HISTOIRE DES INSTITUTIONS CAROLINGIENNES

LIVRE DEUXIÈME. — GOUVERNEMENT DES MÉROVINGIENS.

CHAPITRE IV.

FORCE ET IMPORTANCE DE L’ARISTOCRATIE APRÈS LA CONQUÊTE. - ELLE SE COMPOSE D’UN DOUBLE ÉLÉMENT, LA MASSE DES GUERRIERS FRANCS ET L’ÉLITE DES GALLO-ROMAINS. - POSITION RESPECTIVE ET INTÉRÊTS DIFFÉRENTS DE L’ARISTOCRATIE FRANQUE ET DE L’ARISTOCRATIE GAULOISE VIS-À-VIS DES ROIS MÉROVINGIENS. - DOMESTICITÉ MÉROVINGIENNE. - DU MAIRE DU PALAIS.

 

 

Pendant que les rois mérovingiens étaient ainsi fatalement entraînés loin des souvenirs et des traditions de la Germa : nie, les Francs, leurs compagnons, continuaient de rester fidèles à ces souvenirs, et prétendaient y enchaîner avec eux la volonté de leurs princes et les destinées de la monarchie. L’espèce de république barbare sous laquelle leurs pères avaient vécu dans leurs forêts d’outre-Rhin leur paraissait encore, au milieu de la Gaule civilisée, la meilleure, la seule forme possible de gouvernement, et ils voulaient la garder. Ils y avaient, du reste, un intérêt qui s’explique par la place considérable qu’ils y occupaient, et l’importance individuelle dont chacun d’eux était investi dans un état social encore si imparfait. Plus une société est indécise dans ses formes et incertaine dans son allure, plus la volonté de l’homme se sent à l’aise dans sa prison, et moins elle est disposée à risquer l’espèce de liberté dont elle jouit dans des expériences politiques dont les résultats sont toujours incertains. La possession de la Gaule, en ajoutant aux plaisirs de cette antique et précieuse liberté d’outre-Rhin tous ceux de la facile et enivrante civilisation des Romains, la leur rendait plus chère encore, puisqu’elle pouvait s’étendre à plus d’objets. La lutte devait être d’autant plus vive ; car si les intérêts étaient plus considérables de part et d’autre, tes ressources des deux partis avaient grandi dans la même proportion. Si le prince puisait une force nouvelle dans la loi impériale et dans les institutions qui s’étaient développées sous son influence, l’aristocratie, devenue propriétaire, était aussi plus redoutable, et trouvait d’ailleurs, dans les positions qu’elle occupait auprès du roi, des moyens puissants de l’attaquer et de se défendre contre ses attaques. Les chefs de cette aristocratie étaient entrés en partage, non seulement de la terre, mais des dignités ; ils s’appuyaient en même temps et sur le sol et sur les institutions ; ils pouvaient agir contre le roi, et par leurs moyens personnels, et par les dons avec lesquels il avait payé leurs services.

Voyons donc quelles étaient les positions qu’ils occupaient ; nous comprendrons tout d’abord quel parti ils pouvaient en tirer.

Les uns allaient résider dans les cités gauloises, pour présider avec les curiales à l’administration civile des indigènes, et avec les Francs établis sur le territoire de la cité, au règlement provisoire des intérêts de toute nature qu’ils avaient à débattre. Les Gaulois, qui voyaient en eux les représentants du nouveau pouvoir qui avait succédé à celui des empereurs, les appelaient des comtes, comme ils appelaient autrefois les délégués de l’autorité impériale, dont ceux-ci tenaient la place ; et ils recevaient des Francs le nom de grafs, qui veut dire juge[1], parce que l’une des principales attributions de leurs charges, dans ses rapports avec les Barbares, était de juger leurs différents et d’infliger l’amende[2]. Les comtes, par la nature de leurs fonctions, se trouvaient ainsi revêtus d’un double caractère. Comme administrateurs et comme magistrats de la cité, ils n’étaient que les représentants d’un pouvoir supérieur, dont la plénitude n’existait nulle part que dans la nation réunie ; comme membres de cette glorieuse association, ils exerçaient pour leur propre compte une part de la souveraineté collective ; et, sous ce rapport, ils ne relevaient que d’eux-mêmes. Il ne faut pas croire que la première de ces positions dominât tellement la seconde, que celle-ci ne prévalût quelquefois ; et il n’est point rare de trouver dans l’histoire des Francs, dès la seconde et troisième génération, des comtes qui oublient volontiers leurs devoirs comme fonctionnaires, pour ne songer qu’à leurs intérêts comme Barbares[3]. Les ducs, placés au-dessus d’eux dans l’ordre administratif, et par conséquent plus rapprochés encore du prince dont les uns et les autres relevaient au même titre, n’en étaient pas moins entraînés comme eux dans une direction opposée, par les nombreux liens qui les ramenaient sans cesse vers l’aristocratie, à laquelle d’ailleurs ils n’avaient point cessé d’appartenir. Le même raisonnement peut s’appliquer à tous les fonctionnaires d’origine barbare, à quelque degré qu’on s’arrête, parce qu’ils étaient tous placés, plus ou moins, sous l’empire des mêmes préoccupations ou des mêmes nécessités politiques.

Mais de toutes les faveurs que le roi franc pouvait partager entre ceux qui s’attachaient à fia fortune, la plus désirable et la plus enviée était déjà, sans contredit, de rester à demeure auprès de sa personne, et d’être admis au nombre de ses familiers. C’était à la fois le poste le plus honorable et celui qui donnait le plus d’influence et de plaisirs faciles. Le comble du bonheur était d’y être appelé, la suprême disgrâce d’en être éloigné[4]. Les comtes du palais[5] étaient les compagnons inséparables et les conseillers obligés du souverain dans toutes les affaires, nécessairement très nombreuses, où la masse de la nation ne pouvait intervenir. Ils expédiaient par ses ordres, et le plus souvent sans son concours, celles qui venaient chaque jour s’accumuler entre leurs mains. Leur nom ou leur sceau figurait à côté du sien au bas de toutes ses Chartes, soit qu’il s’agit de la promulgation d’un décret, d’un acte de haute administration, ou d’une simple fondation de monastère[6]. Ils délibéraient avec lui sur les questions d’État, comme ils prenaient part à ses chasses, à ses festins, à ses débauches, à ses pèlerinages. On les consultait sur la paix, la guerre, les alliances et les traités[7] ; ils avaient la prétention de marier leurs princes, ou du moins de contrôler leur choix[8], et d’intervenir sans mesure dans toutes leurs affaires domestiques, comme ils intervenaient dans leurs partages[9]. Leur agrément n’était pas moins nécessaire que l’approbation du roi lui-même pour valider la nomination des évêques, et nul ne pouvait prendre possession de son siège sans l’avoir obtenu[10]. Pendant la minorité des princes, ils héritaient de la part d’autorité que la Constitution laissait entre les mains des rois majeurs, et l’ajoutaient à celle dont ils étaient déjà revêtus à un autre titre[11]. Alors la plénitude du pouvoir résidait dans leur personne, et ils l’exerçaient sans contrôle. Ils n’avaient d’autre responsabilité à courir que celle qui naissait de leur position même à l’égard des Francs, leurs compatriotes, et celle que le jeu des affaires humaines et le hasard des circonstances ménageaient quelquefois au profit des indigènes. Ainsi, le palais du prince, par la nature même des choses, devint le centre d’un mouvement qui attirait, avec une force irrésistible, tous ceux qui avaient l’ambition du pouvoir, ou qui voulaient échapper à son action par la faveur. Ce fut le rendez-vous des intrigants et des adulateurs ; et les rois sicambres, héritiers des empereurs, eurent aussi une cour et une armée de courtisans[12]. Chacun essaya de se faire jour jusqu’à elle, et ceux qui ne pouvaient y parvenir croyaient s’en dédommager en y envoyant leurs fils encore enfants[13]. Là, ils grandissaient sous les regards du prince, dans l’intimité de ses fils dont ils partageaient les plaisirs, et jetaient ainsi, en se jouant, les fondements d’une longue et utile faveur. Les plus habiles ou les plus heureux y restaient jusqu’à leur mort, et vieillissaient doucement dans les emplois domestiques que les Romains avaient coutume d’abandonner à leurs esclaves. L’un devenait référendaire du roi, et avait la garde de son anneau[14] ; l’autre, son connétable[15] ; un troisième, son échanson, son chambellan, son orfèvre ou son écuyer[16]. Dans les grandes circonstances, c’est parmi eux que l’on choisissait le legatus qui devait aller, au nom du roi, châtier une ville rebelle, ou prendre au milieu de ses administrés la tète d’un comte indocile[17]. Les plus ambitieux attendaient, dans une bienheureuse indolence, la vacance de quelque riche évêché, et moins souvent la mort de quelque saint abbé, pour passer par tous les degrés de la cléricature en huit jours, et se faire envoyer en possession, la mitre en tète et la crosse à la main[18]. Les moins heureux ne couraient d’autre risque que d’aller, au sortir de là, administrer quelque cité romaine en qualité de comtes, ou une circonscription territoriale plus vaste encore, avec le titre et l’autorité de ducs[19].

A côté de cette domesticité germanique, qui n’acceptait guère le patronage du roi que comme un moyen plus facile d’entrer plus sûrement en partage avec lui, s’en trouvait une autre formée d’éléments tout contraires, et placée, jusqu’à un certain point, sur un plan moins élevé. C’étaient les Gaulois que l’intrigue, le talent ou la faveur du prince avaient tirés de la foule, et que les difficultés du gouvernement et l’inhabileté des mains qui en avaient la garde rendaient déjà indispensables. Les uns (et ce fut d’abord le plus grand nombre) obtenaient du roi mérovingien une de ces vastes exploitations que l’on appelait des comtés, et se chargeaient de la faire valoir au profit des Barbares[20]. Le plus souvent ces postes de confiance étaient donnés à l’un des membres de ces familles sénatoriales dont se composait, sous les Romains, l’administration municipale des villes gauloises, et qui conservaient encore, avec les traditions de l’Empire, l’influence nécessaire pour maintenir les cités dans le parti de leurs nouveaux maîtres. Les autres, plus heureux encore, parvenaient à se glisser jusque dans les rangs de cette hautaine aristocratie germanique dont le prince était entouré, et leur disputaient, souvent avec succès, les charges commodes et lucratives de la domesticité mérovingienne. Ils faisaient partie, à ce titre, de la classe des palatini ou ministeriales, dénomination fastueuse, que les rois francs avaient eu soin de conserver comme un précieux reste de l’éclat et de la majesté de l’Empire[21]. Ils se retrouvaient là en présence des Barbares, admis comme eux à la faveur journalière des entretiens et de la familiarité du roi, et comme eux attachés aux divers emplois du service intérieur de sa maison. Et néanmoins il existait entre eux et les grands dignitaires d’origine barbare dont ils étaient entourés, une différence essentielle qui sort du cercle ordinaire des questions d’étiquette pour entrer dans l’histoire. Ceux-ci, compagnons inséparables du prince, étaient en même temps ses frères d’armes et ses commensaux, et ne restaient si près du pouvoir que pour exercer plus commodément la part qui leur en revenait. Les premiers, moins prétentieux et plus humbles en apparence, bornèrent d’abord leur ambition à le servir. Ils ne pouvaient oublier, et on prenait soin de leur rappeler quelquefois, qu’ils n’appartenaient point à la race victorieuse ; et ils continuaient de porter jusque dans le palais du roi la marque de cette infériorité politique. Leurs titres à la faveur ne reposaient point sur les traditions nationales, comme ceux de l’orgueilleuse aristocratie à laquelle ils se trouvaient mêlés, mais sur le bon plaisir et les besoins passagers du maître qui les employait.

Ce fut pourtant à peu près sur eux seuls que retomba tout le poids du nouveau gouvernement. L’invasion, en transportant les Germains au milieu de la civilisation et des plaisirs de la Gaule, les avait placés en même temps en présence de difficultés inattendues qui déconcertaient leur prévoyance, parce qu’ils ne trouvaient rien d’analogue dans leur passé. Chaque jour venait révéler aux Barbares quelque nécessité nouvelle de leur position, et multiplier les entraves sur leur route, à mesure qu’ils avançaient. Sur ce sol qu’ils venaient de parcourir en conquérants, et d’où ils avaient chassé au pas de course tous les pouvoirs hostiles au leur, existait encore, dans un admirable ensemble, tout un système d’administration qui les rappelait. Mais, dans cette immense machine, chaque rouage était un mystère pour d’autres que pour ceux qui en avaient combiné le merveilleux artifice. L’intelligence italienne, armée d’une longue expérience, avait seule pu réussir à le former ; des mains romaines pouvaient seules en remonter les ressorts. Les Romains, rejetés tin moment par la conquête au dernier degré de l’échelle, et maintenus par la loi barbare dans cet abaissement, regagnèrent ainsi, par le talent ou par l’intrigue, la position qu’ils s’étaient laissé enlever sur les champs de bataille. Leur souplesse et leur habileté en affaires contrastaient avec l’incapacité et l’indocile fierté du Barbare. Seuls ils avaient assez d’abnégation personnelle pour se prêter sans façons à certaines exigences qui rencontraient ailleurs des résistances énergiques, et flatter en les caressant les passions nouvelles inspirées à leurs nouveaux malins par le spectacle d’une civilisation dont ils ne prenaient encore que les abus[22]. Ils surent ainsi trouver de bonne heure le secret d’arriver jusqu’aux faveurs, et bientôt jusqu’aux dignités de la cour des Mérovingiens, en ramenant vers eux le cœur et l’esprit des Barbares par l’attrait d’une facile et adroite servilité. On les vit, comme autrefois au temps des empereurs, se presser autour du grossier et ignorant personnage qui les avait remplacés, pour recueillir goutte à goutte la pluie d’or qui tombait de sa main. L’un devenait son référendaire et avait la garde de son anneau[23] ; l’autre son médecin, et à ce titre, le confident de toutes ses faiblesses, et quelquefois le complice ou l’instigateur des excès dont il offrait le remède[24] ; un troisième portait le titre de chancelier, et c’était le poste le plus éminent de cette milice palatine, formée sur le modèle de celle qui remplissait autrefois le palais des empereurs à Milan ou à Ravenne[25]. C’est sous sa direction qu’était placée la nombreuse troupe des commentarienses et des notarii, employés journellement à écrire sur parchemin les chartes et les diplômes de toute nature, les donations, les testaments, les rôles des contributions publiques, et en général tous les actes qui émanaient de l’autorité du prince[26]. D’autres encore avaient l’intendance de ses innombrables domaines, faisaient sa moisson et ses vendanges, remplissaient sa cave et son grenier, vendaient ses esclaves, ses bestiaux, ses légumes et sa volaille[27]. Le chef de cette dernière subdivision de la domesticité royale était le majordomus. C’est celui que la classique élégance de nos historiens désigne habituellement sous le nom de Maire du palais. A ce seul nom se rattachent plus de systèmes que je n’en pourrais renfermer dans ce livre. L’histoire des Maires est devenue en effet celle d’une dynastie. Tous nos historiens, depuis Nicoles Gilles[28] jusqu’à M. de Sismondi, ont répété à l’envi que les Mérovingiens n’ont été renversés que par eux[29]. Rien n’est plus vrai ; et pourtant, j’ose le dire, rien n’a été plus mal compris. Les Maires, loin d’être, comme on le répète, les rivaux ou les ennemis naturels des rois mérovingiens, n’étaient dans le principe que leurs premiers domestiques. Chaque propriétaire avait le sien ; et nous les trouvons, dans la Loi Salique, placés sur la même ligne que les échansons, les maréchaux, les charpentiers, les vignerons et les porchers, rangés comme eux dans la classe des ministeriales, et comme eux évalués à trente-cinq sols[30]. Le Maire du roi n’était point d’une qualité plus relevée. C’était aussi un simple domestique, un agitasteriali8 ; mais avec cette différence que la domesticité du roi était, dans les idées germaniques, un poste de haute distinction, et comme nous le dirions aujourd’hui, un titre de noblesse. Nous serions tenté de rapprocher cet emploi de celui du Curopalate sous les empereurs. Non seulement il y a un rapport frappant entre les noms, mais il y avait identité entre les fonctions. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur les définitions qu’on nous donne[31].

Quoi qu’il en soit, l’institution était très humble à son début : c’était moins une charge qu’un emploi. Plus tard, nous le savons, les Maires s’élevèrent à la hauteur du rôle qui les a rendus si célèbres, et nous n’aurons garde de l’oublier. Mais, lorsque l’institution se présente dans l’histoire des derniers Mérovingiens avec cet appareil formidable qu’on lui connaît, elle a déjà en quelque sorte changé de nature. Ce n’est plus seulement une simple charge domestique, c’est une grande et mémorable innovation sociale. Pépin de Landen, Pépin de Herstal, Ebroïn, Charles Martel n’eurent rien de commun que le nom avec les Maires de Clovis et de ses premiers successeurs.

Il n’y a pas plus de vérité à dire que les Maires se sont peu à peu emparés de l’autorité des rois, à mesure que la main des indolents Mérovingiens la laissait échapper. La toute-puissance des Maires du palais sortit d’une révolution et non d’une intrigue de cour[32]. Il n’est pas dans la nature de l’homme de se laisser ainsi, dépouiller sans résistance ; et l’histoire prouve que, de tous les intérêts du cœur humain, le pouvoir n’est pas celui auquel il tient le moins. Les Mérovingiens, quoi qu’on ait dit, ne font pas exception ; et loin de s’être débarrassés du pouvoir comme d’un fardeau, ils ont déployé une remarquable énergie et quelque habileté pour s’y maintenir. On sait aujourd’hui, grâce aux efforts désintéressés d’une critique qui a redressé autant d’erreurs qu’elle a abordé de problèmes[33], ce qu’il faut penser de la prétendue fainéantise de ces princes qu’on avait mis dans l’impuissance de rien faire. Cette calomnie historique, qui a si longtemps pesé sur leur mémoire, devint la conséquence naturelle de leur défaite, puisqu’elle pouvait devenir un’ moyen de justification pour leurs adversaires. Mais la postérité n’est point solidaire des passions contemporaines ; et notre siècle, qui a tant fait pour les réputations désespérées, s’est aussi chargé avec succès de la tardive réhabilitation des rois fainéants. Non, les Maires du palais n’ont point profité de leur indolence pour les supplanter ; ils les ont précipités en dépit de leurs efforts. Cette autorité despotique dont parlent toutes les histoires, ils la durent moins à leur propre usurpation, qu’au concours d’une ambition étrangère dont ils furent à la fois les instruments et les complices. Leur importance, individuelle, quelque grande qu’on la suppose, n’aurait point suffi pour les porter aux affaires. Ils y furent portés et soutenus par les vœux et les efforts de tout un peuple, c’est-à-dire par une révolution. L’origine de cette révolution, comme son point d’appui, était ailleurs que dans les talents et les intrigues, du reste incontestables, de Pépin de Herstal ou de Charles Martel. Elle commença, il est vrai, dans le palais des Mérovingiens, et nous allons à démontrer tout à l’heure ; mais elle ne trouva son dénouement que sur les champs de bataille.

On le voit ; il s’agit de relever, jusqu’à la hauteur d’une question sociale, un événement qu’on a réduit mal à propos aux mesquines proportions d’un débat personnel entre les rois et leurs, majordomes. Nous allons l’essayer.

Elle fut puissamment aidée et habilement conduite par cette famille austrasienne où la vigueur et l’impétuosité du caractère s’alliaient d’une manière si remarquable avec la circonspection la plus réfléchie et l’adresse la plus consommée ; mais cette adresse et cette énergie n’auraient abouti qu’il" quelques vaines démonstrations, et tout au plus à de stériles massacres, s’il n’y avait pas eu au fond de la situation un intérêt plus général capable d’ébranler les masses et de les jeter, comme malgré elles, dans les hasards d’une lutte désespérée contre leurs princes.

 

 

 



[1] Ducange, Glossarium med. et infim. latinit. v° Grafio. — Legg. Edwardi Confess., c. 35.

[2] V. Legg. Barbar. antiq. passim.

[3] Voir plus bas l’histoire de Childebert et de Gontran.

[4] Decretio Childebert. R., ad ann. 595, ap. Baluz., t. I, p. 175.

[5] Comites Palatii. — En effet, il y en avait plusieurs. (V. Chartam Childebert. R., ap. Felibien, in probationib. ad historiam abbatiæ S. Dionysii, n. 28.) — Ce sont eux qui nous représentent plus particulièrement les comites de Tacite. — C’est à leur tribunal que se jugeaient les affaires qui venaient directement ou par appel au tribunal du roi.

[6] Voir les diplômes des rois mérovingiens dans les collections des bénédictins. — Ex archivis S. Petri metens., ap. D. Bouquet, t. 3, p. 473. — Ex vit. S. Germent, episcop. Tolos.

[7] Voir dans Grégoire de Tours le traité d’Andlaw, et toute l’histoire de Gontran et de Childebert.

[8] Greg. Turon., VI, 46. — Voir dans Grégoire de Tours l’indignation des Francs contre Théodebert, qui avait épousé, sans leur aveu, la romaine Denteria (ad ann. 534.)

[9] Clovis fait approuver par les quatre principaux chefs de son année le partage de sa conquête entre ses quatre fils. (Roricon.)

[10] Vit. S. Tygriæ Virg. (ap. Bollandian., 25 junii. ) — Miracula S. Martialis, episcop. Lemovicens. (Ibid., 30 junii.) — Vit. S. Betharii, episcop. Carnotens. (Ibid., 2 augus.) — Vit. S. Ebrulfi, abbat. Bellovacens. (Inter acta SS. ordin. S. Benedict., sæc. I, p. 366, et alias passim.) — V. præterea Greg. Turon., Histor. francor. ecclesiastic., passim, et prœsertim lib. V, 47.

[11] Voir dans Grégoire de Tours l’histoire de la minorité de Childebert. — Il en fut de même pendant la minorité de Chlotaire II. — Ex vit. S. Ebrulfi inter acta SS. ordin. S. Bened., sæcul. I, p. 360. — Greg. Turon., IX, 36. — Ibid., VII, 19.

[12] Vit. S. Aredii, Lemovicens. abbat. — Greg. Turon, Histor., IV, 42.

[13] Inter act SS. ordin. S. Benedict., sæc. II, p. 95. — Vid. etiam Vit. S. Faronis, episcop. Meldens., ap. D. Bouquet, t. III, p. 502. — Vit. S. Sulpicii, episcop. Bituric., ibid., p. 509 — et Bolland., passim. — V. S. Sigiranni. — Ex vit. S. Hermelandi.

[14] Greg. Turon., lib. V. Vit. S Agili, abbat. Resbacens. — Ap. D. Bouquet, t. III, p. 513. — Vit. S. Mauri, ap. Bolland., t. I, januar.

[15] Greg. Turon, V, 49.

[16] Vit. S. Severini, abbat. Agaunens. Greg. Turon., VII, 18. Ibid., IV, 52. Ibid., V. 40. Vit. S. Eligii Noviomensis episcop., ap. Acherium, t. 5, Spiellegii.

[17] Greg. Turon, IV, 13. — Vid. etiam, V. 4.

[18] Greg. Turon, VI, 9.

[19] Greg. Turon, VI, 11.

[20] Greg. Turon., Histor., IV. — Ibid., V, 40. — Vit. S. Gregor., episcop. Lingonens., ap. Bolland., t. I, januar., p. 168.

[21] Greg. Turon, Histor., X, 29. — Vit. S. Valentini abbat.

[22] Greg. Turon, Histor., IV, 16. — Id. ibid., III, 33.

[23] Flavius referendarius Guntchramni regis. — Greg. Turon, lib. V, 46. — Asclepiodotus, referendarius Guntchramni R., ap. Sirmond., concilia gallicana, t. I, p. 379. Ascovindus et Leo pictavus Chramni consiliarii. — Ibid., lib. II.

[24] Ex vit. S. Severeni, abbat. Agaunens., ap. D. Bouquet, t. III.

[25] Sanctus Aridius, Lemovicensis abbas, apud Theodebertum cancellarius, quæ prior erat militia palatina. — Il y en avait plusieurs : Claudius quidam ex cancellariis regalibus. (Greg. Turon, de mir. S. Martin., IV, 28.) — S. Remaclus, procurator sacri scrinii palatii. (Ex vit. S. Bercharii, ap. D. Bouquet, t. III, p. 588.)

[26] Ex vit. S. Maximini, abbat. Miciacens. — Ex vit. S. Germerii, episcop. Tolos. —  Ex vit. S. Rictrudis, abbatissæ Marcianensis, c. 15, ap. D. Bouquet, t. III, p. 539.

[27] Greg. Turon, V, 49.

[28] 1525.

[29] M. Michelet, Histoire de France, t. I, p. 275, et M. Éd. Laboulaye, Histoire du droit de propriété, p. 351-53, ont parfaitement saisi le caractère de l’Institution.

[30] Pact. leg. Salic. antiq., tit. 11, 6. — Acta Bonifatti martyr.

[31] Ammien Marcellin, XIV, p. 20, édit. 1880. — Id., XXXI, p. 492. — Id., p. 493. — V. Cod. Theod., VI, tit. 13 : De comitibus et tribun. Scholar. — Cette dignité se retrouve chez les Ostrogoths (Cassiodore, Var., VII, 5.) — Singulier rapprochement ! Cette charge devint si considérable dans l’empire d’orient, qu’elle finit par être considérée comme la seconde de l’Empire. Elle était donnée le plus souvent à un parent de l’empereur.

[32] Voir plus bas chap. VIII.

[33] Lecointe, Annal. eccles. Francor.