LE PORTORIUM : DOUANES, PÉAGES, OCTROIS CHEZ LES ROMAINS

ÉTUDE HISTORIQUE, GÉOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIVE

 

THÈSE POUR LE DOCTORAT ÈS LETTRES

PAR RENÉ CAGNAT

PARIS - THORIN - 1880

 

 

INTRODUCTION. — DES IMPOTS INDIRECTS CHEZ LES ROMAINS.

 

CHAPITRE PREMIER. — CE QUE LES ROMAINS ENTENDAIENT PAR PORTORIUM.

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE DEUXIÈME. — HISTORIQUE DU PORTORIUM.

CHAPITRE TROISIÈME. — CIRCONSCRIPTIONS DOUANIÈRES DE L'EMPIRE ROMAIN. TAUX DU PORTORIUM DANS CHACUNE D'ELLES.

CHAPITRE QUATRIÈME. — MODE DE PERCEPTION DU PORTORIUM.

CHAPITRE CINQUIÈME. — QUELLES ÉTAIENT LES MARCHANDISES ET LES PERSONNES. SOUMISES À L'IMPÔT DU PORTORIUM. QUELLES ÉTAIENT CELLES QUI EN ÉTAIENT EXEMPTES.

CHAPITRE SIXIÈME. — QUELLES ÉTAIENT LES LOIS QUI PROTÉGEAIENT LES PUBLICAINS CONTRE LES MARCHANDS. QUELLES ÉTAIENT CELLES QUI PROTÉGEAIENT LES MARCHANDS CONTRE LES PUBLICAINS.

CHAPITRE SEPTIÈME. — DANS QUELLES CAISSES ÉTAIT VERSÉ LE PRODUIT DE LA FERME DU PORTORIUM.

 

DEUXIÈME PARTIE.

CHAPITRE HUITIÈME. — DES PÉAGES.

 

TROISIÈME PARTIE.

CHAPITRE NEUVIÈME. — DES OCTROIS.

 

ÉPILOGUE.

 

 

INTRODUCTION

Des impôts indirects chez les Romains.

 

Les Romains n'ont jamais distingué par un nom particulier ce que nous appelons aujourd'hui impôts indirects. Ils ne reconnaissaient que deux sortes d'impôts, les tributa et les vectigalia.

Par tributa, ils désignaient des impôts que notas classons maintenant parmi les taxes directes, contribution foncière et personnelle ; par vectigalia, ils entendaient les autres revenus de l'État, sans distinction, aussi bien les taxes indirectes que les revenus du domine public[1]. Ce mot avait encore une plus grande extension : il s'appliquait à certaines redevances qui n'étaient que la rétribution de services rendus aux particuliers par l'État ou les villes ; par exemple, le prix que l'on payait pour avoir le droit d'amener dans sa maison l'eau des aqueducs était regardé comme un vectigal. On se servait même de ce terme pour désigner des impôts qui sont assimilés chez nous aux contributions directes : c'est ainsi que la redevance payée par les possesseurs des mines sur les produits qu'ils en retiraient est comprise chez les Romains parmi les vectigalia.

Il faut donc, pour distinguer les impôts indirects des autres vectigalia, emprunter le secours d'idées toutes modernes. On distingue de nos jours deux sortes d'impôts, l'impôt direct et l'impôt indirect. L'impôt direct est celui qui est perçu d'après des rôles dressés à l'avance, et qui est réclamé directement à la personne du débiteur que l'Etat s'est donné. L'impôt indirect, au contraire, est celui qui n'est pas demandé directement à la personne, mais à la chose, qui est perçu à l'occasion d'un fait sans s'embarrasser de savoir de qui ce fait provient[2]. Nous n'avons pas à discuter ici la valeur absolue de cette distinction qui a fait et fait encore l'objet de plus d'une controverse ; qu'il nous suffise de remarquer que le mode de perception est la base de la distinction établie entre les contributions directes et les contributions indirectes. Peut-on dresser à l'avance des rôles où l'on marquera le nom du contribuable et la somme dont il sera redevable, il y a impôt direct ; sinon, impôt indirect. Si, d'après cette définition, on cherche à distinguer parmi les vectigalia quels sont ceux qui méritent le nom d'impôts indirects, on en trouvera quatre principaux : les portoria (douanes et péages), la vicesima hereditatium (impôt sur les successions et les legs testamentaires), la visesima libertalis (impôt sur les affranchissements), et la centesima ou ducentesima rerum venalium (impôt sur les ventes à l'encan). On peut encore ajouter à cette liste d'autres taxes moins importantes, mais qui ont bien le caractère de taxes indirectes : l'impt sur la vente des esclaves, certains octrois, celui de la ville de Rome, l'impôt sur le sel dont la vente fut quelque temps réservée à l'État[3], et la quadragesima litium ou impôt sur les procès qui se plaidaient dans toute l'étendue de l'empire.

Les impôts indirects n'apparaissent à Rome que relativement assez tard. Chez les Romains, comme à l'origine de toute société, les premiers revenus publics se tirèrent du domaine ; c'est ainsi que, dès les temps les plus reculés, on voit l'État affermer ou concéder à des particuliers une partie des terre qu'il possède (loca publica, ager publicus), moyennant certaines redevances qui formaient alors à peu près les seules ressources du trésor[4].

Il est pourtant fait mention déjà d'une contribution indirecte, le portorium, c'est-à-dire, d'un impôt à payer lorsqu'on franchissait les limites de terre ou de mer de la cité romaine. Certains auteurs[5] prétendent qu'il ne faut pas considérer le portorium, tel qu'il était alors établi, comme un impôt indirect, mais bien plutôt comme un revenu domanial ; ce n'est pas, suivant eux, en vertu d'un droit régalien que l'État l'exigeait, mais en vertu d'un droit de propriété. Les rivages étaient considérés, dans l'antiquité, comme des loca publica ; il en était de même des limites de terre (limes), qui n'étaient point une ligne mathématique tracée autour d'un champ ou d'un pays, pour les séparer des champs ou des pays voisins, mais un chemin public, une bande de terre appartenant à tout le monde ; de même qu'il fallait payer un droit (scriptura) pour conduire ses troupeaux dans un pâturage, de même, on était obligé d'acquitter le portorium pour passer avec ses marchandises sur les rivages ou les limites de terre de la cité romaine. Il se peut que tel ait été au début le caractère du portorium, mais, ce qui est certain, c'est que cet impôt devint une taxe indirecte, sinon en théorie, du moins dans la réalité.

Quoi qu'il en soit, les revenus du domaine couvraient les dépenses ordinaires ; pour faire face aux dépenses exceptionnelles qui furent bientôt nécessaires, par exemple, aux frais de guerre et à la solde des troupes, on fut contraint d'avoir recours à l'impôt direct (le tributum) qui, dès lors, concourut avec les revenus du domaine à constituer la richesse publique.

L'impôt sur les affranchissements, qui fut établi en 397=157, était peut-être en fait plutôt une mesure somptuaire qu'une mesure fiscale, mais les sénateurs approuvèrent la loi, dit Tite Live, parce qu'ils comprirent toutes les ressources qu'elle offrait à l'ærarium[6] : c'est donc le premier impôt indirect voulu que nous rencontrions, et jusqu'à la fin de la république Rome n'en connut point d'autres. Il n'y eut plus de portorium en Italie depuis 694=60, et les richesses des provinces soumises suffisaient amplement à entretenir l'État ; les citoyens romains, maîtres du monde, vivaient des revenus des provinces, comme un propriétaire vit du produit de ses terres.

Mais, à la suite des guerres civiles, la situation changea ; les recettes diminuèrent sensiblement en même temps que cessaient les guerres de conquête qui avaient apporté à Rome tant de richesses ; les dépenses, au contraire, augmentèrent ; les frais de l'armée et de l'administration devinrent de jour me jour plus pesants, si bien qu'il fallut avoir recours à de nouvelles taxes pour remplir les trésors de l'État et du prince.

C'est alors que l'on demanda aux impôts indirects les ressources dont on avait besoin ; et ce fut, sous l'empire, un des principes les plus puissants de la richesse publique. Les portoria avaient été rétablis en Italie par César[7] ; le monde entier était divisé en circonscriptions où ils étaient impitoyablement exigés ; la perception de l'impôt sur les affranchissements avait été plus fortement réorganisée ; les successions et les legs testamentaires étaient frappés d'un droit de 5 % ; les marchandises vendues à Rome, les ventes d'esclaves, les ventes l'encan, les procès plaidés par tout l'empire, avaient été successivement imposés par les empereurs : bref, toutes les manifestations de la richesse privée servaient à augmenter celle de l'État.

De plus, tous étaient soumis aux impôts indirects, aussi bien les citoyens romains et les habitants de l'Italie que les provinciaux, et c'est ce qui fait à Rome le caractère particulier de ces impôts. Il n'en était point ainsi de l'impôt direct, qui était regardé dans les républiques anciennes comme indigne d'un homme libre[8] : aussi en avait-on dispensé les citoyens romains depuis la conquête de la Macédoine (587=167)[9], et c'était un des privilèges auxquels ils tenaient le plus. Les impôts indirects, au contraire, ne leur semblaient pas incompatibles avec la dignité de citoyen romain ; ce fait est si vrai que, lorsqu'Auguste voulut établir un impôt sur les héritages, ce qui, somme toute, n'est qu'un impôt direct sur la propriété, mais un impôt direct déguisé, il menaça les Romains de rétablir l'ancien tributum, s'ils ne consentaient point à se soumettre à la mesure qu'il proposait, et ceux-ci acceptèrent un impôt indirect qui ne blessait point leur dignité plutôt que de se voir de nouveau frappés d'une contribution que ne devaient point payer ceux qui possédaient le droit de cité romaine[10].

De même que les impôts indirects avaient été les derniers à s'établir, ils furent aussi les premiers à disparaître ; les empereurs les remirent tous successivement. Après Dioclétien, il ne reste guère plus que le portorium qui persista jusqu'à la fin de l'empire, et qu'on retrouve encore en vigueur au commencement du moyen âge[11]. Ils furent dès lors remplacés par l'impôt direct, qui était à la fois plus productif et plus facile à percevoir[12].

On voit que le portorium est la contribution indirecte la plus importante, puisqu'il a été établi dès les commencements de Rome, et qu'il a survécu à la chute de l'empire : il n'est donc pas étonnant que nous ayons sur cet impôt plus de renseignements que sur tous les autres ensemble. C'est celui que nous nous proposons d'étudier dans ce travail.

 

BIBLIOGRAPHIE[13].

Ouvrages généraux.

BURMANN. — De Vectigalibus populi romani, Leidæ, 1754, in-4° ; chap. V, p. 50 à 76.

DUREAU DE LA MALLE. — Économie politique des Romains, Paris, 1840, 2 vol. in-8° ; t. II, p. 447 et suivantes.

MARQUARDT. — Römische Staatsverwaltung, Leipzig, 1873-1878, 3 vol. in-8° ; t. II, p. 261 et suivantes.

NAUDET. — Des changements opérés dans toutes les parties de l'administration de l'empire romain, sous les règnes de Dioclétien et de Constantin, Paris, 1817, 2 vol. in-8°. Cf. surtout t. I, p. 189, note 18.

NAQUET. — Les impôts indirects chez les Romains, sous la république et sous l'empire, Paris, 1875, in-8°, p. 6 et suivantes.

Monographie.

HUMBERT. — Les Douanes et les Octrois chez les Romains. Extrait du Recueil de l'Académie de législation de Toulouse. Toulouse, 1867, in-8°.

 

EXPLICATION DES ABRÉVIATIONS

Allmer, I. V. — Allmer et Terrebasse, Inscriptions antiques et du moyen âge, de Vienne, en Dauphiné.

Annali. — Annali dell' Instituto di Corrispondenza archeologica, de Boissieu. — de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, reproduites d'après les monuments, ou recueillies d'après les auteurs.

C. I. Gr. — Corpus inscriptionum græcarum.

C. I. L. — Corpus inscriptionum latinarum.

Herzog, G. N. — Herzog, Galliæ Narbonensis historia, descriptio, institutionum expositio.

Hirschfeld, Untersuchungen. — Hirschfeld, Untersuchungen auf dem Gebiete der römischen Verwaltungsgeschichte.

Marquardt, Staatsverw. — Marquardt, Römische Staatsverwaltung.

Mommsen, I. C. H. — Mommsen, Inscriptions confœderationis helveticæ latinæ.

Mommsen, Staatsrecht. — Mommsen, Römisches Staatsrecht.

Or. — Orelli-Henzen, Inscriptionum latinarum amplissima collectio.

Renier, I. A. — Renier, Inscriptions romaines de l'Algérie.

Wilmanns. — Wilmanns, Exempta inscriptionum latinarum.

N. B. — Dans les inscriptions où il se rencontrait des lettres liées, nous les avons dédoublées pour faciliter l'impression.

 

CHAPITRE PREMIER

Ce que les Romains entendaient par portorium.

 

Il convient, avant de commencer à étudier l'organisation du portorium à Rome, de déterminer ce que l'on entendait au juste par ce mot. C'est proprement un impôt de transport (porto) établi sur les marchandises qui circulaient à travers le territoire romain et qui devait être exigé au moment où elles passaient à certains endroits déterminés. Nous trouvons ce droit perçu dans trois sortes de lieux :

1° A la frontière, soit de l'empire romain, soit des différentes provinces ou groupes de provinces qui le composaient[14] ;

2° A l'entrée de certaines villes[15] ;

3° Sur des routes ou au passage d'un pont[16].

Le portorium répond donc à trois impôts qui furent jadis en vigueur en France ou qui existent encore : la douane, les octrois et les péages.

La douane, en effet, est un droit qu'il faut payer à l'État, au moment où l'on passe la frontière, pour introduire des produits étrangers ou exporter des produits nationaux ; l'octroi, une taxe établie par une ville, à ses portes, sur les marchandises qu'on y veut faire entrer et perçue à son profit ; les péages étaient certaines redevances imposées au voyageur sur les chemins et mi passage des rivières. Mais les Romains semblent n'avoir jamais fait de différence entre ces trois sortes d'impôts ils n'ont pour les désigner tous qu'un seul mot, celui de portorium.

La seule distinction qu'ils aient songé à établir est d'un tout autre genre ; ils reconnaissaient, en effet, deux sortes de portoria : le portorium maritimum et le portorium terrestre[17] ; le premier se payait dans les ports, le second sur les frontières, de terre de l'empire ou des provinces, aux portes d'une ville, ou sur les chemins.

Nous diviserons donc cette étude en trois parties. Dans la première nous ferons l'historique du portorium, nous exposerons quelles étaient les circonscriptions douanières de l'empire romain, et quel était le mode de perception de cet impôt ; nous examinerons quelles étaient les marchandises et les personnes qui y étaient soumises, quelles étaient, au contraire, celles qui en étaient exemptes ; nous rechercherons quelles étaient les lois qui protégeaient les percepteurs contre la fraude et les marchands contre les percepteurs ; enfin dans quelles caisses étaient versés les produits de cette taxe. Dans la seconde partie nous dirons quelques mots des péages en particulier, et dans la troisième nous nous occuperons des octrois.

Le terme de portorium n'est pas le seul que l'on rencontre dans les auteurs et sur les inscriptions pour désigner l'impôt qui va nous occuper. Les portoria étaient rangés, comme nous l'avons vu, parmi les vectigalia : aussi l'on trouve quelquefois le mot vectigal pour désigner spécialement les droits d'entrée et de sortie des marchandises[18] ; c'était même devenu la dénomination habituelle dans les derniers temps de l'empire[19].

Le mot portus est parfois aussi usité comme synonyme de portorium, et il est à remarquer que ce n'est pas seulement, comme on pourrait le croire, lorsqu'il s'agit de l'impôt à percevoir dans un port, ce qui n'aurait rien que de tout naturel[20]. C'est ainsi qu'on le rencontre officiellement employé à Zraïa[21], en plein cœur des possessions romaines en Afrique.

Enfin le portorium est aussi désigné sous le nom de telonium ou teloneum, surtout lorsqu'il s'agit d'un droit de péage s.

Le mot grec qui correspond à portorium est λιμενικόν[22] ; on trouve aussi dans le même sens τελώνιον[23] ou τέλος[24].

 

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE II

Historique du portorium.

 

Il est impossible de fixer d'une façon précise le temps où le portorium fut établi ; les auteurs ne nous apprennent rien de certain à ce sujet. Vraisemblablement, il était inconnu sous les trois premiers rois ; d'ailleurs, à cette époque, Rome n'avait que fort peu de relations avec les nations étrangères, et aucun port n'était ouvert au commerce. Ancus Martius fonda le port d'Ostie ; peut-être y établit-il en même temps un portorium. Quoi qu'il en soit, cette taxe existait certainement avant l'établissement de la République. M. Mommsen ajoute même[25] que les importations et exportations destinées à la vente étaient soumises à l'impôt, tandis que les marchandises réservées à la consommation personnelle étaient affranchies de toute taxe. Mais rien ne prouve dans les textes qu'il en fût déjà ainsi à cette époque.

La première mention qui soit faite du portorium date de l'année 244=510 ; elle nous apprend que cet impôt était établi à cette époque. On voit, en effet, que, sous la menace d'une guerre contre Porsenna, le sénat, qui craignait la défection de la plèbe, voulut la gagner par des libéralités : il la délivra du portorium et même du tributum, laissant aux riches le soin de fournir à l'État l'argent dont il avait besoin[26]. Cette mesure fut-elle longtemps en vigueur ? on ne le sait pas, mais, plus les limites de la République s'étendaient, plus l'argent devenait nécessairee et les portoria offraient un moyen trop facile de s'en procurer pour -qu'on les négligeât. Aussi voyons-nous, en 555=199, les censeurs, P. Cornelius Scipio Africanus et P. Ælius Pætus, affermer, au profit du trésor romain, le portorium de Capoue et de Pouzzoles, ainsi qu'une douane établie peut-être à l'embouchure du Vulturne[27]. Il est possible que ces impôts aient existé déjà en ces endroits ; les Romains n'auraient fait que les percevoir dès lors à leur profit.

Plus tard, en 575=179, les deux censeurs, M. Æmilius Lepidus et M. Fulvius Nobilior, créèrent de nouveaux portoria[28], et C. Gracchus en augmenta encore le nombre[29].

Ainsi, au commencement du premier siècle avant J.-C., non seulement un droit de douane existait dans les principaux ports de l'Italie, comme Pouzzoles[30], Aquilée[31] et Rome même[32], mais des péages étaient établis dans l'intérieur du pays[33] et sur les grandes routes, qui entravaient le commerce et livraient sans cesse les voyageurs aux perquisitions et à la cupidité des fermiers.

Dans les provinces, le même régime existait. Loin de supprimer, après leur victoire, les portoria qui étaient déjà établis dans les pays soumis, les Romains, fidèles à la politique qu'ils suivaient en toute circonstance, avaient \eu soin de les conserver[34] ; mais les bénéfices que produisaient ces impôts passèrent désormais dans le trésor de la République. C'est ainsi que la Sicile, une fois conquise, commença de fournir à Rome, grâce à ses portoria seuls, d'abondantes sommes d'argent[35], et que l'Asie, exploitée par les traitants de Rome, versait chaque année dans la caisse de l'Etat de grandes richesses[36].

Aussi le moment sembla venu de supprimer le portorium en Italie ; c'est ce que fit la loi Cæcilia proposée par le préteur Q. Cæcilius Metellus (694=60)[37]. Cette loi ne fut pas accueillie par tout le monde avec les mêmes sentiments. Ceux que gênaient les vexations des portitores, et qui avaient un intérêt direct à voir disparaître ces entraves apportées au commerce, applaudirent à la mesure ; c'est de cette sorte de gens que parle Dion Cassius[38]. Les publicains que la ferme de cet impôt enrichissait en furent moins satisfaits, et Cicéron, leur défenseur habituel, se fait l'écho de leurs plaintes[39].

Quant aux sénateurs, ils furent vivement irrités contre le préteur, aussi voulurent-ils lui enlever l'honneur de donner son nom à la loi qu'il avait proposée ; mais ils ne mirent point leur projet à exécution[40].

Il parait d'ailleurs que l'on ne se plaignait que médiocrement de la lourdeur des charges imposées par le portorium ; la loi fut surtout portée à cause des fermiers qui abusaient de leur autorité et avaient rendu, par leur rapacité, l'impôt absolument intolérable[41].

Cette abolition complète des droits de portorium ne dura pas longtemps ; la dictature de César avait épuisé le trésor que l'argent des provinces seules était impuissant à remplir ; l'Italie dut renoncer en partie au privilège que lui accordait la loi Cæcilia, et un portorium fut établi par César sur les marchandises étrangères[42]. Suétone, en rapprochant cette institution d'autres mesures prises pour réformer les mœurs et restreindre le luxe, semble la présenter plutôt comme une taxe somptuaire que comme une loi financière ; il est pourtant vraisemblable qu'elle eut surtout ce dernier caractère.

Les triumvirs réorganisèrent-ils complètement les portoria, comme le pensent quelques-uns[43] ? c'est ce qui n'est pas démontré. Les passages de Dion Cassius, sur lesquels ils s'appuient[44], ne disent rien de positif, et les expressions qu'ils citent pour justifier leur conjecture peuvent s'appliquer au tributum ex censu, rétabli momentanément par les triumvirs en 711=43[45].

Nous ne savons pas si les premiers empereurs établirent quelque règlement relatif aux portoria, ou s'ils ne firent que garder l'état de choses qui existait avant eux. Mais, sous Néron, cet impôt fut l'objet d'une importante délibération au sénat[46]. Tout le monde murmurait contre les publicains dont les exactions étaient devenues intolérables ; Néron, voulant y porter remède et contenter l'opinion publique, proposa aux sénateurs de supprimer tous les vectigalia, et par conséquent le portorium. Cette mesure, qui était favorable aux intérêts des particuliers, eût été singulièrement funeste au trésor ; le sénat le comprit ; il loua la générosité de l'empereur et son zèle pour le bien public, mais en même temps il lui fit observer que supprimer les impôts les plus productifs, c'était porter à l'empire un coup fatal : l'abolition des portoria entraînerait celle des tributa ; la plupart des sociétés de publicains avaient été établies dans le temps même que le peuple romain était le plus jaloux de sa liberté ; enfin, les impôts étaient réglés de telle sorte que les revenus de l'État pussent contrebalancer ses dépenses : il fallait donc seulement réprimer la cupidité des traitants et empêcher que les charges qu'on avait si longtemps supportées sans murmure ne devinssent odieuses par les vexations qu'ils y ajoutaient.

L'empereur se conforma à l'avis du sénat et rendit seulement un édit pour arrêter les exactions des publicains. Il ordonna que le tarif de chaque impôt, qu'on avait tenu secret jusqu'alors, fût rendu public ; que les réclamations des publicains qui n'auraient point été faites dans l'année fussent considérées comme non avenues ; qu'à Rome, le préteur et dans les provinces le légat impérial ou le proconsul, connussent extra ordinem de toutes les plaintes portées contre les publicains. Les soldats restèrent, comme par le passé, exemptés de l'impôt, excepté pour les objets dont ils trafiquaient. Néron supprima en outre certains abus introduits par la cupidité des traitants[47], mais les portoria, conformément à l'avis du sénat, restèrent en vigueur et continuèrent d'être une des plus grandes ressources financières de l'empire.

C'est en effet à partir de cette époque que, grâce aux textes et surtout aux inscriptions, nous pouvons pénétrer plus avant dans l'étude des portoria, nous rendre compte de la façon dont ils étaient perçus, des objets qui étaient soumis aux droits et de ceux qui en étaient exempts, des circonscriptions douanières entre lesquelles l'empire était partagé, bref, de tout le mécanisme de l'impôt.

Les successeurs de Néron, ceux du moins qui régnèrent assez longtemps pour pouvoir songer à l'administration, s'occupèrent de réglementer les détails du portorium, et le Code nous a conservé quelques-unes des mesures dont ils furent les auteurs. Nous en parlerons à mesure que l'occasion se présentera. Pertinax, s'il faut en croire Hérodien, reprit les projets de Néron[48], mais, soit que le sénat n'ait fait aucune opposition à cette mesure, soit que l'empereur n'ait pas tenu compte de son avis, tous les portoria, y compris les péages, furent supprimés, et l'antique franchise rendue au commerce et à la navigation. Burmann pense[49] que Pertinax n'a point ainsi supprimé tous les portoria, puisqu'on en retrouve encore de fréquentes mentions dans la suite, mais qu'il a plutôt diminué les taxes que ses prédécesseurs avaient élevées et rétabli l'ancien tarif. Rien n'empêche pourtant, comme il le reconnaît lui-même, qu'on prenne le texte plus à la lettre. Il n'y a rien d'invraisemblable à ce que Pertinax ait aboli complètement le portorium ; mais son règne fut très court, et ses successeurs se hâtèrent sans doute de rétablir un impôt dont on avait éprouvé la fécondité. Il est même fort probable qu'ils le rétablirent sur son ancien pied. Pour l'Asie et pour la Gaule, c'est un fait absolument certain[50].

A partir de ce moment, on ne voit plus qu'aucun empereur ait tenté de supprimer le portorium. Au contraire, on a la preuve que l'impôt continua à exister jusque sous le Bas-Empire. Le Code Théodosien contient plusieurs constitutions qui s'y rapportent ; il en est.de même du Code Justinien. On peut même affirmer qu'il dura jusqu'au début du moyen âge, où on le trouve encore établi[51].

Mais on comprend facilement qu'au milieu des troubles qui se produisirent aux derniers temps de l'empire le portorium perdit beaucoup de son importance. Les frontières continuellement envahies ou ravagées par les peuples voisins, la guerre civile, toujours prête à se rallumer à l'intérieur, enlevaient au commerce toute sécurité ; les marchandises ne circulaient plus librement comme autrefois dans l'empire ; de plus, les officiers-chargés de la surveillance ne pouvaient exercer qu'un contrôle insuffisant sur les recettes de l'impôt et sur les agents chargés de les percevoir ; bref, le portorium existait encore, mais, s'il continuait d'être une gêne pour ceux qui étaient forcés de le payer, il avait cessé d'être productif pour l'État. Aussi fut-il, dans les derniers temps de l'empire, l'objet d'une importante réforme sur laquelle il convient de s'arrêter un peu. On le trouve, en effet, désigné plusieurs fois dans le Code sous le nom d'octave. Que faut-il penser de cette nouvelle dénomination, et quels renseignements doit-on en tirer pour l'histoire du portorium ?

Les auteurs qui ont écrit sur les finances romaines, et particulièrement sur la douane, ne sont aucunement d'accord sur ce point.

Sans doute, ils reconnaissent tous que l'octava était un droit de portorium qui consistait à faire payer au marchand une somme d'argent égale au huitième de la valeur de l'objet qu'il transportait ; mais ils ne sont du même avis ni sur les marchandises que frappait l'impôt, ni sur l'époque à laquelle il fut établi. On peut les diviser d'après leurs opinions en trois classes :

1° Les uns prétendent que le taux du huitième était un taux. unique établi sur toute l'étendue de l'empire, et qu'il faut en attribuer l'introduction à Auguste. De ce nombre est M. Humbert, qui a soutenu cette thèse dans un savant mémoire lu en 1867 à l'Académie de législation de Toulouse[52]. Une telle façon de voir est absolument inacceptable en présence de toutes.les inscriptions du temps de l'empire relatives au portorium ; elles nous révèlent avec évidence que non seulement le taux de l'impôt n'était pas unique, et qu'il variait avec chaque circonscription financière, mais encore que cet état de choses persista jusqu'à une époque relativement fort avancée[53] ;

2° D'autres ont cru que l'octava était un impôt différent du portorium ordinaire. Selon ces auteurs, le huitième était exigé pour les objets de luxe, tandis que pour les autres marchandises on ne demandait club le quarantième. Cette conjecture, qu'a émise M. Naudet[54], a été reproduite par M. Duruy dans son Histoire des Romains[55]. Voici sur quoi elle se fonde. D'abord, dit M. Naudet[56], l'impôt du huitième était perçu au moins dès le temps d'Alexandre Sévère[57]. Il ne fut donc pas substitué à celui du quarantième ; il existait en même temps que lui et s'appliquait à des objets différents.

De plus, nous le trouvons cité dans une loi qui défend aux fermiers de le prélever sur les objets que les ambassadeurs des nations étrangères emportent de l'empire romain chez eux, mais qui les autorise à l'exigu pour ceux qu'ils apportent de leur pays dans l'empire[58]. Il en est encore question dans une loi qui a rapport aux eunuques[59] : or, les eunuques étaient un objet de commerce venant des pays étrangers, puisqu'il n'était pas permis de priver de la virilité un homme vivant sous la loi romaine[60], et que nous les trouvons de plus cités comme marchandises de luxe par Marcien[61]. D'où on peut tirer la conclusion qu'il y avait deux sortes de portorium, l'un pour les marchandises indigènes qui passaient d'une province à l'autre, l'autre pour des marchandises plus rares que le luxe tirait des pays étrangers : ce second impôt était la taxe du huitième.

Quelque ingénieuse que soit cette conjecture, et malgré l'autorité des deux écrivains qui l'ont soutenue, elle ne nous semble pas admissible. D'abord, il n'est pas vrai de dire que le taux du portorium fût du quarantième pour tout l'empire. Des trois textes sur lesquels on s'appuie pour avancer ce fait, l'un[62] s'applique à l'Asie, où le taux du quarantième était en usage[63] ; les deux autres[64] se rapportent vraisemblablement à l'Italie, où l'impôt était sans doute aussi du quarantième[65]. Les inscriptions se chargent d'ailleurs de réfuter cette hypothèse[66]. En second lieu, rien ne prouve que, dans les textes qui nous parlent du huitième, il soit question d'un impôt frappant spécialement les objets de luxe. Il est vrai qu'il est fait mention de l'octava à propos des eunuques et des ambassadeurs des nations étrangères ; si l'on n'avait que ces deux textes, la conjecture de M. Naudet pourrait être adoptée ; mais on trouve, dans le Code Justinien, une autre constitution qui rend cette hypothèse peu vraisemblable ; il y est dit que le droit doit être acquitté par omne hominum genus quod commerciis voluerit interesse[67], sans qu'il soit fait à ce sujet aucune distinction entre les différents objets qui pouvaient donner lieu au commerce. Nous ferons remarquer de plus qu'on ne trouve aucune mention de l'octava ; ni dans les textes des auteurs, ni dans les inscriptions[68], ni dans le Digeste, ni dans le Code Théodosien, ce qui est bien bizarre, si cet impôt a existé dès le temps d'Alexandre Sévère, tandis qu'il en est question plusieurs fois dans le Code Justinien ;

3° Ne doit-on pas conclure de ces faits avec un certain nombre d'auteurs, M. Marquardt[69], par exemple, que le huitième fut le taux unique du portorium à la fin de l'empire, tandis que jusque-là il avait été, soit du quarantième, soit du cinquantième, soit du vingtième, suivant les différentes provinces. Évidemment, il est impossible de résoudre la question d'une façon absolue, mais cette dernière supposition a pour elle, sinon la certitude, du moins mie plus grande probabilité.

Il resterait à indiquer l'époque où le huitième devint le taux de l'impôt du portorium. Ceux qui ajoutent une foi entière au texte du Code Justinien prétendent que l'octava existait déjà au temps d'Alexandre Sévère, puisqu'il en est fait mention dans une constitution de ce mince datée de 227, et insérée au Code Justinien[70]. Mais nous avons une inscription du règne de Gordien III, qui nous montre qu'à cette époque le taux du quarantième était encor e en vigueur dans la province d'Asie, et dans la circonscription financière de Bithynie, Pont et Paphlagonie[71] ; une autre inscription nous apprend qu'en 217, ou peut-être même en 246, il en était de même en Gaule[72], et nous savons de plus par Symmaque, contemporain de Théodose, que le même taux du quarantième était en usage en Italie à son époque[73]. Il faut donc admettre que l'élévation du taux du portorium jusqu'au huitième est postérieure à Théodose. S'il est parlé de l'octava dans la constitution d'Alexandre Sévère déjà citée, dans une autre loi portée sous le règne de Valentinien, Valens et Gratien en 369[74], dans une troisième datée de 381[75], époque où régnaient Gratien, Valentinien et Théodose, et dans une quatrième rendue sous le règne de l'empereur Léon[76], c'est qu'il y a eu interpolation dans le texte du Code Justinien. On sait, en effet, que Tribonien et les jurisconsultes chargés de rédiger ce Code avaient reçu le pouvoir de retrancher et de modifier tout ce qui n'était plus d'accord avec la législation en vigueur de leur temps, et qu'ils usèrent largement de cette permission. Nous en verrons plus loin d'autres exemples.

C'est donc vraisemblablement sous les prédécesseurs de Justinien que le taux du portorium fut élevé au huitième, et l'expression Octavas more solito constitutas, qui se trouve dans la constitution de l'an 367 déjà citée, était vraie au temps de Justinien, mais non à l'époque où cette constitution fut véritablement rendue.

On comprend facilement la raison de cette mesure. Par suite des troubles extérieurs et intérieurs de l'empire, cet impôt ne donnait plus que des ressources insuffisantes. En même temps les besoins du trésor devenaient plus pressants, et plus ils augmentaient, plus on avait de peine à les satisfaire. Après avoir eu recours à toutes sortes d'expédients : surélévation de l'impôt direct, chrysargyre, etc., on en vint à porter le taux du portorium jusqu'au huitième de la valeur des objets, ce qui acheva de ruiner le commerce sans parvenir à enrichir l'État.

C'est donc sous la for me d'octroi que le portorium apparaît d'abord à Rome ; la ville prélève une taxe sur toutes les marchandises expédiées par le port d'Ostie et établit autour du territoire de la cité romaine une ligne qu'on ne peut franchir sans payer un impôt ; c'est véritablement d'un octroi que le sénat délivre le peuple de Borne après l'expulsion des rois.

Puis, peu à peu, les possessions romaines s'étendent, et l'on songe à tirer parti pour le trésor des territoires conquis ; les octrois déjà établis sont perçus au profit de Rome victorieuse ; de nouveaux droits sont établis ù différents endroits du pays soumis, et les Romains possèdent désormais, non un système général de douanes, mais un certain nombre de bureaux disséminés sur le bord de la mer ou au milieu des terres, et qui lui fournissent de l'argent pour remplir la caisse de l'État. Ce système n'exclut pas pourtant celui des octrois ; les villes sujettes seules avaient perdu le droit de faire payer l'impôt à leur profit ; mais c'est un privilège qui avait été laissé aux villes amies, pourvu qu'elles n'en usassent pas contre les citoyens romains[77].

Par la suite, les bureaux de douane se multiplièrent tellement qu'on dut prévenir la confusion par une nouvelle mesure la république établit un certain nombre de grandes circonscriptions douanières, où toutes les marchandises entrant et sortant payaient à la frontière un droit uniforme, quel que fût le chemin qu'elles dussent suivre ou les villes qu'elles dussent traverser ensuite. Dans ces circonscriptions étaient comprises, non seulement les villes alliées qui conservaient leurs octrois, mais aussi des bureaux de péage intérieurs qui subsistèrent ou même furent établis dans la suite, malgré l'existence d'une ligne extérieure de douane, et où les marchandises devaient payer l'impôt, bien qu'elles eussent déjà été frappées à leur entrée dans la circonscription. douanière, et qu'elles dussent l'être encore à leur sortie[78].

Nous retrouvons ce système encore en vigueur sous l'empire, et nous avons de cette époque des documents assez nombreux pour pouvoir nous rendre un compte à peu près exact des différentes circonscriptions douanières qui composaient l'empire romain. En les réunissant et en les comparant entre eux, on arrive aux résultats suivants.

 

CHAPITRE III.

Circonscriptions douanières de l'empire romain. — Taux du portorium dans chacune d'elles.

 

L'empire romain était divisé en neuf circonscriptions douanières :

1. La Bretagne ; 2. L'Illyricum ; 3. Les Gaules ; 4. L'Espagne ; 5. L'Afrique ; 6. L'Égypte ; 7. L'Asie, qui était subdivisée elle-même en plusieurs circonscriptions ; 8. La Sicile ; 9. L'Italie.

1° Bretagne.

La Bretagne formait, comme il est naturel de le penser, une circonscription douanière où toutes les marchandises payaient à leur entrée ou à leur sortie un droit de portorium. L'impôt existait déjà du temps de Strabon[79], c'est-à-dire avant que la Bretagne fût réduite en province romaine ; il continua d'être perçu dans la suite, mais au profit des vainqueurs[80]. Les seuls documents épigraphiques qui se rapportent au portorium sont peut-être des briques trouvées à Londres et qui portent cette inscription : P • P • BR • LON[81]. M. Mommsen l'explique ainsi P(ublicani) p(rovinciæ) Br(itanniæ) Lon(dinienses). Sur une autre brique découverte plus récemment on lit : P • BRI • SAN : P(ublicani) Bri(tanniœ) San(ctæ)[82]. Il est inutile de faire remarquer qu'on ne saurait tirer aucun renseignement de textes aussi incertains.

2° Illyricum[83].

Les Romains désignaient sous le nom d'Illyricum une vaste région qui s'étendait de l'est à l'ouest, depuis la sure du Danube jusqu'à son embouchure ; du nord au sud, depuis la Germanie et la Sarmatie jusqu'à l'Hæmus et la mer Adriatique[84]. Toutes les provinces de l'empire qui couvraient cette immense étendue de terrain ne formaient qu'une seule circonscription financière ; tous les vectigalia y étaient réunis sous le nom unique de vectigal Illyrici, et, comme nous le verrons plus loin, soumis à la surveillance d'un procurator vectigalis Illyrici[85].

L'administration du portorium, en particulier, était donc unique dans les provinces suivantes :

a. Dalmatia[86].

b. Pannonia superior[87].

c. Pannonie inferior[88].

d. Mœsia superior[89].

e. Mœsia inferior, que l'on trouve aussi désignée dans deux inscriptions sous le nom de Ripa Thracia[90].

f. Dacie[91], au moins à partir de Marc-Aurèle.

g. Noricum[92].

h. Rætia[93].

Ce n'est peut-être pas à dire pour cela que celte immense étendue de terrain fut toujours louée à un seul et même fermier.

Du temps de Marc-Aurèle, nous savons que les trois frères Julii, Januarius, Capito et Epaphroditus ou Epaphroditinus, avaient affermé l'exploitation du portorium dans les provinces de Pannonies, Manies et Dacie, mais rien ne prouve que la perception de cet impôt dans le Noricum et la Rætie eût été louée à ces mêmes fermiers[94]. C'était déjà une assez grande étendue de pays que le territoire compris entre les Alpes Juliennes et le Pont-Euxin, et une telle entreprise suppose à ces trois affranchis[95] une fortune considérable.

Un certain T. Julius Saturninus avait, nous le savons, la ferme du portorium dans la Rætie, le Noricum[96] et la Dacie[97] ; mais on ne peut affirmer, bien que cela soit très probable, que son autorité s'étendit plus loin. Peut-être n'y avait-il aucune règle à ce sujet[98].

Il est difficile d'indiquer d'une façon absolue les limites de la circonscription du portorium de l'Illyricum ; mais nous en connaissons quelques points isolés qui, sans nous permettre de tracer exactement la ligne douanière, peuvent au moins nous en donner la direction.

La première statio que l'on trouve en partant de la mer Adriatique et en se dirigeant vers le nord est celle d'Atrans, dont on peut établir sûrement la position[99].

Elle nous est donnée par les itinéraires. Si l'on met en regard les passages de l'itinéraire d'Antonin, de l'itinéraire de Bordeaux à Jérusalem et de la table de Peutinger correspondants, on obtient le tableau suivant :

Nous n'avons pas à nous occuper ici des différences que l'on remarque entre les trois itinéraires dans l'appréciation des distances. Un point seul nous intéresse. Sur la route qui conduisait d'Æmona à Celeia était établi un poste de douane, non pas à la frontière même de l'Italie, Atrans, mais à six milles romains en avant. Atrans était à peu près à la place où se trouve aujourd'hui Saint-Oswald, sur la route de Laibach à Cilli dans la Carniole. Quant à la station de ad Publicanos, M. le colonel Lapie la place au bourg de Kraxen, à six milles romains (8 kilom. 889) de Saint-Oswald, et M. Müllner à Gradike près de Podpeè ; on a retrouvé de nombreux témoignages de l'existence de ce poste, qui, bien qu'éloigné d'Atrans de plus de deux lieues, portait le nom de statio Atrantina, comme le prouvent ses inscriptions suivantes :

C. I. L., III, 5213 — à St-Oswald.

C. I. L., III, 5121 — à Atrans ; déjà citée.

Eph. Epigr., IV (1879), n. 585.

Ce poste de portorium semble avoir été très important, à en juger par la quantité relativement grande de monuments qu'on a découverts à Atrans ou dans les environs. Ces monuments nous apprennent les noms de trois fermiers :

Q. Sabinus Veranus[100].

C. Calcinius Tertianus[101].

Et des Julii[102] qui sont peut-être les trois frères Julii dont nous avons déjà parlé.

Nous connaissons en outre trois contrascriptores attachés à cette station Bellicus et Eutyches, mentionnés dans le n° 5123, et Secundianus[103] ; ainsi que quatre villici, Fructus[104], Benignus[105], Primigenius[106] et Fortunatus[107], ces deux derniers esclaves de l'empereur ou du procurator vectigalis Illyrici, C. Antonius Rufus et détachés au poste d'Atrans[108].

Il n'est d'ailleurs pas étonnant que les relations commerciales fussent importantes sur une route qui joignait Pœtovio, capitale de la Pannonie à Aquileia, le grand port de commerce de l'Adriatique. C'est par cette route, une des plus favorables, puisqu'elle traversait les Alpes au mont Ocra, le point le plus bas de ce côté, que l'Italie livrait aux barbares du vin, des salaisons, de l'huile et en recevait des esclaves, des bestiaux, des pelleteries, le fer du Noricum si fameux pour forger des glaives, et même l'ambre de la Baltique[109].

Le poste le plus voisin d'Atrans que nous connaissions nous est indiqué par deux inscriptions qui doivent être considérées comme se rapportant à une même station. L'une a été trouvée an bourg de Saifnitz, l'autre à celui de Pontebba, tous deux sur la route qui menait autrefois d'Aquileia à Virunum (auj. Mariasaal) : C. I. L., III, 4716 — à Saifnitz. C. I. L., V, 8650 — à Pontebba.

Les itinéraires ne font pas mention de cette station, mais M. Mommsen pense[110] qu'elle devait être à Saifnitz, bourg tout rempli encore de ruines romaines et qu'il identifie avec Larix ; on trouve en effet cet endroit indiqué dans l'itinéraire d'Antonin[111].

M. le colonel Lapie est d'un avis différent ; il pense que Larix n'est autre chose que le bourg de Pletz, pour lequel il a trouvé dans ses mesures, exactement les distances indiquées dans l'itinéraire d'Antonin.

H n'est donc pas possible d'affirmer que le poste douanier était établi à Larix. Mais il est très-vraisemblable qu'il se trouvait sur la route de Virunum à Aquileia, non loin de l'endroit où se trouve actuellement le bourg de Saifnitz.

D'Aquileia partait une autre route qui laissait la précédente à l'ouest, et conduisait à Aguntum, et de là à Veldidena. L'itinéraire d'Antonin l'indique ainsi[112] :

Or, on a retrouvé, dans la vallée du Gail (l'ancien Licus), à l'endroit où devait être autrefois Loncium, une inscription qui démontre qu'à cet endroit existait un poste douanier. C. I. L., III, 4720.

M. Mommsen nous enseigne[113] qu'il faut chercher ce Loncium auprès de Mauthen, petit bourg de Carinthie, et non à Lienz, qui est à ses yeux l'ancien Aguntum. Cette route traversait les Alpes au mont della Croce où l'on lit encore une inscription gravée sur le roc, et dont les trois premières lignes, malgré les injures du temps, ont pu être encore à peu près déchiffrées par M. Mommsen. C. I. L., V, 1864.

On voit qu'elle était dédiée à un fermier du portorium de l'Illyricurn par un villicus, esclave de ce fermier. C'était évidemment un des agents de la douane attachés à la station de Loncium. C'est donc à 18 milles romains de Lienz (26 kilom. 667), sur le Gail, qu'il faut placer la statio de Loncium.

Ainsi, d'Aquilée partaient trois routes : l'une vers l'est se dirigeant vers Pœtovio ; la douane y avait un poste à 8 kilom. 889 d'Atrans ; la seconde conduisant à Virunum, où l'on trouvait une station dans les environs de Saifnitz, et li troisième reliant Aquileia à Veldidena elle était occupée par un poste douanier à Loncium. Telle est la direction de là ligne du portorium le long de la frontière du Noricum et de l'Italie.

Entre l'Italie et la Rætie, nous ne connaissons que deux postes douaniers. Le premier était établi sur la route qui conduisait de Verona à Augusta Vindelicum (auj. Augsburg), en passant par Vipitenum (Sterzing). Voici comment elle est tracée dans les itinéraires anciens. Nous ne reproduirons[114] que le segment compris entre cette ville et Tridentum (Trient) :

On voit que les deux itinéraires ne sont pas d'accord sur la distance de Vipitenum à Sublavio ; mais les mesures de M. le colonel Lapie lui ont donné non pas 52 milles (27 kilom. 408), mais 35 milles (51 kilom. 852,5), ce qui concorde avec la distance donnée par la table de Peutinger. Cette route suivait le cours de l'Athesis (Adige), puis le quittait au point où il cesse de couler du nord-ouest au sud-est pour se diriger vers le sud, à l'endroit où il reçoit l'Isargus (auj. Eisack). Elle longeait alors cette rivière, et c'est dans cette partie de la route qu'on trouvait le poste douanier de Sublavio (Seben). On a, en effet, découvert à Seben deux inscriptions dédiées à Isis par un des esclaves de T. Julius Saturninus, fermier du portorium, le caissier Festinus ; dans l'une il est aussi fait mention d'un contrôleur du même fermier, l'esclave Fortunatus : C. I. L., V, 5079. C. I. L., V, 5080.

C'est donc, à peu près, à 35 milles romains (51 kilom. 852,5) de Vipitenum, à 48 milles (71 kilom. 112), selon l'itinéraire d'Antonin ou à 53 milles (78 kilom. 519,5), suivant la table de Peutinger, de Tridentum qu'il faut chercher cette station du portorium Illyrici.

La présence d'une grande route conduisant de la Relie en Italie et le voisinage d'un fleuve très important suffisent à justifier cette position.

Le second poste douanier nous est révélé par une inscription trouvée dans la vallée d'un petit affluent de l'Adige, le Zirl[115]. Bien qu'il ne soit fait mention dans cette inscription d'aucune statio autre que la statio Maiensis XXXX Galliarum, qui ne pouvait être située sur les confins de l'Illyricum et de l'Italie, et dont nous parlerons à propos de la Gaule, M. Mommsen conclut, de la seule présence de cette inscription à cet endroit qu'il y avait un bureau de douane près de la petite ville de Partschins où elle a été trouvée[116]. Aussi, bien que les itinéraires n'indiquent aucune route le long du cours supérieur de l'Athesis à partir de Pons Drusi, M. Kiepert, dans les cartes qui sont jointes au troisième volume du Corpus, a indiqué la route qui longe le fleuve en passant par Meran et Partschins ; il en considère même le tracé comme absolument certain[117].

Il est tout naturel, selon M. Mommsen, qu'il y ait eu un poste de douane près de Partschins : non loin de là, en effet, était un camp, le camp de Teriuli (aujourd'hui Tirol, à l'ouest de Meran), où l'on avilit détaché la légion III Italica pour surveiller le transliort des marchandises[118]. De cette façon les soldats exerçaient leur surveillance sur tous les objets que la douane arrêtait au passage et peut-être sur la douane elle-même[119]. Le poste douanier établi auprès de Partschins explique la présence du camp de Tirol, et la présence de ce camp vient confirmer le renseignement que nous donne l'inscription que nous avons citée plus haut.

L'Illyricum était aussi séparé de la Gaule par une ligne douanière ; nous nous en occuperons à propos de la Quadragesima Galliarum.

La frontière septentrionale de l'Illyricum est moins connue, et, sauf deux ou trois points, nous en sommes réduits à des conjectures. On sait, en effet, que, pendant l'empire, les limites de la Rætie et de la Germanie ont varié[120]. Au moment où la province fut constituée, et à partir de la fin du troisième siècle, c'était le Danube qui séparait le territoire des deux pays ; pendant l'époque où l'empire était florissant, c'était une ligne conventionnelle partant de Regina (Regensburg) et se dirigeant vers le Rhin ; peut-être la ligne douanière avança-t-elle et recula-t-elle en même temps que la limite politique de la Rætie.

A partir de Regina, elle suivait vraisemblablement le cours du Danube, se dirigeant vers l'est ; car elle passait à Boiodurum (Innstadt, près de Passau), ville située à la fois sur la limite de la Rœtie et du Noricum et sur celle de l'Illyricum et de la Germanie, au confluent du Danube et de l'Œnus (Inn). La position de ce bureau est donc très remarquable : on y faisait payer au passage les marchandises qui circulaient entre l'lllyricum et la Germanie et celles qui étaient transportées de Rœtie dans le Noricum ou réciproquement. Nous trouvons ce poste douanier désigné dans une inscription sous le nom de statio Boiodurensis[121]. C'est le seul que nous connaissions sur toute la longueur du fleuve de Regina à Aquincurn (Alt-Ofen).

Un peu au nord de cette ville, le cours du Danube change subitement de direction ; il descend en droite ligne vers le sud ; la limite politique de l'Illyricum et, par conséquent, la ligne douanière suivaient la nouvelle direction du fleuve ; nous en trouvons la preuve dans une inscription malheureusement assez difficile à expliquer, trouvée à Duna-Pentele : C. I. L., III, 3327, et plus correctement Eph. Epigr., II (1875), n° 593.

C'est l'endroit qui est désigné dans l'itinéraire d'Antonin sous le nom d'Intercisa[122]. Où faut-il, au juste, placer cette statio ? on ne saurait le dire d'une façon positive, puisque le nom est à peu près illisible ; on ne peut que conjecturer qu'elle n'était pas éloignée du lieu où l'inscription a été trouvée, c'est-à-dire d'Intercisa.

La ligne de douane continuait ensuite à suivre le Danube jusqu'à Titel, d'après M. Desjardins[123], d'où elle longeait la Theiss pour embrasser la Dacie. Nous n'avons d'autre document pour celte partie de l'Illyricum qu'une inscription trouvée à Deva, non loin de Veczel, et qui fait mention de la statio de Pons Augusti : C. I. L., III, 1351.

Si l'on en croit la table de Peutinger[124], Pons Augusti est entre Tiviscum et Sarmizegethusa (Varhely), à 22 milles romains (32 kilom. 593) de la première et à 15 milles (22 kilom. 222,3) de la seconde ville. Mais ce lieu est bien éloigné de celui où l'inscription a été découverte. M. Mommsen conjecture qu'il y avait peut-être un Pons Augusti, poste douanier, près du camp de Veczel, qui défendait l'entrée de la Dacie par la vallée de la Marisia (Maros). Nous avons déjà vu plus haut, à propos de la statio de Partschins, que less oldats et les douaniers se prêtaient parfois un mutuel appui. Nous en avons une nouvelle preuve dans une inscription qui est actuellement au musée de Pesth et qui a été publiée par N. Desjardins. Elle nous apprend que Commode fit construire tout le long du Danube des forteresses et disposer des garnisons dans des positions favorables pour empêcher la contrebande. Monum. épigr. du Musée nat. hongrois, n° 112.

Il n'y aurait donc rien d'impossible à ce que, près du camp de Veczel, eût été établi un poste douanier. Dans ce cas il faudrait supposer que la ligne de douane ne suivait pas la Theiss, mais se dirigeait à peu près perpendiculairement au Danube, en suivant le Vallum romanum tracé par les empereurs pour passer par Veczel. Si l'on suppose, au contraire, que cette statio de Pons Augusti est celle qui est indiquée sur la table de Peutinger, il ne s'agirait alors que d'un impôt établi au passage d'un pont dans l'intérieur du pays, et non d'un poste douanier.

Il est à remarquer que la ligne de douane de l'Illyricum est établie dans des conditions différentes de celle des autres provinces. Nous verrons, en effet, qu'en Gaule et en Afrique, les légions étaient laissées à dessein en dehors de la ligne douanière, afin de permettre aux soldats de jouir de la franchise. Rien de pareil ici. C'est qu'il y avait sur les bords du Danube une organisation particulière, chargée de prévenir les incursions des barbares[125]. Depuis Hadrien, l'empire était fermé par un limes imperii, qu'on forma, lorsque les limites naturelles manquaient, au moyen de murs, de fossés et de fortifications.

On avait imposé aux peuples limitrophes l'obligation de laisser inhabités et incultes plusieurs milles de terrain au delà des frontières[126], et le fleuve était occupé seulement par les navires romains[127]. On ne pouvait franchir cette barrière que de jour, sans armes, et sous une escorte militaire qu'on était tenu de payer soi-même[128], et nul ne pouvait porter de marchandises dans l'intérieur des provinces, si le gouverneur n'en avait préalablement accordé la permission[129].

De là la nécessité d'entretenir à la fois, pour défendre les frontières, des soldats en deçà du Danube et des postes de douane, le long du fleuve, pour surveiller l'entrée et la sortie des marchandises.

Telle était la ligne douanière qui entourait l'Illyricum.

Les postes douaniers établis sur les frontières n'étaient cependant pas les seuls endroits où l'on eût à payer le portorium. On trouve la mention de stationes établies dans l'intérieur du pays, soit sur les routes, soit sur les fleuves et les rivières[130].

Il serait peut-être téméraire de ranger Pœtovio (Pettau) dans l'une ou dans l'autre de ces deux catégories. C'était la capitale de la Pannonie, et tous les services administratifs de la province y étaient concentrés[131] ; il est probable que ce fut aussi le siège de l'administration centrale du vectigal Illyrici, et par conséquent la résidence du procurateur. On y a trouvé, en effet, un certain nombre d'inscriptions qui mentionnent à la fois des agents de l'empereur et des esclaves des fermiers et qui nous donnent l'idée de bureaux très importants.

Elles nous font connaître :

a) un ex tabulario vectigalis Illyrici : C. I. L., III, 4063.

b) un contrascriptor, esclave de trois empereurs : C. I. L., III, 4024.

c) Un fermier du portorium Illyrici, avec un de ses caissiers : C. I. L., III, 4015.

d) Un servus villicus de ce même fermier : C. I. L., III, 4017.

Rien n'empêche d'ailleurs qu'il n'y ait eu à la fois à Pœtovio le siège de l'administration centrale du vectigal Illyrici et un bureau de portorium établi au passage de la Drave.

Mais il est d'autres villes situées dans l'intérieur de l'Illyricum et où nous pouvons affirmer que le portorium était levé. Malheureusement nous n'en connaissons qu'un très petit nombre.

Il y avait une statio à Savaria (aujourd'hui Stein am Anger). Nous la trouvons indiquée dans deux inscriptions sous le nom de statio Savariensis ou peut-être Savarensis : C. I. L., III, 4161. Eph. Epigr., IV, (1879), n° 480[132].

De Savaria partaient deux routes : la première était celle qui allait de Vindobona (Vienne) à Pœtovio[133]. A Scarabantia Julia (Oedenburg), à 34 milles romains (50 kilom. 371) au nord de Savaria, cette route se divisait elle-même en deux : une des branches gagnait le Danube par Vindobona[134] ; c'est la route dont nous avons déjà parlé ; l'autre par Carnuntum (Petronell)[135].

La seconde route joignait Savaria à Bregetio[136] (O Szöny), ville importante située sur le Danube, où l'on a trouvé une inscription que nous avons déjà citée et que quelques auteurs regardent comme ayant rapport au portorium.

Toutes les marchandises qui venaient du pays des Quades ou qu'on importait chez eux étaient donc obligées de traverser Savaria.

On ne saurait dire au juste comment s'appelait autrefois la ville où était établie une statio, que nous trouvons mentionnée dans une inscription sous le nom de statio Escensis : C. I. L., III, 5620.

Cette ville se trouvait sur l'emplacement de la ville actuelle d'Ischl. M. Mommsen pense qu'elle se nommait Œscus, mais il estime que ce ne peut être une station du vectigal Illyricii sans apporter toutefois d'arguments à l'appui de son opinion. Pourquoi ne serait-ce pas, au contraire, un poste de portorium établi au passage de l'Ischl, petit affluent de droite de la Traun, ou sur quelque route conduisant du Danube dans le centre du Noricum ? Cette inscription est absolument semblable à celles que nous avons déjà citées pour la station de Savaria ; et, puisque nous admettons que celles-ci nous révèlent un poste de portorium, il faut aussi l'admettre pour celle-là. Mais on ne connaît de cette statio que le nom seulement.

On ne peut guère donner de détails plus précis sur un autre poste que nous font connaître deux inscriptions du Corpus inscriptionum latinarum : C. I. L., III, 751 et 752.

Ces monuments ont été trouvés à Leian, bourg situé, d'après M. Kiepert, à 7 milles allemands au sud de la ville moderne de Nikopoli (51 kilom. 856). M. Henzen[137] croit que cette station était peut-être le siège de l'administration centrale du portorium de la Mœsie inférieure. Nous préférons y voir un péage analogue à ceux dont nous avons déjà fait mention.

On devait aussi payer le portorium au passage du Danube non pas seulement quand il servait de limite à l'Illyricum, ce dont nous avons déjà parlé, mais même dans la partie de son cours où il le traversait.

C'est ainsi que non loin de Semendiia, mais sur la rive opposée du Danube, on a trouvé, dans le mur du fort de Kolliz une inscription relative au portorium : C. I., L., III, 1647.

Il est impossible de dire avec précision en quel endroit cette statio était établie, mais il est permis de supposer qu'elle était

destinée à garder le passage dg Danube dans les environs de Semendria.

La statio de Tsierna nous est connue d'une façon positive[138]. Elle est indiquée dans la table de Peutinger, sur la route qui allait de Taliata à Tiviscum et désignée ainsi : Tierva[139]. Elle était située à l'endroit où la Cserna se jette dans le Danube, près d'Alt-Orsova. C'est, selon M. Mommsen, un fait indubitable. Cette station est mentionnée dans une inscription sous le nom de statio Tsiernensis : C. I. L., III, 1568.

Il y avait donc à cet endroit un péage établi sur le Danube. C'est à cette même station qu'il faut rapporter une autre inscription trouvée à Mehadia (ad Mediam), à 44 milles romains (16 kilom. 296,5) de Tsierna, selon la table de Peutinger[140], en suivant la route dont nous avons déjà parlé et qui menait à Tiviscum : C. I. L., III, 1565.

Peut-être même le poste douanier était-il établi non au passage même du Danube, mais au lieu désigné par la table de Peutinger sous le nom de ad Mediam.

Nous avons déjà vu pour Atrans que la statio Atrantina était située à une certaine distance en avant de la frontière de l'Italie et du Noricum, et non à Atrans même.

Il y avait aussi un péage à Alimus, ville que l'on trouve indiquée sur la route qui longeait la rive droite du Danube, à 18 milles (23 kilom. 667) de Ratiaria suivant l'itinéraire d'Antonin (p. 65), à 16 milles (23 kilom. 704) suivant la table de Peutinger (p. 247).

C'est du moins ce qu'il est permis de croire, puisqu'on a trouvé à Lom (l'ancienne Almus) une inscription en l'honneur des Julii, fermiers du portorium, dont nous avons parlé plus haut ; le monument était élevé par un esclave villicus attaché vraisemblablement à la station d'Alunis : C. I. L., III, 6124. — Desjardins, Lettre à M. Henzen sur quelques inscriptions de Valachie et de Bulgarie, p. 9.

On remarquera que ces trois dernières stations étaient sur la limite de la Mœsie et de Dacie. Lorsque, à la suite de l'abandon de cette dernière province par Aurélien[141], la limite de l'empire fut ramenée sur le Danube, elles devinrent stations douanières, de péages qu'elles étaient auparavant.

Tels sont les renseignements, bien incomplets, que nous possédons sur le portorium de l'Illyricum[142]. S'ils ne sauraient permettre de tracer exactement la ligne douanière qui entourait la circonscription financière et ne nous font connaître que quelques rares postes situés dans l'intérieur du pays et sur le cours des fleuves, au moins nous donnent-ils une idée assez nette de la façon dont les Romains tiraient parti de cet impôt et viennent-ils confirmer ce que nous avons dit plus haut. On voit qu'on ne se contentait pas de réclamer un droit, une seule fois, à l'entrée des marchandises dans la circonscription ou à leur sortie ; on multipliait les stationes sur la limite des différentes provinces qui la composaient, sur les fleuves et les rivières qui la traversaient, sur les routes qui la sillonnaient, bref, partout où le trésor pouvait espérer tirer quelque profit du commerce et des commerçants.

Il est impossible de fixer le taux du portorium dans l'Illyricum. On n'a, à ce sujet, aucun document. M. Marquardt croit[143] qu'il était du quarantième (2 %) comme en Asie et dans la Gaule ; mais il n'est absolument aucun texte qui le prouve, et il faut, jusqu'à ce qu'on découvre de nouveaux monuments, se résoudre à l'ignorer.

3° Gaules.

De même que l'Illyricum comprenait plusieurs provinces de 'l'empire romain, de même aussi toutes les provinces de la Gaule, au lieu de former chacune une circonscription distincte, étaient toutes réunies en une seule région douanière qui comprenait, par conséquent

1° La Gallia Narbonensis[144] ;

2° L'Aquitania[145] ;

3. La Gallia Lugdunensis[146] ;

4° La Gallia Belgica[147] ;

et dans l'intérieur de laquelle l'impôt prenait le nom spécial de Quadragesima Galliarum. Mais chacune des provinces qui composaient l'Illyricum semble avoir été séparée des provinces voisines par une ligne de portorium intérieur ; en Gaule, rien de semblable ne parait avoir existé[148]. D'ailleurs, comme dans l'Illyricum, on y trouve des péages établis sur les routes et au passage de certaines rivières.

Le nombre des marchandises qui circulaient en Gaule était considérable : non seulement, en effet, l'Italie recevait le vin, huile, les laines de la Narbonnaise, les étoffes de lin des Cadurques, le porc salé des Séquanes et tous les objets de commerce que le sol produisait ou que fabriquait l'industrie des habitants[149], mais la Gaule était aussi un lieu de passage pour les marchandises italiennes ou étrangères qui se dirigeaient vers le nord. Grâce à la merveilleuse disposition de ses fleuves qui faisait l'admiration de Strabon, les marchandises venues de l'Orient par la Méditerranée pouvaient gagner l'Océan presque sans être débarquées, et arriver directement par le Rhône, la Saône et la Seine, jusque sur les côtes de la Grande-Bretagne[150].

Aussi avons-nous sur la ligne de postes douaniers qui entourait la Gaule plus de renseignements que pour les autres pays, il est presque possible de la tracer.

Au sud, elle longeait vraisemblablement les Pyrénées et atteignait ainsi la Méditerranée, puis elle suivait, comme il est évident, la côte jusqu'aux Alpes ; car, bien que nous n'ayons pas de documents à ce sujet[151], il n'est par croyable que le service du portorium ne fût pas parfaitement organisé dans toutes les villes si importantes du littoral.

De là, la ligne douanière remontait au nord, sans s'écarter des Alpes qu'elle longeait sur le versant italien jusqu'à la station de Eines Cottii, dont nous indiquerons plus loin la position précise ; elle suivait alors, non plus les, Alpes, mais la limite au royaume de Cottius[152] jusque dans la vallée de l'Isère ; nous ne pouvons plus, dès lors, en indiquer la tracé d'une façon certaine ; nous en retrouvons pourtant la trace sur le cours du Rhône à Saint-Maurice, à Mayenfeld et enfin à Zurich. Nous savons aussi qu'au lieu de regagner le cours du Rhin à partir de cette ville pour le longer ensuite, elle se dirigeait vers le nord-ouest, passant par Divodurum (Metz) et enveloppant ainsi la Gaule Belgique. De cette sorte, l'armée de Germanie restait en dehors de la ligne douanière ; on sait, en effet, que les objets destinés aux troupes étaient exempts du portorium[153] ; dès lors rien de plus naturel que de reculer les bureaux de perception au delà du pays militairement occupé, afin d'assurer matériellement aux soldats la franchise que la loi leur accordait[154].

Voici quels sont les postes douaniers dont les textes ou les inscriptions nous ont conservé le souvenir.

Nous ne connaissons sur la frontière méridionale que la station de Lugudunum Convenarum, aujourd'hui Saint-Bertrand de Comminges. On y a trouvé, en effet, une inscription actuellement au musée de Toulouse et que M. Herzog a publiée. C'était sans doute l'inscription gravée au-dessus de la porte ou sur le mur du bureau de douane de Lugudunum Convenarum : Herzog, G. N., n. 269

M. Herzog considère ce bureau comme établi sur les limites de l'Aquitaine et de la Narbonnaise[155], opinion que nous ne saurions adopter. On n'a qu'à examiner la position de cette ville pour voir qu'il était destiné à surveiller la frontière d'Espagne. C'était le point de rencontre de trois routes, l'une venant de Burdigala (Bordeaux), l'autre de Tolosa (Toulouse), la troisième d'Aginnum (Agen)[156]. Par ce point devaient donc nécessairement passer une grande partie des marchandises circulant entre la Tarraconaise et l'Aquitaine d'une part, et l'Espagne de l'autre. Cette ville communiquait avec ce dernier pays par la vallée de la Garonne, qu'elle gardait et le val d'Aran, passage certainement connu dans l'antiquité[157]. Il ne faut donc pas hésiter à rattacher ce poste de Lugudunum Convenarum à la ligne douanière du sud de la Gaule.

Sur la frontière orientale on connaît les stationes suivantes :

1° Pedo ;

2° Piasco ;

5° Fines Cottii ;

4° ad Publicanos ;

5° Saint-Maurice ;

6° Magia ;

7° Turicum.

1° Pedo.

La statio Pedonensis nous est révélée par une inscription : C. I. L., V, 7852.

Elle était située, selon M. Mommsen[158], dans le voisinage de Borgo-San-Dalmazzo, à 4 milles (5 kilom. 926) environ au sud-ouest de Cuneo, entre la Stura et son affluent le Gesso, non loin de leur confluent.

2° Piasco.

Nous ne savons pas le nom ancien de cette station douanière. L'inscription qui nous la fait connaitre l'appelle statio hujus provincie et urbis sacre, dénomination qui, il faut l'avouer est bien extraordinaire, et qui, certainement, n'a jamais été usitée : C. I. L., V., 7643.

Ce qu'il y a d'assuré c'est que la douane avait un bureau dans les environs de Piasco, petite ville située actuellement à l'entrée de la vallée de la Varaita, à 3 milles (4 kilom. 444,5) de Saluzzo[159], sur la rive gauche de cette rivière. C'est là, en effet, qu'a été trouvée l'inscription que nous venons de citer. La Varaita n'est qu'un torrent de peu d'importance, mais elle ouvre un passage entre l'Italie et la France par le col d'Agnello. De là la raison d'être de ce poste douanier. Car, bien que le col d'Agnello ne fût traversé par aucune voie dont nous ayons gardé le souvenir[160], ce passage n'était sans doute pas totalement inconnu aux anciens, et, quelque petit que fût le nombre des marchands qui y passaient, ils ne pouvaient cependant pas échapper par là à la surveillance du portorium.

3° Fines Cottii.

Quand on consulte les itinéraires anciens, on y trouve mentionné, sur la route d'Augusta Taurinorum (Turin) à Segusio (Suze) un endroit qu'ils désignent sous le nom de Finibus, Fines, ad Fines, ou encore ad Quadragesimam. La table de Peutinger, l'itinéraire d'Autonin, l'itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, et le 4e vase Apollinaire sont unanimes pour le signaler, et ils le placent tous à 18 milles (26 kilom. 667) à peu prés de Turin et à 22 environ (32 kilom. 593) de Suze. En les comparant entre eux, on obtient le tableau suivant :

L'Anonyme de Ravenne parle également de cette statio[161].

A tous ces documents, déjà si concluants viennent s'en ajouter d'autres que nous fournit l'épigraphie. On a trouvé, près d'Avigliana, sur la rive droite de la Dora Ripaira, plusieurs inscriptions que M. Carlo Promis a publiées dans son histoire de Turin dans l'antiquité[162], et que nous trouvons reproduites dans le Corpus inscriptionum latinarum ; elles se rapportent au poste douanier établi en cet endroit, et l'une d'elles nous en indique le nom officiel, Fines Cottii : C. I., L., V, 7213[163].

C'était, en effet, le point extrême de l'ancien royaume de Cottius, qui était resté dans une sorte d'indépendance jusqu'au moment ou Néron, à la mort de son dernier roi, l'annexa à l'empire romain (65 p. C. n)[164]. Dès lors il fut réuni à la Gaule pour l'administration financière, et compris comme tel dans la circonscription de la Quadragesima Galliarum. La ville d'Avigliana devint, à partir de ce moment, un poste de la ligne douanière qui séparait la Gaule de l'Italie. Ce bureau devait être d'une grande importance ; du fait seul que tous les itinéraires en font mention, on pourrait déduire que cette route d'Italie en Gaule par Suze était très fréquentée, si on ne le savait aussi par d'autres sources[165].

De Suze, en effet, partaient deux routes que Cottius lui-même avait eu soin de construire et d'entretenir à ses frais[166] ; l'une passait par le col des Muandes au sud du mont Tabor et descendait la vallée de la Clairée pour aller gagner Brigantium (Briançon), l'autre traversait les Alpes au mont Genèvre (Mons Matrona) ; c'était le passage le plus anciennement connu et le plus fréquenté ; comme la première, elle venait aboutir à Brigantium[167]. De Suze à Turin ces deux routes n'en formaient plus qu'une seule, et c'est sur cette route que se trouvait la station de Fines Cottii, dans les environs de la ville moderne d'Avigliana[168].

4° Ad Publicanos.

Pour se rendre de Milan à Vienne, il fallait passer par Augusta Prætoria (Aoste) ; de là, on traversait les Alpes Grées, pour gagner la vallée de l'Isère. Strabon nous apprend que cette route était carrossable jusqu'à Lyon[169] ; elle devait donc être très fréquentée par les marchands qui se rendaient de Gaule en Italie, ou d'Italie en Gaule. Elle franchissait les Alpes par le Petit Saint-Bernard (Graius mons). Nous la trouvons mentionnée aussi dans les itinéraires anciens, table de Peutinger (p. 56), itinéraire d'Antonin (p. 102), et Anonyme de Ravenne (4, 26) ; tous trois nous apprennent qu'il y avait sur cette route, entre Mantala et Oblininum, à 16 milles (23 kilom. 704) de la première ville et à 5 milles (4 kilom.444,5) de la seconde un endroit qu'ils appellent ad Publicanos. C'était évidemment un poste douanier.

Doit-on supposer avec quelques auteurs qu'il était établi près du pont de Conflans sur l'Arli[170] ? Tel n'est pas l'avis de M. Allmer[171]. Il croit qu'on peut identifier la statio de ad Publicanos avec Tournon, près de Gilly, entre l'Isère et le col de Tamiers. On a trouvé, en effet, à Allondaz, près d'Albertville (Haute-Savoie), une inscription très intéressante ; elle nous apprend que près de ce village de Tournon, fort riche d'ailleurs en débris romains, était un poste douanier : Allmer, I. V., I, p. 541, n. 82.

C'est très vraisemblablement le même bureau que celui que les itinéraires ont désigné sous le nom de ad Publicanos. Du moins y avait-il en cet endroit un poste qui dépendait sans doute du premier.

5° Saint-Maurice.

D'Aoste partait une autre route qui se rendait à Aventicum (Avenches) en passant par le Grand-Saint-Bernard. Cette voie, signalée par Strabon, nous est donnée en détail par les itinéraires[172].

Elle traversait le Rhône à Tarnaiæ ou Tarnadæ, endroit qui, selon les calculs de M. le colonel Lapie, correspond à la ville de Saint-Maurice[173]. Il y avait là un pont romain, près duquel on a trouvé une inscription dédiée au génie de la station. Bien qu'il n'y soit pas nettement question du portorium, on la regarde généralement comme s'y rapportant[174]. Mommsen, C. I. H., 14.

On peut donc penser que c'était à Tarnadæ qu'on levait l'impôt du portorium sur les marchandises qui circulaient entre Aoste et Avenches.

6° Magia.

A 16 milles romains (23 kilom. 704) au nord de Curie (Chur) et à 35 milles (51 kilom. 852,5) au sud de Brigantio (Bregentz) se trouve, suivant la table de Peutinger[175], la ville de Magie (auj. Mayenfeld). C'est là qu'il faut, suivant M. Mommsen, placer la statio Maiensis qui nous est révélée par une inscription déjà citée[176]. Elle était située, on le voit, sur la limite de la Rætie et de la Gaule, mais appartenait à la circonscription de la Quadragesima Galliarum dont elle formait la limite de ce côté.

7° Turicum (Zurich).

Nous n'avons sur la statio Turicensis qu'un seul document, de la fin du deuxième siècle de notre ère : Mommsen, I. C. H., 236.

M. Mommsen pense que ce poste était établi sur la route ancienne qui allait à Milan en passant par Chur et traversait les Alpes par le Julier, le Septimer ou le Splügen[177].

De la frontière nord-est, nous ne connaissons qu'un seul poste douanier, Metz, Divodurum ou Civitas Mediomatricorum, comme elle est appelée dans l'inscription qui nous intéresse ici : Robert, Épigr. de la Moselle, pl. I, lig. 8[178].

La position de cette ville sur la Moselle lui assurait une certaine importance commerciale ; de plus elle était le point de rencontre de quatre routes, deux venant de la Gaule et deux autres de la Germanie. Des deux premières, l'une la mettait en communication avec le centre et l'ouest de la Gaule par Durocortorum (Reims)[179] d'où partaient de nombreuses voies de communication à travers la Lyonnaise et l'Aquitaine ; l'autre la mettait en relation avec le sud et l'est par Tullum (Toul)[180] et Lyon[181]. Quant aux deux dernières, elles reliaient Metz l'une à Argentoratum (Strasbourg)[182], l'autre à Augusta Trevirorum (Trèves)[183] et Colonia Agrippina (Cologne)[184].

Par terre comme par eau, de nombreuses marchandises devaient donc arriver à Metz avant d'entrer en Gaule ou d'en sortir[185].

Nous n'avons pas d'autres documents sur la ceinture de bureaux douaniers qui entourait la Gaule et la séparait de la Germanie, de l'Illyricum, de l'Italie et de l'Espagne. Nous connaissons pourtant encore d'autres stations du portorium qu'il est impossible de rattacher à la ligne que nous avons essayé de tracer plus haut. C'est que les Romains avaient agi en Gaule comme en Illyricum ; ils ne se contentaient pas d'exiger le portorium à la frontière. Pour tirer plus de fruit de l'impôt, ils avaient établi des postes de perception dans l'intérieur de la circonscription, soit sur les routes, soit au passage des rivières, soit enfin à l'entrée des villes où ils avaient sans doute trouvé l'impôt levé au moment de la conquête[186]. C'est ainsi que nous trouvons un bureau de portorium à Nemausus (Nîmes) : Herzog, G. N., 159. = Wilmanns, 2213.

Il en existait un aussi à Cularo (Grenoble), comme le prouvent deux inscriptions qui sont citées et commentées par M. Allmer (I. V., I, p. 352, n° 80[187] et p. 329, n° 79).

Cularo était situé sur la route de Milan à Vienne dont nous avons déjà parlé et qui passait à Avigliana (Fines Cottii). Arrivée à Briançon, cette route remontait au nord-ouest pour gagner Vienne et traversait l'Isère à Cularo ; c'est probablement au passage de cette rivière que le portorium était réclamé ; ce n'était pas un droit de douane qu'on y percevait, mais bien un péage. On ne peut pas supposer, en effet, que ce bureau aven été établi avant l'annexion du royaume de Cottius et qu'il disparut lorsqu'on eut créé à Avigliana un poste de frontière, puisque la première de ces deux inscriptions trouvées à Cularo est au moins de l'an 161 et peut-être même de l'an 212[188]. Les deux stations existaient donc concurremment, et les marchandises qui avaient déjà payé l'impôt à Avigliana y étaient soumises une seconde fois à Grenoble[189].

Bien plus, si elles continuaient leur route jusqu'à Vienne (Vienne), elles rencontraient encore une station de portorium. Car il y avait à Vienne un bureau de perception de la Quadragesima Galliarum, comme le prouve une inscription que l'on conserve encore aujourd'hui au musée : Allmer, I. V., I, p. 337, n° 81.

Six routes aboutissaient à cette ville, et devaient en faire un lieu de passage très fréquenté ; l'une venait, comme nous l'avons vu de Milan par Avigliana et Grenoble ; une autre partait également de Milan, mais elle traversait le Petit-Saint-Bernard ; sur cette route, il y avait déjà un poste douanier à Ad Publicanos (Tournon), d'où partait un embranchement qui se dirigeait sur Genève ; deux autres routes conduisaient de Vienne à Lyon, l'une en longeant le Rhône, l'autre directement ; une cinquième gagnait la Méditerranée par Valence, et une sixième allait jusqu'aux Pyrénées en passant par Alba Helviorum (auj. Aps) ; elle suivait la rive droite du Rhône[190]. De plus, par sa situation sur le cours de ce fleuve, Vienne pouvait recevoir directement des marchandises venues par la Méditerranée, sur lesquelles elle prélevait un droit à leur débarquement ; il n'est même pas impossible qu'elle perçôt une première taxe sur celles qui remontaient par eau jusqu'à la ville de Lyon.

Lugudunum (Lyon) était vraisemblablement le centre administratif de la Quadragesima Galliarum, comme Pœtovio celui du portorium Illyrici[191], c'est un fait que sa position seule suffirait à expliquer. Celte ville était située, pour ainsi dire, à la frontière des quatre grandes provinces qui formaient la circonscription douanière de la Quadragesima ; c'était à Lyon de plus qu'était concentré tout le service administratif de la Gaule[192]. Il n'est donc pas étonnant qu'on y ait trouvé un certain nombre d'inscriptions relatives à notre sujet. Nous connaissons ainsi les noms de :

a. Deux tabularii, affranchis. De Boissieu, p. 275, n° 30. — Gobin, Notes sur des inscr. et des pierres antiques extraites du lit du Rhône, p. 8 (Lyon, 1872, in-4°).

b. Un autre affranchi dont nous ignorons la fonction. Wilmanns, 1399.

c. Deux esclaves, dont l'un était caissier. Wilmanns, 1399. — C. I. L., V, 7215.

C'était même un avancement, parmi les esclaves des fermiers, d'être envoyé dans cette ville ; aussi l'un d'eux a-t-il consacré un ex-voto aux dieux, qui l'avaient fait nommer caissier à Lugudunum ; il était auparavant contrôleur à la station de Fines Cottii[193]. A Lyon se trouvait aussi sans doute la résidence du procurator XXXX Galliarum.

Outre ce bureau central, il y avait un poste particulier établi aux portes de la ville romaine. La ville antique de Lugudunum se composait, en effet, de deux parties ; l'une était la ville gauloise, qui occupait la pointe de terre placée au confluent du Rhône et de la Saône ; l'autre était la ville romaine fondée par Munatius Plancus pour les bannis de Vienne, et qui avait été construite sur la montagne de Fourrières. Elle n'était baignée que par la Saône ; or, on a retrouvé, dans le lit de ce fleuve un grand nombre de plombs de douane[194], qui portent encore la marque de la corde qui les traversait ; au revers ou voit l'empreinte du bois ou de l'étoffe sur lesquels ils ont été appliqués. C'est une preuve irrécusable de l'existence d'un poste du portorium spécial à la ville de Lugudunum.

L'importance commerciale de Lyon dans l'antiquité est trop connue pour que nous y insistions ici. Il suffit d'y songer pour se faire une idée des richesses que la perception du portorium dans cette seule station pouvait procurer aux fermiers de l'impôt.

Il est certain que des droits de portorium avaient été établis en Gaule dans bien d'autres endroits encore, soit sur les chemins, suit à l'entrée des grandes villes, mais aucun document ne nous en a conservé la trace[195] ; et, jusqu'à ce que de nouvelles découvertes viennent nous apporter quelque renseignement, il faut s'en tenir à ces données, quelque incomplètes qu'elles soient.

Comme il résulte du nom même sous lequel nous trouvons le portorium désigné en Gaule, le taux de l'impôt était du 40e (2 ½ %) de la valeur des objets.

4° Espagne.

L'Espagne était organisée comme la Gaule et l'Illyricum. Les provinces espagnoles : Lusitania, Bætica et Tarraconensis, ne formaient, selon toute vraisemblance, qu'une seule région douanière[196] ; malheureusement nous ne connaissons qu'une inscription sur le portorium d'Espagne, et malgré toute l'importance de ce document, les renseignements qu'il nous donne sont très incomplets.

Les limites de cette circonscription douanière ne peuvent faire de doute pour personne ; la nature même les a tracées.

Comme ailleurs, cet impôt était affermé à des capitalistes ; nous avons conservé le nom d'un de ces traitants, Tenatus Silvinus qui était magister de la compagnie. C. I. L., II, 5064.

Un procurateur était sans doute chargé de surveiller cette exploitation, ainsi que cela se passait dans les provinces.

Le fait capital qui distinguait l'Espagne des pays que nous avons déjà étudiés, c'est que le taux du portorium était non pas du quarantième, comme en Gaule, mais du cinquantième (2 %) de la valeur des marchandises ; cette province était donc plus favorisée que les autres par les Romains, peut-être pour ne pas imposer au commerce des charges trop lourdes, et ne pas ruiner des industries dont Rome avait besoin[197].

5° Afrique.

En Afrique, le portorium était soumis à une réglementation spéciale. Les impôts, au nombre total de quatre, n'y étaient pas loués séparément à des fermiers différents ; mais un seul traitant affermait la perception des IIII publica Africæ. Quels étaient ces quatre publica, c'est ce qu'il n'est pas possible de dire au juste ; mais comme nous savons par d'autres sources que le portorium était établi en Afrique, il est certain qu'il faut le ranger parmi ces quatre impôts inconnus. Le fermier du portorium était donc en même temps fermier des trois autres impôts ; il était sous le contrôle du procurator IIII publicorum Africæ, que l'empereur nommait pour surveiller sa gestion, et protéger, autant que possible, les contribuables contre les exactions des publicains[198].

De la ligne douanière, nous ne connaissons qu'une seule station (statio ad portum). Elle était située sur la route de Sigus à Sitifis à 55 milles romains (51 kilom. 852,5) de cette dernière ville, ainsi que nous l'indique la table de Peutinger[199]. En l'an 202, ce poste douanier fut porté à Zaraï, à 37 milles (54 kilom. 815,5) en arrière de Sitifis, dans une direction un peu plus méridionale que la station de ad portum. C'est que Zaraï (aujourd'hui Zraïa) n'avait été laissé en arrière de la ligne du portorium que pour assurer aux soldats l'immunité douanière ; or, en 202, la cohorte qui occupait ce poste quitta probablement l'Afrique[200]. Dès lors, le fisc prit possession de ce lieu et y établit un tarif que nous avons conservé et dont nous parlerons plus loin.

Cette station de Zaraï que nous indique l'itinéraire d'Antonin (p. 9) était située sur la route des caravanes qui se rendaient en Mauritanie venant de la Byzacène, de la Tripolitaine, du Djerid et des contrées méridionales de l'Aurès. Une route conduisait, en effet, de Tacape (Gabès) à Thelepte[201]. Cette route se bifurquait à la station d'Avibus (au pied du Djebel Khenga), pour donner naissance à une nouvelle route qui formait comme la limite méridionale des établissements romains en Afrique Elle traversait tout le Djérid, passait à Thuzuros (Tozeur), à ad Majores (Besseriani), et arrivait à ad Piscinam (Biskra). Après avoir dépassé cette ville et traversé l'oasis d'El-Outhaya, elle se divisait de nouveau en deux parties ; la première voie gagnait Lambèse, la seconde suivait la rive droite de l'Oued-el-Kantarah et se dirigeait sur Zraïa. Par ce poste douanier passaient donc les marchands venant de Tacape, qui était, sous la domination romaine, un centre commercial des plus importants ; ils recueillaient sur leur passage les produits du Djerid et de l'Aurès, et c'est au moment où ils allaient entrer dans la Mauritanie qu'ils étaient obligés de payer au trésor le droit de portorium. On verra d'ailleurs que l'impôt était à Zraïa considérablement adouci[202].

On ne sait pas quel était le taux du portorium en Afrique. Le seul document que nous possédions à ce sujet est le tarif de Zraïa ; si l'on examine les prix qui y sont indiqués, on s'aperçoit qu'il ne semble pas y avoir un rapport constant entre la valeur de la marchandise et la somme d'argent que la douane exigeait pour la laisser passer ; pour les esclaves, par exemple, le droit perçu est de 3/1000, et pour les chevaux de 3/800, ce qui est un taux bien inférieur à tous ceux que nous connaissions dans le reste de l'empire[203]. D'autres dispositions qu'on lit dans ce tarif viennent encore nous prouver que le trésor s'était relâché de sa sévérité habituelle ; ainsi les bestiaux destinés au marché étaient exempts de tout droit, ce qui n'existait pas ailleurs. Tout porte donc à croire que ce tarif était spécial au poste de Zraïa et peut-être à quelques autres situés comme lui sur le chemin des caravanes venant du désert, et qu'il avait pour but de favoriser le commerce avec les peuples voisins. Mais on ne peut pas en conclure qu'il en ait été de même pour le reste de l'Afrique, et rien ne prouve que l'impôt n'y ait pas été calculé sur un taux unique, auquel aurait été soumise la plus grande partie de la circonscription financière.

6° Égypte.

Bien avant la domination romaine, il existait en Egypte un système de douanes et de péages solidement établis. Au temps de Ptolémée II, les vaisseaux payaient un droit de navigation sur le Nil[204] ; Agatharchide, tuteur de Ptolémée VIII, parle d'un impôt élevé à Hermupolis, entre la Thébaïde et l'Heptanomide[205]. Enfin Hirtius nous fait connaître qu'au moment de la guerre d'Alexandrie, il y avait des postes de douane à toutes les bouches de Nil[206].

Loin de changer le système en usage dans le pays, les Romains, une fois maîtres de l'Egypte, ne firent qu'exploiter dans leur intérêt l'impôt qu'ils y avaient trouvé établi. L'Egypte forma sous l'empire, une région douanière distincte de celle de l'Afrique. Comme partout, l'impôt était loué à des fermiers ; c'étaient ou des Grecs ou des Romains[207] ; plus rarement, ce semble, des indigènes, bien qu'on ait conservé le souvenir de l'un d'eux qui fut fermier des impôts directs, il est vrai, dans l'île d'Éléphantine[208] ; mais nous verrons plus loin qu'à Syène, les fermiers du portorium, percevaient en même temps la capitation : il est donc permis de croire qu'il n'y avait pas de différence fondamentale entre les fermiers des impôts indirects et ceux des impôts directs, et que, dans les deux cas, ils pouvaient être choisis parmi les Égyptiens, pourvu que le candidat présentât au trésor des garanties suffisantes. Nous les trouvons désignés sous le nom d'έπιτηρηταί[209] aussi bien que sous celui de μισθωταί[210]. Ils étaient, comme partout, formés en compagnies[211].

Au contraire, ceux qui les aidaient dans la perception, les employés inférieurs, les βοηθοί, comme on les appelait en Égypte, étaient la plupart du temps indigènes, et la façon peu correcte dont ils écrivaient le grec le prouverait suffisamment, si leurs noms ne venaient déjà nous le révéler[212]. Ils étaient protégés dans leurs fonctions, au moins en certains endroits, par des soldats que leur prêtait l'autorité militaire du pays, et par des vaisseaux qui faisaient la surveillance du fleuve[213].

Au nord, nous connaissons par les textes et les inscriptions le poste de Schedia, à 4 schènes d'Alexandrie[214]. En effet, l'importance d'Alexandrie était immense. Tous les produits exportés de l'Inde ou de l'Arabie, qui furent si fort recherchés à Rome sous l'empire, passaient par cette ville[215] ; pour se faire une idée de l'activité commerciale qui régnait de ce côté, il suffit de songer que Pline fixe l'importation annuelle des marchandises indiennes en Égypte à 55 millions de sesterces (13.750.000 francs) environ[216] et celle des perles à 100 millions de sesterces (25 millions de francs)[217]. Aussi, toutes les mesures avaient été prises pour tirer de la douane tous les revenus possibles. Pour assurer le payement de l'impôt, on avait fermé la bouche Canopique par une sorte de porte d'écluse qui ne permettait aux navires, ni de sortir, ni d'entrer avant d'avoir acquitté les droits[218]. On avait de plus établi un poste militaire qui relevait du préfet de la flotte d'Alexandrie[219]. Bien que la branche Canopique fût la plus importante, il y avait aux autres embouchures du fleuve des postes douaniers ; du moins, ils existaient à la fin du règne des Lagides[220], et il est vraisemblable que les Romains les conservèrent.

Au sud, il y avait un bureau de douane à Syène. Nous trouvons mentionnés, en effet, dans les ostraca publiés par M. Frœhner, aussi bien que dans ceux que le Corpus inscriptionum græcarum avait déjà fait connaître les μισθωταί[221] et les έπιτηρηταί[222] ίεράς πύλης Σοήνης ; cette porte sacrée n'est autre que la

porte qui servait d'entrée à la grande muraille séparant l'Égypte de l'Éthiopie. A la station de Syène, les marchandises importées dans l'Éthiopie ou exportées de ce pays en Egypte étaient obligées de payer un droit d'entrée ou de sortie[223]. Il y avait à Syène, outre un bureau de portorium où les fermiers et leurs agents percevaient l'impôt[224], une station militaire et un certain nombre de bateaux de surveillance que la douane semble avoir eus à sa disposition[225]. Les vaisseaux étaient obligés de payer un droit de station, s'ils voulaient séjourner dans le port[226].

Du côté de la mer Rouge, se faisait un commerce important pour l'Égypte ; c'est par là que lui arrivaient les marchandises de l'Inde et de l'Arabie ; si bien que, dès le temps des Lagides, on avait songé à préparer des débouchés à ce commerce en lui assurant des ports toujours ouverts[227] ; les Romains, une fois maîtres du pays, poursuivirent la politique des Ptolémées et les marchandises continuèrent d'affluer sur les côtes de l'Egypte et de l'Arabie ; aussi trouvons-nous établi un droit de portorium sur la mer Rouge[228]. Nous n'avons pas gardé de documents à ce sujet sur les ports égyptiens, mais Arrien[229] et Strabon[230] nous parlent de Leuké Comé, sur la côte d'Arabie, où on levait un droit de portorium. Il y avait là, au dire d'Arrien, des agents chargés de percevoir l'impôt et un poste militaire. Le taux y était du quart de la valeur des objets[231], taux excessivement élevé et bien supérieur à tous ceux que nous avons vus jusqu'ici.

Outre ces stations douanières, il est vraisemblable que les épistratégies égyptiennes étaient séparées l'une de l'autre par des bureaux de portorium, le fait est certain pour l'Heptanomide et la Thébaïde. Strabon[232] dit qu'après la ville d'Oxyrinque, on trouvait la φυλακή (station douanière)[233] d'Hermupolis, pour les marchandises qui arrivaient de la Thébaïde, et ensuite la φυλακή de la Thébaïde, sans doute pour celles qui venaient de la basse ou moyenne Égypte. Agatharchide vient confirmer le témoignage de Strabon[234], mais il est regrettable qu'aucun document ne nous fasse connaitre une station de portorium entre l'Heptamonide et le Delta.

On a même observé des octrois locaux, par exemple celui d'Hermonthis (aujourd'hui Ernent) ; on payait dans cette ville un droit d'exportation pour les céréales[235]. Ce n'étaient pas les Romains qui l'avaient établi ; il existait déjà du temps des Ptolémées, comme nous l'apprend un papyrus de Berlin[236] ; mais persista sous la domination romaine, où nous le retrouvons en vigueur. Il devait en être de même dans plus d'une des villes si riches de l'Egypte. '

Il est impossible de savoir quel était le taux du portorium en Égypte ; celui que nous avons trouvé établi à Leuké Comé ne s'étendait probablement pas aux autres ports de la mer Rouge, et encore moins aux bureaux établis dans le reste du pays[237]. Nous n'avons à ce sujet absolument aucun document.

7° Asie.

Nous n'avons aussi que fort peu de documents sur les provinces d'Asie ; nous savons seulement qu'elles n'étaient pas louées en bloc, comme celles d'Afrique, par exemple. C est ainsi que les Romains distinguaient comme circonscriptions douanières : 1° l'Asie ; 2° la Bithynie, le Pont et la Paphlagonie. Celte division existait déjà sous la république ; c'est pour cela que, dans Cicéron, il est question, par exemple, de la douane d'Asie[238], et ailleurs des socii Bithyniæ[239] ; elle se perpétua sous l'empire. On sait que le père de Vespasien fut receveur du quarantième en Asie[240] ; nous avons déjà cité une inscription dédiée à un villicus du portorium d'Asie, qui avait son bureau à Milet[241]. Enfin, nous trouvons le portorium d'Asie mentionné dans une inscription[242], à côté de celui de Bithynie, Pont et Paphlagonie. Outre les fermiers qui furent introduits dans le pays par C. Gracchus[243] (lex Sempronia), et que nous retrouvons sous l'empire, comme nous venons de le voir, il y avait des procurateurs chargés spécialement de la surveillance du portorium. Tel fut le beau-père de Gordien III, Timesitheus, dont tous les titres nous ont été conservés dans une inscription très importante[244] que M. L. Renier a commentée tout au long[245]. De cette même inscription on peut aussi conclure que jusqu'à la fin de l'empire le taux du portorium fut du quarantième dans la province d'Asie et dans la circonscription douanière de Bithynie, Pont et Paphlagonie. C'est le taux que nous avons déjà signalé pour la Gaule.

Des autres provinces d'Asie, nous ne savons absolument rien.

8° Sicile.

La Sicile formait une province douanière à part ; telle elle avait été sous la république[246], telle elle resta sous l'empire. Nous trouvons au Digeste la mention de la lex censoria Siciliæ[247], et une inscription nous a conservé le souvenir d'un C. Vibius Salviaris, pro magistro portuum provinciæ Siciliæ[248].

Sous la république, le taux du portorium était du vingtième (5 %)[249] ; rien ne prouve qu'il ait été différent sous l'empire.

9° Italie.

Nous avons vu que César avait rétabli les douanes en Italie, et que, depuis lors, le droit de portorium n'avait cessé d'y être perçu. On peut donc considérer l'Italie comme une circonscription douanière, absolument à l'égal de l'Asie ou de l'Illyricum. Mais ce qu'il y a de très fâcheux, c'est que l'on possède sur la douane d'Italie à peine quelques textes et quelques inscriptions ; si bien qu'il est impossible d'avoir sur ce point aucune donnée précise.

Ce silence des auteurs et des monuments s'explique d'ailleurs assez aisément ; nous savons que l'impôt ne frappait en Italie que les marchandises étrangères, les objets de luxe, par conséquent, tels que les esclaves ou les bêtes destinés aux jeux[250], tandis que les objets de première nécessité semblent en avoir été exempts. Le portorium devait donc avoir bien moins d'importance que dans les autres parties de l'empire.

Nous avons montré, en parlant de la Gaule et de l'Illyricum, quelle était la direction de la ceinture douanière qui entourait l'Italie au nord. Nous n'y reviendrons pas ici.

Il ne rentre pas non plus dans notre plan de parler de tous les ports de l'Italie où pourtant le portorium était vraisemblablement perçu. Nous ne citerons ici que ceux sur lesquels nous mus conservé quelque renseignement relatif à notre sujet.

La principale douane semble avoir été celle de Puteoli (Pozzuoli). On sait quelle était l'importance de ce vaste entrepôt où arrivaient les marchandises de l'Égypte et de l'Orient[251]. L'impôt du portorium y fut établi de bonne heure, puisque en 555=199 nous voyons les censeurs P. Cornelius Africanus et P. Ælius Pactus affermer, au profit du trésor romain, la douane de Puteoli[252]. Cicéron vous en parle aussi[253] ; de son temps même, ce port était le centre d'un commerce si considérable, que les Romains étaient forcés d'y envoyer un questeur pour empêcher la trop grande exportation de l'or et de l'argent[254]. Sous l'empire, Puteoli garda son importance et les vaisseaux d'Alexandrie continuèrent d'y apporter les richesses de l'Orient[255].

Parmi les ports de l'Adriatique, les seuls à propos desquels il soit question du portorium sont : Brundisium (Brindisi)[256], Tergeste[257] et Aquileia[258]. Encore les textes qui nous les mentionnent ne nous apprennent-ils rien d'intéressant.

Il est également impossible de connaître d'une façon positive le taux du portorium qui était établi en Italie. Néanmoins on peut admettre qu'il s'élevait au 40e (2 ½ %). Comment expliquer, en effet, que les auteurs, parlant du portorium, le désignent par le mot Quadragesima ? Nous avons démontré que le quarantième n'était pas un taux unique, comme on l'a dit quelquefois, et que ce taux n'existait pas dans certaines provinces, les moins nombreuses il est vrai. Si donc Quintilien, professeur d'éloquence à Rome, et Symmaque, préfet de la ville, ne parlent que de la Quadragesima, n'est-ce pas parce que ce taux était en usage en Italie et, par conséquent, le seul connu de la plupart des Romains[259] ?

 

CHAPITRE IV

Mode de perception du portorium.

 

Le portorium n'était pas, comme la douane de nos jours, perçu par l'Etat au moyen d'agents spéciaux, relevant d'une administration centrale ; il était, ainsi que la plupart des impôts, au moins dans l'origine, loué à des fermiers[260] qui versaient au trésor public une somme convenue ; dès lors, l'État, qui leur avait vendu le droit de percevoir l'impôt à leurs risques et périls n'avait plus à intervenir que pour surveiller leur gestion et empêcher les exactions des publicains. Ils répandaient alors dans tous les postes du portorium, sur les routes, dans les ports, partout où l'impôt pouvait être levé, tout un personnel d'esclaves et d'hommes libres chargés de l'exiger, et les sommes ainsi recueillies étaient réunies dans leurs caisses.

Pour étudier en détail ce mode de perception, il faut distinguer deux périodes bien distinctes, celle de la république et celle de l'empire.

a. Période républicaine.

Le soin de louer les impôts en général, et les portoria en particulier, appartenait aux censeurs. Pour cela, ils déterminaient d'avance par une ordonnance les objets soumis à l'impôt, le tarif des droits à percevoir, et toutes les conditions auxquelles devaient se soumettre le fermier ; ce cahier des charges, qui portait le nom de lex censoria, était rendu public pour porter à la connaissance des concurrents qui pouvaient se présenter les engagements auxquels ils devaient se soumettre[261].

L'adjudication se faisait publiquement[262], au jour fixé et aux enchères. Les concurrents se présentaient et faisaient leurs offres ; celui qui proposait la plus grosse somme était déclaré fermier, et l'État se reposait désormais sur lui du soin de lever le portorium. Ce bail une fois conclu, il n'était pas facile de le rompre ; il fallait avoir recours à l'autorité du sénat, et celui-ci n'accordait une 'enlise que dans de graves circonstances[263].

Le bail était valable pour un lustrum, ce qui ne veut pas dire pour cinq ans, du moins sous la république. On entendait par ce nom une période variable, non dans la théorie, mais en pratique. La règle était que le lustrum était de quatre ans, c'est-à-dire qu'entre deux années où l'on créait des censeurs, il s'en écoulait trois pendant lesquelles leur charge courait. Il fut étendu à cinq ans en 545, lors de la réapparition de la censure, et cette réforme persista pendant les cinquante-huit années suivantes. Mais, en pratique, le bail n'était pas conclu pour un espace fixe de quatre ou cinq ans ; il l'était seulement pour la période qui devait s'écouler jusqu'à la révision suivante du cahier des charges.

Il ne faut pas croire non plus, malgré le témoignage de Macrobe[264], que les censeurs louassent les impôts le 15 mars ; ce n'était là que le jour à partir duquel les nouveaux contrats entraient en vigueur. Les censeurs prenaient possession de leur charge au printemps ; les fermiers étaient avertis par cela même que leurs traités allaient être révisés ; cette opération prenait aux censeurs un an ou dix-huit mois au plus ; ils concluaient alors avec les fermiers de nouveaux contrats qui ne devenaient valables qu'à partir du 15 mars qui suivait ; ainsi généralement la première année de charge des censeurs était en pratique la dernière des baux conclus avec leurs prédécesseurs[265].

Les portoria étaient loués soit seuls[266], soit avec d'autres vectigalia, la scriptura par exemple[267]. Souvent même tous les impôts d'une province étaient loués ensemble[268]. Mais pour suffire à des opérations aussi importantes, il fallait à la fois de grandes richesses et un nombreux personnel ; aussi des sociétés de publicains s'étaient-elles formées, qui étaient généralement composées de chevaliers[269] ; elles portaient le nom de societates publicanorum ou vectigalium[270], et ceux qui les composaient étaient dits socii vecligalium publicorum[271], et pour le portorium en particulier, conductores portorii[272].

Parmi les membres de ces compagnies, les.uns étaient administrateurs, les autres ne servaient qu'à bailler les fonds[273] ; ils répondaient en parole pour les premiers, et même engageaient leurs biens pour eux.

Parmi ceux-ci, il faut distinguer : 1° le manceps[274], qui faisait avec les censeurs le contrat de location, et prenait sur lui toutes les responsabilités de l'entreprise ; c'était le chargé d'affaires de la compagnie ; à côté de lui étaient des garants qui se portaient caution pour lui et s'engageaient à remplir à sa place les obligations qu'il contractait, s'il venait à y manquer. Les biens de ce manceps, présents et à venir, étaient engagés à l'État par hypothèque et servaient, soit à rembourser les garants des sommes qu'ils avaient été obligés de verser au trésor, soit à dédommager l'État, si les garants ne remplissaient pas leurs engagements. Les garants s'appelaient prædes ; les biens du manceps, prædia[275] ;

2° Les associés, qui ne faisaient que fournir les fonds ; les capitalistes, qui plaçaient leur argent dans l'entreprise et qui avaient un bénéfice plus ou moins grand, suivant qu'ils avaient versé une somme plus ou moins importante[276].

Venaient ensuite les administrateurs et les percepteurs.

A Rome, chaque société avait un magister societatis, magistrat annuel dont le nom servait à dater les actes de la société, comme ceux des consuls les actes publics du peuple romain[277]. Il était chargé de tenir les comptes, de faire la correspondance, et gardait le double des lettres envoyées et reçues[278].

Dans les provinces, la compagnie était représentée par un pro magistro, qui avait à sa disposition un nombreux personnel d'employés :

4° Des tabellarii, qui servaient à porter à Rome et à en rapporter les lettres entre le magister et le pro magistro[279]. Comme il n'y avait point de poste établie à cette époque, ils étaient souvent utilisés par les gouverneurs de province pour les affaires de l'État ou pour leurs intérêts particuliers[280] ;

2° Des esclaves, qui servaient soit au travail des bureaux, soit à la perception directe des droits de portorium[281] ;

3° Des employés libres[282], qui se mettaient au service des-publicains moyennant un salaire, peut-être journalier[283]. Ces employés et les esclaves occupés à la perception des droits de douane portaient le nom de portitores, dénomination qu'on a quelquefois appliquée à tort aux fermiers[284].

Tous ces agents étaient répartis le long des diverses frontières de terre et de mer, dans des postes où ils étaient chargés de surveiller l'entrée ou la sortie des marchandises et d'exiger les droits qui étaient inscrits dans la lex censoria. On sait d'ailleurs avec quelle rapacité ils en usaient, et leur avidité, inséparable du système de la ferme des impôts, était devenue proverbiale. On trouve dans les auteurs latins de nombreux échos des plaintes dont ils étaient les objets, et il serait trop long de citer tous les textes qui les accusent. D'ailleurs, c'est là un sujet de déclamation épuisée[285]. Il nous suffira de rappeler un seul fait : un publicain intègre était chose si rare, même sous l'empire, que le père de Vespasien, qui avait été receveur du portorium en Asie, reçut de grands honneurs pour avoir exercé ces fonctions sans avoir commis d'exactions : non seulement on lui éleva des statues, mais on écrivit sur le piédestal de ces statues : Καλώς τελωνήσαντι. On allait même jusqu'à faire un crime aux agents du portorium de visiter les marchandises et les bagages pour s'assurer qu'ils ne contenaient aucun objet caché[286] ; ils ne faisaient cependant en pareil cas que remplir strictement leur devoir, car leur négligence aurait été punie. La haine dont ils étaient l'objet se traduisait même quelquefois par des surnoms peu flatteurs pour eux[287].

Peut-être, comme l'ont pensé quelques auteurs, ces fermiers et leurs agents étaient-ils placés en Italie sous la surveillance des quatre questeurs chargés des vectigalia publica[288], dont l'un résidait à Ostie[289], le quæstor Ostiensis, un autre à Calès[290] ; les deux autres étant sans doute placés sur les rivages de la mer Adriatique[291]. Malheureusement c'est là une conjecture qui n'est pas établie par les textes. Tout ce que l'on sait à ce sujet, c'est que ces questeurs étaient chargés d'empêcher l'exportation des marchandises prohibées, l'or et l'argent par exemple[292].

On ne voit pas non plus que dans les provinces les fermiers du portorium aient été soumis, avant l'empire, à une surveillance quelconque. Les magistrats provinciaux étaient plutôt chargés de les protéger que de réprimer leurs exactions, même lorsqu'ils ne s'en servaient pas comme de complices dans leurs dilapidations[293]. C'est ainsi que le questeur les aidait de son autorité pour leur perception[294], et lorsqu'il survenait quelque différend entre eux et les contribuables, c'est au gouverneur qu'ils avaient à s'adresser pour le régler[295]. Ceux contre lesquels ils obtenaient une condamnation étaient jetés en prison jusqu'à ce qu'ils eussent acquitté leur dette[296].

b. Période impériale.

Des changements furent apportés sous l'empire à ce mode de perception. Non que l'on cessât jamais de louer les portoria à des publicains ; nous avons des textes formels qui établissent que jusqu'au temps de Marc-Aurèle[297] les fermiers continuèrent d'exister. A partir de cette époque nous n'avons plus de documents positifs. Mais comme nous retrouvons ce procédé signalé en maint endroit par le Digeste, dans des textes d'époques différentes, on peut regarder comme certain qu'il dura sans interruption pendant tout l'empire[298]. Le seul changement introduit se rapporte à la qualité même des fermiers. Depuis le règne d'Hadrien les chevaliers ne font plus partie des sociétés de publicains ; ils composent un corps spécial dans lequel l'empereur choisit ses procurateurs et dont les membres pouvaient arriver aux plus hauts emplois civils et militaires[299]. Dès lors ce sont les affranchis que nous trouvons au nombre des fermiers ; nous n'en citerons comme exemple que ces trois frères Julii qui, grâce à leur fortune prodigieuse, avaient pu louer le portorium de l'Illyricum.

A côté de ces fermiers de la douane, nous trouvons, et c'est la réforme capitale que les empereurs apportèrent, des procurateurs qui ne leur succédèrent pas comme percepteurs de l'impôt, ainsi qu'on pourrait le croire, mais qui existaient en même temps qu'eux[300]. Ces procurateurs étaient institués pour une double fin. D'abord, la censoria locatio n'existant plus[301], c'était probablement à eux que revenait le soin de régler avec les fermiers les conditions de la location[302]. Cela rentrait peut-être même dans les attributions du procurateur préposé au bureau central de Rome.

Leur seconde attribution était de surveiller les publicains dans l'exercice de leurs fonctions. On sait les exactions auxquelles les provinciaux avaient été soumis sous la république. et les réclamations auxquelles ces exactions donnèrent lieu ; on continuait sous l'empire à se plaindre des portitores[303]. Pour remédier, autant que possible, à ces abus, les empereurs établirent, à côté des fermiers, des procurateurs chargés de les contrôler, ce qui, sans guérir entièrement le mal, servit du moins à le tempérer. Cette institution ne semble pas remonter plus haut que les Flaviens.

Mais le caractère de ces procurateurs n'a jamais été nettement déterminé[304] ; il est utile d'y insister un peu longuement.

Pour surveiller les fermiers, les empereurs se servaient, non des procurateurs de la province, mais de procurateurs spécialement chargés de cette mission. En effet, les circonscriptions financières ne répondaient pas, nous l'avons vu, à telle ou telle province ; elles en comprenaient plusieurs la plupart du temps.

L'Illyricum, par exemple, comprenait huit provinces qui toutes avaient des procurateurs spéciaux. Si ces procurateurs avaient été chargés de surveiller les fermiers, on trouverait quelque preuve de ce fait dans les inscriptions ; ce qui n'est pas. On y trouve au contraire la trace d'une administration unique, celle du vectigal Illyrici, ayant à sa tête un procurateur qui est nettement désigné dans une inscription, malheureusement d'une époque assez récente[305] : C. I. L., III, 4155. = Wilmanns, 1287.

Il en est peut-être aussi question dans un fragment d'inscription d'ailleurs très mutilé : C. I. L., V, 2826[306].

Mais ce que l'on trouve fréquemment mentionné, c'est tout le personnel d'affranchis et d'esclaves qui étaient sous lés ordres de ce procurateur[307].

Les vectigalia de l'Illyricum étaient donc confiés à la surveillance d'un seul procurateur. Mais, l'étendue de la circonscription étant immense, le porterium était généralement loué à part : car vectigal Illyrici n'est nullement synonyme de portorium Illyrici. Toutes les fois qu'une inscription se rapporte à un fermier ou à un de ses esclaves, on y rencontre la mention du portorium Illyrici ; toutes les fois ; au contraire, qu'elle se rapporte à un procurateur, à un affranchi ou à un esclave de l'empereur, il y est question du vectigal Illyrici. Le portorium est même appelé dans une inscription : publicum portorii vectigalis Illyrici[308].

En Afrique, au contraire, les quatre impôts au nombre desquels nous avons rangé la douane étaient loués à un même fermier : nous connaissons le nom de deux d'entre eux : Mommsen, I. N., 6897. = Or., 6650[309]. Acad. des inscr. et belles-lettres, Comptes rendus, 1857, p. 74.

Ces fermiers portaient, comme on le voit, le nom de conductores quatuor publicorum ; les procurateurs chargés du contrôle financier s'appelaient en conséquence procuratores quatuor publicorum Africæ. On possède encore au Louvre la statue de l'un de ces officiers ; sur la plinthe est gravée l'inscription suivante :

CANIIO●AFRICE●PROCVR Iiii pub

C'est évidemment[310] le même qu'un certain L. Caninius Valens dont on a une plus longue description : C. I. L., V, 7547. = Or., 6649 :

Nous en connaissons aussi un autre, T. Eppius Latinus, contemporain d'Hadrien : C. I. L., III, 3925.

En Gaule, où le portorium semble avoir été loué tout seul, on trouve, à côté des conductores quadragesimæ Galliarum[311], des esclaves et des affranchis de l'empereur[312], dépendant évidemment du procurateur de cette circonscription, que l'on trouve lui-même mentionné deux fois[313] : Renier, I. A., 2548.

A la ligne 5, le T et l'N de GENTIS sont liés ; le T et l'H de CINITHIORVM aussi ; le bas des lettres du mot Cinithiorum est emporté par la cassure du marbre, mais le mot est encore parfaitement lisible.

Il devait en être de même pour toutes les autres parties de l'empire, excepté peut-être pour l'Égypte, qui a été toujours soumise à un régime exceptionnel.

On rencontre aussi, postérieurement, en Asie et dans les provinces réunies de Bithynie, Pont et Paphlagonie, des procurateurs du quarantième qui étaient, probablement chargés, non de percevoir directement l'impôt, mais de surveiller la gestion des fermiers[314].

Quant aux octavarii que l'on trouve mentionnés dans le Code[315], on ne sait pas si ce nom désignait des fermiers ou des officiers de finances, chargés de la perception directe de l'impôt.

Pour surveiller les fermiers, les procurateurs n'avaient pas seulement des- bureaux dans la capitale, et dans des villes importantes de la circonscription financière[316], mais à côté même des esclaves des publicains, et dans des postes douaniers situés sur les frontières de terre ou de mer, ils envoyaient des esclaves et des affranchis qui avaient évidemment pour fonctions, non pas tant d'aider les publicains dans leur perception, quoiqu'ils dussent leur être d'un certain secours, que de contrôler pour ainsi dire à chaque instant les actes des fermiers et de leurs agents. C'est ainsi que l'on trouve des prœpositi (préposés à des bureaux de perception)[317] qui étaient toujours choisis parmi les affranchis de l'empereur, ainsi que des tabularii (teneurs de livres[318]) et dans un rang inférieur des esclaves de l'empereur (villici[319] ou contrascriptores[320]) que l'on rencontre à côté des esclaves (villici ou contrascriptores) appartenant aux fermiers[321].

Les fermiers continuèrent de louer l'impôt pour un lustrum, mais la durée de ce lustrum ne fut pas variable comme sous la république ; le bail durait cinq ans et commençait comme par le passé au 15 mars[322]. Ils étaient toujours tenus à observer une lex censoria dont le nom seul disparut avec la censure[323]. Depuis Néron ces tarifs étaient rendus publics[324] et probablement même affichés dans les bureaux de portorium[325].

Nous retrouvons, sous l'empire, à côté des fermiers, tout le personnel que nous avons déjà signalé sous la république :

Un magister societatis[326] ; des hommes de condition libre qui aidaient les publicains (operas dabant) dans leur perception[327] ; enfin des esclaves, appartenant aux fermiers ou à la société des-publicains qui louait l'impôt. Ce sont d'abord des villici[328], puis des contrascriptores[329], enfin des arcarii (caissiers)[330].

Malgré l'importance de cette dernière charge, c'étaient toujours des esclaves qui la remplissaient. C'est qu'en effet un esclave pouvait être mis à la question ; on n'aurait pas eu, au contraire, de recours aussi direct contre un homme libre. On remarquera aussi que nous n'avons pas rencontré d'amaril parmi les esclaves de l'empereur. La raison en est bien simple : les recettes du portorium devant passer entre les mains du fermier, l'état n'avait point de raison pour intervenir entre lui et ses caissiers. Il suffisait à la bonne administration de l'empire que l'on ne frappât pas les marchandises d'un droit plus fort que ne le prescrivait la loi ; ce qu'empêchait la surveillance exercée par le procurateur et ses agents ; quant à l'encaissement même du numéraire, il se faisait par les soins d'un esclave de confiance appartenant au fermier.

Non seulement on trouve dans les inscriptions des esclaves employés aux bureaux de la douane, mais on y rencontre aussi des esclaves de ces esclaves (vicarii) qui les aidaient évidemment dans leurs fonctions[331]. Il semble qu'on choisissait parmi ces vicarii de nouveaux employés quand une vacance venait à se produire ; on les nommait alors soit dans les bureaux où ils avaient déjà été employés[332], soit dans un autre poste de la même circonscription douanière[333].

Il devait y avoir aussi une certaine hiérarchie entre ces esclaves, mais les renseignements que nous donnent les inscriptions ne sont pas suffisants pour nous permettre de l'établir d'une façon absolue[334].

Bureaux du portorium à Rome.

Outre les différents bureaux du portorium disséminés dans les provinces, il parait avoir existé à Rome des bureaux spéciaux où étaient rassemblés et contrôlés les résultats des différentes opérations des bureaux provinciaux[335].

On a trouvé, en effet, à Rome même, deux inscriptions qui mentionnent des employés subalternes de la statio XXXX Galliarum, c'est-à-dire des esclaves attachés au bureau central du portorium des Gaules à Rome. Muratori, p. 893, n° 8. De Boissieu, p. 275, n° 29.

Il convient de rapprocher de ces deux inscriptions une troisième, trouvée, il est vrai, à Tarracon, mais qui nous fait connaître aussi un employé de ce bureau central. Eph. Epigr., III (1877), n° 48.

Il est vraisemblable qu'il en était ainsi pour toutes les autres circonscriptions du portorium.

A la tête de ces stationes étaient des procurateurs particuliers, mais, comme la direction d'un seul de ces bureaux n'était point sans doute assez importante pour occuper un procurateur, il arrivait parfois que plusieurs étaient réunis sous les ordres d'un seul homme, comme, par exemple,-le bureau central de la XXXX Galliarum et celui des IIII publica Africœ, que nous trouvons cités ensemble dans une même inscription : Or., 6648[336].

Il est difficile de dire d'une façon précise quel était le rôle de ce procurateur attaché au bureau spécial de la ville de Rome. Peut-être était-ce lui qui surveillait la mise aux enchères de la ferme du portorium et qui, comme autrefois le censeur, réglait avec les publicains les conditions de la location. Il semble, en effet, plus rationnel de lui attribuer cette charge plutôt qu'aux procurateurs de province, comme le fait M. Marquardt[337]. Sans doute aussi il examinait les comptes des fermiers et les présentait à l'empereur ; car on sait que celui-ci devait vérifier les comptes de tout l'empire et que particulièrement ceux des fermiers du portorium lui passaient entre les mains[338]. Les bureaux dont il est question ici préparaient ce travail de contrôle.

Ainsi, depuis les commencements de Rome jusqu'à la fin de l'empire, le portorium fut loué à des fermiers qui se chargeaient à leurs risques et périls de lever l'impôt sur les particuliers. Ce genre de perception entraîna naturellement avec lui de grands inconvénients ; il laissait trop de place à l'arbitraire, et les publicains, dont l'intérêt était d'augmenter le rendement du portorium, le firent prendre en haine. Pour obvier à ces inconvénients, on songea sous l'empire à surveiller de près leur gestion. Pour cela, l'empereur délégua auprès d'eux, dans les provinces, aussi bien dans les postes de perception que dans les bureaux centraux, tout un personnel d'affranchis et d'esclaves, soumis à un procurateur nommé par lui ; puis il établit à Rome une administration spéciale qui révisait les actes des fermiers et des procurateurs provinciaux, se réservant de contrôler lui-même en dernier ressort les actes de tous ces agents administratifs.

c. Période du Bas-Empire.

Il resterait à étudier les changements qui furent introduits par Dioclétien et ses successeurs dans ce mode de perception ; malheureusement nous n'avons à ce sujet qu'un fort petit nombre de documents ; voici pourtant les renseignements qu'on en peut tirer :

1° C'est au Comes sacrarum largitionum qu'il appartient de porter les lois relatives au portorium, et il décide souverainement, sauf ratification de l'empereur, sur toutes les questions qui intéressent la perception de cet impôt. Ainsi c'est à lui qu'il faut s'adresser pour obtenir la remise des droits de portorium[339].

2° L'adjudication de la ferme du portorium doit se faire en présence du préfet du prétoire ou de ses vicaires, qui sont chargés de surveiller cette opération[340].

5° La durée du bail, qui était auparavant de cinq ans, fut réduite à un !minimum de trois ans, par une constitution de l'an 321 ; mais il y est recommandé que l'adjudication soit faite à l'avance, afin que la perception de l'impôt ne souffre aucun retard ; de plus les nouveaux fermiers doivent entrer en fonctions immédiatement après l'expiration du bail précédent[341].

Il serait intéressant de savoir ce que devint à cette époque l'institution des procurateurs préposés à la surveillance du portorium que nous venons de voir si fortement organisée sous l'empire. Disparut-elle complètement par suite de la nouvelle organisation financière qui s'établit alors, ou la surveillance du portorium fut-elle confiée (autant qu'une surveillance était possible aux derniers temps de l'empire) aux rationales qui, dans les provinces, tenaient les comptes de la recette et de la dépense ? Il est impossible de recueillir à ce sujet aucun renseignement.

 

CHAPITRE V.

Quelles étaient les marchandises et les personnes soumises à l'impôt du portorium. — Quelles étaient celles qui en étaient exemptes.

 

1° Marchandises sujettes à l'impôt.

La règle générale qui semble avoir été suivie en cette matière est la suivante : tous les objets destinés au commerce doivent payer l'impôt. On ne trouve ce principe nettement formulé dans aucun texte, mais il ressort clairement de tous les documents que nous avons entre les mains. Tite Live, parlant des nouveaux impôts établis en 555=499 par les censeurs P. Ælius Pætus et P. Cornelius Scipio Africanus, dit formellement qu'ils portaient sur les objets destinés à la vente[342]. Un peu plus tard (699=55) Cicéron accuse L. Piso d'avoir créé, dans la province qu'il était chargé d'administrer, un portorium sur les marchandises qui s'y vendaient[343].

Nous lisons dans Tacite[344] que Néron conserva aux soldats l'immunité douanière dont ils jouissaient, sauf pour les marchandises qu'ils transporteraient pour en trafiquer. Un autre texte très intéressant, une lettre des empereurs Septime Sévère et Caracalla à leur procurateur Héraclitus, au sujet des habitants de Tyra, ville située sur la rive droite du Dniester, vient encore à l'appui de cette opinion.

Il y est dit que les habitants de cette ville conserveront le privilège qu'ils possèdent de ne pas payer l'impôt, non pas seulement pour les marchandises destinées à leur usage, ce qui eût été une faveur dérisoire, mais aussi pour les objets de commerce.

Cette lettre est de l'année 201[345]. Une constitution du code Justinien placée sous le nom de Constantin déclare formellement que les marchandises destinées au négoce sont soumises au droit habituel, c'est-à-dire au portorium[346]. Enfin Symmaque, se plaignant dans une de ses lettres qu'on veuille exiger le portorium de son frère pour les ours destinés aux jeux qu'il avait fait venir à Rome, ajoute que les marchands seuls doivent y être soumis, puisque c'est là pour eux un objet de commerce[347].

2° Marchandises exemptes de l'impôt.

Au contraire, comme il est naturel, les objets qui servaient à l'usage des particuliers étaient exempts de tout droit[348]. La difficulté était de savoir ce qu'on devait entendre au juste par ces mots : à l'usage des particuliers. Aussi certains objets, bien que n'étant nullement destinés au commerce, ne jouissaient pas de l'immunité. De là de nombreuses contestations entre les voyageurs et les publicains. Nous trouvons à ce sujet de curieux détails dans le Digeste. On lisait, nous dit Alfenus Varus[349], dans la lex censoria de la douane de Sicile : Servos quos domum quis ducet suo usu, pro his portorium ne dato. Malgré la précision apparente de cette phrase, elle pouvait donner lieu à discussion. Que devait-on entendre par domum ? Que signifiait au juste suo usu ?

La première question se résout assez facilement : par domum, il faut entendre le domicile, c'est-à-dire l'endroit où l'on réside, où l'on a ses papiers, le siège de ses affaires[350].

Pour la seconde, il est moins aisé de trouver une solution. II semble, au premier abord, que tous les esclaves qui composaient la maison d'un Romain devraient être considérés comme destinés à son usage. Néanmoins le jurisconsulte établit parmi eux une distinction ; selon lui, on ne doit regarder comme transportés suo usu que les esclaves attachés à la personne du maitre, ou chargés de lui donner des soins journaliers, par exemple, les valets de chambre, les cuisiniers, les domestiques qui servent à table, etc. ; quant aux autres, intendants, régisseurs, tisserands, ouvriers même qui cultivaient la terre, quoique ce ne fût pas dans l'intention de les vendre que leur maitre les amenât avec lui, ils ne devaient pas être exempts du portorium.

On voit par là que l'immunité accordée aux objets destinés à l'usage personnel, bien qu'absolue en théorie, était restreinte en pratique, même par les jurisconsultes, et, à plus forte raison, par les publicains, qui cherchaient à tirer de l'impôt tous les bénéfices possibles ; et cela, sans qu'il soit possible d'établir d'une façon certaine une distinction entre les objets regardés comme objets d'usage et ceux qui, sans rentrer dans la catégorie des marchandises, n'étaient pourtant point exempts de l'impôt.

De là aussi de nombreuses fraudes dont nous nous occuperons plus loin.

D'autres objets paraissent encore avoir joui de la franchise douanière. Ce sont d'abord les instrumenta itineris, c'est-à-dire, les moyens de transport, bêtes de somme chargées de ballots, chariots et animaux attelés à ces chariots[351]. Ce n'était.pas, en effet, à titre de marchandises que ces objets passaient par le bureau de douane ; il eût été inique de les imposer comme telles. Aussi, cette exception était spécifiée dans les lois censoriennes, et c'est là, sans doute, que Quintilien a puisé le passage que nous avons cité plus haut.

L'épigraphie, d'ailleurs, vient confirmer la vérité de ce fait : le tarif de Zraïa mentionne expressément que les bêtes de somme ne doivent être soumises à aucun droit[352] : c'est donc un principe que nous pouvons regarder comme reconnu de bonne heure et appliqué dans toute l'étendue de l'empire.

On ne saurait en dire autant d'une autre exception que nous trouvons mentionnée seulement au code Justinien[353]. Il y est question des instruments destinés à l'agriculture, et que les agents du portorium devaient laisser librement circuler. Comme nous ne trouvons nulle part ailleurs, ni dans les textes, ni dans les monuments, la preuve que cette mesure ait été appliquée antérieurement à Constantin, il se pourrait qu'elle eût été prise par cet empereur dans le dessein de favoriser l'agriculture. Ce n'est pas, en effet, le seul édit que Constantin ait publié à ce sujet. C'est lui qui défendit, sous peine de mort, de saisir pour dettes fiscales les bœufs, les esclaves, ainsi que tous les instruments aratoires[354], qui suspendit toutes les corvées pendant le temps des semailles et de la moisson[355], qui punit ceux qui prenaient pour l'usage des postes les animaux employés à l'agriculture[356]. Les instruments agricoles ne pouvant compter ni parmi les objets transportés en vue du commerce, ni parmi les objets destinés à l'usage personnel, il était utile de faire cesser par une loi tous les doutes à ce sujet.

L'État s'était aussi réservé la franchise douanière dans certains cas.

Tous les objets appartenant au fisc étaient exempts du portorium ; il est inutile d'insister sur ce point, la raison de cette immunité étant évidente : aussi la trouvons-nous signalée aussi bien dans le Digeste que dans le code Justinien[357].

Les objets que l'État envoyait aux troupes étaient dispensés de tout droit. On sait, en effet, que, depuis l'empire, les vivres, les armes et les vêtements étaient fournis gratis aux soldats par le trésor[358]. C'était déjà une très lourde charge, puisque M. Marquardt en évalue la dépense annuelle, pour les vivres seuls, à 39 150.000 deniers (39.150.000 francs environ) : il est donc naturel que l'État ait imposé aux publicains l'obligation de laisser circuler librement tout ce qui était envoyé aux troupes. Le texte du Digeste sur ce point est formel : Res exercitui paratas, dit-il, præstationi vectigalium subjici non placuit[359]. Pour arriver à ce résultat, on employait des moyens matériels dont nous avons déjà eu l'occasion de parler : ou bien on laissait les légions en dehors de la ligne du portorium, afin qu'elles pussent tirer des territoires voisins ce qui était utile à leur subsistance, sans être gênées par le voisinage de stations douanières : c'est ce que nous avons fait remarquer pour l'armée de Germanie et celle d'Afrique ; ou bien, lorsque des légions ou des détachements tenaient garnison dans l'intérieur d'une province, il suffisait probablement que les ballots fussent marqués du numéro de la légion pour qu'ils fussent à l'abri du portorium ; nous avons dit plus haut qu'on avait trouvé à Lyon, dans la Saône, des plombs de douane avec des marques de cette sorte.

Tel était donc le principe universellement adopté : les objets destinés au commerce doivent payer le portorium ; ceux que l'on transporte pour l'usage personnel en sont exempts. Il résulte de là qu'il n'y avait pas lieu de rédiger un tarif général, contenant tous les objets qu'on aurait pu exporter ou importer. C'était l'affaire des employés de chaque bureau de voir quelles étaient les marchandises qu'on transportait pour le négoce, de les estimer, et de faire payer, d'après leur valeur, la somme légale. Si parfois on dressa une liste d'objets soumis à l'impôt, ce ne fut que parce qu'elle pouvait offrir un intérêt particulier ou pour spécifier certains adoucissements à la règle générale.

C'est ainsi que nous avons conservé deux textes, dont l'un nous fait connaître les marchandises apportées de l'Orient pour satisfaire le luxe des Romains ; l'autre, certaines denrées africaines dont ceux-ci trafiquaient avec les barbares leurs voisins. Bien qu'ils aient déjà été commentés plusieurs fois, et qu'il n'y ait guère plus rien de nouveau à en dire, il est indispensable de les reproduire en entier lorsque l'on veut traiter sérieusement du portorium.

LISTE DE MARCIEN.

Nous trouvons au Digeste une liste dressée par le jurisconsulte Marcien ; il nous énumère les articles d'importation orientale faisant l'objet du commerce de Rome avec les pays les plus reculés de l'Asie. Si elle était déjà d'un grand intérêt pour les Romains du temps de Caracalla et de Sévère Alexandre, à plus forte raison doit-elle mériter toute notre attention : aussi a-t-elle été souvent et sérieusement étudiée par plusieurs jurisconsultes, mais surtout par M. Dirksen, qui y a consacré un travail fort important[360].

Malheureusement ces marchandises sont placées l'une à la suite de l'autre sans aucun ordre, soit qu'il faille en accuser la négligence du copiste, soit que les compilateurs aient, en abrégeant, troublé la classification suivie par Marcien. Il est donc indispensable, pour se rendre plus facilement un compte exact de tous les produits que la liste contient, de les diviser en un certain nombre de catégories ; c'est ce qu'ont fait Dirksen et, d'après lui, Marquardt[361].

Les divisions que nous allons essayer d'établir diffèrent un peu de celles que ces deux auteurs ont adoptées.

1° Parfums ou substances employées en médecine[362].

Cinnamonum ; Folium pantasphœrum et Folium barbaricum (sortes de nard) ; Costum ; Costa momum ; Nard[363] ; Cassia turaria ?[364] ; Xylocassia (bois de cassia) ; Smyrna (préparation où la myrrhe entrait en grande quantité) ; Aroma indicum ; Galbanum ; Laser (extrait de la plante appelée laserpitium) ; Agallochus (probablement l'aloès aromatica) ; Sarcocolla (sorte de gomme) ; Gummi arabicum ; Cardamomum ; Opiats de l'Inde.

2° Épices destinées à la consommation.

Poivre long ; Poivre blanc ; Cannelle ; Amomum, zinziberi (gingembre) ; Malabathrum (feuille de bétel).

3° Matières textiles, tissus, fourrures.

Tissus de lin ; Carbasum (coton indien brut) ; Carbasea (tissus de coton) ; Laine[365] ; Metaxa (soie brute) ; Tissus de soie ; Tissus soie ou demi-soie ; Tissus teints ; Vela serta (nattes indiennes) ; Pelles babylonicæ, parthicæ ; Capilli indici (poil de castor).

4° Métaux et pierres précieuses.

Fer de l'Inde ; Pierres décoratives de toute sorte[366] ; Perles ; Sardoine ; Ceraunium ; Hyacinthus (améthyste) ; Emeraude ; Diamant ; Saphir ; Callainus (pierre d'un vert pâle) ; Béryl ; Chélidoine.

5° Teintures.

Pourpre ; Fucus.

6° Eunuques et bêtes féroces.

Eunuques ; Lions indiens ; Lionnes ; Panthères mâles ; Panthères femelles ; Léopards.

On ne sait pas au juste à quel propos Marcien avait introduit cette liste dans son ouvrage sur les dénonciations faites au fisc (De delatoribus), ni à quelle source il l'avait puisée. Il nous semble pourtant en découvrir l'origine. Nous croirions assez volontiers que ce document s'appliquait uniquement au portorium d'Italie. On sait, en effet, que dans cette circonscription les objets de luxe étaient seuls frappés d'un droit de douane ; il devenait dès lors nécessaire de spécifier ce que l'on entendait par objet de luxe, et de rédiger une liste des marchandises qui devaient être comprises dans cette catégorie. Dressée par les soins du censeur ou.de celui qui était chargé d'affermer le portorium d'Italie, cette liste était insérée dans la lex censoria. C'est peut-être de ce document officiel que Marcien a tiré le texte qui nous occupe. Il se pourrait, d'ailleurs, que nous n'en ayons conservé qu'un abrégé : Tribonien aura laissé de côté toutes les marchandises dont on ne faisait pas commerce à Constantinople de son temps[367].

TARIF DE ZRAÏA.

Le tarif de Zraïa est une inscription ; elle a été trouvée en 1858. M. L. Renier en donna, à l'aide d'un calque sur papier huilé qu'on avait envoyé au ministère de l'instruction publique, une lecture accompagnée d'un commentaire dans le Moniteur du 6 décembre 1858. C'est le texte qu'il a reproduit dans son Recueil des inscriptions de l'Algérie (n° 4111).

M. Héron de Villefosse fut chargé en 1874 de rapporter en France le monument lui-même, qu'il avait antérieurement retrouvé dans le pretorium de Lambèse, et dont il sauva la partie inférieure d'une ruine déplorable. Cette inscription est aujourd'hui au musée du Louvre. C'est d'après la brochure que M. Héron de Villefosse a publiée sur ce document que j'en transcrirai le texte[368] :

Imp(eratoribus) Cœs(aribus) L. Septimio Severo III et M. Aurelio Antonino, Aug(ustis) Piis, co(n)s(ulibus).

LEX PORTUS POST DICESSUM COH(ORTIS) INSTITUAT.

Ce qui signifie :

Les empereurs Césars L. Septimius Severus et M. Aurelius Antoninus, Augustes Pieux, étant consuls, le premier pour la troisième fois (année 202).

RÈGLEMENT DE PORTORIUM ÉTABLI APRÈS LE DÉPART DE LA COHORTE.

Règlement pour les droits à payer par tête.

Un esclave

1 denier ½

Un cheval, une jument

1 denier ½

Un mulet, une mule

1 denier ½

Un âne, un bœuf

½ denier

Un porc

?[369]

Un cochon de lait

?

Un mouton, une chèvre

?

Un chevreau, un agneau

?

Les bestiaux destinés au marché sont exempts de tout droit.

Règlement pour les étoffes étrangères.

Un manteau de table

1 denier ½

Une tunique du prix de 3 aurei[370]

1 denier ½

Une couverture de lit

½ denier

Un savon de pourpre

1 denier

Les autres étoffes africaines, par pièce.

Règlement pour les cuirs.

Un cuir complètement préparé avec ses poils, une peau de mouton, une peau de chèvre

?

Le cuir mou[371], par cent livres

?

Le cuir brut, par cent livres

½ denier

La colle, par dix livres

?

Les éponges, par dix livres

?

Règlement principal du portorium.

Les animaux qui se rendent au pâturage et les bêtes de somme sont exempts de droits. Pour le reste, voir le règlement qui est en tête.

Une amphore devin, une amphore de garum[372]

?

Les dattes, par cent livres

½ denier

Les figues, par cent livres

½ denier

Dix boisseaux de ...[373], dix boisseaux de noix, cent livres de poix pour l'éclairage, peuvent passer en franchise.

Ce document est donc un tarif de douane établi en 202 à Zraïa, et qui était affiché à un endroit tel que tous pussent en prendre connaissance, conformément à la loi de Néron dont nous parle Tacite[374]. Nous avons déjà parlé de la position de Zraïa, et nous avons expliqué pourquoi, à cette époque, un bureau de portorium avait été créé en cet endroit. Nous avons suivi en cela l'opinion de M. L. Renier. Telle n'est pas pourtant l'explication qu'admet M. Wilmanns. Amené incidemment à parler de Zraïa dans le mémoire qu'il a inséré dans les Commentationes philologicæ[375], il nie, que cette ville fût une ancienne colonie et portât le titre de Julia ; selon lui, Zraïa n'obtint les libertés municipales que sous Septime Sévère : de là l'explication de ces mots : post discessum cohortis constituta, auxquels on n'avait prêté jusqu'à lui qu'une médiocre attention ; du jour où la cohorte abandonna le pays, la municipalité se constitua et leva pour la première fois ses vectigalia. Nous sommes donc en présence d'un tarif municipal.

Ce raisonnement n'est pas absolument convaincant ; il repose sur ce fait qu'on croyait, sur la foi d'un fragment d'inscription restitué par M. Renier[376], à l'existence d'une colonia Julia Zaraï. M. Wilmanns propose une autre explication de ce fragment, mais sans qu'il soit évident que de son côté est la vérité.

Nous continuerons donc à adopter l'opinion de N. Renier ; le tarif de Zraïa est un tarif de douane ; la cohorte quittant la ville et ses environs, on jugea inutile de conserver à la contrée la franchise douanière dont elle n'avait joui qu'à cause de la présence des soldats ; on établit des droits de portorium, et on publia une loi qui naturellement est désignée par ces mots : Lex portus post discessum cohortis constitua. Peut-être même ajouta-t-on ces mots : post discessum cohortis constituta, parce que ce n'était là qu'un tarif de transition : la modicité des sommes fixées pour l'impôt pourrait en être une preuve. Il eût été peu habile de la part de Rome de frapper tout de suite de droits élevés des produits qui auparavant circulaient librement de ce côté ; une semblable mesure eût effrayé les négociants et ralenti le commerce qu'elle avait, au contraire, tout intérêt à favoriser. Elle commença donc par percevoir sur les marchandises des droits dérisoires, sauf à élever ensuite ses tarifs, lorsque les indigènes et les caravanes auraient été habitués à compter avec le portorium en cet endroit.

Quoi qu'il en soit, ce tarif en lui-même est fort curieux, à cause des marchandises dont il fait mention. M. Héron de Villefosse a longuement insisté sur ces différentes sortes de produits, et nous nous contenterons de renvoyer à sa brochure pour de plus amples renseignements[377]. Nous insisterons seulement sur un point ; il faut remarquer que cette loi exemptait de tout droit les animaux destinés au marché, ceux qui se rendaient au pâturage et ceux qui étaient employés comme bêles de somme et ne servaient qu'à transporter des produits soumis à l'impôt. Pour ces derniers, le fait n'est ni étonnant ni nouveau : ils étaient considérés comme des instrumenta itineris, et comme tels avaient la franchise douanière[378]. Quant aux animaux qui passaient par le bureau de portorium pour être conduits soit au marché, soit au pâturage, nous ne voyons nulle part ailleurs qu'ils pussent librement circuler ; bien au contraire, le seul texte que l'on puisse rapprocher de celui-ci nous apprend qu'au temps de Cicéron les négociants étaient obligés de payer, dans tous les ports de l'Asie, pour les marchandises qu'ils y introduisaient et qu'ils en faisaient sortir lorsqu'ils n'avaient pu les vendre[379]. Sans doute leurs réclamations avaient pu être prises en considération, et il n'est pas impossible que cette loi n'existât plus sous l'empire ; mais nous n'avons à ce sujet aucune donnée certaine. Du reste, ces animaux étaient soumis, les uns à un impôt de marché, les autres à un droit de pâturage ; et, si le portorium eût exigé de plus un droit de passage, les marchands auraient été obligés de payer deux fois pour le même objet ; ce qui est, d'ailleurs, tout à fait conforme aux habitudes fiscales des Romains. Ces dispositions viennent encore confirmer ce que nous avons déjà signalé plus haut : le tarif de Zraïa est rédigé avec une grande modération : on ne voulait pas imposer trop fortement des marchandises dont Rome avait besoin et qu'un impôt un peu élevé eût peut-être écartées pour quelque temps de ses marchés.

A ces deux textes il faudrait en ajouter un troisième, s'il ne s'appliquait à un cas trop particulier. Nous voulons parler de la liste que donne Cicéron dans ses Verrines[380]. Mais l'auteur n'y énumère que les marchandises exportées par Verrès et pour lesquelles il n'avait pas payé le portorium ; on ne saurait en tirer des renseignements précis sur le commerce de la Sicile à cette époque.

Après avoir indiqué quelles étaient les marchandises soumises au portorium ; quelles étaient, au contraire, celles qui en étaient exemptes, nous devons maintenant parler de certains objets de commerce qui étaient soumis à un régime exceptionnel : ils ne pouvaient sortir de l'empire romain. Cette mesure, qui avait été prise déjà au troisième siècle, puisque nous la trouvons signalée au Digeste, dans un fragment tiré du jurisconsulte Paul[381], fut maintenue au siècle suivant, et nous lisons dans le Code Justinien trois constitutions, les deux premières des empereurs Valentinien, Valens et Gratien[382], et la troisième de l'empereur Marcien[383], qui en font mention. Les marchandises qui ne pouvaient sortir du territoire romain sont d'abord les denrées alimentaires : le blé, le sel, l'huile, le vin ou toute autre boisson[384] ; il n'est même pas permis de les faire goûter aux barbares. Ce sont ensuite les armes ou même les matières premières dont ils auraient pu se servir pour en fabriquer ; on ne doit leur vendre ni cuirasses, ni boucliers, ni arcs, ni flèches, ni glaives, ni armes d'aucune sorte ; le fer travaillé ou brut ne doit point être exporté, non plus que la pierre qui sert à l'aiguiser. La sortie même de l'or est prohibée[385] ; et si les barbares en ont, il faut employer la ruse pour le leur enlever.

Notons enfin que sous le Bas-Empire le comte du commerce avait seul le droit d'importer la soie achetée chez les barbares[386].

3° Personnes sujettes à l'impôt.

De même qu'en principe toutes les marchandises sont tenues de payer le portorium, de même aussi tous sont soumis sans distinction à l'impôt. C'est d'ailleurs le propre de l'impôt indirect de frapper tout le monde sans exception de personnes, à propos d'un acte ou d'un objet que la loi a taxé. C'est ce principe que les empereurs Valentinien et Valens ont affirmé lorsqu'ils ont dit : Vectigalium enim non parva functio est quæ debet ab omnibus qui negotiationis seu transferendarum mercium habent curam æqua ratione dependi[387] ; et dans un autre passage du code : Ex præstatione vectigalium nullius omnino nomine quidquam minuatur, quin octavas more solito constitutas ovine hominum genus quod commerciis voluerit interesse dependat[388]. Et en réalité cette règle était appliquée généralement pour tous les particuliers qui privatam degunt vitam[389] ; les exceptions étaient fort rares. Au contraire, les personnages qui jouaient un rôle important dans le gouvernement ou l'administration, ou ceux que l'empereur tenait à s'attacher particulièrement, obtenaient certaines dispenses.

4° Personnes exemptes de l'impôt.

L'empereur était exempt de payer le portorium. On lit, en effet, au Digeste : Quodcumque privilegii fisco competit, hoc idem et Cæsaris ratio et Augusti habere solet[390]. Or nous savons que le fisc était justement à l'abri de l'impôt. Il devait en être de même de l'empereur. On a vu plus haut que parmi les plombs de douane trouvés à Lyon une grande quantité est marquée à l'effigie des empereurs ; ces plombs étaient peut-être destinés à assurer dans la pratique cette immunité que la loi avait établie.

Sous le Bas-Empire, les ambassadeurs des nations étrangères avaient le droit d'emporter du territoire romain les objets qu'ils avaient achetés, sans être obligés de payer un droit aux douaniers ; il n'en était pas de même pour ceux qu'ils importaient. Encore y avait-il une restriction à cette franchise ; ils ne pouvaient emporter les objets prohibés par la loi, c'est-à-dire le vin, l'huile, le fer, et toutes les autres marchandises auxquelles la loi interdisait de passer la frontière[391]. C'eût été, en effet, un moyen d'éluder les défenses décrétées par les empereurs, et il fallait qu'elles fussent rigoureusement observées.

Les gouverneurs de province n'étaient pas, sous la république, exempts des droits de portorium : témoin Verrés à qui Cicéron reproche d'avoir exporté une grande quantité de marchandises sans avoir acquitté les droits[392]. En fut-il de même sous l'empire ? il n'est pas possible de résoudre la question d'une façon absolue ; toutefois il est probable qu'il n'y eut point de changement à cet égard. Sans doute, on ne peut faire rentrer les gouverneurs de province dans la catégorie de ceux qui privatam deguut vitam et, si l'on ne s'appuyait que sur ce texte, on pourrait conclure que les gouverneurs devaient jouir de certaines immunités particulières. Mais, dans un autre texte[393], nous voyons que, toutes les fois qu'un gouverneur envoie acheter des objets pour son usage personnel, il faut, pour éviter des fraudes qui auraient gravement lésé le trésor, qu'il certifie par écrit que c'est bien à lui que ces marchandises sont destinées. Ne peut-on pas inférer de ce texte que les objets destinés à l'usage des gouverneurs étaient seuls exempts de l'impôt, ce qui, nous l'avons vu, s'appliquait à tous sans distinction ? Autrement le jurisconsulte n'aurait pas répété par trois fois le mot usus à si peu de distance, si les gouverneurs avaient eu le droit de passer en franchise tout ce qu'il leur plaisait d'acquérir, il est vrai que ce dernier édit est antérieur au Bas-Empire, puisqu'il fut rendu par Hadrien, mais rien ne prouve que cette constitution ait été changée postérieurement.

Il en est de même des autres magistrats ; la seule exception qui soit mentionnée est en faveur des questeurs. Symmaque[394] nous apprend que jamais ils n'ont eu à payer, le portorium pour les bêtes féroces destinées aux jeux du cirque. On trouvait déjà la charge assez lourde, pour ne pas y ajouter de nouveaux frais, qui d'ailleurs eussent été fort considérables.

On doit encore regarder comme ayant eu le privilège de ne pas payer le portorium les officiers qui étaient attachés à la personne de l'empereur et qui, comme tels, vivaient dans le palais his qui in palatio nostro degunt, disent les empereurs[395]. C'était à la fois un moyen de récompenser leurs services et de gagner leur fidélité. Ces paroles ne se retrouvant plus au Code Justinien, où la constitution dans laquelle elles étaient insérées a été transcrite[396], il est permis de croire que cette disposition fut abolie par Théodose ou ses successeurs[397].

Outre ces personnages qui avaient tous une position officielle, certaines classes d'hommes étaient encore dispensées d'acquitter l'impôt.

C'étaient d'abord les soldats, Tacite, parlant des réformes que Néron accomplit au sujet des impôts, dit : Militibus (ed ixit ut) immunitas servaretur, nisi in eis quæ veno exercerent[398]. De là on peut conclure que les soldats au temps de Néron jouissaient déjà de l'immunité douanière, sans qu'il soit possible de dire depuis combien de temps. Quant à la restriction que Tacite ajoute : nisi in eis quæ veno exercerent, fut-elle apportée par Néron lui-même ou n'était-ce que la répétition d'une loi précédente ? C'est ce qu'on ne peut pas non plus décider. Quoi qu'il en soit, cette faveur semble avoir duré jusqu'à la fin de l'empire, car nous la retrouvons encore mentionnée au Code Théodosien, dans une constitution de Valentinien et de Valens datée de 365[399]. La même constitution est reproduite au Code Justinien[400], avec cette seule différence que la phrase où l'immunité accordée aux soldats était mentionnée a été retranchée ; c'est une preuve évidente que du temps de Justinien ce privilège n'existait plus : La question.est de savoir par quel empereur il a été supprimé. On lit au Code Justinien[401] une autre constitution de Valentinien, Valens et Gratien datée de 369, où il est dit formellement qu'il n'y a aucune exception à faire pour les soldats et qu'ils doivent payer le portorium comme les autres. Faut-il donc placer la suppression de cette immunité entre l'année 365 et l'année 369 ? C'est ce que veulent quelques-uns[402]. Mais, à bien l'examiner, cette loi de 369 nous semble simplement confirmer l'édit de Néron, à savoir que si les soldats voulaient se livrer au commerce, ils n'étaient plus traités comme soldats, mais comme marchands, et comme tels devaient payer l'impôt ; il n'y a donc là, à notre avis, aucune preuve qui permette d'affirmer que la faveur accordée aux soldais était supprimée en 369. On ne peut donc établir que ce fait seul : jusqu'au règne de Valentinien et de Valens les soldats jouissaient de l'immunité douanière et ce privilège leur fut retiré par les successeurs de ces empereurs.

Il n'en est pas de même des vétérans qui semblent avoir été particulièrement l'objet de la bienveillance des derniers empereurs ; la première loi où il soit question d'eux date de Constantin. Celui-ci y déclare qu'il les affranchit de toute charge civile et même du portorium. Ce privilège est même étendu jusqu'à leurs fils. Cette constitution se trouve au Code Théodosien[403]. Nous y lisons aussi une constitution de Gratien, Valens et Valentinien qui confirme l'immunité accordée aux vétérans et à leurs fils : Il faut, disent-ils[404], qu'ils soient exempts du portorium. Sous Justinien, il n'y a plus que les vétérans à qui la faveur soit continuée, puisque nous retrouvons au Code Justinien[405] la constitution de Constantin déjà citée par le Code Théodosien avec cette différence que tout ce qui regarde les fils des vétérans a été supprimé, et que la loi de Valentinien, Valens et Gratien datée de 566 n'y a nullement été transcrite.

A côté des soldats qui défendaient Rome et Constantinople, il faut placer les navicularii qui les nourrissaient et qui y apportaient les blés de l'Afrique et de l'Asie[406] ; aussi ont-ils part aux mêmes faveurs : ils sont exempts du portorium. Théodose le dit d'une façon positive dans une constitution de l'année 393[407] ; ce sont les seuls marchands à qui cette faveur soit accordée. Honorius ne fait que renouveler ce privilège à peu près dans les mêmes termes, mais il ajoute une restriction : il parait que, sous prétexte de passer à la douane ce qui leur appartenait, ils profitaient de leur immunité pour faire circuler en franchise les marchandises d'autrui ; aussi l'empereur est-il obligé de spécifier : quum sibi rem gerere probabuntur. Autrement ils seront soumis à la loi commune[408]. Toutes ces constitutions sont résumées dans le Code Justinien par une petite phrase que Tribonien a ajoutée à la fin de la constitution dont nous avons déjà parlé à propos des soldats[409] : Exceptis navicularüs, quum sibi rem gerere probabuntur. On voit qu'il s'est servi des termes mêmes qu'avait employés Honorius[410].

Enfin, nous trouvons plusieurs exemples d'immunités douanières accordées par les empereurs soit à des individus, soit à des villes. Les uns voulaient récompenser des services rendus, comme Trajan qui accorda au philosophe Polémon le droit de ne jamais payer le portorium ni sur terre, ni sur mer, droit qu'Hadrien étendit à tous ses descendants[411] ; les autres ne voyaient dans cette faveur qu'un moyen commode de se procurer de l'argent et se la faisaient acheter fort cher, comme Galba, au dire de Suétone[412].

Le document le plus intéressant que nous ayons à ce sujet est une inscription dont nous avons déjà dit quelques mots. Elle nous apprend que les habitants de la ville de Tyra, sur la rive droite, du Dniester, avaient déjà, au temps de Septime-Sévère et de Caracalla, le privilège de n'être pas soumis au portorium, même pour les objets destinés au commerce. Ces deux empereurs le leur renouvellent, mais non sans y mettre des conditions. Ils devront déclarer les marchandises aux agents du portorium ; ensuite, tout nouvel habitant de la ville ne jouira-de l'immunité qu'elle possède que si le légat l'a préalablement déclaré par un décret digne du droit de cité[413]. Il faut ajouter qu'il ne s'agit pas sans doute ici d'une faveur accordée aux habitants de Tyra dans tout l'Illyricum, mais seulement pour le poste de portorium établi dans cette ville[414].

Il faut rapprocher de ce document un monument qu'a fait connaître récemment un membre de l'École française d'Athènes, M. Riemann[415], et grâce auquel on peut restituer en partie une inscription mutilée qui avait été déjà publiée dans le Corpus inscriptionum latinarum[416]. Elle est d'une époque assez récente, puisqu'on doit en chercher la date entre 330 et. 582, et par Ià mérite plus encore notre attention. C'est un rescrit par lequel l'empereur d'Orient remettait à la ville de Mylasa, en Carie, les droits de portorium qu'on percevait sur son port Passala. On.voit, par ce monument, que les marchandises même destinées au commerce y étaient déclarées exemptes de tout droit comme nous venons déjà de le voir pour la ville de Tyra[417]. Mais une seconde inscription, publiée à la suite de la première par M. Riemann, nous permet de nous rendre compte de la marche administrative suivie en pareil cas. La cité qui voulait obtenir une semblable faveur envoyait des représentants à Constantinople pour porter sa demande ; l'affaire se débattait devant le tribunal du Comes sacrarum largitionum, entre ces représentants de la ville d'une pari, et un personnage de la maison de l'empereur de l'autre ; le Comes sacrarum largitionum se prononçait alors en faveur de la ville, s'il y avait lieu, et en référait à l'empereur. Si celui-ci approuvait la proposition de son ministre, ce dernier transmettait la décision impériale au præses de la province qui faisait connaître à la ville intéressée la décision de l'empereur[418].

 

CHAPITRE VI.

Quelles étaient les lois qui protégeaient les publicains contre les marchands. Quelles étaient celles qui protégeaient les marchands contre les publicains.

 

De tout temps les marchands et les douaniers ont été ennemis ; cette haine existait déjà à Rome, et nous en trouvons la preuve dans les auteurs. Les premiers essayaient bien souvent d'éviter un contrôle dispendieux et de tromper la surveillance-des publicains ; ceux-ci abusaient maintes fois de leur droit pour arracher aux commerçants un tribut excessif dont ils tiraient profit. Pour contenir les uns et les autres, on imagina différents moyens, et on édicta diverses lois ; c'est ce dont nous allons nous occuper en examinant d'abord les mesures qui étaient employées pour empêcher la fraude ; nous étudierons en second lieu les précautions prises pour mettre les contribuables à l'abri de l'avidité des publicains.

1° Mesures employées contre la fraude.

Les fraudes peuvent se diviser en deux classes, suivant qu'on dissimulait la nature de la marchandise ou qu'on essayait de passer un objet sans le déclarer. Suétone et Quintilien nous ont laissé un exemple de la première sorte de fraude. Pour éviter de payer des droits fort élevés, les marchands d'esclaves revêtaient ceux qui leur semblaient de haut prix des attributs de l'homme libre. Voici le fait tel que nous le raconte Suétone[419] : Des marchands avaient débarqué à Brindes une troupe d'esclaves ; pour se soustraire aux exigences du portorium, ils mirent à l'un d'eux, tout jeune encore, et à qui sa beauté donnait une grande valeur, la bulle et la prétexte ; et il n'eurent pas de peine ainsi à le faire passer en fraude. La même aventure nous est racontée à peu près dans les mêmes termes par Quintilien dans une de ses Déclamations[420]. C'était donc là un sujet qu'on donnait ordinairement à traiter aux jeunes gens qui fréquentaient les écoles des rhéteurs. II ne faudrait pas croire pourtant qu'il fût inventé à plaisir. Suétone nous affirme que ces controverses étaient tirées d'un fait véritable et puisées dans la vie réelle[421]. Rien, d'ailleurs, de moins invraisemblable que l'aventure que nous venons de rapporter :

D'autres fois, on se contentait de ne pas déclarer les marchandises et de les passer en cachette[422]. Or, les voyageurs étaient tenus de déclarer ce qu'ils portaient avec eux, et non seulement les objets qui pouvaient être soumis au portorium, mais encore ceux qui étaient destinés à leur usage personnel et qui, comme tels, étaient exempts de toute taxe. Quintilien le dit formellement[423] et le Digeste confirme son témoignage[424]. Ce n'était pas, en effet, parce qu'une marchandise n'était pas sujette à l'impôt qu'on pouvait ne pas la déclarer ; et nous avons vu plus haut que les habitants de Tyra, bien que jouissant d'une complète immunité, étaient tenus à faire leur déclaration comme s'ils n'avaient aucun privilège à cet égard. La déclaration était, en effet, absolument indispensable, puisqu'elle servait de base à l'estimation que faisaient les agents du portorium. Tous les objets étaient frappés d'un droit égal à une partie déterminée de leur valeur, il fallait absolument fixer cette valeur, et c'est aux publicains que revenait ce soin[425]. Il était donc nécessaire, pour leur faciliter cette évaluation, qu'on leur déclarât les marchandises qu'on portait avec soi.

Ils n'étaient pas tenus néanmoins d'ajouter foi aux paroles des voyageurs. Ils avaient le droit de fouiller les ballots et même les marchands[426] pour s'assurer que ceux-ci ne transportaient pas d'autres objets que ceux qu'ils avaient déclarés, et que leurs déclarations mêmes étaient rigoureusement exactes ; c'est ce droit souvent trop strictement exercé qui attira en grande partie aux publicains la haine qu'on leur portait dans tout le monde romain. Ils ouvraient aussi quelquefois les lettres s'ils supposaient qu'elles pussent les mettre sur la voie d'une contravention ou leur servir à contrôler les déclarations des marchands[427].

Quand les marchandises rataient été déclarées et visitées, et que la déclaration avait été reconnue exacte, les agents du portorium écrivaient sur leurs registres (tabulœ) la nature et le nombre des objets, ainsi, que le prix qu'ils devaient en recevoir ; c'est ainsi que. Cicéron put retrouver sur les livres des publicains les traces des vols commis par Verrés au détriment du portorium[428]. Peut-être y ajoutaient-ils, dans certains cas particuliers, le signalement des marchandises[429]. en payait alors la somme exigée par les portitores, et, après toutes ces formalités seulement, on pouvait emporter les objets et continuer sa route[430].

Si, au contraire, tout ne s'était pas accompli dans les règles, s'il y avait eu fraude, les objets étaient confisqués ; ils étaient dits alors in commissum cadere[431] et devenaient la propriété du fisc. Les publicains les saisissaient sur-le-champ[432], ou le fisc se chargeait de les revendiquer ensuite[433]. En vain voulait-on s'excuser et prétexter son ignorance : nul ne devait ignorer la loi[434], et quiconque la violait était frappé de la confiscation. Le publicain n'était même pas tenu d'en instruire le voyageur ; il suffisait qu'il ne cherchât pas à le tromper, ce qui arrivait parfois[435].

A plus forte raison les portitores confisquaient-ils les marchandises qu'il était défendu d'exporter[436].

L'objet une fuis confisqué, le fisc le vendait aux enchères[437], et l'ancien propriétaire avait le droit de le racheter ou de le faire racheter par l'intermédiaire d'un autre[438]. S'il voulait même accepter un arrangement à l'amiable, il pouvait, en payant une juste estimation[439], rentrer en possession de ce qu'il avait perdu. Mais, pour éviter tous ces embarras, il suffisait de faire au bureau de portorium une déclaration exacte qui vous ; libérait envers le fisc. On pouvait alors, si l'on voulait, entrer en accommodement avec les publicains, qui permettaient souvent au marchand qu'ils savaient soldable de ne pas payer sur-le-champ ; cette indulgence pourtant n'était point pour eux sans danger ; car si leur débiteur venait à ne point leur verser la somme convenue, ils ne pouvaient pas réclamer le bénéfice du commissum[440]. L'État n'avait point à connaitre de ces sortes d'arrangements.

Il est des cas où, sans avoir l'intention de tromper les agents du portorium, le voyageur, dans sa déclaration, pouvait commettre des erreurs ; pour les esclaves, par exemple. Nous avons vu combien les jurisconsultes étaient embarrassés pour définir ceux qu'on pouvait regarder comme destinés à l'usage personnel de leur maître ; il pouvait donc arriver que la déclaration ne fût pas exacte, sans qu'il y eût tentative de fraude. Évidemment, dans ce cas, la loi ne devait pas être aussi sévère : il y a faute, puisque la loi a été violée, mais faute moins grave, puisque le coupable n'a pas eu l'intention de la transgresser. Aussi, lorsqu'il est reconnu qu'il n'y a eu qu'erreur, le publicain doit rendre au marchand les objets qu'il avait provisoirement confisqués ; le délinquant doit payer en retour le double des droits ordinaires[441]. Et même, dans le cas où la distinction entre les objets ad usum et ceux qui ne pouvaient pas être compris dans cette catégorie était très difficile à établir, le publicain devait pardonner le délit sans rien exiger du voyageur[442].

En outre, certaines classes d'individus étaient, à cause de leur âge où de leur condition, à l'abri de toute peine. Ceux qui n'avaient point encore atteint vingt-cinq ans pouvaient se tromper dans leurs déclarations sans en éprouver aucun désagrément, ils avaient droit à rentrer intégralement dans leurs biens, pourvu qu'il n'y eût pas fraude[443].

Le pupille était relevé de la confiscation prononcée contre lui, si dans un délai de trente jours il payait la somme fixée pour le portorium[444].

Les soldats, qui, à l'époque de Justinien, ne jouissaient plus de l'immunité douanière, n'avaient que le seul privilège de ne pas subir la peine du commissum, lorsqu'ils avaient omis de faire leur déclaration[445].

Enfin, le marchand que le mauvais temps avait forcé de débarquer ses marchandises ne pouvait être assimilé à quelqu'un qui, dans les circonstances ordinaires, ne les aurait pas déclarées ; il ne devait donc pas être puni de la confiscation[446].

A côté de ces fraudes destinées à passer au bureau du portorium des marchandises en cachette, existait une contrebande plus hardie exercée sans doute à main armée. Sur les bords du Danube, par exemple, on avait été obligé de prendre contre les contrebandiers des mesures sévères ; sans doute, ils employaient tous les moyens pour porter aux barbares le fer, l'or et les autres marchandises qu'il était défendu d'exporter, et arrivaient bien minent à éviter la surveillance des agents du portorium. C'est pour arrêter leurs audacieuses entreprises que Commode fit construire tout le long du fleuve de petites forteresses et disposer, dans les endroits convenables, des postes militaires[447]. Il est très vraisemblable que la contrebande existait aux autres frontières de l'empire, et que l'on fut obligé d'avoir recours à des mesures semblables. Ce n'est pis, en effet, le seul texte où il soit fait mention de soldats à côté de publicains. Bien souvent on rencontre, dans des stations de portorium, un détachement militaire, qui était évidemment envoyé là pour protéger les fermiers et leurs agents contre toute violence. Nous en avons signalé en Égypte, en Gaule, en Illyricum, et il en est encore fait mention à la fin de l'empire[448].

2° Lois portées contre les publicains.

Si les marclian.ls essayaient parfois de tromper les publicains, ceux-ci n'apportaient pas bien souvent, dans leur charge, la mesure nécessaire. On a vu plus haut un exemple des procédés iniques qu'ils employaient au moment où un voyageur allait déclarer ses marchandises : ils l'induisaient en erreur et l'accusaient ensuite de fraude, ou tout au moins d'inexactitude dans sa déclaration ; de là des discussions qui en terminaient par un arrangement à l'amiable, où le publicain trouvait toujours son profit.

On comprend que, contre de semblables manœuvres, la loi avait dû intervenir.

En premier lieu, on l'a vu plus haut, des esclaves de la maison impériale étaient détachés par le procurateur dans chaque bureau du portorium pour surveiller la conduite des esclaves des fermiers.

En outre, quiconque avait à se plaindre d'un agent du portorium pouvait demander justice. Depuis Néron, elle lui était rendu extra ordinem par le préteur à Rome ; dans les provinces par les légats impériaux ou les proconsuls[449]. Condamné par le préteur — que la faute fût à lui, à ses esclaves ou à ses employés libres[450] —, le publicain était obligé de payer le double de ce qu'il s'était illégalement approprié : la moitié de cette somme représentait la valeur de l'objet extorqué, l'autre moitié était exigée à titre d'indemnité. Si l'action était intentée après une année écoulée, le coupable n'était condamné qu'à restituer ce qu'il avait pris[451].

S'il y avait eu violence, la peine était triple[452]. Mais si cette perception illégale n'était que le résultat d'une erreur, il suffisait que le publicain restituât ce qu'il avait exigé de trop[453].

Comme ces peines sont plus douces que celles que la toi avait établies dans des cas ordinaires pour des actes de la même espèce, puisque quiconque a usé de violence pour s'emparer des biens d'autrui est condamné à les restituer au quadruple[454], le voyageur lésé par un publicain pouvait avoir recours contre lui au droit commun s'il y trouvait quelque avantage[455]. De son côté, le publicain pouvait éviter d'être condamné à donner le double, en restituant volontairement la chose dont il s'était injustement emparé[456].

 

CHAPITRE VII.

Dans quelles caisses était versé le produit du portorium.

 

Plusieurs auteurs ont prétendu d'une façon générale que le produit de la ferme du portorium était versé dans l'ærarium[457], aussi bien sous la république que sous l'empire. Mais comme c'est un fait qu'aucun texte ne prouve, il convient d'insister quelque peu sur cette question.

L'ærarium Saturni étant, sous la république, la seule caisse publique — car l'ærarium sanctius n'était alimenté que par un seul impôt, la vicesima libertatis[458] —, les fermiers du portorium y versaient évidemment le montant de la location. Mais lorsque Auguste eut créé le fucus, les revenus de l'État, qui auparavant étaient tous réunis en une seule caisse, furent séparés en deux parts ; une partie seulement des impôts continua à échoir à l'ærarium, l'autre fut réservée pour le fisc.

Les recettes fournies par le portorium ne furent versées entièrement, au moins au début, ni dans l'une ni dans l'autre de ces deux caisses. Pour s'en rendre compte il est nécessaire de faire une distinction entre les différentes provinces qui composaient l'empire. Il y avait d'abord les provinces impériales qui peuvent elles-mêmes se diviser en deux groupes, les provinces impériales consulaires ou prétoriennes et les provinces gouvernées par un procurateur ou un préfet comme le Noricum ou l'Égypte. Dans ces derniers pays l'empereur avait pris la place des anciens rois ; tous les privilèges des dynasties nationales avaient passé entre ses mains, et c'est dans son trésor qu'étaient versés tous les revenus. Par conséquent le prix de la ferme des portoria y revenait au fisc[459].

Il devait en être de même des autres provinces impériales, dont tous les revenus appartenaient à l'empereur[460]. A la vérité, nous n'avons aucun texte qui nous permette d'affirmer que les publicains qui louaient le droit de lever le portorium dans une province impériale ne dussent pas verser leur argent dans l'ærarium, comme nous n'en avons aucun non plus qui nous autorise à affirmer le contraire[461].

Quant aux provinces sénatoriales, rien ne s'oppose à ce que le montant de la ferme du portorium qu'on y percevait fût versé dans l'ærarium. Ce qu'il y a de certain, c'est que les comptes des fermiers de ces provinces étaient vérifiés par l'empereur[462], ce qui ne prouve, d'ailleurs, nullement qu'il ait eu en droit la disposition de l'argent qui devait être versé à l'État par les publicains. Néanmoins il est possible qu'une partie des revenus des provinces sénatoriales revint au fisc ; c'est, du moins, une conjecture de M. Mommsen[463] que M. Marquardt a reproduite[464].

On sait d'ailleurs que la distinction entre le fiscus et l'ærarium disparut peu à peu ; si bien que l'empereur s'attribua successivement tous les revenus de l'État sans distinction. Aussi Ulpien a pu dire[465] : Publicani autem sunt qui publico fruuntur... sive fisco vectigal pendant, vel tributum consequantur : et omnes qui quod a fisco conducunt recte appellantur publicani ; et ailleurs[466] : Publica vectigalia intelligere debemus ex quibus vectigal fiscus capit, quale est vectigal portus aut venalium rerum.

Quant aux amendes qu'on était contraint de payer lorsqu'on s'était trompé dans ses déclarations, comme le produit de la vente aux enchères des objets confisqués, elles étaient versées dans le fisc[467].

 

DEUXIÈME PARTIE.

CHAPITRE VIII.

Des péages.

 

On a déjà vu qu'un certain nombre de stations du portorium dont les inscriptions nous ont gardé le souvenir n'étant point situées sur la limite d'une circonscription douanière, ne pouvaient être regardées comme des postes de douane. C'est ainsi que dans l'Illyricum, à Savaria et à Tsierna, par exemple ; en Gaule, à Cularo et à Vienna, bien que ces villes ne se trouvassent pas sur la ligne douanière, on rencontre des agents du portorium, esclaves et affranchis de l'empereur ou employés des publicains. C'est que sur ces points, et sur bien d'autres, dont nous n'avons pas gardé le souvenir, étaient établis des péages. Nous savons, en effet, par plus d'un texte, que, non contents de frapper les marchandises à l'entrée ou à la sortie d'une province, les Romains leur faisaient payer un droit de passage, suit sur les ponts, soit sur les routes, soit même à l'entrée de certaines villes dont l'octroi était détourné au profit du trésor public. Malheureusement on n'a sur la question que des renseignements peu importants. Le jurisconsulte Labéon[468], qui vivait au temps d'Auguste, ne mentionne qu'en passant cette sorte d'impôt ; il en est de même de Sénèque[469] et de Suétone[470]. Le seul fait précis que nous connaissions nous est révélé par Hérodien[471]. Pertinax, dit-il, voulut supprimer toutes les taxes dont se composait le portorium, aussi bien celles qui nous occupent ici que la douane elle-même ; nous avons déjà dit plus haut ce qu'il fallait penser de cette assertion ; toujours est-il que nous retrouvons encore la mention de péages sous Sévère Alexandre, dans un passage d'Ulpien inséré au Digeste[472], et que rien ne rait supposer qu'ils aient été supprimés dans la suite.

Les inscriptions ne nous en apprennent pas beaucoup plus ; on peut seulement conclure de tout ce qui a été dit auparavant[473] que les péages étaient administrativement assimilés à la douane ; les Romains ne faisaient aucune différence entre un poste douanier situé sur la limite d'une province et une station établie dans l'intérieur ; ils ne les distinguaient même pas par le nom[474]. Tout ce que nous avons exposé précédemment sur les stations du portorium peut donc trouver ici son application.

Il semble pourtant qu'il y ait une distinction très importante à faire entre ces deux parties du portorium ; tandis que la douane était établie spécialement sur les marchandises destinées au commerce et ne frappait pas personnellement le marchand, les péages ne font aucune distinction entre les objets et les personnes ; et les voyageurs même y sont soumis ; c'est ce que l'on voit par tous les textes qui ont déjà été cités. C'est ainsi que le cadavre qu'on transportait d'un lieu à un autre pour lui donner la sépulture n'échappait point à cette taxe[475]. Quelque étrange pourtant que fût cette dernière imposition, elle ne fut supprimée que par Justinien[476].

Il est aisé de comprendre combien les péages augmentaient le produit du portorium et, par suite, faisaient monter le prix des marchandises, surtout pour celles qui étaient importées de fort loin. Il suffit, pour en donner une idée, de rappeler un texte de Pline l'Ancien ; celui-ci nous parlant du commerce des Romains avec Pinde nous apprend que les produits qu'on en rapportait se vendaient à Rome le centuple de leur valeur[477]. Montesquieu[478] n'ajoute pas foi à cette assertion qui n'a pourtant rien d'invraisemblable. On peut, en effet, facilement expliquer cette élévation de prix exorbitante : non seulement la prodigalité des riches Romains excitait au gain la cupidité des marchands, mais aussi le nombre prodigieux d'impôts qu'ils étaient obligés de payer sur leur route pour amener leur cargaison jusqu'à Rome les obligeait à augmenter de beaucoup le prix de leurs marchandises. Pour apporter l'encens depuis le pays où il était récolté jusqu'aux rivages de l'empire romain, la dépense s'élevait déjà, les portoria compris, à 688 deniers (688 fr. environ) par chameau[479]. Qu'on juge à combien devaient monter les frais pour porter jusqu'à Rome les différentes denrées venant du fond de l'Inde, et quelle somme elles devaient rapporter chaque année au trésor.

 

TROISIÈME PARTIE.

CHAPITRE IX.

Des octrois.

 

On entend aujourd'hui par octroi un impôt perçu par une ville, à son profit, sur les objets destinés à sa consommation intérieure. Cette définition ne peut pas s'appliquer exactement à ce que nous appellerons octroi dans ce chapitre. L'impôt dont nous allons nous occuper diffère du portorium que nous avons déjà étudié en ce que les recettes qu'il produisait, au lieu de tomber dans les caisses de l'État, étaient versées dans les caisses d'une ville ; il lui ressemblait en ce qu'il ne frappait pas seulement les marchandises destinées à être consommées dans cette ville, mais aussi toutes celles qui y entraient, même pour en ressortir aussitôt. C'est un droit de portorium établi au profit d'une cité.

1° Octrois dans les provinces.

Des octrois de cette espèce existaient dans les provinces et nous en avons plusieurs exemples sous la république. A Ambracie, par exemple, qui avait eu à souffrir des violences de M. Fulvius, les habitants reçurent en 565=189 le droit d'établir des péages sur terre et sur mer[480]. Mais il ne fallait pas que cette générosité du sénat fût préjudiciable aux intérêts des citoyens romains ; aussi fut-il stipulé que cet octroi établi au profit d'Ambracie ne serait perçu ni sur les Romains, ni sur leurs alliés latins. La ville de Termessus major, en Pisidie, jouissait d'un semblable privilège. En l'an 682=72, au milieu de la guerre contre Mithridate, les Romains voulurent récompenser les services que leur avaient rendus les Termessiens et se les attacher pour l'avenir ; ils leur concédèrent la jouissance entière de leurs portoria terrestres et maritimes ; et une inscription que nous possédons encore en partie nous a conservé le souvenir de cette faveur[481]. Mais ici encore il y a restriction : les publicains qui traverseront le territoire de la ville n'auront pas à payer le droit de portorium pour les tributs appartenant au peuple romain qu'ils transporteront avec eux.

Il en était de même de Rhodes[482], de Marseille[483], où les habitants avaient reçu le di où d'établir un péage sur le canal creusé par Marius, et assurément d'un grand nombre d'autres villes ; mais le souvenir ne nous a pas été conservé par les textes[484].

On ne saurait douter non plus que, sous l'empire et jusqu'aux derniers temps, un certain nombre de villes aient gardé le droit de percevoir à leur profit une taxe sur les marchandises qui entraient sur leur territoire ou en sortaient.

Dans la Germanie, par exemple, province qui, comme nous l'avons vu plus haut, n'était comprise dans aucune circonscription douanière, nous trouvons un octroi établi à Cologne[485] et à Coblentz, comme le prouve l'inscription suivante : Jahrbuch des Vereins von Alterthumsfr. im Rheinland, 1871, p. 297. Il en était évidemment de même dans les autres provinces[486].

Les empereurs, comme le sénat sous la république, se firent de l'octroi un moyen de gouvernement. Si une cité ou un roi avaient rendu quelque service à l'État ou même si l'empereur voulait se les attacher, ils obtenaient ou gardaient le droit de percevoir leurs portoria[487]. Sous les mauvais empereurs même ce droit pouvait leur être enlevé par un simple caprice du prince[488]. Aussi n'était-il pas permis aux villes d'établir de nouveaux impôts sans l'autorisation du pouvoir central ; il fallait obtenir le consentement de l'empereur ; il en était également ainsi si l'on voulait modifier les impôts existants[489]. Quand les besoins financiers d'une ville rendaient nécessaire l'établissement d'une taxe nouvelle, les empereurs avaient réglé eux-mêmes comment on devait procéder ; il fallait formuler sa demande par écrit au gouverneur de la province ; celui-ci en prenait connaissance et la faisait parvenir à l'empereur, en y joignant, suivant le cas, un avis favorable ou contraire. Le prince décidait la question[490].

Comme le portorium, ces octrois étaient loués à des publicains qui se chargeaient à leurs risques et périls de les percevoir. On suivait, pour affermer ces impôts, absolument les mêmes formalités que pour la location des vectigalia à Rome[491].

Sous le Bas-Empire, les ressources de l'État diminuant à mesure que ses besoins augmentaient, les empereurs furent obligés d'avoir recours à mille expédients divers ; c'est ainsi qu'ils s'adjugèrent une partie des octrois des cités municipales, et forcèrent les villes à partager avec le fisc les revenus qu'elles tiraient de leurs vectigalia. Une constitution de Théodose et de Valentinien, que le Code Justinien qualifie d'ancienne institution, établit qu'il sera fait deux parts dans les impôts perçus par les cités ; les deux tiers seront versés dans le trésor de l'empereur, le dernier tiers restera à la disposition de la ville[492].

2° Octroi de Rome.

A Rome, il n'y eut pas pendant longtemps d'octroi proprement dit ; la raison en est qu'il n'y avait pas de caisse spéciale pour la ville et que c'était l'ærarium qui se chargeait de fournir à toutes les dépenses intérieures de la capitale : car Rome personnifiait en elle l'État tout entier[493]. Mais quand elle eut conquis le monde entier, ses intérêts particuliers commencèrent à se distinguer des intérêts généraux et la vie municipale s'y éveilla. Dès lors, il lui fallut suffire, au moins en partie, à ses dépenses : de là l'établissement d'une caisse spéciale dont l'administration était confiée au sénat[494]. Cette caisse était alimentée par un octroi ou du moins par un impôt qui se percevait soit à l'entrée des marchandises dans l'enceinte de la ville, soit à leur exposition sur un marché ; car il est très difficile de dire si les droits dont il est question dans les textes qui vont nous occuper étaient des droits d'entrée ou des taxes de marché : les auteurs ne les définissent pas clairement et les commentateurs ne sont nullement d'accord sur ce point.

Il n'est pas impossible, d'ailleurs, que ces deux façons d'in> poser les marchandises qui ne diffèrent pas beaucoup entre elles dans-le fond, aient existé simultanément ou même qu'elles aient été substituées l'une à l'autre.

Suétone raconte que Caligula établit un droit sur tous les comestibles qui se vendaient à Rome[495]. Rien ne prouve dans la phrase de Suétone qu'il s'agisse d'un octroi ; mais Pline parlant d'un impôt de cette nature[496], l'impôt sur les légumes, l'appelle portorium, ce qui indiquerait qu'il ôtait exigé à l'entrée des marchandises mêmes dans la ville ; ou tout au moins que, s'il n'en était pas ainsi, les Romains ne faisaient pas nettement la différence d'un octroi et d'un impôt perçu seulement sur le marché. Pline nous apprend en même temps que ce droit perçu sur les légumes souleva une grande indignation dans le peuple, et que, devant les réclamations incessantes- des Romains, on fut obligé de le supprimer, si bien qu'il n'existait plus de son temps ; mais il est vraisemblable que les autres denrées continuèrent d'être frappées, et cela pendant longtemps encore[497].

Sous Marc-Aurèle, nous trouvons un impôt du même genre établi à Rome, celui qui est désigné dans une Inscription bien connue sous le nom de vectigal foricularii et ansarii promercalium[498]. M. Marquardt croit[499] que primitivement l'ansarium (de ansa, sorte de grand vase où l'on transportait les marchandises) était payé par l'acheteur au moment de l'achat, tandis que le foricularium (de forica, boutique, selon le scoliaste de Juvénal[500], ou caisse, suivant Varron[501]) était payé par le marchand. Mais cette opinion s'accorde bien difficilement avec l'inscription dont nous avons parlé, et qui est encore le document le plus précis que l'on possède sur ce sujet. On en a trouvé trois exemplaires, qui ne diffèrent entre eux que par des détails insignifiants. Elle a été l'objet de la part de M. Mommsen d'un commentaire très intéressant[502].

Il faut d'abord remarquer que, d'après ce monument, qui a un caractère officiel, il semble que l'ansarium et le foricularium ne soient qu'un même impôt ou tout au moins deux formes d'un même impôt frappé sur les objets destinés à la vente, puisqu'on y lit : vectigali ansarii et foricularii promercalium.

De plus, il ressort clairement de cette inscription ce fait que Marc-Aurèle et Commode ont fait tracer une limite pour couper court à toutes les querelles qui survenaient perpétuellement entre les marchands et les fermiers ; on sut, dès lors, la ligne au delà de laquelle les publicains n'avaient pas le droit d'exiger le payement du vectigal.

Si l'on n'avait que ce seul renseignement, on ne serait pas autorisé à en conclure qu'il s'agit ici d'un droit d'octroi ; car les empereurs auraient pu faire tracer ces limites afin d'indiquer nettement la partie de la ville hors de laquelle les commerçants ne seraient pas soumis à un droit de marché.

Mais il faut noter avec M. Mommsen que les trois bornes sur lesquelles l'inscription était gravée ont été précisément trouvées en face des portes de la ville ; elles étaient donc évidemment placées, les deux premières sur le bord de la via Salaria, la troisième sur celui de la via Flaminia ; ce qui n'aurait pas eu de raison d'être s'il s'agissait d'un droit de marché. Aussi M. Mommsen n'hésite pas à affirmer qu'il est question dans cette inscription d'un droit d'octroi. Cette hypothèse est confirmée par une autre inscription trouvée sur les bords du Tibre, au pied de l'Aventin, c'est-à-dire à l'une des entrées de Rome du côté occidental. Elle est conçue en ces termes : Or., 3348.

QVICQVID•VSVARIVM•INVEHITUR

ANSARIVM•NON•DEBET

Quicquid usuarium invehitur, ansarium non debet.

Comme l'a très bien fait remarquer M. Naquet[503], l'expression quicquid invehitur ne peut s'appliquer qu'à un droit d'entrée, et ce qui vient montrer plus clairement peut-être encore que l'ansarium était un droit analogue au portorium, c'est que nous retrouvons au sujet de cet impôt la même exemption que nous avons déjà eu l'occasion de signaler à propos du portorium : les objets destinés à l'usage des marchands ou Odes voyageurs ne sont pas soumis au droit ; les marchandises seules réservées à la vente (promercales) doivent l'acquitter.

Il ne semble donc pas téméraire de conclure de ces deux inscriptions que le vectigal ansarii et fericularii promercalium était un droit d'octroi. Malheureusement il est impossible de dire à quel moment il fut établi et combien de temps il fut perçu. D'après la première inscription que nous avons citée, on voit qu'il existait déjà longtemps avant Marc-Aurèle, puisqu'il y est question d'une ancienne loi portée déjà à ce propos. On peut aussi avancer que, selon toute vraisemblance, il existait encore sous Sévère Alexandre[504], mais c'est tout ce que nous permettent d'affirmer les deux seuls documents que nous possédions sur la question[505].

Transit.

Le transit est, dans notre législation douanière, une mesure destinée à adoucir dans la pratique la rigueur de la loi ; quand une marchandise traverse un pays sans y être consommée, elle n'est pas assujettie aux droits qui la frapperaient si elle ne devait pas en sortir. En était-il le même chez les Romains ? Évidemment cette conception est contraire à l'idée que l'on se faisait à Rome du portorium. Non seulement, en effet, les marchandises payaient lorsqu'elles entraient dans un pays, mais encore lorsqu'elles en sortaient ; et, de plus, elles avaient à acquitter bon nombre de péages dans l'intérieur même de la contrée. Si l'on songe, en outre, à l'avidité des traitants, qui avaient tout intérêt à maintenir un tel ordre de choses, on se figurera difficilement qu'une mesure semblable au transit ait jamais pu exister. Nous trouvons pourtant la trace d'un fait de cette nature dans Cicéron. Au moment où son frère Quintus était gouverneur d'Asie, les marchands qui faisaient le commerce sur le littoral se plaignirent de ce qu'il leur fallait payer le portorium toutes les fois qu'ils entraient leurs denrées dans un port ou qu'ils les en emportaient sans avoir pu les y vendre. ll en résultait que la même marchandise était imposée plusieurs fois de suite, ce qui causait aux négociants un grave dommage. De là une sérieuse contestation avec les fermiers du portorium. Cicéron était d'avis que les marchands avaient raison et que les publicains abusaient singulièrement de leur droit. Mais il ne fit pas connaître son opinion à son frère assez vite pour empêcher celui-ci de soumettre la difficulté au sénat[506]. Il est bien regrettable que l'on ne connaisse pas la décision du sénat à ce sujet. On ne voit nulle part ailleurs que la question ait été soulevée de nouveau.

 

ÉPILOGUE

De toute cette étude il faut conclure qu'il n'y a aucun rapprochement à faire, dans le fond, entre le portorium tel qu'il existait à Rome, et la douane telle qu'elle est établie de nos jours.

Les douanes, en effet, peuvent être considérées sous un double aspect, comme impôt ou moyen de revenu pour l'État, ou comme instrument de protection pour l'industrie et les productions nationales. On les favorise en mettant à la frontière, sur les produits semblables venant de l'étranger, un droit qui en élève le prix ; par là on évite aux producteurs et aux industriels du pays une concurrence qui pourrait leur être fatale. Il y a donc aujourd'hui une idée économique attachée à l'institution de la douane. On ne voit rien de semblable chez les Romains. Il est impossible de trouver la trace d'une politique protectionniste dans aucun des textes qui nous sont parvenus sur la question. Il est facile d'ailleurs de se rendre compte de ce fait. Même lorsque l'Italie formait seule le domaine de la république, il n'y avait point, à proprement parler, d'industrie nationale. L'industrie n'était point considérée à Rome ; elle était laissée aux esclaves, qui travaillaient dans la maison et pour les besoins du maître, et dont il n'était pas nécessaire d'exciter l'activité par des lois protectrices ; elle était abandonnée aussi à quelques humbles artisans, à qui le travail des esclaves faisait une concurrence redoutable, mais qui, n'ayant aucune influence dans l'Etat, n'auraient jamais songé à réclamer contre l'invasion des marchandises étrangères, alors qu'ils n'étaient pas capables de les remplacer par des produits nationaux. On eut si peu l'idée de protéger l'industrie italienne que la production agricole elle-même fut négligée ; l'anéantissement du travail libre et le développement des latifundia lui donnèrent, malgré les efforts des Gracques, le coup mortel, et on dut se résigner à tirer de l'Asie, de la Sicile et de l'Afrique les richesses que l'Italie ne pouvait plus fournir. Plus tard, contre qui les Romains auraient-ils défendu leur industrie ? le monde entier leur appartenait.

Il est vrai qu'on trouve dans le code quelques constitutions qui semblent contredire cette opinion : les prohibitions dont nous avons parlé peuvent paraître au premier abord inspirées par une idée économique ; mais on s'aperçoit bien vite qu'il ne faut y chercher qu'une mesure de sécurité publique. Perniciosum namque romano imperio et proditioni proximum est barbaros quos indigere convenit telis, eos ut validiores reddantur, instruere, dit l'empereur Marcien[507].

Le portorium n'a donc jamais été autre chose, chez les Romains, qu'un impôt de circulation ; il n'avait qu'une seule utilité, mais une utilité capitale : remplir facilement le trésor public ; et ils ne cherchèrent qu'à en tirer le plus de profit qu'il était possible.

Loin de favoriser le commerce, ils multiplièrent les entraves, séparant les provinces les unes des autres par des lignes douanières, créant sur les routes, sur les ponts, sur les canaux, des péages à chaque pas, pour enrichir le trésor aux dépens des commerçants, tandis que ceux-ci se payaient de leurs avances sur les acheteurs, à qui ils vendaient pour des prix fort élevés les marchandises amenées à tant de frais au travers de l'empire.

 

FIN DE LA THÈSE

 

 

 



[1] Parmi les preuves innombrables que l'on pourrait apporter de cette confusion, je ne citerai que ces deux phrases de Cicéron : (a) De Imp. Pomp., 6, 15. Itaque neque ex portu, neque ex decimis, neque ex scriptura vectigal conservari potest. (b) Ad Att., 2, 16, 1. Portoriis Italiæ sublatis, agro Campano diviso, quod vectigal superest domesticum prœter vicesimam ?

[2] Baudrillart, Manuel d'Économie politique (in-12), p. 489 et suivantes.

[3] Nous disons quelque temps, contrairement à l'opinion généralement reçue qui fait de la vente du sel un monopole que l'Etat se serait toujours réservé. M. Marquardt soutient cette dernière thèse (Staatsverw., II, p. 271). Elle a été combattue, fort justement selon nous, par M. Cotin : Zum Röm. Vereinsrecht, Berlin, 1873, in-8°, p. 162 et suivantes.

[4] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 145 et suivantes.

[5] Mommsen, Staaterecht, II (2e édit.), p. 430, note 6. — Marquardt, Staatsverw.. II, p. 146.

[6] Tite-Live, 7, 16. Ab altero consule, nihil memorabile gestum, nisi quod legem novo exemplo, ad Sutrium, in castris, tributim de vicesima eorum qui manumittereritur, tulit. Patres, quia ea lege haud parvum vectigal inopi ærario additum esset, auctores fuerunt.

[7] Suétone, César, 43, Peregrinarum rerum porteria instituit.

[8] Marquardt, Staatsverw., II, p. 145.

[9] Marquardt, Staatsverw., II, p. 173 et suivantes. — Willems, Le Droit public romain, Louvain, 1880, in-8°, p. 347.

[10] Dion Cassius, 56, 28.

[11] Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques de l'ancienne France (2e édition),.

[12] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 217 et suivantes. — Willems, Le Droit public romain, p. 608 et suivantes.

[13] Nous n'avons pas la prétention de donner ici une liste complète de tous les livres où l'on pourrait trouver quelques renseignements sur le portorium. Nous n'indiquerons que les plus importants, et en même temps les plus récents ou ceux qu'on trouvera cités à chaque instant dans le courant de ce travail. Nous renverrons en note aux ouvrages de moindre importance à mesure que l'occasion se présentera.

[14] Par exemple, C. I. L., III, 5121. — César, B. G., 3, 1.

[15] Lex Antonia de Termessibus. C. I. L., I, 204, ligne 31 et suivantes.

[16] Digeste, 19, 2, 60, § 8. Redemptor ejus pontis portorium ab eo exigebat. (Ce texte appartient au jurisconsulte Labéon, contemporain d'Auguste.)

[17] Lex Antonia de Termessibus. C. I. L., I, 204, ligne 31 et suivantes.

[18] Tacite, Hist., 4, 65.

[19] Code Justinien, 4, 61, 5. Cf. ibid., 4, 61, 6, 7, 8.

[20] Cicéron, de leg. agr., 2, 29, 80. — De imp. Pomp., 6, 15.

[21] Renier, I. A., 4111. Lex portus post discessum coh(ortis) instituta.

[22] C. I. L., III, 447. Inscription bilingue.

[23] Strabon, 17, 1, 16.

[24] Bullet. de Corresp. hellén., 1877, p. 32 et suivantes.

[25] Mommsen, Histoire romaine (traduction Alexandre), I, p. 85.

[26] Tite-Live, 2, 9. Cf. Dionys., 5, 22.

[27] Tite-Live, 32, 7. Portoria venalicium Capuæ Puteolisque, item Castrum portorium, quo in loco nunc oppidum est locarunt (censores). Ce texte est très difficile à expliquer : aussi Madvig (Emendationes Livianæ, Copenhague, 1877, in-8°, p. 476) veut-il qu'on lise : Venalicium Capuæ Puteolisque, item ad Castrum portorium, etc. Les mots sont changés, mais le fait reste le même. Qu'est-ce que ce droit sur tous les objets destinés à la vente, si ce n'est un portorium ? comme le montre du reste l'interpolation du mot portoria dans le texte de Tite Live. C'est aussi Madvig qui pense que ad Castrum portorium doit s'entendre d'une douane située à l'embouchure du Vulturne. Peut-être ce Castrum est-il Castrum Truentinum sur la mer Adriatique.

[28] Tite-Live, 40, 51.

[29] Velléius Paterculus, 2, 6.

[30] Tite-Live, 32, 7.

[31] Cicéron, pro Font., 1, 2.

[32] A Ostie, il y avait même un questeur spécialement chargé de veiller sur le port. Voir plus bas.

[33] Tite-Live, 32, 7. Le portorium de Capoue était très vraisemblablement un péage.

[34] On verra plus loin qu'en Gaule et en Egypte on rencontre, sous l'empire, des postes de portorium déjà établis avant la domination romaine.

[35] Cicéron, Verr., 2, 75, 185.

[36] Cicéron, de leg. agr., 2, 29, 80. Cf. Cicéron, de imp. Pomp., 6, 14.

[37] Dion Cassius, 57, 51.

[38] Dion Cassius, 57, 51.

[39] Cicéron, ad Att., 2, 16, 1.

[40] Dion Cassius, 57, 51.

[41] Cicéron, ad Quintum fr., I, 1, 11, § 33.

[42] Suétone, César, 43.

[43] Humbert, o. c., p. 15. — Burmann, De Vect., p. 52. — Naquet, Imp. Ind., p. 15. — Smith, Dict. of greek and roman antiq., au mot portorium.

[44] Dion Cassius, 47, 16 et 48, 34.

[45] Cf. Marquardt, Staatsvertw., II, p. 172 et note 2. On verra plus loin que sous l'empire le portorium ne frappait, sans doute, en Italie, que les objets de luxe.

[46] Tacite, Ann., 15, 50 et 51.

[47] C'est ainsi qu'il faut entendre la phrase de Tacite si discutée (Ann., 13, 51) : Manet tamen abolitio quadragesimæ quinquagesimæque, et quæ alia exactionibus illicitis nomina publicani invenerant. Ces quadragesimæ et quinquagesimæ étaient des droits que prélevaient les publicains : 1° Pro spectatione, c'est-à-dire pour les opérations mêmes de la levée de l'impôt ; 2° pro collybo, c'est-à-dire pour le change ; 3° pro cerario, c'est-à-dire pour les fournitures de bureau ; 4° pour les employés. Cf. Cicéron, Verr., 3, 78, 181, et Marquardt, Staatsverw., II, p. 184, note 4.

[48] Hérodien, 2, 4, 7.

[49] Burmann, de Vect., p. 54.

[50] On connait en effet les noms d'un vice-procurateur de la Quadragesima Asiœ (Wilmanns, 1295) et d'un procurateur de la Quadragesima Galliarum (Wilmanns, 1295), qui sont tous deux postérieurs à Pertinax la première de ces inscriptions est contemporaine de Gordien III et la seconde est au plus tôt de la fin du IIIe siècle.

[51] Fustel de Coulanges, Hist. des inst. polit. de l'ancienne France, p. 501.

[52] Les douanes et les octrois chez les Romains, p. 25 et suivantes.

[53] Humbert a reconnu d'ailleurs lui-même que sa conjecture offrait de graves difficultés, et il ne l'a proposée qu'avec une extrême réserve (o. c., p. 69).

[54] Naudet, Des changements opérés, etc., I, p. 189, note 18.

[55] III, p. 178 (éd. in-8°).

[56] Des changements opérés, etc., I, p. 190.

[57] Code Justinien, 4, 65, 7, (an. 227).

[58] Code Justinien, 4, 61, 8.

[59] Code Justinien, 4, 42, 2.

[60] Code Justinien, 4, 41, 1.

[61] Digeste, 39, 4, 16, § 7.

[62] Suétone, Vespasien, 1.

[63] Cf. le ch. III, § 7.

[64] Quintilien, Declam., 340. — Symmaque, Ep., 5, 63.

[65] Cf. le ch. III, § 9.

[66] Cf. le chap. III.

[67] Code Justinien, 4, 61, 7.

[68] L'inscription du Corpus (III, 1288) trouvée à Bregetio, sur le Danube, ne se rapporte pas, croyons-nous, comme le pense Marquardt (Staatsverw., II, p. 268, note 5), à l'octava.

[69] Staatsverw., II, p. 268 et note 5. Cf. Naquet, Imp. Ind., p 34 et suivantes.

[70] Code Justinien, 4, 65, 7.

[71] Spon, Recherches des antiquités et curiosités de Lyon (édit. 1858), p. 162 = Wilmanns, 1293.

[72] C. I. L., V. 5090. — Cf. le commentaire de Mommsen à la suite de l'inscription. Il établit que ce monument ne peut être que de 217 ou de 246, seules dates où il y ait eu en même temps deux empereurs sur le trône et un Præsens au nombre des deux consuls.

[73] Symmaque, Ep., 5, 63.

[74] Code Justinien, 4, 61, 7.

[75] Code Justinien, 4, 61, 8.

[76] Code Justinien, 4, 42, 2.

[77] C. I. L., I, 204. Lex Antonia de Termessibus.

[78] Mommsen, Hist. rom. (trad. Alexandre), VI, p. 9 et suivantes. — Marquardt, Staatsverw., II, p. 263 et 265. — Henzen, Annali, 1859, p. 113.

[79] Strabon, 4, 5, 3.

[80] Tacite, Agricola, 31.

[81] C. I. L., VII, 1237.

[82] Eph. Epigr., IV (1879), n. 698. M. Mommsen suppose que SAN est une faute et qu'il faut lire LON.

[83] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 141. — Poinsignon, Quid prœcipue end Romanos adusque Diocletiani tempora Illyricum fuerit, Paris, 1846, in-8°.

[84] Appien, Illyricum, 1.

[85] Cf. le ch. IV.

[86] Nous n'avons aucun document qui permette d'affirmer que le vectigal Illyrici comprenait les impôts de la Dalmatie ; mais, si l'on réfléchit que la Dalmatie n'est autre chose que la province qui, sous Auguste, portait le nom d'Illyricum (Marquardt, Staatsverw., I, p. 444), et que les auteurs désignent sous le nom d'Illyricum la Dalmatie unie précisément aux provinces où se levait le vertigal Illyrici (par ex. : Suétone, Tibère, 16. — Trébellius Pollion, in Claud., 15. Cf. Tacite, Hist., I, 76), on en conclura que la Dalmatie devait être comprise dans la circonscription financière dont nous nous occupons. C'est, d'ailleurs, l'avis de Marquardt (l. c.) et de Mommsen (C. I. L., II, p. 279).

[87] C. I. L., III, 4105 et 4063. Ces deux inscriptions, ont été trouvées à Pœtovio.

[88] C. I. L., III, 753.

[89] C. I. L., III, 6124, à Almus.

[90] C. I. L., III, 751 (à Lezan) et 753. A propos du n° 751, Mommsen dit : Ripa Thracia est ipsa Mœsia inferior. Cf. 752, trouvé aussi au bourg de Lezan, au sud de Nicopolis.

[91] C. I. L., III, 753. — C'est sous Marc-Aurèle que les trois frères Julii furent fermiers du portorium Illyrici. Il est évident que, si toutes les villes énumérées dans cette inscription concédèrent des honneurs municipaux à Julius Capiton, c'est qu'elles étaient placées dans la partie de l'Illyricum qu'il avait affermée.

[92] C. I. L., III, 5691 (près de Boiodurum). — C. I. L., V. 1864 (sur le mont della Croce, aux confins du Noricum et de l'Italie). — C. I. L., V. 8650 (près de Pontebba, également aux confins du Noricum et de l'Italie).

[93] Si l'on compare les inscriptions n° 5079 et 5080 (C. I. L., V) dédiées par Festinus, caissier de T. Julius Saturninus, à la station de Sublavio, au n° 4720 (C. I. L., III), trouvé à Loncium, dans le Noricum, et également dédié à ce T. Julius Saturninus, on verra que, puisque l'impôt dans ces deux provinces était loué au même fermier et que le Noricum faisait partie de l'Illyricum, il est de toute nécessité d'admettre que la Rætie y était également comprise pour l'administration financière. D'ailleurs, le témoignage d'Appien (Illyricum, 6) est formel.

[94] Cf. pour ces fermiers : C. I. L., III, 751, 755 et 6124, et Desjardins, Lettre à M. Henzen sur quelques inscriptions inédites de la Valachie et de la Bulgarie, Rome, 1868, in-8°, p. 6 et suivantes.

[95] Ce n'étaient probablement que des affranchis ; s'ils avaient été élevés au rang de chevalier, ils auraient fait comme la plupart de ceux qui arrivaient à cet honneur : ils auraient changé leurs noms d'esclaves contre un nom emprunté à une famille de rang équestre. Un chevalier n'aurait pas gardé le nom d'Epaphroditinus.

[96] C. I. L., III, 4720 et V, 5079, 5080.

[97] C. I. L., III, p. 938, n° XXIII. Tablette trouvée à Alburnus (Dacie).

[98] Cf. C. I. L., III, 4015 et 1568. On ne sait comment expliquer dans ces inscriptions les sigles T. P. L'interprétation conductor t(ertiæ) p(artis) est plus que douteuse.

[99] Pour cette station, cf. C. I. L., III, p. 627.

[100] C. I. L., III, 5148. Dans des bains romains, à Tueffer, près de Celeia.

[101] C. I. L., III, 5184, à Celeia.

[102] C. I. L., III, 5121.

[103] C. I. L., III, 5124.

[104] C. I. L., III, 5146.

[105] C. I. L., III, 5121.

[106] Ep. Epigr., IV (1879), n° 585.

[107] C. I. L., III. 5117.

[108] Il faut encore, pour être complet citer une inscription d'Atrans dont l'explication offre quelque difficulté et qui d'ailleurs est sans grand intérêt : C. I. L., III, 5122.

M. Müllner (o. c.). p. 256, n° 112, lit (scru)lator (?).

[109] Duruy, Hist. des Romains, III, p. 265.

[110] C. I. L., III, p. 589. Il suppose d'ailleurs avec vraisemblance qu'il y a une lacune en cet endroit dans la table de Peutinger.

[111] P. 83.

[112] P. 84.

[113] C. I. L., III, p. 590 et n° 4720. Voici ses propres expressions : Vectigalium Illyrici stationem ibi fuisse et nature locorum postulat et tituli declarant.

[114] Page 82 de l'Itinéraire d'Antonin et page 240 de la Table de Peutinger.

[115] C. I. L., V, 5090. C'est une inscription dédiée par un affranchi des empereurs, Ætetus, au moment où il quittait le poste dont il est ici question pour celui de Maia dont nous parlerons plus loin.

[116] C. I. L., III, p. 707.

[117] Il l'a tracée au moyen de deux lignes, l'une pleine, l'autre pointillée ; ce qui indique les routes dont la direction est certaine, bien qu'elles n'aient pas encore été explorées.

[118] Not. dign. (Ed. Böcking), p. 192.

[119] Toute la rive gauche du Danube était ainsi surveillée par des soldats. Cf. p. 45.

[120] Cf. C. I. L., III, p. 708.

[121] C. I. L., III, 5124. On a aussi trouvé à Passau l'inscription suivante C. I. L., III, 5691.

[122] Telle est du moins l'opinion de Mommsen (C. I. L., III, p. 430). L'itinéraire d'Antonin est obscur sur ce point.

[123] Monum. épigr. du musée national hongrois, n° 112.

[124] P. 249.

[125] Cf. Marquardt, Staatsverw., I, p. 420 et suivantes.

[126] Dion Cassius, 71, 6. Cf. Id., 72, 3.

[127] Dion Cassius, 71, 19.

[128] Tacite, Hist., 4, 64. Cf. Code Justinien, 4, 63, 6.

[129] Dion Cassius, 71, 19.

[130] C'est ce qu'ont remarqué MM. Henzen (Annali, 1859, p. 113) et Marquardt (Staatsverw., II, p. 265.)

[131] Cf. C. I. L., III, p. 510.

[132] On a encore trouvé à Savaria l'inscription C. I. L., III, 4155.

[133] Itinéraire d'Antonin, p. 77.

[134] Itinéraire d'Antonin, p. 69 et 79.

[135] Itinéraire d'Antonin, p. 77, et Table de Peutinger, p. 242.

[136] Itinéraire d'Antonin, p. 77.

[137] Annali, 1859, p. 115.

[138] C. I. L., III, p. 248.

[139] Table de Peutinger (éd. Fortia), p. 248 ; (éd. Desjardins), segm. VI.

[140] P. 249.

[141] Vopiscus, in Aurelian., 39.

[142] Nous n'avons pas compté parmi les stations douanières Bregetio où a été trouvée l'inscription du Corpus (III, 4288) qui, nous l'avons dit, ne se rapporte probablement pas au portorium, non plus que Batta près d'Erd (Stuhlweissenburg), où l'on a découvert l'inscription relative à la contrebande (Desjardins, Mon. épigr. du Musée nat. hongrois, 112). Cette dernière ville nous semble trop éloignée du Danube pour être regardée comme un poste douanier, et de plus, les termes mêmes de l'inscription ne semblent pas autoriser cette conclusion.

[143] Staatsverw., II, p. 268.

[144] C. I. L., V, 7209, 7213, 7214 (à Avigliana).

[145] Herzog, G. N., Appien, p. 56, n° 269 (à Lugudunum Convenarum).

[146] Wilmanns, 1399 ; de Boissieu, p. 275. = Or. 3344, etc. (à Lyon).

[147] Robert, Epigr. de la Moselle, p. 21 et suivantes, pl. 1, fig. 8.

[148] Tel n'est pas pourtant l'avis de deux savants dont l'opinion mérite d'être considérée (Marquardt, Staatsverw., p. 263, note 4, et Herzog, G. N., p. 248) : pour eux, la Narbonnaise formait une province financière spéciale et, par conséquent était séparée par une ligne douanière des trois autres parties de la Gaule ; la suite de ce travail montrera suffisamment, croyons-nous, que cette opinion n'est guère admissible.

[149] Duruy, Hist. des Romains, III, p. 262 et 263. Pour le commerce de la Gaule au temps de César, cf. id., Hist. des Rom. (éd. in-4°) p. 136 et suivantes.

[150] Strabon, 4, 1, 14.

[151] On sait seulement que Marseille levait un portorium à son profit. Cf. plus loin, ch. IX.

[152] Desjardins, Table de Peutinger, p. 149, et Mommsen, C. I. L., V, p 811. Pour cette limite, voir Desjardins, Géog. de la Gaule, p. 81 et suivantes.

[153] Cf. plus bas, ch. V.

[154] Voir à ce sujet : L. Renier, Rapport adressé à S. A. I. le prince chargé du ministère de l'Algérie et des colonies ; Moniteur universel, 6 décembre 1858 (p. 1483) ; Desjardins, Géogr. de la Gaule, Introduction, p. 45, et Hirschfeld, Die Verwaltung der Rheingrenze, dans les Commentationes philologicæ, Berlin, 1877, in-4°, p. 442, note 38.

[155] G. N., p. 218.

[156] Table de Peutinger, p. 138 et 139.

[157] Desjardins, Géogr. de la Gaule, I, p. 113.

[158] C. I. L., V, p. 903.

[159] Cf. C. I. L., V, p. 903.

[160] Desjardins, Géographie de la Gaule, I, p. 96.

[161] Anon. Rav., 4, 30.

[162] Storia dell' ant. Torino, p. 285 et suivantes.

[163] Les autres inscriptions trouvées au même endroit sont les suivantes : C. I. L., V, 7209 - C. I. L., V, 7211. - C. I. L., V, 7214.

[164] Suétone, Néron, 48.

[165] Cf. Desjardins, Géogr. de la Gaule, I, p. 84 et suivantes.

[166] Ammien Marcellin, 15, 10, 2.

[167] Cf. Desjardins, Géogr. de la Gaule, I, p. 84 et suivantes.

[168] C'est l'opinion de M. Mommsen (C. I. L., V, p. 811 et 812). M. Desjardins pense qu'il y avait une autre route qui suivait la rive gauche de la Dora, Rev. arch., XI (1870), p. 124 et suivantes. Dans ce cas, il faut supposer qu'il y avait à Ocelum (aujourd'hui Drubliaglio) un autre bureau de douane dépendant sans doute de la station d'Avigliana.

[169] Strabon, 4, 6, 11.

[170] Wesseling, Itinéraire d'Antonin, p. 346. — Walckenaer, Géogr. ancienne des Gaules, III, p. 28. Cf. Desjardins, Table de Peutinger, p. 56.

[171] Inscriptions antiques de Vienne en Dauphiné, I, p. 175, 170 et 342.

[172] Strabon, 4, 6, II. Itinéraire d'Antonin, p. 105, Table de Peutinger, p. 35. Cf. Desjardins, Géogr. de la Gaule, p. 68 et suivantes.

[173] M. Desjardins identifie Tarnadæ avec Massonger, près de Saint-Maurice.

[174] Desjardins, Table de Peutinger, p. 149 ; Marquardt, Staatsverw., I, p. 119, note 9.

[175] Éd. Fortia, p. 240.

[176] C. I. L., V, 5090.

[177] Mommsen, Die Schweiz in röm. Zeit, dans les Mittheil. der Antiquar. Gesellschaft in Zürich, Zurich, 1854, in-4°, p. 8.

[178] La bibliothèque de l'Université possède un fac-simile en plâtre de cette inscription.

[179] Itinéraire d'Antonin, p. 108.

[180] Itinéraire d'Antonin, p. 108.

[181] Table de Peutinger (éd. Fortia), p. 926.

[182] Itinéraire d'Antonin, p. 70 ; — Table de Peutinger, p. 227.

[183] Itinéraire d'Antonin, p. 70.

[184] Itinéraire d'Antonin, p. 110 ; — Table de Peutinger, p. 226.

[185] Pour la ligne douanière du nord-est de la Gaule, cf. Hirschfeld, Die Verwaltung des Rheingrenze, p. 442, note 38.

[186] Il existait déjà des portoria en Gaule avant César. Cf. César, B. G., 1, 18 ; 3, 1.

[187] Cette inscription est perdue aujourd'hui ; la lecture en est incertaine en plusieurs endroits.

[188] Cette inscription n'est pas antérieure à l'époque où, pour la première fois, deux empereurs ont régné ensemble, c'est-à-dire à l'an 161 ; d'un autre côté, parmi tous les princes qui eurent un ou deux collègues sur le trône, Geta est le seul qui ait eu le prénom de Publius ; il est donc probable que la date de cette inscription doit être cherchée entre les années 209 et 212.

[189] Cf. Desjardins, Table de Peutinger, p. 57.

[190] Cf. Desjardins, Table de Peutinger, p. 31, 47, 55 et suivantes. — Renier, Itinéraires romains de la Gaule, p. 49 et suivantes. — Allmer, Insc. de Vienne, I, p. 171 à 190.

[191] Cf. Marquardt, Staatsverw., I, p. 119.

[192] Cf. Hirschfeld, Lyon in der Römerzeit, Wien, 1873, p. 12 et suivantes.

[193] C. I., L., V, 7213.

[194] La plupart de ces plombs sont aujourd'hui entre les mains de M. Et. Récamier, qui a eu l'extrême obligeance de nous les montrer. Comme il se propose de publier la superbe collection d'antiquités lyonnaises qu'il a amassées, la discrétion nous a fait un devoir de ne pas chercher à en prendre une plus ample connaissance. Nous croyons pourtant, autant qu'il nous a été donné d'en juger (ces plombs n'ont fait que passer rapidement sous nos yeux), qu'on pourrait les diviser en plusieurs classes :

1° Toute une série de plombs est marquée à l'effigie des empereurs ; elle embrasse une période qui s'étend depuis le premier siècle jusqu'à la tin de l'empire (diamètre 0m,014 ou 0m,015 à peu près). De chaque côté de la tête, lorsqu'il n'y en a qu'une, au haut et au bas de la médaille, quand il y en a deux, se lisent les lettres R C, sigles qui ne se trouvent, à notre connaissance, sur aucune des médailles ou monnaies impériales et qu'on rencontre sur un grand nombre de plombs à effigie d'empereur de la collection Récamier. De cette série de plombs, on pourrait en rapprocher une de forme rectangulaire (environ 0m,003 de hauteur sur 0m,020 de longueur), et qui porte l'inscription L R C.

Sur d'autres, également à effigie d'empereur, on lit les abréviations bien connues D N ou DD NN ou bien encore AVG ou AVGG.

2° Quelques-uns ont rapport à des magistrats ; on y lit par exemple QUÆSTOR ?? — sur d'autres, en plus grand nombre, des numéros suivis ou précédés du mot LEGIO ou LEG.

S'il n'est pas téméraire de faire des conjectures en s'appuyant sur des données aussi peu certaines, nous croirions assez volontiers que ces deux premières catégories renferment des plombs destinés à assurer la franchise douanière aux bagages qui en étaient munis. On verra plus loin que les empereurs et les armées n'étaient pas soumis à payer le portorium.

3° Toute une série de ces plombs est marquée au nom de marchands de Lyon, les Plautii, par exemple, que les inscriptions lyonnaises font connaître. Ces noms sont au génitif sur les plombs qui nous occupent ; on y lit Plauti ? et au pluriel Plautiorum.

4° Un grand nombre porte la même empreinte que les monnaies frappées à Lyon. M. Récamier pense qu'elles ont dû être employées sur des ballots de monnaie (?).

5° Des oiseaux sont empreints sur certains autres, surtout des corbeaux, ce qui s'explique facilement puisque Lugudunum signifie colline du corbeau (Lugu dunum).

6° On lit des noms de ville sur un petit nombre de ces plombs Cularo, Vienna, Augusta Trevirorum ? Annapolis ; un autre qui n'est pas en la possession de M. Récamier porte Alexandria.

7° Trois sont marqués d'une façon tout à fait spéciale ; les deux premiers, de forme rectangulaire, portent LVG et LVG . VEC ; sur le troisième, qui a la taille et la forme d'une petite pièce de monnaie, on lit : VIC . LVG ; peut-être ces deux derniers doivent-ils s'expliquer de la même façon.

Il est inutile de faire remarquer combien ces documents sont précieux pour l'histoire commerciale de Lyon ; nous n'avons pas eu ici d'autre prétention que celle d'en signaler l'existence.

[195] Nous ne rangeons pas ici au nombre des postes du portorium Tolosa (Toulouse), Segodunum et Volcalo, dont nous parle Cicéron dans le pro Fonteio (9, 19). En effet, malgré l'autorité de M. Marquardt, qui pense (Staatsverw., II, p. 263, note 4) que les portoria spéciaux établis en Narbonnaise sous la république subsistèrent sous l'empire, ce que nous avons déjà rejeté, nous ne pensons pas qu'il faille rapprocher cet impôt établi par Fonteius du portorium dont nous avons parlé dans tout ce chapitre. Non seulement c'était une mesure arbitraire que l'indignation des Romains eux-mêmes dut bientôt faire supprimer, mais encore il ne s'agit dans le texte de Cicéron que d'une taxe sur le vin dont le taux était spécial à chaque ville et qui, par conséquent, ne se rattache pas au système uniforme appliqué à la Gaule entière. On peut même conclure de la dernière phrase du texte de Cicéron que Fonteius avait pris ces mesures en partie pour empêcher l'exportation du vin dans les parties de la Gaule non encore conquises à la domination romaine, ce qui n'existait plus au temps où nous nous sommes placés dans l'énumération précédente, c'est-à-dire au deuxième siècle de notre ère. Faut-il ajouter que le texte même de Cicéron, malgré les ingénieuses corrections dont il a été l'objet, est encore loin d'être clair et que la position de Segodunum (si c'est ainsi qu'il faut lire) et de Volcalo est fort douteuse. Il est donc impossible de tirer de ce passage des renseignements certains sur le portorium.

[196] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 263 et note 3, et une note de Mommsen à la suite du numéro 5064 du Corpus (t. II).

[197] L'inscription que M. Hübner a publiée (C. I. L., II, 1085) est bien difficile à expliquer. On concevrait facilement que L. Cominius Salutaris, un chevalier, ait été préposé à la surveillance du port d'Ilipa ; c'est là un fait analogue à ceux que nous avions déjà signalés en Illyricum et en Gaule ; mais la présence d'un esclave de l'empereur chargé de la caisse (dispensator, caissier) est assez extraordinaire, et nous n'en avons pas d'exemple pour le portorium, le caissier étant toujours un esclave des fermiers. Nous croirions assez volontiers que nous sommes ici en présence d'un fait exceptionnel. Peut-être même n'est-il pas question dans cette inscription du portorium, et y avait-il dans le port d'Ilipa un service d'esclaves de l'empereur établi pour une toute autre raison. On remarquera que la ville d'Ilipa n'était point éloignée du Mons Marianus, montagne célèbre par ses mines et appartenant à l'empereur (Cf. Hirschfeld, Untersuchungen, p. 75, note 1) ; de plus elle était située au confluent du Bætis et d'un de ses affluents qui coule justement au pied de cette montagne, et pouvait, par conséquent, servir à amener à Ilipa les blocs de minerai extraits de la montagne. II n'y a rien que de très vraisemblable à ce que L. Cominius Vipsanus Salutaris fût attaché au service des mines dans le port d'Ilipa. On comprendrait aisément, dans ce cas, qu'il eût pour caissier un esclave de l'empereur.

[198] On a dit que les procurateurs avaient succédé aux fermiers dans la perception des quatre publica d'Afrique (Acad. des insc. et belles-lettres. — Comptes rendus, 1857, p. 74, note 1). Cette assertion est contredite par le témoignage des textes. On sait qu'un fermier Q. Sænius Pompeianus existait du temps de Marc-Aurèle (Front., ad M. Cœs., 5,34 [éd. Haber] et Or. 6650). Or une inscription du temps d'Hadrien nous fait connaître le nom d'un procurateur IIII publicorum Africæ (C. I. L., III, 3925). Ces deux sortes d'agents financiers existaient donc simultanément. C'est d'ailleurs l'opinion de M. Marquardt, Staatsverw., II, p. 303, note 2).

[199] Éd. Fortia, p. 295. — Cf. Renier, Rapport du Moniteur (6 déc. 1858).

[200] Cf. L. Renier, Rapport du Moniteur (6 déc. 1858), et Héron de Villefosse, Le tarif de Zraïa. Extrait des comptes rendus de la société de numismatique et d'archéologie, 1878.

[201] Table de Peutinger, p. 299. — Itinéraire d'Antonin, p. 22 et 23.

[202] Pour tous ces détails géographiques, voir la savante brochure de M. Héron de Villefosse sur le tarif de Zraïa, à laquelle nous les avons empruntés.

[203] Cf. Renier, Rapport du Moniteur (6 déc. 1858).

[204] Marquardt, Staatsverw., II, p. 287, note 6.

[205] Agatharchide de Cnide, (Photii biblioth.), p. 447b (éd. Bekker).

[206] B. A., 15. Erant omnibus ostiis Nili custodiæ exigendi portorii causa dispositæ. La suite du passage prouve que c'étaient des vaisseaux qui étaient chargés de surveiller les bouches du fleuve.

[207] C'est ce que prouvent les ostraca (quittances de percepteur écrites sur fragments de poterie) que M. Frœhner a publiés et expliqués (Rev. archéol., 1865, t. II). Ces ostraca se rapportent à une période qui s'étend de Vespasien à Antonin. Il y est question de ces fermiers, p. 47.

[208] Frœhner, Ostraca, n° 13, 20, 25, 28.

[209] Frœhner, Ostraca, p. 48.

[210] C. I. Gr., 4867, 4868, etc.

[211] Frœhner, Ostraca, n° 11 à 16 notamment.

[212] Il est question de ces βοηθοί, n° 18, 21, 22, 29, 27, 36, 41, 42, 45.

[213] Arrien, Périple mar. Erythr. (éd. Fabricius, p. 11), en parlant de Leuké Comê. Cf. Or., 6928, et Frœhner, Ostraca, n° 23.

[214] Strabon, 17, 1, 16.

[215] Strabon, 17, 1, 13.

[216] Pline, H. N., 6, 26, 6 (éd. Littré).

[217] Pline, H. N., 12, 41, 2.

[218] Strabon, 17, 1, 16. Cf. Frœhner, Ostraca, p. 45.

[219] Or., 6928. = Wilmanns, 1256. Cf., au sujet de cette inscription : Henzen, n° 6928 et p. 522, et Renier, Mélanges d'épigr., p. 86 et suivantes. Ce dernier pense (p. 92) que le potamophylax était un officier chargé de veiller à l'entretien des digues et des canaux qui étaient destinés à régulariser les inondations du Nil.

[220] Hirtius, B. A., 15.

[221] C. I. Gr., 4867, 4868, 4874, 4876, 4877, 4882, 4884, 4884 b., 4885, 4978.

[222] C. I. Gr., 4878.

[223] Frœhner, Ostraca, p. 45 et 46.

[224] Les fermiers y étaient chargés de percevoir non seulement les impôts indirects, mais aussi la capitation. Cf. Frœhner, Ostraca, p. 48 et n° 6.

[225] Frœhner, Ostraca, n° 23.

[226] Frœhner, Ostraca, n° 6.

[227] Robiou, Mémoire sur l'économie politique de l'Égypte au temps des Lagides, Paris, 1876, in-8°, p. 125 à 147.

[228] Pline, H. N., 6, 24, 4 (éd. Littré). Cf. C. I. Gr., 5075.

[229] Peripl. mar. Erythr. (éd. Fabric.,) p. 14.

[230] Strabon, 16, 4, 25 et 24.

[231] Arrien, Peripl. mar. Erythr., p. 14.

[232] Strabon, 17, 1, 44. Cf. Robiou, Mémoire sur l'économie politique de l'Égypte au temps des Lagides, p. 152 et 155.

[233] Herzen (Or. 6928) dit : Constat in Ægypto φυλακάς ; appellatas esse stationes portitorum et speculatorum.

[234] Agatharchide de Cnide, (Photii biblioth.), p. 447b (éd. Bekker).

[235] Frœhner, Ostraca, n° 4.

[236] Droysen, Rhein. Mus., III (1832), p. 508.

[237] C'est l'avis de Marquardt, Staatsverw., II, p. 268.

[238] De leg. agr., 2, 29, 80. Il est question très souvent du portorium d'Asie dans Cicéron, par exemple : de imp. Pomp., 6, 14 et 15 ; ad Att., 1, 17, 9 ; 2, 16, 4 ; 11, 10, 1 ; etc.

[239] Ad Fam., 13, 9.

[240] Suétone, Vespasien, 1.

[241] C. I. L., III, 447.

[242] Wilmanns, 1293.

[243] Cicéron, Verr., 7, 6, 12. Cf. Fronto, ad Verum, p. 123 (éd. Naber) et Marquardt, Staatsverw., I, p. 180 et note 6.

[244] Spon, (Éd. 1858), p. 172. = Wilmanns, 1293.

[245] Ce commentaire suit l'inscription dans le livre de Spon (p. 161 et suivantes.).

[246] Cicéron, Verr., 2, 72, 175 et suivants.

[247] Digeste, 50, 16, 203. Ce texte est d'Alfenus Varus, c'est-à-dire du temps d'Auguste.

[248] C. I. L., III, 6065.

[249] Cicéron, Verr., 2, 75, 185.

[250] Suétone, César, 43. Il est à remarquer que les auteurs ne parlent du portorium en Italie, sous l'empire, qu'à propos d'objets de luxe (Suétone, de Clar. Rh., I. — Symmaque, Ep., 5, 60 et 63).

[251] Strabon, 5, 4, 6. — Suétone, Auguste, 98. — Sénèque, Ep., 77. Cf. Cluvier, Italie antique, p. 1138 et suivantes, et Desjardins, Table de Peutinger, p. 222 et 223.

[252] Tite-Live, 52, 7.

[253] Cicéron, pro Rabirio Post., 14, 40.

[254] Cicéron, in Vat., 5, 12.

[255] Sénèque, Ep., 77.

[256] Suétone, de Clar. Rh., 1. Cf. Appien, B. C., 1, 79.

[257] C. I. L., I, 1462. = V, 703. Près S-Pelagio-di-Duino.

[258] Cicéron, pro Fonteio, 1, 2. — C. I. L., V, 792 et 820, (à Aquilée).

[259] Quintilien, Decl., 359. Symmaque, Ep., 5, 63. Il est vrai que dans une lettre précédente (5, 60), il parle du quinquagesimœ vectigal, comme d'un portorium sur les ours, mais il est probable que ce mot doit être corrigé en quadragesimœ dans le texte de Symmaque. En effet, dans la première lettre (5, 60), on lit : Nunc a fratre meo Cynegio v. c. quæstorio candidato, quinquagesimœ vectigal exigitur, etc. ; et dans la seconde (5, 63) : Quadragesimœ portorium, non recte poscitur a senatoribus candidatis. Hoc tibi etiam pro Cynegio v. c., dudum missis litteris indicavi. On comprend aisément qu'un copiste ait oublié l'X avant l'L dans le nombre XL ; c'est de là que l'erreur a dû venir.

[260] Ce système de fermage des impôts a déjà été l'objet de bien des travaux ; nous ne ferons donc que rappeler ici les faits les plus importants et ceux qui s'appliquent spécialement au portorium. Cf. sur cette question : Xenopalus, De societatum publicanorum Romanorum historia ac nature judiciali, Berlin, 1871. — Belot, Hist. des chevaliers romains, II, p. 162-181 — Naquet, Imp. Ind., p. 145-164, etc.

[261] Burmann, de Vect., p. 102 et 103. — Naquet, Imp. Ind., p.148. — Humbert, Les douanes et les octrois chez les Romains, p. 19.

[262] Cicéron, de leg. agr., 1, 3, 7. Cf. ibid., 2, 21, 55.

[263] Ainsi, en 693, les publicains qui avaient affermé les impôts d'Asie se plaignirent au Sénat d'avoir fait une mauvaise spéculation et demandèrent à résilier leur bail (Cicéron, ad Att., 1, 17, 9). Caton traîna l'affaire en longueur (ad Att., 1, 18, 7 ; 2, 1, 8). Ils n'obtinrent gain de cause que longtemps après, sous le consulat de César, et encore ne leur accorda-t-on que la réduction du tiers de leur fermage (Suétone, César, 20). César les engagea de plus à ne point enchérir aussi inconsidérément à la prochaine adjudication d'impôts qui se présenterait.

[264] Saturnales, I, 12, 7.

[265] Cf., pour tout ce développement, Mommsen, Staatsrecht, II, p. 330 et suivantes (2e éd.) et Willems, Le droit public romain, p. 276 et note 6.

[266] Tite-Live, 32, 7. — C. I. L., passim.

[267] Cicéron, Verr., 2, 70, 171.

[268] Cicéron., ad Att., 1, 17, 9.

[269] Cf. Belot, Hist. des chevaliers romains, II, ch. IV.

[270] Sur la condition juridique de ces sociétés, cf. Cohn, Zum röm. Vereinsrecht, ch. VII.

[271] Tous les textes à l'appui de cette assertion sont réunis dans Marquardt (Staatsverw., II, p. 290, note 3).

[272] Marquardt, Staatsverw., II, p. 292 et note 3.

[273] Polybe, 6, 17.

[274] Pseudo-Asconius, ad Divin., § 33, p. 113 (éd. Orelli). — Festus, p. 151 (éd. Müller).

[275] Sur la caution prædibus prædiisque, cf. Mommsen, Die Stadtrechte der latinischen Gemeinden Salpensa und Malaca, dans les Abhandl. der königl. sächsischen Gesselsch. der Wissenschaften, Leipzig, 1855, p. 466 et suivantes.

[276] Cicéron, pro Rabir. Post., 2, 4. — Valère Maxime, 6, 9, 7. Il est question dans le Digeste, (17, 2, 76) de socii ex triente (1/3), ex bene (2/3).

[277] Cicéron, Verr., 2, 74, 182. — C. I. L., II, 5064.

[278] Cf. Marquardt, Staatsverw., p. 291, note 5, où les textes les plus importants sur les magistri sont réunis.

[279] Cicéron, ad Att., 11, 10 ; ad Fam., 13, 65 ; Verr., 6, 70, 169.

[280] Cicéron, ad Att., 5, 15, 3. Ib., 5, 21, 4.

[281] Cicéron, Verr., 2, 77, 188. — Cf. C. I. L., I, 1462.

[282] Pour désigner ces employés on se servait des expressions : in operis esse (Cicéron, Verr., 3, 41, 94) ; in operas mittere (Cicéron, pro Planc., 19, 47) ; operas dare (Valère Maxime, 6, 9, 8. — Cicéron, Verr., 2, 70, 171).

[283] Valère Maxime, 6, 9, 8. Le sens de l'expression diurnas capturas exigentem est discuté. M. Lemaire veut qu'il soit question ici des impôts que Rutilius levait chaque jour ; Burmann (de Vect., p. 136), au contraire, croit que ces mots font allusion au salaire journalier que les publicains payaient à leurs employés.

[284] Donat., ad Terent. Phorm., 1, 2, 100. — Cf. C. I. L., I, 1462.

[285] Cf. Burmann, de Vect., p. 125 et suivantes. — Naquet, Imp. Ind., p. 158. — Smith, Dict. of greek and roman Antiquities, au mot Publicani.

[286] Plutarque, de Curios, 7.

[287] Allmer, I. V., I, p 337, n° 81. Saoricius (de σά τρος) veut dire le puant, le pourri. Cette ingénieuse remarque a été faite par M. Allmer dans le commentaire qui suit l'inscription.

[288] Cf. Humbert, Les douanes et les octrois, p. 13. — Smith, Dict. of greek and roman Antiquities, au mot Quæstor, p. 981, col. 2.

[289] Cicéron, pro Sestio, 17, 39 ; pro Mur., 8, 18.

[290] Tacite, Ann., 4, 27.

[291] Cicéron, in Vat., 5, 12 ; pro Mur., 8, 18.

[292] Cicéron, in Vat., 5,12.

[293] Cf. Cicéron, Verr., 2, 70 et suivants.

[294] Cicéron, ad Fam., 13, 9.

[295] Cicéron, de Prov. cons., 5, 10. — Valère Maxime, 6, 9, 7.

[296] Cicéron, de Prov. cons., 5, 10. — On n'est pas d'accord, d'ailleurs, sur le sens du mot custodiœ.

[297] Sous Tibère. Tacite, Ann., 4, 6. — Sous Claude, Pline, H. N., 6, 24, 4 (éd. Littré). — Sous Néron. Tacite, Ann., 13, 50. — Sous Antonin le Pieux. C. I. L., III, 1568. — Sous Marc-Aurèle et L. Verus. C. I. L., III, 751, 755, 6124. — Sous Marc-Aurèle. Front., ad M. Cæs., 5, 31 (éd. Naber). Cf. Or., 6650.

[298] Digeste, 49, 14, 3 § 6, et 46 § 14 ; 17, 2, 53 ; 48, 19, 9 § 9 ; 39, 4, 1 § 1.

[299] Belot, Hist. des chevaliers romains, II, p. 384. — Friedlænder, Mœurs romaines du règne d'Auguste à la fin des Antonins (trad. Vogel), Paris, 1865, I, p. 226 et suivantes.

[300] On trouve les esclaves ou les affranchis qui composaient leurs bureaux, employés à côté des esclaves des fermiers dans des postes douaniers dès le temps de Vespasien ou de Titus (C. I. L., V, 7209).

[301] Le dernier censeur véritable fut Vitellius, le père de l'empereur ; après lui on ne trouve plus que des empereurs qui aient porté ce titre (L. Renier, Leçon du Collège de France, 23 mai 1878).

[302] C'est l'opinion de MM. Marquardt (Staatsverw., II, p. 303) et d'Hirschfeld (Untersuchungen, p. 20). D'autres auteurs croient que ce soin revint aux consuls (Humbert, Douanes et octrois, p. 95 ; Haquet, Imp. Ind., p. 147 et 148). Cette opinion semble reposer sur deux passages d'Ovide (Pont., 4, 5, 19, et Ep., 4, 9, 45) qui se rapportent à un temps antérieur probablement à l'institution des procurateurs. Cf. Burmann, de Vect., p. 112.

[303] Tacite, Ann., 13, 50 et 51.

[304] Cf. Hirschfeld, Untersuchungen, p. 20, note 3. et Marquardt, Staatsverw., II, p. 265 et note 9 ; p. 303, note 2.

[305] Marquardt (Staatsverw., I, p. 325, note 5) la croit contemporaine de Dioclétien.

[306] Cf. C. I. L., III, 1647.

[307] C. I. L., III, 752, 1351, 1565, 4024, 4063, 4155, 4161, 5620, 5691. — C. I. L., V, 8650. — Eph. Epigr., IV (1879), 480, 585.

[308] C. I. L., V, 1864.

[309] Cf. Front., ad M. Cæs., 5, 34 (éd. Naber).

[310] Cf. Renier, Acad. des Inscr. et belles-lettres. Comptes rendus, 1857, p. 74. — Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, p. 816.

[311] C. I. L., V, 7852.

[312] C. I. L., V, 5090, 7209, 7211, 7214, 7645. — Mommsen, I. C. H., 236.

[313] Cf. Herzog., G. N., n° 269, où il est aussi probablement question d'un procurateur de la XXXX Galliarum.

[314] Wilmanns, 1293. Le pro magistro portuum Siciliæ (C. I. L., III, 6065) est probablement un officier de cette nature, puisqu'il a exercé avant cette charge des fonctions procuratoriales. Quant à l'inscription (C. I. L., II, 1085), où il est question d'un procurator capiendorum vectigalium, on l'explique autrement (Cf. C. I. L., II, 2029).

[315] Code Justinien, 4, 61, 8.

[316] Illyricum, à Pœtovio : C. I. L., III, 4024, 4065. — Savaria : C. I. L., III, 4155, 4161. Eph. Ep., IV (1879), n° 480. — en Gaule, à Lugdunum : de Boissieu, p. 275, n° 30. — Gobin, p. 8.

[317] Illyricum : C. I. L., III, 3327. — Gaule : C. I. L., V, 5090, 7645, Mommsen, I. C. H., 236. — Des prœpositi il faut rapprocher les statores ou chefs de stations douanières également affranchis de l'empereur pour la plupart. Allmer, I. V., I. p. 552, n° 80.

[318] Gaule : C. I. L., V, 7214.

[319] Illyricum : C. I. L., III, 752, 1351, 1565, 1647, 5117, 5620. - C. I. L., V, 8650. - Eph. Epigr., IV (1879), 585. — Gaule : C. I. L., V, 7211.

[320] C. I. L., III, 5691, 5122 ?

[321] C'est ainsi que l'on a trouvé à Lezan, à côté l'une de l'autre, les deux inscriptions déjà citées (C. I. L., 751 et 752), dédiées à la divinité des empereurs et au génie du portorium, l'une par un villicus, esclave des fermiers, l'autre par un villicus, esclave de l'empereur.

[322] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 291.

[323] La lex portus (Renier, I. A., 4111) n'est autre chose qu'une lex censoria.

[324] Tacite, Ann., 15, 51.

[325] Tel est le cas de la lex portus (Renier, I. A., 4111).

[326] C. I. L., II, 5064.

[327] Allmer, I. V., I, p. 329, n° 79, et p. 557, n° 81.

[328] C. I. L., III, 751, 4017, 5146, 6124, etc.

[329] C. I. L., III, 4720, 5121, 5123, etc. On voit par cette dernière inscription qu'il y en avait plusieurs dans le même poste douanier.

[330] C. I. L., III, 4015. — C. I. L., V, 7213, 5079. La signification d'arcarius est évidente ; quant aux mots villicus et contrascriptor, on ne saurait en donner de traduction, dans l'ignorance absolue où l'on est des fonctions que ces termes servaient à désigner.

[331] C. I. L., III, 4015, 5121, 5691.

[332] C. I. L., III, 5691.

[333] C. I. L., III, 5121.

[334] De ces deux dernières inscriptions (C. I. L., III, 5691, 5121) on pourrait déduire que le poste de contrascriptor était le plus humble, puisque c'est celui auquel sont nommés deux vicarii de villici ; ce qui semblerait confirmé par l'inscription d'Avigliana (C. I. L., V, 7213). Mais ce ne sont là que des faits isolés ; et d'ailleurs, il faudrait tenir compte aussi de l'importance des bureaux où les esclaves étaient employés, ce qui est impossible pour la plupart d'entre eux.

[335] Cf. Hirschfeld, Untersuchungen, p. 20 et note 3.

[336] Cette combinaison, dit M. Hirschfeld (Untersuchungen, p. 20, note 3), se comprend aisément, si l'on suppose qu'il s'agit ici de deux sections d'un bureau établi à Rome. Cf. Guérin, Voy. Arch., I, p. 433. = Wilmanns, 4295.

[337] Staatsverw., II, p. 303.

[338] Suétone, Auguste, 404. — Capitolin, in Anton., 7. — Front., ad M. Cæs., 5, 34 (éd. Naber), en parlant de Q. Sœnius Pompeianus, fermier des IIII publica Africæ.

[339] Code Justinien, 4, 61, 6 ; ibid., 4, 61, 8 ; ibid., 4, 65, 2. Bulletin de corresp. hellén., 1877, p. 52 et suivantes.

[340] Code Justinien, 4, 62, 4.

[341] Code Justinien, 4, 61, 4.

[342] On sait que le texte de ce passage est contesté ; mais qu'on lise portoria venalium, comme les anciens éditeurs ou comme Madvig (Emendationes Livianœ, p. 477) venalicium, le fait reste le même pour la question qui nous occupe.

[343] Cicéron, in Pisonem, 36, 87.

[344] Annales, 13, 51.

[345] C. I. L., III, 781, lign. 18 et suivantes.

[346] Code Justinien, 4, 61, 5.

[347] Symmaque, Ep., 5, 60.

[348] Code Justinien, 4, 61, 5.

[349] Digeste, 50, 16, 203. Alfenus Varus était, comme on sait, contemporain d'Auguste.

[350] Digeste, 50, 16, 203.

[351] Quintilien, Declam., 359.

[352] Renier, I. A., 4111, ligne 22.

[353] Code Justinien, 4, 61, 5 (a. 521).

[354] Code Théodosien, 2, 30, 1 ; 8, 17, 7.

[355] Code Justinien, 11, 47, 1.

[356] Code Théodosien, 8, 5, 1.

[357] Digeste, 39, 4, 9, § 8. Ce texte est tiré de Paul qui vivait au IIIe siècle de notre ère. — Code Justinien, 4, 61, 5 (a. 321).

[358] Marquardt, Staatsverw., II, p. 94.

[359] Digeste, 59, 4, 9, § 7. Ce texte est de Paul.

[360] Ueber ein, in Justinian's Pandekten enthaltenes, Verzeichniss ausländischer Waaren, von denen eine Eingangssteuer an den Zollstätten des römischen Reiches erhoben wurde, dans les Abhandl. der Berl. Acad. (1843), p. 59 et suivantes. Nous y renvoyons le lecteur pour toutes les discussions techniques, variantes, rapprochements avec les auteurs latins, discussion de mots, etc. ; nous ne donnerons ici que le résultat de ses recherches. Le texte que M. Mommsen a adopté dans son édition du Digeste est un peu différent de ceux que cite M. Dirksen.

[361] Staatsverw., II, p. 268 et 269.

[362] Nous avons réuni ces produits dans une seule classe, parce que souvent la même substance était employée comme parfum et entrait dans la composition d'un médicament.

[363] C'est ainsi que nous traduisons Nardistachys que des éditions écrivent nardostachys et qui n'est que la transcription latine de ναρδόσταχυς. On appelait ainsi la fleur du nard, parce qu'elle pousse comme un épi (Freund, Dict. de la langue latine, au mot Nardosiachyon).

[364] Tyriana, Mommsen.

[365] Marocorum lana ; d'autres lisent pecorum lana.

[366] Lapis universus.

[367] Cf. Naquet, Imp. Ind., p. 28.

[368] Je ne reproduirai pas ici le monument en caractères épigraphiques ; les lettres sont grossièrement tracées et un fac-simile seul pourrait en donner une idée exacte.

[369] Les signes qui suivent sont inconnus ; il est seulement certain qu'ils représentent des fractions de denier moindres que la moitié et que le signe f indique une somme plus grande que l'autre.

[370] Telle est la traduction que donne M. Héron de Villefosse, et que nous reproduisons, non sans conserver quelques doutes.

[371] Pour les housses de chevaux.

[372] Le garum était une saumure très estimée des Romains et faite avec des intestins de poisson macérés dans le sel ; parmi les endroits les plus renommés pour la fabrication du garum on comptait Leptis. On en fabriquait aussi de fort estimé à Pompeii avec le scomber péché dans le golfe de Naples. Cf. Bullett. della Commiss. arch. com. di Roma, 1879, p. 103.

[373] Le mot vatassæ ou datassæ est inconnu.

[374] Annales, 13, 51.

[375] Die römische Lagerstadt Afrikas (Comm. phil., p. 208, note 99 et p. 209).

[376] Renier, I. A., 5, F. M. L. Renier avait proposé les restitutions suivantes : colONiae IVLiae ZARAI COHorti. M. Wilmanns lit nONis IVLiis ZARAI COHorti.

[377] Tarif de Zraïa, p. 8 et suivantes.

[378] Quintilien, Decl., 359.

[379] Cicéron, ad Atticum, 2, 16.

[380] Verrines, 2, 72, 176.

[381] Digeste, 39, 4, 11.

[382] Code Justinien, 4, 41, 1 ; 4, 63, 2.

[383] Code Justinien, 4, 41, 2.

[384] Comme le garum, que nous avons vu mentionné dans le tarif de Zraïa. Godefroy traduit même ainsi le mot liquamen qui est dans le texte du Code.

[385] Cette défense semble déjà avoir existé au temps de la république. Cicéron, in Vat., 5, 12.

[386] Code Justinien, 4, 40, 2.

[387] Code Justinien, 4, 61, 6.

[388] Code Justinien, 4, 61, 7.

[389] Code Justinien, 4, 61, 6.

[390] Digeste, 49, 14, 6, § 1 (ce texte est d'Ulpien). M. Mommsen admet une autre leçon : Auguste au lieu de Arquai, ce qui nous semble meilleur. Il faut en conclure que les femmes de la famille impériale à qui le Sénat avait accordé le titre d'Augusta étaient aussi exemptes du portorium.

[391] Code Justinien, 2, 61, 8 (an. 381).

[392] Verr., 2, 72, 176, et 75, 185.

[393] Digeste, 39, 4, 4, § 1.

[394] Symmaque, Ep., 5, 62.

[395] Code Théodosien, 11, 12, 3.

[396] Code Justinien, 4, 61, 6.

[397] Cf. Naquet, Imp. ind., p. 59 et suivantes.

[398] Annales, 13, 51.

[399] Code Théodosien, 11, 12, 3. Cf. le commentaire de Godefroy à ce sujet. J'ai adopté les dates qui sont mentionnées dans l'édition du Code Justinien de Kriegel et Hermann (Leipzig, 1848).

[400] Code Justinien, 4, 61, 6.

[401] Code Justinien, 4, 61, 7.

[402] Cf., par exemple, Humbert, Les douanes et les octrois, p. 37.

[403] Code Théodosien, 7, 20, 2 (a. 520). Cf. le commentaire de Godefroy à ce sujet. Cette constitution a été insérée au Code Justinien (12, 47, 1) avec quelques changements. On y lit notamment ces mots qui ne se lisent pas au Code Théodosien : Sed etiam nullo munere civili, id est corporali seu personali, vel de portorio, onere eos affici concedimus.

[404] Code Théodosien, 7, 20, 9 (a. 366).

[405] Code Justinien, 12, 47, 1.

[406] Cf. Pigeonneau, De convectione urbanæ annonæ et de publicis naviculariorum corporibus (Paris, 1877), p. 66 et suivantes.

[407] Code Théodosien, 13, 5, 23.

[408] Code Théodosien, 13, 5, 24 (a. 365).

[409] Code Justinien, 4, 61, 6.

[410] Il est bien évident que cette faveur s'applique à certains objets que ces navicularii transportaient pour trafiquer, et non au blé qu'ils apportaient à Rome ou à Constantinople ; c'est pour les récompenser de ce service qu'on leur permet de passer en franchise certaines marchandises. Cf. Burmann, de Vect., p. 61.

[411] Philostrate, Vit. Sophist. (éd. Kayser, Coll. Teubner), p. 44, 3.

[412] Suétone, Galba, 15. Le texte de Lampride (in Commod., 14) : Vendidit etiam immunitates, n'est plus adopté ; on lit maintenant : imminutiones.

[413] C. I. L., III, 781, lign. 18 et suivantes. Cf. le commentaire de Mommsen à la suite de l'inscription.

[414] C'est sans doute une immunité de cette nature que César accorda aux habitants de Brindes (Appien, B. C., 1, 79).

[415] Bullet. de corresp. hellén., 1877, p. 32 et suivantes.

[416] III, 448.

[417] Je donne le texte latin tel qu'il a été restitué par M. Mommsen dans l'Eph. Epigr., vol. IV (1879) n° 72 ; il y a quelques mots de plus dans l'inscription latine que dans l'inscription grecque :

Suggestionem tuæ Su[blimitatis de portorio vici Passalietum, Mylasensium

cibitatis, utpote [e]t rei p[ublicæ vel ærario et idoneis ejus civitatis hominibus

profuturam, debita cum l[aude confirmamus, et per hanc divinam pragma[ticara jube

mus sanctionem, nulli [dictum vectigal exigere licet...

lucra posse quoquo mo[do...

de portu ejus veniunt ac ne[gotiandi causa.....

Les dernières lignes sont sans intérêt.

[418] Bullet. de corresp. hellén., 1877, p.34.

[419] Suétone, de Clar. Rhet., 1.

[420] Quintilien, Decl., 540.

[421] Suétone, de Cl. Rhet., 1.

[422] Lucien, Saturnales, 27. Quintilien, Decl., 341.

[423] Quintilien, Decl., 341. Cf. Decl., 559.

[424] Digeste, 39, 4, 16, § 3.

[425] Quintilien, Decl., 340.

[426] Plutarque, de Curios., 7. — Quintilien, Decl., 359. — Cicéron, de leg. agr., 2, 23, 61, in Vat., 5, 12.

[427] Plaute, Trin., 3, 3, 64.

[428] Cicéron, Verr., 2, 74 et suivantes.

[429] C'est, croyons-nous le sens qu'il faut donner au mot είκονισμός dans le passage de Sénèque : (Ep., 95, 67) Descriptiones has, et, ut publicanorum utar verbo είκ.νισμούς ex usu esse confiteor. Nous ne pensons pas, comme le dit Burmann d'après Juste Lipse (de Vect., p. 58), que ce fût un moyen employé contre la fraude. Il était des cas où le signalement d'un objet était indispensable pour justifier l'estimation qu'on en faisait, par exemple pour un meuble ; il fallait en noter la hauteur, la largeur, indiquer le bois dont il était fait, les sculptures et les incrustations qui s'y trouvaient, toutes choses qui en augmentaient la valeur. Cf. la note de l'édition Lemaire à ce sujet.

[430] Plaute, Trin., 4, 4, 15 et suivantes. — Bien qu'il s'agisse dans ce passage, quelques vers plus haut, du Pirée, on peut considérer ce vers de Plaute comme s'appliquant au portorium romain. Ce sont là d'ailleurs des faits qui sont de tous les temps et de tous les pays.

[431] Quintilien, Decl., 341. Cf. Decl., 359. — Digeste, 59, 4, 16, § 3. Ibid., 59, 4, 16, § 2.

[432] Cela semble résulter d'un texte du Digeste (39, 4, 16, § 10).

[433] Pour toutes les questions de droit relatives à la revendication du fisc en pareil cas, cf. Naquet, Imp. ind., p. 66 et suivantes., et Humbert, Les douanes et les octrois, p 58 et suivantes.

[434] Digeste, 39, 4, 16, § 5.

[435] Digeste, 39, 4, 16, § 6.

[436] Digeste, 39, 4, 11, § 2.

[437] Digeste, 49, 14, 22.

[438] Digeste, 39, 4, 11, § 4.

[439] Digeste, 39, 4, 16.

[440] Digeste, 39, 4, 16, § 12.

[441] Digeste, 39, 4, 16, § 10.

[442] Digeste, 39, 4, 16, § 9.

[443] Digeste, 4, 4, 9, § 5.

[444] Digeste, 39, 4, 7, § 1.

[445] Code Justinien, 4, 61, 3.

[446] Digeste, 39, 4, 16, § 8.

[447] Desjardins, Monum. épigr. du Musée nat. hongrois, 112.

[448] Code Justinien, 4, 61, 5.

[449] Tacite, Ann., 13, 51. — Extra ordinem signifie qu'on ne suivait pas en cela la Procédure ordinaire. Généralement le préteur, au lieu de juger lui-même, accordait aux parties le droit d'aller plaider devant un juge ; dans le cas actuel le préteur devait rendre lui-même la sentence. C'était un moyen d'abréger les formalités. Il faut remarquer pourtant que, au Digeste (29, 4, 1) le préteur se sert de ces mots : Judicium dabo, ce qui donnerait à entendre qu'au temps d'Ulpien t'action était non plus extraordinaire, mais formulaire comme avant Néron. Peut-être l'ordonnance de Néron ne resta-t-elle pas longtemps en vigueur, comme plusieurs autres mesures qui furent décrétées en même temps que celle-ci, et qui, au dire de Tacite, tombèrent en désuétude.

[450] Digeste, 39, 4, 1, § 5.

[451] Digeste, 39, 4, 1. Gaïus pense que la valeur de l'objet illégalement extorqué doit être comprise dans le double que le préteur autorisait à réclamer (Digeste, 59, 4, 5, § 1).

[452] Digeste, 39, 4, 9, § 5.

[453] Digeste, 39, 4, 16, § 14.

[454] Digeste, 39, 4, 1, § 3.

[455] Digeste, 39, 4, 1, § 4.

[456] Digeste, 39, 4, 1, § 4. Nous nous sommes contenté ici d'indiquer brièvement la législation usitée en pareil cas ; la question a été traitée avec tous les détails qu'elle comporte par M. Humbert (Les douanes et les octrois, p. 52 et suivantes).

[457] Par exemple, MM. Duruy (Hist. des Romains, III, p. 179 et note 3), et Humbert (Les douanes et les octrois, p. 25 et 65. Cf. Dictionnaire des antiquités grecques et latines, au mot Ærarium).

[458] Willems, Le droit public romain, p. 355. — Marquardt, Staatsverw., p. 156.

[459] Pline, H. N., 6, 24, 4 (éd. Littré.).

[460] Cf. Mommsen, Staatsrecht, II, p. 963 et 964 (2e éd.).

[461] Il ne faudrait pas conclure du passage déjà si souvent cité de Tacite (Ann., 15, 50, et 51) que le produit des douanes appartenait à l'ærarium. Il prouve seulement qu'en matière de finances le sénat avait encore gardé une apparence de pouvoir. C'est ainsi que nous voyons Tibère le consulter sur l'établissement des impôts (Suétone, Tibère, 50).

[462] Front., ad. M. Cæs., 5, 34 (éd. Naber).

[463] Staatsrecht, II, p. 266.

[464] Staastverw., II, p. 296.

[465] Digeste, 59, 4, 1, § 1.

[466] Digeste, 50, 16, 17, § 1.

[467] Digeste, 39, 11, § 2. Cf. ibid., 39, 4, 13, § 12, et Fragm. de jure fisci, § 18.

[468] Digeste, 19, 2, 60, § 8.

[469] Sénèque, de Const. sap., 14.

[470] Suétone, Vitellius, 14.

[471] Hérodien, 2, 4, 7.

[472] Digeste, 24, 1, 21.

[473] Chapitre IV.

[474] Pourtant ce genre de taxes semble avoir porté quelquefois le nom de telonium ou teloneum, comme dans une inscription d'Afrique. Renier, I. A., 1867. L'expression telonium servait aussi à désigner le bureau de perception. Cf. S. Matthieu, Ev., 9, 9 ; S. Marc, Ev., 2, 14 ; S. Luc, Ev., 5, 27.

[475] Digeste, 11, 7, 37 (Ce texte est tiré de Macer.)

[476] Code Justinien, 5, 44, 15.

[477] Pline, H. N., 6. 26, 6 (éd. Littré).

[478] Esprit des lois, 21, 16.

[479] Pline, H. N., 12, 32, 6 (éd Littré).

[480] Tite-Live, 38, 44.

[481] C. I. L., I, 204, lign. 31 et suivantes.

[482] Cicéron, de Invent., 1, 30, 47.

[483] Strabon, 4, 1, 8.

[484] M. Willems (Droit public romain, p. 354, note 1) croit même que généralement les civitates liberæ immunes percevaient des portoria à leur profit.

[485] Tacite, Histoires, 4, 65.

[486] A Éphèse un octroi existait peut-être du temps de Tibère : Le Bas et Waddington, Voy. Arch., III, 1564 ter.

[487] Suétone, Caligula, 16. Cf. Lampride, in Sever. Alex., 20. — Code Justinien, 4, 61, 40. — C. I. L., II, 1423 ; c'est une lettre de Vespasien aux habitants de Sabora en Bétique, pour leur laisser la jouissance de leurs vectigalia.

[488] Suétone, Tibère, 49.

[489] Code Justinien, 4, 62, 2. — Digeste, 59, 4, 10.

[490] Code Justinien, 4, 62, 1 (Rescrit de Sévère et de Caracalla). Cf. C. I. L., II, 1425.

[491] Cf. Lex Malac., § 65 ; Cicéron, de Inv., 1, 30, 47 ; Digeste, 39, 4, 15, § 1, et l'inscription de Coblentz citée plus haut.

[492] Code Justinien, 4, 61, 13.

[493] Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 85.

[494] Vopiscus, in Aurel., 20. Cf. Daremberg et Saglio, Dict. des ant. grecques et rom., au mot Arca.

[495] Suétone, Caligula, 3.

[496] Pline, H. N., 19,19, 6 (éd. Littré).

[497] En dehors de Rome, on trouve la mention d'un impôt sur toutes les marchandises mises en vente suries marchés et dans les foires, jusque dans les derniers temps de l'empire. Le vendeur devait payer un demi-silique ou 1/48 de la valeur de l'objet, et l'acheteur un demi-silique également. Du nom de silique, l'impôt se nommait siliquaticum. Cassiodore, Var., 4, 19. Cf. Baudi di Vesme, des Impositions de la Gaule dans les derniers temps de l'empire romain (trad. Laboulaye), ch. VI, § 69, p. 57.

[498] C. I. L., VI, 1016.

[499] Staatsverw., II, p. 270.

[500] Satires, 5, 58.

[501] De Re rust., 1, 59.

[502] Epig. Anal., 15. — Dans le n° 1016 (b), le nom de Commode a été martelé ; dans le n° 1016 (c), il a été remplacé par celui de Sévère Alexandre. — Au lieu de TE (ligne 12), on lit ET dans b et c.

[503] Imp. ind., p. 74

[504] On sait que sur la troisième borne le nom de Commode a été remplacé par celui de Sévère Alexandre : ce fait indique que les pierres étaient encore en place sous le règne de cet empereur. Si l'impôt avait cessé d'exister, n'aurait-on pas plutôt enlevé les bornes que changé l'inscription qui y était gravée ?

[505] Cf., pour cet impôt, Burmann, de Vect., p. 73 et suivantes. — Naquet, Imp. ind., p. 71 et suivantes. — Marquardt, Staatsverw., II, p. 270.

[506] Cicéron, ad Att., 2, 16, 4.

[507] Code Justinien, 4, 41, 2.