LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

HONDSCHOOTE

 

CHAPITRE XII. — LA DESTITUTION DES ÉTATS-MAJORS.

 

 

I. Inertie des Impériaux. — Renforts jetés dans Cambrai et Bouchain. — Plan de Houchard. — Rassemblement de l'armée sous les murs d'Arras. — Retraite des colonnes d'Hédouville et de Dumesny. - L'arrière-garde formée par la brigade Demars. — Marche sur Courtrai. — Débandade du 15 septembre. — Daendels à Monin. — Intervention de Beru. Suspension d'Hédouville. — II. Mécontentement et irritation. — Plaintes des représentants. — Houchard soupçonné. — Hentz à Paris. — Sentiments du Comité, de Carnot, de Souchette. — Suspension de Coquebert et de Gay-Vernon. — Arrestation de Berthelmy et de Houchard (23 septembre). — Correspondance de Houchard avec les princes étrangers. — Le général accusé par Barère, Jeanbon et Robespierre. — Sa justification. — Son exécution. — Berthelmy et Gay-Vernon. — III. Fautes des alliés. — Inutiles conseils de Mercy.

 

I. Quel que fût, après Hondschoote et Menin, le plan conçu par Houchard, il ne pouvait plus l'exécuter depuis qu'il savait le danger du Quesnoy et l'écrasement de la garnison de Cambrai. Les représentants et le Comité priaient le général de tout abandonner, de tout lâcher pour voler au secours des places fortes du Nord. Carnot, qui recevait les nouvelles les plus alarmantes de la frontière, pressait Houchard de profiter du moment d'enthousiasme, de sauver les villes menacées, de faire lever le siège du Quesnoy. Elie Lacoste et Peyssard écrivaient que le camp de Gavrelle ne contenait que 7.000 hommes obligés de s'étendre sur quatre lieues de terrain. que Douai ne renfermait que quelques bataillons, que Bouchain et Cambrai couraient les plus grands périls, que le commandant de Bouchain sollicitait de la façon la plus instante un renfort de 1.500 hommes, que Cambrai n'avait plus que 200 à 300 soldats, que Houchard devait couvrir autant que possible cette partie importante de la République, que les départements du Nord et du Pas-de-Calais étaient ouverts à l'invasion et que les ennemis feraient sans obstacle toute tentative qui leur plairait[1].

Il était trop tard pour délivrer Le Quesnoy qui capitulait le 12 septembre. Mais on eut le temps de mettre en sûreté Bouchain et Cambrai. Les Autrichiens n'avaient qu'à paraître ; ces deux villes n'auraient fait qu'un simulacre de résistance et se seraient aussitôt rendues. Nous sommes perdus, mandaient les administrateurs du district de Cambrai aux représentants, nous sommes perdus si vous n'envoyez à l'instant même de l'artillerie et de la garnison. Qui sait même si l'ennemi, profitant de son avantage, ne viendra pas cette nuit ou demain nous attaquer ? Et comment résister ? Mais au lieu de pousser sa pointe, Cobourg s'arrêtait, hésitait. Il ne concevait pas qu'on pût prendre une place autrement que par un bombardement régulier, par un siège dans les formes, et d'ailleurs, comme dit Langeron, la prise de Cambrai ne cadrait pas dans le plan de campagne[2].

Encouragés par l'inertie des Impériaux, les représentants, de concert avec le chef de l'état-major Berthelmy, se hâtèrent de jeter du monde dans les deux forteresses. Le plus actif fut Delbrel. Un décret le rappelait à Paris. Mais il résolut de conserver à la République Bouchain et Cambrai. Il était à Armentières lorsqu'il sut que Cobourg avait mis en déroute le détachement de l'inepte Declaye. Sur-le-champ il partit en poste pour le camp de Gavrelle ; il vit le général Ransonnet, le chargea d'envoyer des secours, puis, sans autre suite que son domestique et un hussard, gagna Cambrai à franc-étrier, au risque d'être enlevé par des patrouilles ennemies. Il voulait s'enfermer dans la citadelle et y tenir, avec les débris de la garnison, jusqu'à l'approche de l'armée. Mais, peu d'instants après, quatre bataillons, dépêchés par Davaine, entraient à Cambrai.

Restait Bouchain qu'il semblait plus malaisé de ravitailler parce qu'on croyait ses communications interceptées. Mais Delbrel avertit Ransonnet, et le 18 septembre, le 2e bataillon de l'Oise, traînant avec lui un gros troupeau de bœufs, arrivait à Bouchain[3].

Si Le Quesnoy succombait, Bouchain et Cambrai qui, selon le mot de Delbrel, n'auraient coûté qu'une sommation à l'envahisseur, étaient donc sauvés. Berthelmy marquait le 14 septembre au ministre qu'on allait mettre en œuvre tous les moyens pour obtenir, après les succès d'Hondschoote et de Menin, un troisième avantage ; qu'on attaquerait très prochainement et sans reprendre haleine, peut-être le lendemain, peut-être le surlendemain, le camp de Cysoing occupé par les Autrichiens de Beaulieu ; que les troupes avaient désormais l'habitude de vaincre ; que le soldat était transporté de plaisir[4]. Et, si Houchard avait eu, en effet, plus de vigueur et de décision, il pouvait arracher une nouvelle victoire. Il a trois adversaires : Orange, York et Cobourg. Mais Orange ne compte plus, et York, d'ailleurs assez mal accommodé, est loin encore. Que Houchard rassemble ses forces, et qu'avec 60 à 80.000 hommes dont le moral est excellent, puisqu'ils ont eu le dessus dans deux rencontres précédentes et qu'ils auront conscience de leur immense supériorité numérique, il se jette sur Cobourg, puis sur York. Mais le pauvre Houchard ne s'entendait qu'aux escarmouches et n'avait jamais pratiqué que le menu détail de la guerre ; il n'était pas homme à tenter de si considérables entreprises ; il ne voyait partout que difficultés et ne s'attachait à connaître dans la situation que le côté faible et vulnérable de sa propre armée.

Loin de marcher en avant, Houchard recula. Il aima mieux regagner le camp de Gavrelle. Le 15 septembre, Berthelmy ordonnait, au nom du général en chef, que 40.000 hommes, les 10.000 de Dumesny, les 10.000 d'Hédouville, les 7.000 de Deroque et 5.000 du camp de la Madeleine, se rassembleraient sous les murs d'Arras. Concentrer ses bataillons et les reformer derrière la Scarpe, se tenir à portée de Bouchain et de Cambrai pour secourir ces deux places dont les malheureuses garnisons avaient été exterminées, observer Cobourg qui pouvait venir sur Arras et prendre l'armée à revers : tels étaient les motifs que Houchard alléguait au ministre[5].

Hédouville et Dumesny étaient encore à Menin. Suivant leurs instructions, ils quittèrent tous deux les bords de la Lys dans la matinée du 15 septembre pour se rendre à Lille. Une arrière-garde de 3.000 hommes, commandée par le général de brigade Demars[6], avait mission de masquer la retraite et d'inquiéter les alliés du côté de Courtrai. Dès le 13 au soir, Demars était en présence de l'adversaire ; mais le lendemain, au lieu de pousser sur Courtrai et d'assaillir les postes qu'il avait devant lui, il se contenta d'occuper le village de Wevelghem. Hédouville lui reprocha sa lenteur, menaça de le dénoncer à Houchard et lui enjoignit une seconde fois de marcher sur Courtrai et de prendre la ville ou de la brûler à force d'obus ; si Demars, ajoutait Hédouville, trouvait une vigoureuse résistance, il tâcherait de contenir l'ennemi dans Courtrai et par tous les moyens éviterait de se compromettre. Le 15 septembre, à quatre heures du matin,

Demars se dirigea sur Courtrai par Wevelghem, pendant que la demi-brigade du 49e régiment d'infanterie, conduite par Balland, attaquait Moorseele. Mais depuis l'avant-veille, Beaulieu était à Courtrai et, dit le duc de Deux-Ponts, il se couvrit de gloire en réparant la sottise des Hollandais qui s'étaient si honteusement laissé vaincre.

Beaulieu eut d'ailleurs la tâche aisée, car Balland et Demars agirent avec une déplorable mollesse : Les Français s'acheminaient sur une seule colonne par la grande route, et comptaient déjà ne rencontrer aucun obstacle avant d'entrer à Courtrai. Soudain un aide de camp de Beaulieu, venant par des sentiers détournés, se montra sur leurs derrières avec une division d'infanterie et la moitié d'une escadron de cavalerie. Surpris, déconcertés, s'exagérant le nombre des ennemis qu'ils avaient à dos, d'un côté où ils n'attendaient pas d'agression, les républicains fléchirent. Les tirailleurs de Balland se replièrent sur leur demi-brigade. Quant à Demars, après avoir canonné l'adversaire et remarqué, non sans mauvaise humeur, que ses pièces de 8 n'atteignaient personne et que les projectiles autrichiens tombaient au milieu de son infanterie et y faisaient ravage, il commanda de battre en retraite sur Wevelghem et d'y tenir. A cet instant, arrivait Hédouville avec quelques troupes. La lutte sembla se renflammer. Mais Beaulieu s'était porté le long de la Heule, vers Gulleghem où passe ce ruisseau, pour prendre les carmagnoles par la gauche. Dès que les Français virent Beaulieu déboucher sur leur flanc, ils s'enfuirent de nouveau. Hédouville les remit tant bien que mal en ordre et les ramena vers Menin ; il finit même par les raffermir au point que cette marche rétrograde s'opéra lentement et sans désarroi ; on fit un kilomètre en deux heures. L'honneur était donc sauf, et, bonnement, Hédouville jugeait l'affaire terminée : il aurait dû demeurer jusqu'au bout sur le lieu de l'action et imprimer en personne les divers mouvements ; il s'éloigna. A quatre heures et demie du soir, il partait avec sa colonne qui traversait Menin, passait le pont de la Lys et s'engageait sur la route de Lille. La brigade Demars formait l'arrière-garde ; elle devait se poster en avant de la porte dite de Courtrai et ne pas bouger jusqu'à la nuit. Mais à peine était-elle sur la position qu'Hédouville lui avait assignée qu'elle aperçut de loin sur le chemin de Thourout quatre escadrons d'Esterhazy et deux escadrons de Karaczey qui composaient l'avant-garde du duc d'York, guidée par le comte d'Erbach. Aussitôt l'alarme se répandit dans les rangs de la brigade Demars. On se crut attaqué de tous côtés ; on se répétait que les troupes d'Hédouville qui pouvaient défendre Menin ou s'établir sur la Lys, à Nechin, pour surveiller les abords de la rivière, avaient pris la route de Lille ; fantassins, cavaliers, artilleurs, ressaisis d'épouvante, criaient : à Lille, à Lille I

Daendels, ce Daendels qui devint général, et qui, selon l'expression de Béru, donnait les preuves de la plus grande intelligence et d'une valeur étonnante, commandait dans Menin et y tenait garnison avec les Belges et les Bataves. Il n'avait qu'Une chétive idée des aptitudes et de la fermeté de Demars. Sitôt qu'il sut que la brigade se retirait et qu'elle était pressée par l'ennemi, il se rendit à la porte de Courtrai. Il vit se produire la débandade ; toute l'artillerie était sur le pavé, sans qu'on mît aucune pièce en batterie ou à la prolonge ; l'infanterie s'était arrêtée pour reprendre haleine, puis, après avoir essuyé le feu de quatre canons autrichiens qui lui blessaient quelques hommes, avait fait demi-tour à droite et reculé jusque dans les fossés de la ville ; le 3e régiment de dragons qui lui servait de soutien, suivait son exemple ; les charretiers entraînaient les pièces au galop. Daendels, convaincu que les Impériaux entreraient dans Menin avec les fuyards, essaya d'assurer le passage du pont et envoya sur-le-champ de l'autre côté de la Lys un bataillon de Paris, un bataillon de la Gironde et un escadron du 21e de cavalerie, le seul qui ne se fit pas dispersé. Pour lui, avec les Belges et les Bataves, un bataillon du 8e régiment et une compagnie de grenadiers, il restait sur la place afin de diriger l'arrière-garde lorsqu'aurait filé la brigade Demars. Bientôt les fugitifs arrivèrent à toutes jambes. Ils renversèrent la compagnie de grenadiers et en un moment la place fut tellement encombrée qu'on ne pouvait pousser outre. Daendels se multiplia, tenta l'impossible pour débarrasser Menin de cette cohue. Il y réussit. La plus grande partie de la brigade et plus de la moitié des dragons quittèrent la ville. Alors Daendels fit avancer le 8e bataillon et des pièces d'artillerie volante. Mais, à cet instant, le général Demars qui n'avait pas encore paru, se montrait pour donner des ordres ; il interrompait la retraite ; il braquait un canon à la porte de Courtrai ; il garnissait le rempart de grenadiers. Général, lui dit Daendels, il est temps que cesse la confusion ; faites vous-même l'arrière-garde ou laissez-moi la faire ; je crains toutefois que si vous la faites, vous n'ayez plus personne dès le premier coup de feu. Demars laissa Daendels faire l'arrière-garde. Déjà, la pièce qu'il avait braquée contre la porte de Courtrai, était abandonnée par ses canonniers et ses conducteurs, et demeurait sur la chaussée. Déjà la mitraille tombait sur la place de Menin. Des hussards autrichiens entraient dans la rue de Courtrai. Daendels voulut les sabrer. Il courut au-devant d'eux. Sa monture trébucha et le lança sur le sol ; des dragons qui se sauvaient lui passèrent sur le corps ; il eut la chance d'attraper la queue d'un cheval, et, se levant à demi, se laissa traîner jusqu'à l'autre bout du pont ; là, des grenadiers l'emportèrent dans leurs bras ; une ordonnance du 21e régiment lui céda sa bête : Daendels, tout meurtri et presque défaillant, gagna de la sorte le village de Linselles.

Le vaillant Daendels avait de quelques minutes retardé la déroute. Elle recommença de plus b elle. Prise entre les Impériaux qui pénétraient par la porte de Courtrai et la cavalerie du comte d'Erbach qui venait par la porte de Thourout, l'arrière -garde des républicains traversa Menin en toute hâte. Mais l'ennemi la poursuivait, dans les rues l'épée aux reins, tandis que les habitants, qui se rappelaient le pillage de l'avant-veille, criaient de leurs fenêtres : Vivent les braves Autrichiens ! Vivent les braves Hessois ! Le pont, si funeste aux Hollandais deux jours auparavant, le fut cette fois aux Français. Plusieurs se noyèrent dans la Lys. De toutes parts s'élevait une immense clameur Sauve qui peut ! De toutes parts les soldats fuyaient éperdus, effarés, affolés. C'était, écrit Levasseur, à qui courrait le plus fort. Le représentant, accompagné de son collègue Bentabole, tâcha de rallier la colonne, de la reformer, de remettre l'ordre dans les rangs. Il tira son sabre et, allant à la rencontre des fugitifs : Halte-là ! leur dit-il. Je fends la tête au premier qui bouge ! Serait-il possible que les vainqueurs d'Hondschoote décampent devant une poignée d'esclaves ! On hésita ; puis on s'arrêta parce qu'on avait confiance dans les commissaires de la Convention ; on pria Levasseur et Bentabole d'indiquer ce qu'il fallait faire. Les deux représentants étaient fort embarrassés. Ils se décidèrent à ranger les troupes en bataille à droite et à gauche. Par bonheur, le général Béru arrivait. Il fit venir des pièces d'artillerie légère, et les assaillants, après avoir essuyé quelques décharges, se replièrent sur Menin. Béru dirigea la retraite et ramena les unes à Tourcoing et à Linselles, les autres à Bondues. Sans Béru, assure Levasseur, je ne sais ce que nous serions devenus.

Aussi les représentants demandaient-ils pour Béru le grade de général de division. Quoique noble de naissance, n'était-il pas courageux, instruit, et nécessaire à l'armée du Nord sur cette partie de la frontière ? N'avait-pas montré dans cette débâcle de Menin du sang-froid et de la présence d'esprit ? Le 16 septembre, de leur propre chef, et pour forcer la main au ministre, ils nommaient Béru général de division.

Mais s'ils vantaient les mérites de Béru, ils n'avaient pour Hédouville que des paroles de blâme. Delbrel avait loué la valeur et l'activité de ce vieux soldat. Levasseur et. Bentabole le jugeaient indolent et mou. Ils remarquaient déjà son insouciance au combat de Wervicq. Hédouville, disaient-ils alors, aurait dû fondre sur les ennemis qui lâchaient pied ; il s'était contenté de les canonner au lieu de détacher à leurs trousses un parti de cavalerie qui eût du moins capturé les traînards. Mais la conduite qu'Hédouville avait tenue à Menin, les transportait d'indignation. Pourquoi délaissait-il son arrière-garde aux prises avec les Autrichiens ? Pourquoi était-il en tête de la colonne lorsque son devoir lui commandait de rester à la sortie de Menin pour arrêter la confusion qui s'était mise dans ses troupes ? Cette affaire, écrivaient-ils, ne lui fait pas honneur ; il est brave, mais ce ne sera jamais un général. Le 23 septembre, avant de regagner Paris où ils rentraient fatigués et rendus, ils suspendaient Hédouville de toute fonction militaire ; Hédouville, déclaraient-ils, n'avait pas exécuté le plan d'attaque de Wervicq concerté entre les généraux et en présence des commissaires de la Convention ; il avait refusé de charger l'arrière-garde des ennemis au moment où ils se retiraient de Wervicq ; il avait, par de mauvaises dispositions. changé au 15 septembre la retraite en déroute ; il avait osé dire aux représentants que la canonnade dirigée sur Menin se faisait à Linselles et que son arrière-garde était en sûreté quand elle était vigoureusement assaillie ; enfin il avait abandonné cette arrière-garde et lorsque les représentants l'envoyaient chercher, il était tranquillement assis sur le bord d'un fossé[7].

 

II. De retour au camp de Gavrelle, Houchard se préparait à combattre Cobourg. Il ne savait trop quels étaient les desseins du prince. Cobourg allait-il assiéger Lille dans l'espoir que la population se révolterait, comme avait fait celle de Valenciennes ? Allait-il plutôt se porter par Tournay sur Dunkerque pour renouer la coalition et réussir où le duc d'York avait échoué ? Quels que fussent les projets de Cobourg, Houchard mandait à Paris qu'il ferait tout pour les renverser : il avait laissé des troupes à Dunkerque et sur la Lys ; il renforçait le camp de Cassel ; il comptait bientôt se mettre en mouvement et marcher à la hauteur des ennemis[8]. Mais, pendant qu'il traçait ces lignes où se marquaient les vacillations habituelles de son caractère, le Comité de salut public et le Conseil exécutif décidaient de le destituer.

La reculade de Menin succédant de si près aux glorieuses journées du 8 et du 13 septembre avait répandu partout un esprit de mécontentement et d'irritation. Comment les républicains vainqueurs n'étaient-ils restés que quarante-huit heures à Menin ? Pourquoi cette affaire malheureuse et si gauchement conduite suivait-elle si vite de très grands avantages ? On s'indignait contre les généraux ; on les taxait de mollesse et d'incapacité ; on les suspectait de tiédeur ; on les regardait comme les auteurs du désastre.

Lavalette écrivait de Lille que la République serait encore vaincue si elle ne trouvait le moyen d'attacher les officiers et les sous-officiers à leurs soldats ainsi que l'ombre l'est au corps, qu'on criait sans cesse à l'indiscipline des troupes et à leur amour de pillage, mais qu'il valait mieux crier à l'insouciance des officiers qui ne pouvaient empêcher le désordre parce que leur voix n'était pas familière au soldat[9].

Les commissaires de la Convention, Hentz et Duquesnoy, mandaient qu'il fallait au plus tôt réformer les abus. C'était, à les entendre, au courage seul des soldats que la République devait ses succès ; plusieurs officiers n'avaient point paru dans les dernières affaires à la tête de leurs hommes ; une foule d'entre eux étaient des royalistes et des traîtres qui méritaient d'être destitués sur-le-champ. Dunkerque même inspirait à Hentz et à Duquesnoy de violents soupçons. Après avoir dit que les habitants témoignaient une incroyable ardeur, qu'ils étaient une seconde garnison et que le siège les avait républicanisés, Hentz prétendait remarquer dans la ville, au milieu de la joie du peuple, des figures allongées, et il assurait que beaucoup de riches négociants tenaient le langage de Brissot et montraient assez par leur rire aigre et contraint qu'ils préféraient les Anglais à la République[10].

Levasseur et Bentabole envoyaient au Comité les mêmes plaintes, les mêmes accusations. Levasseur craignait que la République ne perdît prochainement le fruit de ses succès. Il jugeait que l'armée se désorganisait, que le service des subsistances était fort mal fait, que le ministre n'avait pas choisi pour commissaire-ordonnateur en chef un homme honnête et intelligent. Il incriminait les généraux et les états-majors qui commettaient ou laissaient commettre des fautes très graves : les aides de camp ménageaient leur monture à cause de la modicité de leurs appointements et du prix excessif des chevaux ; ils n'étaient qu'en petit nombre[11], et un général devait, en un jour d'action, se servir de simples ordonnances qui ne le comprenaient pas et qui, par fausse honte, ne lui faisaient pas répéter ce qu'il avait dit. Et vainement Levasseur représentait qu'il fallait écrire les ordres ; on s'inclinait, on reconnaissait la justesse de l'observation, et l'on continuait à donner des instructions verbales[12]. Les troupes étaient bonnes ; elles déployaient à l'attaque une valeur admirable ;mais, sitôt qu'elles entraient dans un village, elles se divisaient en deux parties : les lâches qui se livraient à toutes les horreurs, au pillage, au meurtre, au viol ; les braves qui poursuivaient l'ennemi, mais qui, fascinés par la vue du butin, et devenus cupides, ne tardaient pas à imiter leurs camarades. Si l'adversaire, ajoutait Levasseur, nous assaillait une heure après la prise de l'endroit, il aurait de nous bon marché. Mais les officiers ne prêchaient-ils pas d'exemple ? Levasseur n'avait-il pas dû les sabrer, comme il sabrait les soldats, et leur arracher leur hausse col comme il arrachait aux grenadiers leurs épaulettes[13] ?

Le grand coupable était Houchard. De la plupart des villes du Nord, les dénonciations affluaient contre lui. Les uns le disaient très mal entouré ; les autres le traitaient d'incapable ; d'autres s'affligeaient qu'il revint dans son ancien camp lorsqu'il pouvait aisément marcher sur Ostende et sur Gand. De l'armée même s'élevaient d'hostiles rumeurs. Nous avons chassé les Anglais, les Hanovriens, les Hessois, les Hollandais, mandait-on naguère de Lille au Journal de la Montagne, nous volons contre Cobourg et nous allons le combattre et l'humilier. Houchard avait-il humilié Cobourg ? Avait-il exécuté les vastes projets du Comité ? Avait-il pris l'essor ? Après une si belle entrée de jeu, il regagnait, au milieu de septembre les positions qu'il avait au mois d'août, et le seul résultat de tant de marches, c'était le débloquement de Dunkerque ! L'agent du ministre des affaires étrangères, Duvivier, le comparait à Dumouriez : de même que Dumouriez avait refusé d'écraser les Prussiens en Champagne, de même Houchard avait refusé d'écraser les Anglais à Hondschoote. Forster écrivait qu'on était de nouveau trahi, que l'armée aurait pu faire dix fois plus de mal aux Anglais et que Houchard leur avait permis d'échapper. Levasseur répétait que les combattants du 8-septembre auraient coupé la retraite au duc d'York s'ils s'étaient, après l'action, dirigés sur Furnes ; mais Houchard avait répondu : nous ne sommes pas en fonds[14].

De tous les commissaires de la Convention, Hentz était le plus acharné contre Houchard. Borné, entêté, prenant ses soupçons pour la réalité, Hentz s'imaginait que Houchard s'entendait sous main avec les coalisés, et que Berthelmy et Gay-Vernon étaient dans le secret de cette conspiration. Il entraîna Duquesnoy ; il entraîna Elie Lacoste et Peyssard. Après avoir félicité Houchard de sabouler d'importance les alliés, Hentz et Duquesnoy assurèrent qu'il devait ses succès, non pas à ses talents, mais à la vaillance de ses soldats, et ils demandaient avec impatience quand il ferait un grand mouvement et prendrait enfin les Austro- Anglais sur leurs derrières. Lacoste et Peyssard avaient naguère loué Houchard et lui disaient flatteusement qu'il n'avait pas dépendu de lui de fixer partout la victoire. Ils se joignirent à Hentz pour blâmer la conduite du général et la qualifier d'étrange. Quoi ! il ramenait précipitamment sur Menin une armée qui pouvait sans obstacle s'emparer d'Ostende et y trouver des ressources infinies ! Il tentait de rentrer dans un pays déjà ravagé ! Après avoir vaincu deux fois et perdu tant de braves gens, il revenait se mettre sur une défensive humiliante, et il laissait l'étranger travailler à l'aise ! Evidemment, Messieurs Houchard, Berthelmy et Gay-Vernon étaient des perfides et des traîtres. Ils faisaient bonne chère pendant que fuyait l'ennemi. Ils ne profitaient pas des avantages que leurs intrépides soldats avaient remportés. Ils ne se conformaient pas au plan du Comité ; ils avaient tout combiné pour une déroute, et les ordres qu'ils donnaient, les contre-ordres, les continuels et inutiles croisements de troupes, les marches forcées, les déplacements qui coûtaient plus de monde que des batailles, annonçaient que le système de Lafayette reparaissait sur la scène. Et les commissaires accusaient Houchard, Berthelmy, Gay-Vernon, de tout désorganiser, de fatiguer et de ruiner exprès les pauvres chevaux de l'artillerie et des charrois, de ne pousser que les intrigants, de dégoûter du service les purs jacobins, d'écarter les observateurs, d'envoyer à Cassel le patriote Davaine, d'éloigner de Gavrelle la division sur laquelle on comptait surtout pour couvrir la plus importante partie des frontières, de livrer à l'Autrichien les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais si fertiles en ressources, de le laisser couper les communications entre la Flandre et le reste de la France, de lui faciliter l'envahissement de l'intérieur[15].

Persuadé de la trahison de Houchard, Hentz partit le 18 septembre pour Paris. Il avait su se faire un certain renom parmi ses collègues, et Le Bas vantait la fermeté de son caractère[16]. Il déclara qu'il aurait mis Houchard et ses complices en état d'arrestation s'il n'avait craint d'excéder ses pouvoirs ; mais il venait se concerter avec le Comité, lui révéler les complots de l'état-major, lui demander la punition des coupables. Robespierre, Barère, Jeanbon Saint-André, Carnot et le ministre Bouchotte, convaincus du patriotisme et de la probité de Hentz, accueillirent ses dénonciations.

Robespierre et Barère n'avaient plus à la bouche que les mots de vigueur et de rigueur : ils disaient volontiers que l'esprit des soldats était admirable et que les échecs de l'armée résultaient de la traîtrise de ses chefs ; ils recommandaient aux représentants de surveiller les généraux, de ne pas les perdre de vue un seul instant et de ne leur rien pardonner[17].

Jeanbon Saint-André s'était toujours méfié de Houchard et ne lui reconnaissait d'autre mérite que d'avoir rompu avec Custine ; mais, ajoutait-il, il ya loin entre haïr un contre-révolutionnaire et aimer la nation. Il avait une antipathie profonde contre Berthelmy et, un mois auparavant, s'efforçait de le chasser de l'armée, l'accusait d'insolence et d'incivisme ; Berthelmy, avait-il dit, paraissait mal disposé, ne devait son avancement qu'à la cabale et ne ferait certainement que nuire aux opérations. Enfin, Jeanbon avait la conviction que le soldat était partout excellent, mais que les états-majors étaient gangrenés ; la grande mesure qui de jour en jour devenait nécessaire, indispensable, c'était, répétait-il, la destitution de tous ces états-majors dont aucun ne désirait sincèrement le bien de la chose publique[18].

Carnot marquait, il est vrai, à Houchard, que le Comité avait reçu la nouvelle de ses brillants succès avec la plus vive satisfaction. Mais il regrettait infiniment que le général n'eût pas exécuté son premier projet, le grand projet, n'eût pas marché directement par Fumes, Ostende et Nieuport pour envelopper entièrement l'armée anglaise et l'écraser. Il avait recommandé à Houchard d'éviter le morcellement, de frapper un coup terrible. Houchard avait-il obéi ? Avait-il eu la vigueur que lui prescrivait le Comité ? Avait-il profité de l'énergie française et de la confiance qu'il inspirait aux troupes ? Avait-il jeté sur les ennemis la masse de ses forces[19] ?

Pareillement, Bouchotte avait félicité Houchard de la bataille du 8 septembre. Mais, de même que Carnot, il mêlait des regrets à ses compliments, et assurait, après avoir consulté la carte, que les résultats étaient moins brillants qu'on l'espérait. Houchard pouvait couper aux alliés le chemin de Furnes, les obliger à se rendre ou les anéantir totalement. Pourquoi ne l'avait-il pas fait ? Et Bouchotte se prenait à penser que Houchard avait trouvé peut-être une meilleure combinaison[20].

Tels étaient les sentiments du ministre et des membres du Comité de salut public lorsque Hentz leur proposa de sévir contre Houchard. Ils sévirent. Ils crurent tout ce que Hentz leur débitait, s'indignèrent avec lui des lenteurs calculées du général. Et quand Hentz affirma que Dunkerque n'était pas sûr et que des gens de la ville tramaient un complot pour appeler les Anglais et leur ouvrir les portes, quelle colère dut s'allumer dans le cœur de Carnot ! Le 20 septembre, le Conseil exécutif destituait Houchard qu'il remplaçait par Jourdan, et, le même jour, le Comité arrêtait que Houchard et ceux qui avaient empêché l'armée du Nord de profiter de la victoire, Berthelmy, Gay-Vernon, Hédouville, Landrin, Dumesny, Demars, seraient amenés à Paris[21].

Le lendemain, Carnot mandait aux représentants à Dunkerque d'être sur leurs gardes et de s'entourer d'irréprochables patriotes. On avait, disait-il, porté des plaintes graves contre l'état-major général de l'armée du Nord, et la plupart des officiers qui le composaient étaient suspendus depuis la veille ; les commissaires de la Convention devaient se souvenir que le sort des armées leur était confié ; ils devaient étudier les hommes que la République employait et s'attacher à mieux connaître leur caractère, recueillir de tous côtés des renseignements sur le civisme et les talents de ceux qui pourraient exercer un commandement, découvrir parmi les chefs de bataillon et les officiers d'un grade inférieur le mérite modeste[22].

Houchard ne soupçonnait pas le coup de foudre qui le toucherait bientôt. Mais déjà deux de ses amis et collaborateurs étaient frappés. Le ministre avait suspendu Coquebert de Montbret, suspendu Gay-Vernon.

Coquebert de Montbret était cet officier du génie qui, en un accès de délire, avait, au mois d'avril. tiré sur Custine. A la sollicitation de Gay-Vernon, le ministre l'avait employé dans l'état-major de l'armée du Nord ; mais, suivant le mot de Bouchotte et des représentants, il n'inspirait pas une entière sécurité. Le 12 septembre, il avait ordre de quitter le service[23].

Gay-Vernon eut le même sort. C'était, avait dit Custine, un chaud patriote, instruit et brûlant du désir de s'instruire. Mais vainement il entrait en correspondance avec le gendre de Pache, Xavier Audouin, le nommait son cher Audouin, lui dénonçait les aristocrates de l'armée, se recommandait à Pache et à Bouchotte : Rappelez-moi au souvenir du ministre et de votre beau-père ; aidez-moi de vos lumières et de vos conseils. Thüring le signalait au représentant Le Tourneur comme le faiseur de Custine. Celliez s'étonnait qu'il n'eût pas subi le destin du général Moustache : Ce valet ou plutôt ce complice de Custine voulait se donner un vernis de patriotisme ; son règne ne sera pas de longue durée ; bientôt vous pourrez montrer aux patriotes gobe-mouches cet homme tel qu'il est. Ronsin écrivait à Paris que Gay-Vernon n'avait aucune des qualités qui caractérisent le républicain, et qu'il était dissimulé, astucieux, redouté de tous les vrais jacobins. Duquesnoy lui trouvait infiniment de connaissances et d'activité, mais, ajoutait-il, Gay-Vernon a des yeux qui ne me plaisent pas. Bentabole déclarait qu'il avait perdu la confiance des patriotes. Trullard et Berlier louaient ses talents, mais, disaient-ils, il était un des plus zélés partisans de Custine, et il avait tenu des propos alarmants Jeanbon Saint-André le jugeait un homme froid et craintif qui n'axe d'autre stratégie que de cantonner les troupes[24].

Le 12 septembre, Bouchotte suspendit Gay-Vernon, en alléguant que cet officier donnait de l'inquiétude par ses liaisons avec Custine et semblait hostile au système populaire. Gay-Vernon répondit qu'un coup de poignard lui eût été moins sensible, et il protesta qu'il était sans-culotte et ardent défenseur de l'égalité, qu'il avait pu être trompé par les hommes, mais qu'il ne partageait pas leurs vices et leurs erreurs. Il partit cependant et gagna son village de Vernon, dans la Haute-Vienne, entre Saint-Léonard et Sauviat ; il promettait de piocher la terre, de donner aux paysans l'exemple des vertus républicaines et de lire tous les jours de repos, dans son petit jardin, la constitution de 1793 que son entourage saurait bientôt par cœur et pratiquerait fidèlement[25].

Houchard était consterné. Il avait fait de Gay-Vernon son inséparable confident. Sur le-champ, il offrit sa démission. Que ferait-il sans Gay-Vernon ? Privé de l'homme qui tenait sa correspondance, pouvait il conserver le commandement ? Une pareille fonction n'était-elle pas désormais' au-dessus de ses forces et de ses moyens ? Il demandait qu'on lui rendît son coopérateur dont il ne saurait se passer : Gay-Vernon était un officier du plus grand mérite, un ami de la chose publique, un patriote qui voulait bien, même au détriment de sa santé, l'aider de ses conseils, de ses connaissances locales et militaires[26].

L'arrestation de Houchard et de Berthelmy suivit de près la suspension de Gay-Vernon. Le Comité avait décidé que la mesure s'exécuterait avec autant de secret que de promptitude. Hentz, de retour au quartier-général d'Arras, résolut, avec Lacoste et Peyssard, d'appréhender sur-le-champ les prétendus traîtres. On n'attendrait pas Jourdan ; on confierait le commandement provisoire de l'armée à Duquesnoy, le frère du député, et le seul des généraux qui partit sûr, et qui possédât la confiance des soldats depuis qu'il les avait menés au feu dans l'affaire récente de Wervicq ; une fois Duquesnoy installé, on enverrait la gendarmerie nationale au logis de Berthelmy et de Houchard.

Les deux inculpés se livrèrent d'eux-mêmes. Le 3 septembre, au matin, Berthelmy alla demander aux conventionnels des chevaux de luxe pour son usage personnel. Ils l'auraient aussitôt arrêté, mais Duquesnoy n'était pas arrivé ; ils promirent à Berthelmy de lui faire réponse à une heure de l'après-midi. Berthelmy revint à lune heure ; mais Duquesnoy n'était pas encore là ; les commissaires fixèrent un second rendez-vous à quatre heures. A quatre heures, peu d'instants après que Duquesnoy avait accepté le commandement provisoire, Berthelmy, suivi de son domestique, frappait à la porte des représentants. Lacoste s'était placé sur le seuil en embuscade. Il fit, dit-il, mettre l'embargo sur l'homme. Berthelmy perdit contenance, et, pendant qu'on le menait à la maison d'arrêt, il gémissait, se désespérait. Nous sommes convaincus, écrivaient Hentz, Peyssard et Lacoste, que nous renversons une des grandes batteries de l'ennemi.

Restait Houchard. Mais le domestique de Berthelmy l'avait instruit de l'arrestation de son maître. Le général, tout affairé, accourut chez les représentants et leur demanda ce qui se passait. Berthelmy est arrêté, lui répondirent-ils, et vous aussi. Il montra moins de surprise et de douleur que son chef d'état-major ; mais lorsqu'il sut qu'il serait conduit à la maison d'arrêt, il se plaignit qu'on le mît à la prison commune sans faire aucune différence entre un général et un simple soldat. Il a trouvé fort dur, remarquent les commissaires, que nous l'ayons traité républicainement ; ces généraux qui ne font que commander, ont de la peine à obéir. Il s'entretint tranquillement de la situation de l'armée avec les deux conventionnels ; il les avertit que les ennemis dirigeaient des troupes considérables sur Maubeuge, et il exprima de très vives inquiétudes sur le sort de la place : La conservation de Maubeuge est de la plus haute importance, mais je crains bien que la République n'ait pas assez de monde pour se défendre[27].

Lacoste et Peyssard se hâtèrent de saisir les papiers de leur prisonnier. Nous avons trouvé, mandaient-ils à la Convention, sa correspondance avec les princes étrangers ; il en résulte que nos armées étaient confiées à l'ami de nos ennemis, à la créature de Custine ; aussi le duc d'York, voyant que le soldat avait rompu les mesures prises pour nous faire bâcher devant Hondschoote, a dit en se plaignant : Nous sommes trahis ![28]

On ne pouvait mieux altérer la vérité, et un historien allemand affirme avec raison que rien n'était plus impudent que cette assertion, qu'elle n'a jamais été prouvée et qu'il suffit de connaître les événements pour la regarder comme le plus grand mensonge. Que contenait en effet la correspondance de Houchard avec les princes étrangers ? Les représentants se récriaient d'indignation en lisant des lettres du prince héréditaire de Hohenlohe-Ingelfingen et de Szekuly qui commandaient l'avant-garde prussienne. Ils frémissaient en constatant que ces messieurs témoignaient à Houchard une haute considération. Ils accusaient le général d'avoir des complaisances envers la comtesse de la Leyen émigrée, d'écrire au duc de Brunswick en faveur des ennemis de la République incarcérés à Metz et à Forbach, de correspondre avec Merlin et Reubell assiégés dans Mayence, et sûrement, ajoutaient les représentants, Merlin et Reubell n'allégueraient plus maintenant, pour excuser l'infâme capitulation du 23 juillet, qu'ils ignoraient ce qui se passait en France ! Quelle crédulité grossière ! Quelle rage stupide de tout suspecter et de tout dénoncer ! Si les représentants avaient lu ces missives sérieusement et à tête rassise, ils auraient vu qu'elles ne renfermaient que des formules de politesse. Un prince de Nassau disait à Houchard qu'il s'empresserait toujours, en bon voisin, de faire ce qui serait agréable à la France. Le prince de Hohenlohe-Ingelfingen lui proposait d'échanger des prisonniers, et, avec cette courtoisie dont se piquent entre eux les hommes de guerre, se déclarait prêt à se porter avec facilité aux arrangements qui pourraient obliger son adversaire. La comtesse de la Leyen faisait à Houchard des offres semblables : des gens de Blieskastel avaient été emmenés en France comme otages et emprisonnés, les uns à Metz, les autres à Forbach ; elle demandait qu'ils fussent délivrés ou échangés et assurait, pour prouver son bon vouloir, qu'elle avait prié Hohenlohe d'adoucir le sort de la femme et de la belle-sœur du patriote mayençais Patocki, détenues à Königstein. Mais, pour effectuer cet échange, ne fallait-il pas s'adresser au roi de Prusse par l'intermédiaire de Szekuly qui commandait son avant-garde ? Ne fallait-il pas informer Merlin et Reubell ? Et les représentants inculpaient Houchard qui s'intéressait au destin de ses compatriotes captifs et qui, dans un billet à Szekuly, se plaignait que le roi de Prusse les eût barbarement traités !

Il est vrai que la correspondance de Houchard comprenait encore une lettre au colonel Murray, chef d'état-major du duc d'York, une lettre à Frédéric-Guillaume, et une lettre à Kalkreuth. Mais la lettre au colonel Murray, la seule que Houchard eût envoyée aux alliés pendant qu'il était à l'armée du Nord, concernait la mission de Forster, chargé, comme on sait, par le Comité, de négocier un échange de prisonniers et d'entamer des ouvertures de paix ; Forster l'avait corrigée sous les yeux de Gay-Vernon, et des représentants l'avaient lue. La lettre à Frédéric-Guillaume avait paru dans le Moniteur ; elle était datée du 4 avril : Houchard, croyant sur de faux bruits que des hussards prussiens avaient massacré les blessés du 4e bataillon des Vosges, protestait contre de pareilles cruautés, assurait qu'il s'était toujours battu loyalement, que la générosité, l'humanité l'avaient guidé dans chaque circonstance, qu'il professait le respect du vaincu, qu'à Limbourg il embrassait les prisonniers pour les préserver de la fureur de ses soldats, et qu'il faisait panser les blessés prussiens avant les blessés français. Enfin, la lettre à Kalkreuth exhalait un patriotisme ardent, enragé, dénué de scrupules : Houchard refusait de reconnaître la capitulation de Mayence ; il disait à Kalkreuth et le chargeait de dire à son maitre que la garnison n'avait pas été consultée, qu'elle n'était pas liée par l'infamie de son chef et que lui, Houchard, l'emploierait contre les Prussiens. Voilà quelle était la correspondance de Houchard avec les ennemis[29] !

Mais il était irrévocablement condamné. Vainement, dans la séance du 24 septembre, les conventionnels s'émurent lorsqu'ils apprirent sa destitution par une lettre de Bouchotte. Vainement quelques-uns protestèrent. Billaud-Varenne et Jeanbon Saint-André défendirent le ministre qui n'agissait que de concert avec le Comité. Houchard, dit Billaud-Varenne, était non seulement destitué, mais arrêté parce qu'il avait trahi la nation, et il paierait de sa tête cette trahison. Quant à Jeanbon, il blâma le général d'avoir marché sur Mayence lentement et à pas de tortue, de s'entourer d'hommes comme Gay-Vernon et Berthelmy qui ne pensaient qu'a prolonger la guerre, et de ne pas posséder la moindre étincelle de talent.

Les griefs du Comité contre Houchard furent exposés avec plus de précision par Barère, Jeanbon et Robespierre, dans la séance du lendemain (25 septembre). Barère déclara que Houchard était infiniment suspect pour quatre raisons :1° Il n'avait pas jeté les Anglais à la mer après leur déroute ; 2° il n'avait pas taillé en pièces les Hollandais, quoiqu'il les eût cernés ; 3° il n'avait imprimé qu'un mouvement partiel à l'armée, et il gardait inactives des troupes qui pouvaient être d'un grand secours, lorsque les Impériaux assassinaient la garnison de Cambrai dans un ravin ; 4° il avait abandonné Menin et laissé massacrer son arrière-garde qui battait en retraite. Ces faits, ajoutait Barère, étaient présentement certains ; mais, environnés de lauriers, ils n'avaient d'abord été qu'incomplètement connus. On croyait que Houchard avait remporté la plus belle victoire ; on n'examinait pas les résultats de ce succès, les pertes qu'éprouvait l'armée et les mauvaises dispositions que le général lui commandait de prendre ; on était indulgent pour un vieux soldat qui s'était signalé par plusieurs actions d'éclat sous l'ancien régime et qui, des rangs obscurs d'une légion, s'élevait jusqu'au grade le plus éminent. Mais Hentz était venu à Paris, et ce commissaire intègre et éclairé — Barère le qualifiait ainsi — avait confirmé tous les rapports que recevait le Comité. Là-dessus, Barère décrivait à sa façon, c'est-à-dire de la façon la plus inexacte et la plus fantastique, la bataille d'Hondschoote. Il y avait, selon Barère, trois colonnes à cette bataille ; la première avait été commandée par Landrin qui s'était caché ; la deuxième, dirigée du côté de la mer, avait laissé aux Anglais le temps de se retirer ; la troisième, envoyée sur Hondschoote, et inférieure en nombre aux coalisés — elle comptait 12.000 hommes et luttait contre 18.000 ennemis bien retranchés ! — n'avait atteint son but que par un effort de valeur qui tenait du prodige. Pourquoi, concluait Barère, le Comité n'eût-il pas destitué Houchard qui morcelait son armée soit par ignorance crasse, soit par trahison ?

Robespierre et Jeanbon Saint-André appuyèrent le rapporteur officiel du Comité de salut public. Jeanbon assura que Houchard était à la fois incapable et traître, que les Anglais seraient maîtres de Dunkerque si l'on eût suivi ses plans, que ses troupes l'avaient forcé de vaincre, et il comparait le malheureux général à Dumouriez qui devait sa victoire de Jemappes à ses soldats, et qui méritait la honte de l'échafaud, au lieu de la couronne civique. Robespierre vanta le Comité que certains hommes osaient attaquer, ce Comité qui voyait des trahisons au milieu d'un triomphe, ce courageux Comité qui destituait un chef encore investi de la confiance et revêtu de l'éclat d'un succès' apparent ; c'est malgré Houchard, disait Robespierre, que les sans-culottes ont vaincu, et, à l'assaut d'Hondschoote, l'armée française aurait dû périr ! Le même soir, il développait une semblable accusation à, la tribune des Jacobins. Il traita Houchard de conspirateur. Le Comité, s'écriait-il, avait formé et communiqué au général un plan dont la réussite était infaillible ; pas un Anglais ne devait échapper pour porter à Londres la nouvelle du désastre ; mais Houchard s'entendait avec les ennemis ; il refusa d'exécuter le plan du Comité ; par trois fois il s'enfuit devant les alliés ; de peur de les atteindre, il revenait sur ses pas, et cet homme à qui l'on contestait du talent, en déployait beaucoup pour ne point battre l'adversaire[30] !

Dès lors, l'opinion s'anima, se monta contre Houchard. Dans une séance des Jacobins, Chabot l'accusait d'avoir jadis calomnié les volontaires et prodigué les épithètes les plus injurieuses et les plus imméritées aux bataillons nationaux. Jacques Roux, le continuateur de Marat, écrivait niaisement que le barbare Houchard avait négligé de jeter dans la mer les Anglais et les Espagnols. Laveaux affirmait que Houchard avait pris part à tous les brigandages de Custine en Allemagne et dénoncé le général Moustache après la capitulation de Mayence pour éloigner les soupçons et parce qu'il voyait bien que son patron était perdu sans ressource. Le correspondant lillois du Batave mandait que, si le traître Houchard avait voulu, Ostende appartiendrait aux Français, mais qu'il était un de ces officiers de fortune, par malheur si nombreux, qui n'avaient pas le moindre attachement aux nouveaux principes et qui faisaient leur chemin sous l'ancien régime en flattant messieurs les officiers et en leur rapportant les propos des chambrées. Hébert disait dans le Père Duchesne que la caque sent toujours le hareng et que Houchard savait tourner casaque : Un palefrenier de venu général d'armée, trahir la République qui l'a tiré du fumier pour le mettre sur le pinacle ! Un Houchard vouloir singer un Dumouriez ! Pouvait-on mieux attendre d'un misérable goujat qui ne s'était élevé qu'à force de bassesses et en décrottant les bottes de Custine ? Tel maître, tel valet. Une députation des clubs de Sedan, de Montmédy, de Givet, de Philippeville et de Mouzon se présentait aux Jacobins de Paris et demandait que les états-majors fussent entièrement purgés, que le prompt jugement de Houchard devînt un avertissement pour tous les généraux. Victoire, lisait-on dans le Rouge, Houchard et son état-major sont gobés ; ils étaient de moitié avec l'ennemi, et voulaient lui livrer notre armée ; que l'on fasse aiguiser la sainte guillotine ; elle aura de la besogne ![31]

Le 27 septembre, Houchard avait été, en même temps que Berthelmy, envoyé à l'Abbaye. Le 24 octobre, Billaud-Varenne déclarait à la Convention, au nom du Comité de salut public, que les généraux devaient être les premiers frappés puisqu'ils étaient les premiers à trahir leurs serments, et il proposait de rapporter le décret qui ne livrait les généraux d'armée au tribunal révolutionnaire qu'après une décision de l'Assemblée : Que ce décret soit rapporté, et Houchard paiera bientôt de sa tête le sang qu'il a fait verser par ses trahisons multipliées ! La Convention rapporta le décret[32].

Houchard, transféré à la Conciergerie, — où il y avait alors vingt-quatre généraux ! — pria la Convention de hâter son jugement et d'appeler devant le tribunal ses frères d'armes qui témoigneraient de son innocence[33]. Il se défendit. Barère, disait-il, a produit contre moi quatre chefs d'accusation : 1° Je n'ai pas jeté les Anglais à la mer. — Mais étaient-ils d'humeur à se laisser jeter à la mer par un adversaire qui leur était de moitié inférieur en nombre ? S'il y avait 15.000 Hanovriens à Hondschoote, il y avait 30.000 Anglais devant Dunkerque, et ces Anglais n'étaient nullement mis en déroute, nullement entamés ; ils se sont retirés, aussitôt après le combat du 8 septembre, dans une position avantageuse derrière Furnes ; pour aller à eux, j'avais quatre lieues à faire, le jour tombait, et devais-je me hasarder à travers un pays inondé où les ponts étaient rompus ? 2° Je n'ai pas taillé les Hollandais en pièces. — Mais j'avais prescrit de les tailler en pièces ; pouvais-je être partout et suis-je responsable d'une affaire où je n'étais pas ? 3° Je n'ai imprimé qu'un mouvement partiel à l'armée et j'aurais causé par là l'égorgement de la garnison de Cambrai dans un ravin. — Mais j'avais commandé à cette garnison d'opérer une fausse attaque et non de se fourrer dans un ravin à Avesnes-le-Sec, si loin de la place. Pouvais-je tout mâcher à Declaye ? Pourquoi s'est-il exposé ? Pourquoi ne s'est-il pas conduit militairement ? 4° J'ai abandonné Menin et laissé les ennemis assaillir l'arrière-garde. — Mais étais-je à Menin ? Ai-je envoyé des ordres en cette journée ? Puis-je, cette fois encore, répondre des fautes d'autrui ? Et Houchard concluait : Carnot a désiré que le siège de Dunkerque fût levé ; j'ai fait lever le siège, et ce débloquement a rapporté six millions à la République et coûté plus du double aux coalisés. On dit que j'ai trahi. Mais pourquoi aurais-je trahi ? Pour jouir d'un meilleur sort ? Pour avoir plus de considération ? N'étais-je pas au poste suprême du militaire ? N'avais-je pas la confiance de mes concitoyens et de mes frères d'armes ? Aurais-je changé la place de général d'un peuple libre contre celle de dernier soldat des despotes ? On prétend, il est vrai, que je ne suis pas républicain. Mais je suis un plébéien, un sans-culotte. Dès le commencement de la Révolution, je me suis prononcé en faveur du système populaire. Pas un soldat n'a lutté plus que moi pour la cause de la liberté. Pas un n'a été aussi bien récompensé. Hélas ! la récompense a été trop belle ! Je ne souhaitais que le grade de capitaine de dragons, et ce grade, je l'avais obtenu ; étranger à toute ambition, à, toute intrigue, je n'ai pas sollicité tous ces emplois que j'ai exercés ; je ne voulais être ni colonel, ni général de brigade, ni général de division, ni général d'armée, et l'on m'a forcé de prendre ces commandements qui me valent aujourd'hui l'injure et la prison. Quoi ! j'ai trente-huit ans de services dont dix ans de guerre ; j'ai toujours combattu vaillamment, et personne n'a douté de mon courage ; j'ai six blessures qui sont autant de certificats de ma bravoure, un coup de fusil à travers la figure, un deuxième dans la cuisse, un troisième à la jambe et trois coups de sabre. Et je suis à la Conciergerie ! Mais mon innocence, je l'espère, sera reconnue ; j'ai l'âme pure et la conscience nette ; je prie le ministre et le Comité de me renvoyer à Sarrebourg, dans ma famille, sous la surveillance de ma municipalité[34].

Il comparut le 15 novembre devant le tribunal révolutionnaire. Indigné de la bêtise et surtout de l'insolence de ses accusateurs, il avait rédigé pour sa défense une harangue chaleureuse et brûlante de colère. Beugnot lut ce discours et en admira l'éloquence sauvage ; il crut entendre le Marius du marais de Minturnes ; telle comparaison, dit-il, rappelait les chants d'Homère ou d'Ossian ; je conçus une idée plus relevée de Houchard et je vis que la nature lui avait départi une étincelle de génie qui n'avait point été amortie par les mœurs et le ton du jour. Houchard confia sa harangue à Osselin qui la délaya en style de palais de la façon la plus froide et la plus plate. Mais, quand elle eût été un chef-d'œuvre, le sort du général n'aurait pas changé. Dumas lui reprocha sa lâcheté. Aussitôt, le vieux soldat se leva, ouvrit son habit et présenta sa poitrine sillonnée de cicatrices : Lisez ma réponse, s'écria-t-il. On lui imposa silence et il retomba sur le fauteuil. Il pleurait. On put le juger, le condamner, le mener au supplice : il semblait ignorer ce qui se passait autour de lui ; il n'avait plus au cœur d'autre sentiment que le sentiment de son honneur profondément blessé ; il ne répétait plus qu'un mot, le mot de Dumas qui lui semblait pire que la mort : Le misérable, il m'a traité de lâche ! Le 16 novembre, il montait sur l'échafaud pour avoir, disait Fouquier-Tinville, pratiqué des manœuvres et intelligences avec les ennemis de la République, facilité leur entrée en France et favorisé le progrès de leurs armes, notamment à l'armée de la Moselle qui devait secourir Mayence et à l'armée du Nord qui devait secourir Dunkerque. L'exécution de Houchard fit une impression profonde sur les armées. On le savait sans-culotte, et sa trahison ne trouva dans les camps que des incrédules. Jusqu'à cette époque, écrit un officier, la faux révolutionnaire n'avait moissonné que des têtes titrées. Chacun craignit d'avoir son tour, et nous avons souvent entendu répéter ce qu'aurait dit Houchard en allant à la mort : Battez-vous donc pour ces bougres-là qui vous guillotinent ![35]

 

Berthelmy et Gay-Vernon échappèrent. Neveu d'Aubert que le ministre de la guerre avait eu pour adjoint, ami de Brune, lié avec le commissaire Varin et par suite avec Celliez, Berthelmy n'avait rien à craindre de Bouchotte. Malgré Jeanbon Saint-André qui le haïssait, malgré les adjudants-généraux Thüring et Sauveur Chénier qui le dénonçaient comme modéré, il put se soustraire à la mort. Le 1er bataillon de la Corrèze attestait son républicanisme et son intrépidité. Le Conseil général de la commune de Tulle, le Directoire du district, le Directoire du département affirmaient son civisme. La Société populaire de Tulle, émue du péril qu'il courait, dépêchait à Paris un député extraordinaire, Béral, et Béral assurait que Berthelmy avait exposé sa vie pour propager l'esprit public dans la Corrèze et qu'à la nouvelle de l'événement de Varennes, il criait que le moment était venu de faire tomber la tête de Louis XVI. Les conventionnels corréziens Lanot et Borie témoignaient que Berthelmy s'était toujours montré le zélé défenseur de la cause démocratique, qu'il possédait le caractère énergique du jacobin, qu'il avait été provoqué par les officiers royalistes du régiment de Royal-Navarre cavalerie et incarcéré durant quinze jours par les aristocrates de Tulle, qu'il marquait au mois de juillet 1793 le plus vif attachement aux Montagnards et refusait de serrer la main à l'hermaphrodite Penières. Enfin, Berthelmy rédigeait mémoires sur mémoires. Tantôt il écrivait qu'il était le plus prononcé des révolutionnaires et regardait le titre de sans-culotte comme le premier des titres ; que dès le commencement de la grande insurrection il avait été en haleine contre l'aristocratie de toutes les robes ; qu'il avait tout bravé, les persécutions d'un tribunal prévôtal, les menaces des monarchistes, les duels ; qu'il avait fondé le club de Tulle et que les séances de la Société se tenaient d'abord dans sa chambre ; qu'il avait quitté spontanément sa place d'ingénieur qui lui rapportait 3.000 livres pour partir avec les volontaires, à pied et sac au dos ; qu'il avait ordonné de brûler devant l'arbre de la liberté les adresses perfides des commissions populaires de Lyon et de Bordeaux ; qu'il n'avait jamais rien demandé pour ses deux frères, l'un caporal au 10e régiment d'infanterie, l'autre capitaine de chasseurs à cheval à la légion des Francs ; qu'il avait décliné pour lui-même tout avancement ; qu'au mois de juin il renvoyait son brevet de général de brigade en alléguant qu'il ne le méritait pas, qu'il était assez jeune pour attendre, et qu'il avait la conviction intime d'être plus utile à la République comme adjudant-général à l'armée de la Moselle que comme général à l'armée du Rhin. Tantôt il esquissait des plans de campagne et déclarait qu'il fallait attaquer en masse, engager l'armée entière au lieu de la morceler et de mettre partout des détachements. Tantôt, dans le dessein de sauver l'Alsace envahie et comme s'il prévoyait l'expédition de Hoche, il proposait que l'armée de la Moselle vint d'un trait reprendre le camp de Hornbach et les gorges d'Annweiler, favoriser les opérations de l'armée du Rhin, couper la retraite à Wurmser. Il resta dans les prisons de l'Abbaye et ne passa pas en jugement[36].

 

Gay-Vernon, d'abord suspendu, avait été, de même que Houchard et Berthelmy, mis en état d'arrestation. Mais il avait de chauds et puissants protecteurs. Son frère, membre de la Convention et ardent Montagnard, annonça qu'il plaiderait pour lui devant le tribunal révolutionnaire. Jourdan déposa qu'il n'avait jamais remarqué rien d'équivoque dans la conversation et la correspondance de Gay-Vernon. Le chef d'état-major de Jourdan, Ernouf, écrivit que la République perdait en Gay-Vernon un de ses meilleurs serviteurs, qu'il était rare de trouver des sujets qui unissent autant de talents, que l'état-major de l'armée du Nord ne cessait pas de le regretter et que Jourdan déplorait son absence ; Gay-Vernon, ajoutait Ernouf, avait l'âme trop aimante et trop belle ; il s'attachait trop fortement à ses généraux, refusait de les croire coupables, et c'est pourquoi il n'avait pu démêler les perfidies de Custine ; il méritait de reparaître dans les camps où sa conduite avait toujours été pure. Inutilement le secrétaire général de la guerre, Vincent, incriminait Gay-Vernon. Le ministre Bouchotte et l'adjoint Audouin le défendaient. Audouin témoigna que Meusnier, le jacobin Meusnier, l'avait désigné au choix de Pache, que Bouchotte n'avait pas hésité, après l'arrestation de Custine, à le renvoyer en Flandre, que Gay-Vernon proposait alors de se consacrer à l'instruction des élèves de l'École du génie de Mézières, s'il passait pour dangereux ou inutile à l'état-major. Les commissaires de la Convention aux armées du Rhin et de la Moselle, Haussmann, Merlin de Thionville, Soubrany, Maribon-Montaut, firent unanimement son éloge. Haussmann le nommait un excellent patriote et rappelait qu'il avait rendu Kastel imprenable ; Merlin le représentait comme un homme animé des principes les plus républicains, comme un officier du plus grand mérite qui se dévouait tout entier à sa besogne, lui donnait à Mayence des renseignements précieux, et fortifiait avec zèle le poste de Kreuznach ; Soubrany attestait que Gay-Vernon avait, à l'armée de la Moselle, la réputation d'un bon citoyen, et Maribon-Montant, qu'il avait juré de ne servir que la patrie, d'obéir à tous les ordres des représentants et même de souscrire à la destitution de Custine. Comme Berthelmy, Gay-Vernon ne fut pas traduit devant le tribunal révolutionnaire[37].

 

III. Ainsi se terminait un des plus importants épisodes de la guerre de 1793. Après s'être emparés de Valenciennes et de Condé, les alliés avaient une saison favorable encore ; ils pouvaient, sans pousser sur Paris, faire de très grands progrès et se saisir de plusieurs places. Au bout de huit semaines, ils n'avaient pris que Le Quesnoy, ils n'osaient prendre Bouchain et Cambrai, ils échouaient devant Dunkerque. Etait-ce, comme le croyaient quelques-uns, parce que Mack n'était plus là pour diriger les mouvements ? Non ; mais les alliés avaient conçu leur plan de campagne selon les principes de l'art, et leur ennemi ne consultait aucune règle. Ils avaient marché prudemment, avec une lenteur extrême, et laissé à leur adversaire le loisir de réparer ses revers et de se renforcer en soldats, en officiers et en généraux. Ils avaient commis une faute grave, irrémédiable : l'expédition de Dunkerque, cette expédition que Langeron nomme imprudente et désastreuse. L'entreprise, mal conçue et mal conduite, disait Mercy dès le 2 septembre, menace d'entraîner après elle les plus déplorables conséquences et lors même que nous aurions de rapides succès contre Dunkerque et Bergues, nous n'en serions pas moins arrêtés par Gravelines, Calais, Saint-Omer, Hesdin et les lignes de la Canche. Il eût fallu que les Anglais, renonçant à conquérir Dunkerque pour leur propre compte, se joignissent aux Impériaux ; que les deux armées, au lieu de s'engager séparément dans une lutte de détail, se réunissent pour envahir les plaines fertiles de l'Artois et de la Picardie ; que Cobourg et York, au lieu d'entamer chacun une guerre défensive, vinssent de concert au-devant des levées immenses et indisciplinées de la France pour les dissiper. Mais Anglais et Autrichiens agirent isolément.

Et pourtant, si Cobourg, réduit à ses seules forces, avait payé d'audace, il aurait obtenu de considérables avantages. Mais en vain Mercy lui conseillait de s'inspirer des leçons de la politique, d'établir sur les bords de la Somme des quartiers d'hiver offensifs, de laisser derrière lui des forteresses qui tomberaient d'elles-mêmes, de vivre en un pays où les grains et les fourrages abondaient, de menacer Paris qui tremblerait à la fois pour sa subsistance et sa sûreté. En vain il priait Cobourg de s'arracher à la stagnation et de ne plus opposer à l'impétuosité française des masses immobiles, de mettre dans les opérations plus de vivacité et d'ardeur, d'imiter l'ennemi qui se montrait si alerte, si dispos, si actif et qui semblait ne connaître ni les saisons ni les difficultés, de déployer et de lancer sa cavalerie, de devancer les Français partout, de les attaquer partout, de les couper partout, de les frapper de terreur. Mercy ne fut pas écouté. Les alliés s'obstinèrent, suivant le mot de Jomini, à s'amuser aux accessoires, à couvrir méthodiquement les chemins, à faire de leurs troupes un emploi pitoyable[38].

 

FIN DU ONZIÈME ET DERNIER VOLUME

 

 

 



[1] Carnot à Houchard, 13 septembre ; Élie Lacoste et Peyssard à Houchard, 12 et 14 sept. ; cf. Cornu au Conseil général de Cambrai et à Bouchotte, 14 sept. (A. G.).

[2] Les administrateurs du district de Cambrai aux représentants, 12 sept. (A. G.) ; Mémoire de Langeron (A. E.).

[3] Notes historiques de Delbrel. 59-60 et rapport du 23 sept. (A. G.).

[4] Berthelmy à Bouchotte, 14 sept. (A. G.).

[5] Houchard à Bouchotte, 19 sept. (A. G.).

[6] Odon-Nicolas Lœillot-Demars, qui se qualifie fils d'un bourgeois de Paris, était né dans cette ville le ter octobre 1751. Le crédit de son oncle maternel Demars, premier commis de la marine et ci-devant de la guerre, lui valut le grade de sous-lieutenant au régiment de Nassau (28 février 1768.) Il fit la campagne de Corse, devint lieutenant (9 novembre 1772), capitaine (1778), puis aide-major général du corps des volontaires étrangers de la marine (1er septembre 1775), aide-major général des troupes de l'Ile-de-France, major au régiment de Pondichéry (3 mars 1781), et, après avoir servi clans l'Inde do 1779 à 1783, fut attaché à la suite au bataillon auxiliaire des colonies (15 décembre 1786). Chevalier de Saint-Louis, retiré à Obernai en Alsace où il commanda la garde nationale (8 juin 1790), député de cette commune à la Fédération, il fut élu le 5 octobre 1791 lieutenant-colonel du 2e bataillon des volontaires du Bas-Rhin. Le 27 septembre 1792 il recevait le brevet de général de brigade. Destitué le 18 septembre 1793, par Bouchotte, après l'échec de Menin, conduit le 28 septembre à l'Abbaye par arrêté du Comité de salut public, interrogé le 3 pluviôse par le juge Subleyras, il n'obtint sa liberté que le 9 fructidor an H, après onze mois de détention. Réintégré dans son grade de général (25 prairial an III), envoyé à Liège en qualité de commandant temporaire (5 messidor an IV), réformé (4 germinal an V) et employé pendant quatre mois au dépôt de la guerre pour la partie de l'Inde, nommé administrateur de l'hôpital militaire de Landau (3 floréal an VIII) et chef de la 5e demi-brigade des vétérans (21, août 1807), Demars mourut le 11 août 1808.

[7] L'action dura de cinq heures du matin à cinq heures du soir. Les Autrichiens y perdaient une centaine d'hommes. Les Français avaient, selon Arnaudin, 400 tués et blessés, et ils laissaient aux mains des alliés 100 prisonniers, 2 canons, 8 caissons et un drapeau. Cf. sur cette affaire très peu connue et sur laquelle, dit Abel Hugo dans sa France militaire (I, 120), la plupart des auteurs contemporains ont gardé un silence mystérieux, sur laquelle, disent également les auteurs de la Geschichte der Kriege in Europa, II, 79, manquent entièrement les détails authentiques : Schels, 24 ; Witzleben, II, 301 ; Ditfurth, I, 132 ; Fersen, II, 428 (le duc de Deux-Ponts à Fersen, 4 oct. 1791) ; Gay-Vernon, Custine et Houchard, 285 ; et surtout la lettre de Levasseur au Comité (16 sept. A. G.) dont Sybel a bien vu l'importance la relation d'Arnaudin ; le Détail de la marche de la colonne Demars (mémoire justificatif de Demars, imprimé, A. G.) et la rapport de Daendels (16 sept., Batave du 5 octobre) qu'appuie une lettre de Béru, du 8 oct., où on lit que Daendels eût été pris sans sa dextérité et qu'il s'accrocha à la queue d'un cheval qui le traîna sur le ventre durant près d'une demi-lieue. Ajoutons que Bouchotte confirma, le 19 septembre, la nomination de Béru et qu'il avait la veille suspendu Hédouville en même temps que Dumesny. Le 28 septembre, Hédouville, Dumesny et Demars furent envoyés tous trois à l'Abbaye par arrêté du Comité. (Rec. Aulard, VII, 101.) Foucart et Finot ont reproduit (II, 149) la décision prise par Levasseur et Bentabole contre Hédouville. Les dépositions des deux conventionnels au procès d'Hédouville (A. N. W. 307) n'offrent rien de particulier.

[8] Houchard à Bouchotte, 19 septembre (A. G.).

[9] Lavalette à Bouchotte, 17 septembre (A. G.) ; cf. sur ce Lavalette, Valenciennes, 208-210.

[10] Hentz et Duquesnoy au Comité, 15 sept. (A. G.).

[11] Cf. une lettre de Varin à Bouchotte (19 sept., A. G.) ; il dit que Houchard devrait avoir quatre aides de camp, comme la loi l'exige, que le général les économise, et pour cause : La difficulté est de les trouver sans-culottes.

[12] Allusion évidente à Gay-Vernon.

[13] Levasseur et Bentabole au Comité, 16 sept. (A. G.).

[14] Journal de la Montagne, 21 sept. (lettre de Lille) ; Le Batave, 28 sept. (lettre de Dunkerque, du 24) ; Forster, Schriften, IX, 107 ; Levasseur et Bentabole au Comité, 16 sept. (A. G.) ; Duvivier à Deforgue, 27 sept. (A. E.).

[15] Hentz, Peyssard, Isoré et Duquesnoy au Comité, 26 sept. (Rec. Aulard, VII, 70) ; cf. Lacoste et Peyssard à Houchard, 12 sept. (A. G.). Le 20 septembre, Houchard avait ordonné à Davaine de partir avec sa division pour se rendre à Cassel.

[16] Correspondance de Le Bas, 1837, p. 31.

[17] Cf. notamment une lettre du Comité, du 6 octobre, aux représentants à l'armée du Rhin. (Rec. Aulard, VII, 252.)

[18] Cf. les discours de Jeanbon aux jacobins (20 sept., Journal de la Montagne du 22, et Moniteur du 25) et à la Convention (24 sept., Moniteur du 26).

[19] Carnot à Houchard, 5 et 13 sept. (A. G.).

[20] Bouchotte à Berthelmy, 11 sept., et à Houchard, 15 sept. (A. G.).

[21] Lacoste et Peyssard au Comité, 20 sept., et notes de Carnet (A. G.) ; Rec. Aulard, VI, 577.

[22] Carnot aux représentants du peuple à Dunkerque, 21 sept. (A. G.).

[23] Bouchotte à Berthelmy, 15 sept. (A. G.). A cet instant, le ministre apprenait que Coquebert avait été fait prisonnier à Rexpoëde : Cette nouvelle, écrivait-il, rend la suspension inutile. Il avait en même temps suspendu l'adjudant-général Thüring ; mais le 15, il écrivait sur un de ces bouts de papier qui servaient à la transmission de ses ordres : J'ai arrêté l'effet de la suspension pour Coquebert et Thüring. Cf. sur Coquebert L'expédition de Custine, 215 et 260. Antoine-Romain Coquebert, fils d'un conseiller de la Chambre des Comptes, était né le 6 avril 1767 à Saint-Germain-en Laye. Sous-lieutenant à l'Ecole de Mézières (1er janvier 1784), lieutenant en second (1er janvier 1786), lieutenant en premier (1er avril 1791), capitaine (15 juillet 1791), employé au Havre et à Cherbourg, il avait servi d'aide de camp à Custine depuis le mois d'avril 1792 et il était lieutenant-colonel lorsqu'il tira son coup de pistolet. Custine se vengea en sollicitant pour lui le grade d'adjudant-général et en le re commandant à Houchard qui pria le ministre d'envoyer à son armée un officier aussi distingué par son civisme et ses moyens. (Custine et Houchard à Bouchotte, 28 avril et 13 mai 1793). Coquebert mourut fou.

[24] Gay Vernon à Audouin, 3 août ; Celliez à Bouchotte, 14 juillet ; Celliez et Varin à Vincent, 29 juillet ; rapport de Ronsin, 11 août ; Duquesnoy au Comité, 26 août (A. G.) ; témoignage de Bentabole (interrogatoire de Houchard) ; Thüring à Le Tourneur, 6 sept. (A. N. W. 296) ; Foucart et Finot, II, 127 ; Moniteur du 26 suppl. (séance du 24).

[25] Bouchotte à Berthelmy, 15 sept. ; Gay-Vernon à Bouchotte, 18 sept. (A. G.).

[26] Houchard à Bouchotte, 19 sept. ; Varin à Bouchotte, 19 sept. (A. G.).

[27] Hentz, Lacoste et Peyssard au Comité, 24 sept. (A. G.).

[28] Les représentants à la Convention, 26 sept. (Moniteur du 30). Mais le 28, aux Jacobins, Collot d'Herbois reconnaissait que cette correspondance renfermait, sinon des preuves de trahison, du moins des présomptions bien désavantageuses contre le général.

[29] Voir les lettres dans le dossier de Houchard (A. N.) ; déclaration de Gay-Vernon au président de la Société populaire de Limoges (A. G.) ; Houchard au roi de Prusse, 4 avril (Moniteur du 17) ; Houchard à Kalkreuth, 30 août (A. G. et Mayence, 292) ; Geschichte der Kriege in Europa, II, 83, note (unverschämt... die grösste Lüge).

[30] Séance de la Convention, 25 sept. (Moniteur du 27), séance des Jacobins, 25 sept. (Moniteur du 30 et Journal de la Montagne, du 28). On a vu plus haut que le Comité n'avait pas formé un plan ; le plan est de Gay-Vernon qui l'exposa le 25 août et l'abandonna le 30 août ; Levasseur qui savait ce qui s'était passé, contribua surtout à répandre l'erreur ; Houchard, dit-il dans sa déposition, a, par les conseils de Vernon, changé le plan d'attaque envoyé par le Comité.

[31] Journal de la Montagne, 22 et 29 sept. ; Le Publiciste, n° 269 ; Le Batave, 2 oct. (lettre de Lille, 27 sept.) ; Le Père Duchesne, n° 290 ; séance des Jacobins, 15 oct. (Moniteur du 20) ; Rougyff, n° 28.

[32] C'était Billaud qui, le 9 juin, aux Jacobins, avait demandé que la Convention rendit par décret les généraux responsables sur leur tête de toutes les défaites qui seraient évidemment la suite de leur impéritie. (Journal de la Montagne du 13 juin.)

[33] Lettre à la Convention, t4 nov. (Moniteur du 16) ; cf. Chassignet, Un soldat lorrain, 98.

[34] On a mêlé et résumé Ici les diverses justifications de Houchard, son mémoire du 29 septembre à Bouchotte et un mémoire au tribunal révolutionnaire ainsi que ses réponses à l'interrogatoire.

[35] Beugnot, Mém. I, 227-229 ; procès de Houchard (A. N. W. 296). Notes de Legrand (A. G.) ; cf. Wallon, Hist. du trib. rév., II, 82-92.

[36] Cf. la série des témoignages produits en faveur de Berthelmy (A. N. W. 296 et DXLII, 5) ; Berthelmy au Comité, 30 septembre ; Mémoire du 23 frimaire ; Seilhac, Les volontaires de la Corrèze, 106-114.

[37] Interrogatoire de Gay-Vernon, lettres et dépositions des témoins (A. N. DXLII, 5). Cf. sur Gay-Vernon, Expédition de Custine, 212, et Valenciennes, 129. Il tirait son nom de sa propriété de Vernon, et ses contemporains l'appelaient Vernon tout court. Simon-François de Gay de Vernon était né le 24 nov. 1760 à Saint-Léonard (Haute-Vienne). A l'École de Mézières (1er janvier 1780), lieutenant en 2e (1er janvier 1782), lieutenant en 1er (26 juin 1785), capitaine (1er avril 1791), adjudant-général chef de bataillon (14 janvier 1793), adjudant-général chef de brigade (30 avril 1793), suspendu, il fut nommé, au mois de mars 1798, professeur de fortifications et sous-directeur des études à l'Ecole polytechnique, et le 18 octobre 1804 confirmé commandant en second de cette École. Admis à la retraite le 17 avril 1812, après avoir été fait baron de l'Empire (18 mai 1811), Il rentra néanmoins dans le service actif et fut successivement commandant de la 75e cohorte dans l'ile de Walcheren (1er mai 1812), colonel d'état-major et sous-chef de l'état-major du 5e corps (1er avril 1813), commandant de la place de Torgau. Prisonnier de guerre (10 janvier 1814), puis, après son retour, admis à la solde de retraite (1er août 1815), il tut nommé maréchal de camp honoraire le 19 novembre 1817 et mourut à Paris le 3 octobre 1822.

[38] Bacourt, Correspondance entre Mirabeau et La Marck, III, 412-417 ; Soult, Mém., I, 40 ; Thiébault, Mém., I, 413 ; Jomini, IV, 37 et 41.