SAINT LOUIS ET SON TEMPS

 

TOME PREMIER

CHAPITRE II. — VERTUS CHRÉTIENNES DE SAINT LOUIS.

 

 

I. — Piété de saint Louis.

On a vu l'enfance de saint Louis et les sentiments dans lesquels sa mère l'avait élevé. C'était elle qui l'avait nourri de son lait, c'était elle qui avait veillé à sa première éducation, l'entourant d'hommes religieux capables d'affermir, par leurs leçons et par leurs exemples, la foi et l'amour de Dieu en son âme[1]. Quand il fut plus grand ; elle plaça auprès de lui un maître qui, non-seulement le dirigeait dans ses études, mais le suivait dans ses promenades et dans ses jeux : étrange maître, s'il est vrai, comme le rapportait, dit-on, saint Louis ; qu'il le battait quelquefois pour lui apprendre la discipline. Saint Louis âgé de quatorze ans, saint Louis roi battu par son maître[2] ! On ne saurait en vérité qu'admirer le plus de l'humilité du prince ou de la brutalité du pédant. La piété naturelle de saint Louis ne fit que grandir avec l'âge. Sa vie chrétienne ou, pour la ramener au cadre le plus simple, sa journée de chrétien, qui édifia son siècle, peut bien être de nature à choquer la nôtre. Mais, quoi qu'il en soit de cette impression, ce serait manquer à l'histoire que de passer sous silence ou de réduire à quelques vagues indications ce qui a tenu une si grande place dans sa vie. Ne cherchons donc pas à nous faire un saint Louis au goût de notre époque. Rien n'est beau que le vrai. La vérité que le saint roi a recherchée en toute chose est seule digne de retracer l'image qui doit rester de lui.

Au rapport de ses plus intimes historiens, du chapelain qui l'accompagna dans l'une et dans l'autre croisade, du confesseur qu'il eut près de lui pendant vingt ans, du confesseur de sa femme Marguerite, il semblait ne vivre que pour Dieu. Les offices étaient célébrés à la chapelle du roi presque comme dans celle d'un couvent ou comme au chœur d'une cathédrale. Il se faisait chanter les heures canoniques et il y faisait ajouter l'office dès morts ; il entendait deux messes, quelquefois trois et quatre ; et comme les grands murmuraient de le voir passer tant de temps aux messes et aux sermons, il disait que s'il en perdait deux fois plus au jeu ou à la chasse on ne s'en plaindrait pas[3], réflexion qui n'imposait guère silence aux murmures : les barons ne se seraient pas plaints de perdre là leur temps avec lui. Il étudiait l'Écriture sainte et les Pères. Il se faisait allumer, dit le confesseur de Marguerite, une chandelle de trois pieds ou environ : tant qu'elle durait il lisait la Bible[4] ! A table même il avait volontiers des personnes pieuses avec lesquelles il pût parler de Dieu. Aussi, ajoute l'historien, mangeait-il rarement avec ses barons. Sa journée terminée, après complies, quand son chapelain allait se reposer, il se mettait en oraison, et si longuement qu'il ennuyait fort, dit le naïf auteur, les gens de son service, obligés de l'attendre à la porte. Parlerai-je de ses génuflexions, que le confesseur de sa femme parait avoir comptées ? Il demeurait si longtemps à genoux que quelquefois son esprit et sa vue se troublaient et que, se relevant tout étourdi, il disait : Où suis-je ?[5] On le ramenait à sa chambre, et il se couchait alors ; mais à minuit il était debout et se faisait chanter matines par ses chapelains[6] (ce n'était pas une sinécure que d'être chapelain du roi en ce temps-là). Il aurait voulu pourtant laisser à ses gens le repos qu'il se refusait à lui-même. Il se levait si doucement que plusieurs fois ils ne l'entendaient pas, ou, réveillés trop tard, ils couraient après lui sans avoir le temps de se chausser. Après matines, il restait encore longtemps en prières, soit dans la chapelle, soit devant son lit ; s'il n'était jour, quelquefois il se recouchait, ou bien il remettait à ses gens un petit bout de chandelle en leur recommandant de le réveiller dès que la chandelle serait usée, car il lui fallait assister à primes[7] : c'était le commencement d'une nouvelle journée.

Je disais que la prière remplissait, pour saint Louis, presque tout le jour : c'est le jour et la nuit qu'il faudrait dire. Ici pourtant ne peut-on soupçonner d'exagération les récits de ses historiens ? Ils vivaient avec lui, ils sont sincères, mais portés à l'exalter. Or la dévotion était son principal titre à leurs yeux : Ses actions, ses manières d'être étaient non-seulement d'un roi, mais d'un moine, non solum regales sed regulares, s'écrie Guillaume de Chartres[8], et par ce jeu de mots que le français ne rend pas, il croyait faire son plus bel éloge. Il n'est pas douteux que saint Louis ait fait autre chose que lire et prier : toute sa jeunesse si mêlée, nous l'avons vu, aux guerres que lui firent les barons, toute sa vie si occupée du bien public en fournissent assez la preuve. Cette tendance involontaire à l'exaltation du saint dans le roi se trouve d'ailleurs établie, sur ce point, par le contrôle des chroniques avec plusieurs documents officiels. Un de ses historiens, le moine anonyme de saint Denys, dit qu'à vingt ans, laissant tous les jeux, il ne s'occupa plus de chiens ni d'oiseaux et renonça aux vêtements précieux pour prendre des habits simples[9]. Or plusieurs comptes de dépenses prouvent qu'en 1239 il se livrait encore au plaisir de la chasse ; qu'on achetait pour lui et qu'on entretenait des chevaux et des faucons à son usage[10] ; ils montrent qu'en certaines circonstances il se servait encore de drap d'or, d'écarlate et de soie[11]. En cette seule année les étoffes et les fourrures achetées pour vêtements d'apparat coûtèrent quatre cent soixante et une livres dix sous parisis, soit onze mille six cent quatre-vingt-dix francs de notre monnaie, représentant une dépense de près de soixante mille aujourd'hui[12]. Geoffroi de Beaulieu est d'accord avec Joinville pour reporter après la croisade de 1248 la réforme que saint Louis apporta dans sa manière de se vêtir[13]. Il y a donc quelques réserves à faire en accueillant le récit de ces historiens ; mais le lecteur ainsi bien averti, on ne peut se dispenser de placer sous ses yeux la suite de leurs témoignages.

On n'a vu encore que la journée ordinaire du saint, Il trouvait dans le cours de l'année des occasions plus particulières de satisfaire sa dévotion. Il célébrait les fêtes avec un appareil qu'il était loin de rechercher pour lui-même ; il aimait surtout d'entendre dans ces solennités la parole de Dieu, et non-seulement dans les jours solennels, mais toutes les fois qu'il pouvait avoir un religieux pour prêcher devant lui. Si c'était dans un couvent, pour que ses sergents d'armes assistassent plus volontiers au sermon il les faisait manger dans la salle, tout en leur donnant l'indemnité qui leur était allouée pour manger au dehors[14]. Il n'allait pas seulement aux sermons ; quand il était dans un couvent et que la cloche sonnait pour appeler les moines aux écoles, il allait avec eux. Il allait particulièrement aux écoles des frères prêcheurs et s'asseyait humblement sur un carreau à terre devant celui qui professait[15].

Il se confessait tous les vendredis, et après la confession il se faisait donner par son confesseur la discipline ; sa discipline se composait de cinq petites chaînes de fer qu'il serrait dans une boîte d'ivoire et portait avec lui. Il avait fait faire d'autres bottes semblables et semblablement garnies qu'il donnait en présent à ses enfants, à ses amis, avec le conseil de s'en servir[16]. Lorsque son confesseur frappait trop mollement, il lui disait de faire plus fort. Cet avis ne fut pas toujours nécessaire. Il eut un confesseur si plein de zèle (sollicitus sibi) qu'il le frappait à coups redoublés, en telle sorte que sa peau, qui était extrêmement tendre, en était fort maltraitée. Saint Louis se taisait alors ; il n'en dit rien tant que vécut ce confesseur, mais plus tard il en parla en riant à un autre[17].

Ses confesseurs, il le faut dire, n'avaient pas communément ce zèle, et ils le blâmaient d'austérités qui compromettaient sa santé délicate[18] ; ils le pressaient d'y suppléer par des aumônes que le roi, du reste, n'épargnait pas, et ils finirent par le faire renoncer au cilice qu'il portait durant l'avent, le carême et aux vigiles de certaines fêtes ; il ne laissa pas que de mettre encore quelquefois sur sa chair une ceinture de crin[19]. Il observait tous les jeûnes de l'Église et s'en imposait à lui-même qui n'étaient pas d'obligation la veille de certaines fêtes et toute l'année le vendredi. Ses abstinences n'étaient pas moins rigoureuses que ses jeûnes ; il faisait maigre (outre le vendredi et le samedi) le mercredi, quelquefois même le lundi, mais il y dut renoncer à cause du délabrement de sa santé. Il trouvait encore le moyen de raffiner sur l'abstinence : les vendredis d'avent et de carême il s'abstenait de poisson et de fruits. Il regrettait de ne pouvoir faire ce qu'il avait appris d'un religieux : ce moine, la première fois qu'en lui offrait du fruit nouveau, ,en prenait pour rendre grâces à Dieu et s'en abstenait le reste de l'année ; mais il sut l'imiter en faisant tout le contraire. Quand on lui apportait du fruit nouveau, il s'en abstenait pour en offrir à Dieu les prémices, et par la suite il en mangeait comme les autres[20]. Son confesseur fait encore la remarque, que personne n'a plus noyé son vin dans l'eau, et le confesseur de Marguerite, pour qui rien de tout cela n'est puéril, ajoute qu'il trompait l'habileté de ses cuisiniers en mettant de l'eau dans les sauces pour en ôter la saveur[21]. Il dit aussi que le vendredi il s'abstenait de rire. Dans l'usage ordinaire, il faisait porter aux pauvres les mets les plus délicats de sa table, gardant pour lui les plus communs[22]. Les pauvres avec lui apprenaient à être difficiles. Un jour qu'il avait donné à l'un d'eux une écuelle remplie de pâte grasse, ce ,personnage, en ayant goûté, n'en voulut pas. Saint Louis se la fit rendre et en mangea, non par forme de reproche, mais par humilité, comme si personne n'y eût touché.

Sa dévotion envers le saint Sacrement était extrême. Il communiait, dit le confesseur de Marguerite, au moins six fois par an, aux fêtes de Pâques, Pentecôte, Assomption, Toussaint, Noël, Présentation de N. S. Après s'être purifié par des ablutions, il s'avançait à genoux vers l'autel, et là il disait lentement le Confiteor avec soupirs et avec larmes[23]. Il aimait aussi à adorer le Sauveur dans les instruments de sa passion. Le vendredi saint, il allait nu-pieds visiter les églises : afin de garder les apparences, il portait des chaussures dont la semelle était enlevée. Pour l'adoration de la croix, il déposait ses vêtements supérieurs, ne conservant que son garde-corps et sa cotte ; les pieds nus, le chef découvert, il s'avançait un petit espace sur ses genoux, s'inclinait et priait, puis s'avançait encore, et à la troisième fois, arrivé à la croix, il se prosternait comme en croix lui-même, et la baisait, versant des larmes[24]. Il souhaitait le don des larmes. Dans les litanies, quand on chantait le verset : Donnez-nous une fontaine de larmes, Ut fontem lacrymarum nobis dones, il disait : Seigneur, je n'ose vous demander une fontaine de larmes, mais quelques gouttes seulement pour rafraîchir mon cœur sec et aride ![25]

 

II. — Simplicité. - Pureté. - Bonté. - Humilité. - Charité.

Tous ces détails, qui auront provoqué peut-être le sourire et la pitié de plus d'un lecteur, sont-ils la marque d'un esprit faible, ou témoignent-ils, au contraire, d'une âme forte qui s'apprend à se maîtriser soi-même en soumettant ses sens au joug le plus dur ? On ne juge bien des choses que par leurs effets : Vous les connaîtrez par leurs fruits, a dit Jésus : A fructibus eorum cognoscetis eos. Or, si laissant à l'écart ces choses tout extérieures, on pénètre dans l'âme de saint Louis, tout y exhale l'odeur des plus exquises vertus. Il y avait en lui, dit son chapelain, comme une vertu divine : il rendait le calme aux esprits les plus troublés, il édifiait les plus saints[26]. Parlons d'abord de son admirable simplicité de langage et de cœur. Il ne détestait rien tant que les bouffonneries et les paroles dissolues, les médisances et le mensonge. Pour sa part, jamais il n'usa de gros mots envers personne, fût-ce même le dernier de ses serviteurs, à moins qu'une faute grave n'exigeât une réprimande. Point de jurement. Sa seule manière d'affirmation plus solennelle était : En nom de moi. Et encore, repris un jour par un religieux, il s'en abstint et se contenta d'affirmer selon le précepte de l'Évangile : Oui, non ; cela est, cela n'est pas. Tout cela sans raideur ni sécheresse. Dans les matières difficiles, nul ne jugeait avec plus de perspicacité que lui, et ce qu'il concevait bien il l'exprimait avec autant de mesure que de grâce : La grâce était répandue sur ses lèvres, dit avec l'Écriture son historien : Diffusa erat gratia in labiis ejus, et comme tout vrai sage, il savait, en parlant, se rendre aimable. L'enjouement n'était point banni de sa conversation. Une pointe de sel relevait la saveur de ses discours, et il était si gracieux de toute sa personne que rien qu'à le voir on ne pouvait s'empêcher de l'aimer[27].

La simplicité de son langage et son aversion pour toute parole équivoque et grossière témoignaient bien de la pureté de son cœur. Il ne détestait pas seulement la licence qui régnait dans les poésies de ce temps-là[28] ; il répugnait aux chansons mondaines et recommandait fort naïvement à l'un de ses écuyers qui les chantait, d'apprendre plutôt l'Ave maris stella[29]. Sa pudeur était extrême : Pour ce qu'il sentait bien qu'honnêteté est agréable aux anges, dit le confesseur de Marguerite, il vécut tout le temps de sa vie en très-honnête manière : car, toute honnêteté fut en lui, si bien que M. Pierre de Laon, qui fut son chevalier et demeura trente-huit ans avec lui, remplissant la charge de chambellan et couchant à ses pieds ; qui le déchaussait et l'aidait à se, mettre au lit comme font les sergents des nobles seigneurs, par quinze ans ou environ ne put voir sa chair, sauf les pieds et' les mains ; quelquefois seulement jusqu'au gros de la jambe, quand il lui lavait les pieds, ou la jambe, quand elle était malade, et le bras, quand il se faisait saigner[30].

Jamais la moindre familiarité ne jeta d'ombre sur la pureté de sa jeunesse, et le mariage ne fit que mieux ressortir encore sa chasteté[31]. Aussi voulait-il que tout fût honnête dans sa maison, et il en bannissait sans merci quiconque blessait une vertu si chère à son cœur[32].

Sa bonté, d'ailleurs, et sa patience étaient inaltérables. On en abusait quelquefois autour de lui. Un jour, étant sorti de sa chambre pour ouïr ceux qui venaient lui exposer leurs causes, il voulut rentrer : sur seize chambellans et valets, il ne s'en trouva pas un pour le servir. Ils revenaient fort confus d'avoir été mis en défaut, et n'osaient plus se présenter devant lui, quand le roi, retournant à ses-plaids et les voyant : Eh bien ! dit-il, venez-vous ? N'en puis-je trouver aucun qui me serve, quand un seul me suffirait ? Et il n'ajouta pas autre chose. Les plaids finis, il revint en sa chambre ; et les chambellans hésitaient encore à se montrer devant lui. Un religieux qui était dans la familiarité du roi et à qui ils s'étaient ouverts de leurs craintes, ayant dit au prince qu'ils n'osaient venir en sa présence s'il ne les faisait appeler, il les fit entrer, et prenant un visage souriant : Venez, venez, dit-il, vous êtes tristes parce que vous avez mal agi, je vous le pardonne, gardez-vous de faire ainsi désormais[33]. Il savait se contenir, même en des cas où l'impatience serait bien excusable. Un jour qui il souffrait d'une enflure à la jambe et qu'il la voulait examiner de plus près, un vieux serviteur, nommé Jean, qui l'éclairait, laissa tomber une goutte de cire ardente sur le membre malade[34] : Ah ! Jean ! s'écria le roi ; et voyant le vieux serviteur tout ébahi : Jean, lui dit-il, mon aïeul vous donna congé pour moindre chose. Philippe-Auguste l'avait renvoyé de son hôtel pour avoir mis au feu du bois qui pétillait ! Inutile de dire que le vieux Jean continua de servir saint Louis. Il n'endurait pas seulement les maladresses de ses serviteurs, il supportait leurs incartades. Un jour que le roi causait avec quelques chevaliers, il lui arriva de finir sa phrase en disant : Et je m'y tiens. Ses chambellans entraient alors. L'un d'eux relevant ce mot, sans savoir d'ailleurs de quoi il s'agissait, se mit à dire : Eh ! si vous vous y tenez, toujours n'êtes-vous qu'un homme non plus qu'un autre. Cette parole fut vivement reprise par un de ses compagnons et un colloque eut lieu à part, où le premier soutint son propos. Le roi l'avait entendu la première comme la seconde fois, il le regarda, laissant son discours, et ne lui dit rien, ni jamais ne l'en réprimanda. Un autre jour que le Parlement siégeait à Paris, une femme, qui avait peut-être perdu sa cause, se tenant au pied des degrés par où descendait saint Louis, s'écria : Fi ! fi ! devrais-tu être roi de France bien mieux vaudrait qu'un autre le fût : car tu n'es que de la troupe des frères mineurs et des frères prêcheurs, des prêtres et des clercs ! C'est grand dommage que tu es roi, et c'est grand merveille que tu ne sois bouté hors du royaume. On la voulait battre et chasser. Le roi s'y opposa ; il la fit approcher, et l'ayant écoutée tant qu'elle voulut, il lui répondit en souriant : Certes, vous dites vrai, je ne suis pas digne d'être roi, et s'il eût plu à Notre-Seigneur, c'eût été mieux qu'un autre fût à ma place, qui sût mieux gouverner le royaume. Et il lui fit donner de l'argent[35].

L'humilité de saint Louis se peint au naturel dans cette scène. Elle. se manifestait en mille autres occasions, à l'église d'abord, et non pas seulement dans l'accomplissement de ses devoirs religieux : devant Dieu il ne pouvait pas s'estimer plus que le moindre des hommes ; mais aussi dans ses rapports avec les religieux et les prêtres, car servir Dieu était un honneur qu'il plaçait au-dessus de tous les autres. Son confesseur était si bien pour lui le représentant de Dieu quand il siégeait au tribunal de la pénitence, qu'il ne se bornait pas à obéir à sa parole, en tant que confesseur : s'il arrivait à ce dernier de souhaiter que la porte ou la fenêtre fût ouverte, le pieux roi se levait aussitôt pour satisfaire à son désir ; et si l'autre s'en fâchait comme d'une marque de déférence qui ne lui était pas due, il lui répondait simplement : N'êtes-vous pas le père et moi le fils ?[36] Dans les couvents, lorsqu'il assistait à un sermon, il allait s'asseoir sur une botte de paille au pied de la chaire, tandis que les moines, à leur grande confusion, siégeaient haut dans leurs stalles[37] Les pierres même des monastères étaient pour lui sacrées, et il tenait à honneur de travailler personnellement à leur édification. Lorsqu'il fit bâtir Royaumont, on le voyait porter avec un moine des matériaux sur une civière, et il en faisait faire autant à ses chevaliers et à ses frères. Comme ses frères en eussent au moins volontiers fait un jeu, parlant et riant dans le travail : Les moines, leur disait-il, gardent ici le silence ; nous les devons imiter ; et lorsqu'à la fin, un peu las, ils se voulaient reposer en route : Les moines ne se reposent pas ; vous ne devez pas vous reposer non plus[38]. Dans ses rapports avec les hommes du siècle, il ne montrait pas un sentiment moins humble de lui-même. Outre son confesseur, il avait plusieurs amis qu'il avait chargés de lui dire s'ils voyaient ou apprenaient qu'il eût fait quelque chose de mal, et il recevait volontiers leurs avertissements comme admonition charitable. Il en eût fait de même envers quiconque l'eût averti de la sorte, même sans en être prié.

Mais jamais cette vertu que la religion seule a enfantée ne se montre avec plus de relief en saint Louis que dans l'exercice de cette autre vertu, la vertu chrétienne par excellence : je veux dire la charité. Sa charité en effet était sans bornes. Il avait pour maxime qu'il faut aimer les hommes parce qu'ils sont bons, ou pour qu'ils le soient. S'il avait quelque préférence, c'était pour les faibles, pour les délaissés[39]. Et comme, selon la parole du Sauveur et les touchantes leçons des Pères de l'Église, il voyait Jésus-Christ dans les pauvres, sa sollicitude, sa tendresse, ses abaissements même envers leur personne n'avaient d'égal que sa foi et sa piété. On serait tenté de l'accuser d'avoir oublié ce qu'il devait à son rang et ravalé la dignité royale dans ces œuvres, si l'on n'y voyait au contraire une intention si haute d'user de ce contraste pour humilier l'orgueil, consoler la misère et enseigner à chacun, au milieu des différences de naissance, de position, de fortune, l'égalité de tous, souvent même le renversement de l'ordre du monde devant Dieu. Chaque jour, le roi faisait chercher cent vingt-deux pauvres, et on leur donnait deux pains valant un denier parisis (10 c. ½), une mesure de vin, de la viande ou du poisson selon le temps, et un denier parisis ; et si dans cette troupe il y avait quelque femme ayant un ou plusieurs enfants, on lui remettait autant de pains qu'elle avait d'enfants pour sa peine, et un pain à chaque enfant. Soixante autres pauvres recevaient leur pain en argent, à savoir quatre deniers chacun, deux fois la semaine. Tous les pauvres, de quelque part qu'ils vinssent, avaient la desserte de la table : l'aumônier avait ordre d'y ajouter autant de pain qu'il était nécessaire pour que personne ne se retirât les mains vides ; et ses aumônes croissaient avec la cherté du pain et la misère[40]. Quand il allait en Berry, en Normandie ou en quelque autre lieu où il n'allait pas d'habitude, c'est aux pauvres qu'il songeait encore tout d'abord. Il en faisait réunir jusqu'au nombre de trois cents à la fois pour leur faire l'aumône ; et l'on pouvait aussi dire de lui : Il a passé, bien faisant, pertransiit bene faciendo. Quelquefois même s'il voyageait, c'était pour aller voir et nourrir les pauvres. Il disait à son entourage : Allons visiter les pauvres de tel pays, et les repaissons[41].

Les jours de fête, il réunissait deux cents pauvres dans son palais et les servait lui-même à table. Les mercredis, vendredis et samedis de l'Avent et du Carême et les mercredis et vendredis en toute saison il en faisait venir treize dans sa chambre ou dans la pièce voisine, et leur donnait à manger de sa main sans se rebuter de leur malpropreté. Si dans le nombre il Y avait quelque aveugle, le roi lui mettait le morceau de pain dans une main, et portait l'autre vers l'écuellée où était sa pitance[42]. Si c'était du poisson, il en tirait les arêtes, trempait le morceau dans la sauce et le lui mettait dans la bouche. Avant le repas, il leur donnait à chacun douze deniers ou plus selon le besoin ; quand parmi eux était une femme avec son enfant, il y ajoutait pour l'enfant. Le samedi, il prenait trois de ces pauvres les plus misérables, les plus infirmes, et les menant dans sa garde-robe où l'on avait disposé trois baquets pleins d'eau avec du linge, il leur lavait les pieds ; il essuyait et baisait dévotement ces pieds, quelque difformes qu'ils fussent, usés comme ils l'étaient au frottement journalier de la terre ; puis à genoux il leur présentait l'eau pour l'ablution des mains, il leur donnait quarante deniers et leur baisait la main[43]. Ce n'est pas tout ; chaque jour en tout temps, il faisait venir treize autres pauvres ; et de ces treize il en choisissait trois, les plus rebutants[44] qu'il faisait asseoir à une table dressée tout près de lui. Il leur donnait quarante deniers, et se faisant apporter trois écuelles, lui-même prenait le soin de faire leur soupe ; il tranchait les viandes et les poissons qu'on mettait devant lui et leur en envoyait. Bien plus, comme pour mieux confondre notre délicatesse, il se faisait rapporter de ces viandes qui leur étaient servies et en mangeait après eux[45]. Un jour entre autres, parmi ces trois pauvres gens, il vit un vieux qui ne mangeait pas bien. Il fit mettre devant lui l'écuelle remplie de viande qu'on avait apportée, et après que le vieux bon homme en eut mangé comme il lui plut, il se la fit rapporter pour en goûter après lui : honorant Jésus-Christ dans ce pauvre vieillard et estimant assez bon pour lui-même ce qu'il avait laissé[46].

Ce devoir du lavement des pieds que le Sauveur lui-même avait rendu à ses disciples dans la Cène, il aimait à le pratiquer, accomplissant à la lettre la parole divine : Si donc je vous ai lavé les pieds, moi votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; et je vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait[47].

Un samedi, à Clairvaux, comme il assistait au lavement des pieds des moines après vêpres, il eût voulu remplir lui-même cet office ; il ne s'en abstint que parce qu'il y avait avec lui plusieurs seigneurs qui n'étaient pas de son intimité, et qu'il eût craint d'affecter trop d'humilité devant eux. Mais le Jeudi Saint, autorisé par l'exemple du Sauveur, il ne craignait pas de le faire devant sa cour. En ce saint jour, il lavait les pieds à treize pauvres et leur donnait quarante deniers[48]. Plus tard, lorsque ses fils étaient près de lui, il leur faisait faire de même. Et ce n'était point, comme nous le voyons encore dans le rituel de cette fête aujourd'hui, une pure cérémonie, une douzaine de pauvres parfaitement lavés (je n'y trouve point à redire), des enfants quelquefois, choisis pour. recevoir du prêtre une ablution dont ils n'ont plus besoin. Un jour un de ces vieillards, prenant fort au sérieux l'office dont le roi s'acquittait, et voulant profiter de l'occasion, lui fit remarquer que les doigts de ses pieds n'étaient pas propres à l'intérieur, et le pria en toute simplicité de les nettoyer. Ceux qui étaient là s'indignaient contre ce malotru qui demandait au roi un tel service. Mais le pieux roi, faisant droit à sa requête, fit humblement ce qu'il souhaitait, lava les doigts, les essuya et y joignit le baiser de charité[49].

Il se plaisait aussi à donner à ceux qui s'étaient donnés à Dieu : aux frères mineurs, aux frères prêcheurs surtout, deux ordres qu'il aimait plus particulièrement, comme animés encore du pur esprit de leur institution. Il donnait aux religieux qui ne possédaient rien, il donnait aussi à ceux qui possédaient, comme pour leur rappeler le devoir de l'au mène, et qu'un monastère étant un lieu de charité, rien ne s'y peut amasser que pour être répandu sur les pauvres de Dieu.

C'est donc à sa charité autant qu'à sa foi que l'on doit rapporter tant de fondations ou d'accroissements de monastères et de lieux de refuge fondation des Hôtels-Dieu de Pontoise, de Vernon, de Compiègne, accroissement de l'Hôtel-Dieu de Paris (nous aurons à revenir sur ces fondations et d'autres encore). Quand l'Hôtel-Dieu de Compiègne fut achevé, ce fut le roi de France et le roi de Navarre, avec les deux fils aînés de saint Louis, qui portèrent, sur un drap de soie, le premier pauvre qui fut mis au lit[50]. Il consacra à ces œuvres plus de deux cent mille livres tournois (trois millions cinq cent soixante-neuf mille sept cent quarante-huit francs, valeur intrinsèque) ; et quand on lui reprochait de tant dépenser en fondations et en aumônes, il répondait : Dieu m'a donné tout ce que j'ai ; je n'en saurais faire un meilleur emploi[51].

S'il visitait les pauvres dans leurs tristes réduits, il les allait voir plus volontiers encore dans ces asiles ouverts à leurs souffrances. Ses gens étaient incommodés de l'odeur infecte de ces salles. Pour lui, il ne semblait pas s'en apercevoir. Il servait les malades à genoux, pansait leurs plaies, quelque horribles qu'elles fussent, et leur rendait les soins les plus rebutants. Les pieux historiens de saint Louis, dans leurs récits, se feraient scrupule de ne point oser dire ce que le roi ne répugnait point à faire. Qu'on me pardonne de me borner à y renvoyer le lecteur. Quand il venait à Vernon, avant de se rendre à son palais, il allait à l'Hôtel-Dieu, et souvent il faisait porter aux convalescents les viandes que ses cuisiniers avaient apprêtées pour lui-même. Accompagné de ses fils, qu'il voulait former aux œuvres de charité, il allait au lit des malades, s'informait de leurs souffrances, de ce qui leur serait bon, les servait de sa main, les essuyait s'ils étaient en sueur, les recouvrant s'ils étaient mal couverts. Une sœur de cet hôpital, étant un jour malade, dit qu'elle ne prendrait rien que de la main du roi. Le bon roi, l'ayant su, vint aussitôt et lui mit, comme elle le désirait les morceaux dans la bouche[52]. A Compiègne, ayant su qu'un malade était mort à l'Hôtel-Dieu, il demanda qu'on l'attendît pour l'ensevelir, et il lui vint rendre ce devoir.

Il faisait plus que d'ensevelit les morts ; il s'approchait des lépreux, ces excommuniés de la vie civile au moyen âge, ces morts vivants qui pouvaient communiquer aux vivants la même mort. A l'abbaye de Royaumont, qu'il avait fondée avec tant de magnificence, il y avait un moine qu'on avait dû séparer des autres, comme lépreux. Lorsque le roi y allait, il le voulait servir de ses propres mains. Il s'agenouillait devant lui, rompait les morceaux et les. lui mettait dans la bouche, l'exhortant par de pieuses paroles à souffrir son infirmité pour l'amour de Dieu. Un jour de vendredi saint qu'il était à Compiègne, et visitait nu-pieds les églises, distribuant de l'argent aux pauvres sur le chemin, un lépreux se rencontra sur son passage, de l'autre côté de la rue, et il agita vivement sa crécelle pour que le roi prit garde et s'écartât de lui. Mais saint Louis, au contraire ; traversant l'eau boueuse et froide du ruisseau, vint au pauvre lépreux, lui donna l'aumône et lui baisa la main. Et ceux qui étaient là se signaient, disant : Voyez ce qu'a fait le roi ! il a baisé la main d'un lépreux ! Les témoins disent même qu'à Royaumont il lava les pieds du lépreux, les essuya avec soin, selon sa coutume, et les baisa dévotement[53].

Voilà le chrétien dans saint Louis ; voilà du moins les traits principaux que l'on peut recueillir dans les chroniques pour recomposer sa figure. Mais comment reproduire cette parfaite harmonie où ils se confondaient, et surtout cette incomparable expression que leur communiquait sa belle âme ? Ceux qui ont vécu avec saint Louis en ont gardé un sentiment qui donne à leurs tableaux, quelle que soit l'inhabileté de l'auteur, un charme inimitable. Ils y reconnaissent eux-mêmes comme un effet de la vertu divine. La vertu divine, dit Guillaume de Chartres son chapelain, lui avait conféré cette grâce spéciale : sa vue, sa voix portaient le calme dans les esprits les plus troublés. Les plus religieux ne pouvaient le voir et l'entendre sans revenir édifiés[54]. Par certains côtés, il n'aurait pas conquis aujourd'hui de la même sorte tous les suffrages. Il nous est difficile d'ailleurs de replacer sa figure dans le milieu où il la faut voir pour le bien juger ; il nous est plus difficile encore de nous mettre au point de vue où il faut être pour la bien voir. L'historien moderne en est quelquefois réduit à plaider les circonstances atténuantes pour les saints : car les saints, et saint Louis parmi eux, ont encore cette conformité avec le Sauveur qu'en plus d'un cas ils pourraient dire comme lui : Bienheureux est celui qui n'aura pas été scandalisé en moi.

 

 

 



[1] Confesseur de Marguerite, Historiens de France, t. XX, p. 65 e.

[2] Confesseur de Marguerite, Historiens de France, t. XX, p. 101 c.

[3] Geoffroi de Beaulieu, ch. XXI, Historiens de Fr., t. XX, p. 15.

[4] Anonyme de Saint-Denys, ibid., p. 47.

[5] Confesseur de Marguerite, ibid., p. 80 c, d ; cf. Anonyme de Saint-Denys, p. 50.

[6] Geoffroi de Beaulieu, ch. XXI, t. XX, p. 15.

[7] Geoffroi de Beaulieu, ibid. ; Confesseur de Marguerite, p. 73. Grégoire IX lui avait accordé que les capelles royales ne pussent être soumises à l'interdit ecclésiastique, 2 janvier 1234. Teulet, l. l., n° 2264.

[8] Historiens de France, t. XX, p. 29.

[9] Anonyme de Saint-Denys, t. XX, p. 45.

[10] Historiens de Fr., t. XXII, p. 611 h, j ; p. 594 d, 596 j, 598 a, e, k, 601 k, 602 e, 606 g, 617 g, etc., et M. N. de Wailly dans la préface de ce volume, p. XXVI. Il me paraît puéril d'avancer, pour le contredire, que ces faucons étaient à l'usage de ses fauconniers.

[11] Historiens de Fr., t. XXII, p. 609 a, f.

[12] Historiens de Fr., t. XXII, p. 610 j, et M. de Wailly, préface, ibid., p. XXII et XXIV.

[13] Geoffroi de Beaulieu, Historiens de Fr., t. XX, p. 5, 6, et Joinville, ch. CXXXV.

[14] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 73.

[15] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 79 et 80.

[16] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 83 e.

[17] Geoffroi de Beaulieu, ch. XVI, t. XX, p. 10.

[18] Geoffroi de Beaulieu, ch. XVII.

[19] Guillaume de Chartres, t. XX, p. 35, et Confesseur de Marguerite, p. 53 ; Extraits d'un vieux lectionnaire, t. XXIII, p. 161, leçon 3, et Jean du Vignay dans une addition à sa traduction de Primat, ibid., p. 64.

[20] Geoffroi de Beaulieu, p. 11.

[21] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 107.

[22] Anonyme de Saint-Denys, t. XX, p. 53.

[23] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 74.

[24] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 74. ; Anonyme de Saint-Denys, p. 51.

[25] Geoffroi de Beaulieu, ch. XXI, t. XX, p. 4.

[26] Guillaume de Chartres, ibid., p. 29.

[27] Geoffroi de Beaulieu, ch. VII, t. XX, p. 5 ; Confesseur de Marguerite, p. 109.

[28] Guillaume de Chartres, ibid., p. 29.

[29] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 65.

[30] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 112.

[31] Geoffroi de Beaulieu, ch. XI, p. 7 ; Confesseur de Marguerite, p. 110, 111.

[32] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 111.

[33] Confesseur de Marguerite, p. 104.

[34] Confesseur de Marguerite, p. 108.

[35] Confesseur de Marguerite, p. 106.

[36] Geoffroi de Beaulieu, ch. X, p. 6.

[37] Confesseur de Marguerite, p. 102.

[38] Confesseur de Marguerite, p. 87 ; cf. p. 103.

[39] Confesseur de Marguerite, p. 90.

[40] Confesseur de Marguerite, p. 91 ; Guillaume de Chartres, p. 35.

[41] Confesseur de Marguerite, p. 95 d.

[42] Cette scène de saint Louis servant les pauvres fait le sujet d'une miniature du commencement du XIVe siècle, reproduite dans la belle édition de Joinville que M. N. de Wailly a publiée chez MM. Firmin Didot (p. 3).

[43] Geoffroi de Beaulieu, ch. IX, t. XX, p. 6.

[44] Anonyme de Saint-Denys, t. XX, p. 52.

[45] Guillaume de Chartres, p. 35 : Extraits d'un vieux lectionnaire, dans les Hist. de France, t. XXIII, p. 161, et Jean du Vignay, ibid., p. 64, 65.

[46] Guillaume de Chartres, p. 35.

[47] S. Jean, XIII, 14, 15.

[48] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 83 c.

[49] Guillaume de Chartres, t. XX, p. 35 : Quem cum pauper ille non agnosceret esse regem, petiit ab eo ex simplicitate sua ut iterum digitos pedum, ubi plures latebant immunditiæ, lavaret interius et mundaret.... Pius Rex tunc petitionem ejus clementer admittens, benigne exsecutus est humilitatis officium, insertis digitis suis inter digitos pedum ejus, et eos more solito lavans et detergens ac demum subjungens osculum catitatis. C'est l'auteur qui suppose sans doute que le vieux pauvre ne reconnaissait pas le roi.

[50] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 98.

[51] Confesseur de Marguerite, p. 94. Chaque jour au matin, dit le pieux auteur, dont je rajeunis un peu le langage, quand il avoit ouï ses messes et qu'il revenoit en sa chambre, il faisoit appeler ses malades des écrouelles et les touchoit : ceux qui avoient été hébergés la nuit d'avant en l'hostel du saint roi en certain lieu qui à ce étoit disposé et avoient reçu leurs vivres en la cour du saint roi. Il ajoute : Et comme il vint une fois par la ville de Châteauneuf sur Loire, à l'entrée de la ville, hors du château, une pauvre vieille femme qui étoit à l'huis de sa maison-celle (petite maison) et avoit du pain en sa main, dit au benoit roi ces paroles : Bon roi de ce pain qui est de ton aumône est soutenu mon mari qui gît malade. Et donc le benoît roi prit le pain en sa main et dit : C'est un pain bien dur ; et quand le saint roi sut et apprit que le malade y étoit, il entra en ladite maisonnette pour visiter le malade (ibid., p. 98-99).

[52] Confesseur de Marguerite, t. XX, p. 98.

[53] Guillaume de Chartres, p.35 ; cf. Confesseur de Marguerite, p. 101, 102, et Anonyme de Saint-Denys, p. 54. Extraits d'un vieux lectionnaire, t. XXIII, p. 163, et Jean de Vignay, ibid., p. 65, 66.

[54] Guillaume de Chartres, t. XX, p. 29 b. J'abrège un peu le texte.