ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

RESTITUTION DE L’ANCIEN CALENDRIER HÉBRAIQUE

DEPUIS LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST JUSQU’À LA RUINE DE JÉRUSALEM - 4707-4783, P. J.

ARTICLE III — LE CALENDRIER HÉBRAÏQUE AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST.

 

 

§ I — Histoire de l'ancien calendrier des Hébreux.

I. La restitution du calendrier hébraïque, tel qu’il était au siècle de Jésus-Christ, a fait jusqu’à présent le désespoir des chronologistes. Sans être facile, cette restitution est cependant loin d’être impossible, et nous espérons rétablir ici non seulement le calendrier hébraïque à peu près inconnu, mais encore le calendrier grec, dont quelques peints restaient, encore indécis. L’étude que nous allons faire est donc de la plus haute importance pour l’archéologie des Grecs et des Juifs.

II. Scaliger, Petau, Prideaux, Ideler, le P. Patrizzi[1] et beaucoup d’autres se sont Vainement préoccupés de l’ancien calendrier des Hébreux. Tout ce qu’ils ont pu donner comme certain c’est que ce calendrier avait la forme luni-solaire, mais, quant aux règles suivies par les Juifs pour accorder les mois avec les phases de la lune, et les années avec le cours du soleil, ils les ont complètement ignorées. Suivant la plupart d’entre eux, les Hébreux auraient constitué leur calendrier de la manière la plus grossière : ils auraient attendu l’apparition de la première phase lunaire pour commencer chacun de leurs mois ; ils se seraient ainsi servis uniquement de leurs feux et non de calculs ou de méthodes régulières pour reconnaître la néoménie[2] ; et, quant à l’intercalation d’un treizième mois, elle n’aurait été soumise à aucune règle fixe, mais bien livrée à l’arbitraire des prêtres de Jérusalem. Certes, si le calendrier hébraïque a jamais été abandonné à de pareilles incertitudes, nous verrons, à n’en pas douter, qu’au siècle de Jésus-Christ, et même longtemps auparavant, il n’en était pas ainsi.

III. La vérité sur la constitution de l’ancien calendrier hébraïque ne nous semble cependant point des plus difficiles à saisir, et la preuve en est dans la proposition suivante qui est comme le résultat général de nos recherches.

Jusqu’à l’établissement de l’année julienne, les Hébreux ont suivi le même calendrier que les peuples au milieu desquels ils vivaient.

IV. En Égypte, les Hébreux ont suivi le calendrier égyptien : lorsque Moïse, dans la Genèse, parle des cinq mois du déluge ; il donne à chacun de ces mois une durée intégrale de trente jours, et telle était en effet la durée uniforme des mois dans l’année égyptienne.

V. (Année sainte.) Mais, à partir de la sortie d’Égypte, Moïse et son peuple abandonnent le calendrier égyptien pour adopter un calendrier luni-solaire semblable à celui des autres peuples de l’Asie occidentale. Lorsqu’il est question de la nouvelle forme d’année, dans l’Exode (XII, 2 ; XIII, 4, etc.), le Lévitique, les Nombres, et surtout le Deutéronome (XVI, 1-13), on voit aussitôt qu’elle diffère essentiellement de l’année vague des Égyptiens. Le commencement de l’année sainte des Hébreux est invariablement fixé au retour du printemps ou à la première apparition des fruits nouveaux en Palestine[3]. Par une coïncidence remarquable, le Neurus, ou la fête du renouvellement de l’année chez les Chaldéens, avait, pareillement lieu vers l’équinoxe du printemps, et cette coïncidence nous induit déjà à penser que l’année luni-solaire des Hébreux se trouva, même dès son origine, conforme à l’année luni-solaire des Chaldéens[4]. Babel aurait été le grand observatoire dont les données, répandues parmi tous les peuples voisins, auraient servi à régler d’une manière à peu près uniforme le cours des mois et des années[5].

VI. (Année civile.) Toutefois le calendrier hébraïque emporte avec lui un souvenir de l’Égypte, en même temps que la date de son origine. Lorsque les Hébreux commencèrent leur exode vers la Palestine, le premier Thot, ou le premier jour de l’année égyptienne, coïncidait avec l’équinoxe d’automne, et tombait le 8 octobre de l’année julienne proleptique ; or, le commencement de l’année civile des Hébreux est resté à jamais fixé vers ce même équinoxe ; tandis que le premier Thot égyptien a continué sa marche rétrogressive à travers toutes les saisons de l’année solaire.

L’année+ civile des Juifs commençant en automne existait dès le temps de Moïse (Exode, XXIII, 16, et XXIV, 22), et les années sabbatiques étaient toujours comptées, comme les années civiles, d’un automne à l’autre.

VII. (Tékuphat, année solaire.) L’institution des Tékupkat hébreux paraît aussi remonter jusqu’au temps de Moïse, et montrer que les Hébreux, comme les Égyptiens, évaluaient dès lors la durée véritable de l’année solaire à 365 jours ¼. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Hébreux, avant comme après la captivité de Babylone, avaient une année solaire indépendante de leur calendrier luni-solaire : Jérémie et l’auteur du second livre des Macchabées parlent de cette année purement solaire en l’appelant une année de jours[6].

VIII. Depuis la sortie d’Égypte, les mois des Hébreux ont toujours été lunaires. D’après le précepte de Moise (Deuter., XVI, 1), l’échéance du premier mois de chaque année devait être observée par l’expérience, et cette prescription seule insinue que ce premier mois n’arrivait pas toujours après le douzième de l’année précédente. Josèphe dit même formellement (Antiq., II, 6) que les mois étaient dès lors comptés selon lu lune, κατά σελήνην ; les traditions hébraïques confirment cette assertion ; l’histoire et la Bible prouvent, d’une manière incontestable, l’existence de mois lunaires pour tous les temps qui ont suivi la captivité de Babylone, et, encore aujourd’hui, tous les débris du peuple de Moise : les Talmudistes[7], les Caraïtes[8] et les Samaritains eux-mêmes[9] ont religieusement conservé à leur calendrier la forme luni-solaire.

IX. Le calendrier primitif dé Moise ne saurait avoir beaucoup varié depuis son institution jusqu’à la ruine du second temple, sous les Romains ; ce calendrier s’est trouvé identique à celui des Chaldéens après la captivité de Babylone, et conforme é celui des Grecs après la conquête d’Alexandre ; mais les calendriers luni-solaires de tous ces peuples se ressemblaient tellement que le calendrier hébraïque a pu être conforme à l’un comme à l’autre, sans éprouver de variations bien sensibles, et il est toujours resté parfaitement adapté aux rites religieux prescrits par Moise.

X. Ces rites sont longuement décrits dans la Bible[10] ; nous ne pouvons que les indiquer ici. La néoménie, ou le premier jour de chaque mois lunaire, était solennellement annoncée par les prêtres au son des trompettes sacrées, et sanctifiée par de nombreux holocaustes. Les t’êtes annuelles étaient tout à la fois figées aux mois lunaires par des dates invariables, et en même temps rattachées aux saisons solaires par leurs rites particuliers. Le lendemain de la Pâque (16 Nisan), on devait offrir dans le temple les prémices de la moisson des orges. Cinquante jours après, à la Pentecôte (6 Sivan), on devait pareillement présenter sur l’autel deux gâteaux, prémices du froment, et le quinzième jour du septième mois, la fête des Tabernacles venait terminer le temps des récoltes lorsqu’on avait recueilli de Cuire et du pressoir tous les produits de l’année.

XI. Tous ces rites prouvent que, depuis leur institution sous Moise, l’année hébraïque a toujours suivi, à quinze jours près, les phases de l’année solaire véritable : remarque importante pour la chronologie, puisque, sous ce rapport, l’année hébraïque se trouve être supérieure à l’année purement lunaire des Musulmans, à l’année vague des Égyptiens, à l’année confuse des anciens Romains, et l’on pourrait même dire à l’année julienne, qui, elle aussi, finit, après quelques siècles, par se trouver en désaccord avec l’année solaire véritable.

XII. Avant la captivité de Babylone, et dès le temps des Juges et des Rois, il y avait chez les Hébreux d’habiles mathématiciens chargés de la confection du calendrier. Parmi les personnages qui vinrent reconnaître les premiers la royauté de David à Hébron, l’histoire sacrée signale les savants de la tribu d’Issachar, qui connaissaient le cours des temps afin d’ordonner ce qu’Israël devait faire[11].

Dès le temps de Moïse, la tribu d’Issachar était célèbre par ses connaissances astronomiques. Les enfants d’Issachar appelleront les peuples à la montagne pour immoler les victimes (Deutéron., XXXIII, 19), ce que l’interprète chaldéen et Salomon Jarchi entendent de la convocation aux fêtes dont ils devaient indiquer le temps à Israël.

On conçoit dès lors que les notions astronomiques, ainsi conservées dans une même tribu, et enrichies pendant des siècles de toutes lès observations faites par les générations successives, aient dû atteindre une grande perfection, même au temps de David.

Si nous en croyons Josèphe, ce prêtre juif, né avant la ruine de Jérusalem et fidèle historien des traditions de sa nation, la science astronomique des Juifs remonterait à la plus haute antiquité, et elle aurait dès lors atteint toute la perfection que les auteurs grecs ont pu reproduire ensuite dans leurs écrits.

Dieu, dit Josèphe, en parlant des patriarches qui ont précédé le déluge et qui ont vécu plus de mille ans, Dieu leur prolongeait la vie, tant à cause de leur vertu que pour leur donner le moyen de perfectionner les sciences de la géométrie et de l’astronomie inventées par eux ; ce qu’ils n’auraient pu faire s’ils avaient vécu moins de six cents ans, parce que et n’est qu’après une révolution de six siècles que s’accomplit la grande année (Antiq., I, 3).

Cette grande année, dit Cassini (Règles de l’astron. indienne, p. 352), ne peut être qu’une période luni-solaire, semblable à celle dont les Indiens se servent encore aujourd’hui.

Le mois lunaire étant de 29 jours 12 h. 44’ 3’’, on trouve que 219,146 jours ½ font 7,421 mois lunaires, et ce même nombre de 219,146 jours ½ donne 600 années solaires de 365 jours 5 h. 5 1’ 36’’.

Si cette année est celle qui était en usage avant le déluge, comme il y a beaucoup d’apparence ; il faut avouer que les anciens patriarches connaissaient déjà avec beaucoup de précision le mouvement des astres ; ce mois lunaire s’accorde, à une seconde près, avec celui qui a été déterminé par les astronomes modernes, et l’année solaire est ici plus juste que celle d’Hipparque et de Ptolémée, qui donnent à l’année 365 jours 5 h. 55’ 12’’[12]. „

La période luni-solaire de 600 ans, dit encore l’illustre Laplace dans l’Exposition du système du monde (p. 255), a été rigoureuse à une époque à laquelle il serait facile de remonter par l’analyse, si les masses des planètes étaient exactement connues.

XIII. Quel qu’ait été l’usage de la période de 604 ans, il est certain que, dès le temps de David, les Hébreux savaient à l’avance le jour où arrivait la nouvelle lune. C’est demain la néoménie, disait David à Jonathas (I Reg., XX, 5) ; parole qui nous montre bien que les Juifs d’alors n’attendaient pas l’apparition de la première phase pour célébrer la néoménie. Ils poussaient même déjà le scrupule jusqu’à donner à cette fête deux jours consécutifs, afin d’être ainsi plus sûrs de ne pas manquer le jour de la conjonction réelle. L’entretien de David avec Jonathas, dont nous venons de citer une parole, nous donne la preuve que les néoménies avaient dès lors une double fête[13] ; cette double fête a pareillement existé chez les Grecs, et elle subsiste encore, de nos jours, dans le calendrier hébraïque.

Depuis Moïse jusqu’à la ruine du premier temple, les mois sont désignés par la Bible suivant leur numéro d’ordre dans le calendrier, on trouve cependant quatre mois cités sous un nom propre : Abib, le premier de l’année sainte (Exode, XIII, 4) ; Sio, le second (III Reg., IV, 1) ; Ethanim, le septième (ibid., VIII, 2), Bul, le huitième (ibid., VI, 38).

XIV. Après la captivité de, Babylone, le calendrier hébraïque se trouve être absolument identique au calendrier chaldéen : mêmes noms pour les mois, et tous ces noms d’origine chaldéenne se retrouvent dans le calendrier des Juifs modernes ; même système pour dater les années, toujours d’après l’avènement des rois de Perse, et enfin même époque initiale de l’année qui, à Jérusalem comme à Babylone, commence vers l’équinoxe du printemps. Dans les relations mutuelles entre les deux peuples, et dans les documents officiels échangés entre le grand Roi et les Juifs, les uns et les autres font toujours usage d’un seul et même calendrier. On comprend qu’il dût en être ainsi : les Juifs se trouvaient dispersés dans toutes les provinces du vaste empire des Perses ; quelles difficultés ne se seraient-ils pas créées, dans leurs relations avec les Asiatiques, s’ils eussent suivi un calendrier différent[14] !

Il paraît néanmoins que, parmi tous ces peuples, il y avait parfois une divergence d’un jour dans le quantième du mois. Esdras aurait dès lors prescrit à tous les Juifs habitant hors de la Judée de célébrer pendant deux jours chaque fête chômée, afin de ne point manquer le jour observé à Jérusalem[15].

XV. Nous nous hâtons d’arriver aux temps qui suivirent la conquête d’Alexandre et l’établissement de la domination grecque en Asie. Les Grecs suivaient tous le calendrier luni-solaire ; les règles de ce calendrier n’étaient pas les mêmes partout et toujours ; elles variaient surtout parmi les différentes cités de l’Asie ; mais à côté de toutes ces variations, il y avait alors un calendrier stable, régulier et généralement connu : c’était celui des Athéniens, celui dont l’astronome Calippe avait figé les règles en l’an 330 avant l’ère chrétienne. C’est à ce calendrier que les astronomes d’Asie et d’Égypte, Hipparque, Timocharès, Aristarque et autres rapportent leurs observations. Or ce calendrier présente, comme nous le verrons, une conformité remarquable avec celui des Hébreux. Un fait également remarquable, c’est que les Chaldéens, en retardant l’ère des Séleucides de quelques mois, l’ont fait commencer avec la première année du second cycle de 19 ans qui suivit la réforme de Calippe. Cette coïncidence a-t-elle été cherchée ? C’est bien probable[16].

Nicolas Muler prétend que, d’après l’Abaque de Ptolémée, la première année du cycle luni-solaire devait toujours commencer à l’équinoxe d’automne, alors fixé au 24 septembre julien[17]. Or, c’est précisément à cette date que commencent le Mémactérion des Grecs et le Thisri des Hébreux en la première année de la période calippique, et les années embolismiques de cette période sont précisément toutes celles dont le commencement remonte avant cette date du 24 septembre.

Toutefois, chaque peuple conserve alors son usage particulier pour commencer l’année à tel ou tel mois du calendrier, les Chaldéens vers l’équinoxe du printemps, les Athéniens trois mois plus tard, vers le solstice d’été, et lies Syriens vers l’équinoxe d’automne[18]. Quelquefois aussi, le même peuple commence l’année à deux époques différentes ; ainsi, chez les Juifs, l’auteur du premier livre des Macabées suit l’usage syrien et commence l’année à l’équinoxe d’automne ; l’auteur du second livre, au contraire, la commence, avec les Chaldéens, à l’équinoxe du printemps, et cependant l’un et l’autre comptent les années suivant l’ère des Grecs.

La nomenclature des mois varie pareillement chez ces différents peuples[19] ; mais la distribution des années communes et des années embolismiques parait avoir été généralement la même. Chez les Athéniens, comme chez les Hébreux, les années et les mois se succèdent dans un ordre identique, sauf que les premiers placent le mois intercalaire vers le solstice d’hiver, trois mois avant les Hébreux. L’accord de ces deux peuples pour les années embolismiques est un fait de la plus haute importance, et nous serons en droit de le supposer comme étant l’hypothèse la plus probable, lorsque, après avoir restitué le calendrier hébraïque et le calendrier grec, l’un et l’autre d’après ses propres dates, nous verrons les années embolismiques se retrouver les mêmes dans les deux calendriers.

XVI. Pour procéder plus rigoureusement dans cette restitution, nous l’isolerons complètement des considérations qui précèdent, et, recueillant seulement les dates hébraïques, citées par les historiens, nous établirons, à l’aide de ces dates : 1° quel était l’accord des mois avec les lunaisons, et 2° quelles étaient les années embolismiques.

 

§ II — Discussion des dates.

I. PREMIER PROBLÈME. Quel était, au siècle de Jésus-Christ, l’accord des mois juifs avec les lunaisons astronomiques ?

Pour résoudre ce problème, l’historien Josèphe nous offre, dans ses écrits, les cinq données suivantes[20] :

1° En l’an 4583, P. J., ou 131 avant l’ère chrétienne, la Pentecôte juive (6 Sivan) tomba le premier jour de la semaine[21].

2° En l’an 4778, P. J., ou 65 après l’ère chrétienne, la veille de la Pâque (14 Nisan) tomba le 8 avril[22].

3° En l’an 4779, P. J., ou 66, E. C., le 5 du mois d’Ab coïncida avec le 14 août[23].

4° La même année, la fête des Tabernacles (15 Thisri) tomba le 22 octobre[24].

5° En l’an 4783, P. J., ou 70, E. C., la Pâque (15 Nisan) tomba le 14 avril[25].

Ces cinq données sont les seules que nous ayons pu trouver dans l’histoire des Juifs pendant les deux siècles qui précédèrent immédiatement la ruine de Jérusalem[26]. On peut y joindre, d’après les Évangiles, la coïncidence du vendredi avec le 15 Nisan en l’an 33 de notre ère, va que cette date est suffisamment prouvée d’autre part[27].

II. Mais avant de comparer ces données avec les dates précises qui résultent du calcul astronomique, nous rappellerons ici les trois observations suivantes :

1° Pour mettre le lecteur au même point de vue que les Juifs, nous comptons les jours et les heures à partir de la veille au soir, à 6 heures après midi, et conformément au méridien de Jérusalem, d’où il suit que, pour rapporter au méridien de Paris et au style moderne les dates indiquées dans cette discussion, il faut en retrancher d’abord 6 h. (différence des styles) et ensuite 2 h. 11 m. (différence des méridiens), en tout 8 h. 11 minutes.

2° Le cours de la lune est soumis à de grandes et nombreuses perturbations, qui dérangent le plus souvent de quelques heures la néoménie réelle de l’époque moyenne à laquelle elle devrait arriver[28]. Il faut donc distinguer entre la néoménie réelle, ou l’instant même de la conjonction, et la néoménie moyenne, le maximum des écarts de la première sur la seconde pourrait même s’élever à une différence de 20 h. en plus ou en moins ; mais ce maximum est un cas à peu près chimérique, et il est rare que la différence dépasse une douzaine d’heures.

3° La lune est complètement invisible au moins 24 h. avant comme après sa conjonction réelle[29], et l’écart maximum de la conjonction moyenne n’étant que de 20 heures, il s’ensuit que l’astre reste toujours invisible au moment même de la néoménie ou conjonction moyenne.

Ainsi, dans les conditions les plus favorables, pour distinguer la nouvelle lune après le coucher du soleil, il faut que la conjonction réelle ait eu lieu dès la veille au coucher du soleil, et, si elle avait lieu plus tard, il faudrait attendre un jour de plus, ou jusqu’au troisième soir, pour constater la première apparition de la phase. Cette constatation présente donc de grandes difficultés et de grandes irrégularités. Aussi, il n’y a que les peuples complètement sauvages qui aient jamais réglé leurs mois sur l’apparition de la phase. Tous les autres peuples, suivant les plus simples lumières du bon sens, ont toujours fait commencer le mois lunaire au milieu de l’intervalle qui sépare la disparition de la dernière phase de l’apparition de la première, et ils ont fait coïncider l’époque de la pleine lune et de ses éclipses avec le quinzième jour du mois.

Les Juifs contemporains du Sauveur ont-ils attendu, comme les peuples sauvages, l’apparition de la première phase, pour commencer le mois ? Moïse Maimonide et d’autres auteurs l’ont supposé ainsi, en se fondant sur certaines légendes talmudiques[30]. Mais cette opinion se trouve parfaitement démentie, au moins pour l’époque de Jésus-Christ, par l’examen des cinq données que nous avons extraites de l’historien Josèphe.

III. Première donnée historique. En l’an 131 avant l’ère chrétienne, la Pentecôte juive (6 Sivan) tomba le premier jour de la semaine, ou le dimanche.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie de Sivan eut lieu, cette année-1à, le 20 mai, à 3 h. 34’ selon le mouvement moyen, et à 11 h. 57’ selon le mouvement vrai de la lune. Le 20 mai se trouvant ainsi le premier jour du mois lunaire, le sixième jour a dû tomber le 25 mai.

Comparaison. La dominicale de l’an 131 avant l’ère chrétienne étant la lettre E, le 25 mai julien fut un dimanche ; la Pentecôte juive, ou le 6 Sivan dut tomber ce jour-là même ; le premier jour du mois fut donc le 20 mai, jour de la néoménie réelle et moyenne.

La première apparition de la phase ne put avoir lieu avant le soir du 21 mai, lorsque le troisième jour du mois juif était déjà commencé.

IV. Cette première donnée nous permet de faire une contre-épreuve aboutissant au même résultat. Il est de règle chez les Juifs que, la Pentecôte tombant toujours le cinquantième jour après la Pâque, cette dernière fête (15 Nisan) est nécessairement un samedi, lorsque la Pentecôte tombe le dimanche. Ainsi, en l’an 131 avant l’ère chrétienne, la Pâque (15 Nisan) a dû être le samedi 5 avril, et le premier Nissan arriver quinze jours auparavant, le samedi 22 mars.

Résultat du calcul. La néoménie moyenne de ce Nisan tombe le 22 mars, à 2 h. 6’, et la néoménie vraie le même jour, à 6 h. 8’.

Cette seconde épreuve donne donc un résultat semblable à celui de la première.

V. Deuxième donnée historique. En l’an 65 de l’ère chrétienne, la veille de la Pâque (14 Nisan) tomba le 8 avril ; ce qui reporte le premier Nisan au 26 mars.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie moyenne de Nisan, en l’an 65, tombe le 25 mars, à 21 h. 11’ et la néoménie vraie le même jour, à 23 h. 20’.

Ici, le premier jour du mois ne coïncide pas, il est vrai, avec celui des néoménies vraie et moyenne ; mais son commencement n’est séparé de ces néoménies elles-mêmes que par un intervalle de quelques minutes.

VI. Troisième donnée historique. En l’an 66, E. C., la Xylophorie du 5 Ab tomba le 14 août, et le premier Ab dut ainsi coïncider avec le 10 août.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie moyenne, dans le mois d’août de l’an 66, se trouve être le 9 août, à 21 h. 40’, et la néoménie vraie le 10 août, à 3 h.

VII. Quatrième donnée historique. En l’an 66, la fête des Tabernacles ou le 15 Thisri tomba le 22 octobre, ce qui fait remonter au 8 octobre le premier jour du mois lunaire.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie moyenne de ce mois eut lieu, en effet, le 7 octobre, à 23 h. 8’, et la néoménie vraie le 8 octobre, à 4 h. 12’.

VIII. Cinquième donnée historique. En l’an 70, la Pâque, ou le 15 Nisan, arriva le 14 avril ; et le premier Nisan dut être le 31 mars.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie moyenne de ce mois tombe le 30 mars, à 18 h. 43’ et la néoménie vraie le 31 mars, à 2 h. 24’.

IX. Sixième donnée historique. La coïncidence du vendredi avec le 15 Nisan en l’an 33, E. C., ne put avoir lieu que le 3 avril, et le premier jour de Nisan dut ainsi tomber le 20 mars.

Résultat du calcul astronomique. La néoménie moyenne de Nisan, en l’an 33, tombe le 19 mars, à 18 h. 25’, et la néoménie vraie le même jour, à 18 h. 21’.

X. SOLUTION RÉSULTANT DES FAITS. Les Juifs contemporains du Sauveur ont fait coïncider le premier jour de leurs mois avec celui de la néoménie moyenne astronomique, toutes les fois que cette néoménie est tombée pendant les premières heures du jour hébraïque, et ils l’ont remis au jour qui a suivi la néoménie, toutes les fois que celle-ci est arrivée pendant les dernières heures.

En suivant cette régie telle qu’elle existe encore dans le calendrier des Juifs modernes, nous sommes moralement certain de rester conforme à la vérité historique la plupart du temps, et de n’avoir qu’un jour d’erreur dans les cas les plus défavorables.

COROLLAIRE. Les Juifs ont réglé le cours de leurs mois par des calculs ou des cycles dont le résultat était connu d’avance, et ils n’ont point attendu l’apparition de la première phase pour commencer leurs mois et célébrer les néoménies.

XI. En effet, dans toutes les données historiques que nous venons de vérifier par le calcul des lunaisons réelles, la première phase n’a jamais pu être visible avant le second jour du mois juif, et souvent elle ne l’a pas été avant le troisième.

Ces six données historiques, les seules que nous ayons pu trouver dans l’histoire contemporaine du Sauveur, suffisent donc pour jeter le plus grand jour sur la question.

Mais doit-on nier entièrement la tradition des rabbins, suivant laquelle il y aurait eu alors des experts chargés d’observer l’apparition des nouvelles lunes ? Non, tout au contraire, car, encore aujourd’hui, nos astronomes, tout en calculant d’avance les phénomènes célestes ; passent cependant les nuits à les observer. Il devait en être un peu de même chez les Juifs, et toute la perfection de leurs calculs ou de leurs cycles ne pouvait même provenir que de ces observations. Mais il est faux qu’on ait attendu le rapport des observateurs pour célébrer la néoménie ou commencer le mois.

XII. SECOND PROBLÈME. Quelle a été la date initiale de toutes les années hébraïques, dans une période de 76 ans prise immédiatement avant la reine ale Jérusalem (70, E. C.), et par suite quelles ont été, dans celle même période, les années embolismiques ou composées de treize mois ?

R. Les Hébreux avaient pour principe et pour règle d’ajouter un mois intercalaire toutes les fois que les écarts de leur calendrier auraient fait remonter la Pâque (15 Nisan) à une époque trop voisine de l’hiver.

Quelle était cette époque qui servait ainsi de limite initiale aux variations de la Pâque ? C’est elle que nous avons à découvrir ici ; car, cette limite une fois connue, il est évident que la première pleine lune qui la suivra sera celle du 15 Nisan, et nous pourrons dès lors fixer le commencement de toutes les années hébraïques (1er Nisan) et discerner les années embolismiques des années communes.

XIII. L’équinoxe du printemps a toujours été regardé comme étant cette limite initiale de la Pâque juive[31]. Au siècle de Jésus-Christ, l’époque officielle de cet équinoxe était le 25 mars de l’année julienne ; mais il est certain, comme nous allons le voir, que la première pleine lune arrivée après cette date n’a pas toujours été celle de la Pâque.

Le seul moyen que nous ayons pour découvrir sûrement la lignite initiale de la Pâque durant la période indiquée est analogue à celui que nous avons employé pour reconnaître le quantième des mois : il consiste à recueillir, dans l’histoire du temps, les dates de toutes les Pâques qui peuvent s’y trouver consignées. Or, les données que nous avons précédemment examinées pour la fixation des mois nous permettent d’établir les dates des Pâques suivantes :

En l’an 131 avant l’E. C., la Pâque fut le 5 avril ;

Elle fut le 3 avril en l’an 33 de l’ère chrétienne ;

Le 9 avril en l’an 65 ;

LE 28 AVRIL EN L’AN 66 ;

Le 14 avril en l’an 70.

A ces données nous pouvons joindre, d’après l’histoire, les trois suivantes :

La Pâque a dû tomber le 10 avril en l’an 4 avant l’ère chrétienne[32] ;

Le 18 avril, en l’an 37[33] ;

Et le 24 avril, en l’an 69[34].

XIV. Un fait remarquable, c’est que parmi ces dates celles du 28 avril en l’an 66, et du 24 avril en l’an 69 ne coïncident qu’avec la seconde pleine lune arrivée après le 25 mars.

Un tel retard a-t-il été le résultat d’une règle ou d’une exception[35] ? Nous croyons qu’en l’an 66, la date de la Pâque était bien régulièrement le 28 avril, et à plus forte raison la date du 24 avril, en l’an 69, a pareillement été conforme à la règle alors suivie pour la confection du calendrier. Il nous supra donc de vérifier ici la date du 28 avril 66, puisqu’elle est la plus élevée des deux.. -

XV. L’histoire de la guerre des Juifs nous montre qu’en l’an 66, le mois d’Ab, qui est le cinquième de l’année sainte, a commencé le 10 août, et le 5 de ce mois est tombé le 14 août. Le septième mois, Thisri, a pareillement commencé le 8 octobre, puisque le 15 Thisri est tombé le 22 octobre[36].

La conséquence mathématique et inévitable de ces deux dates historiques, c’est que le premier mois, celui de Nisan, a commencé le 14 avril, et que la Pâque ou le 15 Nisan est arrivée nécessairement le 28 avril suivant. Quant à la régularité de cette échéance de la Pâque en l’an 66, elle nous parait confirmée par l’incroyable affluence des pèlerins qui se réunirent à Jérusalem pour cette même fête. Le préfet de Syrie, Cestius Gallus, qui se trouvait alors dans la ville sainte (Guerre, II, 24, et VI, 46), fit constater que le nombre des agneaux immolés s’était élevé à 255.600, ce qui indiquait, dit Josèphe, que 2.556.000 Juifs avaient fait la Pâque, sans compter les personnes impures et les étrangers. Un nombre aussi grand de pèlerins aurait-il pu se réunir ainsi de toutes les parties du monde romain, si l’échéance de cette Pâque n’eût pas été certaine et régulière. On peut faire un raisonnement semblable pour toutes les Pâques de ce siècle.

XVI. Ainsi, au siècle de Jésus-Christ, la limite initiale de la Pâque arrivait après le 29 mars, et l’histoire nous donne une échéance régulière de cette fête un mois plus tard, le 28 avril. Nous avons donc, parmi les données historiques de cette époque, pour date la moins élevée de la Pâque, le 3 avril (c’est la Pâque de l’an 33) ; et pour date la plus élevée, le 28 avril (c’est la Pâque de l’an 66).

Malheureusement ces deux dates ne sont pas toutes deux les limites extrêmes des variations de la Pâque ; car il faudrait, pour cela, qu’elles fussent les limites d’un intervalle de 30 jours, et elles ne contiennent qu’un intervalle de 26 jours ; il nous reste donc une indétermination de 4 jours sur 30 ; et cette indétermination nous empêche de connaître, si ce n’est à un mois près, la date de deux Pâques et le commencement précis de deux années, dans une période de 19 ans.

Mais ne pourrions-nous pas, par quelque autre moyen, chasser cette indétermination et fixer le commencement de ces deux années ?

C’est ici que nous avons eu recours au calendrier grec ; les éléments connus de ce calendrier complètent ceux du calendrier hébraïque, et ceux-ci, à leur tour, achèvent de faire connaître le calendrier grec.

 

§ III — Comparaison du calendrier grec avec le calendrier hébraïque.

I. Petau, Dodwell, Ideler, et tout récemment M. Biot, ont fait de savantes recherches pour rétablir l’ancien calendrier des Grecs, suivant les règles figées en l’an 330 avant l’ère chrétienne par l’astronome Calippe[37]. Le calendrier proposé par M. Biot est assurément celui qui se rapproche le plus de la vérité historique. Le savant chronologiste a suivi, pour opérer cette restitution, la même méthode que nous avons reprise après lui pour rétablir le calendrier hébraïque : il a extrait des œuvres de l’astronome Ptolémée quelques dates grecques accompagnées de leurs concordantes dans l’année égyptienne ; et, à l’aide de ces dates, il a constitué un calendrier qui les reproduit exactement.

II. Mais il reconnaît lui-même que son travail laisse encore quelques points indécis.

Tout ce que nous pouvons raisonnablement nous imposer, dit-il[38], c’est de reproduire fidèlement toutes les dates attiques dont nous aurons les concordances absolues sous une autre forme.

L’auteur cite ensuite les cinq dates au moyen desquelles on peut fixer avec lui, d’une manière authentique et Are, le commencement de plusieurs années grecques. Or ces années sont, dans la période calippique de 76 ans, la 36e, la 37e, la 48e, la 50e et la 51e. Ces mêmes années ont eu certainement pour dates initiales : la 36e le 2 juillet, la 37e le 21 juin, la 48e le 19 juin, la 50e le 26 juin, et la 51e le 15 juillet.

Parmi toutes ces dates initiales de l’année des Grecs, le 19 juin et le 15 juillet sont les deux extrêmes ; mais ces deux dates ne sussent point pour déterminer le jeu complet des variations de l’année luni-solaire, puisque ces variations peuvent s’étendre à 30 jours, et que l’intervalle compris entre nos deux dates ne s’élève qu’à 26 jours. Il y a donc ici, dans le calendrier grec, comme dans le calendrier hébraïque, une indétermination de 4 jours, et cette indétermination rend incertain le commencement de 2 années dans une période de 19 ans.

III. Mais, si nous réunissons le résultat donné par les dates grecques à celui des dates hébraïques, nous voyons aussitôt que les deux résultats ne se contredisent jamais sur le rang des années embolismiques dans une même période ; ils se confirment au contraire, et même ils se complètent au point de fixer d’une manière absolue et rigoureuse le commencement de toutes les années luni-solaires, quelles qu’elles soient, dans le calendrier grec ou dans le calendrier hébraïque.

IV. Ainsi, d’une part, la date la moins élevée que nous ayons reconnue pour 3e premier Nisan des Hébreux est le 20 mars julien ; transportons ce résultat dans le calendrier des Grecs : l’année de ces derniers commençant régulièrement trois mois plus tard, la date la moins élevée de leur premier Hécatombéon sera le 17 juin, et la néoménie suivante, qui sera le 16 juillet, appartiendra au second mois de l’année grecque.

D’autre part, la date la plus élevée du premier Hécatombéon est le 15 juillet ; le premier Nisan des Hébreux, arrivant trois mois plus tôt, tombera alors au 18 avril, et la Pâque la plus extrême sera ainsi reportée au 2 mai julien.

V. Toutes les dates grecques ou hébraïques se trouvent alors fixées dans les limites de ces variations extrêmes : du 17 juin au 15 juillet pour le premier Hécatombéon, et du 20 mars au 18 avril pour le premier Nisan. La Pâque des Hébreux, durant les quatre siècles écoulés depuis la conquête d’Alexandre jusqu’à la ruine du second temple, se trouve pareillement fixée à la pleine lune qui tombait du 2 avril au 2 mai.

Cet accord des deux calendriers est tellement simple, facile et probable, que nous l’avons adopté, et l’hypothèse de cet accord nous a servi pour fixer le commencement des deux années sur lesquelles les données historiques font défaut.

VI. C’est donc à une époque postérieure à la ruine de Jérusalem que la limite initiale de la Pâque a été fixée chez les Juifs au 18 mars ou 5 jours avant l’équinoxe, et la limite finale au 16 avril (voir le § suivant).

Ces dernières limites semblent en effet bien difficiles à concilier avec le fait suivant que nous lisons dans le livre de Josué (V, 11) :

Les enfants d’Israël s’arrêtèrent à Galgala, dans les plaines de Jéricho, et ils y firent la Pâque le 14 du mois, vers le soir. Ils y mangèrent les pains azymes et des gâteaux faits de farine de la même année.

Or, si la limite finale de la Pâque eût été figée alors moins d’un mois après l’équinoxe, il est assez invraisemblable que le blé de l’année ait pu être alors réduit en farine. Les limites du 2 avril au 2 mai s’accordent mieux avec le fait mentionné ici.

VII. La période calippique. Le calendrier hébraïque, pendant les quatre siècles qui ont précédé la ruine de Jérusalem, s’est trouvé, suivant toute vraisemblance, constitué selon les régies de la période luni-solaire de Calippe.

Voici quelles étaient ces règles :

La période calippique comprend 76 années juliennes complètes, formant ainsi 4 cycles de 19 ans, ou 940 mois lunaires.

La moyenne des mois est supposée de 29j. 12h. 44’ 26’’ ;

Et la moyenne des années de 365 jours 6 h.

La première année de la première période commence en l’an 330 avant l’ère chrétienne ;

Le 31 mars (1er Nisan) pour les Chaldéens ;

Le 28 juin (1er Hécatombéon) pour les Grecs ;

Et le 24 septembre, 1er Dius, pour les Syriens, ou 1er Thisri pour les Juifs.

La première année étant composée seulement de 12 mois lunaires, ou de 354 jours, il en résulte que la seconde année commence le 20 mars (329, E. C.) pour les Chaldéens, etc., c’est-à-dire 11 jours avant l’anniversaire de la première.

Cette seconde année est embolismique, et il en est de même pour toutes celles dont le commencement remonte avant l’anniversaire initial de la première, c’est-à-dire avant le 31 mars pour les Chaldéens, le 28 juin pour les Grecs, le 24 septembre pour les Syriens.

Telle est la règle pour distinguer, dans la période, les années embolismiques des années communes.

Les années embolismiques se trouvent être ainsi les 2e, 4e, 7e, 10e, 12e, 15e, 18e pour le premier cycle de 19 ans, et ainsi de suite pour les trois autres cycles de la période[39]. Cet ordre est certain pour les trois quarts des années et très probable pour les autres.

VIII. Réforme d’Hipparque. Vers l’an 146 avant l’ère chrétienne, Hipparque observa que les mois lunaires de Calippe retardaient d’un jour sur les lunaisons astronomiques, et la suppression de ce jour fut l’objet d’une nouvelle et dernière réforme dans le calendrier luni-solaire. Ainsi, avant la réforme d’Hipparque, le premier jour des périodes calippiques commençait le 28 juin, au coucher du soleil ; après cette réforme, il dut commencer la veille du 28 juin, au même instant physique[40], et toutes les dates luni-solaires qui suivirent se trouvèrent ainsi avancées d’un jour.

Nous n’entrons pas ici dans le détail de la distribution des mois de 29 jours et de 30 jours. Nous renvoyons, sur ce sujet, le lecteur désireux de s’instruire, aux explications données par M. Biot, dans l’ouvrage déjà cité.

Il est très probable que cette distribution n’était pas la même partout. Cependant celle que propose M. Biot, pour le calendrier grec, s’accorde avec celle qui résulte de l’examen des dates hébraïques citées plus haut.

 

§ IV — Variation du calendrier hébraïque et réforme d’Hillel.

I. Un des faits les plus remarquables dans l’histoire des Juifs, c’est la variation des limites pascales, pendant les trois siècles qui suivirent la ruine de Jérusalem.

Nous n’avons presque aucune donnée sur cette variation jusqu’au quatrième siècle, où les Juifs talmudistes nous apparaissent avec un nouveau calendrier, le calendrier réformé par Hillel.

Avant la ruine de Jérusalem, la limite initiale de la Pâque était le 2 avril, et, après Hillel, au quatrième siècle de notre ère, cette limite se trouve avoir remonté au 18 mars.

II. Ce dernier fait résulte à la fois des éléments du calendrier d’Hillel, et de plusieurs données historiques incontestables : les chrétiens du quatrième siècle reprochent fréquemment aux Juifs de célébrer la Pâque avant l’équinoxe du printemps alors fixé au 21 mars : suivant saint Épiphane, les Juifs faisaient souvent (πολλάκις) la Pâque à la même époque que les chrétiens, mais aussi parfois (πάλιν) un mois auparavant, et, dans ce dernier cas, ils la célébraient avant l’équinoxe du 21 mars. Saint Ambroise nous apprend qu’en l’an 387, E. C., les Juifs ont fait la Pâque avant le 20 mars, et les chrétiens, au contraire, le 25 avril. D’autres témoignages confirment tous ces faits[41].

III. Quelles ont été la causé, l’origine et l’histoire de cette variation ? Il est difficile de le dire aujourd’hui : voici toutefois l’explication qui parait la plus probable, d’après les documents un peu vagues de l’histoire.

Un siècle avant la ruine de Jérusalem, les Grecs et tous les autres peuples de l’Orient avaient abandonné l’usage du calendrier luni-solaire pour adopter le calendrier julien. Les Juifs seuls avaient conservé l’ancien calendrier luni-solaire, et leurs prêtres étaient chargés de rappeler chaque année au peuple le cours des mois et des années conformément aux règles antiques. Les Apôtres eux-mêmes avaient ordonné aux premiers chrétiens de suivre, sur ce point, l’usage des Juifs[42]. Mais le collège des prêtres de Jérusalem périt avec le temple, et il fut même interdit aux débris de la nation de se réunir dans la ville sainte. Dés lors plus de centre de réunion, plus d’indication officielle pour la célébration des fêtes ou pour la confection du calendrier. Dans un tel état de choses, l’ancienne distribution des années embolismiques cessa d’être régulièrement observée, et les Juifs, comme les chrétiens, se contentèrent de suivre la règle générale qui plaçait la limite initiale de la Pâque à l’équinoxe du printemps. Le 25 mars limita la Pâque pendant quelque temps, mais en s’aperçut .bientôt que l’équinoxe réel arrivait quelques jours avant le 25 mars, et, vers l’an 196, E. C., le concile de Césarée en Palestine fit remonter la limite initiale de la Pâque au 22 mars[43]. D’autres la firent ensuite remonter au 21 et même au 18 mars[44] ; mais, en l’an 325, le concile de Nicée la fixa définitivement au 21 mars pour les chrétiens, et l’on reprit alors l’usage du cycle de 19 ans pour marquer le retour de cette fête.

IV. Au milieu de toutes ces variations, quelques mathématiciens avaient imaginé une autre période luni-solaire composée de 84 années juliennes, et après laquelle ils croyaient pouvoir de nouveau rapporter les néoménies aux mômes jours de la semaine et aux mêmes jours de l’année julienne. La période de 84 ans aurait eu ainsi tous les avantages du grand cycle de 147 ans inventé par Gamaliel ; mais elle n’en avait point la justesse et l’usage de la période de 84 ans dut nécessairement devenir impossible après un intervalle d’un ou deux siècles[45].

V. Tous ces errements ne furent pas sans provoquer de graves controverses, chez les Juifs comme chez les chrétiens. Les plus savants astronomes furent consultés ; la patrologie chrétienne nous a conservé plusieurs documents relatifs à cette grande discussion et l’histoire des Juifs mentionne des discussions semblables. Rabbi Samuel, dit Jarchi ou le lunaire, voulait rétablir l’ancien cycle de dix-neuf ans en donnant à l’année une moyenne de 365 jours et 6 heures. Rabbi Adda trouvait cette durée trop forte. Pour résoudre cette question et toutes celles qui s’y rattachaient, le patriarche Hillel convoqua à Tibériade une assemblée générale de tous les rabbins de l’époque (366, E. C.). C’était un simulacre du concile de Nicée tenu 35 ans auparavant, et cette assemblée se rendit à jamais célèbre par l’établissement du calendrier des Juifs modernes.

VI. La comparaison du nouveau calendrier avec l’ancien, et de plus l’expérience des siècles nous permettent d’apprécier aujourd’hui cette œuvre à sa juste valeur.

La règle d’Adu, dit Ideler, existait depuis longtemps et Hillel la conserva. La pratique de cette règle est le seul reproche que l’on puisse adresser au nouveau calendrier, sous le rapport de l’exactitude. Mais la règle d’Adu existait depuis longtemps dans la secte pharisienne, et son usage devait être au moins facultatif pour le reste du peuple. L’attachement des Pharisiens à leurs anciennes traditions, nous explique suffisamment la conservation de cette règle.

Si la règle d’Adu est antérieure à la réforme d’Hillel, au contraire l’usage de compter les années depuis la création du monde ne parait pas remonter jusqu’à lui, car cet usage n’a guère été suivi par les Juifs qu’à partir du onzième siècle de l’ère chrétienne. Hillel constitua le cycle, l’année et le mois suivant les éléments astronomiques donnés par Ptolémée dans l’Almageste, et à l’aide du calcul, les rabbins ont dans la suite fait remonter Ies cycles d’Hillel jusqu’à la création du monde.

VII. L’assemblée de Tibériade ayant eu lieu en l’an 360, elle choisit pour origine du cycle courant la néoménie arrivée le mardi 24 septembre de l’an 344, E. C., à 4 h. 204 chelakim[46]. Ce choix était conforme aux anciennes règles, suivant lesquelles la première néoménie du cycle devait toujours coïncider avec l’équinoxe d’automne, fixé au 24 septembre julien. Le même jour fut aussi choisi comme date de la tékuphat d’automne[47].

La grande et peut-être l’unique différence, entre le nouveau et l’ancien calendrier, consiste dans la distribution des années embolismiques dans le cycle : l’ancienne distribution avait pour effet de maintenir la limite pascale au 2 avril ; Hillel trouva sans doute que de son temps cette limite s’éloignait trop de l’équinoxe du printemps, et, en modifiant le rang des années embolismiques de son cycle, il la fit remonter au 18 mars julien[48].

La durée moyenne des années luni-solaires fut fixée à 365 jours 5 h. 55’’ ; la durée moyenne des mois à 29 jours 12 h. 44’ 3’’ 20’’’. Or cette moyenne est mathématiquement égale à celle des lunaisons astronomiques au troisième siècle de notre ère ; mais par suite de l’accélération séculaire du mouvement de la lune, le mois hébraïque est maintenant plus long de 55 centièmes de seconde que la lunaison réelle.

VIII. L’exactitude remarquable de tous ces éléments nous prouve, à n’en pas douter, qu’il y avait alors, parmi les Juifs, d’habiles astronomes, et nous croyons qu’il en avait toujours été ainsi dès la plus haute antiquité. Les prêtres juifs contemporains de Jésus-Christ devaient avoir conservé les vieilles traditions des astronomes de la tribu d’Issachar. C’est un prêtre juif du premier siècle de notre ère, l’historien Josèphe, qui, en citant la période de 600 ans, a révélé la science astronomique des anciens patriarches. Babylone et Alexandrie, ces deux grandes écoles de l’astronomie antique, comptaient un grand nombre de Juifs parmi leurs habitants et parmi les savants qui faisaient leur gloire[49]. C’est un contemporain de Jésus-Christ, le juif Gamaliel, qui a inventé le grand cycle de 247 ans, le plus satisfaisant qui ait jamais été proposé. Le disciple de ce même Gamaliel, le célèbre apôtre saint Paul, avait étudié le livre des Phénomènes d’Aratus, l’ouvrage le plus célèbre que nous aient laissé sur l’astronomie les Grecs antérieurs à Jésus-Christ, et l’apôtre possédait assez cet ouvrage pour en extraire le passage qu’il citait aux Athéniens : Et nous-mêmes nous sommes d’une origine divine. (Actes, XVII, 28 ; Phénomènes, au commencement.)

La ruine de Jérusalem, sous Vespasien, interrompit la chaîne grandiose de cette science traditionnelle qui, sauvée des eaux du déluge et des flots de la mer Rouge, avait échappé jusque-là aux tempêtes des révolutions humaines. Mais cette interruption n’est pas de longue durée. Les astronomes juifs reparaissent bientôt, et ils nous laissent une preuve de leur science dans la réforme de leur calendrier. Plus tard, au moyen âge, ce seront des Juifs qui apprendront aux chrétiens cette science des astres depuis longtemps oubliée, et, au milieu du treizième siècle, les astronomes juifs de Tolède, en Espagne, composeront les tables Alphonsines, si célèbres dans l’histoire de l’astronomie moderne.

Dispersés au milieu des nations, les Juifs ont gardé leur calendrier et leur Bible ; et ces deux monuments sont devant nous, pour nous prouver que ce peuple a possédé les principes de la science, avec les vérités de la révélation.

 

 

 



[1] Voir Scaliger, De Emendar. Temp., l. III, IV, V et VI ; Petau, Doctrina temp., l. II, c. 24-34 ; Ideler, Handbuch der mathem. und t. chronologie, t. I, p. 510 et suiv. ; Munk, La Palestine, p. 184 et suiv. ; Prideaux, Hist. des Juifs, préface, p. 48, 60 ; t. III, p. 205, et t. IV, p. 294, 300 ; Patrizzi, De Evang., l. III, Diss. XIX, 5, et Diss. LII.

[2] Oculis igitur ad neomenias definiendas, proinde non cyclis opus erat eut esse poterat. Patrizzi, De Evang., l. III, diss. LII, 7.

Voir aussi Petau, Doct. temp., l. II, c. 24-34 ; Ideler, t. I, p. 512-513 ; Munk, Palestine, p. 184, et, parmi nos notes justificatives, le numéro 17.

[3] Dixit quoque Dominus ad Moysen et Aaron lin terra Ægypti : Mensis iste vobis principium mensium ; primus exit in mensibus anni (Exode, XII, 1-2).

Observa mensem novarum fugrum et verni temporis ut facias Phase Domino Deo tuo ; quoniam in lato mense eduxit te Dominus Deus tuus de Ægypto, nocte (Deutéronome, XVI, 1), etc.

[4] Les astronomes chaldéens connaissaient assez le cours du soleil et de la lune pour prédire à l’avance les éclipses de lune (voir Bailly, Hist. de l’Astr., t. I, p. 381) ; et ce qui prouve bien la réalité de leur science sur ce point, c’est qu’ils reconnaissaient eux-mêmes que les éclipses de soleil étaient beaucoup plus difficiles à calculer, et qu’ils n’avaient encore pu les prévoir aussi bien que les premières.

Si la science des astronomes chaldéens était aussi avancée (et il est impossible d’en douter d’après le témoignage des auteurs les plus compétents, Hipparque, Ptolémée, Strabon et autres), on conçoit dès lors que les périodes luni-solaires des Grecs, les cycles de 18 ans ou de 46 ans aient été dédaignés par eux ou laissés au vulgaire, et qu’ils aient adopté des périodes beaucoup plus longues, telles que celle de 600 ans dont parle Josèphe (Antiq., I, 3), ou d’autres au moins aussi exactes.

[5] Voir Bailly, Hist. de l’Astron., t. I, p. 129 et suiv.

C’est une grande erreur de croire que les Hébreux sont restés étrangers à la civilisation des Chaldéens et des Égyptiens. Les relations entre ces deux peuples ont été fréquentes dès la plus haute antiquité et les Hébreux se trouvaient sur le chemin qui menait de Babylone à Memphis. Abraham et Jacob habitèrent successivement la Chaldée et l’Égypte. Un grand nombre de leurs descendants parcoururent aussi ces deux pays. Moise était instruit dans toutes les sciences des Égyptiens ; Daniel et plusieurs autres Juifs égalaient ou surpassaient en érudition les mages chaldéens qui passent pour avoir été les plus habiles astronomes de l’antiquité. Ces derniers avaient même des relations scientifiques avec les Juifs de Jérusalem : lorsque l’ombre recula miraculeusement sur le cadran d’Ézéchias, les princes de la Chaldée envoyèrent une députation à Jérusalem pour s’informer des circonstances de ce fait (Paralip., II, XXXII, 31).

[6] Jérémie, XXVIII, 3 et 11 ; Macabées, I, lib. I, 30.

[7] Voir à l’article II, le calendrier des Talmudistes.

[8] Les Caraïtes du Caire et de Jérusalem suivent le calendrier luni-solaire comme les Talmudistes, sauf qu’ils déterminent le commencement de chaque mois après l’apparition de la première phase et non d’après le calcul ou les cycles (Munk, Palestine, p. 184).

[9] Les Samaritains déterminent les néoménies d’après le calcul et non pas d’après l’observation ; en cela ils s’accordent avec les Juifs (Talmudistes) mais ils ne paraissent pas admettre les exceptions adoptées depuis l’établissement des fêtes (voir article II) de sorte que les fêtes samaritaines ne peuvent concorder avec celles des Juifs (Bible de Cahen, t. V, p. 42).

Dans une lettre adressée par les samaritains à IL de Sacy, on lit que Ica Samaritains possèdent un calcul d’après lequel ils règlent les néoménies et les tètes ; ce calcul est contenu dans un manuscrit attribué à Phinées. Tous les six mois ils en tirent des règles qui déterminent les fêtes. On voit que c’est une espèce de calendrier perpétuel (Ibid., p 47).

Le grand pontife des Samaritains égorge l’agneau pascal sur le sommet du Garizim et on va en pèlerinage sur la montagne. Depuis quelques années, la cérémonie du sacrifice se pratique dans l’intérieur de Naplouse ; c’est le seul sacrifice conservé par les samaritains, les autres sont remplacés, comme chez les Juifs, par des prières (Ibid., p. 42).

[10] Voir surtout Deutéronome, XVI, integr. Nombres, X, 10, etc.

Buccinate in neomenia tuba, in insigni die solemnitatis vestræ, quia præceptum in Israël est (Psalm. 80, v. 3).

L’auteur de l’Ecclésiastique dit, en parlant du cours de la lune : La lune marque les temps ; c’est la lune qui fixe les jours de fêtes ; c’est elle qui a donné son nom au mois (Ecclés., XLIII, 7-8).

[11] Voici l’hébreu à la lettre : Et ceux d’Issachar connaissaient la science dans les temps pour savoir ce que devrait faire Israël, et tous leurs frères suivaient leurs décisions (Paralip., I, XII, 32).

Suivant le paraphraste chaldéen et l’auteur de la tradition hébraïque touchant le livre des Paralipomènes, les Hébreux expliquaient ainsi ce passage : Ceux d’Issachar étaient habiles dans les supputations, pour marquer exactement les jours de fête dont la célébration dépendait d’un calcul exact du cours de la lune. (Extrait du Commentaire de dom Calmet, t. III, p. 58.)

[12] Georges le Syncelle nous apprend que Bérose et Abydène, historiens chaldéens, faisaient mention de la période de 600 ans sous le nom de Néros (voir Mémoires de l’Acad. des sciences, t. VIII, p. 6, et Bailly, Hist. de l’Astronomie, t. I, p. 309).

Hipparque, le plus célèbre des anciens astronomes, a dû connaître aussi cette période, et, d’après le témoignage de Pline, il l’aurait employée dans ses tables astronomiques :

Hipparque, dit Pline (II, 12), a prédit pour 600 ans le cours des deux astres (le soleil et la lune) ; il a marqué les mois, les jours et les heures ainsi que les lieux où, l’on pourrait observer les phénomènes ; il a pris les siècles à témoin ; il a parlé en interprète et en confident de la nature.

Nous observerons toutefois que les traditions anciennes s’accordent à faire les mois et les années un peu plus longs que ne les suppose ici Cassini, et nous croyons être plus proche de la vérité en donnant à la grande année une durée de 219,147 jours entiers.

[13] Il est dit dans le livre de Judith que cette sainte veuve jeûnait tous les jours, excepté les sabbats, les veilles des néoménies et les néoménies. La Vulgate dit seulement : præter neomenias, mais le texte grec indique formellement les veilles des néoménies. Or, pour connaître quel jour tombait la veille d’une néoménie, il fallait nécessairement s’en rapporter au calcul et non à l’observation.

[14] Les preuves de cette identité des deux calendriers remplissent les livres sacrés écrits à cette époque : les livres d’Esdras, des prophètes Ézéchiel, Baruch, etc. Voir notamment Esther, II, 16 ; III, 7, 12, 13 ; VIII, 9, 12 ; IX, 1, 15, 17, 18, 19, 21 ; X, 13 ; XI, 2, et XIII, 6.

[15] Voir Scriptura sacra cursus, édit. Migne, t. XXVII, col. 1401.

[16] La période de Calippe commence en l’an 330 avant l’ère chrétienne, et l’ère chaldéenne des Séleucides commence 19 ans plus tard, en l’an 311.

La coïncidence de cette ère avec la première année d’un cycle lunisolaire de Calippe semble indiquer que cet astronome, en réformant le cycle grec de Méton, n’a fait autre chose que de mettre les cycles grecs en parfait accord avec les cycles chaldéens.

La réforme de Calippe aurait ainsi eu pour effet de faire concorder les années des Grecs avec celles des Chaldéens et des Juifs, ces deux peuples ayant le même calendrier.

[17] Voir Nicolas Muler, Judœorum annus lunæ-solaris (1680), p. 8. Nous n’avons pu retrouver dans les Tables de Ptolémée le passage cité ici par Muler.

[18] La même chose eut lieu lorsque ces peuples adoptèrent plus tard le calendrier julien de Rome : ils continuèrent de commencer l’année suivant leur ancien usage, et même Ils donnèrent aux mois juliens les noms des mois de leur ancien calendrier.

[19] Par un effet de ces variantes, le mois syrien de Xanthique qui, au temps des Romains, correspondait au mois d’avril, n’a pas toujours ni partout occupé le même rang dans l’année : on voit en effet, par un passage de Ptolémée (l. XI, 7), que le 1er Xanthique avait dû coïncider avec le 21 février en l’an 82 de l’ère des Séleucides. Le second livre des Macchabées (XI, 33) cite une date qui montre pareillement que ce mois était, non pas le premier, mais l’un des derniers dans l’année chaldéenne.

Enfin les rois de Syrie ne dataient point leurs lettres suivant un calendrier uniforme, et l’on trouve dans le second livre des Macchabées (XI, 21) et dans Josèphe (Antiq., XII, 7) des noms de mois empruntés à différente calendriers.

[20] Voir Notes justificatives, n° 11.

[21] Josèphe, Antiq., XII, 16. — Voir Notes justificatives, n° 12.

[22] Voir Josèphe, Guerre, VI, 31, — et Notes justificatives, n° 13.

[23] Voir Josèphe, Guerre, II, 31. — Notes justificatives, n° 14.

[24] Voir Josèphe, Guerre, II, 40. — Notes justificatives, n° 15.

[25] Voir Josèphe, Guerre, V, 11. — Notes justificatives, n° 16.

[26] Nous avions cru trouver une nouvelle donnée dans la date de la prise de Jérusalem par Pompée le 22 sept, de l’an 4651, P. J. Josèphe indique en effet que cet événement arriva le Jour du grand jeûne (10 Thisri), et Dion Cassius dit de son coté que ce fut un jour de sabbat. Mais l’indication donnée ici par Dion Cassius n’est pas exacte ; cet écrivain rapporte au jour du sabbat toutes les prises de Jérusalem, et ici il confond le repos du 10 Thisri avec le repos sabbatique ordinaire. Le 10 Thisri fut un lundi en l’an 4651. Voir Patrizzi, De Evang., l. III, diss. XXXV, c. 2.

[27] Voir la troisième partie des Études chronologiques pour d’histoire de Jésus-Christ.

[28] Nous avons calculé les néoménies moyennes et leurs néoménies vraies d’après les tables de Largeteau qui se trouvent insérées dans le 22e volume des Mémoires de l’Académie des Sciences (année 1850).

D’après ces tables, à l’époque de la néoménie moyenne, la quantité représentée par a est toujours égale à 9.700. On a en effet, pour l’époque de la néoménie réelle : a minimum = 9.434, et a maximum 9.888 ; donc : a medium = 9.700 (équation séculaire comprise).

[29] L’astronome Helvétius, cité par Lalande (Astron., t. II, p. 145), dit qu’il n’a jamais observé la lune plus tôt que 40 heures après sa conjonction, ou plus tard que 27 heures avant (Selenol., p. 276, 408). Il ajoute cependant qu’en réunissant toutes les circonstances les plus favorables, on pourrait voir la lune 24 heures après sa conjonction. Mais, dit Lalande, cet assemblage de circonstances est rare.

De plus, 24 heures après la conjonction réelle, il faut, pour distinguer la phase, un ciel pur, un œil excellent et une observation délicate ; car la lune suit alors le soleil à une distance de 13 degrés, et le fil du croissant se trouve facilement éclipsé dans les lueurs du crépuscule.

[30] Voir notes justificatives, n° 17.

[31] Voir Notes justificatives, n° 18.

[32] En l’an 4 avant l’ère chrétienne, l’année qui vit mourir le roi Hérode, la pleine lune du 12 mars fut signalée par une éclipse que Josèphe place avant la Pâque. Cette fête arriva donc au plus tôt à la pleine lune suivante, 10 avril. Mais il n’y a pas de donnée positive pour la fixer à la pleine lune du mois suivant, comme le voudrait Fréret.

[33] Voir Notes justificatives, n° 20.

[34] Voir Notes justificatives, n° 21.

[35] Voir Notes justificatives, n° 19.

[36] Voir Notes justificatives, n° 14 et 15.

[37] Voir, dans les Mémoires de d’Académie des sciences, t. XXII, année 1850, p. 379-454, la restitution du calendrier luni-solaire des Grecs suivant les règles de Calippe, et le tableau de cette restitution, ibid., p. 447.

[38] Mémoires de d’Académie des sciences, t. XXII, année 1850, p. 448.

[39] Voir Notes justificatives, n° 22.

[40] M. Biot donne les dates initiales de toutes les années de la première période, en faisant commencer le jour civil au soir de la date indiquée. Nous donnons les mêmes dates (sauf quatre rectifications) ; mais, pour tenir compte de la réforme d’Hipparque, opérée avant le siècle de Jésus-Christ, nous faisons commencer le jour civil la veille au soir. Ce dernier mode est conforme à l’usage des Juifs modernes.

[41] Voir Épiphane, Hœres., LXX, $ 11. — Ambros., Epist. ad episcop. per Æmiliam, n° 15. — Constantini, M. Epist. de synodo Nicœna. — Apud Eusebium, De vita Constantini, III, 11. — Theophil. Alex., Prolog. Pasch., § 2. — Proter Alex., Epist. ad Leon. M., § 7.

[42] Les Apôtres donnent la règle suivante parmi leurs Constitutions :

Ne vous mettez point en peine de supputer les temps ; mais célébrez la fête suivant l’usage de vos frères de la circoncision (les Juifs) qui sont convertis à la foi ; célébrez la Pâque avec eux. (Constitutions Apostoliques, citées par saint Épiphane, Hœres, LXX, 10.)

Ce passage des Constitutions ne se retrouve plus dans le texte que nous possédons aujourd’hui ; mais il est certain que l’usage des premiers chrétiens a été tel que ce passage l’indique.

[43] Les évêques du concile de Césarée déclarent que les trente jours qui séparent le 25 mars du 25 mai étaient consacrés pour la célébration de la Pâque ; mais sur une observation de l’évêque Théophile, ils consentent à faire remonter la limite pascale au 22 mars (voir la lettre de Théophile, inter opera venerab. Bedœ, t. I, col. 607, édit. Migne).

[44] Le cycle de saint Hippolyte, composé vers l’an 222, E. C., fait remonter la limite pascale au 19 mars. La Pâque des Juifs peut ainsi tomber le 19 mars et la fête de Pâques des chrétiens le dimanche suivant. Les Juifs adoptèrent en effet cette limite au quatrième siècle de notre ère (voir plus loin, et aux notes justificatives, n° 23).

[45] Une période de 84 années juliennes contient 30.641 jours, tandis que 1.039 lunaisons exigent un intervalle de 30.642 jours 12 h. 1/2.

Le cardinal Noris a publié ce cycle luni-solaire d’après un ancien manuscrit et la plus simple vérification montre que ce cycle n’a pu être suivi qu’au quatrième et au cinquième siècle de notre ère. Le cycle fait coïncider sa première néoménie avec le 1er janvier, mais en l’an 46, E. C., premier du cycle, la néoménie tombe trois jours avant le premier janvier ; en l’an 298, l’écart n’est plus que de 21 heures, et 84 ans plus tard, en l’an 382, la néoménie tombe, en effet, le 1er janvier à 10 h. 5’ du matin (mérid. de Paris). Ce cycle place la limite pascale au 18 mars.

Voir Noris, Epochœ Syro-Macedonum, p. 450. Vair aussi saint Épiphane, Hœres, LXX, 10 et 11, et saint Cyrille, Prolog, pasch., 1 et 2.

[46] Les 4 h. 204 chelakim équivalent à 4 h. 11 minutes 20 secondes.

La néoménie moyenne est en effet arrivée ce même jour (24 sept.) à 4 h. 15’ au méridien de Babylone, et à 3 h. 41’ au méridien de Jérusalem. On voit par cette comparaison des dates que les néoménies d’Hillel ont été calculées avec une exactitude remarquable.

[47] Hillel passe pour avoir changé les tékuphat ou les époques officielles des saisons ; il accepta simplement les époques vulgaires de son temps et il rapporta les tékuphat au 25 mars, 25 juin, 24 septembre et 24 décembre. Les tékuphat Juives arrivent encore aujourd’hui aux mêmes dates dans le calendrier Julien, mais douze jours plus tard dans le calendrier grégorien.

Avant Hillel, les anciennes tékuphat tombaient le 7 avril, le 8 juillet, le 7 octobre et le 6 janvier (Scaliger, De emendat. temporum). Ces dernières tékuphat paraissent remonter jusqu’à Moïse.

[48] Voir, pour la limite pascale du 18 mars, le n° 23 des Notes justificatives. Le mouvement de l’année hébraïque a eu pour effet de faire remonter actuellement cette limite pascale au 15 mars Julien on au 27 mars grégorien.

Les années embolismiques, dans l’ancien cycle, occupaient le rang suivant : 2, 4, 7, 10, 12, 15 et 18 ; les embolismiques du cycle d’Hillel sont, au contraire, les 3e, 6e, 8e, 11e, 14e, 17e et 19e. L’origine des cycles étant fixée au même jour, 24 septembre, le simple dérangement des années embolismiques a introduit une différence de 15 jours entre la limite pascale de l’ancien calendrier et celle du nouveau.

[49] Saint Épiphane atteste que, de son temps, les Pharisiens excellaient dans la connaissance de l’astronomie et même de l’astrologie ; il cite une partie de la nomenclature de ces sciences dans la langue hébraïque, et, quant au reste, il avoue lui-même qu’il y avait des choses très difficiles à comprendre, et qu’il ne pouvait expliquer (Hœres., XVI, p. 33).