CLOVIS ET LES MÉROVINGIENS

 

LIVRE I. — L'EUROPE BARBARE. - LES GAULES CELTIQUES ET ROMAINES.

 

 

L'immense territoire qui s'étendait depuis le Palus-Méotique jusqu'à la Germanie, le Jutdland Scandinave, la Batavie, la Gaule, était habité par une multitude de tribus désignées sous le nom générique de Celtes[1]. Était-ce une corruption du mot Scythe, lequel en passant dans la langue gutturale se serait prononcé Kelte (Celte) : peut-être faut-il voir une de ces désignations générales que les Romains donnaient aux groupes de nations barbares : Strabon, le géographe exact, dit : Les nations connues vers le septentrion et d'abord appelées Scytes ou nomades, comme on le voit dans Homère, commencèrent dans la suite et quand on connut les pays occidentaux à être appelés Celtes[2].

Ces peuples habitaient des solitudes immenses, couvertes de chênes et de sapins : (ainsi était la forêt Hercynienne[3]). Les hommes étaient à l'état primitif, les cheveux longs, la barbe inculte, armés de haches en os ou de javelots en bois grossier : point de culture de terre, la chasse qui maintenait les habitudes nomades, les exercices violents ; aucun amour du sol, la guerre continuelle, caractère naturel de toutes les familles aborigènes ; et dans ces forêts, des races d'animaux entièrement perdues : un bœuf de la forme d'un cerf à une seule corne, les élans noirs, si farouches qu'ils ne se couchaient jamais, Tunis, sorte de taureau de la taille de l'éléphant, terrible adversaire de l'homme ; le molosse, chien énorme qui ne craignait pas le combat avec le lion[4].

Le sol abrupte avait dû subir des cataclysmes récents : aux petites îles du Belt-Danois, les terres s'étaient déchirées par un volcan ; dans la Frise du sol avait été inondé par la mer : le Danube et le Rhin avaient déplacé leur lit ; les Alpes contenaient une ceinture de cratères encore en feu, les montagnes de l'Auvergne jetaient leurs laves : partout des sources d'eaux chaudes et minérales. Sur les côtes de Bretagne on avait vu les créations spontanées d'îles surgissant au milieu des tempêtes : le mont Belen[5], selon les traditions, était sorti de la mer avec ses rochers escarpés ; des continents avaient disparu comme la fameuse Atlantique si célèbre chez les anciens : l'île des Bretons et des Pictes était frangée avec une telle régularité qu'elle pouvait adapter ses golfes, ses caps aux côtes de la Gaule et de la Bretagne comme deux moitiés du même continent.

Tacite, dans son admirable livre De moribus Germanorum composé au temps de la Rome des Césars, a écrit une satire pleine d'allusion au peuple romain dégénéré. L'historien, élevé a l'école stoïque, exalte les habitudes austères et fortes des barbares pour les opposer, comme contraste, aux coutumes avilies de Rome en décadence. Les Germains étaient une branche du grand arbre celtique dont les vastes rameaux s'étendaient au nord et au centre de l'Europe. Avec de légères nuances on trouve chez tous, les légendes primitives sur Odin, Thorn, Freya de la Scandinavie ; la différence des territoires seule avait créé des habitudes particulières à chaque tribu. Les Germains nomades s'occupaient de chasse, de pâturage, de troupeaux ; les Scandinaves, entourés de mers, Vêtaient passionnés pour les expéditions maritimes et la piraterie : la mer, soulevée par la tempête, grondait incessamment sous un ciel assombri de neige ; les monstres marins venaient se jouer sur les côtes ; de fortes pirogues naviguaient dans les mers hyperboréennes, les Scandinaves connaissaient l'Islande : des traditions mêmes racontent qu'ils avaient touché le Groenland et l'extrême Amérique du Nord[6].

Dans le déplacement continuel des tribus, il serait bien difficile de préciser le territoire occupé spécialement par les Gaulois[7], mais à l'époque où les Romains commencèrent à s'inquiéter de leur migration, ce qu'on appelait la Gaule embrassait à peu près les provinces qui forment aujourd'hui la France, plus une partie de la Belgique jusqu'au Rhin, la Suisse jusqu'aux Hautes-Alpes. Ce territoire inculte comme la Germanie était tout couvert de forêts sombres, traversée par de nombreuses rivières, inondé par des marais ; quelques huttes groupées formaient des bourgs, laissés, repris, abandonnés dans d'incessantes migrations. Le culte était sombre, les victimes humaines sacrifiées sur des autels de pierre : le sang coulait à travers une noire rigole. Les Druides possédaient quelques traditions fabuleuses qu'ils chantaient ou enseignaient dans les forêts de chênes où le gui sacré se mêlait à la verveine odorante.

L'école d'Alexandrie qui colorait toujours de son mysticisme, les traditions religieuses des peuples, élevait le druidisme à l'honneur d'un système de philosophie et de sagesse parfaite comme chez les prêtres de l'Egypte, de la Syrie, de la Perse et les initiés au culte de Mithra. Diodore de Sicile mêle le nom d'Hercule à l'histoire de la Gaule : On raconte, dit-il, qu'Hercule fut aimé d'une fille d'un roi de la Celtique, il en eut un fils du nom de Galatès ; il donna à ses sujets le nom de Galates et au pays de sa domination le nom de Galatie ou des Gaules. Partout se retrouve le mythe d'Hercule, dompteur et civilisateur. La fable du centaure Chiron, des écuries d'Augias, de l'hydre de Lerne sont différentes faces de la lutte antique de quelques héros contre la barbarie[8].

Les traces vivantes du culte des Druides se retrouvent surtout dans la Bretagne. Aux plaines de Carnac sont encore debout des blocs de pierres rangés sur des lignes parallèles loin de toute carrière connue[9] ; cette gigantesque merveille n'est pas le résultat d'une convulsion de la nature ; un volcan n'a pu produire cette régulière construction. Quelle troupe de géants a donc remué ces pierres pour en former des autels couverts de fissures d'où le sang des victimes humaines coulait à flots ? Les monuments de la plaine Lockmariaker gardent plus profondément encore les traces de la main de l'homme. Terre étrange que la Bretagne, où le culte des druides était dans sa sauvage puissance ! l'île de Sein était le séjour des divinités fatidiques, maîtresses des tempêtes. Le mont Belen, consacré à Belénus, était habité par la fée des écueil s ; les noms les plus lamentables, les plus tristes étaient murmurés dans la forêt des pleurs, bois touffus où s'accomplissaient les sacrifices. Ceux qui ont cherché dans les druides, des penseurs et des civilisateurs n'ont jamais parcouru ces sombres contrées semées d'abominables autels[10] trempés du sang des victimes humaines.

Cette barbarie régnait aussi profonde parmi les tribus de la grande île des Bretons et des Pictes, en face des Gaules ; la plus puissante de ces tribus s'appelait Breit (en langue primitive peint) ces insulaires se teignaient le visage et le corps. Les hardis navigateurs carthaginois et tyriens connaissaient les îles Baratanac (en langue punique terre d'étain), parce que l'étain recueilli jusqu'à fleur de terre[11] était l'objet d'un grand commerce ; s'il y avait quelque civilisation sur les côtes, au-delà de ces limites l'esprit aborigène se maintenait dans l'état sauvage ; selon Pline et Strabon, l'aspect des naturels était effrayant : de longs cheveux incultes pendaient jusqu'à la ceinture ; quelques-uns les faisaient revenir sur leur tête (comme les Comanches de l'Amérique) ; ils ne portaient pas la barbe ; couverts de peaux arrachées aux buffles et aux loups de mer, ils étaient tatoués de bleu. Dans des champs incultes ils gardaient les troupeaux, en s'exterminant dans des combats acharnés. Ainsi étaient les Bretons.

Les Carthaginois, maîtres du commerce de l'Espagne, avaient porté un peu de civilisation parmi les tribus campées entre les Pyrénées et les colonnes d'Hercule ; le hardi navigateur Hannon, après avoir côtoyé l'Afrique, avait visité les rivages de la Bretagne et de la Frise. L'Espagne possédait le sol le plus riche en métaux précieux, les mines d'argent d'une exploitation facile en faisaient comme le riche pays des Hespérides[12]. On doit croire même que la fable de Jason et de la conquête delà Toison d'or n'étaient que le récit du premier voyage de découvertes aux colonnes d'Hercule ; les véritables Argonautes étaient les Tyriens et les Carthaginois ; les Hespérides devaient être le Portugal (Portus-Galiæ, la porte des Gaules).

Les Gaulois, parmi les Celtes, étaient les tribus essentiellement émigrantes. L'abréviateur si exact des fastes romains, Justin, raconte que déjà sous les Tarquins une multitude de trois cent mille Gaulois[13] vint comme un torrent se jeter, l'une sur la Pannonie, l'autre sur l'Italie. Plutarque ajoute que ces barbares étaient d'une forte stature, belliqueux et capables de porter leurs armes aux extrémités du monde[14]. Avec eux marchaient leurs femmes, leurs enfants (il n'était jamais question des vieillards chez les barbares). Les Gaulois se fixèrent d'abord aux extrémités des Alpes-Maritimes, mais les chauds rayons du soleil devenant insupportables, ils cherchèrent un nouveau campement sur le territoire des Clusiniens (la Toscane) aux pieds des Apennins ; leurs deux chefs s'appelaient Sigovèse, Bellovèse[15].

L'an 363 de Rome, s'éleva Brennus, grand parmi les Gaulois, originaire de la tribu soissonnaise, établie au nord des Gaules où, plus tard, furent bâtis Lutèce et Soissons (Soissons, la plus antique des cités) ; à la tête d'une nouvelle colonie gauloise, Brennus vint jusque sur les bords de l'Adriatique, entre le Métaure et le Rubicon ; sans hésiter il envahit les terres des Romains ; et, lorsque le Sénat leur fit demander de quel droit ils s'emparaient de Ravenne et du Picenum, Brennus fièrement répondit : Que ce droit, il le portait à la pointe de son glaive et sur le tranchant de sa hache[16]. Brennus, avec ses Gaulois, marcha sur Rome, le Sénat lui opposa en vain une armée ; ses débris dispersés portèrent l'effroi jusqu'au Capitole. Le Sénat voulut arrêter les conquérants en déployant la majesté de ses pompes : quatre-vingts vieillards, à la barbe blanche, assis sur les chaises curules attendirent les barbares autour du temple de Jupiter. Un Gaulois, à l'esprit railleur (ainsi était la tribu entière), prit la barbe d'un de ces vieillards immobiles comme des statues ; le sénateur le frappa de son bâton d'ivoire : ce fut le signal du massacre[17].

Sur une des hauteurs de Rome s'élevait le Capitole, temple et forteresse à la fois, comme le Parthénon d'Athènes ; les plus braves d'entre les jeunes Romains s'y étaient renfermés. Rome réduite en cendre, les Gaulois tentèrent de surprendre le Capitole ; par une nuit profonde, ils essayèrent d'escalader les rochers amoncelés autour du temple. Le dictateur Manlius, éveillé par le cri des oies sacrées, s'élança sur les murailles et le Capitole fût pour quelque temps préservé ; enfin, exténués de faim et de besoin, les Romains demandèrent à se racheter ; moyennant mille livres d'or, Brennus consentit à évacuer les terres conquises. Tite-Live, le spirituel légendaire des premiers temps de Rome, raconte que les Gaulois apportèrent de Celui poids, et comme le tribun Sulpicius s'en plaignait, Brennus mit avec insolence son glaive dans la balance en s'écriant : Malheur aux vaincus ![18]

Ainsi étaient les Gaulois, nos pères, victorieux de la race latine et grecque. Un autre Brennus envahit la Macédoine à travers les précipices et les montagnes[19]. Delphes fut sauvée par un de ces miracles des dieux que multipliait l'ingénieuse mythologie : un tremblement de terre, une tempête furieuse couvrit les combattants d'un voile obscur : les Gaulois revinrent en désordre dans la Pannonie ; vingt mille de ces conquérants sous la conduite de Lutacius (originaire de Lutèce) descendirent jusqu'à Byzance. Appelé par Nicomède roi de Bithynie, Lutacius colonisa le pays fertile qui prit le nom de Galatie ou Gallo-Grèce[20].

L'histoire de la colonie phocéenne est surtout curieuse parce que Marseille fut la porte par laquelle les Romains s'introduisirent dans les Gaules. L'an 530 avant Jésus-Christ (cinquante-septième olympiade), sous Servius Tullius, des navigateurs phocéens[21] vinrent débarquer entre le Rhône et le Var ; bien accueillis de la tribu gauloise du littorale, les Phocéens s'unirent par des mariages : ils eurent bientôt à combattre les Liguriens, leurs voisins et les Allobroges, tribu des Alpes ; les Phocéens fondèrent d'autres colonies à Nice, à Antibes et à Agde jusqu'à Arles et Montpellier[22]. Rome, l'alliée de la république des Phocéens, loua ses mœurs, ses institutions, la fécondité de ses terres, ses raisins, suspendus aux vignes, ses bonnes figues, ses bois d'oliviers[23] : Marseille resta la fidèle alliée de Rome dans la lutte contre Carthage. L'historien Justin dit : Les Marseillais ayant fait alliance dès le commencement avec les Romains en remplirent les devoirs avec une extrême fidélité[24]. Des députés de Marseille revenant de Delphes où ils avaient été envoyés pour porter des présents à Apollon, apprirent que Rome avait été incendiée par les Gaulois ; cette nouvelle plongea les Marseillais dans un deuil profond ; ils s'empressèrent de recueillir, tant du trésor public que des libéralités privées, tout l'or et tout l'argent nécessaires aux Romains pour payer aux Gaulois la somme exigée par eux comme prix de la paix.

Les expéditions d'Annibal furent secondées par les Gaulois. Cet appui explique sa marche osée des Pyrénées aux Alpes : Annibal menait à sa suite presque toutes les tribus gauloises : la république de Marseille seule prit parti contre Carthage. Le Sénat de Rome lui décerna le titre de sœur[25]. Elle lui fournit des secours pour repousser les Liguriens, campés sur le territoire de Gènes, de Nice et de la Provence. Le consul Quintus[26] Opimius distribua les terres des Liguriens aux Marseillais : deux légions s'établirent sur le Var pour les protéger[27], tandis que le proconsul Sextius, à quelque distance de Marseille dans un pays tout trempé de sources d'eau chaude, établissait une colonie sous le nom d'Aquæ Sextiæ (Aix)[28]. Il fallait appuyer cette colonie sur l'Italie : Rome commença la guerre contre les Allobroges réunis entre le Rhône, l'Isère jusqu'au lac Léman.

Les Allobroges avaient des alliés parmi les Gaulois du centre : les Averniens (Auvergnats). Le consul Q. Fabius les rejeta au bord de l'Isère après un grand carnage. Rome n'incorpora pas d'abord l'Auvergne à son territoire, il fallait marcher progressivement. Quant aux Allobroges, leur sol touchait aux Alpes et à l'Italie ; il fut réuni à ce que les Romains commençaient à nommer la Province (depuis la Provence). Des bords du Rhône partit le consul Marcius-Narbo, pour fonder une nouvelle colonie romaine sous le nom de Narbonne.

L'an 651 de Rome fut marqué par la grande invasion des Cimbres et des Teutons (les Celtes Germains). Ces barbares trouvèrent des alliés parmi les Gaulois : les plus ardents, les Tectosages, avaient pour cité principale Toulouse. Marins les attaqua dans les plaines de la Crau, ou au pied de la montagne Sainte-Victoire[29] : leurs os blanchirent le sol à plusieurs lieues. Les Tectosages firent leur soumission, de sorte que la Province agrandie comprit le territoire qui s'étend du lac Léman jusqu'à l'Isère, avec la colonie d'Aix, le haut et le bas Languedoc, Narbonne et Toulouse ; l'Auvergne resta seulement tributaire sans jamais se séparer de Rome. L'organisation ferme et vigoureuse des Romains avait porté l'ordre, la force, la civilisation, l'obéissance dans la Gaule conquise. Marins mit la dernière main à l'organisation de la Province romaine.

Il était important de bien préciser l'état des possessions gallo-romaines pour justement apprécier les campagnes de César dans les Gaules. Marius proscrit, personne ne parla pins de sa victoire sur les Cimbres qui avait sauvé les colonies romaines : le Sénat abaissé décernait à César tous les honneurs du triomphe après ses expéditions si faiblement conduites, entremêlées d'échecs, deux fois impuissantes dans la Germanie et la Bretagne, et qui avaient dévoré douze légions. César écrivant ses Commentaires, n'eut pas de contradicteurs, ni de critique : quand le Sénat le plaçait parmi les constellations célestes, qui aurait osé contredire César ? Jules César, l'émule de Catilina, perdu d'honneur et de dettes à la fin de son triumvirat avec Pompée et Crassus reçut le gouvernement des Gaules[30]. Il était à Rome an milieu des intrigues de ses amis dans le Sénat, lorsque les Helvétiens (les Suisses) quittèrent leurs montagnes pour chercher un établissement dans les Gaules centrales : César accourut pour les protéger. Cette expédition au milieu des Alpes rencontra des obstacles : les Helvétiens se défendirent avec désespoir ; les jeunes, les forts descendirent le Haut-Rhin pour se réfugier en Germanie[31].

César suivit les Helvétiens dans leur retraite jusque chez les Germains, vaillantes tribus qui sous leur chef Arioviste étaient venues sur le Rhin. César temporisa, négocia pour attendre ses légions dispersées ; des qu'il put disposer de ses forces, il livra bataille près de Béfort. A l'exemple des Germains, les Belges, les plus intrépides parmi les Gaulois, passèrent la Sambre, et avec eux les Frisons, peuple étrange et féroce fort redouté des Soissonnais, et des tribus de la Marne et de la Seine, un peu civilisées par le contact de la Province romaine ; auxiliaires de César, ils marchèrent contre les Belges. Les dispositions furent lentes et tardives ; sur la Sambre, l'armée romaine, surprise, se défendit héroïquement avec des pertes énormes ; la discipline, la persévérance, le courage des légions enfin assurèrent la victoire.

Après ces pacifications timides, César revint à Rome où l'attendaient des arcs de triomphe, les actions de grâces aux dieux immortels. On soutenait sa dictature ; ses lieutenants continuaient des expéditions plus heureuses contre les Gaulois divisés ; ces tribus combattaient seules, l'une après l'autre et quelquefois même l'une contre l'autre. Galba[32] s'assura une libre route sur les Alpes au milieu des Helvétiens et Crassus s'empara du pays des Nannètes (Nantes, la Bretagne). Les Bretons, navigateurs intrépides, accoutumés aux tempêtes étaient plus inconnus encore aux Romains que les Gaulois. César, retenu à Rome par ses intrigues politiques, écrivit au jeune Crassus de préparer dans la Loire la construction de navires longs[33] et des galères à la rame, capables de prendre aussitôt la mer. Les barques des Bretons étaient éperonnées, fortement charpentées ; leurs voiles de peau de mouton tannée résistaient aux grands vents du Nord et aux tempêtes du golfe de Gascogne. Pour les aborder, les Romains se servirent de crocs en fer qui déchiraient ces voiles ; comme les Bretons n'étaient pas accoutumés à la rame, les galères prirent la supériorité. César ne vint au camp que lorsque ces travaux furent achevés ; il en laissa le soin à Brutus, le jeune patricien qui devait le frapper au pied de la statue de Pompée[34]. Dans l'opinion de César, la Bretagne gauloise ne pourrait être soumise que lorsqu'elle ne recevrait plus les secours de cette grande île qui se déployait en face comme un monstre de mer. Il croyait également que les provinces du centre des Gaules resteraient effervescentes, tant que les Germains ne seraient pas domptés : deux expéditions furent donc simultanément résolues. Les légions jetèrent en quelques jours un vaste pont sur le Rhin en face de Cologne. Ces vétérans étaient à la fois pontonniers, marins, constructeurs. César passa le Rhin en face des forêts profondes et des marais pestilentiels. Les députés germains accourus à sa rencontre lui dirent : Pourquoi passes-tu le Rhin ? Cette terre est à nous comme la Gaule est à toi. Ainsi averti, César, presque sans combattre, se hâta de traiter avec les Germains.

L'expédition contre l'Angleterre appela César sur la Loire où ses lieutenants avaient préparé la flotte : deux légions seulement furent embarquées sur soixante-dix galères à rames. Les Romains connaissaient mal le flux et le reflux des marées, les courants, ou les tempêtes de la Manche, derrière les populations un peu civilisées des côtes, campaient des multitudes aborigènes : surprises dans les marées de la Tamise, les légions furent déchirées par le choc des chariots. César, forcé d'abandonner l'île des Bretons comme il avait évacué la Germanie, revint à Nantes pour accomplir un second voyage à Rome où l'attendaient les brigues populaires[35]. Au milieu de Rome agitée, César ne cessait d'écrire à Brutus, à Cassius, à Cicéron pour leur recommander de construire de nouveaux navires capables de lutter contre la haute mer et les marées. Arrivé au camp, tout était prêt pour l'embarquement de cinq légions et quinze cohortes[36]. Elles abordèrent vers la Tamise : à mesure que les Romains s'avançaient, les barbares se retiraient au milieu des bois, enlevant les vivres, coupant les communications ; la tempête vint à leur secours et César dut encore renoncer à son expédition. Ces disgrâces des Romains dans l'île des Bretons favorisèrent l'insurrection générale des Gaules. La légion de Sabinus fut tout entière massacrée[37]. Cicéron, le lieutenant de César environné par les tribus soulevées, s'abrita derrière de forts retranchements comme savaient en faire les légions. César accourut encore de Rome au bruit de cette insurrection qui gagnait des extrémités au centre : de Liège et de Trêves jusqu'au pays de Sens, de Chartres et d'Orléans ; ces populations concentrées autour de Lutèce, César les calma par des paroles et des engagements. Il promit l'assemblée générale des Gaules, témoignage public de liberté et de nationalité ; dès lors il put se porter sur le Rhin ; partout il trouva une résistance ferme, obstinée. L'expédition de Germanie échoua comme l'expédition d'Angleterre : César avait plus d'ambition, de témérité, que de génie. Alors circulèrent parmi les Gaulois mille rumeurs sur les impuissances de Rome et les déchirements de la République. Une nouvelle insurrection éclata : les Camutes (les Gaulois du pays de Chartres) furent entraînés par les Avemes (Auvergnats) et de cette race vigoureuse s'éleva Vercingétorix (le grand chef)[38] : les Senonais (Sens), les Pictones (Poitevins), les Cadurques (Quercy), les Turons (Tours), Aulerques (Évreux), Lemoviques (Limousins), Andes (Anjou), l'acclamèrent. Vercingétorix prit les mesures les plus énergiques pour réunir dans ses mains tous les pouvoirs : aux villes incertaines, il demanda des otages, aux fidèles des sacrifices. L'enthousiasme, il faut le reconnaître, ne fut pas général et la levée des Gaules incomplète : César avait divisé, énervé les résistances ; des villes envoyaient leur soumission aux Romains[39]. Bien des Gaulois à une liberté barbare, préféraient la civilisation romaine avec ses attraits de douceur et de repos qui pénétrait par la Province (Narbonne, Toulouse). D'après le récit de César, ces pays étaient déjà couverts de villes commerçantes. Autour de la boueuse Lutèce étaient bâties les villes de Melun, Autun, Sens, Orléans : dans les rangs de l'armée de César et sous le titre d'alliés se trouvaient des Gaulois et des Germains[40]. L'armée de Vercingétorix compta bien des faibles et des découragés : l'habileté de César fut de s'attirer des alliés, de leur acheter des vivres, des chevaux et d'imprimer partout à ses légions, à ses cohortes cette persévérance, cette énergie qui ne se décourageaient devant rien ; les soldats romains, ingénieux ouvriers, inventaient des machines de guerre ; au milieu des marais, ils construisaient des routes mobiles en bois ; une seule nuit suffisait pour abattre une forêt ; mille légionnaires se mettaient à l'abri des traits sous une toiture d'osier.

Les opérations de cette dernière campagne de César se renfermèrent dans un cercle étroit entre Paris, Sens, Bourges, Orléans. Ici pour la première fois il est question d'Alise[41], ville mystérieuse, comme ces cités des Astèques qu'on trouve dans les pampas du Mexique. Alise devait être considérable, puisque Vercingétorix y abrita une armée de quatre-vingt mille hommes : aujourd'hui tous les débris sont disparus sous les champs cultivés : quelques colliers d'or, des chaînes, des armures indiquent seulement qu'autrefois une ville célèbre, la cité gauloise existait là, vivante, animée. Vercingétorix restait isolé avec une armée sans discipline, composée de désespérés et de fatigués : il livra bataille ; il fît des prodiges et la perdit. César, implacable contre ceux qui résistaient, se montra généreux envers les Gaulois qui revenaient librement se placer sous la domination romaine. Vercingétorix crut à cette clémence : César avait trop d'intérêt à finir la guerre des Gaules pour ne point accepter la soumission du grand chef. Placé sur son tribunal, entouré de ses licteurs et de la cohorte germaine, il reçut les Gaulois vaincus, le saluant de leurs acclamations. Vercingétorix, fier même encore dans sa défaite, à la manière des barbares fît caracoler d'une façon très-audacieuse son cheval autour du prétoire et déposa son javelot, son glaive aux pieds de César. Vercingétorix fut traité en vaincu ; Rome n'était généreuse qu'avec ceux qu'elle ne redoutait plus.

Tout fut environné d'un grand éclat ; César préparait son triomphe au Capitole ; homme politique, il voulait accomplir ses projets de dictature. Les mille trompettes retentirent pour acclamer le vainqueur et le pacificateur des Gaules[42] ; on exagéra l'importance du service pour en obtenir un plus grand prix. Vercingétorix, attaché au char de la victoire parmi les esclaves et les vaincus, fut livré à la hache des licteurs. Ce n'étaient pas seulement les divisions intestines des Gaulois qui avaient aidé César dans sa pacification et ses conquêtes, mais encore les charmes de la civilisation romaine qui pénétrait les Gaules de toute part ; ces municipes de la Province ne songeaient qu'au repos, les temps d'énergie étaient finis. Si les campagnes de César furent tant exaltées, c'est que lui et ses amis voulaient réaliser son triomphe politique. Cicéron, Brutus, Crassus qui avaient préparé la soumission des Gaules, appartenaient au parti hostile à César, il en fut à peine parlé dans le Sénat. Le véritable sauveur des Gaules, Marius, le vainqueur des Cimbres, avait préservé la Province (Provincia). Mais la gloire de Marins aurait obscurci celle de César. En politique on n'exalte que les amis qui peuvent vous servir[43]. Notre histoire moderne a tant vu de ces victoires qui donnent le pouvoir : témoin Marengo.

Les Commentaires de César, œuvre toute personnelle ont néanmoins ce grand intérêt de nous faire connaître les habitudes, la topographie des Gaules ; on se tromperait toutefois en acceptant comme le tableau des primitives mœurs les récits de César ; il s'était opéré une notable modification depuis l'organisation de la Province romaine. A l'époque de leur pacification absolue, les Gaules avaient accepté des Romains un mélange d'idées religieuses et municipales ; des villes avaient été construites, là où n'existaient naguère que des huttes de terre, des cabanes de bois ou de roseau. Les Commentaires de César[44], développent même à l'occasion du druidisme un système de religion et de philosophie. Gomme les Gaulois n'écrivaient rien sur les dogmes et les traditions, il serait difficile de recueillir précisément leur théogonie et leurs mystères César n'a pas même laissé aux divinités Celtes les noms Teutoniques de Tentâtes, Taranis, Hésus, Belenus ; il les appelait Jupiter, Mercure, Esculape : l'école d'Alexandrie avec son mysticisme, prêtait aux druides les théories enseignées par les prêtres égyptiens, la métempsycose, comme l'enseignait Pythagore. Les druides sous les vieux chênes, formaient un collège de prêtres sombres et inflexibles. Avec les bardes ou poètes étaient les eubages ou sacrificateurs, les victimes humaines tombaient sous leur couteau : Qui ne sait, s'écrie Cicéron, que les Gaulois ont conservé jusqu'à ce jour, l'horrible coutume d'immoler des victimes humaines[45]. — Les Druides pensent, ajoute César, que les victimes les plus agréables aux dieux sont les hommes qui ont commis des vols, des larcins ou autres actions horribles, mais lorsque ceux-ci manquent, ils immolent même les innocents[46]. Comme chez toutes les nations sauvages, les prêtres ou devins exerçaient un prestige illimité. Dans les forêts sombres, le tonnerre, la tempête étaient des présages sinistres que les conjurations et les sacrifices détournaient. Où donc trouver ces collèges de Druides d'une sagesse suprême qui selon une école de fantaisie, ont civilisé les Gaules avant l'action salutaire des évêques, les grands citoyens après la conquête romaine. Les Gaulois formaient plutôt une association de tribus qu'une nation : toutes ces tribus au nombre de quatre-vingts ou cent avaient un nom distinct sous un chef élu ou héréditaire ; César donne le titre de sénat à des assemblées qui délibéraient sur la paix et la guerre. Les véritables municipes appartiennent à la domination romaine.

La stature des Gaulois était haute, leur teint blanc et leurs cheveux d'un blond ardent. Virgile, qui écrivait sous Auguste à l'époque où les Gaulois formaient déjà une légion autour de l'empereur, en parle ainsi : Ils ont une chevelure couleur d'or ; ils brillent sous leurs saies bariolées et leur cou, blanc comme le cygne, est chargé d'un collier[47]. Les bijoux, les vives couleurs plaisaient aux Gaulois : la saye, ce vêtement national, d'abord de laine grossière, puis de riches étoffes tombait comme une tunique jusqu'aux genoux. Dans les bas-reliefs des arcs de triomphes on reconnaît les Gaulois à ce vêtement ; quelquefois une peau de bête fauve pend derrière leur dos à la manière des Germains. Dans les rares tombeaux primitifs avant la fusion romaine, à côté des ossements gigantesques, on trouve des haches faites en os, peu en fer, quelques anneaux, de petites statuettes des dieux grossièrement travaillées.

L'industrie des Gaulois se réduisait aux choses nécessaires à la vie ; les débris de maisons gauloises ressemblent aux huttes de la Nouvelle-Zélande ou des Esquimaux. Pour se vêtir, on tissait la laine grossière et l'on découpait la peau des bêtes fauves ; les murailles et les retranchements pour la défense des cités étaient construits avec des abatis de bois et des terres argileuses ; on a trouvé quelques instruments de combat, des massues, des pieux, des crocs en fer. Dans les Gaules couvertes de mines, les ouvriers durent connaître l'art d'en extraire les métaux : depuis les Pyrénées jusqu'aux Cévennes, l'or, l'argent, était à fleur de terre ; les rivières en roulaient des parcelles. Il existe peu de monnaie de cette primitive époque : toutes appartiennent à la domination gallo-romaine. On a conservé quelques médailles authentiques de la république de Marseille et des deux colonies d'Aix et de Narbonne, mais le caractère grec et romain domine[48]. Quand les quarante peuples des Gaules élevèrent un autel à Auguste, ils étaient déjà sous sa domination.

Tacite indigné du scandaleux spectacle donné à Rome par les matrones et les prêtresses de la bonne déesse[49], a exalté avec enthousiasme la chasteté des femmes de la Germanie, la puissance qu'elles exerçaient dans la famille et même dans les conseils de la nation ; les sagas, les chants des scaldes célébraient aussi la puissance des vierges de l'Edda, mais la condition de la femme chez les barbares était généralement la servitude. Tandis que l'homme vigoureux parcourait les terres pour la conquête et la chasse, la femme assise au foyer préparait la nourriture, filait la laine, tissait les vêtements. Lorsqu'une émigration était décidée, la femme suivait, portant l'enfant sur son dos ou le tenant par la main durant les longues et pénibles routes (les bas-reliefs le constatent). La superstition attachait un caractère vénéré à certaines prêtresses d'un culte secret, la devination de l'avenir. Selon César, Diodore de Sicile, Pline le jeune, historiens de l'époque augustale, le vêtement des femmes gauloises était une tunique blanche qui descendait jusqu'aux pieds et laissait la poitrine découverte ; elles mettaient une certaine coquetterie dans l'ajustement de leurs cheveux, dans les ornements de leur cou, de leurs bras ; ce luxe devint même effronté sous la domination romaine et Ton citait des matrones d'Autun, de Narbonne, de Lyon pour la finesse de leur péplum, la richesse de leur collier, de leurs bracelets de corail.

De cette étude sur les Gaules, il résulte pour nous la conviction qu'il n'existe aucun document primitif sur l'histoire, les croyances des anciens Gaulois (nos ancêtres) avant les Romains : tout se borne à des conjectures systématiques sur le culte et la civilisation des Gaules. On a pris les visions des Alexandrins, ces rêveurs du polythéisme, pour les enseignements du Druidisme ? Contemplez plutôt les pierres monstrueuses, les blocs de Lockmaria, les autels druidiques. Là se voient encore les fissures d'où s'écoulaient les gouttelettes de sang des victimes humaines : la civilisation est-elle venue jamais de ces horribles mystères qui s'effacèrent lentement sous l'influence du christianisme ?

 

 

 



[1] Dom Bouquet, dans son admirable préface en tête du grand recueil : Hist. rer. Gallic., a donné tous les textes qui se rattachent à l'origine des Gaulois.

[2] Strabon, lib. Ier.

[3] César dit qu'il fallait neuf jours pour traverser la forêt Hercynienne : Hujus Hercynis silvæ.... latitudo novem dierum iter expedito patet. Comment., liv. VI, cap. XXV.

[4] Est bos cervi figura.... Tertium est genus eorum, qui Uri appellantur. Hi suot magnitudine infra elephantos. Comment., cap. XXVIII. Les molosses paulo existaient encore du temps de Charlemagne.

[5] Aujourd'hui le mont Saint-Michel.

[6] Malte-Brun, qui avait profondément étudié la question, a recueilli les preuves dans sa Géographie (liv. XIV) : Notes sur la découverte de l'Amérique.

[7] Le nom de Gaulois ne fut entièrement accepté que lorsque celui de Celte fut abandonné : Verum ut Galli appellarentur, non nisi sero usus obtinuit. Celtas cum ipsi se antiquitus, tum alii eos nominabant. (Pausanias, lib. L.) Les vrais Gaulois étaient appelés par les Grecs : Galates.

[8] Diodore de Sicile, liv. V.

[9] Cambry compte quatre mille de ces dolmens. M. de La Sauvagere, dans son Recueil des Antiquités de la Gaule, en a fait une description exacte.

[10] Nous reparlerons plus tard de cette école qui a voulu faire honneur aux Druides de la civilisation des Gaules pour nier les bienfaits des Évêques chrétiens.

[11] Les Grecs donnaient aux îles des Bretons le nom de Casseteri (étain).

[12] Pline dit que les Phéniciens, les Carthaginois avaient fondé de nombreuses colonies en Espagne.... In universam Hispaniam M. Varo pervenisse Iberos, Phœnices et Pœnos tradit. Pline, lib. III, cap. III.

[13] Trecenta millia.... Justin., lib. XIV, cap. I.

[14] Plutarque, in Camille.

[15] C'est Tite-Live qui donne aux chefs gaulois ces noms de Sigovèse et Bellovèse. Il les a évidemment latinisés.

[16] Cette mise en scène est écrite avec beaucoup d'art par Tite-Live, lib. V, cap. XLVIII.

[17] Polyen ajoute que les Gaulois étaient un peu enclins au vin : Natura autem celtica gens ad vinum proclivis est (lib. VIII, cap. XXV).

[18] Pondera ab Gallis allata iniqua, et, tribuno recusante, additus ab insolente Gallo ponderi gladius ; auditaque intoleranda Romanis vox : Væ victis esse. (Lib. VIII, cap. XXV.)

[19] Telle était la fierté courageuse des Gaulois que, selon le récit de Strabon, ils ne craignaient rien que la chute du ciel : Nihil sane,nisi forte cœli casus obruarentur. (Liv. VII.)

[20] Les Phéniciens occupaient déjà le littoral ainsi que le constatent des inscriptions découvertes récemment.

[21] Aristote dit que c'étaient des marchands de Phocée, ville d'Ionie. Sénèque ajoute : Phocide relicta, Graii qui nunc Massiliam colunt.

[22] Strabon, liv. IV, p. 180.

[23] Cicéron surtout ne tarit pas d'éloges sur Marseille : Sic optimatum consilio gubernatur, ut omnes ejus instituta laudare facilius possint quam imitari. (Cicéron, Orat. pro Flacco.)

[24] Justin dit : Cum Romanis prope ab initie conditæ urbis fœdus summa fide custodierunt auxiliisque in omnibus bellis industrie socios juverunt. (Liv. XLIII, cap. III.)

[25] Polybe, liv. III, chap. VIII, traduction de D. Thuillier.

[26] An de Rome 599.

[27] Polybe, Ambassades, 194 : Quintus Opimius consul Transalpinos Ligures, qui Massiliensium oppida Antipolim et Nicæam vastabant, subegit. (Tit. Liv., lib. XLVII.) Les légions s'établirent sur le beau territoire où se trouvent aujourd'hui Grasse et Fréjus.

[28] C. Sextius proconsul, victa Salviorum gente, coloniam Aquas Sextias condidit, aquarum copia, et callidis et frigidis fontibus, atque a nomine suo ita appellatas. (Tit. Liv., Épitomé, lib. LXI.)

[29] Tite-Live avoue que c'en était fait de Rome, si le siècle n'avait pas produit un Marius : Actum erat nisi Marius illi sæculo contigisset. Il existe de nombreuses dissertations sur le lieu où fut donnée la grande bataille de Marius contre les Cimbres. J'ai visité le champ de la Crau couvert de cailloux.

[30] Après son premier consulat, l'an 693 de Rome.

[31] Commentaires de César, liv. Ier, ch. II : l'empereur Napoléon Ier a commenté lui-même les campagnes de César et les juge avec une grande sévérité. Les notes sur les Commentaires sont un travail bien supérieur à la Vie de César.

[32] C'est le Galba qui, vieillard, fut élu à l'empire.

[33] .... Naves interim longas ædificari io flumine Ligere quod influit in Oceanum, remiges ex Provincia institut, nautas gubernatoresque comparari jubet. (Cæsar, lib. III, cap. IX.)

[34] Les lieutenants de César dans les Gaules : Crassus, Galba, Brutus, Cassius se dessinèrent plus tard contre ses projets ambitieux.

[35] Les deux expéditions de Germanie et d'Angleterre forment le IVe livre des Commentaires. L'empereur Napoléon Ier dit : César n'avait pas assez réfléchi sur les forces nécessaires à une expédition de cette importance ; elle tourna à sa confusion.

[36] D'après l'empereur Napoléon Ier, cinq légions complètes formaient un effectif de 40.000 hommes. Ne pas confondre ces Commentaires si remarquable écrits à Sainte-Hélène avec la Vie de César.

[37] Paucis ex prælio elapsi, incertis itineribus per silvas ad Labienum legatum in hiberna, perveniunt.... (Cæsar, lib. V, cap XXXVII.) Le massacre de la légion de Sabinus, dit Napoléon Ier, est le premier échec sérieux que César ait reçu dans les Gaules.

[38] Tous les noms gaulois donnés dans les Commentaires de César sont plutôt des titres de dignités que des noms propres. Ainsi, dans la langue celtique : ver-cinn-cedo-righ dont César a fait Vercingétorix signifie grand chef, et cinn-cedo-righ (Cingétorix), chef de cent têtes.

[39] Les Commentaires indiquent les noms des populations qui firent leur soumission et se lièrent à César. (Liv. III.)

[40] Les cohortes germaines prêtèrent un grand concours à César : Laborantibus nostris Cæsar Germanos submittit.... tum Germani acrius usque ad munitiones sequantur.

[41] Alise, d'après le récit de Diodore de Sicile, était une cité fort ancienne, qui devait sa fondation à Hercule : les travaux de d'Anville, Malte-Brun, Walkenær, la placent sur le mont Auxori, près de Semur. L'esprit courtisan a récemment multiplié les recherches sur la ville d'Alise.

[42] César se hâta de donner avis au Sénat de Rome de cette pacification ; des actions de grâce, des fêtes, qui durèrent plus d'un mois, furent célébrées à Rome : His rebus, litteris Cæsaris cognitis Romæ, dierum XX supplicatio redditur. C'est par ces mots que se terminent les Commentaires de César.

[43] Crassus, le véritable vainqueur des Gaules, périt dans l'expédition des Parthes : Cicéron s'était un moment rallié à César ; Brutus, tout jeune encore, prit parti dans la conjuration.

[44] L'édition princeps des Commentaires est celle-ci : Caii Julii Cæsaris opera, Rome, 1469.

[45] Cicéron, Orat. pro Fonteio.

[46] César, Comment., lib. VI, cap. XVI. L'étymologie celtique du mot Druide, est homme des forêts ou de chêne.

[47] Enéide, lib. VIII, v. 655.

[48] Voyez Le Blanc, Traité des Monnaies ; il donne toutes les médailles franco-gauloises. Plusieurs mémoires de l'ancienne Académie des inscriptions sont consacrés aux mœurs, aux habitudes des Gaulois. Dom Bouquet a tout réuni dans son admirable préface Hist. Gallic. La prétentieuse et bruyante érudition moderne n'a rien ajouté à ces matériaux.

[49] Tacite écrivit son livre de Moribus Germanorum.