L'IMPÉRATRICE THÉODORA

ÉTUDE CRITIQUE

 

CONCLUSION.

 

 

Le travail qu'on vient de lire n'a pas besoin de longues conclusions. Le jugement que l'impartiale histoire doit rendre sur cette femme célèbre se dégage de lui-même des faits et des textes franchement présentés, franchement critiqués. J'ajouterai seulement quelques mots sur le plan de cette étude et sur sa portée. Je n'ai pas voulu faire une biographie de Théodora. Sa vie ne nous est connue que par épisodes. L'historien n'en saurait reconstituer l'ensemble. Un récit conforme aux exigences de la chronologie eût présenté trop de lacunes et n'eût vraiment été qu'incohérence. Du reste, à quoi bon recommencer après tant d'autres la narration méthodique des faits bien connus et déjà mille fois racontés ? J'ai mieux aimé supposer que le lecteur ne les ignorait pas et ne les signaler, en général, que par allusion. Ils n'eussent été que les éléments d'une exposition incomplète et superflue ; j'ai préféré voir en eux des arguments pour une thèse suivant moi légitime. Sans perdre jamais de vue leurs rapports synchroniques, je les ai groupés à mon gré, mais logiquement, comme moyens de démonstration, autour de trois ou quatre idées principales, où l'on reconnaîtra peut-être des jugements bien fondés. C'est donc l'ordre des matières et non l'ordre des temps que j'ai voulu suivre. Tout d'abord, j'ai dû rechercher, de bonne foi, sans préventions ni complaisance, ce qu'il faut accorder de confiance aux auteurs originaux qui nous ont fait connaître Théodora. Il m'a fallu examiner et contrôler avec un soin particulier le témoignage de l'historien Procope. Je ne pense point avoir outrepassé, dans ce travail préliminaire, les droits d'une critique sévère, mais loyale. Quand j'ai cru entendre l'accent de la vérité, je l'ai reconnu. Quand l'ignorance et la passion parlaient, j'ai averti le lecteur ; j'ai tâché de le préserver, comme moi-même, de tout entraînement. Je me suis

attaché ensuite au caractère de Théodora ; je l'ai dépeint de mon mieux, m'efforçant de mettre en lumière ce qu'il faut admettre de ses vices ou de ses vertus, ce que l'on peut lui attribuer d'influence morale sur la législation de Justinien. Après quoi j'ai tenté de déterminer la part prise par elle au gouvernement de l'empire, et il m'a semblé que son immixtion dans les affaires publiques avait été profitable plutôt que funeste au monde romain. Enfin j'ai voulu préciser, pièces en main, le rôle joué par elle dans les querelles religieuses du sixième siècle ; et j'ai trouvé que sur ce point, comme sur d'autres, elle avait été calomniée ou méconnue. Je n'ai certes pas la présomption d'avoir toujours vu juste et d'avoir découvert sur mon sujet la vérité absolue. Les grands faits de l'histoire moderne, sur lesquels les documents abondent, nous sont quelquefois mal connus. A plus forte raison les intrigues de la cour de Byzance au sixième siècle, signalées à peine par quelques textes incohérents ou suspects, sont-elles encore pour nous à demi voilées. Il m'a fallu parfois, à défaut de témoignages positifs et de preuves sans réplique, émettre des conjectures. On me rendra cette justice que je n'en ai présenté que de probables. Il n'entrait pas, d'ailleurs, dans ma pensée d'écrire une apologie sans réserve de Théodora. Que cette impératrice ait été exempte de vices et de passions, je n'en sais rien et je ne l'ai point soutenu. Mais j'ai cru pouvoir d'une part la disculper des accusations légendaires qui souillent encore son nom ; de l'autre lui faire honneur de ce qu'il y a de glorieux et de méconnu dans son histoire. En somme, qu'elle ait mal vécu et mal régné, ce n'est pas démontré ; qu'elle ait bien usé du pouvoir et de la vie, c'est établi ou du moins très probable. Je n'ai pas eu d'autre but que de justifier cette double proposition. Le lecteur jugera si j'ai réussi.

 

FIN DE L'OUVRAGE