HISTOIRE DU MOYEN ÂGE

SECONDE PÉRIODE

 

CHAPITRE DIXIÈME.

 

 

Allemagne, Italie, Bourgognes, depuis la déposition de Charles le Gros jusqu'à l'exaltation de Grégoire (887-1073). — Organisation de l'empire romain germanique. — Suite de la seconde invasion ; les Sarrasins en Provence ; les Hongrois en Pannonie et en. Allemagne ; les Normands dans l'Italie méridionale.

 

I

C'est par l'Allemagne qu'il convient de commencer l'histoire des États formés de l'empire carlovingien. L'Allemagne a été au moyen âge la première puissance temporelle de la chrétienté, le siège du nouvel empire d'occident, l'héritière des empereurs romains et de Charlemagne. Laissant à l'ancienne Neustrie le nom des Francs, elle a conservé leur prépondérance : ses empereurs n'ont incliné leur titre que devant le nom du pape, et ils se sont attribué la suprématie sur tous les rois. L'ancienne Rome n'avait pu soumettre la Germanie ; l'Allemagne, après avoir détruit l'empire romain par les émigrations de ses diverses tribus, a régné sur l'Italie jusqu'au quatorzième siècle.

Arnulfe avait été reconnu roi par les Bavarois et les Souabes ; les Thuringiens et les Francs orientaux ; les Saxons, les Frisons, et les Lotharingiens ou Lorrains. Il reçut presque en même temps l'hommage de tous les princes qui avaient pris le titre de roi dans les autres parties de la domination carlovingienne. Eudes, roi de France, commença, et reçut en récompense de sa soumission une couronne d'or. Rodolfe Welf vint à Ratisbonne soumettre à la suprématie d'Arnulfe ses États circonscrits entre le Jura, le Rhône et la Reuss ; Bérenger, proclamé roi d'Italie par les seigneurs, pendant que Gui, son compétiteur, réclamait la couronne de France, prévint les armes d'Arnulfe, et vint à Trente faire hommage. Enfin Boson étant mort (890), son jeune fils Louis, gouverné par sa mère Ermengarde, n'avait de sûreté que dans une protection puissante, et il reçut l'investiture royale du roi de Germanie. Ainsi fut fondé pour la première fois l'empire romain germanique ; la France seule a pu retirer son hommage, et garder l'Independence ; les autres nations, après un affranchissement passager, sont revenues successivement à l'autorité des rois germains.

Plusieurs ennemis extérieurs menaçaient les États d'Arnulfe et des rois ses vassaux. Les Normands continuaient d'infester la Lorraine. La Provence subissait l'invasion des Sarrasins. En 888, vingt Sarrasins d'Espagne avaient surpris le village de Fraxinet, dont ils firent leur station, et qui leur ouvrait le chemin jusqu'aux Alpes helvétiques ; ils allaient commencer dans les deux Bourgognes ces courses et ces ravages dont le sol garde encore aujourd'hui la trace, mais dont l'histoire nous a si peu conservé les détails. A l'est de la Germanie les Slaves n'étaient pas soumis ; et ils n'acceptaient qu'avec peine le christianisme. Les prédicateurs Cyrille et Methodius, envoyés par le patriarche de C. P. et approuvés par le pape, n'étaient encore écoutés que chez les Moraves ; le baptême des quatorze Woïewodes, au temps de Louis le Germanique, avait si peu profité aux Bohémiens qu'ils exilèrent leur duc Borziwoi pour s'être montré chrétien. Derrière les Slaves, on commençait à apercevoir les Madgyares ou Hongrois. Ce peuple scythique, venu d'Asie par la reste de Balamir, se serait peut-être contenté du pays entre le Borysthène et les monts Krapacks ; mais resserrés entre les Russes de Kief et les Bulgares alliés de l'empire grec, ils se rapprochèrent de la Pannonie. Héritiers des Huns et des Avares, ils ne préparaient pas moins de terreur et de souffrances à l'Europe ; c'était la même laideur, les mêmes habitudes, et peut-être plus d'agilité à la course. Quelle que soit du reste l'opiniâtreté et le nombre de ces ennemis extérieurs, ils seront tous vaincus à la longue ; les Slaves entreront dans l'empire germanique comme sujets, les Hongrois comme alliés.

Le règne d'Arnulfe est la préparation de ces grande résultats ; ce prince passe sa vie à combattre la seconde invasion, à contenir les nations qui lui ont fait hommage, à réclamer la couronne impériale pour constater et assurer sa suprématie. Il combattit d'abord les Normands sur la Dyle en Lorraine. Les barbares retranchés, selon leur usage, derrière des remparts de bois et de terre, préludaient au combat par des rires insolents, rappelant aux Germains qu'ils avaient tué sur la Gheul l'archevêque de Mayence, et leur promettant un sort pareil[1]. Arnulfe saisit la bannière royale, et commença lui-même le combat. Sigefried et plusieurs milliers de barbares tués, seize étendards pris, la Lorraine était délivrée ; Arnulfe en fit un royaume pour son fils Zwentibald (891). Il avait traité précédemment avec le grand Zwentibald de Moravie, et, pour détruire les Slaves par les Slaves, abandonné aux Moraves la Bohême tributaire de la Germanie ; il s'aperçut bientôt qu'il n'avait que perdu à cet accommodement, et voulut réparer sa faute par une guerre. Il fit alliance avec les Hongrois et les Slaves de la Save. Il ravagea sana pitié le pays de Zwentibald, et souffrit lui-même dans sa retraite de la dévastation par laquelle il avait espéré réduire le Morave à l'impuissance. On lui a reproché son alliance avec les Hongrois ; l'historien Luitprand, dans sa colère, rapporte à cette faute tous les maux que ces barbares ont répandus sur l'Europe. A l'en croire,  Arnulfe, pour ouvrir le chemin aux Hongrois sur le pays des Moraves, aurait abattu lui-même les fortifications élevées par Charlemagne sur les frontières de l'empire (893).

L'Italie n'avait pas persévéré dans l'hommage rendu par Bérenger à Arnulfe. Gui, revenu de France, vainqueur de son rival sur la Trebia, et proclamé roi d'Italie à Pavie (891), avait encore reçu du pape Étienne V la couronne impériale, et assuré la succession à son fils. Lambert par un couronnement anticipé. Bérenger demandait du secours à son seigneur, et tandis combattait les Moraves, le roi de Lorraine avait paru en Italie pour faire preuve au moins de bonne volonté. La première expédition d'Anulfe lui-même ne fut pas heureuse (894) ; le roi de Bourgogne transjurane attendait aussi l'occasion de rejeter la suprématie germaine et il envoyait des troupes à l'empereur Gui. Après avoir pris Bergame et Plaisante, et arrêté les grands vassaux de Lombardie et de Toscane qui voulaient mettre un prix à leur soumission, Arme revint en Germanie ; il dirigea son fils contre la Transjurane qui fut ravagée, et il observa ce qui se passait chez les Slaves. Zwentibald venait de mourir, et, à la faveur des dissensions de ses deux fils, la Bohême reprit l'indépendance et accueillit Methodius que les Moraves obligeaient à la fuite. Le repos de l'Allemagne paraissant donc assuré, la nouvelle de la mort de Gui encouragea Arnulfe à reparaître en Italie (895). On vit bien cette fois que le roi de Germanie voulait se rendre maître de l'Italie par la soumission des vassaux italiens. Il dépouilla Bérenger, son protégé du duché de Frioul et mit à sa place un Allemand ; un autre Allemand fut investi du duché de Milan. Rome, où Lambert s'était retiré, fut assiégée et prise, et Arnulfe fut couronné empereur per le pape Formose. La résistance d'une femme et de nouvelles menaces des Moraves renversèrent cette puissance prématurée. La veuve de Gui ne se laissa point prendre dans Spolète, et fit reculer l'empereur étranger ; à peine il avait repassé les Alpes que le duc de Milan fut unis à mort ; Lambert rentra dans Pavie. Bérenger recouvra le Frioul. Arnulfe, plus heureux contre les Moraves, couvrit une seconde fois leur pays de ruines (898), et délivra l'un des deux princes que l'autre avait emprisonné pour régner seul ; mais il mourut en 899.

 

II

Le Xe siècle commence à la mort d'Arnulfe ; c'est le plus douloureux de tous les siècles du moyen âge. Il s'ouvre avec l'établissement des Hongrois dans la Pannonie, et il se termine à l'an mil, époque fatale où l'humanité attendait, non sans complaisance, la fin du monde. Jamais tant de souffrances ni de hontes n'ont courbé vers la terre le corps et l'orgueil de l'homme. Malheur aux nations à qui les Normands, les Sarrasins, les Hongrois, ne laissent ni pain ni repos ; malheur aux faibles opprimés par la protection des forts ; malheur aux forts à cause de leurs haines mutuelles ; malheur à l'Église elle-même ! Parmi tant de causes de larmes, nulle n'irrita plus vivement le désespoir que les scandales dont l'Église fut affligée ; la Simonie renouvelée par les ambitions féodales régnant sur les évêchés et les monastères, les loups dans la bergerie ; Rome, cette mère de toutes les églises, flétrie des vices de ses propres pontifes ; des femmes disposant de la tiare, un Octavien sur la chaire de Saint-Pierre. À cette vue, l'homme se troubla ; il reconnut l'abomination de la désolation dans le lieu saint, il crut comprendre ce qu'il ait lu, et, sans fuir vers les montagnes, sans retourner des champs à la maison pour y prendre son vêtement ; il se coucha sur la terre ; en attendant que le signe du fils de l'homme parût dans le ciel, et que la trompette angélique rassemblât les élus des quatre coins du monde.

La mort d'Arnulfe ajourna la souveraineté définitive des Germains sur l'Italie et sur les Bourgognes. Un roi de sept ans, son fils Louis,  surnommé l'Enfant, lui succédait ; et les grands du royaume étaient bien moins avides de conquêtes extérieures que d'affermir leur puissance nouvelle. Arnulfe avait fait un duc de Saxe ; un Léopold était devenu insensiblement duc de Bavière ; dans le pays de Francs orientaux, Conrad le Vieux se fondait, au milieu des guerres privées, le duché de Franconie[2] ; la Lorraine donnée à Zwentibald eût été séparée de la Germanie, si les Lorrains fatigués de la tyrannie de Zwentibald, ne lui eussent préféré Louis l'Enfant qu'ils proclamèrent leur roi à Thionville (900).

Deux faits seulement ont marqué ce règne ; une dernière apparition des Normande dans la Lorraine, qui fut réprimée, et l'établissement des Hongrois dans la Pannonie et dans le pays des Moraves. Le khan Arpad, de concert avec les Bohémiens, attaqua en 904 le dernier prince morave, le vainquit et le condamna à périr sur un gibet. La Morava servit de limite au partage que les deux peuples alliés firent du territoire vaincu ; les Hongrois eurent la rive gauche, les Bohémiens la droite. Si la Germanie était vengée de l'ancienne audace des Moraves, elle ne gagna pas le repos à leur destruction ; les Hongrois essayèrent aussitôt leurs forces contre les Germains, et ils envahirent la Bavière que rien ne protégeait plus, Les tuteurs de Louis l'Enfant menacèrent du supplice des traitres quiconque ne répondrait pas à l'appel ; une première armée germaine fut néanmoins vaincue près d'Augsbourg ; le duc de Bavière tué au mérite lieu quelque temps après, le duc de Thuringe tué en défendant son gouvernement, ouvrirent tout l'Occident aux ravages des Hongrois. Pendant soixante ans l'histoire des Hongrois est tout extérieure ; on les trouve en Allemagne, en Italie, en France, partout, excepté chez eux.

Louis l'Enfant étant mort en 911, les descendants de Charlemagne cessèrent de régner sur la Germanie. La Lorraine se donna à Charles le Simple de France ; les Saxons, les Francs orientaux, les Thuringiens, choisirent pour roi Conrad le Jeune, de Franconie ; désormais la royauté allemande sera élective ; toutefois quelques familles parviennent parleur illustration ou leur puissance à se Faire continuer dans la royauté.

L'incertitude de leurs droits, la turbulence des vassaux, la crainte des Hongrois retiennent en Germanie les deux premiers successeurs de Louis l'Enfant ; Conrad Ier régna huit ans (911-919), tout occupé de contenir les grands. Arnoul le Mauvais, duc de Bavière depuis la mort de son père Léopold, n'avait pas contribué à l'élection de Conrad ; il prenait lui-même le nom de roi, et s'arrogeait certains droits royaux. La Thuringe était alors réunie à la Saxe sous un seul duc ; le duc de Saxe, Otton Ier, étant mort, son fils Henri prétendit hériter des deux duchés ; en vain Conrad nomma un duc de Thuringe. Henri fut le plus fort, battit le nouveau duce détruisit près d'Ehresbourg l'armée royale, et en Bit un si grand carnage, que les Sans demandaient si l'enfer serait assez vaste pour contenir ces morts d'un seul jour. Le duc de Bavière était soutenu par les deux administrateurs de la Souabe, Berthold et Erkanger. Conrad les cita à la diète d'Altheim (916). Berthold et Erkanger furent décapités. Croyant alors se faire un ami puissant, Conrad érigea la Souabe en duché, et la donna à Burchard[3]. Mais il n'avait pas détruit Arnoul. Vaincu dans une grande bataille, le duc de Bavière se retira chez les Hongrois, et bientôt les ramena sur l'Allemagne. Conrad fut blessé en les combattant, et mourut sans vengeance (919).

Il avait lui-même désigné pour son successeur Henri de Saxe son ennemi, mais aimé des Saxons qu'il civilisait, et assez puissant pour protéger l'Allemagne. Eberhard, frère de Conrad, pour prévenir et décider le choix de Henri, lui porta les ornements royaux ; il le rencontra à la chasse aux oiseaux, de là Henri a été surnommé l'Oiseleur.

Henri l'Oiseleur (919-936) élu par les Francs, les Souabes, les Bavarois, les Thuringiens et les Saxons, commence cette maison de Saxe qui organisa véritablement l'Allemagne, et lui acquit pour toujours le titre impérial Il parut soumettre les grands vassaux, ou du moins apaiser leur ambition.

Burchard, duc de Souabe, se soumit à Henri avec toutes les villes et tous les hommes qui dépendaient de lui[4]. Arnoul de Bavière était encore en armes ; il l'assiégea dans Ratisbonne, lui confirma son duché, et pourvu qu'il renonçât au vain nom de roi, lui laissa le droit de nommer les évêques, et de conférer comme il voudrait les biens ecclésiastiques. Bientôt la Lorraine revint à la Germanie ; Henri en avait conquis une partie par les armes, le reste lui fut abandonné après la mort de Charles le Simple. Henri en détacha l'Alsace qu'il joignit au duché de Souabe, et donna le reste du duché de Lorraine à son gendre Giselbert, espérant retenir la fidélité du pays par un lien de famille.

La véritable gloire de Henri l'Oiseleur, c'est d'avoir assuré l'Allemagne contre les ennemis du dehors. Une invasion des Hongrois (924) était parvenue jusqu'en Thuringe. Henri, malade, avait acheté une trêve de neuf ans par un tribut annuel. Il en profita pour préparer la guerre. Il se mit à former des armées, une cavalerie, et les exerça aux manœuvres ; fortifia les lieux qui paraissaient propres a la défense, par des murs et des châteaux ; et par de grands privilèges, il y attira le neuvième de la population des campagnes : en rapporte à cette époque le commencement des villes d'Allemagne.

En attendant le retour des Hongrois, il se montra aux Slaves ; en 926, il passe le Havel sur la glace, et prend Branibor, la seule forteresse des Helvétiens, une des tribus Obotrites. Là, il établit la marche de la Saxe septentrionale, la marche de Brandebourg ; il attaque ensuite les Dalemintiens, tribu sorabe, et établit contre eux la marche de Misnie, qui devait, comme celle de Brandebourg, relever des ducs de Saxe. Le roi de Jutie, Gorm le Vieux, est forcé d'abolir l'idolâtrie et les sacrifices humains, et de recevoir des prédicateurs chrétiens ; une troisième marche, celle de Sleswick, protège la Saxe contre les Danois, et des colonies saxones y sont transportées pour aider à la civilisation danoise. La Bohème commençait à connaître le christianisme. Methodius avait fondé unie église à Prague, et une école latine : Wratislas et Wenceslas avaient successivement encouragé les prédications, et l'église de Boleslavie fut fondée en l'honneur de Methodius et de Cyrille. Henri l'Oiseleur, en 928, soumit la Lusace ; en 930, il assiégea Prague et imposa, comme il lui plut[5], la loi à la Bohême. Cette conquête encore mal assurée hâtait cependant l'époque où la Bohême ferait partie du corps germanique.

Les Hongrois reparurent en 933. La trêve était finie ; ils demandèrent le renouvellement du tribut. Le refus moqueur de Henri attira sur l'Allemagne deux armées. L'une fut détruite par les Saxons et les Thuringiens ; le roi lui-même attaqua l'autre prés de Mersebourg. C'est une grande journée dont le souvenir vit encore. Henri, vainqueur, la fit représenter sur les murs de son palais. Il rétablît les églises et les monastères abattus par les Hongrois, ordonna que les filles des nobles qui avaient péri dans cette victoire, seraient entretenues jusqu'à leur mariage dans l'abbaye de Quedlembourg. Aujourd'hui même on célèbre, chaque année, la victoire de Mersebourg dans la paroisse de Keuschberg[6].

Otton Ier, qui succéda à son père Henri l'Oiseleur, fut plus grand encore et plus habile. La cérémonie de son couronnement annonça la grandeur de son règne. Les trois archevêques du Rhin se disputaient l'honneur de le couronner, celui de Trèves pour l'ancienneté de sa métropole, celui de Mayence pour son nom de primat de la Germanie, celui de Cologne parce que le sacre se faisait dans son diocèse. L'archevêque de Mayence remporta. Les grandes charges du royaume apparurent aussi. Eberhard, due de Franconie, fit les fonctions de grand-maître, Hermann, duc de Souabe, celles de grand échanson, Arnoul de Bavière, celles de grand maréchal. Giselbert, duc de Lorraine, avait soin du logement et de la nourriture de la cour et des étrangers.

Pour contenir les grands vassaux, Otton imagina deux expédients : il réunit, tant qu'il put, les duchés dans sa famille, et surveilla les ducs par l'institution des comtes palatins. Le fils d'Arnoul le Mauvais n'avait pas voulu recevoir l'investiture d'Otton, il fut dépouillé et remplacé par son oncle Berthold. Une querelle ayant éclaté entre le duc de Franconie et un prince saxon, Otton avait donné tort à Eberhard, et condamné ses adhérents à la peine de la Cynophorie. Eberhard crut se venger en soutenant un frère d'Otton, Tankmar, qui réclamait la royauté. La révolte ne finit pas par la mort de Tankmar ; un autre frère d'Otton, Henri le Querelleur, s'était retiré chez le duc de Lorraine. Eberhard, exilé, vint les rejoindre, Mais le roi les vainquit, dépouilla l'archevêque de Mayence, leur complice de la dignité d'archi-chancelier, et la transféra à l'archevêque de Cologne ; Giselbert se noya, et Eberhard fut tué. Henri le Querelleur fut seul épargné.

Eberhard fut remplacé par Conrad le Sage. Ce nouveau duc eut la Franconie et la Lorraine, Otton lui donna sa fille. En 947, le duc de Bavière, Berthold, étant mort, fut remplacé par le frère d'Otton, Henri le Querelleur. Ludolphe, fils d'Otton, épousa la fille d'Hermann, duc de Souabe et d'Alsace, et devint son héritier en 960. La Saxe, le duché d'Henri l'Oiseleur et d'Otton, avait été donnée à Hermann Billung, l'adversaire des Bohémiens. C'est le seul grand fief pie le roi de Germanie ne confia pas à sa famille.

Tous ces grands vassaux étaient encore révocables, et si leurs fils héritaient quelquefois, ce n'était pas par un droit, mais par un libre choix du prince. Pour balancer leur autorité et la tenir subordonnée au roi, Otton établit dans plusieurs duchés un comte palatin, lieutenant et représentant du roi qui recevait les appels des jugements rendus par les ducs. La Lorraine, la Bavière, la Saxe, la Souabe, eurent leurs comtes palatins. Celui de Lorraine résidait à Aix-la-Chapelle. Plus tard, quand les ducs de Franconie cessèrent, les comtes palatins de Lorraine leur succédèrent, et fondèrent la puissance nouvelle des comtes palatins du Rhin.

Otton opposa encore aux grands vassaux la puissance ecclésiastique. Il donna l'exemple de conférer des villes et des comtés aux évêques avec la juridiction temporelle, les droits royaux ou régaliens. Les villes où résidaient les évêques furent exemptées de la juridiction des ducs et des comtes. De là, tant de principautés ecclésiastiques en Allemagne, et, sur le Rhin, le grand pouvoir des archevêchés de Trèves, Mayence et Cologne.

Maître respecté au dedans, Otton fut vainqueur au dehors. L'ennemi le plus difficile à dompter, fut la Bohème, qui repoussait tout à la fois le christianisme et la suprématie des Germains. Le duc chrétien Wenceslas avait péri assassiné par sa mère, et par Boleslas, son frère (936) ; ce frère devenu souverain rétablissait l'idolâtrie ; pendant quatorze années il trompa tous les efforts d'Otton par ses succès ou par ses feintes soumissions. Après plusieurs victoires sur les généraux germains, vaincu par le roi lui-même, il promit tout ce qu'on demandait : le tribut payé à Henri l'Oiseleur, l'abolition des idoles ; et aussitôt qu'il crut ses forces réparées, il refusa l'un et l'autre. En 950, Otton l'assiégea dans Boleslavie ; cette fois la soumission fut entière, les idoles remplacées par de nouvelles églises chrétiennes, et la fidélité au roi germain irrévocablement observée. Les Slaves Wilses furent aussi vaincus, et la suprématie allemande imposée même à la Pologne. Les Danois avaient détruit la colonie saxone de Sleswick, Otton parcourut toute la péninsule cimbrique jusqu'au Limfiord ; le roi des Danois, Harold II, obligé, dit-on à l'hommage, reçut le baptême, et fonda les évêchés de Sleswick, Ripen, Aarhuus.

Ce fut au milieu du dixième siècle que le roi Otton par la conquête de l'Italie assura aux Germains les honneurs de la couronne impériale. L'Italie était loin de cette tranquillité, de cette unité apparente que la force et l'habileté de deux rois venaient de donner à l'Allemagne, Le dangereux exemple des duchés Lombards n'avait pas été anéanti par Charlemagne lui-même, et après sa mort, sous les nouveaux rois d'Italie, les principautés Féodales s'y multiplièrent, et s'accrurent aux dépens de la royauté : plusieurs grands fiefs existaient déjà au commencement du Xe siècle ; le duché de Frioul au N.-E., le marquisat d'Ivrée au N.-O. ; le duché de Spolète, et dans ses environs le marquisat de Camérino ; sur la mer Tyrrhénienne le marquisat de Toscane, dont le possesseur aurait pu s'appeler roi plutôt que marquis car il ne différait des rois que par le nom. Depuis l'empereur Louis II, les Lombards bénéventins ne payaient plus même le tribut aux rois d'Italie, successeurs de Charlemagne ; pour échapper aux Francs, ils avaient feint de se soumettre aux Grecs ; les trois principautés de Bénévent, de Salerne et de Capoue, ne reconnaissaient aucune suprématie.

Rome et son territoire ne dépendaient que de l'empire et non du roi d'Italie ; et s'il n'y avait pas d'empereur, le seul souverain de floue était le pape ; mais l'autorité même du pape était contestée souvent par la turbulence des nobles ou les espérances républicaines de la population. Il se forma de bonne heure dans Rome une faction ennemie des Allemands, dont le but avoué était l'expulsion des barbares, dont le moyen de succès était de diriger le gouvernement. Les souvenirs de l'ancienne Rome, de cette république qui avait conquis le monde n'avaient pu s'éteindre chez ce peuple, si fier de son passé ; rétablir la république, et conquérir le monde une seconde fois par des soldats libres, telle fut souvent, pendant le moyen âge. la plus chère espérance des Romains et la plus ridicule de leurs prétentions ; ennemie des Allemands, conquérants étrangers, ils furent quelquefois ennemie des papes, monarques intérieurs. Au Xe siècle, la faction voulut exploiter à son profit la prépondérance que les papes exerçaient par leur caractère, par les richesses de l'église, par le souvenir de leurs bienfaits. Les nobles avaient bâti des châteaux, ou converti en forteresses les arcs de triomphe et les tombeaux des anciens Romains ; tout-puissants dans ces remparts, ils en descendaient pour diriger sur la place publique le choix du pontife, et acquérir pour eux-mêmes les droits du Saint-Siège en les livrant à leurs créatures : à ces brigues simoniaques se joignait la corruption. On vit des femmes illustres dominer dans la faction par leurs excès mêmes ; Théodora, et après elle Marozie, sa digne fille, furent l'opprobre de Rome, et des pontifes scandaleux choisis par de telles gens, associèrent leur nom à ces forfaits. Jamais la divinité de la religion n'a été mieux démontrée ; qu'elle ait survécu aux crimes de ses propres ministres, c'est un miracle non moins grand que son établissement par toute la terre. Voilà quelle Grande leçon les misères du Xe siècle ont donnée au monde.

Les Grecs gardaient encore en Italie, sous l'autorité d'un catapan, le thème de Lombardie : ils appelaient de ce nom quelques villes des cotes, entre autres Bari et Tarente qu'ils avaient reprises aux Sarrasins. Les ennemis extérieurs de l'Halle étaient les Sarrasins, campés sur le Garigliano depuis 881, et les Hongrois.

Le départ d'Arnulfe rendit aux Italiens l'indépendance. Le pape Formose déclara le sacre de l'étranger subreptice et barbare ; Lambert redevint empereur et roi d'Italie ; et par un traité avec lui, Bérenger rentra en possession du Frioul, et règne en maitre jusqu'à l'Addua. Cet affranchissement même tourna contre la tranquillité des Italiens ; à l'autorité respectée d'un conquérant, succéda la lutte féodale des vassaux contre la royauté nationale. Lambert étant mort, Bérenger sortit du Frioul, soumit Pavie, et proclamé roi d'Italie, il reçut la couronne de fer (899). Aucun règne n'a été plus agité que celui de Bérenger. Les grands appellent d'abord contre fui le roi de Bourgogne cisjurane Louis, fils de Boson, au moment que les Hongrois viennent pour la première fois explorer l'Italie et vaincre sur la Brenta. C'est une lutte de cinq années. Le Bourguignon est roi d'Italie et empereur sous le nom de Louis III ; Bérenger, tour à tour expulsé, et rappelé, par les caprices des grands ne l'emporte qu'en faisant crever les yeux à son rival (905). Débarrassé de cette agitation féodale, Bérenger retombe dans les dangers de l'invasion qui favorisaient toujours la féodalité. En 906 les Hongrois reparaissent et pillent les environs de Brescia, de Trévise, de Padoue, de Milan, de Pavie, massacrent une armée de vingt mille hommes et vendent leur retraite sans rendre leurs nombreux prisonniers ; les Sarrasins de Bourgogne tenaient dans les Alpes le monastère de Saint-Maurice d'où ils s'élançaient sur la Souabe et sur l'Italie, pour y rapporter leur butin ; ils descendent près de Turin, et détruisent le monastère de la Novalèse ; les Sarrasins du midi, inexpugnables sur le Garigliano, invincibles aux ducs de Bénévent de Naples et d'Amalfi, s'emparent de Reggio en Calabre ; au milieu de la terreur générale Bérenger ne peut interdire aux grands, seigneurs, évêques, abbés, de bâtir des châteaux et de fortifier leurs ces fortifications, asile du peuple pendant l'invasion, en devenaient aussi la prison, et servaient de rempart à la résistance Féodale contre le roi. Bérenger n'eut qu'un moment de gloire. En 916 le pape Jean X recourut à son alliance contre les Sarrasins, et l'obtint par le don de la couronne impériale, vacante depuis la fuite de Louis III. Ce couronnement fut une fête dans Rome à cause de l'espérance d'une prochaine victoire sur les ennemis du nom chrétien. Une flotte avait été demandée à l'empereur grec ; le duc de Bénévent, ceux de Naples et de Gaëte se joignirent aux troupes de Bérenger ; le pape voulut se mettre à la tête. La colonie sarrasine du Garigliano fut cernée de toutes parts ; bloqués dans leur camp, sans vivres, entourés du feu qui brille leurs retranchements, les Sarrasins veulent se faire jour à travers l'armée chrétienne et parviennent à une montagne voisine ; mais ils n'échappèrent pas. On les diminua par des combats de chaque jour et le pape retourna à Rome couvert de gloire. Dès ce moment, la domination des Sarrasins ne fit plus que languir, et l'Italie parut délivrée.

Les grands renversèrent Bérenger ; ils lui reprochèrent d'abord (921) d'avoir vendu trop cher l'archevêché de Milan ; ils s'entendirent avec l'acheteur, et appelèrent le roi de Bourgogne transjurane, Rodolphe II ; ils reprochèrent ensuite à Bérenger de st ire allié contre eux aux Hongrois, d'avoir livré Pavie à ces alliés (924), d'avoir Fait périr ainsi quarante églises et un peuple innombrable ; ils l'assassinèrent dans la nuit de Noël. Rodolphe, appelé par les grands, et vainqueur des Hongrois, se croyait assuré sans doute par le consentement et la reconnaissance de tous : il ne régna pas deux arts. Une famille non moins puissante que corrompue tenait durs les points les plus importants de l'Italie, Boule, Spolète, la Toscane, les marches septentrionales Marozie, véritable souveraine de Rome avait épousé Albéric, marquis de Camérino et due de Spolète ; ce mari étant mort assassiné, Marozie garda la puissance dans ses États comme à Rome, et l'étendit sur la Toscane par un second mariage avec Gui, marquis de Toscane Gui avait une sœur, Hermengarde, veuve du marquis d'Yvrée, à qui les seigneurs du nord conservaient le gouvernement : deux femmes sans pudeur disposaient de l'Italie. Elles appelèrent un frère utérin de Gui, Hugues de Provence, alors chargé de gouverner comme tuteur la minorité de Charles Constantin, fils de Louis III. Rodolphe tomba plus vite encore qu'il n'était devenu roi ; le duc de Souabe, son allié, fut tué à coups de lances par les hommes d'Hermengarde. Hugues, débarqué à Pise, reçu avec enthousiasme, fut proclamé roi à Pavie, et couronné à Milan.

Hugues n'eut pas une m'effleure fortune que ses deux prédécesseurs. Établi par les vassaux, le roi ne pouvait s'affermir qu'en les affaiblissant, et dès qu'il en manifestait l'intention, il les tournait contre lui. On trouva mauvais que Hugues fit alliance avec Henri l'Oiseleur : on sut qu'il traitait secrètement avec le pape Jean X, et le pape fut étouffé dans un cachot par les hommes de Gui et de Marozie. On ne vit pas sans inquiétude l'accroissement du roi. Rappelé en Bourgogne par la mort de Louis III, au lieu de laisser l'héritage à Charles Constantin, Hugues prit tout pour lui-même, excepté le comté de Vienne. Il avait disposé à son gré du duché de Spolète ; Gui de Toscane étant mort, et son frère Lambert l'ayant remplacé, Hugues annonçait l'intention de dépouiller ce prince qui était aussi son frère ; les grands rappelèrent donc contre lui Rodolphe, son ancien rival ; Hugues se débarrassa de cet ennemi à des conditions funestes ; il lui abandonna la Cisjurane, excepté le comté de Provence, et fonda ainsi le royaume d'Arles ; le mariage de son fils Lothaire avec Adélaïde, fille de Rodolphe, était une faible compensation d'une si grande perte ; aussi le roi d'Italie se rapprocha de ses parents. Marozie était veuve, il l'épousa ; il entra dans Rome, et crut qu'il allait devenir empereur. Mais Marozie avait deux fils de son premier mariage ; l'un était pape sous le nom de Jean XI, l'autre s'appelait Albéric, ayant reçu un soufflet de son beau-père, appela aussitôt à la liberté les descendants des anciens maîtres du monde. Hugues fut chassé de Rome. Albéric, proclamé patrice et consul, rétablit une apparence de république, jeta Marozie en prison, donna des gardes à son frire Jean XI, et résista heureusement au roi d'Italie.

Hugues régna un moment par la terreur sur les grands vassaux ; il punit d'une captivité perpétuelle le comte de Vérone qui avait appelé le duc de Bavière Arnoul le Mauvais ; il donna la Toscane à son propre fils Hubert, dont il avait le droit d'attendre l'obéissance et le respect d'un fils. Il tua lui-même le fils aîné d'Hermengarde, et força l'autre, Bérenger, à fuir en Allemagne (940). Retournant aussitôt ces succès contre les ennemis extérieurs, il attaqua les Sarrasins de Provence. Allié de l'empereur grec, Romain II, il brilla par le feu grégeois les vaisseaux des infidèles et détruisit leur station de Fraxinet ; il les eût anéantis tout à fait, s'il n'ait mieux aimé s'en faire des alliés, et leur confier la garde des Alpes helvétiques au nord de l'Italie. Après cette victoire, il continua contre les vassaux son système de spoliation. Hubert, déjà marquis de Toscane, devint duc de Spolète : des Bourguignons, des Provençaux furent imposés de tous côtés aux italiens. On murmurait donc : une invasion de Hongrois (944) augmenta le mécontentement en même temps les émissaires de Bérenger parcouraient l'Italie jusqu'à Rome, et préparaient une révolte. Hugues apprit tout à la fois que Bérenger avait reparu, et que lui-même, n'était plus roi, que les comtes ou les évêques ouvraient leurs villes, que les seigneurs accouraient auprès de Bérenger, demandant gouvernements, fiefs, abbayes. Il consentit alors quitter le trône ; il vint à Milan, supplia les seigneurs, s'ils ne voulaient plus de lui, de ne pas enlever la couronne à son fils Lothaire, qui ne leur avait fait aucun mal. Il déconcerta de cette manière l'ambition de Bérenger, et Lothaire fut proclamé roi (945). Le nouveau règne fut court. Bérenger, tuteur du jeune roi, disposait à son gré des évêchés et des gouvernements en faveur de ses créatures, et Lothaire étant mort (950), il devint rai avec son fils Adalbert. On le soupçonnait d'avoir empoisonné Lothaire, on s'indigna qu'il voulût forcer la veuve de ce prince, Adélaïde, épousa son fils pour confondre les droits des deux familles. Adélaïde refusa courageusement, elle préféra se laisser dépouiller de ses biens, traîner par les cheveux, enfermer dans le château de Garda. Délivrée par un prêtre, elle trouva asile cher le seigneur de Canossa, vassal de l'évêque de Reggio ; de là elle appela Otton Ier en Italie.

 

III

Otton parait pour la première fois en Italie (951-952) : il s'empare de toute la Lombardie, excepté des places fortes, se fait couronner à Pavie et épouse Adélaïde ; mais il demande en vain la couronne impériale au pape Agapet II. Albéric, toujours maître dans Rome, aurait craint de se donner un maître et depuis la mort de l'empereur Bérenger, la faction dominante avait maintenu l'indépendance de Rome, en prolongeant la vacance de l'empire. Cette première expédition fut donc incomplète et suscita même au roi germain des embarras domestiques qui retardèrent de dix années la conquête définitive de l'Italie. Otton, par son second mariage, s'était fait un ennemi de son fils Ludolphe, duc de Souabe ; par une perfidie il se fit un autre ennemi de son gendre Conrad, duc de Lorraine. Conrad, laisser en Italie pour la conquérir tout entière, avait lui-même conduit en Saxe Bérenger, lui promettant les bonnes grâces d'Otton ; il s'indigna que, malgré sa parole, Otton voulait tuer Bérenger, et il fit voir son mécontentement. Le roi de Germanie, entre une conquête incertaine et des vassaux menaçants, prit le parti de traiter avec Bérenger ; il ne retint que le duché de Frioul, et abandonna le reste aux deux princes italiens, comme fief de la couronne de Germanie, à condition qu'ils gouverneraient en vrais rois, et ne seraient plus les tyrans de leurs sujets.

Ce fut un avantage pour Otton que d'être retenu en Allemagne par la révolte de Ludolphe et de Conrad ; il y trouva le droit d'affaiblir encore la féodalité, et l'occasion d'arrêter pour toujours les invasions hongroises. Les deux rebelles, en effet, n'avaient pas été apaisés par le retour de Bérenger en Italie, et ils appelaient les Hongrois. Après deux ans de résistance, Ludolphe et Conrad furent vaincus, Ludolphe dépouillé de la Souabe, Conrad de la Lorraine. Dès lors la Lorraine fut partagée en deux duchés, la Lorraine Mosellane, et la Lorraine inférieure ou Lothier qui comprenait le Brabant, la Gueldre et Liège : il fut même permis à quelques seigneurs de Lorraine de devenir vassaux immédiats du roi ; c'étaient autant de vassaux ravis à l'autorité ducale. Quant aux Hongrois, ils furent attaqués à leur tour après la défaite de leurs alliés. Le champ du Lech près d'Augsbourg en vit tomber cent mille, et une partie de l'Avarie fut conquise. Otton en fit une marche, une province orientale (Osterland ou Osterreich) sous les ordres d'un margrave qui dépendrait de la Bavière ; tel est le commencement de l'Autriche ; les Hongrois n'ont pas franchi cette barrière (955).

La pacification de l'Allemagne, la défaite des Hongrois, laissaient à Otton le loisir de redescendre en Italie ; les fautes de Bérenger lui en donnaient le droit. Ludolphe, chargé d'abord de protéger par les armes les évêques, les comtes, les seigneurs italiens, menacés ou punis par Bérenger, eut quelques succès, mais mourut peut-être empoisonné (957). Le roi italien continua ses tyrannies. Albéric étant mort, son fils Octavien, chef de la faction, s'était emparé, à dix-huit ans, du Saint-Siège, sous le nom de Jean XII. Alors la république avait semblé renaitre sous une forme régulière ; on avait fait un préfet de la ville, des consuls annuels, et douze tribuns, un par quartier, qui défendaient les intérêts publics. Jean XII, attaqué dans le duché de Rome par Bérenger, réclamait la Pentapole et l'exarchat et faisait cause commune avec les seigneurs italiens ; il appela Otton. Ses légats suppliaient le roi de Germanie, pour l'amour de Dieu et des saints apôtres Pierre et Paul, d'enlever l'Église romaine aux griffes des deux monstres qui la déchiraient. Les comtes et les évêques demandaient la même délivrance. L'archevêque de Milan se plaignait qu'on reçût de l'argent de son compétiteur. D'autres venaient chercher un asile en Allemagne contre les embûches du roi d'Italie. Jamais l'Italie ennemie des étrangers qu'elle appelait barbares, n'avait si ardemment invoqué la domination étrangère.

Otton s'approchait des Alpes (961), après avoir fait reconnaître pour son successeur en Germanie le fils que lui avait donné Adélaïde. Les vassaux italiens qui devaient le combattre déclarent à Adalbert qu'ils ne veulent plus de Bérenger ; que Béranger abdique, et ils reconnaîtront son fils ; autrement ils se donneront au roi de Germanie : la femme de Bérenger refusa. Les vassaux renvoyant alors leurs troupes, viennent à la rencontre d'Otton, l'accompagnent jusqu'à Milan, déposent Bérenger et son fils ; et l'archevêque couronne Otton, roi d'Italie.

L'entrée dans Rome fut aussi facile. Tout était convenu avec Jean XII (962). Un serment solennel avait été donné par Otton. J'exalterai la sainte Église romaine, et vous qui la gouvernez. Je ne tiendrai point de plaid, je ne publierai point de loi dans la ville qui touche les Romains, sans avoir pris votre consentement[7]. Le pape couronna Otton empereur, et jura à son tour qu'il n'aurait plus aucun rapport avec les deux rois déposés. Otton confirma les donations de Pépin et de Charlemagne comme avaient fait tous les empereurs à leur sacre, et honora le pape, la noblesse, le peuple même, de riches présents[8]. La dignité impériale d'occident que tant de souverains s'étaient disputée, et où Bérenger n'avait pas eu de successeur, fut ainsi rétablie après trente-huit ans, en faveur d'un prince germain ; elle ne sortira plus de la Germanie.

Pour assurer les résultats de cette grande acquisition, pour régner sans compétiteurs sur l'Italie, il restait à détruire Bérenger ; pour régner sur Rome, il fallait ruiner la faction ennemie des Allemands rendre l'autorité au pape dans la ville, puis subordonner le pape à l'empereur ; Otton passa le reste de son règne à ce travail. Les efforts que les Italiens et les Romains tentèrent pour s'affranchir n'aboutirent qu'à affermir la domination étrangère ; les crimes de Jean XII furent l'occasion et le prétexte de l'asservissement de la papauté. Otton attaquait les châteaux forts, dernier asile du parti italien ; il venait de réduire la femme de Bérenger, quand il apprit les forfaits de Jean XII et son alliance avec Adalbert. On accusait Jean lui d'actions honteuses dont les histrions eux-mêmes rougiraient. Coupable d'homicide, de parjure, de sacrilège, il avait bu à la santé du démon, et invoqué au jeu le secours de Jupiter, de Vénus et des autres esprits mauvais ; on parlait d'autres crimes bien plus scandaleux encore. Otton revint à Rome pour tirer bon parti de ces circonstances ; il voulait, disait-il, corriger ce pape ou plutôt cet enfant, cet étourdi ; ne le trouvant pas dans la ville, il l'invita à revenir pour se justifier ; et voyant qu'il ne revenait pas, il commença par exiger du clergé et du peuple de Rome le serment de ne jamais élire un pape sans le consentement de l'empereur et de son fils. Il assembla ensuite un concile pour juger Jean XII ; celui-ci protesta, et il avait incontestablement raison. Quelque criminel qu'il fût, les droits de la papauté étant au-dessus des crimes de la personne du pape, nul n'avait le droit de le déposer ; mais Otton passa outre, et fit élire un Léon VIII à la place de Jean XII. Cette double oppression faillit lui coûter cher ; les Romains et Jean XII, également irrités, organisèrent un complot, et choisirent pour l'exécution le moment où l'empereur n'avait plus autour de lui que sa garde ; il en triompha par la force, et il eût écrasé Rome s'il ne se fût souvenu que Bérenger tenait encore dans quelques places.

Il retourna donc contre Bérenger, et le força de se rendre avec ses filles et ses trésors ; le dernier roi italien de l'Italie fut enfermé (964), et son fils Adalbert, désormais sans secours, erra pendant trois ans, et vint enfin mourir à Autun. Le royaume d'Italie était acquis aux Germains ; mais Rome protestait de nouveau. L'opiniâtre Jean XII y étant rentré y avait déposé Léon VIII, et cassé tous ses actes ; il avait fait battre de verges l'évêque de Spire, commissaire de l'empereur, puis il était mort assassiné ; les Romains, continuant cette résistance, malgré le serment que la force leur avait arraché, choisirent aussitôt Benoît V, et du haut des murs insultèrent Otton qui revenait. Ils se perdirent tout à fait par cette audace. L'empereur, une seconde fois maitre de la ville, assembla encore un concile pour rétablir Léon VIII ; Benoît y parut avec les ornements pontificaux, mais pour se reconnaître coupable d'usurpation. Il se dépouilla lui-même, et remit à Léon VIII le bâton pastoral ; mais l'élu de l'empereur brisa le bâton, déposa Benoît de l'épiscopat, et lui désigna l'Allemagne pour lieu d'exil. Ce concile obéissant fit bien plus encore ; avec tout le clergé et le peuple romain, ii accorda au seigneur Otton Ier, roi des Allemands, et à ses successeurs au royaume d'Italie, la faculté à perpétuité de se choisir un successeur, de nommer le pape, les archevêques et les évêques qui recevraient de ces princes l'investiture[9]. Ainsi l'Église romaine, comme l'Italie, fut asservie à l'Empire, et le libérateur se fit attendre ; il faut plus d'un siècle encore pour arriver à Grégoire VII. Il était bien entendu que l'empereur, maître du choix du pape, voulait que le pape fût le souverain de la ville sous l'autorité de l'empereur. Otton le fit mieux comprendre encore, lorsque les Romains chassèrent Jean XIII qu'il leur avait envoyé après la mort de Léon VIII. La vengeance fut terrible ; le préfet de Rome était mort pendant la révolte ; on exhuma son corps, on le coupa en morceaux qui furent exposés dans les différents quartiers. Son successeur fut mis sur un âne, le visage tourné vers la queue, une outre sur la tête, et promené dans toute la ville, sous les coups de verges. Les tribuns furent rendus. Otton se justifia en faisant dire par ses ambassadeurs qu'il avait agi selon les lois de Justinien et des autres empereurs : qu'il avait tué par l'épée ou la corde des persécuteurs et des sacrilèges ; et que, s'il n'eût pas fait ainsi, il n'en été qu'un tyran impie, injuste et cruel[10].

Pour compléter la soumission de l'Italie, il fallait reprendre la suprématie sur le midi, et chasser les Grecs ; ce fut le dernier effort d'Otton Ier. Il reçut l'hommage des princes de Bénévent et de Capoue, et envoya l'évêque de Crémone, l'historien Luitprand, à C. P. demander pour son fils Théophanie, belle-fille de d'empereur Nicéphore Phocas. Mais Adalbert était alors à la cour de C. P., il essaya une nouvelle alliance ; Luitprand, mal reçu rapporta la réponse que, pour avoir Théophanie, il fallait rendre aux Grecs Rome et son duché, la Pentapole et l'exarchat. En même temps une flotte grecque s'approchait de la Pouille et de la Calabre. Otton attaqua le premier, ravagea la Pouille et ne cessa les hostilités qu'en 971, lorsque Théophanie lui fut amenée. Cette princesse grecque apportait aux Allemands des prétentions, et presque des droits sur la Pouille et la Calabre. Cependant la maison de Saxe n'a jamais possédé ces deux pays ; la maison impériale de Souabe les reçut plus tard comme un héritage des Normands vainqueurs des Grecs.

On a quelquefois comparé Otton le Grand à Charlemagne ; et s'il ne fallait prononcer que par les résultats, l'avantage serait à Otton. L'empire romain germanique aussi rigoureusement administré à l'intérieur, était bien mieux assuré au dehors que l'empire carlovingien ; les invasions, commencées à la mort de Charlemagne, semblent finir au règne d'Otton ; les voisins les plus turbulents ; Sorabes, Bohémiens, font partie de l'empire, et lui servent de marches ; les Hongrois, désormais contenus par la marche orientale qu'ils ont perdue, n'envahiront plus ni l'Empire ni l'Europe, Au lieu de se démembrer après la mort du grand homme, l'empire germanique doit acquérir encore ; et au liée de succomber sous l'ambition des grands, l'autorité royale demeurera longtemps respectée par l'incertitude même des droits des vassaux. Otton le Grand étant mort en 973, ses successeurs n'ont que la peine de conserver son œuvre. Otton II son fils régna dix ans (973-983) ; il maintint dans l'obéissance les grands vassaux allemands, les ducs de Saxe, de Franconie, de Lorraine, de Souabe, de Bohême ; du duché de Bavière, il détacha la Carinthie dont il fit un duché à part. Il conserva la Lorraine en soutenant dans ce pays Le frère du roi de France qui lui avait fait hommage. Il contint l'Italie par sa cruauté. Appelé par le pape Benoît VII (980), il assembla à Pavie les seigneurs suspects d'infidélité, avec les députés et les magistrats des villes d'Italie, et les fit massacrer dans un festin. De là son surnom de sanguinaire. Mais il ne put rien contre les Grecs, malgré les prétentions de sa femme. Il prit Naples, Salerne et Tarente ; mais les Grecs appelant le secours des Arabes, il fut battu à Basentello par la défection des Bénéventins. Il mourut après avoir brûlé Bénévent par vengeance (983). Otton III son fils, âgé de trois ans, succéda sans difficulté à cette royauté élective. Quelques expéditions contre les Slaves révoltés, la reprise de Branibor et une guerre avec les Danois font toute l'histoire de l'Allemagne sous ce règne ; la conversion des Hongrois au christianisme assure l'œuvre de pacification annoncée par les victoires d'Otton Ier. Des colonies de Bohémiens, de Polonais, de Grecs, de Saxons, avaient donné une première civilisation aux Hongrois. Le prédicateur Adalbert (983) fit adopter le christianisme à leur chef Geisa, et à son fils Waïc qui prit au baptême le nom d'Étienne. Étienne, devenu le maitre, reçut du pape Sylvestre II la couronne qui porte son nom, et les titres de roi, d'apôtre de la Hongrie, et de légat perpétuel. Ce que la terreur du ravage et l'étendue de leur domination n'avaient pu donner aux Huns d'Attila et aux Avares, le christianisme l'opéra pour les Hongrois adoucis ; ils devinrent une nation européenne, et leur baptême termina ce dixième siècle dont ils avaient été la plus formidable terreur (1000). Otton III régna sans crainte sur les Germains, et affermit son autorité en la rattachant au souvenir populaire de Charlemagne ; il tira du tombeau du grand empereur sa croix d'or, son sceptre, son épée, pour en faire les insignes de la dignité impériale. Rome moins docile, redemandait sa nationalité. La faction ennemie des Allemands, les amis de la république, n'étaient pas anéantis ; alliés des papes élus par eux et dociles à leur politique, ils ne pouvaient supporter les papes choisis par les empereurs, et dans lesquels ils croyaient voir les lieutenants de l'autorité étrangère. Crescentius, un fils de Théodora, tourmenta ainsi le pape Jean XVI, et se fit lui-même patrice et consul. Contenu par l'autorité du roi germain, il ne put supporter après Jean XVI l'élévation de Grégoire V, parent de l'empereur ; il conspira avec les Grecs pour leur rendre Rome et faire au pape italien ; il succomba dans l'effort ; assiégé dans le château Saint-Ange, il se rendit sur parole, et rut tué. Après Grégoire V, le précepteur d'Otton III, le savant Gerbert, devint pape sons le nom Sylvestre II. Ce pape, fort supérieur à ses prédécesseurs, fut respecté des Romains, mais non l'empereur ; le bruit s'était répandu qu'Otton voulait fixer le siège lie son empire à Rome ; il fut assiégé dans son palais et obligé à la fuite ; il mourut en Campanie à l'âge de vingt-deux ans (1002).

Sauf cette résistance des Romains, les nouveaux empereurs avaient exercé l'autorité sans contradiction redoutable ; mais l'Allemagne est le pays de la féodalité par excellence, la centralisation répugne aux descendants de ces nombreuses tribus de l'antique Germanie ; il leur faut des souverainetés locales, d'abord des grands duchés, plus tard le démembrement de ces duchés, enfin cette multiplication d'indépendances, encore subsistante aujourd'hui, qui nous fait sourire et douter de la nationalité allemande. Il faut à l'Italie sa liberté, ou du moins des combats contre les conquérants ; il n'y a pas de pacification passible entre l'Italie et l'Allemagne, vieilles ennemies qui se haïssent depuis Marius, et qui, sans cesse rapprochées par la haine, n'ont qu'une même histoire, l'histoire de leur rivalité. Cette double lutte des grande contre le roi, des Italiens contre la Germanie, sera longue et variée ; l'histoire de l'empire germanique est mêlée de gloire et de faiblesse d'acquisition, et de pertes ; tour ii tour l'autorité impériale commande en souveraine, et fait d'humiliantes concessions. C'est après la mort d'Otton III que cette incertitude commence,

Le dernier prince qui restât de la maison de Saxe, Henri, duc de Bavière, arrière petit-fils de Henri l'Oiseleur, fut élu successeur d'Otton III. Il eut à combattre deux compétiteurs, et à se faire reconnaître successivement en Franconie, en Souabe, en Saxe où il prêta serment de maintenir les lois et les coutumes du pays, en Lorraine où le comte Palatin avait voulu se faire roi. En Italie, Hardouin, marquis d'Ivrée, avait été élu par les évéqu.es, les princes et les autres seigneurs ; l'inconstance féodale, ou, comme dit un historien, la perfidie de ces mêmes princes favorisa Henri II dès qu'il parut, et lui livra la couronne d'Italie a Pavie, et le chemin jusqu'en Toscane. Toutefois Henri II n'osa pas venir à Borne, et à peine il eut repassé les Alpes que Hardouin releva la tête. L'Italie se partagea entre les prétentions de Henri et de Hardouin ; et des rivalités sanglantes, entre autres celle de Milan et de Pavie prirent alors naissance.

Henri II exerça la même souveraineté que ses prédécesseurs sur le duc et le peuple de Bohême ; il les protégea contre l'ambition du Polonais Boleslas Chrobry. Il confirma à Étienne de Hongrie le titre de roi (1008), lui donna en mariage sa sœur et parut faire entrer la Hongrie dans le corps germanique. Les deux Bourgognes réunies sous le nom de royaume depuis Hugues et Rodolphe II, avaient été délivrées des Sarrasins par Conrad le Pacifique, en 972. Rodolphe III le Fainéant, successeur de Conrad, en fit hommage à son oncle Henri II, et rendit inévitable la réunion des Bourgognes à l'Allemagne. A Rome, la faction de Tusculum ou des Albéric, dominait toujours ; son influence fit élire en 1012 Benoît VIII. Toutefois ce pontife prévint lui-même les désirs de Henri II, lui offrit et lui donna la couronne impériale (1014), et Hardouin étant mort en 1016, Henri fut délivré de tout corupé6teur à la royauté d'Italie. Restaient des ennemis extérieurs plus redoutables ; au règne de Henri II se rapporte une invasion d'un genre nouveau qui devait enlever les terres du midi à l'un et à l'autre empire. Les Sarrasins, depuis le désastre du Garigliano, n'avaient pas renoncé tout à fait au pillage de l'Italie ; en 1005, Pise, attaquée inopinément, dut son salut qu'à une femme qui donna l'alarme par la cloche du palais des recteurs ; en 1016, le pape Benoît VIII se mit à la tête d'une expédition pour chasser de Toscane de nouveaux ravageurs. Cependant les Grecs avaient reconquis plusieurs villes sur la côte adriatique ; toute la Pouille, excepté le mont Gargan ; c'était là surtout ce qu'ils appelaient thème de Lombardie, car les duchés de Naples, Gaëte et Amalfi, n'obéissaient guère au catapan. Mais les Apuliens repoussaient la domination grecque, et Melo de Bari chassait les Grecs de cette ville. Vers l'an 1016 les Sarrasins ayant assiégé Salerne, quarante pèlerins normands qui revenaient de la terre sainte, surprirent l'ennemi, le dispersèrent, et proclamés libérateurs de la ville, reconduits avec honneur jusqu'en leur pays, ils avaient raconté aux hommes du Nord les merveilles du Midi. D'autres Normands partirent de France, et arrivèrent au mont Gargan ; les principaux étaient Drengot, Osmond, Rainulfe. Mélo les prit à son aide pour une solde considérable, et avec eux battit trois fois le Catapan (1016). Mais vaincu à Cannes (1019) il les partagea entre les princes de Salerne et de Capoue, et passant en Allemagne, alla solliciter le secours de l'empereur Henri II. Benoît VIII y joignit ses prières ; Rome devait craindre les conquêtes des Grecs qui pourraient bien un jour avancer jusqu'à elle, et l'enlever à l'empire d'Occident. Henri II vint lui-même en 1022 ; Mélo, qu'il avait fait duc de Pouille, était mort au delà des Alpes ; l'empereur assiégea Troia, reçut pendant le siège l'hommage du prince de Capoue, prit Troia, créa des comtes pour certaines villes, leur distribue les Normands qui se trouvaient dans le pays essaya d'affermir sou autorité en y tenant des placita, et reçut encore l'hommage du prince de Salerne, et même celui du duc de Naples. Mais une maladie contagieuse le forçait a remonter vers le nord ; il laissait en arrière ces Normands cantonnés par lui, race avide et ingrate qui avait reçu volontiers des terres de l'empereur, comme un moyen de conquête au préjudice de l'empire.

Henri II mourut en 1024, et un interrègne de deux mois suivit sa mort. En Allemagne, grande incertitude des princes sur le choix du monarque ; en Italie, grande agitation ; les Italiens abattent le palais de Henri II, et cherchent un roi partout, excepté en Allemagne. A Rome, la faction élève au pontificat un simple laïque, frère de Benoît VIII, qui prend le nom de Jean XIX. Enfin les huit ducs, avec les hommes de leurs duchés, choisirent Conrad le Salique, petit seigneur de Franconie dont ils auraient peu à craindre la puissance ; ce prince commença maison de Franconie qui donna quatre rois à l'Allemagne. Comme Henri Il Conrad II se fait reconnaitre par la force ; il bat le roi d'Arles qui voulait retirer soi hommage ; il dissout la ligue des ducs de Lorraine, de Franconie et de Souabe, En Italie, il ravage le territoire de Pavie, dompte Ravennes par un massacre ; recon.nu en Toscane, et couronné à Rome par Jean XIX, il s'avance contre les vassaux que Henri II avait acquis su midi et qui, depuis la mort de ce prince, essayaient de rie plus obéir. Les Normands avaient pris parti tantôt pour le comte de Capoue, tantôt pour le duc de Naples. Rainulfe quittant la Pouille s'était emparé du château d'Aversa. Le duc de Naples avait confirmé cette conquête, Conrad donna à Rainulfe l'investiture impériale ; le comté d'Aversa est le premier état normand fondé en Italie (1028).

Conrad II traitant avec le roi de Danemark, Canute le Grand, avait abandonné la marche de Sleswick, reprenant, comme Charlemagne, l'Eyder pour limite du nord. En 1032, Rodolphe III étant mort, Conrad reçut la lance de saint Maurice et les autres insignes de la royauté d'Arles ; il acquérait ainsi la Provence, le Viennois, le Lyonnais, la Savoie, la Franche-Comté, le pays de Vaud, Neuchâtel, Berne, Soleure, Fribourg, Bâle, l'Argovie. Mais les grands vassaux qui se partageaient ce royaume, lui laissaient peu d'autorité ; Conrad cependant s'en fit couronner roi et, quelques années après, fit partager ce titre à son fils. Cette dernière acquisition assurait aux empereurs la part que le traité de Verdun avait faite Lothaire, et celle de Louis le Germanique.

Otton Ier avait donné l'exemple d'affaiblir les ducs vassaux immédiats de la couronne, en protégeant contre eux leurs propres vassaux. Conrad ri suivit cette politique ; il savait que les arrière-vassaux ou vavasseurs en appelaient volontiers à l'autorité supérieure du roi. Ceux de Souabe avaient dit à leur duc Ernest II, en refusant de le suivre : Si nous avions été esclaves du roi, et qu'il nous eût soumis à tes lois, tu pourrais compter sur nous dans toutes tes entreprises. Mais nous sommes libres, et l'empereur est le défenseur suprême de notre liberté, Nous liserons de notre liberté pour retourner à l'empereur. Conrad II protégea donc les arrière-vassaux, surtout en Italie ; les vavasseurs, maltraités par leurs suzerains, faisaient retomber leur mécontentement sur les habitants des villes. Les querelles étaient fréquentes à Milan. Lodi soutenait les vavasseurs par haine pour l'archevêque de Milan. L'empereur (1037) donna raison aux vavasseurs. Une constitution publiée à Pavie défendit aux seigneurs suzerains de dépouiller un vavasseur de son fief. Le fils ou petit-fils, ou à leur défaut, les frères hériteront du fief vacant par la mort. Ainsi, les arrière-fiefs devenaient irrévocables et héréditaires. Conrad ne s'aperçut pas qu'il avait commis une faute, et que la concession faite à l'Italie serait réclamée un jour par l'Allemagne ; les arrière-vassaux ne repoussaient l'autorité de leurs seigneurs que pour devenir vassaux immédiats de la royauté, et obtenir à ce titre une véritable indépendance.

Henri III succéda à son père Conrad II (1039) ; son règne maintint encore le pouvoir de la royauté, et l'autorité des empereurs sur l'Église. Il obligea le duc de Bohême, Brétislas, qui refusait le tribut, à faire une soumission nouvelle et plus sûre (1042) ; il épousa, l'arme suivante (1043), Agnès de Poitou qui tenait à plusieurs familles de Bourgogne, et mit ainsi fin à la révolte des comtes de Besançon et de Vienne. Les Hongrois ayant détrôné leur roi Pierre, trop ami des Allemands et des Italiens, Henri III le rétablit par deux expéditions, et reçut son hommage. Les deux duchés de Lorraine avaient été réunis, Henri les sépara de nouveau (1047), et poursuivit jusqu'en Italie le duc Godefroi, qu'il avait dépouillé en faveur de Gérard d'Alsace, d'où sont descendues les deux branches de Lorraine et d'Autriche, aujourd'hui réunies. Il laissa longtemps la Souabe et la Carinthie sans ducs ; donna à son fils la Bavière ; détacha de la Carinthie, la Styrie, d'abord appelée marche de Carinthie, et les marches de Carniole et d'Istrie. Enfin il laissa vaquer le duché de Franconie.

Deux causes bien différentes tournèrent l'attention de Henri III sur l'Italie, les désordres de Rome, et les progrès des Normands.

Après la mort de Jean XIX, la faction avait élevé au pontificat un jeune homme, Théophylacte, qu'on appela Benoît IX. Sa vie fut digne de son élévation, et un saint pontife (Victor III), longtemps après, n'osait répéter combien la vie de Benoît avait été corrompue et exécrable. Rome elle-même en rougit. Il fut chassé (1043), malgré la puissance de sa maison, et aussitôt l'évêque de Sabine se fit élire sous le nom de Sylvestre III. Un schisme partagea l'Église. Benoît revenait avec des forces nombreuses ; Sylvestre, voyant qu'il faudrait céder, vendit sa part de pontificat à un prêtre qu'il sacra sous le nom de Jean XX, pour l'opposer à Benoît. Mais Sylvestre ne quittait pas Rome ; ses partisans s'augmentaient. Il y eut trois pontifes à la fois ; et ils s'entendirent tous trois pour partager les revenus du pontificat : le scandale dura un an (1046). Quand on apprit que Henri III se préparait à venir, Benoît IX trembla seul, il vendit sa part de papauté à Gratien, qu'il appela Grégoire VI. Alors Grégoire VI siégea à Sainte-Marie-Majeure, Sylvestre III à Saint-Pierre du Vatican, et Jean XX à Saint-Jean de Latran., Cependant Grégoire VI se disait le seul légitime ; Benoît IX avait abdiqué formellement en sa faveur ; les deux autres avaient pris le pontificat, sans l'abdication de Benoît. Grégoire VI vint donc au devant du roi, et assembla à Sutri un concile qui déclara Sylvestre et Jean usurpateurs ; mais lui-même ne put échapper à l'accusation de simonie. Il fut aussi déposé. A sa place, Henri fit choisir l'évêque de Bamberg qui prit le nom de Clément II. Les Romains dociles renoncèrent même au droit d'élection du pape, proclamèrent patrices Henri et ses successeurs, lui unirent une robe verte, et un anneau d'or au doigt, et sur la tête un cercle d'or. Clément II couronna Henri III empereur. L'empereur usa bien du droit qu'il s'était donné de choisir les papes. Après Clément II, il envoya Damase II (1048), et Léon IX (1048) qui commencèrent la réparation des longs scandales.

Cependant les Normands se rendaient redoutables à l'haie méridionale. Un seigneur normand, Tancrède de Hauteville, avait douze enfants. Les aillés n'attendant qu'une faible part d'un héritage si par-taie vinrent chercher fortune en Italie (1037), ils se nommaient Guillaume, Drogon, Humfroy. Ils prouvèrent leur valeur en aidant le prince de Salerne contre Capoue, et bientôt le patrice Maniaces, dans une expédition contre les Sarrasine de Sicile ; mais le patrice ne les avait pas récompensés et Guillaume ne rapportait que le surnom de Bras de fer.

Ils se vengèrent par une guerre contre les Grecs, aidés par le duc de Bénévent et par le comte d'Avertis. Leurs exploits semblent fabuleux un jour sept cents Normands se trouvaient en présence de soixante mille Grecs ; les Grecs voulaient bien leur permettre de fuir, menaçant de les exterminer ; mais Hugo Tudextifer tua d'un coup de poing le cheval du messager. Les Normands furent vainqueurs. Ils avaient pour eux les fils de Mélo ; en douze campagnes, ils prirent la Pouille, et la partagèrent (1042) à leurs douze chefs. Guillaume, supérieur aux autres, fut comte de Pouille, et résida à Melfi.

Ils voulurent bien ensuite aider les Grecs à punir Maniaces rebelle ; mais Guillaume de Pouille étant mort, son frère Dragon, qui lui avait succédé, fut assassiné par le nouveau catapan Argyre. Dès lors plus d'alliance avec les Grecs. Humfroy restait pour héritier de la Pouille, et bientôt il fut secondé par l'arrivée de Robert l'Avisé (Guiscard) et de Roger, ses plus jeunes frères. Anne Comnène[11] fait un portrait terrible de Robert, ce formidable ennemi des Grecs : Une peau rousse, des cheveux blonds, de larges épaules, des yeux de feu, une voix pareille la voix de l'Achille d'Homère, un cri qui mettait en fuite des myriades d'ennemie. Il ne pouvait souffrir ta domination d'un autre, et il était parti de Normandie avec cinq cavaliers et trente fantassins. Il arrive en Lombardie, se cache dans les antres ou les montagnes, et commençant sa vie guerrière par des meurtres et des rapines, fournit sa troupe d'armes, de chevaux et d'argent. C'était souvent son unique ressource pour vivre ; fortifié dans le château de Saint-Marc, il en sortait quand on venait lui dire que les vivres manquaient. Sa troupe augmentait, toutes ses courses et celles des Normands de Humfroy étaient une calamité pour l'Italie. L'empereur grec Constantin IX, Henri III, Léon IX, s'unirent contre les Normande. Léon IX vint combattre à Civitella, il fut vaincu et pris (1053) ; mais frappés de respect pour ses vertus, les Normands s'inclinent devant lui, et le laissent sur sa parole a Bénévent, puis ils lui font hommage de leur conquête, et lui-même leur donne l'investiture de ce qu'ils ont conquis et de ce qu'ils pourront conquérir encore en Calabre et en Sicile. C'est le premier acte de suzeraineté du Saint-Siège sur le royaume des Deux-Siciles.

Cependant l'empereur Henri III était mort (1056), laissant un fils enfant, Henri IV, qu'il avait fait reconnaître à l'assemblée de Tribu, sous la tutelle de sa veuve, Agnès de Poitou. Pour se faire un appui contre les grands, Agnès créa quelques grands qui tournèrent bientôt contre elle. Rodolphe de Rheinfelden, son gendre, reçut le duché de Souabe et le gouvernement du royaume d'Arles. Berthold de Zœringhen protesta, et montrant l'anneau d'or qu'il avait reçu de Henri III, il obtint le duché de Carinthie avec la Marche de Vérone. L'un et l'autre reçurent ces fiefs à titre héréditaire. Enfin le duché de Bavière, que son mari lui avait donné, elle le conféra à Otton, comte de Nordheim.

Elle n'y gagna rien cependant : l'archevêque de Cologne, le duc de Bavière lui enlevèrent son fils et s'emparèrent de la régence. L'archevêque publia que l'évêque, dans le diocèse duquel le roi résiderait, aurait la principale direction des affaires. Bientôt l'archevêque de Brème, Adalbert, fut chargé de son éducation ; il conduisit le jeune roi dans une guerre de Hongrie pour soutenir le roi Salomon contre un compétiteur ; alors commencèrent, par la faveur d'Adalbert, tous les vices du roi et tonte la honte de ce règne. L'archevêque de Brème et un jeune homme qui plaisait à Henri, Warner, devinrent maîtres dans l'empire, vendant toutes les charges aussi cher qu'ils voulaient, les ecclésiastiques, comme les civiles, dépossédant les pauvres abbés, livrant aux ducs et quelquefois aux évêques les dépouilles des couvents. En 1065, Adalbert fit armer le roi, c'était le déclarer majeur, et le mena en Saxe. L'oppression des Saxons fut le premier acte de la majorité de Henri IV.

Il m'avait point de domaines en Saxe, et par les usages féodaux, les vassaux de la province où le roi résidait devaient fournir à tous les besoins de la cour. Son séjour prolongé leur faisant craindre qu'il ne ruinât leurs privilèges, les Saxons refusèrent des vivres ou n'en donnèrent que pour de l'argent. Cette fois ils furent les plus forts. Une diète assemblée à Tribur par les archevêques de Cologne et de Mayence, força Henri d'éloigner Adalbert, sous peine d'être déposé ; les deux archevêques prirent la direction des affaires.

Il fut contenu un moment, dans ses vices mêmes, par l'autorité du pape Alexandre II qui le menaçait de toute la sévérité de la puissance apostolique s'il répudiait sa femme ; mais il rappela Adalbert en 1069, déposséda Otton de Nordheim, et mit à sa place son gendre Welf ; il déposséda Berthold de Zœringhen, et retourna contre les Saxons. Adalbert les détestait. Henri, pour les réduire, construisit en Saxe et en Thuringe des châteaux forts, et contraignit les habitants à y travailler par corvées. Les garnisons qu'il y plaça avaient ordre de ravager la campagne et promesse de l'impunité. Ordulphe, duc de Saxe, venait de mourir ; son fils, Magnus, qui devait lui succéder, était en prison comme complice d'Otton de Nordheim ; Henri déclara qu'il n'aurait la liberté qu'en renonçant à son duché, et confisqua à son profit les biens allodiaux de la maison de Billung[12].

Une confédération se forma pour résister au tyran. Henri avait appelé les grands de Saxe pour délibérer avec eux sur leurs affaires ; il les fit attendre pendant tout le jour dans le vestibule de son palais, et le soir, on leur annonça que le roi était sorti par une porte de derrière. La confédération plus irritée avait levé soixante mille hommes ; elle exigeait qu'il détruisit ses châteaux forts et rendit la liberté à Magnus, qu'il cessât ses longues résidences en Saxe, renvoyât ses mauvais conseillers et se réconciliât avec, la reine ; s'il ne le faisait pas, il serait déposé. Henri reçut ces ordres avec mépris.

Assiégé dans Gozlar, il se sauva à Hartzbourg. Comme les Saxons et les Thuringiens démolissaient les châteaux et menaçaient de mort tous les prisonniers jusqu'à la délivrance de Magnus, il remit le duc en liberté. Une assemblée allait être convoquée à Mayence pour déposer le roi ; celui-ci, malgré la fidélité des habitants de Worms, ne pouvant réunir une armée, céda enfin par la paix de Gozlar (1074). Il promit tout ce qu'on voulut, même la restitution du duché de Bavière à Otton de Nordheim et cessa de résider en Saxe.

Mais les Saxons, en détruisant les fortifications de Hartzbourg, n'épargnèrent ni l'église ni les sépultures. Cette profanation mit contre eux l'archevêque de Mayence, les ducs de Souabe et de Carinthie. Henri promit aussitôt a ses vassaux la possession de la Saxe et. de la Thuringe, surprit les Saxons (1075) et en tua huit mille. Tout le pays fut mis à feu et à sang. Les ducs étaient mécontents d'une rigueur qu'ils n'avaient pas demandée, et refusaient une seconde campagne. Henri acheva la confédération saxonne par une perfidie. On leur promettait la vie sauve s'ils se soumettaient au roi : ils se soumirent, Henri les emprisonna. La diète de Gozlar refusa de les juger ; mais reconnut pour successeur de Henri IV son fils Conrad, alors âgé de deux ans.

Ainsi Henri IV triomphait en Allemagne. Le nord de l'Italie était demeuré en repos. Les Normands du midi avaient seuls continué leurs conquêtes qui devaient être funestes aux rois germains, Après la mort de Humfroy (1057), Robert Guiscard, devenu comte de Pouille, avait nommé son frère Roger, comte de Calabre ; Roger, pour soumettre la Calabre, n'avait que son audace et la terreur de son nom, ses tentes dressées sur une hauteur devaient suffire à épouvanter l'ennemi ; mais Robert le laissait sans argent. Il revient en Pouille, arrête les voyageurs, vole des chevaux, se réconcilie avec Robert, et tous deux vont assiéger Reggio. La ville prise, Robert se nomma duc de Pouille et de Calabre et fit hommage de sa nouvelle dignité au pape Nicolas II ; excommunié quelque temps après pour avoir pris Troia ; il fin absous à condition de prêter serinent au Saint-Siège comme vassal et de payer un tribut annuel de douze deniers pour chaque paire de bœufs. A ce moment, le comte d'Aversa venait de dépouiller Pandultfe VI, dernier prince lombard de Capoue. Nicolas II conserva cette conquête (1062).

Restaient encore les princes lombards de Salerne et de Bénévent ; les Grecs gardaient Bari, Gallipoli, Tarente, Brindes, Otrante. Les deux frères songèrent d'abord à la Sicile occupée par les Sarrasins ; Roger la reconnut avec cent soixante cavaliers, et ramena Ben-Hammed exilé ; puis Robert et Roger partent ensemble. Roger prie son frère de le regarder faire, et avec trois cents soldats, il force Messine et fait reculer les habitants jusqu'à Palerme. Il pousse jusqu'à Girgenti, et revient en Calabre épouser la fille du comte de Normandie.

Les deux frères s'étaient partagé la Calabre ; mais il fallait achever la conquête de la Sicile. Roger y combattit comme Achille ou Ajax. Assiégé dans Trahina, il n'avait qu'un manteau pour lui et sa femme ; la jeune comtesse de Sicile, la fille d'un grand vassal de France, préparait elle-même la nourriture de son mari et de ses compagnons. Dans une sortie, son cheval fut tué, il recula le visage vers l'ennemi, portant la selle sur son dos pour ne pas laisser un trophée aux Sarrasins, Trahina fut délivrée. Apprenant alors qu'une flotte grecque venait secourir Bari assiégée par son frère, il s'élance sur une barque à la rencontre des Grecs, et prend le vaisseau du commandant. Pendant son absence, son brave neveu Serlon avait péri ; les Sarrasins avaient mangé son cœur pour se communiquer son courage. Robert, uni à Roger, le vengea. La prise de Catane et de Palerme (1074) décida la soumission de la Sicile. Robert n'en garda que Palerme et Messine. Roger eut le reste avec le nom de comte de Sicile. Dès ce moment, les destinées des deux frères furent séparées comme leurs États.

Ainsi se formait, sous la suzeraineté du Saint-Siège, un pouvoir nouveau et fort, ennemi des empereurs, qui devait aider à l'affranchissement de l'Église : c'est alors que s'éleva contre Henri IV la voix toute-puissante de Grégoire VII.

 

 

 



[1] Chronicon Reginonis.

[2] Chronique de Reginon.

[3] Ekkehardus Junior.

[4] Hermanus Contractus.

[5] Bohuslaus Balbinus.

[6] Voyez Schœll., Hist. États européens modernes.

[7] Décret de gratien.

[8] Luitprand.

[9] Voyez le décret de Gratien.

[10] Réponse de Luitprand à l'empereur de C. P.

[11] Livre Ier.

[12] Voyez Marianus Scott et la chronique intéressante et si pure de Lambert d'Aschaffembourg.