CLOVIS ET LES MÉROVINGIENS

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES ET ADDITIONS.

 

 

LES GRANDES CHRONIQUES DE FRANCE

TELLES QU'ELLES SONT CONSERVÉES EN L'ÉGLISE DE SAINT-DENIS EN FRANCE.

 

Aucun document historique n'inspira un plus grand respect chez nos pères que les grandes Chroniques de Saint-Denis en France ; c'était comme le dépôt sacré de toutes les traditions nationales confié au trésor de l'Église sous la garde de l'abbé comme l'oriflamme. Les Chroniques de Saint-Denis ne sont pas originales ; elles sont la plupart des copies et des translations des chroniques latines ; seulement les moines y joignirent des incidences recueillies partout pour grandir la domaine de Thistoîre comme dans les journaux modernes ; le langage en est beau et naïf, elles furent commencées sous Charles V, et successivement développées ; aucun fait n'y était inséré sans être soumis à un examen de prud'hommes. Le texte se composait de chroniques, et évidemment de chansons de geste telles, par exemple, que les récits de l'archevêque Turpin sur Charlemagne. En justice, nous l'avons dit, ces chroniques étaient admises comme la vérité. Nous donnons la partie de cette chronique qui contient l'histoire de Clovis et des Mérovingiens.

 

Comment le fort roy Clovis fut couronné après la mort de son père, et comment il rendit l'orcel[1] à saint Rémi et puis comment il se vengea de celui qui le contredit.

Quant le roy Childéric eut tenu le royaume de France vingt-quatre ans, il fu mort : un fils eut de Basine la royne, qui eut nom Clovis. Moult estoit biau et preu et gracieux : aussi comme fl croissoit etamendoit en corps, ainsi pourfitoit-il en noblesse de cuer et en bonnes meurs.

Le royaume reçut par héritage et fu couronné après la mort de son père : noble fu en batailles, glorieux en victoires plus que nul de ceux qui devant lui eurent régné. Il chasça hors de Soissons Syagre, le fils Gilon : la cité prist et soumist a sa jurisdiction. En celui temps couroit les osts[2] de France par tout le païs, ils toloient et roboient ce qu'ils povoient tenir et trouver es moustiers et aus églyses, comme ceus qui encore estoient paiens etinescréans. En ce temps estoit saint Rémi archevesque de Rains : dont il avint entre les autres choses que ils lui tolirent un orcel d’argent, qui moult estoit grans et pesans. Le preudomme manda au roy par on sien message, et pria moult que s'il ne lui voloit autre grâce faire, que il lui rendist son orcel. Le roy respondi que il alast après lui Jusques à Soissons, car là seroient ensemble mises et départies par sort toutes les choses qu'ils avoient : Et si j'ai, fait-il, à ma part cet orcel que tu me demandes, je te le rendrai maintenant. Quant le roy et sa gent furent venus à Soissons, il fist crier parmi l'ost que toute la proie fust mise ensemble pour départir et pour donner à chascun droite porcion, telle comme il devoit avoir par sort ; mais pour ce que il se doutoit qu'un autre éust cet orcel, il apela les plus haus barons et les plus nobles chevaliers et leur dist ainsi : Seigneurs, mes chevaliers et mes compaignons, quant prince ou roy veult accomplir sa volonté d'aucunes choses envers sa gent, il est mieux droit et raison selon sa dignité, qu'il le face par commandement que par pillère ; mais toutes fois aimè-je mieulx à requeire aucunes choses de vous par débonnairelé et par grâce, que par auctorité de seignourie ; car il appartient aus tirans à accomplir par cruauté[3] leurs commandemens, aus bons princes par débonnaireté et par douceur de paroles. La dignité de mon nom doit ensuivre les exemples de mon débonnaire père ; et ai plus chier que l’on me porte honneur et révérence, par la raison de débonnaireté que de paour ; dont je vous prie tous, par amour plus que par seigneurie, que vous me donniez cet orcel par dessus ma portion, et je vous promets que je vous guerredonnererai[4] bien ceste bonté en lieu et en temps, si je puis envers vous impétrer ceste chose en amour et en bonne grâce. Les barons respondirent : Sire, noble roy, nous connoissons bien que nous t'avons fait serrement et hommage, et nous sommes tous prêts de morir, si besoing est, pour la prospérité de ton règne et la santé de ton corps déflendre : donques, si la vie du corps est plus chière chose que nulle autre richece, sache qu'il n'est nulle chose que tu nous requières que nous ne te doions ? Nous n'avons nul droit en toutes ces despoilles, à nous n'en apartient de riens, ta volenté en peus faire plainement ou geter en eaues, ou ardoir en feu. Ainsi comme le roy eut oy ceste response, il s'esmerveilloit de la bonne volenté que les barons et tous ceus de l'ost avoient envers lui. Dont vint avant un des François, meu de grant légiereté de courage, et frappa de l'espée en l'orcel, puis dist au roy : Tu n'emporteras riens de ces dépoilles, fors ce que tu en auras, par droit sort et par droite porcion. Moult s'esmervellièrent tous de sa folie et de sa légière hardiece ; mais le roy qui pas ne fist grant semblant que il portast grieyement ceste chose, prit l'orcel et le rendi au message de saint Rémi, si comme il lui avoit promis.

Un an après que ces choses furent avenues, le roy manda ses princes et ses barons ; commandé fu généralement que chascun venist armé et fervestu, comme pour son corps déflendre et pour assaillir ses ennemis. Quant l'ost fut assamblé et chascun fu armé au plus bêlement que il put, le roy issi hors pour son ost regarder et pour savoir comment et de quelles armes chascun estoit apparellié. Quant il eut tout l'ost avironné, il vint à celui qui, l'année devant, avoit féru de l'espée en l'orcel ; bien le garda et avisa, puis lui dist : Je ai tout l'ost véu, si ai apris comment chascun est d'armes atourné ; mais je n'en ai nul véu plus mauvais de toi, ni armes moins soufûsans des tiennes ; car ta lance, ton escu, ni t'espée ne valent riens. Après ces paroles, geta la main à l'espée de celui et la flati contre terre. Et comme cil s'abaissa pour prendre s'espée, le roi sacha[5] la sienne et le feri si grant cop parmi la teste que il le rua mort, puis lui dist ceste parole : Ainsi féris-tu de t'espée en l'orcel, à Soissons. Après ce qu'il fu mort, se parti le roy de sa gent et retourna chascun en sa contrée. Ce fait espoventa si tous les François, que nul ne fu puis si hardi qu'il osast contredire sa volonté. Moult estoit le roy apert et de noble contenance ; fierté et liece[6] estoient ensemble mellés en lui et en son regard ; fierté pour les mauvais espoventer ; léesce pour les bons asouagier[7].

 

Comment il envoia joiaus à la pucelle Crotilde[8] avant qu'il l'épousat.

Ci après dirons comment il fu converti à la foi crestienne et comment il prist à feme la nièce le roy Gondebaud de Bourgoigne, sainte dame dès les jours de s'enfance. Crotilde estoit apelée. Or avint que le roy envoia ses messages à Gondebaud pour pais et pour alliance fermer ensemble, si comme les anciens princes so-loient faire. Quant ils eurent parfaite la besoigne, pourquoi ils estoient envoiés, ils esgardèrent le palais, si virent la pucelle Crotilde qui moult estoit plaine de grant biauté : ils demandèrent qui elle estoit, et de qui elle estoit née. On leur respondi que elle estoit nièce le roy Gondebaud et fille de son frère : et la gardoit le roy son oncle comme orpheline de mère et de père. Ces messages retournèrent en France à leur seigneur et annoncièrent comment fls avoient esploitée de la besoigne pour quoi il les avoit envoies. Puis lui contèrent de la pucelle qu'ils avoient veue, qui tant estoit bêle qu'elle estoit digne d'estre éspousée du plus puissant roy du monde, comme elle estoit descendue de roial lignée. Quant le roy Clovis oy que la pucelle estoit de si grant biauté, il fu maintenant espris de s'amour, et pourtant ne l'avoit onques véue. Puis en espérance tomba d'avoir le royaume de Bourgoigne par occasion d'elle. Il transmit donc en Bourgoigne un sien familier qui avoit nom Aurélien[9], pour parler à la pucelle ; dons et joiaux lui porta de par le roy et lui fu commandé qu'il râpportast certainement la devise et la description de sa biauté, et tentast la volenté de la pucelle, savoir-mon si elle le voudroit prendre par mariage, s'il la faisoit requérir. Aurélien s'apareilla ; un anel prit entre les autres joiaux ; en Bourgoigne vint au plus tost que il put. Quant il approcha de la cité où la damoiselle demouroit, il laissa ses compagnons es bois ; il prist habit de povre home mendiant et se mist entre les gens qui atendoient l'aumosne[10]. Du palais s'aprocha, au plus convenable lieu qu'il put trouver pour parler à la damoiselle. Diemenche estoit, si étoit jà alée au moustier, pour rendre à Dieu ses oblacions. Après le service, elle issi de la chapele, par les povres s'en vint pour ses au-mosnes faire, si comme elle avoit tousjours acoustumé. Aurélien se trait avant, pour son aumosne recevoir : et comme elle lui tendoit le denier, il la saisi parmi la main, la manche lui rebouta contremont, à sa bouche la trait, si la baisa tout a nu. Elle commença à rougir de la honte que elle en eut, comme sainte pucelle ; et quant elle fu retournée en sa chambre, elle envoia quérir par une de ses damoiselles le povre, si comme elle cuidoit[11], qui lui avoit la main baisée. Devant lui vint ; elle lui demanda pour quoi il lui avoit la main baisée et desnuée : Aurélien lui respondi que il estoit message au fort roy Clovis de France, qui avoit oy parler de sa biauté et de sa noblesce, et que moult la désirroit avoir en mariage : pour ce, lui envoioit son anel et autre joiaus qui appartiennent à espousailles. Quant il eut ce dit, il retourna pour quérir les joiaus que il avoit laissiés en son saqudet[12], derrière l'huis de la chambre ; mais il ne les trouva pas, jusques à tant que ils eurent esté demandés, pour ce que on les avoit détournés. Il présenta les joiaus à la pucelle, comme celui qui estoit sûr des espousailles ; car elle lui avoit jà respondu, quant elle oy parler du mariage, que ce n'estoit pas droit que femme crestienne eust mari paien ; mais si le créateur du monde avoit ordonné que il le reconnéust par lui, elle ne le refusoit pas, mais sa volonté fust faite. Aurélien lui promist que le roy feroit plainnement sa volenté. La pucelle lui pria moult que ceste chose fust si bien celée, que son oncle ni autres ne s'en pussent appercevoir : il lui jura et fiança que nul ne le sauroit par lui. La pucelle prist l'anel et le mist au trésor son oncle. Aurélia qui bien eut sa besoigne faite, retourna à son seigneur et le rendit lié et alégre de la bonne response de la damoiselle.

 

Comment il l'envoia quérir en Bourgogne ; et puis comment il l'epoust à Soissons.

Ne demoura pas longuement après ce, que le roy envoia ce mesme Aurélien au roy Gondebaud de Bourgoigne. Il lui manda que il lui envoiast la pucelle que il devait espouser. Quant Aurélien fu là venu et il eut la besoigne de son seigneur proposée, le roy Gondebaud respondi qu'il ne povoit donner response de ceste chose, pour ce que il ne savoit quelle femme il demandoit : mais pour ce qu'il se doutoit qu'il ne fust là venu pour espier[13] son règne, il lui dist : Gardes que tu ne soies venu soubs la couverture de ceste chose, pour décevoir moi et ma gent et mon règne ; car je te feroie vilainnement traitier et honteusement chacier de cest palais. Aurélien lui respondi : Je suis, fait-il, message au roy Clovis ton seigneur, le fort roy de France, qui te mande par moi que si ta lui veus envoier Crotilde sa feme, que tu lui enseigne un certain lien où il la viendra quérir. Quant le roy Gondebaud entendit que le fort roy Clovis requériot sa nièce, il s'esmerveilla moult, ses barons[14] et sa gent manda pour soi conseillier que il feroit de ceste chose ? Mais les Bourguignons, qui moult redoutoient la hardiesce des François et que le fort roy Clovis ne venist sur eulz à armes, si on ne lui envoioit la pucelle, eslurent une voie la plus saine et la meilleure ; car ils souloient plus défendre leurs terres par conseil que ils ne faisoient par armes. A leur seigneur respondirent en tele manière : Sire, nous te louons que tu saches la volenté à la damoiselle, si elle s'accorde à ce mariage et si le roy lui a envoie son anel ; et s'il est ainsi que le roy lui ait envoie son anel ou autres joiaux et que elle les ait receus, tu ne peus le mariage contredire, ains la dois livrer aus messages sans demourer. Le roy demanda toutes ces choses à la pucelle ; elle respondit sans tromperie que elle avoit receu son anel et ses joiaux, et que bien lui plaisoit le mariage. Quant le roy Gondebaud oy ce, il livra la pucelle à Aurélien contre son cuer et contre sa volenté ; et monstra bien que le mariage ne lui plaisoit pas moult ; car il ne voulut rien donner à la damoiselle de son trésor, ni joiaux ni autre chose. Mais Aurélien fist puis tant, que son seigneur le fort roy Clovis en eut la plus grant partie. Et quant le roy eut puis eslargi et accru son royaume jusques au fleuve de Loire, il donna a Aurélien Meleun et toute la duchée, en guerredon[15] de ce service. Aurélien reçu la pucelle et se parti du roy bourgoignon au plus tost que il put, pour retourner à son seigneur. Quant la pucelle Crotilde s'aperçut qu'elle aprochoit du royaume qui avoit esté de son père, elle commanda aus François qui la mcnoient que ils préissent les proies par tout le pays et que ils boutassent le feu es chastiaus et es viles. Son commandement firent moult volantiers : de Bourgoigne issirent en prenant et en ardant[16] tout devant eulz. Quant la pucelle vit que le pais et la terre estoit ainsi endomagiés, elle tendi ses mains au ciel et dist : Souverain Dieu ! je te rens grâces et merci de ce que je vois si biau commencement de la venjance de la mort de mon père et ma mère. Car le roy son oncle, Gondebaud, avoit son père fait mourir de trop cruelle mort, et sa mère avoit fait noier en un fleuve, une pierre à son col pendue. Le roy reçut sa femme à grant lîesce de cuer en la cité de Soissons, et là l'espousa à grant honneur et à grant gloire. Après ce que ils eurent esté ensamble une pièce du temps, la sainte dame le préescha plusieurs fois et faisoit son pooir de l'atoumer à la foi crestienne ; mais il lui disoit que il ne guerpiroit pas la loi et la coustume que les François et les anciens princes avoient tousjours devant lui gardée et maintenue.

 

Comment la royne Crotilde conçut son premier enfant et comment le roy desconfit les Alemans.

En pou de temps après, conçut la royne un fils : quant il fut né, elle le fist baptizier ; Ingomire eut nom, et mort fut en aubes, assez tost après le baptizement. De la mort l'enfant fu le roy moult courroucié et plain de matitalent ; la royne commença à reprendre par teles paroles : Nos dieux ont osté à l'enfant la vie du corps, pource que il estoit baptizié au nom de nostre Dieu. La bonne dame qui pleine de pacience et de longue espérance estoit, lui respondi : Je rens grâces au tout-puissant Dieu qui a daigné recevoir en son règne l'ainsné enfant et le premier fruit de mon ventre. Elle conçu le second filz ; quant il fu né et baptizié, il eut nom Clodoinir. Cil enfant chaï[17] en maladie, dont le roy fu si dolent que il commença à blasmer la royne et lui dist : Cil second enfant peut longuement vivre, car il a la haine de nos dieux par votre mescréandise. Mais la sainte dame qui moult avoit mésaise au cuer pour les reproches que il disoit et pour la foi crestienne que il méprisoit, pria tant à Nostre Seigneur que l'enfant reçut plaine santé.

En ce point que le roy estoit encore en l'erreur de l'ydolâtrie, avint que il remont ses osts pour aler sur les Alemans que il vouloit faire tributaires. Le roy d'Alemaigne, car à ce temps y avoit roy, semont[18] d'autre part tant comme il put avoir de sa gent, si que les deux royaumes furent esmeus l'un contre l'autre, à tout leur efforcement. Quant ils furent au champs de la bataille et les eschielles furent ordonnées d'une part et d'autre, le fort roy Clovis donna signe a sa gent de l'effort commencier. Les Alemans les reçurent moult aigrement. Longuement dura la bataille, mult en y eut d'occis et d'une part et d'autre : car les François se combatoient pour aquérir gloire et louenge, et les Alemans pour leurs vies et pour leurs franchises garantir. Mais puis que le roy eut aperçeu l’occigion de sa gent et la hardiesse de ses ennemis, il eut plus grant paour de confusion qu'il n'eut espérance de victoire. Lors ils regarda le ciel humblement et dist en tele manière : Dieu très-puissant, que la royne Crotilde prie et aoure de cuer et de pensée, je te promet perpétuel servise de foi interine, si tu me donnes maintenant victoire de mes ennemis. Tantost comme il eut ce dit, sa gent fu toute ardent de fine hardiesce, et une si grande paour envaï ses ennemis que ils tornèrent les dos et quittèrent la bataille et la victoire demeura au roy et aus François ; le roy d'Alemaigne fu occis. Quant les Alemans virent que ils furent desconfis, et que leur roy fust mort, ils s'abandonnèrent au service du roy et des François, et devindrent ses tributaires : ainsi ne doit-on pas cuider que ceste chose venist d'aventure, ains fu par divine ordenance.

 

Comment et par quel miracle le roy fut converti à la foi par la victoire que il eut soudainement.

Le roy retorna après celé victoire en France. Quant il fu en la cité de Toul, il trouva là saint Vaast[19] qui puis fu évesque d'Arras ; il lui manda que il s'en venist avec lui. Le roy vint à Rains ; tout raconta à la royne, tant comme il lui estoit avenu ; grâces rendirent communément à Nostre Seigneur. Le roy fist la confession de foi, de cuer et de bonne voLenté. La royne qui merveilleusement estoit liée de la conversion de son seigneur, s'en ala tost et isnele-ment à saint Rémi qui lors estoit archevesque de la cité : tout lui conta, comment le roy estoit converti, puis lui demanda conseil que ils feroient ; forment le hasta de venir au palais pour ensei-gnier au roy la voie par quoi l'on va à Dieu, tandis comme sa pensée estoit encore en douteux sort. Car elle disoit que elle se dou-toit moult que son cuer ne fust élevé des victoires et des bonnes aventures qui lui estoient avenues, et que il ne desprisast le souverain donneur, qui tout ce lui avoit donné. Messire saint Rémi se hasta moult de venir au roy : il se présenta hardiement devant sa face, quant, un pou devant ce, il s'esloignoit ni ne s'osoit monstrer devant, lui. Quant il lui eut la foi dénoncié et la manière de croire enseigniez, et que le roy eut la foy connéue, il promist fermement qu'à tousjours-mès serviroit à celui qui est un seul Dieu tout-puissant. Après il dist à saint Rémi et à la royne que il tenteroit et essaieroit le cuer et la volenté de ses barons et du menu peuple : car ils se convertiroient plus doucement s'ils se convertissoient débonnairement et par bêles paroles, que s'ils le faisoient à force. Geste condicion plust moult à saint Rémi et à la royne. Le peuple et les barons furent assemblés par le commandement le roy. Le roy se leva au milieu d'euls et commença à parler en tele manière : Seigneur François qui estes descendus de la haute ligniées des Troiens[20], vous devez avoir en remembrance la hautesce de vostre nom et de vostre lignage, et devez ramener à mémoire quels dieux vous avez servis a jusques à ore ; car ce me semble raison moult profitable que vous connoissiez premièrement quels dieux sont que vous cultivez, pour ce que quant nous serons certains de leur fausseté, nous recevions plus volontiers la connoissance de celui qui est vrai Dieu ; et ce sera fait droitement, si vous regardez les fais de vostre lignage : or, prenez vostre premier essample à celle noble cité de Troie la grant, que l’on cuidoit qui deust estre si forte par Taide et par la déffense de tant de dieux, qui point ne deffendirent que elle ne fust prise et cravantée[21] par les Griex, et plus par ruse et par traïson que par armes. Si, disoit-on que les dieux l'avoient faite et fondée de leurs propres mains, et estoient encore es tours de la cité les ymages qui estoient à eux sacrées, pour qu'elle ne peust estre prise par nul assaut de leurs ennemis. Quels secours et quel aide vous furent-il donques faire, quant ils meismes ne se porrent garantir ? Laissons donques leur chetif cultive ment et les getons de nous, puis que nous avons certainement esprouvé que ils ne nous pucent aider ; mais servons et cultivons Dieu le père, Jhésucrist le Fils et le Saint-Esperit qui est un seul Dieu en trois personnes[22] ; et véez ici domp Rémi nostre patron et nostre maître, qui nous enseignera la manière de ceste sainte religion et de ceste sainte doctrine ; et dame Crotilde notre collatérale et nostre espouse, qui m,amoneste que j,aie espérance en la sainte aide de la souveraine puissance en tous périls et en tous besoings. Et si sachiez eertainnement que cil meisme Dieu que je vous presche, vous a donné victoire de vos ennemis en la bataille que nous avons nouvellement faite contre les Alemans. Levons donques nos cuers en droite espérance et envoions humbles prières au ciel et requérons le souverain deflendeur, qui tout donne à ceus qui en lui ont espérance, que il face nos âmes sauves et nous doint la victoire contre nos ennemis. Quant le roy plain de foy eut ainsi le peuple prées-cbié et amonesté, aucuns ostèrent adoncques leurs cuers de mes-créandise et reconnurent leur créatour. Par ce, peut-on savoir que moult eut saint Rémi grant joie, quant il véoit le roy nouvellement converti, que jà estoit apostre de sa gent ; et avant encore que il fust baptisié.

 

Comment le roy fu baptisié ; et comment il vainquit le roy Gondebaut de Bourgoigne.

Messire saint Rémi fist tout maintenant les fons appareillie, pour le roy baptiser et ceus qui par sa prédicacion estoient convertis. Quant tout fu appareillie, le roy descondi es fons, ainsi comme un autre Constantin[23]. Et comme saint Rémi récitoit la manière de la passion Jhésucrit, comme il fu lié à l'estache, batu, escopé et puis crucefié, le roy, qui moult avoit grant compassion des griefs que on lui avoit fait, dist un biau mot : Certes, dist-il, si je eusse là esté atout mes François, je eusse bien vengié les outrages que on lui faisoit. Nostre sire nionstra bien apertcnient combien il avoit aceptable et gréable la foi du roy nouvelement converti, par le grant miracle que là avint. Car en ce point que l’on dut faire l'onction, et comme celui qui le saint cresme devoit aminUtrer ne put ayant venir pour la presse du peuple, un coulon avola soudainemeni devers le ciel, non mi coulon, mais le Saint-Esperit, en semblance de coulon. En son bec, qui moult estoit cler et resplendissant, aporta la sainte onction en un petit vaissel, puis le mist es mains du saint archevesque qui benissoit les fons. Moult eurent grant joie et grant liesce tous ceus qui là estoient ; tous commencièrent à crier : grâces et loenges à nostre Seigneur. Là fu baptisiée une partie du peuple. Quant le roy fu baptisié et l'office du baptisement fait, il sortit de l'eglise lié et alègre : à Paris s'en retourna, qui deslors estoit siège des roys et chiefs du règne. Il monstra bien la foi et la dévœte de sun cuer en ce que il fonda assez tost après, par l'amonnestement la royne, une églyse à Paris, en l'onneur du prince des apostres, qui ore est apelée Sainte-Geneviève ; en quoi il repose en corps il et la royne Crotilde son espouse, et deus de ses neveus, qui furent fils Clodomire le roy d'Orliens, foi et religion et ferveur de justice persévérèrent fermement en lui puis tous les jours de sa vie.

Les bourgeois de Verdun se révélèrent[24] contre lui. Il assist la cité tout entour, drecier fist perrières et mangonneaus pour lancier aus murs ; les moutons fist aussi lever pour les portes brisier. Ceus qui dedans estoient eurent moult grant paour, quant ils virent l'apareillement que les roiaux faisoient. Toutes-voies, espargna le roy la cité, par la prière saint Euspisce qui estoit arcbeprestre de la vile. Quant le roy eut la cité receue, et les citoiens se furent à lui rendus, il retourna en France[25] pour aler en la cité d'Orliens et il commanda à saint Euspisce et à saint Maximin, son neveu, que il veniscnt après lui ; son commandement firent : il leur donna un grant manoir et grans possessions ; et pource que ils et ceus qui après eulz viendroient les tenissent sans débat, il leur en donna lettre scelée de son scel.

En ce temps, vint en France des parties d'Irlande saint Fursin le moustier[26] de Laigni-sur-Marne édifia par l'octroi le fort roy Clovis ; mais ains que il venist en France, avoit il jà esté en Sassoigne ; là avoit il fondé une abaïe par la volenté le roy Sigebert, qui moult honorablement Tayoit reçu. De ce roy Sigebert ne povons riens trouver es ystoires anciennes, fors en la vie saint Fursin, qui dist tant seulement qu'il le reçut en son ostel ; mais l’on treuve es croniques l'archevesque Grigoire de Tours que un roy Sigebert envoia Chloderic son fils au roy de France, Clovis, pour quérir secours contre les Gotiens ; et puis se dist après en ces meismes croniques que ils furent tous deux occis par la ruse aus François, qui envaïrent et saisirent leur règne et leur trésor après leur mort. Mais pour ce que le livre en quoi nous trouvasmes cet escrit, estoit corrompu par le vice de l'ecrivain[27], nous ne pusmes pas savoir plainnement de quel gent il fu roy, ni la cause de sa mort ; mais seulement disoit-il, que le roy Clovis de France avoit saisi son règne et ses trésors.

Le fort roy Clovis assambla son ost et entra en Bourgoigne contre le roy Gondebaut, duquel nous avons ci-dessus parlé, à la requeste Crotilde la royne. La raison fu pour ce qu'il avoit murtri le roy Chilperic son frère meisme, qui père estoit la royne Crotilde, et sa mère avoit fait noier en fleuve, une grant pierre au col pendue. Bataille y eut grant : mais le roy Gondebaut fu desconfi, luy et toute sa gent. Le roy prist la terre, tout gasta et destruit : longuement assist le roy Gondebaut ; à la parfin, le contraigni à ce que il devint son tributaire. Godeprésile, le frère au roy Gondebaut s'allia aus François contre son frère, et Gondebaut donna au roy tant or, argent et autres richesces que il retourna en France. Tout ce fist Gondebaut, par le conseil d'un sage home qui avoit nom Aredet, et si estoit à lui venu d'Arles le blanc pour secours faire contre les François. Avant que le roy retoumast en France, laissa-il en Bourgoigne, pour la guerre maintenir Godegésile, le frère le roy Gondebaut, avec cinq mil François. Après que le roy Clovis s'en fu retourné en France, le roy Gondebaut, qui jà se fu asseuré que le roy n'i estoit pas, assist Godegésile, son frère, en la cité de Vienne : tant fist qu'il entra en la vile, parmi[28] le Rosne, et son frère occist ; puis fist grant occision de l'autre gent : et les François, qui en une tour s'estoient, fist occire.

 

De la cause de la bataille que le roy fist contre le roy Alaric.

Le fort roy Clovis fist bataille contre le roy Alaric, qui roy estoit de Gotiens[29]. La raison fut pour ce que les Grots qui estoient corrompus de l'erésie ariene, avoient les Bourguignons soustenus contre lui : si avoient-ils jà saisi et pris de France dès Loire jusques aus mons de Pirene. Autre cause peut l’on enseigner pourquoi la bataille fut ; car le fort roy Clovis avoit envoie au roy Alaric un sien message qui avoit nom Paterne, pour traitier de pals et d'autres choses, pour le profit des deux parties : si lui avoit mandé que il lui feist assavoir en quel lieu il voudroit que ils assemblassent et que le roy Alaric touchast à la barbe du fort roy Clovis, pour que il (Clovis) fust son fils adoptif, selon la coustume des anciens roy s. Quant le message fut là venu et il eut sa besoigne proposée, le roy Alaric respondi que il ne faudroit mie à son seigneur de parlement[30]. Paterne lui demanda s'il viendroit à peu de gent ou à plenté ; il respondit que il iroit à peu et privéement. Après il lui demanda s'ils iroient armés ou désarmés ; il respondi qu'ils seroient tous désarmés et que les leur fussent aussi sans armes. Arrières retourna le message, au roy conta la volenté d'Alaric et conunent ils s'estoient accordés à venir au parlement. Le roy vint en Aquitaine, mais avant qu'il venist au lieu où le parlement devoit estre, il envola arrières Paterne, ledit message, pour savoir de quel usage les Gotiens usoient et comment ils s'apareilloient à venir contre lui. Là vint le message : comme il parloit au roy Alaric, il senti et aperçut que il portoit en sa main une verge de fer, en lieu de bas-ton, de telle quantité comme le contre-appui d'un huis[31] : telle en portoit tous cens qui avec lui estoient. Paterne prist Alaric par la main et lui disi : O tu roy, que t'a mesfait mes sire et les François, que les cuides ainsi décevoir par ton malice et par ta traîson ? Le roy lui respondi que à ce ne pensoit-il pas et que nul mal n'i entendoit ; Paterne dit que si faisoit : paroles i eut et tençons : en la fin, s'accordèrent à ce que la querelle fust déterminée par le roy Thierri d'Italie. Les deus roys envoièrent leurs messages au jugement. Quant le roy Thierri eut la cause de l'une partie et de l'autre connéue, il dist, par droit jugement, que le message au roy de France monteroit sur un cheval blanc, une lance tendroit en sa main devant les portes du palais Alaric le roy, sur laquelle le roy Alaric et les Gotiens geteroient tant de deniers d'argent, que la pointe de la larce en seroit toute couverte, et que le roy Clovis auroit tous ces deniers et les François. Les messages retournèrent, ils reportèrent le jugement le roy Thierry, que tous les François loèrent ; il ne plut pas aux Cotiens, car ils disrent que ils ne porroient pas finer[32] de si grant somme de deniers. Ils ne se tindrent pas tellement qu'ils ne féissent vilenie au message le roy ; car tandis que il aloit, une nuit, dormir en un solier de maison, ils érrachièrent l'entablement qui estoit devant son lit. Lui qui pas ne le savoit, se leva par nuit par faire sa nécéscité : il chai[33] parmi la frainte si raidement, que il eut un bras brisié, et fu si froissié en Fautre partie du corps que à pou qu'il n'en morut. Au roy Clovis retourna au mieux et au plus-tost que il put ; les nouvelles raconta ainsi comme elles estoient avenes, et puis se complaignit des griefs que les Gotiens lui avoient faits. Le roy qui pas ne voulut que la venjance de ceste injure fust prolongiée, car moult estoit courrou-cié et dolent de la honte que on avoit fait à son message, assembla son ost. Quant tous furent assemblés, il les escorta[34] par telles paroles : O seigneurs François, mes compaignons et mes chevaliers, je vous enorte mie en bataille pour ce que je aie doutence de vostre vertu et de vostre hardiesce, laquelle nos ennemis ont tant redoutée que ils voloient occire nostre message, non apertement, mais en traïson ; ils ont bien monstre par ce fait que ils ne pourraient mie souffrir l'ire de nostre gent, quant ils ont tant paour de la contenance d'un seul. Si vueil bien que vous sachiez que nous ne nous combatterons pas contre eus pour nos femmes ni pour enfans, ni pour terriennes richesces, mais pour la Sainte-Trinité qui est sans division, que eus, comme mauvais hérétiques, divisent par erreur escomeniée[35]. Après, nous nous combattrons pour les devines et les humaines lois, qui commandent que l’on ne face vilenie à ceux qui sont messages entre les ostes, et qui portent les paroles des uns aux autres : car entre les armes des ennemis doivent estre messages asseurés. Hastons-nous donques dealer à la bataille, et nous ferons hardiement entre noz adversaires, sur la fiance de l'aide de Nostre Seigneur Jhésucrist. Quant le roy eut ainsi parlé, les hommes de vertu furent si esmus de combatre encontre leurs ennemis que ils estoient tous appareilliés pu de mourir, ou d'avoir victoire encontre ceux qui les avoient esmus.

 

Commet le roy occist le roi Alaric par son corps ; et comment sa gent fu vaincue.

Avant que le roy se combastit contre le roy Alaric, il reçut certain signe de victoire, selon l'ancienne coustume, en telle manière comme nous vous dirons. Il renvoia ses messagiers au moustier saint Martin de Tours, pour porter de par lui dons et offrandes au corps saint, et leur dist : Alez, et ci me raportez signe de victoire. En ce point que les messagiers entroient en l'église, ils entendirent que l’on chantoit ce vers qui est écrit au sautier : Sire, tu m'as ceint et armé de vertu à bataille, et m'as donné les dos de mes einnemis. Les messagiers qui ce oïrent, furent moult liés et leurs offrandes firent ; puis retornèrent au roy et lui racontèrent le signe de victoire de par Nostre Seigneur. Moult en fu lié[36] et alégre et tous ceux de l'ost. Après ce que il eut tout son ost assamblé, il vint contre ses ennemis à un fleuve qui est apelé Vianne ; outre cuidièrent passer, mais ils ne purent, car les eaues abondoient plus qu'elles ne souloient[37], pour les grans pluies qui eurent esté. Dolant fu le roy, quant il vit qu'il ne put passer ni sa gent. outre : tantost requist l'aide de nostre Seigneur par telles paroles : Sainte Trinité et un seul Dieu en majesté, donne moi victoire contre les ennemis ce la foi crestienne et si m'otroie légier trespassement parmi ce fleuve. Nostre Sire oï sa proière ; car au matin, au point du jour que l'ost fu levé et apareillé, une cerve[38] apparut devant eux soudainnement. Quant les François, qui d'ancienne coustume sont chaceurs plus que nulle autre gent, virent la beste, ils cuidièrent avoir trouvé proie : fortement la prirent à enchacier de toutes parts. La cerve se feri en Feaue et passa tout outre pour eux enseignier le passage. Par là, se purent bien apercevoir que nostre sire leur de-monstroit ainsi la voie. Le roy et tout l'ost passèrent outre par là où la cerve avoit passé : tant errèrent que ils vindrent à Poitiers. Le roy fist tendre son tref[39] assez près du moustier saint Illaire ; il fu crié de par le roy parmi l'ost que nul ne fust si hardi qui preist ni vins ni viandes ni nule autre nourriture, par force, en toute la contrée. Endroit la mie-nuict que toutes choses sont en silence, un grant rais de feu ardant issi du moustier saint Illaire et descendi sur les paveillons le roy, là endroit où il dormoit : aucuns qui cest signe virent, le tinrent à grant segnifiance. Au matin tous se levèrent : le roy commanda que tous fussent armés, il ordonna ses batailles bien et sagement, puis chevauchièrent en ordenance contre leurs ennemis, qui à bataille les atendoient. Après que le roy eut donné signe de l'estour[40] commencier, François se férir en leurs ennemis ardens de combattre. Fortement se combatirent et d'une part et d'autre ; mais à la parfln, furent les Gots desconfits, les dos tournèrent et s'enfuirent, si comme le signe Tavoit devant segnifié Le fort roy Clovis se féri en la bataille où il choisi le roy Alaric au plus dru de sa gent ; à lui se combati corps et Tabati à terre. Comme il le tenoit dessous lui et cerchoit là où il le pcust férir à mort, deux Gots le hurtèrent de deux glaives en ses deux costés, mais ils ne le purent navrer ; car la souveraine vertu et le haubert le garantirent, et sous lui il occist le roy Alaric, avant qu'il se remuast de la place. En telle manière eut le roy victoire de ses ennemis, par l'aide de nostre Seigneur, comme celui qui du tout s'estoit mis en sa garde.

 

Comment le roy fu apelé Auguste, et comment il fist occire le roy Ciraric et un sien fils en sa prison.

Le roy Alaric régna douze ans. Après ce qu'il fu occis et son ost desconflt, ainsi comme je vous ai devisé, le fort roy Clovis envoia un sien fils, qui avoit nom Théodoric, avec grant ost[41], aux principales parties de son règne. Il chercha toute la province et soumist à la seigneurie de son père tous les Rodais et tous les Caoursins[42] et les Auvergnats. Il retourna, glorieux vainqueur, à son père qui lors yvernoit en la cité de Bordiaus. Quand l'yver fu passé et le printems revenu, leroy s'en ala à Tholouse, là prist les trésors qui avoient esté au roy Alaric. De là, s'en alèrent en la cité d'Angoulesme : les murs de la ville trébuchièrent[43] à son avènement, sans nulle force, par la volonté de Nostre Seigneur. En la cité entra, tous les Gots qui céans furent trouvés furent mis à l'espée : par toutes les voisines cités occist aussi tous ses adversaires, et les garnist de sa gent françoise. Quand il eut tout conquis le païs et les chastiaus garni, et, les choses ordonnées, il vint à Tours.

Là vindrent à lui les messages d'Anastasie, l'empereour de Constantinoble, qui lui aportèrent presens de par leur seigneur, et épis-tre dont la sentence estoit tele : que il plaisoit à l'empereour et aus sénateurs que il fust ami de Tempire, patrice et conseillier des Romains[44]. Quant le roy eut ses lettres lues, il s'apareilla de robe de sénateur que l'empereour lui avoit envoie ; sur un destrier monta ; ainsi ala à une large place qui siet entre l'églyse Saint-Martin et la cité ; là, donna grans dons au peuple. Puis, ne fu jour que il ne fut apelé conseillier et auguste. Il envoia cent soûls pour racheter son cheval, que il avoit envoie pour offrande à la fieste[45] Saint-Martin, avec mains austres dons. Ceus qui là furent envoies ne purent le cheval mouvoir de la place. Quand le roy sut ce, il commanda que l’on oiïréist autres cent soûls. Ce fu fait, et le cheval en ramenèrent légièrement ; dont le roy dit une parole ainsi comme par moquerie : Saint Martin, dit-il, est bon aideur au besoing, mais il veult estre bien paie. Après ces choses faites et pais par tout confermée, le roy retourna à Paris.

Or, en ce temps là prist-il le roy Cararique et un sien fils par ne sais quel barat[46], pour ce que le roi lui avoit plevi[47] qu'il lu aideroit contre Siagre, le fils Gilon le romain : et quant il lui dut aidier, il se traît hors de la bataille, pour ce que il vouloit, en après, ensui-Tre la partie de celui qui vaincroit. Il les fit ambedeus[48] tondre, le père fist ordoner à prestre et le fils à dyacre. Ainsi que ce Cararique 86 complaignoit de ce qu'il estoit abatu et humelié, son fils lui dist, en montran sa barbe qui de nouvel estoit tondue : Ces feuilles, copèes en vert arbre seront tost recrues : oh ! que aussi tost fust mort et péri celui qui ce nous a fait ! Le roy sut ceste parole, tantost eommanda que ils fussent occis ; après, saisi leurs trésors et leur royaume ; mais les chroniques ne parolent point dont il fut, ni de quel païs fu roy.

 

Comment le roy fist occire Ranacaire, le duc de Cambray, et un sien frère ; et si estoient ses cousins.

Le roy son ost apareilla pour guerroyer le duc Ranacaire qui tenoit Cambray et toute la duchée. Son cousin estoit de lignage, mais il le haoit, pour ce qu'il estoit de mauvaises meurs et de mauvaises manières ; ses gens meismes ne l’amoient pas, pour ce qu'il estoit trop abandonné à luxure et à moult d'autres vices. Un sien familier avoit apelé entour lui, qui avoit nom Pharon, que il cuidoit moult sage. Lui qui grant deceveur estoit l'avoit si afolê et si allegié de son sens, que quant on lui faisoit aucun prosent, il disoit : Ce sera à moi et à Pharon mon conseillier. La mauvaistié de lui et la paresce avoit si esmeus sa gent meisme et ceux qui avec lui chevauchoient, qu'ils se plaignoient et se conseilloient comment ils pourroient oster ceste honte, qui à tous estoit commune : car la mauvaistié du Seigneur est le reproche de sa gent. Pour ceste raison, mandèrent au fort roy Clovis que il cherchast occasion de bataille contre lui, et, s'il leur vouloit donner dons, ils se soustrai-roient de la bataille avant qu'elle fust commenciée, et leur roy lui rendroient tout pris. Le roy vint à grant force de gens après ce mandement ; mais il eut, avant, envoie aus traiteurs[49] espaulières de cuivre dorées et espées et autres choses ouvrées en telle manière, pour tous. Eux les reçurent qui cuidièrent que elles fusse de fin or. L'on vint au lieu de la bataille ; ceus qui estoient consentant de la traïson, firent samblant de fuir. Ranacaire fu pris tandis que il s'apareilloit de fuir ; présenté fu au roy de sa gent meisme. Le roy le fit occire comme mauvais. Un sien frère avoit-il ; le roy commanda qu'il feust occis, et lui reprocha qu'il ne voulust son frère aidier, mais se laissast prendre avecques lui. En telle manito fistril occire maint de ses parens meisme, pristet saisi leurs farésors, si que aucun ne demeurast pour lui occire et pour son royaume avoir après sa mort. A la cité du Mans envoia un message et commanda que on occéist Ricemer, qui estoit frère audit devant Ranacaire, pour ce que il cuidoit que il fust celui qui plus souhaitast son royaume. Un jour avint que le roi dist une parole devant tous les plus grans barons de France : Pour ce, dist-il, que je suis veuf et orphelin de tous mes parens, je me garde moult, car je n'ai nul prochain de lignage qui me garde ma vie et ma santé. Les barons qui notèrent en autre sens ceste parole, cuidièrent quUl le déist pour savoir si nul se traierait avant, pour estre de son lignage. Quand les traiteurs qui avoient Ranacaire leur seigneur vendu, s'aperçurent que le roi les avoit déceus, par les faux dons que il leor avoit envoies, ils retournèrent à lui en complaignant, et le prièrent que il leur restablist le défaut : mais le roy leur respondi : Vous ne savez gré de la grâce mienne, quant vous n’estes remembrans[50] des bénéfices que je vous ai fais. De quels tourmens cuidez-vous que l’on dust ceus tourmenter qui tralssent leur seigneur et son cause de sa mort ? Alez vous en arrières, et vous souffîse, cete dolereuse vie et indigne que l’on vous a laissiée. Quand les traiteurs oïrent ceste parole, ils furent fortement espoventés et moult leur tarda que ils s'en fussent partis.

D'aucunes incidences qui en ce temps advinrent et de la mort du fort roy Clovis.

En ce temps vivoit saint Seurin et estoit abbé de l'abbaïe de saint Morisse de Gaunes, qui ore est apelée Chablies. Le roy qui eust esté malade près d'un an de fièvre, le manda. Quant le saint homme fu venu, il pria tant à Nostre Seigneur pour le roy, que il recouvra pleine santé : mais il ne retorna puis là dont il estoit venu ; ains demoura en France au païs du Gastinois, en un chastel qui est apelé Chastel-Landon. Là vesqui saintement le restant de sa vie, puis trespassa glorieusement de ceste mortelle vie à la joie perdurable.

En ce meisme temps estoit en vie sainte Geneviève ; née fu près de Paris en une ville qui est apelée Nafntcrre ; sainte vierge fu et resplendissant de mérite et de bonne vie ; sacrée fu et beneïe par la main saint Germain l'Aucerrois, qui en ce temps aloit en Bretaigne pour destruire l'érésie pélagienne dont sainte Eglyse estoit corrompue en ces parties. Quand ses père et mère furent morts, elle s'en vint à Paris au temps le fort roy Clovis, et vesqui puis, jusques au temps le roy Clotaire et le roy Childebert. En ce temps aussi, vivoit saint Germain qui fu cvesque de Paris, saint homme et plein de grans vertus, si comme il est escrit dans sa vie. En ce temps gouvemoit Tempirc de Constantinoble, Justin le vieux, qui Favoit receu après la mort Anastaise. En ce temps estoit le glorieux confesseur messire saint Beneoist, qui fu benéois en vie et en nom, de qui la mémoire est renommée par universel monde, pour les mérites de la haute vie que il mena[51].

En ce meisme temps gouvemoit l'Églyse de Rome un apostole[52] qui avoit nom Hormisde ; receue l'eut, après l'apostole Sininiaque. A son temps euvoia le fort roy Clovis à l'églyse Saint-Pierre une couronne d'or aournée de pierres précieuses, par l'amonestement monseigneur saint Rémi. En ce fait monstra-il bien que il ne voloit pas recevoir en vain la grâce de Nostre Sire lui avoit faite, ni estre coupable du vice d'ingratitude envers Nostre Seigneur, par qui il gouvernoit son royaume glorieusement. Ainsi avoit déjà fait Sosies, un des conseilliers de Rome ; quand il eut pris Jherusalem, il offri une couronne d'or au temple. Mais le don de cestui fu plus agréable à Nostre Seigneur, car il estoit meilleur en foi et attentif honoreur de Sainte Ëglyse ; et cil Sosies estoit païen et cultiveor d'idoles.

En ce temps fu croulléis et esmouvement de terre si grant en la cité de Vianne que moult d'églyses et de maisons trébuchièrent'le jour de Pasques meisme droit en celé heure que saint Mamert, evèsque de la ville, chantoit sa messe. Le palais du roy fu bnilé du feu qui descendi soudainement devers le ciel ; les ours et les kraps issoient des bois et faisoient moult de doumages aus citoiens, car ils les enchassoient et embatoient[53] dedans la ville, et en devoroient aucuns. Pour ceste raison saint Mamert sermona au peuple et les amonnesta que ils jeûnassent trois jours et féissent processions en chantant létanies. De là vint la bêle et bonne coustume qui encore est en sainte Ëglyse par tout là où Dieu est servi et honoré, si comme aucuns veullent dire[54].

Le fort roy Clovis qui avoit déjà tant vescu qu'il avoit aprochié les termes de son âge, trespassa de ce siècle, quant il eut régné trente ans crestien, et le neuvième an après qu'il eut occis le roy Alaric. Mis fut en sépulture en l'églyse Saint Pierre de Paris, (qui maintenant est apelée sainte Crenevieve), laquelle il avoit fondée à la requeste de sa femme la royne Crotilde. Sur la sépulture fu mis une ephitaphe, par vers moult bons et moult bien dis, que mesire saint Rémi fist, si comme l'on cuide[55]. Mort fu le fort roy cent et douze ans après le trèspassement monseigneur saint Martin.

Ci fenist le premier livre des Croniques de France.

 

Pour la suite des rois Mérovingiens nous nous bornons à donner les sommaires qui font connaître les mœurs et Tesprit de ce temps et résument les événements.

 

Ci commence le second livre des grandes Chroniques[56].

Comment le royaume fu départi aux quatre frères ; et de la mort de Clodomir.

Comment le roy Thierri fist mourir en prison l'apostole Jehan, Simaque et le grand clerc Boesce.

Comment le grant Justinien qui fist les lois fu empereour, et Antonie son amie impératrice.

Comment Belisaire fu trahi par envie, et comment il prist le roy des Wandes.

Comment le roy Clotaire et Childebert prirent Bourgoigne ; et comment Amauri fils d'Alaric fut occis.

Comment Théodoric recouvra la cité qu'il eut perdue ; et comment il desconfist Hermenfroy le roy de Toringe.

Comment le roy Théodoric cuida faire occire le roy Clotaire son frère par traïson.

Incidence. Comment Atalus fu délivré de servitude.

Comment le roy Clotaire et le roy Childebert occirent leurs neveus.

Incidence. De qui les Lombars descendirent.

Comment le roy Théodoric mourut.

De Justinien l'empereour et de Belisaire.

Comment le pape Silvère fut envoie en exil.

De la pais des deux roys par la prière de Clotilde leur mère.

Comment le roy Childebert fonda l'abaie de Saint-Germain ; et comment le roy Sigebert conquist l'Italie.

Du tréspassement saint Benéoit, et de ses miracles.

De la mort de la royne Crotilde, et du roy Theodebert, et d'aucunes incidences.

Comment Crannes se releva contre le roy Clotaire son père, et comment Sesnes desconfirent les François.

Comment Crannes, sa femme et ses enfans furent bruslés.

Comment le pape mourut par les griefs que l'empereour lui ûst.

Comment l'empereour envoia à Rome Narses[57] contre Thotila le roy des Ghotiens.

D'aucunes incidences, et de la mort du roy Clotaire.

Comment les quatre frères partagèrent le royaume en quatre parties.

Comment saint Germain franchi Tabaie Saint-Vincent de Paris ; et de l'avision du roy Gontran.

Comment le roy Sigebert épousa Brunehaut, qui tant de roys de France fist mourir.

Ce finist le second livre des Croniques de France.

 

Ci commence le tierce livre des grandes Chroniques.

Comment le roy Chilperic estrangla sa femme ; et comment il laissa la seconde par la malice Frédégonde ; et puis comment les Saxons envahirent la France.

De la mort de l'empereour Justinien ; et comment les Romains accusèrent Narses faussement vers l'empereour.

Comment le roy Sigebert fu pris, et comment les trois frères firent pais ensemble.

Comment le roy Sigebert fu occis en son tref par Fredegonde ; et comment Merovée alla à Rouan vers Brunehaut.

De diverses incidences de plusieurs choses.

De l'empereour Tibère, et des messages que le roy Chilperic lui onvoia.

Comment Merovée s'enfui à Tours pour la paour de son père : et comment il se fit occire de son gré.

Comment Chilperic assembla concile pour dampner[58] Pretesto archevesque de Rouan.

Comment Preteste fu à tort dampné et envoyé en exil.

De la pais le roy Gontran et du roy Childebert et de plusieurs incidences.

De la mort Nantin le comte d'Angoulesme, et comment le roy Chilperic se repenti de ses tors fais.

De diverses incidences qui advinrent en divers lieux, et de diverses choses.

Comment Morice l'empereour envola au roy Chilperic pecune[59] pour chacier les Lombars d'Italie.

Comment les prélats contredirent l'hirèsie que le roy Chilperic vouloit essaucier.

D'une manière de jeux que le roy Chilperic establi, et de la discorde du roy Childebert et du roy Gontran.

Comment le roy Chilperic faisoit les Juis baptisier ; et comment il haoit[60] le roy Gontran.

Comment les deus roys murent guerre contre le tiers, et comment ils firent la pais.

Comment Fredegronde fist justice des sorcières ; et comment le roy Chilperic envoia sa fille en Espaigne.

Comment Fredegonde fit occire le roi Chilperic, son seigneur.

Comment Fredegonde mit elle et son fils en la garde du roy Gontran.

Comment Condoald fu né, et comment il fu fait roy.

Comment le roy Gontran traita vilainement les messages le roy Childebert son neveu.

Comment Preteste fust rappelé d'exil, et comment Fredegonde cuida faire occire Brunehaut.

Comment le roy Gontran fist occire Eberulphe en l'âtre Saint-Martin de Tours.

Comment Condoald transmit ses messages au roy Gontran ; et comment celui-ci saisi une partie du royaume.

Ci commence le quart livre des grandes Chroniques.

Comment le roy Gontran octroia son royaume au roy Childebert son neveu après sa mort.

Comment Condoald fu assis en la cité de Bordiaus.

Comment Gondoald fu traï de sa gent.

Comment Gondoald fu tué, et cens qui traï l'avoient occis.

Comment Fredegonde envola quérir sa fille qui estoit en exil, et de la promotion saint Grigoire.

De plusieurs incidences, qui en ce temps ad vinrent.

Comment la cote de Nostre Seigneur Jesus-Christ fu trouvée outre-mer en une cité qui a nom Zaphas, et aportée en Jérusalem.

De la mort le roy Gontran, et comment les osts le roy Childebert furent desconûs par le sens Fredegonde.

Comment le roy Childebert envoia ses osts en Lombardie pour le païs destruire.

Comment le roy Childebert fu mort, et comment ses deux fils partagèrent le royaume.

Comment les deux frères Theodebert et Théodoric desconfirent le roy Clotaire par Brunehaut.

Comment Berthoal comte du palais Théodoric fu occis, et comment le roy Clotaire fu derechief desconfi.

Comment les deux roys s'esmurent l'un vers l'autre, et comment Prothadie fu occis.

Comment Brunehaut vengea la mort de Prothadie, et comment le roy Clotaire, celui de Lombardie et celui d'Espaigne s'alièrent contre le roy Théodoric.

Comment saint Colombin fu envoie en exil par la desloyale Brunehaut.

Comment le roy Théodoric desconfit le roy Theodebert son frère, et comment il s'enfui à Couloigne.

Comment le roy Theodebert fu occis en la cité par cens du païs.

Comment Brunehaut empoisonna son neveu le roy Théodoric.

Comment Brunehaut fu prise et au roy Clotaire présentée et ses deux neveus occis.

Comment Brunehaut fut tormentée en vengeance des rois de France que elle avoit fait morir.

Des églises que Brunehaut fonda en son temps, et comment Austragesile fu archevesque de Bourges.

Comment l'empereour Morice de Constantinoble vit l'avision en dormant.

Comment il fu puni en sa vie pour ses meffais.

Comment Romilde trahist sa cité et ses enfans, pour acomplir la volenté de sa chair.

Comment la monarchie des quatres royaumes vint toute en la main du roy Clotaire ; et comment il tint cour gênerai des princes et des prelas de son royaume.

Ci commence le quint livre des grandes Chroniques.

Des meurs le roy Clotaire ; comment il absout les Lombards des treus[61] que ils lui dévoient.

Comment l'enfant Dagobert esmutl le cerf qui s'enfui sur le corps saint, et comment dame Catulle les mist en sépulture.

Comment Dagobert coupa la barbe de son maistre, et comment son père le cuida prendre sur les tombes des corps saints.

De l'avision Dagobert, et comment son père par lui donna son mautalent[62] par le miracle que il vit.

Du descort du roy Dagobert et de son père.

Comment le roy Clotaire secourut son fils Dagobert ; et comment il occist le duc Berthoal.

De Sisebode le roy d'Espaigne : comment le roy Clotaire occist Godin qui avoit sa marratre espousée.

De la mort le roy Clotaire et de ses meurs, et des preudomes qui furent de son temps.

Comment le roy Dagobert donna partie de terre au roy Haribert son frère, et comment il fonda l'eglyse Saint-Denis.

De la loiauté et des meurs le roy Dagobert, et comment il laissa la royne Gomatrude pour ce qu'elle estoit brehaigne, et espousa dame Mantheut.

Comment le roy Dagobert engendra dans une meschine le roy Sigebert d'Austrasie ; et comment il mua ses meurs en vices.

Comment l'empereour Eracle conquist la sainte croix, et comment les Sarrazins détruisirent son empire.

Comment le royaume Haribert eschut au roy Dagobert, et du roy Samon d'Esclavonnie, et comment les Bulgares furent occis.

Des apers[63] miracles que nostre Sire faisoit pour le martir saint Denis et des grans dons que le roy leur donna.

Comment le roy Dagobert fist saint Denis héritier de toute la terre Sadragesile le duc d'Aquitaine.

Comment le roy Dagobert fist son testament devant tous les prélats et les barons du royaume.

Comment il donna grant rente pour couvrir l'eglyse Saint-Denis, et comment les Gascons vinrent à lui à merci.

De la mort du bon roy Dagobert.

De l'avision qui advint en l'heure de sa mort à un solitaire qui avoit nom Jehan.

Comment le roy Sigebert et le roy Loys despartirent[64] les trésors leur père après sa mort.

Comment le roy Loys franchit par exemption Teglyse Saint-Denis, par la volonté saint Landri l'evesque de Paris.

Comment le roy Loys devint hors de sens pour ce que il prisl un des os du bras monsieur saint Denis.

Comment Ebroin fu mestre du palais le roy Theodoric et comment il fist martirier saint Elgier evesque d'Ostun.

Comment Ebroin fut occis, et comment Pépin le Brief, qui fu père Charles Martel, fu mestre du palais.

Ci commencent les faits du très noble prince Charles Martel et comment il eschapa de la prison sa marrastre, et comment il fu prince des deux royaumes.

 

Texte de la loi salique.

Il serait impossible d'étudier profondément le caractère et les mœurs de la première race si l’on n'en connaissait pas la législation. A mesure que les peuplades conquérantes s'établissaient sur un territoire, elles publiaient leurs codes. La France composa la loi salique et la loi ripuaire, toutes deux l'œuvre primitive de Clovis, mais définitivement corrigée et promulguée par Dagobert. La loi salique est célèbre parce qu'elle prononça l'exclusion des femmes pour l'héritage de la terre salique, d'où l’on a tiré le principe général d'exclusion des femmes du trône de France.

Pactus legis salicæ.

Gens Francorum inclyta, auctore Deo condita, fortis in armis, fîrma pacis fœdere, profunda in consilio, corpore nobilis et inco-lumis, candore et formæ egregia, audax, velox et aspera, nuper ad catholicam fidem conversa, immunis ab hæresi ; dum adhuc teneretur barbarie, inspirante Deo, inquirens scientiæ clavem, juxtà morem suorum qualitatum desirans justitiam, custodiens pietatem, dictaverunt salicam legem proceres ipsius gentis, qui tune temporis apud eamdem erant rectores.

Sunt autem electi de pluribus viri quatuor his nominibus, Wisogast, Bodogast, Sologast et Windogast, in locis quibus nomen, Salagheve, Bodogheve et Windogheve. Qui per très mallos conve-nientes, omnes caussarum origines sollicite discurrendo, tractantes de singulis, judicium decreverunt hoc modo[65].

At ubi, Deo favente, Clodoveus comatus et pulcher et inclytus rex Francorum[66], priiuus recepit catholicum baptismum, quidquid minus in pacto habebatur idoncum, per præcelsos reges Glodoveum et Childebertum et Clotarium fuit luciduis emendatum, et procu-ratum decretum hoc : Vivat qui Francos diligit Christus, eorum regnum custodiat, et rectores de lumine suæ gratiæ repleat, exercitum protegat, fidei monumenta tribuat, pacis gaudia et felicitatem, tempora dominantium dominus Christus Jesus pietate conducat.

Hæc est enim gens, quæ fortis dum esset et robore valida, Romanorum jugum durissimum de suis cervicibus excussit pugnando ; atque post agnitionem baptismi, sanctorum martyrum corpora (quæ Romani igné cremavenint, vel ferro trucidaverunt, truncaverunt, aut bestiis laceranda projecerunt) sumptuose auro et lapidibus pretiosis exornavit.

De legum inventoribus, et earum ratione.

Moyses genti Hebree primus omnium divinas leges sacris litteris explicavit. Pharonæus rex Græcis. primus leges et judicia constituit. Mercurius Trismegestus primus leges Ægyptiis tradidit. Solon primus leges Atheniensibus dédit. Lycurgus primus Lacedœmoniis jura ex Apollinis auctoritate confinxit. Numa Pom-pilius, qui Romulo successit in regnum, primus leges Romanis edidit. Deindè cum populus magistratus seditiosos ferre non pos-set, decemviros legibus scribendis creavit, qui leges Solonis in la-tinum sermonem translatas XII tabulis exposuerunt[67].

Hi decemviri legum conscribendarum electi sunt Leges autem redigere in libros primus consul Pompeius instituere voluit ; sed non perseveravil, oblrectatorum metu. Deinde Cæsar cœpit id facere, sed ante interfecius est. Paulatim antiques leges vetustate et incuria exoleverunt ; quarum et si nullus jam usus est, notitia tamen necessaria videtur. Leges novæ à Constantino cœperunt Cæsare et reliquis succedentibus : erantque permixtæ et inordinats. Postea Theodosius minor Augustus ad similitudinem Gregoriani et Hermogeniani codicem factum constitutionum à Constantini tem-poribus sub proprio cujusque imperatoris titulo disposuit, quem à suo nomine Theodosianum vocavit.

Deinde unaquæque gens propriam sibi ex consuetudine elegit legem : longa enim consuetudo pro lege habetur[68].

Lex autem est constitutio scripta ; mos est vetustate probata consuetudo, sive lex non scripta ; nam lex à legendo vocata, quia scripta est ; mos autem est consuetudo longa de moribus tracta tantumdem.

Consuetudo autem est jus quoddam moribus institutum quod pro lege suscipitur.

Lex erit omne quod jam ratione constiterit, quod disciplinœ conveniet, quod saluti proficiat. Vocata autem consuetudo, quia in communi usu est[69].

Theodoricus rex Francorum cum esset Cathalaunis, elegit viros sapientes, qui in regno suo legibus antiquis eruditi erant : ipso autem dictante, jussit conscribere legem Francorum, Alamanorum et Bajoariorum ; et unicuique genti, quaB in ejus potestate erat, secundùm consuetudinem suam ; addidit quse addenda, et improvisa et incomposita resecavit : et quæ erant secundum consuetudinem Paganorum, mutavit secundum legem Christianorum. Et quidquid Theodoricus rex propter vetustissimam Paganorum consuetudinem emendare non potuit, posthæc Childebertus rex inchoavit corrigere : sed Chlotharius rex perfecit. Hæc omnia Dagobertus rex gloriosissimus per viros illustres Claudio, Chadoin, Domagno, Agilofo renovavit ; et omnia veterum legum in melius transtulit ; unicuique quoque genti scripta tradidit. Factæ autem sunt leges, ut earum metu humana cœrceretur nequitia, tutaque sit inler improbos innocentia ; et in ipsis improbis formido suppliciorum ; et ut refrænentur nocendi facultates.

Nous donnons le sommaire des lois obligatoires parmi les Francs.

Hoc decretum est apud regem et principes ejus, et apud cunctum populum christianum, qui infra regnum Merwungorum constitent.

1 De mannire.

2 De furtis porcorum.

3 De furtis animalium.

4 De furtis ovium.

5 De furtis caprarum.

6 De furtis canum.

7 De furtis avium.

8 De furtis arborum.

9 De furtis apium[70].

10 Si damnum in messe, vel in qualibet clausurâ illatum fuerit.

11 De servis mancipiis furatis.

12 De furtis ingenuorum vel effracturis.

13 De furtis servorum vel effracturis.

14 De ingenuis hominibus qui mulieres ingenuas rapiunt.

15 De eo qui uxorem tulerit alienam vivo marito.

16 De superventis.

17 De expoliationibus.

18 De eo qui villam alienam adsalierit.

19 De incendiis.

20 De vulneribus.

21 De eo qui hominem innocentem apud regeni accusaverit.

22 De maleficis.

23 De manu mulierum non stringenda.

24 De navibus furatis.

25 De furtis in molino commissis.

26 De caballo ascenso.

27 De furtis diversis.

28 De homicidiis parvulorum.

29 De adulteriis ancillarum.

30 De libertis dimissis.

31 De elocationibus.

32 De debilitatibus.

33 De convitiis.

34 De via lacina.

35 De ligaminibus ingenuorum.

36 De venationibus.

37 De sepibus.

38 De homicidiis servorum, vel expoliationibus.

39 De quadrupedibus qui hominem lædunt[71].

40 De vestigio minando.

41 De furtis caballorum.

42 De plagiatoribus.

43 De servo qui de furto fucrit inculpatus.

44 De homicidiis ingenuorum.

45 De homicidiis à contubemio factis.

46 De homicidiis in convivio factis.

47 De re-ipus.

48 De migrantibus.

49 De adframire.

50 De filtortis, qui salica lege vivunt.

51 De falso testimonio.

52 De testibus adhibendis.

53 De fide facta.

54 De andocmito.

55 De re prœstata.

56 De manu ab seneo redimenda.

57 De gravione occiso.

58 De corporibus expoliatis.

59 De despectionibus.

60 De rathinburgiis.

61 De chren-crude.

62 De alodis.

63 De eo qui se de parentilla tollere vult.

64 De haroweno.

65 De compositione homicidii.

66 De homine in hoste occiso.

67 De herburgio.

68 De caballo excorticato.

69 De eo qui hominem vivum de furca tulerit.

70 De eo qui filiam alienam acquisierit, et se retraxerit.

71 De basilica incensa.

72 De terra commendata.

73 De cultello sexaudro.

74 De chreodiba.

75 De muliere gravida occisa.

76 De antrussione.

77 De eo qui in aliena domo resedit.

78 In quantas causas thalaptas debeant jurare.

79 De delatura.

80 Incipiunt chunnas.

L'article important de la loi salique, celui que l’on a invoqué pour exclure les femmes du trône, forme le titre 62 (art. 6) : De terra salica, nulla portio hæreditatis mulieri veniat. Sed ad virilem sexum tota terræ hæreditas perveniat. Dans cet article il n'est pas question de la couronne, mais les partisans de l'exclusion des femmes disent que le trône est comme la terre salique, et qu'on doit l'y assimiler.

On ne pourra jamais connaître l'esprit, le caractère de la monarchie des Francs, si l'on n'étudie les diplômes, les chartes, les formules des actes. Le père Mabillon, Baluze ont publié sur ce grand sujet des travaux considérables qui ont été analysés dans la collection des anciennes lois françaises par MM. Jourdan, Ducrucy et Isambert.

Nous n'avons à nous occuper des lois, disent-ils, qui régissaient les Gaules avant la conquête de Clovis, que pour dire que la législation romaine y était en pleine vigueur, comme dans le reste des provinces de l'Empire, sauf l'autorité laissée aux villes municipales et aux usages locaux, que les Romains surent toujours respecter. Le code théodosien, promulgué à Constantinople, fut publié à Rome en 443 et de là il étendit son empire sur tout l'Occident, et notamment sur les Gaules ; c'est une circonstance assez remarquable, qu'il a été cité dans le préambule de la loi salique, lors de la troisième ou quatrième rédaction faite sous Dagobert. Les codes de Justinien ne pénétrèrent point dans les Gaules, parce qu'au moment où ils furent promulgués, les barbares avaient envahi toute la France. Les Visigoths, maîtres de tout le midi, publièrent à Toulouse, en 466, leur Loi ou Code, qui continua d'y subsister jusqu'à la fin du onzième siècle.

Les Francs, en s'établissant dans le nord de la France, y apportèrent les usages de la Germanie et le pacte de la loi salique, décrété d'abord en langage barbare, dans une assemblée générale, sur la proposition de quatre de leurs chefs en 422 ou 424, dans un lieu aujourd'hui inconnu. Le préambule de cette loi célèbre atteste que Clovis fut le premier qui l'introduisit en France et qu'il en publia une seconde édition, ou plutôt une traduction latine : c'est probablement la même, ou, à peu de chose près, que Dagobert fit promulguer de nouveau vers 630. Clovis publia aussi à Châlons, en 530[72], la loi des Francs Ripuaires qui fut réformée également par Dagobert. Alors toutes ces lois étaient personnelles. Le Romain était régi par la loi romaine ; le Visigoth par la loi des Visigoths ; le Bourguignon, par la loi Gombette ; le Franc salien, par le pacte de la loi salique.

Le décret de Childebert Ier, de l'an 532, nous paraît donc la première loi générale publiée depuis la conquête. Quoique l'on trouve dans Baluze une bonne partie des constitutions des Mérovingiens, il faut cependant recourir au recueil des historiens ; celui-ci est bien plus complet, et d'ailleurs il fournit sur le travail de Baluze des observations critiques d'autant plus précieuses qu'elles sont dues à dom Bouquet et à d'autres bénédictins.

Des six diplômes attribués à Clovis, il n'y en a qu'un de vrai, encore n'en sait-on pas la date précise ; on présume qu'il est de l'an 510. Par cet acte, Clovis concède au vieillard Euspicius et à Maximinus le domaine de Micy, dépendant du fisc royal, sur les bords de la Loire et du Loiret. Des cinq autres, l'un est altéré, et quatre sont absolument faux.

Il reste quatre diplômes vrais de Childebert Ier, un de Clotaire Ier ; il n'y en a aucun de Théodebert Ier qui soit réputé authentique ; on en a un de Sigismond, roi des Bourguignons, deux de Gontran, deux de Chilpéric, un de Clotaire II, onze de Dagobert, dont deux en caractères mérovingiens, écrits sur ce qu'on appelle papier d'Egypte ; quatre de, Sigebert II, trois de Clovis II, onze de Clotaire III, sept de Childéric II, quinze de Thierry III, deux de Dagobert II, neuf de Clovis III ; douze de Childebert III, un de Dagobert III, neuf de Chilpéric II, six de Thierry IV, et deux de Childéric III, dernier roi mérovingien.

Parmi les diplômes imprimés des Mérovingiens, on trouve près de vingt plaids ou jugements rendus sur toutes sortes de matières par le monarque : ce qui prouve que les rois de la première race rendaient la justice en personne, usage qui s'est conservé sous la seconde et bien avant sous la troisième race, et qui a donné lieu à la fameuse maxime, toute justice émane du roi. Il ne faut pas confondre ces plaids avec les plaids généraux ou malles qui se tenaient tous les ans au 1er mars ; ceux-ci étaient des assemblées de nation, où l’on discutait les affaires les plus importantes : tel a été le traité entre Gontran, Childebert et Brunehaut, le 28 novembre 687. Ces assemblées jugeaient quelquefois les procès des grands. Grégoire de Tours nous a transmis le récit ou l'espèce de procès-verbal du jugement porté en 590, dans une grande assemblée d'évêques convoquée par le roi, contre les reines Chrodigilde et Basine. Grégoire lui-même était un des juges[73].

Quant aux plaids ou placites, ce nom appartenait à rassemblée qui rendait le jugement, au jugement lui-même et aux lettres du roi qui le confirmaient. C'est de là que dérive la formule usitée dans les anciens édits de nos rois, tale est nostrum placitum, si mal traduit par : tel est notre plaisir, qui donne un sens tout différent[74]. Il reste quatre plaids de Clotaire III, dont l'un (le seul authentique), du 24 octobre 666, ordonne la destruction de titres reconnus faux ; il est dit dans cet acte qu'il a été revu et daté par Abbuerus, revu et souscrit par Aviard. On a un plaid de la septième année du règne de Thierri III, du 30 juin 680, au sujet d'un village. Ce jugement décide que la propriété est acquise par une possession non interrompue de trente ans ; mais ce qui est plus à remarquer, c'est que la preuve de cette possession doit être établie par le serment de la septième main, c'est-à-dire par six témoins outre le demandeur. Le plaid de la première année du règne de Clovis III (12 août 691) ; fournit un exemple des délais judiciaires que l'on comptait par nuits et non par jours. On en trouve la preuve dans plusieurs autres chartes ; cela est d'ailleurs conforme aux lois des Saliens, des Bavarois, des Ripuaires et même aux coutumes des Gaulois et des Germains, et attesté par César et Tacite. Aussi, dans un plaid tenu devant Pépin, en 758[75], les délais prescrits sont-ils appelés, nuits légales.

On remarque, dans ces anciens diplômes, que l'orthographe des noms des rois a varié beaucoup. Plus l'acte est ancien, plus on trouve de lettres aspirées ; elles expriment l'articulation du gosier ; ainsi l'on a dit Hludouvicus, Chlodovicus, Chlodoveus, Clovis et enfin Louis : Chlotacharius, Hlotarius, Clotarius, Lotharuis, Lothaire. Il est certain que Clovis, dans son diplôme authentique, se sert du pluriel, à l'imitation des monarques contemporains ; mais l'acte est terminé par la formule : Qu'il soit fait comme moi, Clovis, je l'ai voulu. D'où Mabillon conclut que c'est dans les souscriptions que les Mérovingiens se servaient du pronom moi. Cependant le diplôme original de Childebert Ier constaterait un usage contraire. Ce prince, après avoir parlé au pluriel, continue ainsi : Moi, Childebert, roi, j'ai commencé à bâtir une église. Il en résulte qu'il n'y avait pas à cet égard de formole strictement prescrite.

La validité des diplômes, sous les Mérovingiens, était établie par la souscription du roi et par l'apposition de son anneau ou de son sceau. Le référendaire qui présentait la minute la signait aussi ; presque toujours il la signait seul avec le roi. Tantôt le monarque écrivait son nom de sa propre main ; tantôt il traçait seulement une croix, et le nom était écrit de la main du référendaire ou du notaire ; enfin, pour plus de sûreté, on apposait l'anneau royal.

Dans le diplôme de Childebert Ier, de l'an 628, ce prince dit que, pour lui donner plus de force, il l'a confirmé de sa propre main et a ordonné qu'il fût scellé de son anneau. Il y a tout lieu de croire que les Mérovingiens en faisaient usage avant Clovis. Il reste un anneau d'or de Childeric, père de ce prince : la tête du prince y est gravée profondément en creux, ce qui ne permet pas de douter que cet anneau n'ait été destiné à sceller les actes. Les mots sceau et anneau, sous les descendants de Clovis, s'employaient dans le même sens. Childebert, dans le diplôme du 28 avril 546, déclare le confirmer de sa propre main et veut qu'il soit scellé de son sceau. Dans un autre diplôme du 6 décembre 558, que Childebert dit avoir signé de sa main (signaculis roborasse), on aperçoit les traces du sceau.

Un diplôme de Clotaire Ier, du 22 février 539, est terminé ainsi : Le seing du fameux roi Clotaire : moi, Attale, j'ai présenté le diplôme et l'ai souscrit. Dans le diplôme de 627, de Clotaire II, la souscription du roi consiste en un monogramme inséré après le mot Clotaire ; c'est le premier signe de ce genre qu'on trouve dans les actes des Mérovingiens. Dagobert Ier atteste, dans plusieurs de ses diplômes, qu'il a signé de sa propre main, et on le voit aisément par une différence très-remarquable entre les caractères qui forment son nom et ceux de l'acte. Le même roi fait sceller de son anneau le diplôme par lequel il établit une foire à Saint-Denis (10 avril 631) ; sans doute que pour cet établissement il fallait une forme plus solennelle que pour les autres actes particuliers, où elle n'est pas observée. Le diplôme de 632, confirmatif des possessions de l'église de Trêves, est signé de la main du roi, scellé de son anneau, et de plus souscrit par plusieurs prélats et par le maire du palais, ce qu'on ne retrouve dans aucun diplôme de ce prince. Les diplômes des Mérovingiens n'offrent, d'ordinaire, aucune autre souscription que celles du roi et du référendaire.

Dans un diplôme de Childéric II (n° 149), la deuxième année de son règne, où il était en minorité, il est dit que ce prince, étant encore dans un âge trop tendre pour pouvoir écrire, avait mis au pied de l'acte un signe de sa main (manu propria subtersignavisse), et que la reine avait souscrit, subtencripsisse, par où l'on voit la différence entre mettre un signe de sa main et souscrire. On souscrivait en écrivant soi-même son nom avec cette formule : Chinechildis regina subscripsi. Le diplôme du même prince, du 6 septembre 667 (n° 165),est souscrit des noms de Childeric, de Chinechilde, sa mère, de Blichilde, sa femme, et du duc Gondouin, auquel il est adressé par le roi et les deux reines.

Presque tous les actes des Mérovingiens sont datés de l'année du règne ; mais ces années sont comptées, tantôt de celle où le prince a commencé de porter le nom de roi, tantôt de celle où il a commencé à gouverner, où il a recouvré ses États, où il les a accrus par quelques possessions nouvelles. Une charte de l'an 752[76] porte ce singulier synchronisme : Lorsque l'imbécile Childéric ayant été chassé du trône, Pépin, roi très-pieux, fut mis à sa place par les Francs.

 

 

 



[1] Dans le Glossaire de Ducange, orcel signifie vase.

[2] Oste, armée.

[3] On voit que les Chroniques de Saint-Denis sont écrites au temps de la chevalerie et que les idées qu'on se faisait sur la royauté étaient plus raffinées que sous la première race.

[4] Je vous récompenserai.

[5] Tira.

[6] Joie.

[7] Encourager.

[8] Clotilde dans l'orthographe primitive.

[9] Les hommes de race latine étaient toujours les intermédiaires et les négociateurs.

[10] Dans les romans de chevalerie c'est toujours un pauvre pèlerin qui se charge des messages. Arioste a rapporté cette coutume dans son Orlando furioso.

[11] Pensait.

[12] Petit sac, besace.

[13] Espionner son royaume.

[14] Les Chroniques de Saint-Denis parlent ici le langage du temps de Charles V. C'est un anachronisme de donner un rôle aux barons pour le temps de Clovis.

[15] Récompense. Aurélien devint duc de Melun ; c'était un officier de race latine.

[16] Brûlant.

[17] Chuta, tomba.

[18] Appela, convoqua.

[19] Saint Vaast fut le premier évêque qui parla de la foi chrétienne à Clovis.

[20] C'était une opinion alors répandue et qui suppose des études classiques parmi les clercs.

[21] Crevée, détruite par les Grecs.

[22] Profession de foi sur la trinité faite contre les Ariens ; elle se trouve souvent répétée dans la Chronique.

[23] Quelques manuscrits des Chroniques de Saint-Denis ont une petite enluminure qui représente le baptême de Clovis ; le roi est plongé tout entier dans un baptistère ; saint Rémi est à ses côtés et la colombe du Saint-Esprit voltige sur sa tête.

[24] Se révoltèrent.

[25] Verdun était hors des limites du royaume des Francs saliques.

[26] Monastère

[27] On voit avec quel soin étaient examinées les histoires avant d'être insérées dans les Chroniques de Saint-Denis.

[28] A travers.

[29] Des Goths.

[30] Conférence.

[31] Porte.

[32] Financer, payer.

[33] Il chuta, il tomba.

[34] Exhorta.

[35] Toujours le symbole contre les Ariens. La trinité était le drapeau de l'orthodoxie.

[36] Joyeux.

[37] Plus qu'habituellement.

[38] Une biche.

[39] Sa tente.

[40] L'estoc, bataille.

[41] Compagnie armée.

[42] Gens de Cahors.

[43] S'ébranlèrent, tremblèrent.

[44] On voit tout l'orgueil qu'avaient les rois barbares quand ils recevaient les insignes d'une dignité de l'empire.

[45] Fête, foire.

[46] Tromperie. On dit encore dans les lois maritimes baraterie, du patron ou capitaine de la barque.

[47] Promis.

[48] Tous les deux : on a retenu dans la loterie le mot ambe pour deux.

[49] Traîtres.

[50] Souvenus.

[51] Sous le titre d'Incidence, la Chronique de Saint-Denis recueille tout ce qui n'entre pas directement dans le récit principal. Sainte Geneviève vivait encore.

[52] Pape.

[53] Renfermaient.

[54] La coutume des processions qui chantaient les litanies à travers champs.

[55] Pense.

[56] Cette partie de chronique est empruntée à Frédégaire, Grégoire de Tours et Aymoin.

[57] L'eunuque Narsès qui un moment préserva l'Empire.

[58] Condamner.

[59] Argent.

[60] Haïssait.

[61] Impôt, taxes.

[62] Mauvaise action.

[63] Visibles.

[64] Partagèrent.

[65] En étudiant cette formule de loi on se rappelle le passage de Tacite sur les Germains : de minoribus rébus principes consultant, de majoribus omnes. C'est la souveraineté du peuple. Baluze a recueilli les chartes et diplômes.

[66] Clovis le Chevelu, le beau, l'illustre roi des Francs.

[67] Évidemment cet article a été rédigé par des clercs, car il suppose des études sur l'antiquité. Les lettres vivaient encore dans la Gaule.

[68] Cet article suppose la liberté absolue de choisir ses lois personnelles.

[69] Ces définitions sont empruntées au Code théodosien.

[70] Cet article sur le vol des abeilles montre assez le soin qu'on prenait à protéger l'apiculture.

[71] Première idée de la loi protectrice des animaux.

[72] Il y a ici une erreur de date : Clovis était mort en 511.

[73] Recueil des diplômes, n° 48.

[74] Cette observation est d'une grande justesse. Au lieu d'une formule basse et despotique des rois : car c'est notre bon plaisir, il faut en reconnaître une libre et légale : selon ce que notre plaid ou assemblée a décidé.

[75] Mabillon, De Diplomatica, p. 493.

[76] Mabillon, Analect., II, 153.