TURENNE

SA VIE, LES INSTITUTIONS MILITAIRES DE SON TEMPS

 

CHAPITRE IV. — TURENNE ET MAZARIN - 1643-1648

 

 

Continuation de la guerre de Trente ans. — Turenne sert sous Condé et prend la part la plus glorieuse à la terrible journée de Fribourg (1644) ; s'empare de Philipsbourg et de Mayence. Devenu commandant en chef par le départ du prince, il repousse les ennemis en Souabe et en Franconie, mais il se laisse surprendre et battre à Marienthal, par Mercy (1645). De nouveau sous les ordres de Condé, il contribue puissamment à la victoire de Nordlingen, chasse les ennemis de l'électorat de Trèves. — Réuni aux Suédois, il envahit la Bavière, et en 1647 il remporte une victoire complète à Sommershausen sur Montecucculi. — Paix de Westphalie. — Gloire de Turenne.

 

RICHELIEU en mourant avait légué au roi un digne élève, Mazarin, qu'il avait chargé de suivre tous ses projets au dedans et au dehors. Louis XIII, qui n'avait pas aimé son ministre, mais qui avait fini par le comprendre, s'était attaché avec ténacité à la poursuite de sa politique jusqu'à son dernier jour, et quand il mourut, il laissait Mazarin premier ministre avec toute l'autorité nécessaire pour maintenir les résultats et l'œuvre de Richelieu, l'unité de gouvernement à l'intérieur, la prépondérance de la France au dehors. Mazarin sut, au milieu de beaucoup de difficultés, consommer la victoire que Richelieu avait préparée à la France sur la maison d'Autriche. Nous laisserons de côté, pour les retrouver au chapitre suivant, toutes les passions politiques qui vont s'entrechoquer pendant dix ans sans générosité et sans bonne foi, tonte cette série de jalousies, d'intrigues, de guerres. de massacres, où Importants, Petits-Maîtres, Frondeurs de toute catégorie rivalisent d'égoïsme pour s'emparer du pouvoir et satisfaire leurs rancunes. Pendant que naissent les factions des grands, que se préparent les émeutes populaires, Mazarin, qui avait tontes les vues politiques de Richelieu, tempérées par des formes aimables et un esprit insinuant, poursuit la guerre glorieusement engagée sous le précédent ministère et lutte avec les deux branches de la maison d'Autriche, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Flandre. De grands hommes de guerre, français et suédois, Condé, Turenne, Torstenson, Wrangel, triompheront sur ces différents champs de bataille des dignes rivaux qu'on leur opposera, Mercy, Fuentes, Gallas.

Jusqu'à la paix de Westphalie, Turenne servit la France avec un zèle et une habileté au-dessus de tout éloge. Cependant il n'eut pas tout de suite la confiance, de Mazarin, bien probablement en raison de sa qualité de protestant ; je ne vois pas d'autres raisons pour expliquer ce jugement tiré des notes secrètes du cardinal :

Il étoit alors (sous le ministère de Richelieu) le plus humble et le plus accommodant des hommes, et maintenant il fait des pointilleries et se plaint. On croit et il croit aussi que tout le parti protestant le considère comme un soleil levant et connue un homme appelé ù mettre les huguenots dans leur lustre. Sa Majesté lui a fait espérer la charge de maréchal de France, et malgré cela il ne laisse pas d'are inquiet. On songe, dans son intérêt, à l'envoyer avec un corps d'armée en Italie, et pour y parvenir il faut surmonter bien des difficultés. Néanmoins, parle du commandement dont il est chargé, comme d'une grande faveur qu'il fait à la reine. Cette année, il n'a pas reçu du roi en gratifications extraordinaires moins de trente mille livres, et il se plaint, oubliant qu'au temps passé il ne recevoit rien et se lonoit de la manière dont le traitoit le cardinal de Richelieu. Il est nécessaire de bien examiner ce personnage, parce que sans doute il nourrit de grands desseins en son esprit[1].

Mazarin écrivait ce jugement peu favorable pour Turenne, l'année même où il travaillait enlever aux protestants leurs chefs, l'année où il s'efforçait d'engager le maréchal de Châtillon, Gassion, à embrasser le catholicisme, où il décidait Rantzau à se faire catholique. Il ne put gagner Gassion, et il lui prêta les projets les plus dangereux : Il faudra le surveiller, dit-il dans ses notes secrètes, et s'assurer s'il ne cherche pas à se rendre, chef du parti huguenot. Connue c'est un sentiment d'inquiétude semblable qui perce dans son appréciation sur Turenne, je ne serais pas éloigné de croire qu'il ne fit pas autrement preuve d'indocilité qu'en refusant de se convertir. Turenne n'était pas homme à changer de religion pour plaire à un ministre. Il n'entrait pas non plus dans ses habitudes de se plaindre, ni surtout de s'unir à cette époque aux mécontents ; il était tout entier à sa carrière, à la guerre, à la gloire militaire, et quelque sujet de mécontentement qu'on lui donnât, il ne récriminait contre personne. Aucun de ses contemporains ne lui prête les sentiments aussi mesquins que nous trouvons sous la plume du cardinal ; dans ses lettres confidentielles à sa mère, il expose assez souvent ses besoins, mais jamais avec amertume. Le 7 février 1645, il prie Mlle de Bouillon de faire quelques ventes de bois, car il est obligé d'emprunter de l'argent pour vivre et de le prendre à intérêt, ce qui l'incommode fort. Le 28 mars, il lui demande de nouveau de l'argent : Je n'ai pas besoin de grande rhétorique pour vous persuader que vous hile ferez grand plaisir si vous pouvez m'envoyer de l'argent de ce pays où vous êtes ; et dans la même lettre il dit que le roi prend occasion sur la religion à témoigner qu'il ne veut rien faire pour lui. Belle occasion pour un esprit médiocre de se répandre en plaintes contre l'ingratitude, du gouvernement ! Turenne n'ajoute rien, si ce n'est qu'il lui faut encore achever cette campagne. Il était si peu le personnage inquiet, remuant, ingrat que nous représente Mazarin que, le 19 avril 1645, il écrivait à sa sœur ces lignes qui auraient pu confondre le cardinal : Quoique vous voyiez que je ne recoive nul bienfait de la cour, je ne laisse pas de croire que M. le cardinal de Mazarin est fort de mes amis. Dans une autre lettre, il parait attendre beaucoup du nouveau règne, et il croit que le temps viendra où il pourra être en quelque considération. A propos de sa nomination à l'armée d'Italie, il en parle tout autrement que ne le suppose Mazarin : Ma chère sœur, je vous dirai que je suis prêt à partir dans quatre on cinq jours pour m'en aller en Italie. Je n'ai point pu le refuser, la reine nie l'ayant commandé, et assuré que je semis maréchal de France à la fin de la campagne. Quant aux treille mille livres de gratifications extraordinaires qu'il aurait reçues du roi en 1645, je n'en ai pas trouvé trace ailleurs que dans les carnets de Mazarin ; ce n'est point suffisant pour nier qu'elles aient été reçues par Turenne, mais cette franchise, ce sentiment si délicat de l'honneur qu'on retrouve dans toute sa conduite m'autorisent à penser qu'il n'a point acquitté sa dette de reconnaissance en se plaignant du nouveau gouvernement, quoiqu'il Weill pas lieu d'être satisfait de sa conduite envers le duc de Bouillon. On lui avait promis des dédommagements pour la perte de son domaine, et Mazarin, qui avait été chargé de terminer cette affaire et de prendre possession de la ville de Sedan au nom du roi, était si peu disposé à donner satisfaction au prince dépossédé qu'il mit dix ans à régler cette question. Or Turenne qui sait combien il est sensible à son frère de voir la reine et Monsieur tout-puissants, et d'avoir perdu Sedan pour l'amour d'eux, intervient à la cour en sa faveur, l'assure de tout son dévouement et lui témoigne combien ses intérêts personnels le touchent peu au prix des siens et de ceux de sa maison, mais en même temps il comprend et fait comprendre à sa sœur toutes les difficultés que la reine éprouve à lui donner satisfaction, et, loin d'aigrir sa famille contre ceux qui avaient contribué à sa perte, il prévient ses ressentiments et adoucit l'amertume de sa situation par le plus affectueux attachement comme aussi par l'espérance d'obtenir de la justice du gouvernement que ses affaires s'arrangent favorablement[2].

L'année 1645 ne devait pas s'achever sans que Mazarin eût de bonnes raisons de modifier ses idées sur Turenne. Envoyé en hâte, celui-ci devait y commander un corps à part, mais en prenant les ordres du prince Thomas de Savoie. Ce prince, qui avait abandonné le parti espagnol pour se joindre à nous, ne paraissait pas à Mazarin d'un dévouement assez sûr pour qu'on lui abandonnât la garde de nos intérêts. Aussi, tout en lui donnant des lettres patentes de général des armées du roi, on voulut lui adjoindre un homme d'une fidélité éprouvée, et l'on fit choix de Turenne. Des qu'il fut arrivé, les deux généraux feignirent d'assiéger Alexandrie, afin d'obliger les Espagnols à dégarnir Trino, place forte du Piémont qu'un voulait leur enlever. Cette manœuvre réussit. Les quartiers des deux alliés étant suffisamment éloignés les uns des autres, les Espagnols profitèrent les intervalles qui existaient entre eux pour introduire dans Alexandrie une grande partie des vivres et de la garnison de Trino. C'est ce qu'attendait le prince Thomas. Il quitta Alexandrie et assiégea Trino, fut enlevée au bout de six semaines. C'est devant cette ville que Turenne reçut l'ordre de rentrer eu France. Le gouvernement de la régenta n'avait pas encore pu traiter avec la maison de Bouillon, et il craignait toujours que le parti protestant n'exploitât le mécontentement que cette situation ne manquerait pas d'inspirer à Turenne. Aussi crut-il sage de satisfaire la légitime ambition du jeune lieutenant général en lui accordant le bâton de maréchal de France, récompense de ses brillants services, et de surmonter sa défiance en promettant à son frère d'attacher de nouveaux avantages à l'échange de la principauté de Sedan, qui était encore en suspens. Turenne était alors figé de trente-deux ans : il avait été quatre ans capitaine, quatre ans colonel, trois ans maréchal de camp, cinq ans lieutenant général : il avait servi sous quatre généraux ; il n'avait employé qu'à l'étude les rares loisirs que lui laissait la vie des camps ; il pouvait exercer un grand commandement, et des circonstances cruelles polir la France lui permirent de montrer qu'il était bien digne de la haute fonction à laquelle on semblait ne l'avoir appelé que pour acheter le concours de son dévouement.

Après la mort de Bernard de Saxe-Weimar, le maréchal de Guébriant avait commandé les troupes weimariennes ; il avait assiégé et pris Bottweil, en Souabe, mais il y fut tué. M. de Rantzau, qui lui succéda dans le commandement de cette armée, marcha sur Tuttlingen (24-22 novembre 1645), y fut battu par l'armée de Mercy et fait prisonnier avec quatre officiers, plusieurs colonels weimariens et sept mille soldats. C'était un grand succès pour les Bavarois, un horrible désastre pour la France ! Toute l'infanterie allemande à notre service se dispersa ou fut prise dans ses cantonnements ; la cavalerie fit sa retraite sur le Rhin. Mazarin montra le plus grand discernement et beaucoup de fermeté dans ce danger : Turenne avait été reçu maréchal de France le 16 novembre, mais il n'avait pas encore de commandement. Mazarin, sacrifiant ses défiances au salut de l'État, le choisit pour commander sur la frontière du Rhin et le chargea de réorganiser l'armée weimarienne. Turenne, sacrifiant les intérêts de sa famille à ceux de sa patrie, accepta cette périlleuse mission ; il connaissait l'Allemagne, il était connu des Weimariens ; il avait le calme, la prévoyance, la ténacité de Guébriant ; il devait être bien accueilli et rétablir promptement notre situation au delà du Rhin. Les circonstances exigeaient beaucoup d'activité ; Servien et d'Avaux venaient d'arriver à Munster pour commencer les négociations de la paix, il fallait faciliter leur tâche par de prompts succès ; nos alliés tremblaient, il fallait les rassurer ; les ennemis oubliaient déjà Rocroi et voyaient dans le désastre de Tuttlingen une catastrophe irréparable, la fin de notre armée ; il fallait leur prouver qu'il n'y a pas de ruines dont la France ne puisse se relever. Mazarin prend habilement toutes les mesures urgentes : il choisit un chef expérimenté, écrit à Servien et à d'Avaux et les engage à donner partout des espérances de la prochaine ressource des affaires ; il dispose les généraux allemands, au service de la France, à bien accueillir Turenne, et travaille surtout a ménager la susceptibilité de d'Erlach, gouverneur de Fribourg en Brisgau. Turenne l'aidera bientôt de son côté à conserver le précieux concours de cet officier supérieur. Il est bon de relire quelques fragments de cette correspondance ; ils nous apprendront ce que Mazarin pensait alors de Turenne. Voici ce qu'il écrivait, le 3 décembre, à ses plénipotentiaires à Munster : Si vous ignoriez quels sont les accidents de la guerre, vous seriez peut-être surpris de celui qui est arrivé à notre armée d'Allemagne : usais puisque la prospérité des armes n'est jamais continuelle, je vous écris naïvement et au vrai notre disgrâce qui n'est pas si grande qu'on se le pourroit figurer et qui sera dans un mois tellement réparée, que j'espère qu'il n'en demeurera que le souvenir.

La reine, ajoute Mazarin, témoignant en cette occasion une fermeté et une constance qui est au-dessus de son sexe, s'est résolue de n'épargner ni argent ni hommes pour soutenir les affaires d'Allemagne et de la cause confédérée. Pour cet effet, elle a fait élection de M. le vicomte de Turenne, qui pari bout présentement pour aller commander l'année, avec de bonnes troupes de cavalerie et d'infanterie qu'il y mime, et de l'argent en abondance pour les vivres et généralement pour tontes les choses nécessaires.

On va aussi faire de grandes et promptes levées, tant en Allemagne qu'en France et ailleurs ; à quoi je vous réponds que l'argent ne sera pas épargné. Je ne vous parle pas des qualités de M. de Turenne, qui, Outre la grandeur de sa naissance, par laquelle il tient aux plus grandes maisons d'Allemagne, outre le caractère de maréchal de France dont la reine l'a honoré depuis peu, et sa grande capacité au métier, a longtemps travaillé en Allemagne, et avec ceux-là mêmes qu'il va commander, de qui nous savons qu'il est ai tué et estimé connue il le mérite ; et ainsi on peut se promettre que la réputation et les avantages perdus se regagneront promptement sous un tel chef, et que l'étonnement qui pourroit d'abord saisir nos alliés sur ce sujet se dissipera bientôt.

Vous pouvez agir sur ces véritables fondements et donner partout les espérances de la prochaine ressource des affaires. J'écris à M. le prince d'Orange et à quelques ministres de Suède[3].

Quant d'Erlach, il ressort de la lettre royale qui lui fut écrite pour lui annoncer la nomination de Turenne, que la régente et le roi avaient confié an vicomte ce poste important parce qu'il s'était distingué au siège de Brisach, ce dont le général d'Erlach avait lui-male témoigné. Turenne l'informa de Colmar, le 17 décembre, qu'il espérait avoir bientôt le plaisir de le voir et de lui montrer combien il l'estimait. A peine d'Erlach eut-il reçu cette note de Turenne, qu'il se rendit à Colmar auprès de lui, le 18 décembre, et, froissé d'obéir au maréchal comme au roi, il prit la résolution de quitter le service de la France. Turenne agit, généreusement à son égard : il lui envoya, par un ami commun, le commissaire général Tracy, une lettre écrite de sa main pour le prier de reprendre à Brisach sa place de gouverneur, et toute sa correspondance avec ce susceptible major fut empreinte de la plus exquise politesse. Mazarin acheva de le ramener par la douceur, et il lui écrivit, le 5 janvier 1644 :

Vous êtes en trop grande estime dans l'esprit de la reine pour qu'elle souffre que vous vous retiriez du service en un temps où vous êtes le plus nécessaire a la couronne. J'aurois aussi trop de déplaisir si, dans la confiance que vous me témoignez avoir en mon amitié et dans la considération où j'ai votre mérite, je vous voyois hors des occasions où je puisse vous confirmer l'une et l'autre par les preuves que je désire vous en rendre. Il n'est donc plus question de songer à cela. Il faut plus que joutais s'appliquer à remettre les affaires d'Allemagne, à quoi vous étés une des personnes du inonde qui peut davantage contribuer, et pour lesquelles M. de Turenne a ordre de ne rien résoudre qu'il ne l'ait concerté avec vous. Nous n'avons rien tant à cœur que d'introduire l'ordre et la discipline dans l'armée et de ne rien épargner pour cette fin. Nous recevrons toujours vos avis là-dessus. et pour faire en sorte que l'armée puisse se bien établir dans l'Allemagne et qu'elle ne soit plus contrainte de venir relâcher dans l'Alsace[4].

Ces dissentiments apaisés, d'Erlach continua à la France ses bons et loyaux services, et Turenne employa l'hiver de 1643-1644 à réorganiser son armée. Il fit de grands sacrifices et emprunta des sommes considérables pour la remettre sur un pied convenable ; il y rétablit la discipline et l'anima d'un esprit nouveau : il parcourut l'Alsace ruinée, mit ses places en état de défense, établit ses cantonnements derrière les Vosges, dans la Lorraine. et aussi dans la Franche-Comté, où il enleva Luxeuil et Vesoul aux Espagnols. En même temps. Duplessis-Besançon négociait en Allemagne le rachat des prisonniers et travaillait, de concert avec d'Erlach, d'Oysonville et Turenne, à combler les vides de l'armée. Au printemps de 1644, elle était de neuf mille hommes sous les armes, dont cinq mille de cavalerie, et elle pouvait reprendre la campagne. Turenne avait préparé un plan qu'il avait adressé à la cour, et qui se rapprochait beaucoup de celui que Guébriant avait fait pour la campagne de 1643[5] : il consistait à prendre Mayence et le Palatinat pour avoir une entrée dans l'Allemagne centrale. Mazarin l'approuva, mais avec la pensée d'en réserver l'exécution au prince de Condé, qui renforçait son armée par des levées faites dans le pays de Liège et se préparait à tenir tête à Mercy. Celui-ci enleva aux Français, en avril 1644, Ueberlingen au nord-ouest du lac de Constance, attaqua vainement Hohentwiel, dans le Wurtemberg, et s'avança vers le Rhin. Alors Turenne quitta ses quartiers d'hiver, et envoya le général major Reinhohl de Rosera avec la cavalerie franco-weimarienne contre l'avant-garde de l'armée bavaroise. Les Bavarois furent mis en pleine déroute près de D6natteschingen (5 juin 1644). Cet important combat rendit confiance à l'année, et fit bien augurer de l'avenir à Mazarin qui ne manqua pas de féliciter Turenne autant de sa modestie que de ce succès. Les ennemis venaient d'apprendre qu'ils pourraient être vaincus.

Néanmoins Turenne, trop faible pour se mesurer avec la solide armée de Mercy, ne voulut point engager une bataille générale, et se contenta de surveiller sa marche. Mercy mit le siège devant Fribourg en Brisgau, défendu par le colonel Kanowsky et quatorze cents hommes, avec des vivres pour six mois, mais sans munitions de guerre. Turenne passa le Rhin à Brisach avec dix mille hommes et vingt canons pour secourir cette place. Des deux routes qui sortent de Brisach, il avait pris celle du sud-est qui passe près de Krotzingen, conduit au bourg de Schallstadt et dans la plaine de Fribourg ; sans pousser jusqu'à cette plaine, il s'arrêta au pied du Schönberg qu'il tenta d'occuper immédiatement. Déjà deux de ses bataillons avaient traversé les vignes qui enveloppent le village d'Ebringen et approchaient du faîte, lorsqu'ils furent attaqués soudainement par des mousquetaires bavarois placés en grand'garde dans les ruines qui couronnaient la montagne ; saisis de panique, ils prirent la fuite, quoique leur effectif fut vingt fois plus nombreux que celui de l'ennemi, et ne s'arrêtèrent qu'à la plaine où Turenne les rallia sans oser renouveler l'épreuve. Le tempérament des troupes n'avait pas été à la hauteur du caractère de leur chef, qui avait deviné et menacé le cœur de la position de son adversaire, et qui, s'il eût réussi dans cette attaque, pouvait forcer Mercy à lever le siège de Fribourg ou à combattre dans des conditions défavorables. Il ne dissimula pas la gravité de la situation à Mazarin, et, tout en soutenant le courage des assiégés de son quartier général de Schallstadt, il écrivait au cardinal qu'un secours qui lui arriverait remettrait ses troupes en vigueur, et que s'il lui était amené par M. d'Anguien, il se tiendrait honoré de servir sous ses ordres[6].

Comme il était essentiel de dégager l'Alsace et de sauver Fribourg, Mazarin donna au duc d'Anguien l'autorisation plutôt que l'ordre de marcher au secours de Turenne. Le duc qui était alors à l'armée de Champagne, partit d'Amblemont, près de Monzon, le 6 juillet, s'avança à marches forcées vers la forêt Noire, conféra avec Turenne à Brisach et prit le commandement des deux armées fortes de seize à dix-sept mille hommes ; Mercy n'en n'avait guère que quinze mille, mais il occupait une forte position retranchée sur les hauteurs de Fribourg. Dans un conseil de guerre tenu à Brisach, le major d'Erlach, qui connaissait admirablement le pays, avait conseillé de ne pas attaquer de front l'ennemi parce qu'il était retranché dans une position inexpugnable, et de se contenter d'occuper la route de Willingen pour intercepter les communications des Bavarois avec le Wurtemberg. Turenne avait combattu cet avis, parce qu'il lui semblait possible de tourner la position des Bavarois en gravissant le sentier escarpé du Schönberg. Il proposait, non pas d'assaillir les lignes de Mercy, mais de reprendre l'attaque tentée le 1er juillet sur le Schönberg. D'Anguien avec ses troupes aborderait la position de front, tandis que Turenne envelopperait la montagne par le Sud ; quoique le chemin fut difficile, le maréchal répondait d'y passer. Condé avait accepté et soutenu l'avis de Turenne, et l'attaque fut résolue : elle commença le 5 août à cinq heures après midi, avec l'armée dite de France commandée par Condé, au moment où Turenne, qui commandait l'armée franco-weimarienne et qui s'était mis en marelle la pointe du jour pour tourner le Schönberg, débouchait par un ravin sur le liane de l'ennemi. Le combat fut aussi acharné sur le front que sur le flanc de Mercy, dont les positions étaient fortes et bien défendues. Le duc d'Anguien, voyant son infanterie arrêtée et dispersée entre le premier et le second retranchement, mit pied à terre, se plaça à la tête du régiment de Conti et s'élança vers le deuxième retranchement, qui fut emporté en un clin d'œil. Il rallia son infanterie, fit avancer sa cavalerie pour intimider l'ennemi, et établit ses bivouacs sur les positions qu'il avait enlevées. Turenne, de son côté, avait exécuté le mouvement convenu ; mais Mercy l'avait deviné et avait placé vers le Schönberg ses meilleures troupes : aussi le maréchal ne put emporter la position, et il se borna à une escarmouche assez vive pour occuper sur ce point une partie de l'armée ennemie. Il se battit toute la nuit.

A la pointe du jour, l'armée de Turenne et l'armée de Condé se réunirent dans la plaine. Mercy avait fait sa retraite et pris une nouvelle position, la droite établie vers le monticule appelé aujourd'hui Loretto-Capel ; la gauche occupant une haute montagne de la forêt Noire à l'est de la ville, le Josephsberg. Les troupes françaises se reposèrent toute la journée du 4, et les troupes de Mercy en profitèrent pour élever des retranchements si solides qu'ils semblaient, d'après Heilmann, être l'œuvre de plusieurs mois.

Le 5, les deux généraux français reconnurent la position de l'ennemi et préparèrent fort habilement une attaque générale divisée en trois lieux. Espenan, qui commandait l'infanterie de Condé, engagea le combat sans ordres ; le résultat en fut fâcheux : l'année franco-weimarienne fut repoussée avec perte. Le prince changea alors l'attaque, se porta dans la plaine pour aborder la droite de l'ennemi au Loretto-Capel, tandis que Turenne s'avançait contre les retranchements de Wonnhalde, point culminant du plateau qui couronne le Josephsberg ; M. le duc allait être maitre de la position, quand un secours arriva aux Bavarois par le revers de la colline. C'était Gaspard de Mercy, frère du feld-maréchal qui venait dégager l'infanterie ; il fit mettre pied à terre à sa cavalerie qui combattit comme la plus vaillante infanterie et repoussa toutes les attaques des Français, Turenne de son côté tenait en échec à Wonnhalde une partie des forces ennemies. Le combat se prolongea jusqu'à la nuit et coûta la vie à beaucoup d'officiers et de soldats, sans que les Français pussent vaincre, mais ils ne laissèrent pas un trophée aux mains de l'ennemi. Ils prirent un repos de trois jours, dans le camp que les Bavarois occupaient dans la journée du 5 août, au milieu des cadavres qui couvraient les champs de bataille.

Le 9, le duc d'Anguien prit le parti de manœuvrer, et d'intercepter la route qui conduisait de Fribourg à Willingen. Il se porta sur Denzlingen et le val de Glotterthal, menaçant de couper le val de Saint-Pierre. Aussitôt que Mercy s'en aperçut, il leva son camp fort habilement et tenta de se porter au delà de la forêt Noire, dans le Wurtemberg. Pour lui couper la retraite, d'Anguien envoya le général Rosen à la tête de huit escadrons de la cavalerie weimarienne, qui rejoignirent, près de l'abbaye de Saint-Pierre, l'arrière-garde des ennemis. Rosen avait devant lui les Bavarois, à droite la route de Willingen couverte d'artillerie et de bagages, derrière lui des ravins profonds. Il engagea l'attaque le 10 août, et, par sa hardiesse et son habileté, força son adversaire à jouer serré et l'inquiéta sérieusement plusieurs heures. Mercy, qui voyait son armée exténuée et réduite à six mille hommes, ne voulut pas l'engager avec celle du duc d'Anguien, et il précipita sa retraite, abandonnant. son canon et ses bagages, ce qui attestait suffisamment que l'armée française sortait victorieuse de cette lutte de géants. On ne le crut guère à Paris, et Condé obtint difficilement un Te Deum ; Mazarin seul devina tout ce que cette bataille de trois jours renfermait d'heureuses conséquences, et l'avenir le justifia et prouva que les journées de Fribourg constituaient une vraie victoire, la glorieuse revanche de Tuttlingen. Condé, dans son rapport, rendit justice à tout le monde, et n'oublia que lui ; il attesta que le maréchal de Turenne avait servi avec tout le cœur et la capacité imaginables. Mazarin dans sa réponse donna à chacun des deux héros de ces journées sanglantes sa part d'éloges : Vous êtes né, disait-il à Condé, pour ne porter pas envie à la gloire des plus grands princes et des plus grands capitaines qui aient jamais paru dans le monde : vous avez fait avant l'âge de vingt-trois ans ce que plusieurs autres, qui sont fameux dans l'histoire, n'ont   pas   fait   durant   leur vie. Quant à Turenne, il lui consacrait ces flatteuses paroles : Personne  ne peut savoir mieux que vous à quel point je l'estime et je l'aime, et s'il peut rien faire qui surpasse l'opinion que j'ai de lui[7].

L'armée bavaroise était hors d'état de rien entreprendre ; le duc d'Anguien donna peu de repos à la sienne, parce qu'il savait qu'il pouvait profiter de la victoire. Le meilleur moyen d'en tirer parti n'était pas de reprendre Fribourg, place sans importance que la garnison de Brisach tiendrait aisément en bride et que d'Erlach put reconquérir avant la fin de 1644. Continuant la vraie tradition de Guébriant avec plus de largeur et d'audace, il conçut une grande opération dans la vallée du Rhin et résolut de l'entreprendre immédiatement[8]. Mazarin ratifia ce projet, qui avait été depuis longtemps soumis au conseil du roi et approuvé. Tout en considérant Condé Gomme le commandant en chef de l'expédition, il correspondait avec Turenne et ne négligeait pas de lui demander son avis : Ce n'est pas tout d'avoir vaincu, lui écrivait-il le 17 août, il faut tacher de bien user de la victoire et de n'en pas perdre le fruit. Pour cet effet, on envoie à M. le duc d'Anguien un mémoire que j'ai dressé et qu'il vous communiquera. Après que vous l'aurez bien examiné et fait là-dessus les réflexions nécessaires, je ne doute point que la résolution qu'il prendra ne soit la meilleure pour la principale fin que nous avons, qui est de bien établir dans l'Allemagne l'armée que vous commandez, et de lui gagner des quartiers qui lui soient, stables[9].

On investit donc Philipsbourg qui commandait le passage du Rhin et ouvrait la route jusqu'au Necker et au Danube. Condé fit descendre de Brisach un équipage de siège ; Strasbourg, ville libre, accorda le passage aux navires français qui devaient le transporter, et en quatre jours les lignes de circonvallation furent formées autour de Philipsbourg. Pendant le siège, Condé s'empara de Germersheim et de Spire. La tranchée fut ouverte par deux attaques commandées, l'une par Turenne, l'autre par le maréchal de Gramont ; Philipsbourg, après douze jours de tranchée ouverte, capitula le 10 septembre. Le duc d'Anguien, après l'avoir mis en état de résister aux ennemis, acheva en peu de temps par lui-male ou par ses lieutenants la complète de la plupart des villes du Palatinat. Il fit prendre et occuper par Turenne, Worms, Mayence, Bingen, Landau, et tout le pays entre Rhin et Moselle, puis il rentra en France avec l'armée du duc de Gramont, laissant le commandement en chef à Turenne renforcé de quelques régiments.

C'était une mission difficile, car il fallait avec une armée épuisée veiller la défense d'un grand nombre de places qui n'avaient que de faibles garnisons, et résister aux attaques des Bavarois et des Lorrains. Mercy avait reconstitué son armée, et dès qu'il apprit le départ de Condé il marcha sur Mannheim et s'en empara, en menaçant de vouloir attaquer Spire, Worms ou Mayence. Turenne manœuvra avec autant d'habileté que de résolution ; sans dégarnir Philipsbourg il jeta des secours dans les villes menacées, et surveilla si bien Mercy que le général bavarois n'osa tenter en sa présence aucune attaque sérieuse, et se borna à établir son camp entre Mannheim et Heidelberg. Le duc de Lorraine ne fut pas plus heureux : il passa la Moselle, s'avança jusqu'au Rhin et mit le siège devant Baccarat, faisant mine de vouloir se réunir à l'armée bavaroise. Turenne manœuvra pour s'opposer à cette jonction ; il y réussit et s'empara de Creutznach. Les armées entrèrent en quartiers d'hiver, et Turenne eut les plus grandes difficultés de faire subsister la sienne, car, dit-il dans ses Mémoires, le pays étoit si ruiné qu'en vingt lieues on ne pouvoir pas trouver à nourrir un cheval, hors dans les grandes villes, qui étoient fort misérables par les quartiers d'hiver des Lorrains, et en quelque petit château, où il demeuroit quelque homme de qualité qu'on ne vouloit pas entièrement achever de ruiner. Son dévouement sauva l'armée ; sa vigilance conserva les avantages conquis dans cette campagne. Il marescial di Turena provede a tutto nell' Alemagna con accuratissima vigilanza (Amb. Vévit., dépêche du 5 janvier 1645)[10].

Torstenson étant rentré en Allemagne, an commencement de 1645, avait remporté plusieurs grandes victoires et fait trembler l'empereur dans sa calai tale ; mais voyant son armée affaiblie par ses succès, il demandait du font de la Bohème et de la Moravie que les Français entrassent en campagne, afin de diviser les Impériaux. C'était entrer dans les vues de Turenne.  Celui-ci songeait à passer le Rhin pour se rapprocher du théâtre probable des opérations futures et surtout pour faire sa jonction avec les Suédois et les Hessois. Aussi après avoir hiverné dans le Palatinat, il passa le Rhin an mois de mars avec cinq mille cavaliers et six mille fantassins. Il entra dans Stuttgart, passa le Neckar, se porta sur le Tauber, prit Rothenbourg et, s'établit à Marienthal, petite ville située sur la rive gauche de cette rivière d'où il couvrait la liesse tout en conservant ses communications avec Philipsbourg. L'armée bavaroise ne tint nulle part devant lui ; il se trouva mitre de toute la Franconie. Ses coureurs levèrent des contributions sous les murs de Würzburg et de Nuremberg. Mercy ayant fait répandre le bruit qu'il se retirait vers le Danube et dispersait son armée dans les places fortes, Turenne céda aux sollicitations des chefs de la cavalerie weimarienne qui demandaient des quartiers éloignés, afin de se procurer plus facilement des vivres et des chevaux, et il les dispersa à trois lieues autour de Marienthal. Mercy n'attendait que ce moment. Le 2 mai, à la pointe du jour, il courut sur Turenne avec toutes ses forces. Le maréchal fit aussitôt partir Rosen du quartier général pour Herbsthausen, qu'il donna pour point de rassemblement à ses troupes ; ce village est situé à deux lieues en avant de Marienthal, sur la route de Feuchtwang, par où venait l'ennemi. Il se porta lui-même au point de rassemblement, où il trouva trois mille hommes de son infanterie déjà réunis et une partie de sa cavalerie. Au rhème montent, l'armée bavaroise débouchait d'un bois à un quart de lieue de là. Il n'eut que le temps de ranger sa petite armée en bataille : à droite l'infanterie, sur une seule ligne, adossée à un bois ; à gauche la cavalerie, également sur une ligne. Mercy mit son infanterie au centre, donna sa gauche à Jean de Wirth, garda pour lui sa droite, formée de cavalerie comme l'aile gauche de l'année française, couvrit le bois qu'occupait l'infanterie française et qui empêchait la cavalerie de la gauche de s'avancer. Mercy attaqua le bois. Turenne chargea la cavalerie de la droite bavaroise, la rompit, s'empara de son canon et de douze étendards ; mais son infanterie, effrayée du grand nombre de bataillons qui marchaient i elle, Mut pied sans presque rendre le combat. La cavalerie de Jean de Wirth traversa alors le bois, prit en liane la cavalerie française qui s'éparpilla. Turenne lui-même eut peine à se sauver ; mais après avoir traversé un bois qui se trouvait derrière sa ligne de bataille, il rencontra heureusement quelques-uns de ses escadrons qui venaient, d'arriver ; il rallia sur cette réserve sa petite année et fit bonne contenance. Il ordonna à son infanterie de battre en retraite sur Philipsbourg, et, avec tout ce qu'il put rallier de sa cavalerie, il se dirigea sur la liesse[11]. Nous avions perdu deux mille hommes, tués ou prisonniers, et il restait aux mains de l'ennemi douze cents chevaux, un grand nombre de drapeaux et d'étendards, tout le canon et le bagage. Les Bavarois exagérèrent l'importance de leur victoire ; Turenne exagéra l'importance de sa défaite. Sans doute il avait violé l'un des principes fondamentaux de l'art de la guerre en ne rassemblant pas ses cantonnements sur le point le plus éloigné et à l'abri de l'ennemi, par conséquent à Marienthal, derrière le Tauber, et non à Herbsthausen, village placé aux avant-postes par où l'ennemi venait ; mais cela ne suffisait point pour que le gouvernement lui retirât sa confiance, et bien qu'il offrit à Mazarin de déposer son commandement, le cardinal s'empressa de le rassurer et de lui dire que dans le danger suprême où il s'était trouvé il avait su prendre le parti le meilleur et le plus honnête. M. le Duc d'Aumale a montré du reste qu'un trait de génie de sa part fut de donner à la retraite la valeur d'un avantage stratégique, en ralliant l'armée dans la liesse sur le flanc du vainqueur, au point où les secours pouvaient affluer, et d'arrêter par ce seul mouvement les progrès de l'ennemi. Effectivement la landgrave de Hesse renforça les vaincus de Marienthal de son armée, qu'elle mit sous le commandement de Turenne, et à son appel le général Kœnigsmark, qui occupait l'évêché de Brème, le rejoignit avec l'armée suédoise : Turenne était ainsi à la tête d'une armée de quatorze mille hommes. Les Bavarois eurent peur ; ils repassèrent le Main et firent venir de Westphalie le corps du général Gleen à leur secours.

En même temps, Condé, la terreur des Allemands, était envoyé au secours de Turenne avec un peu plus de dix mille hommes : au commencement de juillet, il franchit le Rhin aux environs de Spire et opéra sa jonction avec le maréchal. Il se trouva ainsi à la tête de vingt-huit mille hommes, mais il faut en retrancher quatre mille que lui enleva la défection de Kœnigsmark, général d'humeur hautaine qui ne pouvait se plier à l'autorité du duc d'Anguien. Les instructions de Mazarin recommandaient surtout de prendre quelque place forte en Allemagne, afin que l'année pût y tenir ses quartiers d'hiver. Condé qui veut atteindre la Bavière au cœur, passe le Neckar, s'empare de Wimpfen, au nord de Heilbronn qu'il néglige, pendant que Mercy gagne en toute hâte la Franconie ; bientôt il arrive sur la limite qui sépare les affluents du Rhin de ceux du Danube, quitte Rothenbourg, sur le Tanger où il était entré le 18 juillet. et marche vers Dinkelsbühl, sur la Warnitz, qui se jette dans le Danube près de Donauwerth. Pendant tout le mois de juillet, Condé et Mercy s'observèrent dans une série de marches et de contre-marches parallèles, tâchant de profiter de la moindre faute qui serait commise, jusqu'au jour où ils se rencontrèrent devant Nördlingen. Mercy tenait une forte position en arrière de cette ville, la protégeant et couvrant Donauwerth. Sa droite occupait le Wenneberg et s'appuyait à la Warnitz : son centre était en arrière d'Allerheim, dont il avait crénelé le clocher et le cimetière : sa gauche, commandée par Jean de Wirth, occupait la colline et le château d'Allerheim et s'appuyait au ruisseau de l'Eger. Cette position était si forte que Turenne estimait qu'il fallait renoncer a l'attaque ; mais le duc d'Anguien fut d'un autre avis, et il plaça son armée en bataille : la droite, sous le maréchal de Cramont, appuyée à l'Eger, et ayant en deuxième ligne une réserve sous les ordres du chevalier de Chabot : la gauche sous le maréchal de Turenne, appuyée à la Warnitz ; le centre en face d'Allerheim, sous le maréchal de camp Marain. A trois heures après midi, Condé ordonna à Marchin de se porter an village d'Allerheim qu'il fallait enlever pour attaquer les ennemis retranchés sur les hauteurs : l'infanterie bavaroise y soutint un combat acharné ; toute l'infanterie de Condé y fut engagée sans pouvoir réussir à débusquer les Bavarois des maisons et de l'église où ils s'étaient retranchés. Le duc fit des prodiges de valeur et eut son habit criblé de balles ; Marchin fut grièvement blessé ; toute l'infanterie française fut tuée, blessée ou dispersée. L'aile droite fut encore plus maltraitée : Jean de Wirth enfonça la cavalerie française de Gramont. et fit le maréchal prisonnier ; il culbuta de même la réserve du chevalier de Chabot, pénétra dans le camp des bagages et le saccagea. La bataille semblait perdue : mais il restait Turenne ; Condé, quoique blessé, accourut lui donner l'ordre de gravir les pentes escarpées du Wenneberg, et d'attaquer Gleen, qui s'y était retranché. Turenne s'avança sous un feu terrible ; Condé le soutint avec les Messois : Gleen fut enfoncé, fait prisonnier, et toute la position du Wenneberg enlevée : puis Turenne, par un habile mouvement, toucha par la droite Allerheim, si bien que les Bavarois, pris à revers, découragés par la mort de Mercy, qui avait été frappé d'un coup de mousquet, furent contraints de mettre bas les armes. Jean de Wirth à ce moment revenait de la poursuite qu'il avait imprudemment dirigée jusque dans le camp de Chabot ; voyant que tout était perdu, il fit sa retraite sur Donauwerth, abandonnant tonte son artillerie. Quinze canons, quarante étendards restaient aux Français. Les deux héros de cette immortelle journée étaient Condé et Turenne : Le duc d'Anguien, dit l'ambassadeur vénitien Nani, a rempli tous les devoirs de général et de soldat : il s'est exposé aux plus grands dangers, a eu trois chevaux tués sous lui, a reçu plusieurs coups au bras, à la cuisse et au flanc, qui ont fait des contusions plutôt que des blessures. — M. le maréchal de Turenne, écrivit le duc d'Angnien à Mazarin, a fait dans ce rencontre des choses incroyables, et, sans sa capacité et son cœur tout extraordinaire, la bataille était perdue. La victoire fut chèrement achetée : elle nous coûta Bellenave Chastellux, le marquis de Pisani, la Châtre, Lanquetot, Crémonville, et près de quatre mille hommes. Les pertes des Bavarois étaient à peu près les mêmes, mais celle de Mercy était irréparable.

Le duc d'Anguien, pour compléter sa victoire, prit Dinkelsbühl, et mit le siège devant Heilbronn : mais il tomba malade et il fallut le ramener en France. Turenne et Gramont, qui avait été échangé contre Gleen, prirent Heilbronn le 14 septembre. Ce succès ne pouvait consolider notre situation en Allemagne, car l'armée française ne recevait aucun renfort, tandis que Jean de Wirth opérait sa jonction avec l'archiduc Léopold, qui lui amenait de Hongrie cinq mille chevaux. Turenne n'eut plus qu'un parti à prendre, celui de la retraite : il passa le Neckar à la nage, chaque cavalier ayant un fantassin en croupe, et se retira sous le canon de Philipsbourg. Vivement poursuivi par l'archiduc, il se retrancha entre cette place et le fleuve, parce qu'il n'avait pas de pont pour repasser le Rhin. Le pont terminé, il fit passer Gramont sur la rive gauche et resta dans son camp avec l'armée weimarienne. L'archiduc nous reprit Nördlingen et toutes les places que nous avions conquises, et se porta en Bohème. Turenne alors franchit le Rhin tranquillement, fit une marche de quarante lieues au mois de novembre, s'empara de Trèves et y réinstalla l'électeur notre protégé, qui en avait été chassé depuis douze ans. Mazarin, félicitant Turenne de cet exploit, lui écrivait qu'il ne pouvait finir plus glorieusement la campagne[12], qui, à défaut de résultats matériels, avait une valeur politique considérable, car les alliés de la France étaient sauvés, la Bavière désarmée, et l'équilibre des forces qui soutenaient l'Autriche complètement ébranlé. Ajoutons à l'honneur de Turenne qu'il ne témoigna aucun mécontentement de se trouver sous les ordres du duc d'Anguien, et qu'il lui obéit dans toute la campagne avec une parfaite loyauté. Disons également, à l'honneur de M. le Duc, qu'il le traita avec la déférence que justifiaient une haute situation et un mérite déjà si bien établi[13].

La campagne du maréchal, en 1646, est pleine de belles manœuvres que Napoléon recommande à l'étude des militaires. Au mois d'avril, il se trouvait à Mayence à la tête de ses troupes, et il allait passer le Rhin pour joindre dans la liesse l'armée suédoise du général Wrangel, quand Mazarin lui ordonna de rester sur la rive gauche. Le cardinal avait reçu du duc de Bavière la promesse de ne point joindre ses troupes à celles de l'empereur si les Français ne traversaient pas le Rhin : il ne tint point parole, et ses troupes, réunies avec les Impériaux, se portèrent sur l'armée de Wrangel et sur celle de Turenne qui ne pouvaient plus opérer leur jonction. Turenne indigné part de Mayence, et sans ordre de la cour, de son propre mouvement, il fait une marche de quatre-vingts lieues le long de la rive gauche du Rhin, pour le franchir à Wesel, remonter par la rive droite et joindre le 10 août l'armée de Wrangel à Giessen sur la Lahn. Profitant ensuite des fausses manœuvres de l'archiduc, il combine un mouvement plein d'audace et de sagesse, et va par le Danube et le Lech porter la guerre en Bavière ; le 22 septembre il cernait Augsbourg et les Suédois investissaient Bain. Il eut le tort de céder aux sollicitations de Wrangel, de quitter Augsbourg pour l'aider à enlever la place insignifiante de Bain ; quand il revint à Augsbourg la garnison avait été renforcée de quinze cents Bavarois ; Turenne dut renoncer à prendre cette place importante. Il se porta ensuite à Lauingen, sur le Danube, et l'archiduc campa entre Landsberg et Memmingen. Turenne résolut de l'attaquer : mais ayant reconnu que son camp était trop fortifié, il se dirigea sur Landsberg, enleva le pont du Lech, chef des magasins de l'archiduc, ce qui obligea ce prince à évacuer sa forte position et à rentrer en Autriche pour y prendre, ses quartiers d'hiver. Napoléon considérait ces manœuvres pour déloger l'archiduc de son camp entre Memmingen et Landsberg comme pleines d'audace, de sagesse et de génie. Elles furent fécondes en grands résultats : comme l'archiduc Léopold n'avait pas su arrêter la marche rapide et les incursions de Turenne et Wrangel. Maximilien de Bavière, découragé par la dévastation de ses États, se décida à demander la paix. Rien, dit Turenne dans ses Mémoires, n'a jamais tant aigri et excité M. de Bavière à faire la paix que de voir l'armée des confédérés, au commencement de l'hiver, envoyer des partis aux portes de Munich, et de n'avoir point de nouvelles des armées de l'empereur et de la sienne, pour qui il avoit fait de si grandes dépenses, et qu'il croyoit, comme il était vrai, beaucoup supérieures à la nôtre[14].

Le duc de Bavière signa avec la régente, le 14 mars 1647, la convention d'Ulm par laquelle il s'engageait à rester neutre, à ne fournir aucun secours à l'empereur, et à nous livrer comme places de sûreté et garantie de sa parole les villes d'Ulm, Lauingen, Hœchstaedt et Donanwerth. Privée du concours des Bavarois, l'armée impériale ne comptait plus que onze mille hommes. Il était désormais inutile, comme le voulait Turenne, de s'unir à Wrangel pour accabler l'empereur et le contraindre à la paix. Il n'y avait plus de danger que du côté des Espagnols, d'autant plus que l'empereur était sur le point d'accorder à la France et à ses alliés ce qu'ils demandaient, et il fallait porter la guerre aux Pays-Bas, où, par suite de la défection des Provinces-Unies, nous étions seuls contre l'Espagne.

Turenne reçut donc l'ordre de se diriger sur la Flandre où son armée était nécessaire. Avant de partir, il représenta encore à Mazarin que les troupes weimariennes, composées d'Allemands, et auxquelles il était dit six mois de solde, passeraient difficilement le Rhin ; mais Aune d'Autriche ayant réitéré ses ordres par une lettre écrite de sa main, il obéit, repassa le Rhin à Philipsbourg et arriva le 6 juin à Saverne, dernière étape de l'Allemagne. Malgré les précautions prises par Mazarin pour gagner les Suédois, Turenne, qui commençait à gravir les Vosges avec sa petite armée, apprend que les Weimariens refusent de k suivre, sons prétexte que leur traité avec la France ne les obligeait pas au service dans le royaume, et ils réclament leur solde. Turenne envoie le lieutenant général de Rosen et l'intendant de l'armée Tracy pour leur représenter qu'il est impossible de payer immédiatement tout l'arriéré, mais qu'il leur distribuera tout l'argent dont il peut disposer et que, s'ils résistent, ils perdront ce qui leur reste dû. Tracy s'acquitta loyalement de sa mission, mais de Rosen resta avec les Weimariens et les conduisit de Saverne à Strasbourg. Turenne crut que le parti le plus utile aux intérêts de la France était d'envoyer en Flandre les quatre régiments français de cavalerie qui lui restaient et de se diriger sur les rebelles pour les ramener. Il les suivit avec douze ou quinze personnes au delà du Rhin, se rendit au logement du comte de Rosen leur chef, et continua chez lui ses fonctions de général en chef comme si de rien n'était ; il les accompagna dans tous leurs campements, au risque d'être fait prisonnier, et quand il fut en vue de Philipsbourg, il envoya chercher cent hommes de la garnison de cette ville, fit garrotter Rosen qui fut dirigé sur Philipsbourg, puis sur Nancy. Cet acte de vigueur eut immédiatement son effet : presque tons les officiers et sous-officiers et deux régiments entiers se déclarèrent pour Turenne : les autres, au nombre d'environ quinze cents, élurent des officiers, traversèrent le Neckar et se dirigèrent sur le Tauber. Turenne les atteignit à Kœnigshofen, les chargea, leur tua trois cents hommes et leur fit trois cents prisonniers. Les débris se retirèrent sur le Vain et un grand nombre s'enrôlèrent dans l'armée suédoise[15].

Cette révolte réprimée avec autant de présence d'esprit que de courage, Turenne repassa le Rhin et se porta en toute hale dans le Luxembourg, où il arriva au commencement de septembre ; mais il reçut l'ordre de s'arrêter. Le duc de Bavière venait de violer sa parole ; il avait réuni son armée aux Impériaux, et ceux-ci avaient battu l'armée suédoise en Bohème, et après l'avoir chassée au delà du Weser, ils avaient marché sur le Rhin et assiégé Worms. Turenne reçut l'ordre de manœuvrer contre le duc de Bavière dans les premiers jours de décembre ; il fit lever le siège de Worms et écrivit au duc de Ravière qu'il allait le traiter en ennemi.

Il tint parole : le 25 février 1648, Turenne, pour joindre les Suédois, passa le Ilhin à Oppenheim, et l'armée impériale, craignant d'être prise entre deux feux, évacua la Hesse et se retira sous le canon d'Ingolstadt. Sa jonction opérée près Hanau, le maréchal se porta sur la Regnitz, persuada aux généraux suédois qu'il valait mieux le suivre que d'aller en Bohème, et franchit avec eux le Danube à Lauingen le 15 avril. Remarquant alors que l'armée ennemie n'était pas sur ses gardes, il fit avancer pendant la nuit son infanterie, et dans la matinée se porta en avant. Le général impérial Mélander se mit en retraite, mais Turenne atteignit, à Summershausen, son arrière-garde commandée par Montecuccoli. Le combat fut acharné. Mélander fut tué en revenant au secours de son arrière-garde, et ses troupes repassèrent le Lech. Turenne franchit cette rivière, se porta sur l'Isar à Freisingen qu'il surprit, pendant que la cour de Bavière effrayée quittait Munich et se retirait à Salzbourg ; la Bavière, rapidement envahie, était luise à contribution et expiait la trahison de son souverain.

Dans cette campagne, comme dans celle de 1646, Turenne avait parcouru l'Allemagne en tous sens, avec une mobilité et une hardiesse jusqu'alors sans exemple. Le premier, il avait planté le drapeau français sur les bords de l'Inn ! Ses succès à Summershausen et dans la vallée de l'Isar n'ont pas l'éclat des grandes batailles de Rocroy, de Fribourg et de Nördlingen ; cependant ils eurent des conséquences importantes, et Mazarin les signalait dans une dépêche au duc de Longueville : Vous voyez aussi bien que moi les suites que peut introduire un succès si considérable dans l'état présent de la paix d'Allemagne, et que cela obligera l'empereur à conclure promptement, ou mettre ses affaires en pitoyable état, s'il veut encore adhérer au caprice des Espagnols et le préférer à son intérêt particulier et à celui de tout l'empire. Ainsi les succès de Turenne, comme ceux de Condé, avaient achevé de décourager la branche aînée de la maison d'Autriche et ses alliés ; le duc de Bavière avait pressé l'empereur de faire la paix, et elle fut signée à Munster et à Osnabrück : c'est le fameux traité de Westphalie qui établit pour un siècle le droit public de l'Europe.

La France acquérait définitivement en toute souveraineté : sur la rive gauche du Rhin, Metz, Toul et Verdun, le landgraviat de hante et basse Alsace, la préfecture des dix villes impériales d'Alsace, Haguenau, Colmar, Schlestadt, Wissembourg, Landau, Obereinheim, Rosheim, Munster, Kaiserberg et Furingheim ; le Sundgau, c'est-it-dire le pays au sud de Mulhouse ; sur la rive droite, la forteresse de Brisach avec sa banlieue ; le protectorat de Philipsbourg. avec droit de garnison et de passage, la souveraineté restant à l'électeur de Trêves en sa qualité d'évêque de Spire. On ne pourrait élever aucun fort sur la rive droite du Rhin, de Baie à Philipsbourg, ni changer le cours du fleuve, d'un côté comme de l'autre. La France payait à l'Autriche trois millions de livres et prenait à sa charge les deux tiers des dettes de l'Alsace. L'empereur confirmait en outre le traité de Cherasco relatif au Montferrat, et renonçait à la souveraineté de l'empire sur Pignerol, que le duc de Savoie avait cédé à Louis XIII par le traité de Saint-Germain, en 1632.

La Suède devenait la première puissance du Nord et faisait partie du corps germanique. Elle obtenait la ville de Wismar et l'île de Rügen, la Poméranie citérieure, les évêchés de Brême et de Verden sécularisés. Pour ces fiefs, elle avait trois voix à la Diète.

L'électeur palatin recouvrait le bas Palatinat, et une huitième dignité électorale était créée en sa faveur.

Les autres alliés de la France, les électeurs de Brandebourg et de Saxe, les ducs de Mecklembourg, le landgrave de Hesse-Cassel, le duc de Brunswick, recevaient des indemnités territoriales luises sur les domaines catholiques.

Les ducs de Savoie, de Modène et de Mantoue recouvraient toutes les portions de leurs États que l'Espagne leur avait enlevées.

La France faisait reconnaître l'indépendance de la Hollande et de la Suisse vis-à-vis de l'empire.

La liberté religieuse proclamée par la paix d'Augsbourg fut maintenue ; mais de plus les calvinistes étaient admis à l'égalité des droits avec les luthériens.

La constitution fédérative de l'Allemagne fut confirmée, étendue, et placée sous la sauvegarde de la France et de la Suède ; elle était soustraite à la domination absolue de l'Autriche, qui depuis Charles-Quint rêvait une Allemagne monarchique. L'empereur était subordonné à la Diète ; le droit de suffrage donné aux princes et aux États allemands dans toutes les délibérations sur les affaires de l'empire, principalement sur les alliances, lois nouvelles, traités, guerres. Pour toute question d'intérêt général, aucune résolution ne pourrait être prise sans le libre concours et l'approbation des États. L'empereur n'avait que la puissance exécutive. 'fous les États conserveraient leur souveraineté territoriale avec tous les droits dont ils avaient joui jusqu'alors, tels que droits d'alliance entre eux et avec les puissances étrangères, excepté contre l'empereur et dans tous les cas contraires à la paix publique et aux traités de Westphalie.

En résumé, Mazarin n'avait pas seulement donné à la France la frontière du Rhin et des postes avancés en Allemagne ; il avait établi la prépondérance française dans l'empire et dans toute l'Europe, mais en évitant d'exciter l'inquiétude des princes et des peuples. Il avait su lier étroitement la grandeur nationale l'établissement de l'équilibre européen et a la consolidation de la vieille constitution germanique[16].

Cette paix, glorieuse pour la France, bienfaisante pour l'Allemagne, était due à l'habileté de notre diplomatie et aux grandes actions de Turenne et de Condé. Une médaille fut frappée pour immortaliser la dernière campagne dit maréchal. On y voit la Victoire qui d'une main tient une couronne de laurier, et de l'antre, une pique terminée par un trophée. La légende Victoria fructæ Fidei Ultrix rappelle la trahison de Maximilien ; l'exergue Pulso trans Œnum Bararo M DC XLVIII consacre le souvenir de la brillante manœuvre de Turenne qui avait chassé le Bavarois parjure au delà de l'Inn et l'avait réduit à conjurer l'empereur de haler la paix !

 

 

 



[1] Chéruel, Minorité, I, 128-129.

[2] Grimoard, I, 40 ; Mémoires de Turenne, p. 551 sq.

[3] Chéruel, Minorité, I, 260-262.

[4] Chéruel, Minorité, I, 265 sq. ; Gonzenbach, Introduction, p. XXV, et p. 321-329, 354 notes 1 et 2, 355, 541-542. Gonzenbach a résumé avec beaucoup d'impartialité l'histoire assez délicate des rapports de d'Erlach avec Turenne ; il constate que leur correspondance est empreinte de la plus grande politesse quoique on remarque un peu plus de froideur du côté de d'Erlach que de celui de Turenne. Il constate aussi qu'un changement favorable se fit dans l'esprit de l'armée weimarienne sous son nouveau chef. Voyez encore le même auteur sur Turenne et ses rapports avec d'Erlach, 350-353, 357, 358, 362, 375, 579, 380-383.

[5] Chéruel, Minorité, I, 21-22, 290, 296 ; Mémoires de Turenne, p. 36S, récit du passage du Rhin et de la bataille de Donaueschingen. Heilmann ne mentionne point ce succès, qui pour n'être qu'un succès d'avant-garde ne rendit pas moins confiance à l'armée franco-weimarienne Gonzenbach au contraire en parle favorablement, p. 400-401.

[6] D. d'A., IV, 304-308.

[7] C'est Turenne qui a inspiré la marche sur Fribourg, le plan de la campagne d'Allemagne, ainsi que le plan d'attaque adopté par Condé. V. Chéruel, Minorité, I, 299-303. Condé fit l'éloge de la conduite de Turenne à Fribourg, ibid., 314. Heilmann (p. 669-672) est, après M. le duc d'Aumale, de tous les auteurs modernes celui qui, pour le récit de la bataille de Fribourg, a tiré le meilleur parti des sources contemporaines (Mémoires de Turenne, Gramont, Montglat ; relation de la Moussaie).

[8] D. d'A., IV, 363.

[9] Chéruel, Minorité, I, p. 327-328 ; D. d'A., IV, chap. V.

[10] Chéruel, Minorité, I, p. 529-349, et Gonzenbach, p. 415.

[11] Napoléon, p. 190 ; Mémoires de Turenne, p. 588 ; Gonzenbach, p. 447-455 : Hamann, p. 683-685. Gonzenbach remarque, p. 447, que l'armée de Turenne comprenait six mille fantassins qui étaient tous Français, parce qu'on ne pouvait plus en recruter en Allemagne. Le même auteur rapporte à la page 455 que Turenne ayant perdu tout son bagage, la reine lui donna de quoi remonter sa maison, et le cardinal lui adressa un magnifique service en argent.

[12] Chéruel, Min., II, 43-49, et les récits de la bataille dans les Mémoires de Turenne et de Gramont. Voyez aussi Napoléon ; Lettre de Turenne à sa sœur, Mémoires, p. 395, note 1 ; Gonzenbach, p. 457-459 ; Heilmann, p. 689, résume les discussions qui eurent lieu au Conseil entre Turenne et Condé.

[13] D. d'A., IV, 419.

[14] Mémoires de Turenne, p 407. Voyez détails des opérations en Allemagne dans Chéruel, Min., II, 313-331 ; Heilmann, p. 698, 703-705, 709, 718.

[15] Mémoires de Turenne et pièces annexées, p. 410-416.

[16] Bataille de Summershansen, Mémoires de Turenne, p. 418-420. Charvériat, II, 596, 597. Lutte entre Turenne et Wrangel, Charvériat, II, 595 sq. Le vœu suprême de Turenne était de dicter la paix à l'Autriche dans sa capitale. Charvériat, II, 600-602 ; Ibid., traité de Westphalie. Heilmann évalue les pertes de l'ennemi à deux mille deux cents ou deux mille trois cents, tandis que Mazarin les évalue à quatre mille hommes tués ou blessés. Les évaluations de ce temps sont toujours incertaines.