ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

NOTES JUSTIFICATIVES.

 

 

N° 1.

La date de l’exil d’Hérode le tétrarque.

L’empereur Caïus Caligula a séjourné dans les Gaules depuis le mois de septembre de l’an 39 jusqu’au mois d’août de l’an 44, et c’est après son retour en Italie qu’il exila le tétrarque Hérode Antipas, lequel était alors dans la quarante-quatrième année de son principat.

Tillemont et, après lui, la plupart des historiens placent l’exil d’Antipas avant le séjour de Caligula dans les Gaules, c’est-à-dire avant le mois de septembre de l’an 39. Mais la comparaison des récits de Josèphe et de Philon cous a déterminé à abandonner sur ce point le sentiment dit le savant critique.

Voici, en effet, ce qui ressort du récit de ces historiens : Le roi Agrippa quitta Rome en l’an 38, dans le courant du mois d’août, pour aller en Palestine prendre possession du petit royaume qu’il venait de recevoir. Il était dans ses États lorsque le tétrarque Antipas s’en alla trouver l’empereur {palus à Baies, en Campanie. Agrippa l’y suivit bientôt, et l’empereur, ayant exilé Antipas, donna sa tétrarchie à Agrippa.

Josèphe raconte ces faits en deux endroits différents de ses ouvrages (Antiq., XVIII, 9 ; XIX, 7 ; Guerre, II, 16) ; il ne sépare jamais l’exil d’Antipas de la donation de ses États à Agrippa, et, comme il place cette donation en l’an 4 du règne d’Agrippa, il faut nécessairement qu’elle ait eu lieu après le retour de l’empereur Caïus en Italie, vers la fin de septembre, en l’an 40, E. C. Caïus était alors à Baies, comme on le voit par Philon (Legat. Ad Caium).

L’erreur des chronologistes, au sujet de l’exil d’Antipas, vient d’une fausse interprétation d’un texte de Dion Cassius (LIX, p. 658). Cet historien dit que le bruit courait parmi les Romains que les rois Antiochus et Agrippa étaient avec l’empereur Caïus pour lui inspirer les mesures les plus tyranniques, et ce passage, plate au milieu de l’expédition de Caïus dans les Gaules, a fait croire que le voyage d’Agrippa à Baïes, ainsi que l’exil d’Antipas, avaient en lieu auparavant. Aussi Fréret, qui traite ce sujet dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions (t. XXI, p. 295 et suiv.), est obligé de violenter le Talmud et le calendrier hébraïque, pour leur faire expliquer la quarante-quatrième année d’Antipas marquée sur les médailles.

Mais cette date est bien explicable, puisque Antipas régnait encore en la quarante-quatrième année après la mort de son père Hérode Ier. Quant au passage de Dion Cassius, il doit s’appliquer à tout le règne de Caïus, comme on le voit par le contexte, et les récits de Josèphe et de Philon prouvent suffisamment qu’Agrippa n’a jamais été dans les Gaules à cette époque.

 

N° 2.

L’inscription de Tivoli rapportée à Quirinius.

Cette inscription a été découverte en 1784 à Tivoli, hors de la porte Romaine, elle est aujourd’hui dans le musée de Latran, et Henzen l’a reproduite dans son supplément au recueil d’Orelli, sous le numéro 5366.

Sanclemente et le P. Patrizzi la citent pour établir une double mission de Quirinius en Syrie, et prouver ainsi que ce magistrat a dû occuper cette province à l’époque de la naissance du Sauveur.

Voici cette inscription dans son état de mutilation :

Le nom du personnage fait défaut ; mais les fonctions que l’inscription lui attribue sont telles qu’il parait assez facile de suppléer ce nom.

En effet, ce personnage a fait une guerre heureuse et soumis une nation ; le Sénat lui a accordé peur ses exploits, deux supplications et le triomphe ; le même personnage a été proconsul d’Asie, sous Auguste, et deux fois légat de Syrie ; enfin le titre de divus, donné à l’empereur Auguste dans l’inscription, indiquerait que l’inscription aurait été gravée après la mort de ce prince, et par conséquent que le personnage en question aurait lui-même survécu à Auguste.

Or, parmi tous les légats de Syrie, Quirinius seul a tout à la fois soumis le peuple des Homonades, reçu plusieurs délégations de pouvoirs sur les provinces d’Orient, et survécu à l’empereur Auguste.

Mais on peut objecter que le personnage a bien pu mourir avant l’empereur, et l’inscription être ensuite gravée après la mort de l’un et de l’autre : cette hypothèse permettrait alors de reconnaître dans ce personnage le célèbre Agrippa qui, aussi bien que Quirinius, a parfaitement rempli toutes les fonctions indiquées par l’inscription.

Cette dernière hypothèse est toutefois peu vraisemblable, aussi l’inscription est généralement attribuée à Quirinius, et citée pour confirmer la double mission de ce magistrat en Syrie.

Voici les restitutions que M. Mommsen, de Berlin, propose pour le texte entier de ce document (Res gestæ divi Augusti, p. 117).

 

N° 3.

L’inscription de Venise relative au recensement de Quirinius.

(Voir Orelli, Inscript. latin. N° 623, et le supplément de Henzen à ce numéro.)

D’après cette inscription, Quintus Æmilius, officier légionnaire agissant sous les ordres de Quirinus, en Syrie, a reçu des distinctions honorifiques et fait le recensement de la ville d’Apamée, où il a trouva 117.000 citoyens. Le même, sur l’ordre de Quirinus, a pris un fort sur les Ituréens du mont Liban, etc.

On a objecté contre cette inscription qu’elle porte Quirinus, et non Quirinius. La suppression de l’i est toute naturelle dans le génitif Quirini ; elle l’est moins dans l’ablatif Quirino ; mais on en trouve des exemples — voir notamment une autre inscription relative au même Quirinius et où Valgo se trouve mis pour Valgio, (Henzen, n° 7041, p. 416). On doit aussi observer que l’appellation de Quirinus était vulgaire à Rome, et celle de Cyrinus (nom dérivé de Cyrus) pareillement vulgaire en Asie. La plupart des éditions de Tacite portent même Quirinus au lieu de Quirinius.

On objecte encore que la charge de trésorier, donnée à Quintus Æmilius par les consuls, est un anachronisme sous l’empire d’Auguste. Mais les consuls avaient-ils perdu dès lors toute autorité ? Ils étaient toujours les présidents officiels du sénat, et le Sénat avait conservé le gouvernement de la moitié de l’empire.

Nous croyons, en somme, que les objections faites contre cette inscription ne sont pas des preuves péremptoires contre son authenticité ; et, dans tous Les cas, quel but aurait eu le faussaire ? Le but de prouver que Quirinius a fait un recensement en Syrie ? Mais qui en doute ? L’historien Josèphe le dit et l’atteste assez clairement ; toute la question est de savoir s’il en a fait deux, et si le premier a coïncidé avec la naissance du Sauveur avant la mort d’Hérode. Or cette question doit se résoudre par d’autres arguments comme nous l’avons fait.

 

N° 4.

Le témoignage rendu par l’historien Josèphe aux miracles de Jésus-Christ.

Nous avons reproduit ce témoignage remarquable de l’historien Josèphe, parce que l’opinion qui l’admet comme authentique nous parait de beaucoup la plus probable. Eusèbe et une foule d’autres anciens l’ont cité sans jamais soulever le moindre doute contre son authenticité, et il faut aller jusqu’aux protestants du seizième siècle pour trouver la première objection contre ce texte de l’historien juif.

Richard Simon et tous les autours de ces objections nous semblent avoir admis surtout une très fausse idée de Josèphe et des Juifs ses contemporains ; car ils supposent a priori que cet historien devait nécessairement être hostile à la religion chrétienne, et, en conséquente taire ou nier tout ce qui pouvait lui être avantageux, à l’exemple des sectaires modernes ; ils se trompent certainement en pensant ainsi, et Josèphe lui-même nous en donne la preuve, lorsque après avoir raconté la mort de Jacques, frère de Jésus (saint Jacques le Mineur), juridiquement condamné par le grand-prêtre Ananus. Il ajoute : Cette condamnation déplut extrêmement à tous des gens de bien et à tous des observateurs de la loi, et il dit ensuite comment cette indignation alla jusqu’à faire immédiatement destituer le grand-prêtre Ananus, l’ennemi des chrétiens (Antiq., XX, 8).

Il y avait donc alors à Jérusalem un parti puissant et nombreux, composé de chrétiens ou d’hommes dévoués aux chrétiens, et ce parti se composait des meilleurs citoyens de la ville, de l’aveu même du prêtre pharisien Josèphe. Les Actes des Apôtres et les premiers monuments du christianisme nous apprennent, d’autre part, qu’on pouvait être alors chrétien et juif, tout aussi bien qu’on était juif et pharisien. Aux yeux des païens et des juifs, le christianisme ne fut longtemps qu’une des sectes faisant partie intégrante du judaïsme, à tel point qu’à Jérusalem un grand nombre des prêtres du Temple obéissaient à la foi du Christ (Actes, VI, 7). Nous ne voyons plus dès lors pourquoi certains esprits ne peuvent concevoir l’idée que Josèphe ait pu écrire rien de favorable à la personne de Jésus-Christ.

Nous croyons même remarquer, dans les écrits successifs de cet historien, une progression marquée vers le christianisme. Ainsi dans son premier ouvrage, l’Histoire de la guerre des Juifs, il ne dit rien de Jésus-Christ ni des chrétiens, bien qu’il raconte minutieusement l’histoire d’Hérode, de Pilate et des autres contemporains des Apôtres. Mais dans son Histoire des Antiquités judaïques, il parle de la prédication de Jean-Baptiste et de la mort de Jacques, frère de Jésus, avec toute la loyauté désirable : personne n’a jamais élevé le moindre doute sur l’authenticité de ces deux passages de l’historien. Or, si ces passages sont authentiques, ils sont une preuve que Josèphe a dû aussi parler de Jésus-Christ avec la même loyauté. Le paragraphe consacré à Jésus se lie mal avec le contexte du récit. Mais cela ne viendrait-il pas de l’embarras et de l’hésitation de l’historien lui-même, qui tout d’abord aurait omis ce passage pour l’insérer ensuite ? Au reste, cette objection ne peut faire une difficulté sérieuse, puisqu’il serait encore plus difficile de supposer que Josèphe n’aurait point parlé de Jésus-Christ, tandis qu’il aurait fait le plus grand éloge de Jean-Baptiste et de saint Jacques.

 

N° 5.

Les années du règne de Tibère.

Clément d’Alexandrie est le seul auteur allégué, comme ayant compté les années du règne de Tibère depuis l’époque où ce prince fut associé par Auguste au gouvernement des provinces militaires de l’empire (Pagi, Critica ad annales Baronii, anno Chr. 11, p. 8). Dans un endroit de ses écrits (Stromates, I, 7), Clément donne en effet à Tibère un règne de 26 ans 6 mois et 19 jours ; tandis que, depuis la mort d’Auguste (19 août 14, E. C.) à celle de Tibère (16 mars 37), il n’y a qu’un intervalle de 22 ans 6 mois et 26 jours. Voilà, dans toute sa fore, la citation invoquée par Pagi ; ce qui n’empêche point que partout ailleurs, dans ses écrits, Clément ne date les années du règne de Tibère en les comptant seulement depuis le décès d’Auguste. Mais il suffit des considérations suivantes pour montrer que le passage cité par Pagi renferme une erreur évidente.

1° Ce passage est tiré d’un paragraphe où Clément énumère la durée des règnes successifs des empereurs romains depuis César jusqu’à Commode ; la durée du règne de Tibère fait ainsi partie intégrante de la durée totale des 236 ans que l’auteur dit s’être écoulés dans cet intervalle, et, pour obtenir ce total, aucune des années de Tibère n’a pu faire double emploi avec celles que l’auteur attribua au règne d’Auguste, comme il le faudrait dans l’hypothèse de Pagi.

2° La chronologie donnée par Clément dans ce paragraphe contient encore d’autres erreurs qui ôtent le droit de la citer en preuve : ainsi l’empereur Auguste est supposé n’avoir régné que 46 ans depuis la mort de Jules César, tandis qu’il en a régné réellement 67.

3° Dans l’hypothèse même de Pagi, Clément se serait encore trompé en ajoutant 4 années au règne de Tibère, car l’association de ce prince n’a pas eu lieu plus de 3 ans avant le décès d’Auguste.

L’erreur de Clément ne peut donc prouver en rien que les années du règne de Tibère aient jamais été comptés depuis son association au gouvernement des provinces.

Quant aux médailles de Tibère, elles donnent, il est vrai, le nombre des années de la puissance tribunitienne ou le nombre de fois que le prince a été proclamé imperator ; mais jamais elles ne comptent les années de Tibère depuis son association, et ce fait est assez évident pour n’avoir jamais été contesté.

 

N° 6.

Faits évangéliques racontés par saint Luc seul.

Les récits propres à saint Luc seul dans l’histoire évangélique sont les suivants :

La naissance de Jean-Baptiste, celle du Sauveur et son premier voyage pour la Pâque à Jérusalem (I et II integr.) ; la tentative des habitants de Nazareth contre Jésus (IV, 15-30) la pêche miraculeuse (V, 1-11) ; la colère des fils de Zébédée contre les Samaritains et l’hésitation d’un disciple du Sauveur (IX, 51-56 ; 61-62), la mission des soixante-douze disciples, la parabole du bon Samaritain et la discussion entre Marthe et Marie (X), la plus grande partie des discours compris dans les chapitres XI et XII, et généralement tous les faits suivants jusqu’au verset 15 du chapitre XVIII, savoir, le meurtre des Galiléens surpris par Pilate, la parabole du figuier stérile, la guérison de la femme courbée, la guérison d’un hydropique, les paraboles de la brebis perdue, de la dragme retrouvée, de l’enfant prodigue, de l’économe infidèle et du mauvais riche, la guérison des dix lépreux, la parabole du juge inique et celle du pharisien et du publicain. Viennent ensuite la justification de Zachée et les larmes répandues sur Jérusalem (XIX, 1-10, 41-44) ; la discussion des Apôtres sur la primauté, la promesse de l’infaillibilité faite par Jésus à saint Pierre et l’agonie du jardin des Olives (XXII, 24-32 ; 43-44) ; l’interrogatoire de Jésus devant Hérode le tétrarque, les paroles de Jésus aux femmes qui pleuraient sur ses souffrances et la promesse faite au bon larron (XXIII, 4-16, 27-32, 40-43) ; enfin l’apparition de Jésus aux deux disciples allant d Emmaüs racontée au long (XXIV, 13-49).

Nous omettons ici tous les détails secondaires que saint Luc ajoute assez souvent aux récits qui lui sont communs avec saint Matthieu et  saint Marc.

 

N° 7.

Récits communs à saint Matthieu et à saint Luc.

Les récits communs à saint Matthieu et à saint Lut, et qui ne se retrouvent point en saint Marc, ou qui ne s’y retrouvent qu’indiqués sommairement, sont les suivants :

Les prédications de Jean-Baptiste (Matth., III ; Luc, III) ;

La tentation de Jésus dans le désert (Matth., IV, 1-11 ; Luc, IV, 1-12) ;

Le sermon sur la montagne (Matth., V, VI, VII ; Luc, passim;

La guérison du serviteur d’un centurion (Matth., VIII, 5-13 ; Luc, VII, 1-7) ;

La députation envoyée par Jean-Baptiste à Jésus (Matth., XI, 21-26 ; Luc, X, 14-17) ;

Les discours adressés aux pharisiens à propos de la délivrance d’un possédé sourd-muet (Matth., XII, 24-46 ; Luc, XI, 17-32) ;

La parabole du levain qui fermente (Matth., XIII, 33-35 ; Luc, XIII, 9-21) ;

La parabole des invités au festin (Matth., XXII, 1-14 ; Luc, XIV, 16) ;

Les malédictions prononcées contre les pharisiens et les scribes (Matth., XXIII, 12-39 ; Luc, XI, 42-54) ;

Et quelques maximes détachées et éparses dans les deux évangiles.

 

N° 8.

Récits communs aux trois premiers évangélistes.

Nous indiquons ici les rite communs gus trois premiers évangélistes, avec les observations qui s’y rattachent. Ces faits forment la partie la plus importante de l’histoire du Sauveur. Ce sont :

La mission de Jean-Baptiste, le baptême de Jésus et son séjour au désert, l’arrestation de Jean-Baptiste, le retour de Jésus en Galilée.

La vocation des quatre premiers apôtres, les guérisons opérées dans la maison de saint Pierre, la guérison d’un lépreux, la tempête sur le lac, la délivrance du possédé de Gérasa, la guérison d’un paralytique, la vocation de saint Matthieu, la guérison de l’hémorrhoïsse et la résurrection de la fille de Jaïre, l’épisode des épis cueillis, la guérison d’un hydropique, la délivrance d’un démoniaque sourd-muet, la discussion des scribes avec Jésus, l’arrivée des parents du Sauveur, les paraboles sur la semence.

La mort de Jean-Baptiste et la mission des Apôtres, la parole d’Hérode Antipas sur les miracles du Sauveur, la Transfiguration, la délivrance d’un possédé et la prédiction de la Passion.

Le départ de Jésus en Judée, la bénédiction des enfants, la consultation d’un homme riche sur les moyens du salut et le bonheur des pauvres, le voyage à Jérusalem avec la prédiction de la mort imminente du Sauveur, la guérison de l’aveugle de Jéricho, l’entrée triomphale du Sauveur à Jérusalem, les vendeurs chassés du temple et les objections des princes des prêtres contre Jésus, la parabole des vignerons homicides, les demandes insidieuses sur la légitimité du tribut, sur la résurrection, les réponses du Sauveur et son jugement sur la conduite des scribes et des pharisiens, la prédiction de la ruine prochaine de Jérusalem et de la fin du monde.

La trahison de Judas, la dernière Pâque, l’institution de l’Eucharistie, la PASSION, la résurrection, et la mission générale des Apôtres.

 

N° 9.

Dans les récits communs aux trois synoptiques, toutes les fois qu’il existe une différence notable entre le récit de saint Marc et celui de saint Matthieu, le troisième évangéliste saint Luc se range du côté de saint Marc, comme on peut le voir par la comparaison des passages suivants :

 

Matth.

Marc

Luc

Les guérisons opérées chez saint Pierre

VIII, 14-17

I, 29-34

VI, 38-41

La délivrance des possédés de Gésara

VIII, 28-34

II, 2-20

VIII, 27-39

La guérison du paralytique

IX, 2

II, 3-4

VIII, 18-19

La guérison de l’hémorrhoïsse et la résurrection de la fille de Jaïre

IX, 18-26

V, 23-43

VIII, 41-56

La guérison de l’hydropique

XII, 10

III, 2-5

VI, 7-10

La confession de saint Pierre

XVI, 13-20

VIII, 27-30

IX, 18-21

La bénédiction des enfants, et le malheur des riches

XIX, 13-20

X, 18-32

XVIII, 15-30

La guérison de l’aveugle de

Jéricho

XX, 20-34

X, 46-52

XVIII, 35-43

L’entrée de Jésus à Jérusalem

XXI, 2-7

XI, 2-7

XIX, 30-35

L’envoi de Pierre et de Jean à Jérusalem

XXVI, 18-19

XIV, 13-16

XXII, 10-14

 

N° 10.

Les détails ajoutés par saint Marc au récit de saint Matthieu.

Saint Marc ajoute le plus souvent des détails, très circonstanciés aux récits de saint Matthieu, comme ou peut le voir par les passages suivants et par beaucoup d’autres que nous ne pouvons qu’indiquer ici.

Matth., VIII, 14 : Jésus se rendit ensuite à la maison de Pierre. - Marc, I, 29 : En sortant de la synagogue, ils se rendirent avec Jacques et Jean à la maison de Simon et d’André.

Matth., IX, 2 : Et voici, on lui amena un paralytique couché sur un lit. — Marc, II, 2-4 : Il leur annonçait la parole. Des gens vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes. Comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit de la maison où il était, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché.

Matth., IX, 22 : Jésus se retourna, et dit, en la voyant : Prends courage, ma fille, ta foi t’a guérie. Et cette femme fut guérie à l’heure même. — Marc, V, 30-34 : Jésus connut aussitôt en lui-même qu’une force était sortie de lui; et, se retournant au milieu de la foule, il dit : Qui a touché mes vêtements ? Ses disciples lui dirent : Tu vois la foule qui te presse, et tu dis : Qui m’a touché ? Et il regardait autour de lui, pour voir celle qui avait fait cela. La femme, effrayée et tremblante, sachant ce qui s’était passé en elle, vint se jeter à ses pieds, et lui dit toute la vérité. Mais Jésus lui dit : Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix, et sois guérie de ton mal.

Matth., IX, 25 : Quand la foule eut été renvoyée, il entra, prit la main de la jeune fille, et la jeune fille se leva. — Marc, V, 40-43 : Alors, ayant fait sortir tout le monde, il prit avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui l’avaient accompagné, et il entra là où était l’enfant. Il la saisit par la main, et lui dit : Talitha koumi, ce qui signifie : Jeune fille, lève-toi, je te le dis. Aussitôt la jeune fille se leva, et se mit à marcher ; car elle avait douze ans. Et ils furent dans un grand étonnement. Jésus leur adressa de fortes recommandations, pour que personne ne sût la chose ; et il dit qu’on donnât à manger à la jeune fille.

 

N° 11.

Dans l’histoire de la Guerre des Juifs, les dates citées par Josèphe sont empruntées au calendrier julien.

Toutes les fois que l’historien Josèphe cite la date d’un quantième du mois dans ses Antiquités judaïques, ces dates sont évidemment comptées d’après le calendrier luni-solaire, puisque les mois juifs désignés nommément sont des mois lunaires. L’historien a coutume, il est vrai, de citer aussi les mois syriens correspondants, et l’on sait que les mois syriens n’étaient alors autres que les mois du calendrier solaire julien ; mais, pour éviter toute erreur, il a soin d’ajouter ordinairement les mots κατά σελήνην pour marquer que ces mois doivent alors être comptés à la manière des Hébreux, suivant la lune.

Dans l’histoire de la Guerre des Juifs, au contraire, l’auteur ne cite plus les mois hébraïques ; il n’ajoute jamais les mots κατά σελήνην, et il est dès lors évident que ces mois sont les mois vulgaires et officiels, c’est-à-dire des mois juliens.

La nature des mois est encore confirmée par les dates mêmes qu’ils expriment. Ainsi : 1° Josèphe (Guerre, VI, 31) dit que les Juifs se rassemblaient le 8 xanthique pour célébrer la fête de Pâque (15 Nisan). Comme le fait dont il s’agit ici est arrivé l’année qui précéda l’explosion de la guerre, c’est-à-dire en l’an 65, et qu’en cette année-là le 8 avril romain, ou le 8 xanthique syrien coïncidait effectivement avec le 14 ou le 15 du mois lunaire, il est évident que le mois xanthique est le même ici pour Josèphe que pour les Syriens d’alors, c’est-à-dire qu’il est complètement identique au mois d’avril julien, et non pas au Nisan des Juif. 2° On obtient le même résultat en observant que l’historien (Ibid., II, 37, 38, 39, 40) fait tomber le premier jour de la fête des Tabernacles (15 Thisri) 8 jours seulement avant le 30 hyperbérétée (octobre) de l’an 66. Ils plus, il énumère ensuite 9 jours distincts entre le 30 hyperbérétée (octobre) et le 8 dius (novembre), ce qui ne pourrait être, si le mois hyperbérétée était lunaire et n’avait pas 31 jours (ibid.). 3° Josèphe fait durer le siège de Jotapat pendant 47 jours, et il compte cette durée depuis le 16 artemisius (mai) jusqu’au premier panemus (juillet). Or, s’il s’agissait ici de mois lunaire n’ayant que 29 ou 30 jours, il serait impossible de trouver dans cet intervalle les 47 jours indiqués (ibid., III, 11, 23, 27 et 28).

Il est vrai que le premier panemus se trouve désigné (III, 23) par la néoménie de panemus ; mais cette expression ne peut tirer à aucune conséquence ici ; car, en l’année indiquée (13 de Néron, ou 67, E. C.), la néoménie tomba en effet le 1er juillet.

4° La prise de Jérusalem eut lieu le 8 gorpiœus (septembre), suivant Josèphe, et un samedi, selon Dion Cassius ; or, en l’an 70, le 8 septembre fut en effet un samedi.

On pourrait citer encore plusieurs autres preuves du même genre ; mais celles-ci suffisent amplement pour le but que nous nous proposons.

 

N° 12.

En l’an 131 avant l’ère chrétienne, la Pentecôte suivait immédiatement le jour du sabbat.

Cette année était la dernière du règne d’Antiochus Sidétès, roi de Syrie. Ce prince, après avoir mis le siège devant Jérusalem, fit la paix avec le grand-prêtre Hyrcan, qui l’accompagna ensuite dans une expédition contre les Parthes. Josèphe cite à ce sujet Nicolas de Damas. Cet historien, dit-il, rend témoignage de ce fait, dans ses écrits, car voici ses propres paroles : « Le roi Antiochus, après avoir fait ériger un trophée sur les bords du fleuve Lycus, en souvenir de la victoire qu’il avait remportée contre Indate, général des Parthes, séjourna deux jours au même lieu, sur la prière du juif Hyrcan, et à cause d’une fête pendant laquelle il n’est pas permis aux Juifs de se mettre en marche. Et Josèphe ajoute : Ce fait est bien exact, car la fête de la Pentecôte tombait après le sabbat, et il ne nous est permis de voyager ni le jour du sabbat ni le jour de cette fête. Quelque temps après, Antiochus ayant livré bataille au roi des Parthes, Arsaces, il fut vaincu et tué » (Ant., XIII, 16).

L’année où tous ces faits s’accomplirent est bien l’an 131 avant l’ère chrétienne, comme on le voit dans l’Art de vérifier les dates. Mais il y a une difficulté sur l’occurrence de la Pentecôte : suivant les Caraïtes, cette fête doit toujours tomber le lendemain du sabbat, et alors le fait cité aurait pu arriver le samedi 31 mai, aussi bien que le samedi 24 mai, date incertaine qui ne pourrait prouver l’accord des mois civils avec le cours de la lune. Mais le grand-prêtre Hyrcan et les Juifs qui l’accompagnaient ne pouvaient suivre le système des Caraïtes, car Josèphe atteste (Ant., III, 10) que la Pentecôte se célébrait toujours le cinquantième jour après la Pâque, et c’est aussi à cette date invariable que les Talmudistes la célèbrent de nos jours. Lors même que l’on objecterait que la coutume attestée par Josèphe aurait été particulière à la secte des Pharisiens, il serait encore certain qu’Hyrcan et les siens l’auraient observée en l’an 131 ; car le même historien (Ant., XIII, 18) nous apprend que le grand-prêtre Hyrcan, ainsi que la majorité du peuple, suivait alors les règles de cette secte.

 

N° 13.

En l’an 65, E. C., le 14 Nisan, ou la veille de la Pâque, tomba le 8 avril.

Voici le texte de Josèphe : Le fait suivant eut lieu avant la révolte et l’ouverture des hostilités, lorsque le peuple se rassemblait pour la fête des Azymes (or c’était le 8 du mois xanthique) : vers la neuvième heure de la nuit, l’autel et le temple furent environnés d’une telle lumière que l’on aurait cru être dans tout l’éclat du jour (Guerre, VI, 31).

Le peuple se rassemblait le soir du 14 Nisan pour manger la Pâque, mais la nuit, dont la date est rapportée au 8 xanthique, est-elle rapportée ici au jour précédent ou au jour suivant ? Nous croyons qu’elle doit être attribuée au jour précédent et, voici pourquoi :

Dans l’histoire de la guerre des Juifs, Josèphe compte le temps à la manière des Syriens ; et les Syriens d’alors, comme les Égyptiens et Les Grecs, faisaient commencer le jour civil le matin au lever du soleil, de telle sorte que la nuit du 14 au 15 Nisan appartenait au 14. Josèphe, en parlant du jour où le peuple se rassemblait, et qui était le 14 pisan, ou le 8 xanthique en l’an 65, a dû aussi rapporter à la même date la nuit suivante.

 

N° 14.

En l’an 66, E. C., la fête de la Xylophorie, fixée au 5 du mois d’ab, tomba à Jérusalem le 14 août.

Josèphe (Guerre, II, 31) dit que le lendemain de la xylophorie fut, cette année-là, le 15 loüs (août).

La première xylophorie tombait le 1er Nisan, la seconde le 20 Thammuz, et la troisième le 5 Ab (voir Mémoire sur le calendrier hébraïque, par M. Martin d’Angers, 1883, p. 371). Celle qui tombait le 15 loüs, en l’an 65, ne peut être que la troisième.

 

N° 15.

En l’an 66, E. C., le premier jour de la fête des Tabernacles tomba le 22 octobre.

Ce fut en est le premier jour de la fête des Tabernacles que les Juifs attaquèrent l’armée de Cestius. Josèphe désigne clairement ce jour quand, après avoir dit que l’on célébrait alors la fête des Tabernacles, il ajoute, en parlant du jour même de l’attaque : Or, c’était le jour de repos le plus religieusement gardé par les Juifs (Guerre, II, 37). A la suite de cette journée, Cestius, d’après Josèphe (ibid., 37, 38, 39 et 44), s’arrêta trois jours à Béthoron, attaqua les Juifs le quatrième, et puis alla camper à Scopus où il s’arrêta encore 3 jours, et enfin, le quatrième jour après cette nouvelle halte, il attaqua la ville. Or, dit l’historien, c’était le 30 hyperbérétée.

Il s’était donc écoulé 8 jours commencés entre cette dernière attaque et la première celle-ci doit donc avoir eu lieu le 22 octobre, et c’était le premier jour de la fête (15 Thisri).

 

N° 16.

En l’an 70, E. C., la Pâque ou le 15 Nisan tomba le 14 avril.

Voici le texte de l’historien : Le jour des Azymes étant arrivé, le quatorzième du mois xanthique, jour qui est pour les Juifs l’anniversaire de leur première délivrance en Égypte, les gens d’Eléazar, etc. (Guerre, V, 11).

Comme Josèphe compte les quantièmes de mois sur le calendrier des Syriens ; on comprend que le 14 xanthique (avril) doit correspondre ici au 15 Nisan, premier jour des Azymes (Josèphe, Ant., III, 10).

 

N° 17.

Fixation des néoménies.

Voici quelles sont les traditions des Juifs modernes touchant la méthode employée pour la fixation des néoménies avant la réforme du calendrier hébraïque.

Le texte de la loi, dit Munk, ne dit rien sur la fixation des néoménies ; mais l’usage rapporté par la tradition est très simple et naturel, et remonte sans doute d’une haute antiquité. Comme lez Hébreux n’avaient pas de calcul astronomique, les néoménies ne pouvaient être fixées que par l’observation matérielle de la nouvelle lune, et comme celle-ci ne pouvait s’observer que vers le soir, le sacrifice se célébrait le lendemain de l’observation, qui était considéré comme le premier jour du mois. Le trentième jour de la lune, on recevait, jusque dans l’après-midi, le témoignage de ceux qui pouvaient avoir découvert la nouvelle lune le 29 au soir, et, s’il en était temps encore, on célébrait la néoménie ce même jour ; mais si aucun témoignage n’arrivait à temps, le lendemain du 30 était célébré sans aucune observation préalable. Cet usage est suivi encore maintenant par les Caraïtes du Cairn et de Jérusalem, qui n’ont pas adopté le calcul astronomique des rabbins. On annonçait la nouvelle lune par de grands feux allumer, sur les hauteurs, qui se reproduisaient de distance en distance ; mais plus tard on expédia des courriers dans les provinces parce que les Samaritains allumaient quelquefois des feux afin de tromper les Juifs par un faux signal (Munk, la Palestine, p. 184).

L’usage ici décrit par Munk, d’après le Talmud, a sans doute régné parmi les Juifs de la Palestine durant les temps difficiles qui s’écoulèrent entre la ruine de Jérusalem et l’établissement du calendrier d’Hillel. La connaissance des anciennes règles s’était alors perdue, et les Juifs durent se contenter des moyens les plus vulgaires pour reconnaître le cours des temps et l’échéance de leurs fêtes, comme le font encore aujourd’hui les Caraïtes. Mais on ne trouve aucun vestige de l’usage indiqué par le Talmud, ni dans Josèphe, ni dans Philon, et encore moins dans la Bible. Nous croyons toutefois qu’avant la ruine de Jérusalem, les astronomes juifs ont dû faire de fréquentes et minutieuses observations, pour établir et vérifier leur calcul mais il est certain qu’ils n’attendaient pas, généralement du moins, l’apparition de la première phase, pour faire annoncer l’échéance de la néoménie. Nous remarquons aussi qu’Hillel, en déterminant les éléments du nouveau calendrier, a fait concorder aussi exactement que possible la néoménie hébraïque avec la néoménie astronomique. La règle pharisienne de Badu dérange seule cette concordance.

 

N° 18.

Limite initiale de la Pâque juive.

L’équinoxe du printemps a toujours passé pour être la limite initiale de la Pâque chu las juifs, comme chez les chrétiens.

Voici la texte de Moïse : Observa mensem novarum frugum et verni primum temporis, ut facias Phase Domino Deo tuo, etc. (Deuteron., XVI, 1).

Josèphe s’exprime ainsi sur le même sujet (Ant., III, 10) : Au mois de xanthique, qui est pour les Juifs le mois de Nisan et le premier de l’année, la quatorzième jour de la lune, lorsque le soleil est dans le signe du Bélier, au même temps que nos pères autrefois sortirent de l’Égypte et de la servitude, la Loi nous ordonne de renouveler le même sacrifice qu’ils firent alors et qui est appelé la Pâque ; nous célébrons cette fête et mangeons la victime dans chacune de nos familles, sans rien réserver pour le lendemain, qui est le quinzième jour du moïs et le premier de la fête des Azymes ou pains sans levain, lège qui vient immédiatement après la Pâque et dure sept jours.

Suivant ce texte, le 14 Nisan des Juifs devait alors tomber régulièrement da ais le mois julien de xanthique (avril), puisque Josèphe ne fait pas suivre la désignation de ce mois des moka accoutumés : κατά σελήνην. Mais cette première indication est modifiée par celle qui la suit et, d’après laquelle, la Pâque ne peut avoir lieu avant l’arrivée du soleil dans le signe du Bélier. Cette nouvelle indication est assez complexe ; car, en vertu de la précession des équinoxes, l’entrée du soleil dans le signe du Bélier retarde chaque année de quelques minutes et rétrograde d’un degré en 72 ans. Elle n’a réellement coïncidé avec l’équinoxe qu’à l’origine de l’ère chrétienne, et aujourd’hui elle a déjà rétrogradé de 5 degrés dans le signe des Poissons. Toutefois le texte de Josèphe ne parait pas devoir être entendu avec toute la rigueur d’une définition astronomique. Pline (Hist. nat., II, 19) et Columelle (De re Rustica, IX, 14), contemporains de Josèphe, croyaient que le soleil entrait dans le signe du Bélier le 17 ou le 18 mars julien : telle était en effet la date que donnait une ancienne observation faite par Méton vers l’an 430 avant l’E. C. Certes la Pâque juive tombait toujours après cette date ; elle était même loin de l’atteindre, et cette limite, entendue dans un sens rigoureux, est contradictoire avec la première indication de Josèphe et avec des faits positifs.

Le vrai sens de ces textes de Josèphe est assez incertain. Voici d’autres indications : Moïse, dit Philon, place le premier mois de l’année à l’équinoxe du printemps. Je croie qu’il a choisi cette époque parce que l’équinoxe vernal présente une image sensible de la création du monde... La solennité des azymes est fixée au 15 de ce mois, lorsque la lune brille dans sa plénitude, afin, sans doute, que toute la durée de ce jour soit éclairée (De septenario et fest., p. 1190).

Ici Philon ne dit pas clairement si l’équinoxe du printemps est la limite initiale du 15 Nisan ou du 1er Nisan lui-même. Dans le troisième siècle avant l’ère chrétienne, les deux Agathobule s’exprimaient ainsi : Tous doivent immoler la Pâque après l’équinoxe vernal au milieu du premier mois, et on reconnaît ce tempe lorsque le soleil parcourt la première section du cercle solaire qu’on a appelée zodiaque. — Le juif Aristobule (qui passe pour avoir été l’un des auteurs de la version des Septante) ajoute que, pour la célébration de la Pâque, il faut que la lune, aussi bien que le soleil, parcoure la section équinoxiale. (Textes cités par Eusèbe, Hist. ecclés., VII, 32). Cette dernière indication, malheureusement trop laconique dans le texte d’EusÈbe, nous paraît renfermer un sens assez exact. Voici en effet comment nous croyons devoir la comprendre : la première section du zodiaque ou la section équinoxiale était dès lors le signe du Bélier, et l’entrée du soleil dans ce signe avait lieu le 20 mars du temps d’Aristobule ; mais la lune au printemps ne parcourt le signe du Bélier qu’à l’époque de sa conjonction avec le soleil ; dont cette conjonction ou cette néoménie du mois pascal de Nisan ne pouvait avoir lieu avant la 20 mars, et par suite la Pâque elle-même ou le 15 Nisan ne pouvait tomber avant le 3 avril.

Cette dernière date aurait ainsi été la limite initiale de la Pâque au temps d’Aristobule.

Toutefois la limite qui ressort le plus naturellement de tous ces textes est celle de l’équinoxe du printemps, et le concile de Nicée l’a choisie de préférence à toute autre.

L’équinoxe réel nous paraît même avoir limité la Pâque, dès le temps de Moïse. Il tombait alors du 5 au 6 avril de l’année julienne proleptique, et Moise ayant fixé à cette date la tékuphat du printemps avec la limite initiale de la Pâque (15 Nisan), la tékuphat est en effet restée à cette même date jusqu’à la réforme d’Hillel ; mais la succession des cycles luni-solaires a eu nécessairement pour effet de faire remonter la limite pascale du 6 au 1er avril, ou de 5 jours, pour un laps de 15 à 18 siècles, et nous trouvons en effet qu’en l’an 52, E. C., la Pâque a dû tomber réellement le 2 avril. Mais, dans le même temps, l’équinoxe, par un mouvement plus rapide, était remonté jusqu’au 23 mars.

Moïse ayant fixé la limite pascale à l’équinoxe du printemps, et cette époque se trouvant même implicitement désignée dans la Bible, on conçoit dès lors que toutes les traditions juives aient dû la reproduire, bien que, par le laps des siècles, il ne fût introduit un intervalle de quelques jours entre l’équinoxe réel et la limite pascale reçue au temps de Jésus-Christ.

 

N° 19.

Avant la ruine de Jérusalem, les Juifs n’ont point transféré la Pâque d’un mois à l’autre pour les furies raisons qu’indiquent le Talmud.

La loi de Moïse permettait aux individus qui, à l’époque du 15 Nisan, auraient été empêchés de participer à la Pâque, de manger l’agneau pascal le 15 du mois suivant, second mois de l’année sainte (Nombres, IX, 10-11). Ce texte de la loi ne concerne que les individus et n’autorise pas à transférer la fête pour tout le peuple. Mais nous lisons au second Livre des Paralipomènes (XXX, 2, 3) : Le roi (Ézéchias), les princes de la nation et tout le peuple de Jérusalem s’étant rassemblés, on décida de faire la Pâque le second mois, car on n’avait pu la faire en son temps, le nombre des prêtres sanctifiés étant insuffisant, et le peuple ne s’étant pas encore réuni à Jérusalem.

Cette translation de la Pâque, sous le règne d’Ézéchias, est présent dans l’histoire juive, comme un fait unique en son genre et, de plus, elle prouva qu’il y avait dès lors chez les Juifs un calendrier soumis à des règles fixes ; autrement, au lieu de transférer la Pâque, il aurait été bien plus simple de rapporter au second mois le commencement de l’année. Il n’en fut rien cependant et le second mois resta le second mois bien qu’on y eût transféré la fête.

Mais le Talmud, qui trouve des exceptions à toutes les règles, énumère un certain nombre de cas dans lesquels l’ancien sanhédrin aurait pu ajouter à volonté un treizième mois et retarder ainsi non seulement la Pâque, mais aussi toute l’année (Gémara, Synedr., ch. I, § 2, et Moïse Maim., De consecr, kalendarum, IV, 2). On conçoit qu’une telle faculté mise en pratique aurait eu pour effet de jeter dans la plus grande incertitude tout le calendrier. On cite même, d’après le Talmud, une lettre circulaire par laquelle un président du sanhédrin, Rabbi Gamaliel, notifie l’intercalation officielle d’un treizième mois afin de retarder ainsi l’échéance de la Pâque jusqu’à la maturité des moissons (voir Mémoires de l’Acad. des Inscr., t. XXI, p. 240). Mais rien n’empêche que les intercalations, mêmes régulières, aient été autrefois notifiées dans cette forme. Remarquons aussi que la lettre en question a dû être écrite après la ruine de Jérusalem, lorsqu’il n’y avait plus de grand-prêtre parmi les Juifs. Car, avant la ruine de Jérusalem, le sanhédrin aurait eu pour président naturel le grand-prêtre et non Rabbi Gamaliel. Cette lettre ne prouve donc absolument rien contre la régularité des intercalations périodiques et contre la limite pascale du 2 avril, avant la ruine de Jérusalem.

Faut-il rapporter à quelqu’une de ces exceptions talmudiques les Pâques célébrées plus d’un mois après l’équinoxe ? Un examen sérieux nous a fait rejeter cette opinion. Le Talmud mérite peu de foi pour les temps qui précédent la ruine de Jérusalem, et la pratique dont il parle n’a pu exister que dans l’intervalle qui sépara la destruction du temple par Titus de l’établissement du calendrier d’Hillel, alors que le sanhédrin de Tibériade réglait à son gré la célébration des fêtes juives. Rabbi Akiba aurait même fait intercaler alors un treizième mois à la fin de deux années consécutives (Basnage, Hist. des Juifs, t. V, p. 235).

Pour les temps antérieurs à la ruine de Jérusalem, la Bible et l’histoire supposent toujours que les années ont suivi un cours régulier. On rencontre même des cas difficiles où les Juifs auraient certainement dû transférer leur Pâque, si les exceptions du Talmud eussent été admises, notamment en l’an 65 avant l’E. C., et en l’an 70, E. C. : les prêtres, alors assiégés dans le temple, ne songent point à transférer la Pâque ou à retarder d’un mois l’échéance du nouvel an (Josèphe, Ant., XIV, 3, et Guerre, V, 11). C’est dire assez qu’ils ne l’ont point fait dans les circonstances ordinaires. Enfin, si jamais le calendrier juif a dû suivre des règles exactes et sans exceptions, c’est au siècle de Jésus-Christ, lorsque les Juifs venaient par milliers des provinces les plus éloignées de l’ancien monde célébrer la Pâque à Jérusalem. Une translation irrégulière aurait alors apporté le plus grand trouble dans les pèlerinages, et un tel inconvénient la rendait moralement impossible.

En somme, la casuistique du Talmud touchant la translation de la Pâque noua parait aussi apocryphe que ses récita sur la manière de reconnaître les nouvelles lunes avant la ruine du temple.

 

N° 20.

En l’an 37, E. C., la Pâque a coïncidé arec la pleine lune du 18 avril.

Josèphe raconte que le gouverneur de Syrie, Vitellius, étant venu à Jérusalem pour la fête de Pâque, il redut la nouvelle de la mort de Tibère quatre jours après son arrivée (Ant., XVIII, 7). Tibère mourut le 16 mars de l’an 37, E. C., et la nouvelle de sa mort ne put arriver à Jérusalem que dans le courant du mois d’avril. La Pâque doit donc se placer nécessairement dans le courant de ce mois, et coïncider avec la pleine lune qui tombe en effet, cette année-là, le 18 avril. Vitellius aura appris la mort de Tibère le quatrième jour de la fête ou le 21 avril, 36 jours après l’événement.

 

N° 21.

En l’an 69, la Pâque a dû coïncider avec la pleine lune du 24 avril.

Nous déduisons cette donnée d’un récit de Josèphe qui la suppose implicitement (Guerre, VIII, 31). Cet historien raconte que Jésus, fils d’Ananus, continua pendant sept ans et cinq mois à lancer les plus sinistres malédictions contre Jérusalem, et cet intervalle se trouve compris depuis les Tabernacles (15 Thisri) de l’an 62 jusqu’à l’époque où Jésus fut tué durant le siège de la ville. Le siège commença au printemps de l’an 70 et peu de jours avant la Pâque (14 avril). Ainsi Josèphe a dû compter les sept années jusqu’aux Tabernacles de l’an 69, et cette fête a dû coïncider avec la pleine lune du 19 octobre, puisque l’historien ne met qu’un intervalle de cinq mois entre elle et la mort de Jésus arrivée peu avant le 14 avril 70 ; mais d’autre part la Pâque arrive invariablement 6 mois lunaires avant les Tabernacles (19 octobre) et ainsi, en l’an 69, la Pâque a dû coïncider avec la pleine lune du 24 avril et non avec celle du 26 mars.

 

N° 22.

Analogie des cycles de Calippe avec ceux de Méton.

Dans le cycle lunaire de Méton, la limite finale du premier hécatembéon est rejetée après le 22 juillet, et, dans celui de Calippe, cette même limite s’arrête au 15 juillet (Mémoires de l’Acad. des sciences, t. XXII, p. 429, 417, 445). Quel est le motif d’une modification aussi gave ? Nous n’en voyons pas d’autre que celui d’accorder le calendrier grec avec le calendrier chaldéen.

Quant à la distribution des années embolismiques, nous croyons que Méton et Calippe ont suivi la même règle. En effet, M. Biot (ibid., p. 453, 494) pense que le cycle de Muon a dû commencer un an après la date de l’an 432 (avant l’E. C.) ou le 5 juillet de l’an 431 ; or, d’après cette opinion qui nous semble certaine, les années embolismiques sont toutes celles dont le jour initial remonte avant le 5 juillet, et ces années occupent, dans le cycle les rangs qui suivent 2, 4, 7, 10, 12, 15 et 18.

Pareillement Calippe ayant fait commencer la première année de ses cycles le 28 juin de l’an 330 (avant l’E. C.), les années embolismiques furent toutes celles dont le premier jour remontait avant le 28 juin, c’est-à-dire les 2e, 4e, 7e, 10e, 12e, 15e et 18e, etc., de la période calippique (voir le tableau V à la fin du volume).

Telle était la vraie distribution des années embolismiques dans les anciens cycles.

 

N° 23.

Les trois espèces d’équinoxes.

On peut distinguer trois espèces d’équinoxes : l’équinoxe vrai, l’équinoxe moyen et l’équinoxe apparent. L’équinoxe vrai a lieu lorsque le soleil se trouve dans le plan de l’équateur terrestre ; cet équinoxe arrivait le 21 mars au quatrième siècle, et le concile de Nicée choisit cette date pour limiter la Pâque. L’équinoxe moyen est celui qui sépare l’année en deux parties égales à partir de l’équinoxe d’automne, et, lorsque l’équinoxe d’automne était fixé au 24 septembre, l’équinoxe moyen du printemps tombait nécessairement le 25 mars. Enfin l’équinoxe apparent a lieu lorsque le soleil reste exactement 12 h. au-dessus de l’horizon, et 12 h. au dessous. En vertu de la réfraction atmosphérique, cet équinoxe apparent a lieu trois jours avant l’équinoxe réel du printemps, et tombe le 18 mars, lorsque l’équinoxe réel est le 21. La date correspondante au 18 mars julien avait même été proposée par Méton quatre siècles avant notre ère.

Parmi ces trois équinoxes, Hillel prit le premier (18 mars) pour limiter la Pâque et le dernier (25 mars) pour y placer la tékuphat du printemps.

 

CYCLE DE RABBI ADDA.

Voici le cycle que Rabbi Adda voulait restaurer parmi les Juifs au commencement du quatrième siècle de notre ère :

Année

1er Nissan

Année

1er Nissan

1

2 avril.

11

12 avril.

2

2 mars.

12

1 avril.

3

10 avril.

13

21 mars.

4

30 mars.

14

9 avril.

5

19 mars.

15

29 mars.

6

7 avril.

16

16 avril.

7

27 mars.

17

6 avril.

8

15 avril.

18

26 mars.

9

4 avril.

19

14 avril.

10

24 mars.

 

 

Ce cycle donne absolument les mêmes dates que celui que nous avons restauré d’après les données historiques. La seule différence, c’est que la première année du cycle de Calippe est la quatrième pour Rabbi Adda.

Basnage, qui cite ce cycle (Hist. des Juifs, t. V, p, 236), parait l’avoir trouvé dans les œuvres de Moise Maimonide. Le cycle de Rabbi Adda est une remarquable confirmation de notre système. R. Adda n’aurait pas imaginé de retarder la limite initiale de la Pâque au 2 avril, si cette limite n’eut pas été conforme aux anciennes traditions.

 

TABLE CHRONOLOGIQUE - DE L’AN 8 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE À L’AN 70 DE CETTE ÈRE.

Voir, pour le détail des faits les chapitres II et III de la quatrième partie de ces Études.

Ère chrét.

Période julienne

 

-8

4706

Recensement des citoyens romains. Conception de Jean-Baptiste.

-7

4707

Le 5 mars, incarnation du Verbe ; 25 décembre, Nativité.

-6

4709

Au commencement de l’année, adoration des Mages.

-4

4710

Mort d’Hérode et retour de la sainte famille à Nazareth.

6

4719

A la fin de l’année, réduction de la Judée en province romaine.

7

4720

Jésus, âgé de 12 ans, vient à Jérusalem pour la Pâque.

29

4742

Commencement de la prédication de Jean-Baptiste. Jésus est baptisé dans le courant de l’automne.

30

4743

Première année de la prédication divine.

31

4744

Deuxième année de la prédication divine.

32

4745

Troisième année de la prédication divine.

33

4746

Le vendredi 3 avril, Jésus meurt sur la croix, il ressuscite le 5 avril, L’Ascension a lieu le 14 mai, et la Pentecôte le 24 mai.

34

4747

Première persécution ; conversion de saint Paul.

36

4749

Baptême du centurion Corneille ; Fin des 70 semaines de Daniel.

42

4755

Captivité et délivrance de saint Pierre à Jérusalem.

48

4761

Concile de Jérusalem.

57

4770

Captivité de saint Paul à Jérusalem.

64

4777

Première persécution.

67

4780

Martyre des apôtres Pierre et Paul.

70

4783

Ruine de Jérusalem et du temple.