HISTOIRE DES CAROLINGIENS

INTRODUCTION HISTORIQUE.

SECTION PREMIÈRE. — ORIGINE DE LA MONARCHIE MÉROVINGIENNE.

 

 

§1. - LA BELGIQUE ANCIENNE.

La Belgique fut le berceau des deux dynasties mérovingienne et carolingienne ; c’est dans ce pays aussi que la nation flanque se prépara accomplir ses brillantes destinées. L’extrémité septentrionale des Gaules, qui correspond au royaume actuel des Belges et aux Pays-Bas, n’a pas été conquise par les Barbares, connue la Gaule celtique ou romaine : c’est d’ici, au contraire, que partirent les conquérants. Nos pères appartenaient à la grande famille germanique, comme tous les Francs ; ils prirent aux exploits et aux établissements de ceux-ci sur la terre étrangère une part aussi large que glorieuse. Il est vrai que les plus anciens habitants de la Belgique étaient Celtes ; mais l’histoire nous apprend aussi que les Germains avaient envahi cette partie de la Gaule et en avaient expulsé les Celtes longtemps avant César[1]. Les peuples qui s’y trouvaient à l’époque de la conquête romaine étaient tous Germains, c’est César lui-même qui l’affirme.

En parlant des Éburons, des Condruses, des Cérèses et des Pémanes, il les comprend tous indistinctement sous la dénomination de Germains[2]. Il dit également des Sègnes, qu’ils font partie de la nation des Germains[3]. Aux Aduatiques seuls il attribue une origine teuto-cimbrique[4] ; mais les Teutons étaient bien certainement Germains, et les Cimbres étant venus avec les Teutons de la Germanie, ces deux peuples s’identifiaient par les mœurs et le but de leur émigration, si ce n’est par la race[5]. La nationalité des Ambivarites, dont parle César, est seule inconnue[6] : cette peuplade est représentée comme habitant les rives de la Meuse, et exposée aux persécutions des Ubiens[7]. Les Trévires et les Nerviens étaient de tous les peuples de ce pays ceux qui s’enorgueillissaient le plus d’être originaires de Germanie[8]. Tout ce qu’on sait des Centrons, des Grudiens, des Levaces ou Levaques, des Pleumoxes et des Geidunes, c’est qu’ils formaient de petites tribus dépendantes des Nerviens[9]. Ceux-ci étant d’origine germanique, il est probable que les peuplades qui les avoisinaient vers le nord n’étaient pas de race différente.

Plusieurs de ces tribus furent détruites par César, notamment celles des Éburons et des Aduatiques. Les peuples qui vinrent les remplacer sortaient également de la Germanie. Les Ménapiens avaient encore un pied sur la rive droite du Rhin au moment de la conquête[10]. Les Thuringiens ou Tongrois traversèrent le Rhin sous Auguste, se dirigeant vers la Meuse[11] ; ils furent suivis par les Ubiens[12], les Suèves, les Sicambres[13], et plus tard par les Toxandres[14]. Pendant l’occupation romaine, le sol de la Belgique se partageait entre les diverses tribus qui s’y étaient établies, de la manière suivante :

Les Nerviens occupaient les territoires correspondant au Cambrésis, au Hainaut et à la partie septentrionale du pays d’Entre-Sambre et Meuse. En y ajoutant les terres occupées par leurs clients, Centrons, Grudiens, Levaces, Pleumoxes et Geidunes, la Nervie s’étendait vers le nord entre la Dyle et l’Escaut, jusqu’au Ruppel. Ces limites furent à peu près celles de l’ancien diocèse de Cambrai[15].

Les Ménapiens, à peine établis sur la rive gauche du Rhin, avaient été refoulés par les Tenchtres et les Usipètes au delà de l’Escaut. Séparés des Nerviens par ce fleuve, ils occupaient tout le territoire situé entre l’Escaut et l’Océan. Ils confinaient aux Bataves vers le nord, aux Marins et aux Atrebates par leur frontière méridionale. Peut-être avaient-ils, en faisant leur mouvement vers le sud, empiété sur le territoire des Morins[16].

Le pays des Toxandres correspondait à la contrée qui porte aujourd’hui le nom de Campine. Il était borné à l’ouest par l’Escaut, au nord par le Wahal, au sud par le Demer. Du côté de l’est il joignait à la contrée qui plus tard fut appelée Masgau, laquelle le séparait de la Meuse[17].

Les Bethases et les Suniques étaient de petites tribus voisines des Tongrois et qui probablement se tenaient sur les deux rives de la Meuse, l’une dans l’ancien Limbourg et le pays de Juliers, l’autre entre le Demer, la Dyle et la Gète. Il règne du reste beaucoup d’incertitude à cet égard[18].

Les Tongrois occupaient à l’est de la Toxandrie presque tout l’ancien emplacement des Éburons, des Aduatiques, des Condruses, des Cerèses, des Sègnes et des Pémanes. Ils s’étendaient sur les provinces actuelles du Limbourg, de Liége, de Namur, et même sur une partie du Luxembourg[19]. Ils avaient pour voisins, au sud, les Trévires, au nord les Gugernes, qui ont donné leur nom à la Gueldre, à l’est les Ubiens, qui avaient été établis par Agrippa dans une partie du pays des Éburons, entre le Rhin et la Meuse[20].

Le pays des Trévires se composait des contrées qui plus tard devinrent l’électorat de Trèves, le duché de Luxembourg et dont une partie fut comprise dans le diocèse de Cologne. Il était séparé du pays des Nerviens par la Meuse et avait le Rhin pour limite orientale. A partir du Rhin ses frontières du nord et du sud étaient tracées vers l’ouest par les cours de l’Ahr et de la Nahe, pour aller aboutir à la Meuse sur deux points respectivement voisins de Charlemont et de Montmédy[21].

Quand les Romains organisèrent l’administration des contrées septentrionales de la Gaule, ils les divisèrent en provinces. Sous Auguste, les Trévires, les Nerviens et les Ménapiens se trouvèrent seuls compris dans la province appelée Belgique ; les Tongrois et les Toxandres appartenaient à la Germanie inférieure[22]. Plus tard, sous Dioclétien ou Constantin, la province de Belgique, créée par Auguste, fut partagée en première et seconde Belgique, et l’on appela première et seconde Germaniques les provinces de la Germanie supérieure et inférieure. Les Trévires faisaient partie de la première Belgique, dont la métropole était Trèves et qui comprenait les villes de Metz, de Toul et de Verdun. Les Nerviens et les Ménapiens étaient dans la seconde Belgique, qui avait Reims pour chef-lieu ou métropole, et dont la circonscription embrassait les villes de Soissons, Châlons-sur-Marne, Saint-Quentin, Arras, Cambrai, Tournai, Senlis, Beauvais, Amiens, Thérouanne et Boulogne. Aucune partie de la Belgique actuelle n’entrait dans la composition de la première Germanique, dont le chef-lieu était Mayence ; mais à la seconde Germanique appartenaient la Toxandrie et le pays des Tongrois. Cologne était sa métropole, Tongres sa seconde ville[23].

Les Romains occupèrent la Belgique pendant plusieurs siècles et y fondèrent d’assez nombreux établissements, des colonies militaires, des camps permanents (castra stativa), dont un petit nombre sont devenus villes. Il serait intéressant de pouvoir déterminer jusqu’à quel point la civilisation romaine, qui dut nécessairement entrer dans le pays avec les vainqueurs, se naturalisa et se développa dans les localités où ils séjournèrent. On ne peut faire à cet égard que des conjectures plus ou moins vraisemblables. Le nombre et l’importance des établissements romains dont tous vestiges ne sont pas effacés, sont pour ainsi dire les seuls éléments d’appréciation qui nous restent.

C’est dans le pays des Trévires, comprenant une grande partie du Luxembourg, actuel, qu’on trouve le plus de souvenirs du séjour des Romains. Trèves (Coloria Augusta Trevirorum), colonie militaire dans le principe, était devenue une des principales cités de l’empire[24]. On sait qu’elle fut la résidence du préfet des Gaules, et que plusieurs empereurs, entre autres Constantin, y tinrent leur cour. Il y avait à Trèves une école de littérature célèbre, un hôtel des monnaies, plusieurs manufactures d’armes et d’étoffes, un gynécée pour la confection des équipements militaires. Le commerce devait nécessairement créer de nombreuses relations entre les Romains et les habitants indigènes. Les Romains engageaient ceux-ci à bâtir des temples, des forums, des maisons ; ils !bisaient instruire les fils de leurs chefs dans les arts libéraux ; ils tachaient surtout de propager l’usage de la langue latine[25].

Un centre de population aussi considérable ne pouvait être isolé ; aussi a-t-on trouvé, dans un certain rayon autour de Trèves, de nombreux vestiges de camps, de villas, de bourgs ou villages, d’établissements de toute espèce. Pour ne parler que des plus importants, citons Neumagen (Neomagus) sur la Moselle[26] ; Bitbourg (Beda vicus), sur la route de Trêves à Cologne[27], Antwen (Andethanna vicus), à deux lieues de Luxembourg, sur la route de Trèves à Reims[28], et surtout Arlon (Orolaunum).

On a découvert à Arlon non seulement de nombreux restes d’édifices, de monuments, d’autels, de statues, mais encore un mur d’enceinte et tout ce qui indique une place de guerre imposante. Si Orolaunum n’est pas mentionné dans la notice de l’empire, c’est que probablement cette localité n’acquit tous ses développements qu’à une époque postérieure[29]. Il est fort possible qu’elle soit devenue le refuge des riches habitants de Trèves, lorsque la ville impériale fut saccagée par les Francs. Au nord d’Arlon, il n’est pas sans intérêt de citer Nassogne, mentionnée par l’anonyme de Ravenne sous le nom de Nassogna et dont l’existence comme villa impériale est constatée par deux lois de l’empereur Valentinien, données à Nassonacum en 372[30].

Après le pays des Trévires, c’est dans celui des Nerviens qu’on trouve le plus de traces d’établissements romains. Bavai (Bavacum), qui était le chef-lieu de la Nervie, doit avoir contenu des monuments remarquables et des habitations élégantes. Les restes d’un cirque relativement vaste, ceux d’un aqueduc de plus de deux myriamètres de longueur, les substructions d’un grand nombre d’édifices, plusieurs monuments funéraires et d’innombrables objets d’art que des fouilles récentes ont mis au jour, attestent la splendeur de cette antique cité[31].

Cambrai (Cameracum) était situé à peu de distance de Bavai, mais il ne paraît pas que les deux villes aient coexisté. D’abord station de poste, Cambrai ne s’éleva au rang de ville qu’après la destruction de Bavai. Elle devint alors chef-lieu de la Nervie, mais elle n’atteignit jamais l’importance et la prospérité de la ville à laquelle elle succédait[32].

Autour de Bavai et de Cambrai, il y avait, sur le territoire des Nerviens, quelques stations romaines, mais trop insignifiantes pour être citées. Famars seul (Fanum Martis) mérite une mention particulière. C’est à Famars probablement que se réfugièrent les habitants de Bavai, comme ceux de Trèves à Arlon, lorsque les villes romaines furent saccagées par les Francs. Le bourg de Famars fut alors fortifié ; l’enceinte existe encore. En fouillant le sol, on y a trouvé les restes d’un aqueduc et d’un hypocauste, des fragments de sculpture, des monnaies en grand nombre et des objets antiques de toute espèce[33].

Dans le pays des Ménapiens, il n’y avait de ville que Tournai (Tornacum), située sur la limite de la Nervie[34]. L’étendue que Tournai avait à cette époque est marquée par un mur d’enceinte dont on voit encore des fragments. C’était une place de guerre, ayant comme Trèves un gynécée. On y a trouvé peu de vestiges de monuments ou d’édifices publics remontant à l’époque romaine. A quelques lieues de Tournai se trouvaient Verwicq (Viroviacum), station romaine sur la route de Boulogne[35], et puis Escaupont (Pons Scaldis), dans la direction de Bavai. Un fort appelé Castellum Menapiorum avait été construit sur le mont Cassel, entre Boulogne et Tournai[36].

Il est à remarquer que dans toute la partie de la Flandre située au nord de Cassel, il n’y a de vestiges d’établissement romain qu’à Courtrai (Cortoriacum), dont la notice de l’empire fait mention comme d’un poste militaire[37]. On peut supposer, d’après cela, que les populations de cette contrée n’avaient pas été entièrement soumises. La partie septentrionale du pays des Nerviens et la Toxandrie, correspondant au Brabant, à la province d’Anvers et à la Campine, étaient à peu près dans le même cas. Si l’on ne connaissait par la voie romaine de Bavai à Assche, qui passe à côté de Mons et d’Enghien, pour aboutir à un camp dont on a retrouvé les vestiges auprès d’Assche[38], on pourrait croire que les Romains ne pénétrèrent jamais dans cette partie de la Belgique. Il est évident d’ailleurs que la voie précitée n’était qu’un diverticulum, c’est-à-dire une route secondaire, étroite et construite à peu de frais dans un but purement stratégique. Tout semble indiquer qu’elle n’avait ni station ni relais.

Les grandes voies militaires des Romains étaient au sud et à l’est de la Belgique. Là aussi se trouvaient les villes, les stations, les postes fortifiés. Sur la route de Bavai à Cologne, on rencontrait d’abord la station de Vogdoriacum, probablement Waudrez, ensuite Geminiacum, Gembloux, qui semble avoir été plus qu’une station ordinaire[39] ; en troisième lieu Perviciarum, dont l’identité avec Perwez est douteuse. Plus loin était Tongres (Atuatuca ou civitas Tungrorum). Nous avons déjà fait remarquer qu’Ammien Marcellin, citant Cologne et Tongres comme les deux villes de la seconde Germanie, dit qu’elles étaient grandes et populeuses. On voit encore à Tongres de nombreux vestiges de l’enceinte romaine. On y a trouvé une grande quantité d’objets antiques et une colonne milliaire extrêmement remarquable, mais rien qui révèle l’existence de grands édifices. Tongres, qui devait son origine à un camp romain, était plutôt une place de guerre qu’une ville de luxe et de commerce[40].

A quelques lieues de Tongres, Maëstricht (Pons Mosœ ou Trajectum Mosœ) était aussi une place fortifiée, mais de moindre importance. Des fouilles récentes y ont fait découvrir les substructions d’un hypocauste et diverses autres antiquités[41].

Tels furent, pensons-nous, les principaux établissements de Romains en Belgique et sur les frontières de ce pays. Pour ne pas tirer de l’existence de ces établissements des conclusions erronées, il faut se rendre compte de la manière dont ils avaient été formés et de l’espèce d’habitants qui s’y était établie. Des camps et des postes militaires étaient leur origine commune. Il ne faut point se dissimuler que les Romains regardaient la Belgique comme un pays sauvage et ses habitants comme des barbares. Ils ont occupé ce pays par la force des armes, peu près de la même manière que les Anglais ont occupé dans le principe l’Indoustan. Ils y établirent de petites colonies, des camps retranchés, des postes fortifiés, qui sont devenus des villes ou des bourgs ; mais il dut y avoir, sous ce rapport, d’énormes différences entre les diverses parties du pays. Trèves, par exemple, fut la capitale romaine non seulement de la Belgique, mais encore des Gaules ; autour de Trèves on vit se former de nombreux établissements romains. Il y en eut beaucoup ainsi dans la partie méridionale de la Nervie, et puis quelques-uns le long de la Sambre et de la Meuse jusqu’à Tongres et Maëstricht ; mais dans l’intérieur du pays, on trouve à peine quelques vestiges insignifiants.

Nul doute que les mœurs romaines ne se soient développées à Trèves, à Bavai, à Tournai, <I Tongres, à Cologne. Les Roumains établis clans ces colonies ne sont pas demeurés sans relations avec les habitants indigènes. Il est vraisemblable, au contraire, que leurs relations furent assez fréquentes et de diverses natures, relations de commerce, de voisinage, de famille, etc. ; il dut même se contracter des mariages, et se former des alliances entre eux. Un mélange de races s’opéra, sans doute, entre les habitants romains et barbares des villes ; mais il est fort douteux que les mœurs et la civilisation romaines se soient répandues au dehors. Les Germains considéraient les villes fondées sur leur territoire comme des établissements étrangers, et méprisaient à l’égal des traîtres ceux des leurs qui consentaient à s’y renfermer[42]. Et d’ailleurs les villes étaient si rares, si éloignées les unes des autres ; il y avait de si vastes étendues de territoire sans ville, même sans station militaire que la plus grande partie de la population demeura nécessairement étrangère à tout contact avec les Romains.

La civilisation n’a pu exercer son influence que dans les grands centres de population, à Trèves, à Bavai, à Tournai, à Tongres, à Cologne, et peut-être parmi les habitants de l’est et du midi, voisins des stations et postes fortifiés. Partout ailleurs, dit Schayes, dans le nord, le centre et l’ouest de la Belgique, les mœurs, les usages, la langue et le culte des indigènes n’éprouvèrent que peu ou point d’altération, pendant toute la durée de la domination romaine. Dans les deux Flandres, la province d’Anvers, la Campine et le Brabant, la population peu nombreuse était disséminée et en quelque sorte perdue au milieu de ses forêts et de ses marais. Gouvernée, sous des chefs nationaux, par ses vieilles coutumes, elle conserva dans toute sa vigueur le caractère germanique, si éminemment développé chez les Germano-Belges, cette fierté farouche et intraitable qui leur inspirait un profond dédain pour les institutions étrangères[43].

Le christianisme, suivant le même auteur, ne fit son apparition en Belgique que vers le troisième siècle. Il se manifesta alors avec quelque éclat dans la ville de Trèves, mais il ne s’introduisit que postérieurement dans les autres villes et bourgades plus ou moins romanisées. On sait positivement qu’il y avait un évêque à Tongres au milieu du quatrième siècle, puisque saint Servais assista en cette qualité au concile de Sardique en 347 et à celui de Rimini en 359. Le siége épiscopal de Tournai ne fut érigé que vers la fin du cinquième siècle ; son premier évêque fut saint Eleuthère, promu à cette dignité en 486[44]. Au reste, les établissements chrétiens disparurent entièrement du pays dès les premiers temps qui suivirent l’expulsion des Romains.

C’est également à Trèves et sur les bords de la Moselle que la langue latine dut faire le plus de progrès. Les Romains imposaient leur langage aux nations vaincues, comme ils leur imposaient le joug de leur domination. Tout se faisait en latin ; l’administration, la justice, les lois, les institutions civiles et militaires, la religion, le commerce, la littérature, le théâtre, étaient autant de moyens d’introduire et de répandre l’usage de cet idiome. Une loi expresse défendait aux préteurs de promulguer les décrets en aucune autre langue. Des écoles de grammaire et de rhétorique s’établirent dans toutes les villes ; celle de Trèves, nous l’avons déjà dit, l’ut une des plus célèbres. Il est assez étonnant, d’après cela, que les habitants des bords de la Moselle n’aient pas adopté, comme ceux des bords de la Meuse, un dialecte roman. Peut-être aussi l’usage du roman-wallon, dans quelques provinces de la Belgique, ne date-t-il point du temps de la domination romaine, mais de l’époque où le christianisme rentra dans ces contrées après la conversion des Francs, et où furent établies les maisons religieuses dont les habitants parlaient le latin rustique.

 

§ 2. — LA CONFÉDÉRATION DES FRANCS.

Tout le monde connaît l’histoire de l’insurrection dite des Bataves, qui éclata dans la basse Germanie, sous le règne de Néron[45]. C’est vainement qu’on a voulu amoindrir le caractère de ce soulèvement, en le représentant comme une révolte de colons militaires. Tacite parle en termes très explicites du mécontentement des populations, produit par les injustices, les brigandages des Romains, et par tous les maux de la servitude[46]. Dans la guerre qu’il décrit, ce ne sont pas seulement les cohortes bataves et autres qu’on voit se rallier au drapeau de Civilis ; ce sont des nations entières qui courent aux armes pour chasser leurs oppresseurs.

La confédération franque, qui se forma peu de temps après, semble n’avoir été qu’une suite de cette première insurrection[47]. Elle se composait des mêmes éléments à peu près, et le même mobile la faisait agir. C’est chez les Cattes, établis sur les bords de l’Yssel et du Rhin inférieur, qu’elle paraît avoir pris naissance. De là elle s’étendit progressivement aux nations voisines. Son nom ne figure dans l’histoire qu’à partir de l’an 240[48] ; mais à cette époque elle existait probablement déjà depuis longtemps. Pendant plusieurs siècles elle grandit peu à peu, en avançant du nord au sud et en s’incorporant l’une après l’autre toutes les populations germaniques de la Gaule. Vers le milieu du quatrième siècle, les Francs occupaient la vallée de la Meuse, jusqu’à proximité de l’endroit où s’éleva plus tard la ville de Liége. Ammien Marcellin nous a laissé sur ce sujet des renseignements précieux.

Il rapporte qu’en 356 Julien défit les Allemands, passa le Rhin et détruisit par le fer et la flamme les établissements de ce peuple. Le général de cavalerie Sévère, revenant de cette expédition, se rendait à Reims par Cologne et Juliers, lorsqu’il vint se heurter contre une bande agile et déterminée de Francs. A l’approche de l’armée, ceux-ci se jetèrent dans deux forts, baignés par les eaux de la Meuse, qu’on avait laissés dégarnis, et s’y défendirent de leur mieux. Julien en fit le siége, mais l’incroyable opiniâtreté des barbares l’y retint pendant cinquante-quatre jours. Ils ne se rendirent prisonniers que lorsqu’ils furent réduits aux abois par la fatigue et la faim. Un corps considérable de leurs compatriotes avait essayé d’opérer une diversion pour les dégager[49]. Ces faits doivent s’être passés aux environs de Liége ou de Maëstricht, puisque Sévère se rendait de Cologne à Reims, en passant par Juliers, lorsqu’il rencontra les Francs.

L’année suivante, Julien se porta contre les Francs dits Saliens. Ceux-ci, d’après Ammien Marcellin, s’étaient établis, non pas récemment, mais depuis assez longtemps déjà[50], sur le sol romain, près de la Toxandrie. Julien rencontra à Tongres une députation de ce peuple, qui, le supposant encore dans son quartier d’hiver, lui fit offrir la paix. Ils étaient chez eux, à les entendre, et promettaient de s’y tenir tranquilles, pourvu qu’on ne vînt pas les y troubler. Julien amuse les députés quelque temps par des paroles ambiguës, et finalement les congédie avec des présents, leur laissant croire qu’il attendrait leur retour. Mais ils n’eurent pas le dos tourné, qu’il se remit en marelle ; et faisant suivre à Sévère la rive du fleuve afin d’étendre sa ligne d’attaque, il tombe comme la foudre sur le gros de la nation, qu’il trouva plus disposé à s’humilier qu’à se défendre. Le succès le disposait à la clémence : aussi les reçut-il en grâce, quand ils vinrent se livrer avec leurs biens et leurs enfants. De là se jetant sur les Chamaves, qu’il avait à punir d’une semblable agression, il les défait avec une égale promptitude[51].

Ce récit ne laisse point de doute sur l’établissement des Francs-Saliens dans les environs de Tongres dès l’époque dont il s’agit. Ils y étaient avec leurs biens et leurs enfants ; ce n’était pas une bande, une troupe guerrière courant les aventures ; c’était la nation. Ammien Marcellin ajoute que Julien, après avoir défait les Chamaves, résolut de réparer, si le temps le permettait, trois forts construits sur une même ligne pour défendre le passage de la Meuse, et qui avaient depuis longtemps succombé sous les efforts des Barbares[52]. Ce dernier trait nous montre dans tout son jour la décadence de la domination romaine en ces contrées ; on voit que la frontière de l’empire était débordée par les barbares, et que déjà les Romains n’occupaient plus la ligne de la Meuse d’une manière permanente.

Un historien que nous ne connaissons que par Grégoire de Tours, Sulpice Alexandre, rapporte que vers l’an 388, les Francs, sous la conduite de Genobalde, Marcomer et Sunnon, leurs chefs ou ducs, menacèrent Cologne ; que cette ville fut sauvée par Nannius et Quintinus, commandants de la milice à Trèves ; que les Romains combattirent avec avantage et tuèrent un grand nombre de Francs près de la forêt Charbonnière. C’est probablement de la forêt des Ardennes qu’il s’agit. L’un des généraux romains, Quintinus, ayant passé le Rhin avec son armée auprès de Nuitz, poursuivit les Francs à deux jours de marche au delà de ce fleuve ; il vit leurs demeures inhabitées et de grands villages abandonnés. Étant entrés dans les bois, les Romains s’engagèrent dans les détours des chemins et finirent par s’égarer. A la fin arrêtés par une enceinte de fortes palissades, ils se répandirent dans des champs marécageux qui touchaient à la forêt. Bientôt l’armée se vit environnée d’un grand nombre d’ennemis et se précipita avec empressement dans les plaines que les Francs avaient laissées ouvertes. Les cavaliers s’étant plongés les premiers dans les marais, on y vit périr pêle-mêle les hommes et les chevaux. Les légions rompirent leurs rangs et furent massacrées[53].

Les Francs dont il est fait mention dans ce récit, sont ceux qui habitaient au delà du Rhin, et qui, remontant le long de la rive droite de ce fleuve jusqu’au Mein, donnèrent le nom de Francia à toute cette contrée en prenant eux-mêmes celui de Francs Ripuaires. Arbogaste se chargea de venger les légions romaines qui avaient été massacrées par eux. Il poursuivit avec ardeur Sunnon et Marcomer, se rendit de Trèves à Cologne au milieu des plus grandes rigueurs de l’hiver, pensant qu’il pénétrerait facilement dans les retraites des Francs, et y mettrait le feu, lorsqu’ils ne pourraient plus se tenir en embuscade dans les forêts dépouillées de feuilles. Il passa donc le Rhin avec son armée et ravagea le pays des Bructères, ainsi qu’un village habité par les Chamaves, sans que personne se présentât, si ce n’est un petit nombre d’Ampsuaires et de Cattes, commandés par Marcomer, qui se firent voir sur le sommet des collines[54].

Tous ces récits montrent à l’évidence que c’étaient surtout les peuples du bas Rhin qui composaient la confédération franque. Ils habitaient les marais que forment le Rhin et la Meuse vers leur embouchure. Dewez fait remarquer que le pays de Salland ou Zalland, où sont aujourd’hui les villes de Zwoll, Kampen, Deventer, Hasselt, dans la province d’Over-Yssel, et surtout la ville d’Oldenzaal (Sala vetus) paraissent rappeler le séjour des Saliens, qui de là s’avancèrent jusque dans la Toxandrie[55]. D’autres peuples, tels que les Bructères, les Chamaves, les Attuaires, remontant le cours du Rhin sur les deux rives, y prirent le nom de Ripuaires.

L’expédition d’Arbogaste fut probablement la dernière qu’il fut permis aux Romains de pousser aussi loin dans le pays des Francs. La notice de l’empire constate qu’à la fin du quatrième siècle, époque où elle fut rédigée, les troupes romaines avaient abandonné le cours inférieur du Rhin. Cependant elle fait encore mention d’un corps de Lètes stationné près de Tongres[56]. A l’exception de ce corps, il n’y avait plus dans la seconde Germanique aucun poste militaire, aucun emplacement de troupes. Du côté des Saliens, la notice n’indique point de position militaire au delà d’Arras et de Famars. Le commandant de la seconde Belgique avait sous son autorité une compagnie de Lètes nerviens à Famars, une compagnie de Lètes bataves à Arras et une demi-compagnie de Sarmates à Amiens. Au delà, vers le nord, le pays était entièrement délivré des Romains. Il est certain d’ailleurs que quelques années plus tard, Stilicon, pour protéger Rome contre les Goths d’Alaric, fut obligé de dégarnir toute la frontière septentrionale de la Gaule[57].

On connaît l’histoire de la décomposition de l’empire romain ; on sait de quels désordres la Gaule fut le théâtre, surtout à partir de l’invasion des Alains, des Vandales et des Suèves. Rome abandonna ce pays à son malheureux sort, et les Gaulois eux-mêmes étaient incapables de le sauver. Les Vandales ravagèrent impunément la Gaule pendant plusieurs années. Un auteur du temps assure que si l’Océan se fût débordé dans ce pays, ses eaux n’y auraient pas causé tant de dommages, Ils se répandirent d’abord, dit Le Beau[58], dans la première Germanique, qui renfermait les cités de Mayence, de Worms, de Spire et de Strasbourg. Mayence l’ut prise et saccagée ; plusieurs milliers de chrétiens furent égorgés dans l’église, avec Aureus, leur évêque. Worms fut détruite après un long siége ; Spire, Strasbourg et les autres villes de moindre importance éprouvèrent la fureur de ces cruels ennemis. De là ils passèrent clans les deux Belgiques, portant partout la désolation et le carnage. Trèves fut pillée ; Tournai, Arras, Amiens, Saint-Quentin ne purent arrêter ce torrent[59]. Laon fut la seule ville de ces cantons qui tint contre leurs attaques ; ils se virent obligés d’en lever le siége. Ces barbares, furieux ariens, la plupart même encore idolâtres, firent dans toute la Gaule grand nombre de martyrs. Nicaise, évêque de Reims, eut la tête tranchée, après la prise de sa ville épiscopale. Ils traitèrent de même Didier, évêque de Langres ; ils passèrent les habitants au fil de l’épée, et mirent le feu à la ville. Besançon vit massacrer son évêque Antidius. Sion fut prise ; Bâle ruinée. Ils s’étendirent jusqu’aux Pyrénées. Les deux Aquitaines, la Novempopulanie, les deux Narbonnaises, provinces auparavant les plus fortunées de la Gaule, ne furent plus couvertes que de cendres et de ruines. Peu de villes purent résister à cette fureur par l’avantage de leur situation.

Ajoutons à ces paroles de Le Beau que les Vandales ne rencontrèrent d’obstacle sérieux que du côté des Francs. Ceux-ci en firent un affreux carnage ; ils les auraient tous exterminés, si les Alains n’étaient venus à leur secours : Pendant ce temps, dit Renatus Profuturus Frigeridus, cité par Grégoire de Tours, Respendial, roi des Allemands, détourna son armée des bords du Rhin, parce que les Vandales étaient aux prises avec les Francs. Le roi Godegisele avait succombé, une armée de près de vingt mille hommes avait péri par le fer ; et les Vandales auraient été détruits, si les Alains ne les eussent secourus à temps[60].

Peu de temps après l’invasion des Alains et des Vandales, les frontières de la Gaule furent débordées de toutes parts. Les Allemands s’emparèrent des bords du Rhin depuis Bâle jusqu’à Mayence ; les Burgondes se rendirent maîtres de l’Helvétie jusqu’au Mont-Jura ; d’où ils s’étendirent dans le pays des Séquaniens et des Eduens jusqu’à la Loire et l’Yonne. Ataulphe, roi des Wisigoths, s’empara de Narbonne et de Toulouse ; il choisit ensuite pour résidence Héraclée, aujourd’hui Saint-Gilles, sur la rive droite du Rhône, entre Nîmes et Arles. Les Saxons, qui depuis longtemps faisaient des incursions sur les côtes de la Gaule, entrèrent dans la Loire et remontèrent ce fleuve jusqu’aux grandes îles voisines de Saumur et d’Angers. Enfin, pour que rien ne manquât à cet épouvantable désastre, les Bagaudes, qui appartenaient à la population indigène, se répandirent par bandes dans les contrées non envahies par les barbares.

Les insurrections des Bagaudes ont été parfaitement caractérisées par M. de Pétigny[61]. La Bagaudie, dit-il, Bacaudia, suivant l’expression des historiens du Bas-Empire, ne différa en rien de la Jacquerie du quatorzième siècle. Elle fut provoquée par les mêmes causes, les maux affreux que l’invasion étrangère faisait peser sur la population des campagnes, impitoyablement pressurée par leurs seigneurs et par le fisc. Elle eut les mêmes effets, le massacre des riches, des nobles, des fonctionnaires, le pillage des châteaux, l’attaque des villes, le brigandage sur les routes ; elle eut la même marche, les mêmes vicissitudes et la même fin... Il y eut toujours quelques bandes disséminées dans le pays, et le feu de la révolte éclata avec plus de violence et plus d’étendue que jamais au cinquième siècle, lorsque l’invasion des Vandales eut fait peser de nouveau sur les habitants des campagnes les affreuses calamités dont les avaient frappés, au troisième siècle, l’invasion des Allemands.

M. de Pétigny fait remarquer ensuite que les grands rassemblements de Bagaudes se sont toujours formés dans les contrées vraiment celtiques, dans l’ouest et le centre de la Gaule, ancien territoire des Galls, dans ces provinces qui ont été au moyen âge le principal foyer de la jacquerie et de nos jours même encore le théâtre de la guerre civile. Il n’y eut jamais de Bagaudes dans la Belgique, dit-il. En effet, lorsqu’on détourne la vue de la Gaule celtique, où régnait le chaos que nous venons de décrire, pour la reporter sur les contrées habitées par les Francs, on est frappé du contraste. Ici il y a une nation qui s’organise et qui sait défendre ses frontières ; il y a un ordre social nouveau qui se prépare et qui doit bientôt remplacer l’ordre social ancien. L’histoire signale un roi ou chef des Francs-Saliens, résidant à Dispargum, sur les confins du pays des Tongrois. Un antre chef de Francs est établi à Cologne, devenue la capitale des Francs-Ripuaires. Voilà donc deux peuples voisins, deux peuples frères, qui s’organisent paisiblement, tandis que tout est désorganisation, anarchie, trouble et désordre dans la Gaule romaine.

La nationalité franque (qu’on nous permette d’insister sur ce point) s’est constituée dans les limites des tribus de race germanique que César avait trouvées à l’extrémité septentrionale de la Gaule et sur la rive droite du bas Rhin. Si quelques-unes de ces tribus disparurent par le fait de la conquête, celles qui vinrent les remplacer étaient de même origine, de même race[62]. Elles s’étaient d’ailleurs identifiées avec les autres par une longue cohabitation. Il est indubitable, dit M. de Pétigny, que les tribus établies dans ces contrées au cinquième siècle n’avaient pas changé de demeure, au moins depuis cinq cents ans[63]. Comment se fait-il donc que cet auteur si judicieux n’ait voulu voir dans les Francs que des colons militaires chargés de défendre les limites de l’empire ? Le système général de son ouvrage tend à démontrer que les Francs n’entrèrent dans la Gaule que parce que les Romains y avaient consenti et que les Gaulois les y conviaient. Cette manière de voir, inspirée par quelque prévention antigermanique, est évidemment erronée. Tous les faits historiques concourent à prouver que les Francs, d’abord opprimés par les Romains, étaient devenus un peuple indépendant ; que par leur valeur et leur persévérance, ils étaient parvenus à briser les liens dont chacune de leurs tribus avait été enveloppée dès son berceau, et qu’en se réunissant, ils avaient fini par se constituer en corps de nation.

Que Maximien, que Constance Chlore, que Constantin aient, comme leurs prédécesseurs, forcé quelques tribus franques à reconnaître la suprématie de l’empire ; qu’ils aient même concédé des terres à Ceux des Francs qui voulurent bien se soumettre à cette exigence, et qu’ils les y aient établis comme milites limitanei ; que ces sortes de colonies aient fourni de nombreux contingents aux troupes impériales, et que leurs chefs aient occupé les postes les plus éminents dans les armées et à la cour des empereurs[64],... tout cela paraît être vrai ; mais il faut remarquer aussi que les concessions faites par les Romains étaient presque toujours forcées ; que, quand la vanité romaine se faisait un titre de gloire d’avoir colonisé des tribus barbares sur le sol de l’empire, elle avait fait le plus souvent ce qu’elle ne pouvait empêcher, et qu’enfin les contingents fournis aux troupes impériales, ainsi que les chefs placés à leur tête, avaient plutôt en vue de commander aux Romains que de leur obéir[65].

Nous ne comprenons pas que de ces faits l’on ait voulu induire que les Francs, établis dans la Gaule rhénane, devaient leur existence à des colonies militaires fondées par les Romains. Certes, les tribus germaniques qui prirent le nom de Francs avaient été pour la plupart soumises pendant longtemps au joug des Romains, et ceux-ci y avaient puisé des éléments utiles, soit pour fonder des colonies militaires, soit pour recruter leurs légions ; mais les tribus mêmes d’où ces éléments étaient sortis, ils ne les avaient point créées ; elles n’étaient pas leur ouvre, puisqu’elles existaient presque toutes avant eux dans cette partie de la Gaule. La conquête que les Romains avaient faite de leur pays n’avait rien ajouté à la consistance, à la valeur de ces tribus, n’avait certainement pas aidé au développement de leur nationalité. Cette nationalité se développa malgré eux et sous leur joug, qu’elle finit par briser. L’affranchissement des Francs, et non la compression qu’ils avaient subie, en fit une nation puissante et qu’on peut dire glorieuse ; car de tous les Barbares qui envahirent l’Italie et la Gaule, les Francs sont les seuls qui aient fondé des établissements durables. A l’époque dont nous nous occupons, c’était déjà un peuple avec lequel il fallait compter. C’est à ce peuple que plus tard la France dut son nom et son existence : car, sans les Francs, dont certains écrivains cherchent aujourd’hui à ternir la gloire, dans un but qui ne s’explique pas, il n’y aurait jamais eu de Français. Cela est évident pour quiconque a réfléchi sur ce qu’étaient la Gaule et les Gaulois au commencement du cinquième siècle. La population mixte de la France actuelle n’occupe un rang distingué dans le monde que parce qu’elle est mixte. Ce sont les Francs qui ont infusé à la nation française ce sang généreux dont elle se glorifie à si juste titre ; eux seuls d’ailleurs ont arrêté le flot des invasions barbares et donné à la Gaule un commencement de sécurité

 

§ 3. — INVASION DES FRANCS DANS LA GAULE CELTIQUE.

Au commencement du cinquième siècle, Grégoire de Tours nous montre les Francs-Saliens établis dans la Thoringie. On est assez généralement d’accord aujourd’hui, pour reconnaître que la Thoringia dont parle cet auteur n’est autre que le pays de Tongres. Wendelinus cite dans la province de Limbourg, entre Herek et Haden, une vaste plaine appelée Vranckryck, qu’il traduit par regnum Francorum, et dans cette plaine un endroit connu sous le nom de Konineryck, qu’il suppose avoir été la résidence du premier roi des Francs-Saliens[66]. Il importe assez peu de savoir le nom de ce monarque primitif ; mais il n’est pas sans intérêt de constater que les Francs avaient déjà, avant leur invasion dans la Gaule celtique, des chefs qu’on pouvait appeler rois. Pour les Ripuaires, le fait n’est pas douteux : Marcomir et Sunnon sont des personnages historiques dont l’existence est incontestable, et qui bien certainement exercèrent une sorte d’autorité royale sur leur nation. Peut-on en dire autant des Saliens, et Chlodion ne fut-il pas le premier roi des Francs de ce nom ?

Si l’on en croit l’auteur inconnu des Gesta regum Francorum (chronique rédigée vers l’an 720), Chlodion eut pour prédécesseur Pharamond ou Faramund, fils de Marcomir, élevé sur le pavois après la mort de Sunnon. Cependant Grégoire de Tours, le plus ancien historien de la nation franque, ne parle pas de Pharamond ; mais il cite comme ayant été le prédécesseur de Chlodion, Theodomer, fils de Richimer, lequel fut massacré en même temps que sa mère Ascila. S’il est vrai, comme l’affirme Grégoire de Tours, qu’il ait puisé cette notion dans les Fastes consulaires[67], il faut bien admettre que Theodomer, roi des Francs-Saliens, a existé, bien qu’on ignore les circonstances de sa vie. Or, du fait de cette royauté déjà ancienne, on peut inférer, nous semble-t-il, que l’organisation sociale des Francs était plus qu’ébauchée, quand ils passèrent dans la Gaule celtique. Leurs institutions et leurs lois avaient eu le temps de se former et de se consolider, avant qu’elles fussent mises en contact avec les lois et les institutions du peuple chez lequel ils allaient s’établir. Cette circonstance vient à l’appui de l’opinion généralement admise aujourd’hui, que c’est en Belgique que la loi salique fut écrite pour la première fois[68]. Elle fut l’œuvre, si l’on s’en rapporte à son prologue, de quatre sages, désignés sous les noms de Salogast, Windogast, Bodogast et Wisogast, parce qu’ils habitaient des lieux appelés Salechem, Widochem, et Bodochem. Le savant Wendelinus croit avoir reconnu ces localités dans les villages de Saleheim, aujourd’hui Zeelheim, de Windehove, aujourd’hui Wintershoven, et de Bodehove, aujourd’hui Boienhoven, tous situés dans l’ancienne Toxandrie[69].

C’est une question fort controversée et qui a été étudiée avec infiniment de soins par les jurisconsultes et les historiens allemands de nos jours, que de savoir si la loi salique, dont l’origine belge n’est plus contestée par eux, fut primitivement écrite en langue franque[70]. Déjà Hauteserre, Schilter, Leibnitz, Hoffmann et Biener le père étaient de cet avis ; plus récemment la même opinion a été adoptée par Müller, Pardessus[71], Davoud-Oghlou, Holtzmann, Hillebrand et, sauf quelques modifications, par Daniels ; tandis que l’opinion contraire a trouvé des défenseurs dans Heineccius, Zœpfl, Walter, Waitz, Merkel et, en dernier lieu, Stobbe[72].

On peut alléguer, pour l’affirmative, qu’il est certain que la loi fut écrite avant la conversion des Francs au christianisme, peut-être même sous Chlodion[73] ; qu’elle n’a pu être rédigée par des ecclésiastiques à cette époque, et qu’il n’est pas vraisemblable qu’il y eût parmi les Francs païens des hommes assez versés dans la connaissance du latin pour écrire en cette langue un texte de loi. On ne conçoit pas d’ailleurs la raison qui aurait pu alors faire rédiger en latin les dispositions du droit national. En second lieu, la glose malbergique, intercalée dans la loi pour en faciliter l’intelligence, consiste en majeure partie dans le rappel de textes francs exprimant le taux des amendes ou compositions ; il faut donc bien admettre que ces textes existaient, et que les dispositions du droit salique en langue nationale étaient connues de tout le monde, car autrement la glose n’aurait été d’aucune utilité.

Les adversaires de cette opinion rejettent le dernier argument, mais ils n’ont pas encore réfuté le premier. Ils pourraient cependant tenter de l’affaiblir, eu faisant observer que le latin des plus anciens textes de la loi salique est assez barbare pour qu’on puisse l’attribuer à des rédacteurs francs. Ils pourraient dire aussi qu’il cette époque l’idiome franc n’était pas encore arrivé à l’état de langue écrite. On connaît, il est vrai, un fragment de texte franc de la loi salique, qui a été découvert à Trèves par M. floue ; mais on est généralement d’accord pour le considérer comme appartenant au neuvième siècle et faisant partie d’une traduction du texte latin.

Peut-être l’idée suivante est-elle propre à faciliter la solution de ce problème si difficile[74]. On ne peut pas supposer que les Francs-Saliens, qui passent pour les plus civilisés des Germains barbares, aient vécu sans lois ; mais il est possible que leurs lois n’aient été que des coutumes non écrites, se constatant par des témoignages semblables à ceux des Records des douzième et treizième siècles, et aux preuves par birbes, usitées en Belgique et en France jusqu’au dix-huitième siècle. Il doit y avoir eu dans les divers pagi des Francs, des hommes spécialement versés clans la connaissance du droit national ; la loi des Saxons et celle de la Frise font mention de ces sapientes. Le sagibaro, qu’on voit figurer dans toute la période mérovingienne, semble n’avoir été qu’un personnage de cette espèce. Il y en avait aussi clans la Scandinavie : la Graue-Gans, c’est-à-dire le coutumier de l’Islande, parle des lœgsœmatr, appelés lagnœnner en Suède et nomophylaces (gardiens de la loi) dans la traduction latine. Ils étaient obligés d’assister aux plaids et d’énoncer les textes des lois ; ils devaient même, plusieurs fois dans l’année, réciter la coutume entière dans une réunion solennelle des habitants de leur district.

N’est-il pas vraisemblable que Windogast, Salogast, Bodogast et Wisogast furent des hommes de loi de cette espèce, attachés aux mâls ou malbergen de Saleheim, Windoheim, Bodoheim et Wisoheim, ou aux pagi Salegow, Windegow, etc. ? Lorsque les Francs eurent reculé leur frontière méridionale jusqu’à la Somme, de manière à embrasser des populations gallo-romaines, il devint indispensable, pour alléguer la loi à ces populations et la leur faire connaître, de l’écrire et de la traduire dans leur langue. On convoqua à cet effet les quatre personnages prénommés et on leur fit réciter les coutumes nationales. C’est pourquoi le prologue de la loi salique dit, en parlant de ces hommes de loi : dictaverunt legem. On objectera sans doute que cette explication n’est fondée que sur des conjectures ; mais s’il fallait exclure de l’histoire tout ce qui est conjectural, on la réduirait à de bien minces proportions.

Selon Grégoire de Tours, Chlodion habitait Dispargum ou auprès du castrum de ce nom, sur la limite du pays des Thoringiens[75]. L’emplacement de ce château a donné lieu à de nombreuses controverses. Quelques auteurs ont essayé de démontrer qu’il devait se trouver au delà du Rhin, ce qui ne s’accorderait guère avec le texte de Grégoire de Tours, portant que les Francs avaient traversé le Rhin pour venir dans la Thoringie[76]. Cette opinion a cependant été adoptée par Dewez qui, dans un mémoire présenté à l’Académie de Bruxelles, a soutenu que Dispargum était Duisbourg, situé entre Dusseldorf et Wesel[77]. Dubos indique un autre Duisbourg, entre Bruxelles et Louvain, près de Tervueren. M. de Pétigny pense aussi que c’est à Duisbourg en Brabant qu’il faut placer le Dispargum de Grégoire de Tours[78]. Mais la plupart des écrivains qui ont fait de cette question un objet particulier de leurs recherches, tels que Chifflet, Henschenius, Vredius, Bucherius, Mantelius et surtout Wendelinus, se sont prononcés pour la ville de Diest sur le Demer[79]. C’est aussi l’opinion des historiens allemands de nos jours. En effet, la situation de cette ville répond parfaitement aux indications données par Grégoire de Tours, et de plus elle est entourée de localités dont les noms rappellent le séjour des Francs Saliens[80]. Cependant M. Waitz place Dispargum dans le pagus des Thoringiens, prenant en ce sens le mot terminis. Nous croyons, au contraire, que Grégoire de Tours a voulu indiquer l’emplacement de Dispargum près des limites du pays des Thoringiens, c’est-à-dire de l’ancienne civitas Tungrorum, limites qui doivent avoir existé entre Diest et Tongres.

Quoi qu’il en soit, un fait demeure constant, c’est que Chlodion habitait la Belgique et que de Belgique il partit pour aller clans la Gaule prendre sa part du territoire de l’empire. Les Francs Ripuaires étaient entrés dans la ville de Trèves depuis l’an 413. Ce fut en 431, selon M. de Pétigny, en 445 suivant la plupart des auteurs, que Chlodion, à la tête des tribus saliennes, traversa la forêt charbonnière, c’est-à-dire ce prolongement de la forêt des Ardennes qui, au dire de César, s’étendait des rives du Rhin et de la frontière des Trévires jusqu’au pays des Nerviens[81]. Cette immense forêt servait en quelque sorte de frontière naturelle aux populations germaniques de la Gaule. Chlodion marcha sur Cambrai, défit les troupes romaines[82] et se rendit maître de tout le pays jusqu’à la Somme. On s’est plu à représenter cet exploit comme tout à l’ait dépourvu de gloire : Chlodion, a-t-on dit, est entré par surprise dans la ville de Cambrai ; rien n’était plus facile que d’envahir l’Artois ; mais quand le bruit de cette invasion fut parvenu il Aétius, le maître de la milice romaine, il accourut et battit les Francs dans toutes les rencontres[83]. Cette manière de présenter les faits est évidemment inexacte. Grégoire de Tours dit qu’après avoir envoyé des éclaireurs pour reconnaître le pays, Chlodion se mit lui-même en marche, qu’il écrasa les Romains et prit la ville de Cambrai[84]. Il ne dit pas qu’il la surprit, et ce n’est point parce qu’un général se fait éclairer avant d’entreprendre une expédition, qu’on peut l’accuser de surprise.

M. de Pétigny s’est emparé avec une sorte de bonheur, pour prouver que les Francs avaient toujours été battus par les Romains, d’un épisode raconté par Sidonius Apollinaris dans son panégyrique de Majorien. Voici la traduction textuelle du récit de ce poète gaulois[85] : Vous avez combattu ensemble (Aétius et Majorien) dans les plaines des Atrébates, que le Franc Cloïo avait envahies. Li venaient aboutir plusieurs chemins resserrés par un défilé ; ensuite on voyait le bourg de Helena, formant un arc, puis on trouvait une rivière traversée par mi pont construit en planches. Majorien, alors chevalier, combattait à la tête du pont. Voilà qu’on entend résonner sur la colline prochaine les chants d’un hymen que célébraient les Barbares dansant à la manière des Scythes. Deux époux à la blonde chevelure s’unissaient alors. Majorien défit les Barbares. Son casque retentissait sous les coups, et les lances étaient repoussées par sa cuirasse aux mailles épaisses, jusqu’à ce qu’enfin l’ennemi plie, se débande et prend la fuite. Vous eussiez vu errer à l’aventure sur des chariots les brillants apprêts de l’hymen barbare ; on emportait çà et là des plats et des mets, puis des bassins entourés de guirlandes de fleurs. Tout à coup le combat redouble, et Bellone plus ardente brise le flambeau nuptial : le vainqueur s’empare des essèdes et de la nouvelle épouse. Le fils de Sémélé ne mit pas plus promptement en déroute les monstres de Pholoé ni les Lapithes de Péléthronium, lorsque les femmes de Thrace, enflammées par les orgies, appelèrent Mars et Cythérée, se servirent de mets sanglants pour commencer le combat, se firent une arme de vases remplis de vins, et qu’au plus fort de la mêlée, le sang des Centaures souilla le mont Othrys en Macédoine[86].

En supposant qu’il fût permis à l’historien de prendre au sérieux un pareil récit, que pourrait-il raisonnablement en conclure ? Qu’une ou plusieurs familles des Francs, surprises au milieu d’une fête par Aétius et Majorien, furent mises en déroute et abandonnèrent les apprêts de la noce. Cette action, si elle est vraie, doit avoir eu lieu à Vieil-Hesdin (Hedena) dans les limites du pays des Morins, déjà occupé par les Francs depuis l’an 407[87]. Ce n’est pas de ce côté que Chlodion entra dans la Gaule celtique ; il marcha sur Tournai, et de Tournai à Cambrai. Aétius tenta vainement de s’opposer à sa marche ; son armée incapable de lui résister, se retira derrière la Somme. Les Romains s’en consolèrent par des récits poétiques et en écrivant dans l’histoire que les Francs s’étaient soumis à l’empire et avaient reconnu la suzeraineté du vaincu. Ces artifices de langage leur étaient familiers. Les Francs avaient peut-être promis de ne pas pousser plus loin leurs conquêtes ; mais il n’en est pas moins vrai qu’ils avaient considérablement élargi les limites de leurs possessions et que les Romains avaient été trop heureux de leur accorder la paix pour les empêcher d’aller plus avant. L’expédition d’Aétius sur le Rhin, en 428, avait eu des résultats analogues : le général romain avait vaincu les Francs Ripuaires, mais il les avait laissés en possession du territoire conquis, en leur accordant la paix[88]. Cette espèce de suzeraineté que les écrivains romains font sonner si haut, était plutôt fictive que réelle. Les Francs n’y voyaient probablement qu’une trêve, un traité de paix temporaire, et dans la réalité ce n’était pas autre chose.

En étendant leurs possessions jusqu’à la Somme, les Francs de Belgique n’avaient pas abandonné leur patrie primitive ; ils n’avaient fait que reculer ses limites. Il est à remarquer en effet que cette invasion n’a pas le même caractère que celles qui furent opérées plus tard par des bandes de guerriers réunis autour d’un chef pour courir les hasards des combats. Ici, c’est un peuple établi sous un climat froid et humide, qui fait un mouvement d’extension vers le Sud, pour y jouir d’un soleil plus chaud. Une fois ce mouvement opéré, son but est atteint ; il ne s’occupe plus que du soin de consolider son nouvel établissement. C’est ce qui explique le silence des historiens sur la fin du règne de Chlodion et sur le règne tout entier de Mérovée. Il a même fallu inventer une fable pour pouvoir dire quelque chose des premières années du règne de Childeric. Tout le inonde connaît la légende du roi Basin et de la reine Basine. Grégoire de Tours rapporte que Childeric, s’adonnant à une luxure effrénée, se mit à déshonorer les filles du peuple des Francs sur lequel il régnait. Ceux-ci indignés le chassèrent. Voyant qu’on en voulait même à sa vie, Childeric s’en alla en Thuringe, et se cacha chez le roi Basin et chez sa femme Basine. Après l’avoir expulsé, les Francs élurent d’une voix unanime Ægidius, qui avait été envoyé par le gouvernement romain comme maître de la milice. Celui-ci était déjà dans la huitième année de son prétendu règne, lorsque Childeric, rappelé, quitta la Thuringe et fut rétabli dans son royaume. Alors Basine abandonna son époux et vint trouver Childeric. Comme il lui demandait pour quel motif elle venait d’un pays si éloigné, elle répondit : Je connais ton mérite et ton grand courage. C’est pour cela que je viens habiter avec toi, car sache que, si j’avais connu au delà des mers un homme qui valût mieux que toi, j’aurais voulu vivre avec lui. Childeric plein de joie l’épousa. Il en eut un fils qu’on appela du nom de Chlovis : Ce fut, dit Grégoire de Tours, un grand roi et un redoutable guerrier[89].

Le grand événement de cette époque, c’est l’invasion des Huns, c’est surtout la bataille de Mauriac, où Attila fut battu et mis en fuite. Il ne paraît pas que les Francs, comme corps de nation, aient été mêlés à cette guerre. Idatius, chroniqueur contemporain, se borne à dire que les Huns attaquèrent le roi (des Visigoths) Théodoric et le général Aétius, clans les champs Catalauniens, non loin de la ville de Metz qu’ils avaient détruite, et qu’ils furent vaincus avec le secours de Dieu[90]. Il ne parle pas des Francs. Jornandès, dont les écrits datent de l’an 515, dit qu’aux Romains se joignirent comme auxiliaires des Francs, des Burgondes, des Armoriques, des Ripuaires, des Saxons, des Ibrions, des Sarmates, jadis soldats romains, mais alors appelés seulement comme auxiliaires[91]. Évidemment, ces expressions ne peuvent s’appliquer qu’à des bandes composées d’anciens soldats déclassés. S’il y avait eu un contingent régulièrement fourni par la nation des Francs, ce n’est pas dans ces termes que Jornandès en aurait parlé. Il ne cite que trois nations, les Romains, les Visigoths et les Alains, comme ayant pris part à la bataille de Mauriac ; le reste est compris sous la dénomination générale d’auxiliaires.

Il ne parait donc pas que le calme dont jouissaient les Francs-Saliens, dans leurs nouvelles possessions, ait été troublé par l’expédition d’Attila. S’il est vrai que celui-ci ait saccagé Trèves et Metz, les Ripuaires doivent s’être trouvés dans le cas de repousser ses attaques ; mais rien n’indique que la nation franque ait été engagée tout entière dans cette lutte. On sait d’ailleurs quel était le but d’Attila : c’était aux Visigoths qu’il voulait faire la guerre, et nullement aux Francs, dont, à cette époque, les populations paisibles ne portaient ombrage à personne. Nous trouvons dans Orose un témoignage précieux de cette disposition des Francs à jouir des bienfaits de l’ordre et de la paix : Les Barbares eux-mêmes, y est-il dit, n’ont pas plutôt achevé leurs conquêtes, que, prenant leurs glaives en exécration, ils se sont tournés vers les travaux des champs ; et nous les voyons aujourd’hui traiter les Romains qui restent au milieu d’eux comme des amis et comme des frères ; au point qu’il n’est pas rare de trouver chez eux des Romains qui préfèrent une pauvreté libre au milieu des Barbares aux angoisses d’une vie tourmentée par les exactions de Rome[92].

Cependant les chefs des Francs, appelés proceres, optimates, principes et même reges par les auteurs latins, s’étaient partagé le territoire conquis ; mais leur domination devait être supportable, puisque les indigènes la préféraient à celle des Romains. M. de Pétigny suppose que, pendant cette longue paix qui suivit la première invasion des Francs, ceux-ci ne touchèrent point à l’administration intérieure des cités gauloises ; que ces cités continuèrent à être gouvernées par elles-mêmes, dans les formes établies par les lois de l’empire et sous l’influence prépondérante des évêques, représentants électifs de la société chrétienne.

C’est une illusion fondée sur cette idée, que les Francs ne possédaient d’établissements clans la Gaule qu’il titre de bénéfice militaire, et qu’ils n’avaient pas cessé de reconnaître la suprématie de Rome, bien qu’ils n’eussent plus de relation avec elle et que les communications même avec la préfecture d’Arles dussent être fort difficiles. Cette illusion doit tomber devant les faits historiques parfaitement constatés. Il est certain que les villes furent distribuées, comme les autres parties du pays, aux chefs des Francs. De même que Tournai fut occupée par le roi des Saliens, et Cologne par celui des Ripuaires, Tongres eut aussi son seigneur particulier ; Cambrai fut le partage de Ragnacaire ; Thérouanne tomba aux mains de Chararic ; Le Mans devint la résidence de Rignomer. Chacun de ces personnages était le maître dans sa ville ; et quant il l’influence prépondérante des évêques, représentants de la société chrétienne, nous la verrons se produire bientôt après la conversion de Chlovis ; mais c’est faire un étrange anachronisme que de la placer à une époque où les Francs étaient encore païens.

 

§ 4. — ÉTABLISSEMENT DE LA MONARCHIE MÉROVINGIENNE.

Ce fut au milieu du règne assez long de Childeric, que les Francs sortirent pour la première fois des limites de leurs possessions nouvelles. On vit alors s’élancer ces bandes guerrières, connues sous le nom de Gefolgschaften, qui étaient déjà en usage au temps de Tacite, et donc nous aurons l’occasion de préciser le caractère. Childeric, à la tête de ses compagnons d’armes, lit une irruption dans la Gaule centrale jusqu’à Orléans ; il attaqua les Goths, qui voulaient passer la Loire, les Saxons qui s’étaient emparés d’Angers, et puis il lit une alliance avec ces derniers, pour porter la guerre chez les Allemands[93]. L’histoire de ces expéditions est excessivement obscure ; on ne peut les expliquer que par l’état d’anarchie dans lequel se trouvait la Gaule. Outre les Francs, les Burgondes et les Visigoths, qui en occupaient les plus grandes fractions, il y avait dans ce pays des Saxons, des Sarmates, des Alains, des Tayfales, des Ibrions, des Armoriques et d’anciens tètes de diverses nations. Perdus, écrasés entre toutes ces populations barbares, les Gaulois étaient incapables de mettre obstacle à leurs courses désordonnées, comme à leurs luttes sanglantes et à leurs déprédations[94].

Cependant, à l’époque où Chlovis succéda à son père Childeric, les populations gallo-romaines avaient encore un chef dans la personne de Syagrius, fils d’Égidius, noble Gaulois, qui avait établi le siége de son gouvernement à Soissons. Les indigènes reconnaissaient son autorité depuis la Somme jusqu’à la Loire. C’est contre lui que les compagnons de Chlovis et ceux de Ragnacaire firent leur première expédition. Ce reflet de l’empire romain disparut bientôt et toutes les cités sénonnaises tombèrent successivement sous la domination des vainqueurs.

Après avoir essayé ses forces contre les Gallo-romains, Chlovis fut assez heureux pour trouver l’occasion de défendre leur pays contre une nouvelle invasion de Barbares. Les Allemands et les Suèves avaient fait irruption dans les États de Sighebert, son parent ; ils voulaient à leur tour envahir la Gaule. Chlovis vola au secours du roi des Ripuaires ; alors eut lieu, en 496, la fameuse bataille de Tolbiac, où les Allemands furent complètement défaits. La tradition rapporte que la victoire ayant paru d’abord indécise, Chlovis se rappela ce que Chlotilde sa femme lui avait dit souvent du Dieu des chrétiens, et fit vœu d’embrasser sa religion, s’il voulait lui donner la victoire. A peine avait-il formé cet engagement, que les Allemands tournèrent le dos et commencèrent à se mettre en déroute[95]. Grégoire de Tours, en faisant le récit de cette bataille, ne nomme pas l’endroit où elle fut livrée ; mais dans un autre chapitre de son histoire, il dit que Sighebert avait reçu au genou une blessure qui le rendait boiteux, en combattant les Allemands près de Tolbiac[96]. Cet endroit est celui qu’on appelle aujourd’hui Zulpich ou Zulch, dans l’ancien duché de Juliers[97].

Chlovis, en repoussant les Allemands à Tolbiac, devint le protecteur du peuple gallo-romain soumis à son autorité. Dès lors un changement considérable s’opéra dans sa position personnelle et dans la condition des habitants de la Gaule. Ce pays n’ayant plus d’autre chance de sortir de l’abîme que par l’avènement d’un roi barbare, assez fort pour le défendre et rétablir l’ordre, les grands de la Gaule qui, ‘presque tous s’étaient réfugiés dans l’église, s’empressèrent d’entourer le roi des Francs. Saint Demi, issu d’une des familles les plus nobles de la cité de Reims, fut assez habile pour le déterminer à accepter le baptême chrétien. Grégoire de Tours rapporte qu’à l’intervention de la reine Chlotilde, saint Remi engagea peu à peu et secrètement Chlovis à croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et à abandonner ses idoles. Le roi voulut consulter ses guerriers ; il les trouva disposés à suivre les conseils et l’exemple de leur chef.

On apporta cette nouvelle à l’évêque (saint Remi) qui, transporté de joie, lit préparer les fonts sacrés[98]. Les places publiques sont ombragées de toiles peintes ; les églises sont ornées de blanches courtines, l’encens exhale ses parfums, les cierges odorants répandent la lumière ; l’église du saint baptême respire tout entière une odeur divine, et les assistants purent croire que Dieu, dans sa grâce, répandait sur eux les parfums du paradis. Le roi demanda au pontife à être baptisé le premier. Nouveau Constantin, il marche vers le baptistère, pour s’y purifier de le lèpre qui depuis longtemps le souillait, et laver dans une eau nouvelle les taches honteuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : Courbe humblement la tête, Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. .....Le roi, ayant reconnu la toute-puissance de Dieu dans la Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême avec le signe de la croix plus de trois mille hommes de son armée furent baptisés avec lui, ainsi que sa sœur Alboflède, qui, quelque temps après, alla rejoindre le Seigneur[99].

Le baptême auquel Chlovis s’était prêté lui assura le concours du clergé gallo-romain et la soumission du pays jusqu’aux rives de la Loire. L’évêque de Vienne, entre autres, Avitus, lui adressa une lettre qui caractérise l’impression que cet événement produisit sur les chefs de : Enfin, dit-il, la divine providence vient de trouver en vous l’arbitre de notre siècle. Tout en choisissant pour vous, vous décidez pour nous tous. Votre foi est notre victoire... Poursuivez vos triomphes ; vos succès sont les nôtres, et partout oit vous combattez nous remportons la victoire[100].

Le pape Anastase exprima les mêmes idées : Nous voulons faire savoir à ta sérénité, dit-il, toute la joie dont notre cœur paternel est rempli, afin que tu croisses en bonnes œuvres, et, nous comblant d’allégresse, tu sois notre couronne et que l’Église, notre mère, se réjouisse d’avoir donné à Dieu un si grand roi. Continue donc, glorieux et illustre fils, à réjouir ta mère ; et sois pour elle une colonne de fer, afin qu’elle te donne il son tour la victoire sur tous tes ennemis. Pour nous, louons le Seigneur d’avoir ainsi pourvu aux besoins de son Église, en lui donnant pour défenseur un si grand prince, un prince armé du casque du salut contre les efforts des impurs[101].

Cependant Ragnacaire, ce parent de Chlovis, qui l’avait suivi partout, se sépara de lui, lorsqu’il eut renoncé aux dieux des Francs, et se retira avec ses compagnons d’armes. Il repassa la Somme, pour rentrer dans ses possessions de Cambrai et d’Arras. La nation franque, au sein de laquelle Ragnacaire venait de se rapatrier, demeura étrangère aux expéditions de Chlovis, en ce sens qu’elle n’opéra point alors, comme au temps de Chlodion, un mouvement d’invasion proprement dite ; il n’y eut que des expéditions de guerriers rangés SOUS la bannière du roi. Individuellement ils passèrent en grand nombre dans les provinces gauloises ; les campagnes de Chlovis contre les Bourguignons et les Visigoths supposent des rassemblements de troupes considérables.

A ceux qui prétendent, comme M. de Pétigny, qu’il n’y eut pas de conquête de la Gaule, que l’occupation de ce pays par les Francs fut toute pacifique, nous nous bornerons à opposer les paroles suivantes d’Augustin Thierry : Chlodowig, chef des Francs, parut sur les bords de la Loire. L’épouvante précédait son armée ; on savait qu’à leur émigration de Germanie en Gaule, les Francs s’étaient montrés cruels et vindicatifs envers la population gallo-romaine ; la terreur fut si grande à leur approche, que, dans plusieurs lieux, on crut voir des prodiges effrayants annoncer leur invasion et leur victoire. Les anciens habitants des deux Aquitaines se joignirent aux troupes de Goths pour la défense du territoire envahi. Ceux des pays montagneux qu’on nommait en latin Arvernia et que nous appelons Auvergne, s’engagèrent dans la même cause. Mais le courage et les efforts de ces hommes de races diverses ne prévalurent pas contre les haches des Francs[102].

L’auteur français dit encore dans le même ouvrage : Plus d’une fois la vieille terre des Gaules a tremblé sous les pieds de ses vainqueurs ; mais, soit que la fatigue de ces luttes ait surpassé les forces de nos aïeux, soit que la violence ait répugné à leur caractère doux et paisible, ils ont bientôt suivi d’autres voies. Au lieu de repousser la conquête, ils l’ont niée, croyant qu’en l’oubliant eux-mêmes, ils la feraient oublier à d’autres.

La plupart des guerriers francs s’établirent sur le territoire conquis ; les uns furent investis de commandements, de dignités, de fonctions de tous genres ; d’autres obtinrent des propriétés foncières souvent fort étendues ; il y en eut beaucoup qui se fixèrent autour des résidences royales, et qui vinrent chercher les faveurs de la fortune dans les palais des princes mérovingiens[103] ; mais la masse de la nation resta dans les contrées qu’elle occupait, entre la Somme et le Rhin. L’espèce de fédéralisme qui unissait les diverses tribus franques leur permettait bien de reconnaître pour roi celui des membres de la famille mérovingienne qui dirigeait leurs expéditions guerrières ; mais ces tribus n’entendaient pas abdiquer leur indépendance et renoncer il leurs institutions nationales. D’un autre côté cependant les instincts ambitieux de Chlovis se développaient par les adulations dont il était l’objet de la part du peuple civilisé de la Gaule. Déjà après la bataille de Soissons, il avait tourné ses avines contre ses compatriotes pour forcer les Tongriens à reconnaître sa suprématie. L’organisation indépendante des tribus et surtout la coexistence de plusieurs princes longue chevelure (criniti) ne convenaient pas à ses vues ni à celles des grands de la Gaule, pour qui la centralisation des pouvoirs politiques était l’idéal du gouvernement. En de réaliser cet idéal, Chlovis ne craignit point de se souiller de tous les crimes. Son expédition contre les Tongriens n’avait été qu’un premier pas pour atteindre les Ripuaires : il voulait en réunissant ceux-ci aux Francs Saliens, fonder l’unité de la monarchie. Par la plus atroce des combinaisons, il se servit, pour assassiner le roi Sighebert, de la main de son propre fils et puis il punit de mort le parricide[104]. Il n’eut plus alors qu’à se rendre à Cologne pour recueillir l’héritage des rois ripuaires.

Mais il y avait encore, sinon d’autres rois, du moins d’autres princes de la race des Criniti. Chlovis résolut de les faire disparaître, comme il avait fait de ceux qui régnaient chez les Ripuaires. L’exécution suivit de près la résolution. A peine revenu de Cologne, où on l’avait porté sur le pavois, il fit mettre à mort successivement ou il tua de sa main les princes de sa famille établis à Thérouanne, à Cambrai, au Mans. Leurs fils et leurs frères subirent le même sort ; ce massacre atteignit tous ceux qui auraient pu prétendre au partage de la royauté[105]. Alors l’unité fut faite, autant qu’elle était possible parmi les Francs, et la monarchie mérovingienne fut constituée. Chlovis put revêtir, clans l’église de Saint-Martin à Tours, la tunique et le manteau de pourpre que l’empereur Anastase lui avait envoyés. Il convoqua un concile à Orléans ; trente évêques des Gaules y assistèrent. Des immunités étendues furent accordées aux églises, auxquelles le roi lit d’ailleurs d’immenses donations. Il établit le siége de son gouvernement à Paris, et s’efforça d’affermir sa domination sur le peuple Gaulois, par un accord parfait avec le clergé.

Mais après la mort de Chlovis, en SIL la situation qu’il avait voulu anéantir se produisit de nouveau. Il laissait quatre fils, qui se partagèrent sa succession, avec l’assentiment des grands du royaume, conventis Francorum proceribus. Ce partage ne s’appliquait, il est vrai, qu’aux biens du domaine royal ; mais on déterminait en même temps les parties du pays dans lesquelles chacun des copartageants exercerait l’autorité, et dont les habitants auraient à le suivre comme leur seigneur. Les successeurs de Chlovis ne voulaient pas détruire l’unité du royaume, mais seulement en partager l’administration[106]. C’est ainsi qu’il y eut un roi à Metz, un autre à Soissons, un troisième à Orléans, un quatrième à Paris.

On est étonné que le lien social ne se soit pas rompu sous le règne de ces princes, dont l’histoire n’est qu’une longue série de crimes. Mais la force vitale de la société des Francs n’était pas dans la famille de leurs rois, comme dit Sismondi[107] ; elle était tout entière dans la nation. Jamais cette nation ne fut plus unie, plus puissante et plus redoutée ; jamais elle n’étendit plus loin ses conquêtes. Pendant le demi-siècle qui suivit la mort de Chlovis, les Francs imposèrent la paix aux Saxons ; ils adjoignirent ou soumirent successivement à la monarchie mérovingienne la Thuringe, la Souabe et la Bavière ; ils répandirent la terreur de leurs armes dans toute l’Italie et jusque chez les Slaves ; ils s’élevèrent enfin, au milieu des peuples de l’Occident, à un degré de puissance et de gloire qu’aucun autre peuple n’a pu atteindre. La jalousie mutuelle des fils de Chlovis eut pour résultat final de réunir dans les mains d’un seul, de Chlotaire Ier, non seulement toutes les parties du royaume des Francs, mais encore les pays conquis, la Bourgogne, la Thuringe, la Souabe et les territoires pris aux Ostrogoths.

A la mort de Chlotaire, en 561, ses États furent de nouveau partagés entre ses quatre fils, de la même manière à peu près que l’avaient été ceux de Chlovis. Mais Charibert, roi de Paris, étant mort peu de temps après, le royaume des Francs ne se trouva plus fractionné qu’en trois parties, qu’on commença à désigner sous les noms d’Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne. Ce dernier pays, qui avait conservé son gouvernement propre après l’extinction de ses rois nationaux, en 524, finit insensiblement par perdre aussi son autonomie ; de sorte qu’il n’y eut plus en définitive que deux grandes divisions, l’Austrasie et la Neustrie.

Le nom d’Austrasie ou d’Auster s’explique facilement : c’est celui du royaume oriental. Moins clair est celui de Neustrie ou de Neuster. Selon quelques auteurs, il signifie probablement non Austrasia ; selon d’autres, Neustria est une corruption de Westria ; d’autres encore pensent qu’il vient de Neo ou Neu-Westria. La différence de nationalité des habitants ne peut pas être considérée comme la seule cause qui détermina la formation de ces deux divisions du royaume ; mais il est remarquer cependant que, sauf la Flandre qui était de minime importance à cette époque, toutes les populations germaniques se trouvaient d’un côté, et les populations gallo-romaines de l’autre.

L’Austrasie comprenait, outre la partie orientale du royaume primitif des Francs, les territoires annexés des Thuringiens, des Allemands et des Bavarois. Une grande partie du pays occupé jadis par les Allemands faisait partie intégrante de l’Austrasie franque ; cependant la Souabe et la Bavière se distinguaient encore du royaume des Francs[108]. D’autre part, ce n’était pas seulement le pays des Ripuaires, avec les conquêtes germaniques orientales, qui formaient le royaume d’Austrasie, mais encore le pays des anciens Saliens, entre la Meuse et l’Escaut, et de plus les contrées qui séparent le Rhin de la Marne, depuis Châlons jusqu’à Strasbourg. Metz était la résidence du roi d’Austrasie ; les villes de Châlons et de Reims marquaient en quelque sorte sa frontière occidentale[109].

Nous devons nous borner à cet exposé rapide de l’établissement et des partages de la monarchie mérovingienne, afin de ne pas nous écarter du but de ce mémoire. Il nous reste cependant à jeter un coup d’œil sur les institutions des Francs à cette époque de leur histoire : car c’est dans ces institutions en quelque sorte primitives qu’il faut chercher la source de presque toutes celles qui suivirent, et l’explication de la plupart des événements.

 

 

 



[1] Plerosque Belgas esse ortos a Germanis Rhenumque antiquitus traductos, propter loci fertilitatem ibi consedisse, Gallosque, qui ea loca incolorent, expulisse. (Cæsar, De Bell. Gall., lib. II, c. 4.) — Ce passage des Commentaires a été diversement interprété. César commence par diviser la Gaule en trois grandes parties : il appelle Aquitains les habitants du Midi. Belges ceux du Nord, et Celtes ou Gaulois les habitants du centre : mais il énumère ensuite, parmi ceux qu’il a appelés du nom de Belges plusieurs peuples essentiellement Germains. C’est sans doute de ces Germains qu’il entend parler, et non des Belges proprement dits, lorsqu’il se sert de cette expression : Plerosque Belgas. Interprété de cette manière, le passage précité se concilie sans peine avec ce que dit Tacite : Cæterum Germania, vocabulum recens et nuper additum, quoniam qui primi Rhenum transgressi Gallos expulerint, ac nunc Tungri, tunc Germani vocati sunt. (Tacite, De Mor. German., c. 8.)

M. Brandes, dans son livre intitulé : Das ethnographische Verhœltniss der Kelten unf Germanen, Leipzig. 1857, a victorieusement réfuté la théorie de l’identité des Celtes et des Germains, si chaleureusement défendue par M. Hollzmann et, en Belgique, par M. le général Renard. Il a prouvé de manière irréfragable que déjà au temps de César les habitants de la Belgique actuelle étaient tous Germains. Quant à ceux qui demeuraient au nord de la France d’aujourd’hui, ils étaient mélangés de Celtes et de Germains.

[2] César, De bell. Gall., lib. II, c. 4.

[3] César, De bell. Gall., lib. VI. c. 32.

[4] César, De bell. Gall., lib. II, c. 29.

[5] Schayes, La Belgique avant et pendant la domination romaine, Bruxelles, 1838, t. I, p. 21.

[6] Le nom quasi-latin d’Ambiorix, qu’on donne au chef des Éburons, pourrait bien être Ambioryk, roi des Ambivarites ou des Ambiens. Il y a près de Maëstricht un village appelé Ambi. Peut-être Ambiorix était-il de la nation des Ambivarites, qui semble avoir disparue avec celle des Éburons. II est à remarquer, du reste, que ceux-ci avaient un autre chef du nom de Cativulk.

[7] César, De bell. Gall., lib. IV, c. 9.

[8] Tacite, Germania, c. 28.

[9] César, De bell. Gall., lib. V, c. 39.

[10] César, De bell. Gall., lib. IV, c. 4.

[11] Procope, Bell. goth., lib. I, c.12.

[12] Tacite, Annales, lib. XII, c. 27.

[13] Suétone, Auguste, 21 ; Tibère, 9 ; ap. Bouquet, t. I, p. 371.

[14] Pline, Hist. nat., lib. IV, c. 17. Les Toxandres firent probablement partie de la seconde immigration des Sicambres, qui eut lieu sous Tibère. (Voyez Walkenær, Géographie des Gaules, t. II, pp. 281-387.)

[15] Des Roches, Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens, Anvers, 1747, t. I, p. 172. Voyez aussi l’excellent mémoire de M. Roulez, Doutes et conjectures sur un passage de la Notice des dignités de l’empire, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. XVII, 1re part., p. 165.

[16] Orose, Hist. rom., lib. I, c. 2. — Voyez César, De bell. Gall., lib. IV, c. 4.

[17] Chapeauville, Gesta pontif. Leod., t. I. pp. 388 et 421 ; Dewez, Dictionnaire géographique du royaume des Pays-Bas ; Des Roches, Mémoire sur la question des contrées, cantons, pays, etc. Bruxelles, 1791 ; Imbert, Geographia pagorum, dans les Annales de l’université de Louvain, année 1818.

[18] D’Anville, Notice de l’ancienne Gaule, Paris, 1760 ; Pellerin, Essais historiques et critiques sur le département de la Meuse inférieure, Maëstricht, an IX, pp. 36 et 44 ; Des Roches, Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens, Anvers, 1787, t. I, p. 106 ; Galesloot, La province du Brabant dans l’empire romain, Bruxelles, 1859, p. 14.

[19] Schayes, la Belgique et les Pays-Bas, t. I, p. 40 ; Ernst, Histoire du Limbourg, Liége, 1837, t. I, p. 189 ; M. Roulez, Observations sur un passage de Pline, relatif a la Géographie de la Belgique, dans les Bulletins de l’Académie, t. XVII, 2e part., p. 314 ; César, De bel. Gal., lib. II, c. 4, et lib. VI, c. 34 ; Tacite, De mor. Germ., c. 2.

[20] Tacite, De mor. Gerrn, c. 28 ; Annales, lib. XIII, c. 57.

[21] Strabon, Rer. geograph., lib. IV ; César, De bel. gall., lib. VI, c. 2 ; Wittenbach, Verzeichniss einer Geschichte der Trevirer, I, 3.

[22] Walkenær, Géographie des Gaules, t. II, pp. 319 et 325. — Poinsignon, Essais sur le nombre et l’origine des provinces romaines, depuis Auguste jusqu’à Dioclétien, Paris, 1816, pp. 26 et suiv. — Mémoire sur les magistrats romains de la Belgique, par M. Roulez, dans les Nouveaux mémoires de l’Académie royale de Belgique, t. XVII. — Examen de la question : Les deux Germanies faisaient-elles partie de la province de la Gaule belgique ? par M. Roulez, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. XXIII, 1re part., p. 763. — Études sur la division des Gaules en dix-sept provinces, par M. A. Baillet, dans la Bibliothèque de l’école des Chartes, série IV, vol. 4, p. 505 (de 1858).

[23] Ammien Marcellin, lib. XV, c. 11.

[24] Sneeman, Das Rœmische Trier ; — Idem, Ueber die rœmischen Bauwerke im Trierisehen, Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreunden im Rheinlande, 94, S. 1-12 ; — Muller, Geschichte der Trevirer ; Jahrbericht der Gesellschaft für nüzliche Forschungen zu Trier ; — Eumen., Paneg. Constant. August., 22, Gesta Trevirorum ; — Ausone, Mosella ; — Ch. Broweri et J. Mosenii, Antiquitates et annales Trevir.

[25] Tacite, Vita Agricolæ, c. 21

[26] Steininger, Geschichte der Trevirer, p. 164. — Antiquarius des Neckar-, Mayn-, Lahn und Mosel-Stroms, p. 677. — K. von Damitz, Die Mosel, II, p. 155.

[27] Schmidt, Baudenkmœler der rœm. Periode in Trier und seinen Umgebungen. — Steininger, Geschichte der Trevirer, p. 130.

[28] Engling, Andethanna vormals und nachmals, dons les publications de la Société pour la conservation des monuments historiques dans le Grand-Duché de Luxembourg, t. VI, p. 190. — Sulpice Sévère, dial., III, 11. — Alex Wiltheim, Luciliburgencia, p. 225.

[29] Luciliburgencis sive Luxemburgum romanum, a R. Alex. Wilthemio, pp 227 et suiv. — Note sur quelques antiquités romaines d’Arlon, par M. Roulez, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. IX, 2e part., pp. 350 et suiv. — Rapport de M. Roulez sur les découvertes de monuments antiques de l’époque romaine à Arlon, dans les Bulletins de l’Académie, t. XXI, 2e part., pp. 678 et suiv. — Bertholet, Histoire ecclésiastique et civile du duché de Luxembourg et comté de Chiny, Luxembourg, 1741-1743, t. I, 6e dissertation. — L’ancienne tradition d’Arlon injustement attaquée par le P. Bertholet, défendue par la ville et magistrat d’Arlon, Luxembourg, 1744. — Heylen, Dissert de antig. Rom. monumentis in Aust. Belg., pp. 424 et 471. — Publications de la Société archéologique du Grand-Duché de Luxembourg, t. I, pp. 25-26 ; VI, 90 ; VIII, 72 ; IX, 83 ; X, 73-74. — Annuaire de la Société de la province de Luxembourg, t. I, pp. 131 et 133.

[30] Wastelain, Description de la Gaule belgique, etc., édit. Paquot, Bruxelles, 1788, p. 230.

[31] De Bast, Deuxième supplément au Recueil d’antiquités romaines et gauloises, Gand, 1813. — Lebeau, Bavai ancienne et moderne. — Le Glay, Cameracum christianum, Introd. histor., Lille, 1849 — Miræus, Rerum belgicorum chronic., ad ann. 613. — Bucherius, Belgium romanum, XVI.

[32] Bouly, Histoire de Cambrai et du Cambrésis, Cambrai, 1842. — Carpentier, Histoire de Cambrai et du Cambrésis, Leyde, 1664.

[33] Wastelain, Description de la Gaule belgique, p. 409 — Bucherius, Belgium rom., p. 495. — De Bast, 2e supplément, p. 150. — Schayes, Histoire de l’architecture, t. I, p. 503.

[34] Fulbert, Vita S. Piati, dans les Acta SS. Belg. select., t. I, p. 139. — Cousin et Poutrain, Histoire de Tournai. — Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournai, t. I, pp. 33 et 83. — Notice explicative des antiquités gauloises et romaines trouvées dans les fouilles de l’aqueduc de la grande place de Tournai, par Renard, dans le Messager des sciences, année 1824, p. 17.

[35] Gramaye, Antiq. Flandr. in Viroviaco.

[36] Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie, t. VI, p. 149. Rapport sur les fouilles de Cassel. — De Bast, Recueil d’antiquités romaines et gauloises, t. I, p. 243. — Schrickius, Orig. rer. celt. et belg., liv. VII, c. 33.

[37] Notitia dignit. Imp., éd. Labbe, sect. 33 et 40. — Courtrai est appelée Curia Trajani dans un diplôme du XIIe siècle, mais cet acte est suspect. Voyez Warnkœnig, Histoire de la Flandre, t. I, p. 197, note ; Idem, Staats- u. Rechtsgeschichte, vol. III, part. II, p 97.

[38] Nouvelles conjectures sur la position du camp de Q. Ciceron, à propos de la découverte d’anciennes fortifications à Assche, par M. Galesloot, dans les Nouveaux mémoires couronnés de l’Académie de Belgique, t. XXI. — Histoire des environs de Bruxelles, par Alphonse Wauters, Bruxelles, 1855, t. I, p. 424. — Dewez, Mémoire sur la situation des endroits de l’ancienne Belgique devenus célèbres par les commentaires de César, dans les Nouveaux mémoires de l’Académie, t. II, p. 239.

[39] On a retrouvé dans la vallée de Baudecet, voisine de Gembloux, une grande quantité de débris romains. — Voyez Van der Rit, les Grandes chaussées de l’empire romain créées en Belgique, p. 26, et les Observations de M. Roulez sur ce travail, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. XVI, 2e part., p. 430.

[40] Nouvel examen de quelques questions de géographie ancienne, par M. Roulez, dans les Nouveaux mémoires de l’Académie, t. XI. — Essai historique et critique sur la ville de Tongres, par Droixe, dans le Messager des sciences et arts, année 1829 — Bucherius, Disputatio historica de primis Tungrorum seu Leodiensium episcopis. — De Villenfagne, Recherches sur l’histoire du pays de Liège, t. II, p. 421. — Perreau, Tongres et ses monuments. — Chapeauville, Gesta pontif. Tungrorum, t. I.

[41] Leemans, Romeinsche oudheden te Maëstricht. — Reuwens, Leemans en Janssen, Romeinsche, german. of gall. oudheden in Nederland. — Perreau, Recherches sur la ville de Maëstricht et sur ses monnaies, 1846. — Pellerin, Essais historiques et critiques sur le département de la Meuse inférieure et spécialement sur Maëstricht, an XI. — Ch. Hennequin, Dissertatio de origine et natura principatus urbis Trajecti ad Mosam. Lovanii, 1829.

[42] Pendant l’insurrection de Civilis, les députés des Tenchtres disaient aux habitants germains de Cologne : Pour rendre notre alliance et notre amitié éternelles, nous vous demandons d’abattre les murs de Cologne, boulevards de l’esclavage. Les bêtes fauves elles-mêmes, quand on les enferme, oublient leur courage. Tuez tous ces Romains qui sont dans cette enceinte : la liberté et les maîtres s’accordent mal. (Tacite, Histor., lib. IV, c. 64.)

[43] La Belgique et les Pays-Bas, t. II, pp. 135 et 136.

[44] La Belgique et les Pays-Bas, t. II, pp. 286.

[45] Tacite, Histor., lib. IV, c. 12, sq.

[46] Tacite, Histor., lib. IV, c. 14.

[47] Parmi les auteurs les plus récents qui ont traité de l’origine des Francs, on distingue Ledebur, Land und Folk der Bructerer ; Zeuss, die Germanen ; Huschberg, Geschichte der Allemannen und Franken ; H. Muller, die deutschen Stæmme und ihre Fursten ; Waitz, deutsche Verfassungsgeschichte, t. II, p. 1 et s.

[48] La fixation de cette date est fondée sur un récit de Vopiscus, dans lequel les Francs sont nommés pour la première fois (Vopiscus, in Aureliano, lib. VII).

[49] Ammien Marcellin, Rerum gestarum, lib. XVII, c. 2.

[50] Ammien Marcellin, Rer. gest., lib. XVII, c. 9.

[51] Ammien Marcellin, Rer. gestar., lib. XVII, c. 8.

[52] Ammien Marcellin, Rer. gest., lib. XVII, c. 9.

[53] Gregor. Turon., Histor. Francor., lib. II, c. 9.

[54] Gregor. Turon., Hist. Franc., lib. II, c. 9.

[55] Histoire générale de la Belgique, Bruxelles, 1826, t. I, p. 338.

[56] Præfectus Lætorum Lagentium prope Tungros. (Sect. 65.)

[57] Claudian., De Bell. Getic., v. 419.

[58] Histoire du Bas-Empire, édit. de Saint-Martin, t. V.

[59] Hieron., Epist. 96 ad Ageruchiam.

[60] Gregor. Turon., lib. II, c. 9.

[61] Études sur l’histoire, les lois et les institutions de l’époque mérovingienne, t. I, p. 192 et suiv.

[62] Brandes, l. c., p. 199 ; Walckenaer, Géographie des Gaules, II, 331.

[63] Études sur l’histoire, les lois et les institutions de l’époque mérovingienne, t. I, p. 90.

[64] De Pétigny, Études, etc., t. I, p. 151.

[65] C’est aussi l’opinion de M. Waitz, das alte salische Recht, pp. 47 et suiv.

[66] Wendelin., Leges sallicæ illustratæ, Antw., 1649, cap. XI.

[67] Gregor. Turon., Hist. Franc., lib. II, c. 9.

[68] Études sur l’histoire, les lois et les institutions de l’époque mérovingienne, par M. J. de Pétigny, t. II, 2e part., p. 682. M. Waitz (das alte Salische Recht, p. 44) a réuni les arguments les plus décisifs pour prouver la vérité de cette opinion.

[69] Wendel., Epist. de Dispargo, apud Ghesquiere, Acta SS. belg. select., t. I, p. 296. M. Henri Martin (Histoire de France, t. I, p. 463) attribue le Salogast au pays de Salland, le Windogast à la province hollandaise de Twente, et fait de Wisogast un chef franc de l’ouest (West, Wise).

[70] M. H. Martin tranche la question à sa manière par cette phrase : La loi salique ne fut jamais écrite en langue tudesque. (Histoire de France, t. I, p. 363.)

[71] Loi salique ou Recueil contenant les anciennes rédactions de cette loi, Paris, 1843 ; Dissertation première, p. 416.

[72] Geschichte der deutschen Rechtsquellen, Brunswick, 1860, t. I, p. 54.

[73] M. H. Martin est encore bien léger lorsqu’il dit : La loi salique, telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous, ne date pas toutefois de Chlodvig ni de ses fils, et sa rédaction n’est pas antérieure au septième siècle : elle fut probablement d’abord révisée de vive voix dans un mâl particulier de la tribu sur laquelle régnait Chlodvig, puis le reste des Saliens, quelques années après, ratifièrent la révision. (Hist. de France, t. I, p. 439.) M. Martin, qui cite la savante édition des différents textes de la loi salique, publiée par son célèbre compatriote Pardessus, n’a probablement pas lu cet ouvrage ; il doit surtout ignorer les additions des fils de Chlodvig, dont l’authenticité n’est pas contestée, et qui prouvent l’âge de la première rédaction.

[74] Cette idée a été émise pour la première fois par M. Warnkœnig dans son livre intitulé Juristische Encyclopædie, Erlangen, 1853. On y trouve des détails fort intéressants sur les Nomophylaces du Nord, p. 285.

[75] Gregor. Turon., Hist. Franc., lib. II, c. 9.

[76] Gregor. Turon, lib. II, c. 9.

[77] Mémoires de l’Académie, t. III.

[78] Études sur l’histoire, etc., de l’époque mérovingienne, t. II, p. 24. M. H. Martin a adopté l’opinion de M. de Pétigny sans examen. (Hist. de France, t. I, p. 366.)

[79] Wendelin, Epist. de Dispargo, l. c.

[80] Vœcht, de comitatu Lossensi in Tungria et Taxandria, ap. Ghesquière, Acta SS. Belg. selecta, t. I, p. 303.

[81] Cæsar, de bell. Gall., lib. VI, c. 29.

[82] Quand nous parlons ici de troupes romaines, nous voulons dire les Alains et les Huns, qui s’étaient rangés sous le commandement du général romain Aetius, lequel était lui-même Bulgare ou Serbe de la Mésie. (Voir Jornandès, ch. XXXIV.)

[83] Études sur l’histoire de l’époque mérovingienne, par M. de Pétigny, t. II, pp. 27 et 29.

[84] Gregor. Turon, lib. II, c. 9.

[85] Nous empruntons cette traduction à MM. Grégoire et Collombet.

[86] Sidonius, in Major panegyr., v. 212 et sq.

[87] Le lieu indiqué par Sidonius comme théâtre de cet exploit, est Helena, qu’on a voulu retrouver dans Houdain, dans Olhain, et même dans Lens. L’opinion qui parait la mieux fondée est celle de l’abbé Dubos, du père Sirmond et du père Malebrancq, qui pensent que c’est le Viell-Hesdin.

[88] Pars Galliarum propinqua Rheno, quam Franci possidendam occupaverant, Aetii comitis armis recepta. (Prosper., Aquit. chron., ad ann. 428)

[89] Gregor. Turon., lib. II, c. 11.

[90] Gens Hunnorum, pace rupta, depredatur provincias Galliarum. Plurimæ civitatis effractæ. In campis Catalaunicis, haud longe de civitate, quam effregerant, Mettis, Aetio duci, et regi Theodori, quibus erat in pace societas, aperto Marte confligens, divino cæsu superatur auxilio : bellum nos intempesta diremit. (Idatii chronicon.)

[91] Jornandès, de Getarum seu Gothorum origine et rebus gestis, c. XXXVI.

[92] Orosius, Histor., lib. VII, c. 41.

[93] Gregor. Turon., lib. II, c. 18 et 19 ; Fredegar, Hist. Franc., lib. I, c. 2 ; Gesta regum Francorum, c. VIII.

[94] Les invasions des Visigoths, des Burgondes et des Ostrogoths n’étaient pas des expéditions de bandes, mais des émigrations de peuples. On peut en dire autant de la première invasion des Francs ; mais lorsqu’ils poussèrent leurs expéditions au delà de la Somme, ils opérèrent par bandes. Quant à la nation, elle avait conservé ses possessions dans le nord de la Gaule, en Belgique et sur les bords du Rhin.

[95] Gregor. Turon., lib. II, c. 30.

[96] Gregor. Turon., lib. II, c. 37.

[97] Dans une Note sur l’endroit où Chlovis défit les Allemands, insérée aux Bulletins de l’Académie royale, année 1848, t. XV, part. 2, p. 413 et suiv., M. le chanoine de Smet a victorieusement réfuté l’opinion de ceux qui ont voulu placer la victoire de Chlovis dans les environs de Strasbourg, notamment Henschenius (Acta SS. Belgii, t. II, p.42 et suiv.), et Vredius (Olivier de Wree), Histor. Fland. christ., p. 1 et 2).

[98] Nous suivons la traduction de M. Guizot.

[99] Gregor. Turon., lib. II, c. 31.

[100] Aviti epist., 41, ap. Sirmond.

[101] Epist. Anastasii papœ, citée par M. de Pétigny, t. II, 2e partie, p. 431.

[102] Augustin Thierry, Dix ans d’études historiques, XIII, sur le caractère et la politique des Francs.

[103] Études sur l’histoire de l’époque Mérovingienne, par M. de Pétigny, t. II, part. 2e, p. 576. — Gaupp, Die germanischen Ansiedlungen, Breslau, 1844, p. 414, et suiv. ; travail de peu de valeur.

[104] Gregor. Turon., lib. II, c. 40.

[105] Gregor. Turon., lib. II, c. 42.

[106] Augustin Thierry, Lettres sur l’histoire de France, XII. — Henri Martin, Histoire de France, t. II, p. I et suiv., 4e édition. Cet auteur est très superficiel ; il parle, déjà au temps du deuxième partage et de Brunehaut, des bénéfices vassalitiques, etc. —M. Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. II, p. 93, est à peu près du même système qu’Augustin Thierry ; mais il explique et prouve mieux que lui ses assertions.

[107] Histoire de France, 1re partie, ch. VI.

[108] Stalin, Wurtemb. Geschichte, p. 150.

[109] Eichhorn, Deutsche Staats- und Rechsgeschichte, 1834-1836, t. I, c. 52. — Waitz, Verfassungsgeschichte, t. II, p. 67-69.