutenant au 3e bataillon du Gers.

Leclerc (plus tard beau-frère du général Bonaparte, mort à Saint-Domingue commandant en chef l'expédition), lieutenant au 2e bataillon de Seine-et-Oise.

Lecourbe, commandant du 7e bataillon du Jura.

Leval, commandant du bataillon des grenadiers parisiens.

Maison, capitaine au 9e bataillon des fédérés parisiens.

Masséna, commandant du bataillon du Var.

Meunier, capitaine au 10e bataillon du Jura.

Michaud, capitaine au 2'e bataillon du Doubs.

Molitor, capitaine au 4e bataillon de la Moselle.

Morand, capitaine au 7e bataillon du Doubs.

Moreaux, René (mort le 10 février 1795, général en chef de l'armée de la Moselle), commandant du 1er bataillon des Ardennes.

Moreau, Victor, commandant du 1er bataillon d'Ille-et-Vilaine.

Mortier, capitaine au 1er bataillon du Nord.

Mouton (plus tard comte de Lobau), lieutenant au 9e bataillon de la Meurthe.

Oudinot (plus tard duc de Reggio), deuxième lieutenant-colonel au 3e bataillon de la Meuse.

Pécheux, capitaine au 4e bataillon de l'Aisne.

Pérignon, lieutenant-colonel de la légion des Pyrénées. Perrin, Victor (plus tard duc de Bellune), commandant du 4e bataillon des Bouches-du-Rhône.

Robin, commandant du 5e bataillon de l'Ain.

Souham, commandant du 2e bataillon de la Corrèze.

Subervie, lieutenant au 2e bataillon du Gers.

Vincent, sous-lieutenant au 1er bataillon des Pyrénées-Orientales.

[21] Voir les Mémoires de Barbaroux, page 38, et ceux de madame Campan, page 228, tome II.

[22] Notre impartialité d'historien nous oblige à mettre sous les yeux de nos lecteurs les provocations insensées des ultra-royalistes ; elles peuvent expliquer, mais non justifier, bien des colères et bien des crimes.

EXTRAITS DU JOURNAL DE LA COUR ET DE LA VILLE,

connu sous le nom du Petit Gautier.

N° du 1er juillet : Coblentz, 22 juin. — Le 7 du mois prochain, les gardes du corps se mettent en route. Tous les émigrés s'acheminent vers les frontières d'Alsace. Ils sont tous armés et manœuvrent à force. L'armée des émigrés, forte de 25.000 hommes, dont 10.000 de cavalerie, sera sous les ordres du duc de Brunswick, comme le reste des troupes... Nous apprenons que c'est le nommé Jougeinau, Tyrolien, qui a tué M. de Gouvion d'un coup de carabine dans la poitrine à trois cents pas.

N° du 14 : Les gens qui proposent d'envoyer de nouveaux bataillons à la frontière ne savent pas sans doute que les Autrichiens sont décidés à traiter avec la plus grande sévérité tous les hommes qui ne sont pas enrégimentés en troupe de ligne. On a beau nous débiter de grands mots, comme vingt millions de bras, la nation se lève tout entière, etc., il n'en est pas moins vrai que le droit des gens et les lois de la guerre veulent que tout habitant, bourgeois ou paysan, trouvé les armes à la main, est dans le cas de voir ses possessions ravagées et incendiées. Il n'appartient qu'aux troupes de ligne de s'armer et de faire la guerre ; tout peuple qui en agit autrement s'expose aux plus grands malheurs, et n'a aucunement le droit de s'en plaindre.

N° du 22 : Les puissances étrangères, qui vont prendre nos Suisses à leur service, comptent bien les employer contre nous et, comme ils sont tout rendus, ils ne veulent pas leur donner la peine d'aller les joindre pour les faire revenir ensuite c'est autant de temps et de dépense d'épargnés.

N° du 22 : Un député lisait à un de ses confrères une lettre des frontières qui commençait par ces mots Nos armées se replient, un voisin l'interrompit et lui dit : Lisez PLIENT, c'est le mot.

[23] Cette lettre, dont l'existence fut révélée par Gasparin à la séance du 5 janvier 1793, devint un des principaux chefs d'accusation produits contre les Girondins, devant le tribunal révolutionnaire, par les Amar et les Fouquier-Tinville. M. Granier de Cassagnac (Histoire des Girondins et des Massacres de septembre), page 417 du tome Ier, dit que les Girondins, accusés par Robespierre à l'occasion de cette lettre, se sauvèrent par de vagues et inexactes explications. Cette assertion est des moins fondées, car il suffit de se reporter à la séance du 12 avril 1793, pour voir que la lettre des Girondins fut imprimée entre le 5 janvier et le 12 avril par les soins de Gensonné, qui l'avait écrite et en avait conservé la minute. Vergniaud et Guadet n'avaient fait que la signer. Elle se trouve in extenso dans les pièces justificatives de l'Histoire de la Révolution, par M. Thiers, 2e volume, p. 370.

[24] La commission extraordinaire avait jusqu'alors été composée de douze membres. Mais, dans la deuxième quinzaine de juillet, les circonstances devenant de plus en plus graves, on sentit la nécessité d'y faire entrer les personnages les plus influents des deux parties de l'Assemblée le nombre de ses membres fut porté à dix-huit et presque aussitôt après à vingt et un. C'est ce dernier chiffre qui servira à la désigner désormais.

[25] Cela est constaté par le Journal des Débats et Décrets, n° 303, et par le Moniteur, page 883. Le dernier ne donne qu'une analyse du discours et annonce qu'il le reproduira en entier dans un de ses prochains numéros ; mais les rédacteurs du Moniteur, toujours à l'affût de la faveur populaire, et s'apercevant du mauvais effet que la harangue de Brissot avait produit sur les Jacobins, se gardèrent bien de remplir leur promesse.

[26] Journal de la société des Amis de la Constitution, séance du 29.

[27] A l'occasion de ces dépôts d'armes que l'on prétendait exister aux Tuileries, il s'engagea, entre le ministre de l'intérieur et le maire, une correspondance fort curieuse. Elle fut imprimée à l'époque même par ordre du ministre de l'intérieur.

[28] Du 14 au 30 juillet, il partit de Paris 5.314 fédérés départementaux. Voir le rapport du ministre de la guerre lu à la séance du 30 juillet au soir. (Journal des Débats et Décrets, n° 308, p. 433.)

[29] Pour l'important récit de la tentative avortée de la nuit du 26 au 27 juillet, nous avons les aveux naïfs qu'après le triomphe de l'insurrection du 10 août Pétion et Carra consignèrent, dans des écrits signés d'eux, pour revendiquer la part glorieuse qu'ils y avaient prise. (Voir un opuscule publié par Pétion sous le titre de Pièces importantes pour l'histoire et les Annales patriotiques de Carra.)

[30] Numéro du 28 juillet.

[31] Numéro du 28 juillet.

[32] Nous publions le texte même du rapport de Pétion, que nous avons retrouvé tout entier écrit de sa main. Les versions qu'en donnent le Moniteur et le Journal des Débats et Décrets présentent quelques variantes avec le texte original.

[33] Journal des Débats et Décrets, n° 304, p. 383.