JEANNE D'ARC

 

TOME SECOND

LIVRE NEUVIÈME. — ROUEN : LE SUPPLICE.

 

 

  Le mardi, 30 mai, dès le matin, frère Martin Ladvenu et frère Jean Toutmouillé vinrent, sur l'ordre de l'évêque, trouver Jeanne dans la prison pour la préparer à mourir. Jeanne, en révoquant sur tous les points son abjuration, savait à quoi elle s'exposait ; en avouant qu'elle avait cédé à la crainte de la mort, elle montrait bien qu'elle ne la craignait plus. Néanmoins, la première annonce du supplice auquel on la destinait réveilla en elle toute la sensibilité de la femme. Quand ledit Ladvenu annonça à la pauvre femme la mort dont elle devait mourir ce jour-là, qu'ainsi ses juges l'avaient ordonné et entendu, et qu'elle ouït la dure et cruelle mort qui lui étoit prochaine, elle commença à s'écrier douloureusement et piteusement, se destraire (tirer) et arracher les cheveux : Hélas ! me traite-t-on si horriblement et cruellement, qu'il faille que mon corps net en entier, qui ne fut jamais corrompu, soit aujourd'hui consumé et rendu en cendres ! Ah ! ah ! j'aimerois mieux être décapitée sept fois que d'être ainsi brûlée. Hélas ! si j'eusse été en la prison ecclésiastique à laquelle je m'étois soumise, et que j'eusse été gardée par les gens d'Église, non pas par mes ennemis et adversaires, il ne me fût pas si misérablement meschu, comme, il est. Oh ! j'en appelle devant Dieu, le grand juge, des grands torts et ingravances qu'on me fait[1].

Comme elle se plaignait ainsi, survint l'évêque. A sa vue, elle s'écria :

Évêque, je meurs par vous !

Ah ! Jeanne, dit l'évêque, prenez en patience. Vous mourez pour ce que vous n'avez tenu ce que vous nous aviez promis, et que vous Mea retournée à votre premier maléfice.

Et la pauvre Pucelle, continue le frère, lui répondit ;

Hélas ! si vous m'eussiez mise en prison de cour d'Église, et rendue entre les mains des concierges ecclésiastiques compétents et convenables, ceci ne fût pas advenu ; pour quoi j'appelle de vous devant Dieu[2].

Que venait faire le juge à la prison ? et pourquoi devançait-il le moment qu'il avait marqué à Jeanne pour comparaitre

Ce qui le ramenait auprès de Jeanne, ce n'était point cette question de l'habit. Il savait trop bien à quoi s'en tenir sur ce point. D'ailleurs, que faisait maintenant l'habit ? il avait accompli son office, puisqu'il menait Jeanne à la mort ; et la Pucelle ne le réclamait pas davantage. Elle le voulait pour être en prison ; elle ne le demandait point pour mourir. Lorsqu'au milieu de ses refus de quitter l'habit d'homme, elle avait prié ses juges de lui donner, si elle devait être menée au supplice, s'il la falloit dévestir en jugement, une chemise de femme, et que ceux-ci s'en étonnaient comme d'une contradiction, elle avait répondu : Il suffit qu'elle soit longue. Mais il y avait d'autres points de sa rétractation qui mettaient à néant tout l'effet de cette procédure. Tant d'efforts pour ruiner par sa propre parole l'autorité de sa mission, pour y montrer une illusion du diable, et retourner ainsi contre le roi de France l'impression elle avait faite en sa faveur, devaient-ils donc être perdus ? Non. Pour l'amener à l'abjuration, on lui avait laissé la vie ; pour lui reprendre la vie, on l'avait poussée à s'en dédire. Il s'agissait de la ramener à son premier désaveu, à présent que cela même ne pouvait plus lui sauver la vie[3].

Le moyen aurait été trouvé, si l'on en croit une information faite le jeudi, 7 juin, le neuvième jour après la mort de Jeanne, information qui figure à la suite du procès, écrite de la même main que le procès lui-même, mais sans signature.

D'après les témoignages produits dans cette prétendue enquête, le jour de l'exécution, Pierre Maurice, qui avait témoigné de l'intérêt pour Jeanne, et Nicolas Loyseleur, qui avait gagné sa confiance pour la trahir, étaient venus dès la première heure à la prison, sous le prétexte de l'exhorter et de la faire penser à son salut. Ils la pressèrent de dire la vérité sur ses apparitions, et notamment sur l'ange qui avait apporté au roi une couronne. Elle dit que l'ange, c'était elle, et la couronne, la promesse du couronnement qu'elle apportait au roi en s'engageant à le faire couronner. Quant à ses apparitions, elle les affirmait. Sou quelle forme lui venaient-elles ? Elle ne le déterminait pas proprement. Elles lui venaient, autant que l'a pu comprendre et que se le rappelle un des déposants (Ladvenu), en nombre très-grand et en dimensions fort petites (in magna multitudine et quantitale minima) ; un autre restreint ce mode d'apparitions à quelques cas particuliers (quandoque) ; un troisième à la multitude des anges qui l'accompagnaient. Mais elle a vu de ses yeux, elle a entendu de ses oreilles ; et comme Pierre Maurice lui faisait observer que souvent au bruit des cloches on croit entendre et comprendre certaines paroles, elle rejeta l'explication et dit qu'elle avait réellement entendu ces voix. Il y avait un fait d'ailleurs qu'on ne cherchait point à contester, et dont on voulait s'appuyer pour ébranler la confiance de Jeanne en ses voix : c'est qu'elles lui avaient promis sa délivrance, et Jeanne allait mourir. Pierre Maurice lui rappela cette parole, et il lui remontra qu'il apparaissait bien que c'étaient de. mauvais esprits, puisqu'ils l'avaient trompée. Soient bons soient mauvais esprits, dit Jeanne, ils me sont apparus. — Étaient-ils bons ou mauvais ?Je ne sais, dit-elle, je m'en attends à ma mère l'Église, ou bien encore à entre vous qui êtes gens d'Église[4].

Lorsque l'évêque arriva avec le vice-inquisiteur et plusieurs autres assesseurs, la victoire, selon ce même document, était donc déjà assurée. On a vu par la déposition de Jean Toutmouillé comment Jeanne l'accueillit. Dans la pièce que nous analysons, c'est l'évêque qui l'interpelle. Il place immédiatement la question sur le terrain où on avait bien compté la résoudre : Or çà, Jeanne, dit-il, vous nous avez toujours dit que vos voix vous disaient que vous seriez délivrée, et vous voyez comme elles vous ont déçue ; dites-nous maintenant la vérité. Jeanne répondit : Vraiment, je vois bien qu'elles m'ont déçue. Et elle ajouta même, selon un autre, que puisque les gens d'Église tenaient pour certain que ces apparitions venaient de mauvais esprits, elle croyait désormais ce que croyaient les gens d'Église, et ne voulait plus ajouter foi à ces esprits. Jeanne abjurait donc de nouveau, mais il fallait rendre l'abjuration publique. Nicolas Loyseleur se chargea de l'y préparer. Pour ôter l'erreur qu'elle avait contribué à répandre, une chose, dit-il à Jeanne, lui restait à faire : c'était de déclarer publiquement qu'elle avait été trompée et qu'elle avait trompé le peuple, et d'en demander humblement pardon. Jeanne dit qu'elle. lé ferait volontiers, mais qu'elle n'espérait pas s'en souvenir quand il le faudrait au milieu du jugement public. Elle priait donc son confesseur de le lui remettre en mémoire. — Si elle ne le fait pas, ce sera la faute du confesseur[5].

A ces déclarations, un de ceux qui étaient là joint ce récit d'une scène qui les couronne et les complète. Frère Martin venait de confesser Jeanne. Au moment de lui donner la communion, tenant dans ses mains l'hostie sacrée, il lui dit : Croyez-vous que c'est le corps du Christ ?Oui, dit-elle, c'est lui seul qui me peut délivrer, je demande qu'il me soit donné. — Croyez-vous encore en ces voix ?Je crois en Dieu seul et ne veux plus croire en ces voix, puisqu'elles m'ont trompée[6].

Voilà dans leur ensemble les témoignages dont on a voulu faire comme un procès-verbal posthume de cette scène capitale. Les visions de Jeanne sont avouées, mais elles sont déclarées mensongères et par conséquent diaboliques. Désormais Jeanne refuse d'y croire, souscrivant à tout ce que les gens d'Église voudront en décider. Le triomphe de l'évêque est donc complet ; il a regagné l'abjuration sana préjudice de la mort.

Mais quelle est la valeur de cette pièce, et pourquoi l'interrogatoire qu'elle révèle ne figure-t-il point à sa place dans la suite du procès-verbal signé des greffiers ? L'acte était-il insignifiant, ou n'avait-il point un caractère officiel ? Quelque forme qu'on lui ait donnée, il se produit avec le caractère d'une démarche juridique : les deux juges, l'évêque et le vice-inquisiteur viennent accompagnés de plusieurs assesseurs et d'un greffier, comme cela s'était fait dans les interrogatoires de la prison ; et l'on peut croire qu'ils viennent en exécution de l'avis donné dans la séance de la veille. Tous avaient opiné que Jeanne fût déclarée relapse, mais le plus grand nombre avaient demandé en outre qu'on lui donnât de nouveau lecture de la formule d'abjuration.

La visite du juge à l'accusée est donc officielle. Mais pourquoi le résultat n'a-t-il pas été mis en la forme donnée aux actes de même nature dans le reste du procès ? Et pourquoi, même sous cette forme irrégulière d'un interrogatoire, non de l'accusée, mais des assesseurs transformés en témoins, n'est-il point certifié par la signature des greffiers ? Avait-il si peu d'importance ? Nul ne le croira ; et l'évêque ne le croyait pas non plus, sans doute. Ce n'est pas sa faute si l'acte est dépourvu de cette attestation. Il voulut contraindre Manchon à le signer, bien que celui-ci n'eût point assisté à l'interrogatoire. Manchon refusa. Mais Taquet y était ; et sa signature ne se trouve pas davantage au bas de la pièce. Qu'est-ce donc que ce procès-verbal rétrospectif que le greffier présent à l'acte n'a pas signé, et pour lequel on est réduit à réclamer, sans plus de succès, la 'signature d'un greffier qui n'y était pas ? C'est un procès-verbal comme l'eût été celui du procès tout entier, si la volonté de l'évêque n'avait échoué contre l'honnêteté des greffiers, et aussi,. il le faut dire, contre le ferme esprit de Jeanne : car le procès-verbal lui était lu ; et si des omissions, des reproductions plus ou moins inexactes, des expressions équivoques étaient possibles, des suppositions purement gratuites ne l'étaient pas en face de l'accusée qui eût nié et de toute une assemblée qui l'eût entendue. Mais cette fois Jeanne était morte et on se passa des greffiers I On a donc le droit de récuser cette pièce en tant qu'elle peut invalider les résultats du procès officiel : juridiquement elle est nulle ; historiquement, suspecte. Détruire la foi en la mission de Jeanne, c'était tout l'objet du procès : si on l'avait pu faire par un acte authentique, l'évêque de Beauvais était trop habile homme pour le faire par une pièce qui se produit avec tous les signes de la clandestinité[7].

La forme seule de cette addition au procès-verbal la rend donc légitimement suspecte, et pour ce qu'elle dit et pour ce qu'elle ne dit pas. Il est certain qu'elle n'a pas tout dit sur cette suprême entrevue des juges et de leur victime, et l'on doit tenir en défiance la manière dont elle en a parlé. Mais, ces réserves faites, nous ne prétendons pas qu'elle doive passer sans 4 qu'on y regarde davantage. L'interrogatoire est constant, et il n'est pas possible qu'on ait falsifié de tout point les témoignages recueillis après coup pour en constater les résultats. Il en est dont s'est appuyé un des plus anciens apologistes de Jeanne, un des plus considérables, Théodore de Leliis ; et le savant éditeur du' procès a montré aussi ce qu'on en peut tira en sa faveur : Qu'en résulte-t-il en effet ? Qu'elle a faussement inventé ses visions ? Non. Elle explique l'allégorie par laquelle elle avait répondu sur un point qu'elle ne voulait pas, qu'elle déclarait hautement ne pas vouloir révéler, le signe du roi : la couronne, c'est cette couronne de France, dont la couronne du sacre n'était aussi qu'un emblème ; et l'ange, c'est elle-même, envoyée de Dieu au roi pour la lui faire donner. Mais quant à ses visions, elle les affirme. Elle a vu de ses yeux, elle a ouï de ses oreilles : tous les témoins sont d'accord pour constater cette solennelle déclaration. Elle le proclamait hautement, disent-ils, et le soutint jusqu'à la fin. Qu'a-t-elle vu ? en quelle forme ? Ici, au rapport des témoins, elle ne détermine rien. Mais, pour ce qu'elle a ouï, point d'équivoque : et les juges ne le contestent pas, puisqu'ils s'appuient des révélations mêmes de ses voix pour les déclarer mensongères et décider Jeanne à les renier, à ce titre, comme des inspirations du malin esprit[8].

C'est ici le triomphe des juges ; mais c'est aussi le point où l'on a surtout le droit de révoquer en doute leur document : car, nous le répétons, si les choses s'étaient passées comme il est rapporté, on aurait pris la peine, sans doute, de les constater d'une autre manière. Et pourtant, sans vouloir accepter tout ce qu'on y trouve sur cette défaillance de la foi de Jeanne en ses voix, j'hésiterais à déclarer le fait sans le moindre fondement. L'attaque des juges fut fort habile : ils ne prétendent plus accuser Jeanne elle-même de mensonge dans ce qu'elle disait de ses révélations sa conscience se serait soulevée contre une affirmation dont elle eût senti la fausseté au fond de son âme. Ils acceptent ces apparitions comme, réelles ; seulement ils les accusent d'être trompeuses. Ses voix lui ont parlé, mais elles. lui ont menti ; et ils s'appuient de ses propres déclarations, opposant la réalité à ses espérances ; à la délivrance qu'elles lui avaient prédite, la mort qui est là Jeanne a-t-elle résisté à cette épreuve, et, si elle n'est point allée jusqu'au reniement, n'a-t-elle pas été au moins jusqu'au doute ? Nous ne voulons pas l'affirmer ; mais ce qui bien plus sûrement que les affirmations du document suspect noua porterait à le croire, c'est la douleur et l'amertume de ses derniers moments. Elle est comme seule, et elle cherche des appuis parmi ceux mêmes qui lui ont ravi ses conseils :

Maître Pierre, dit-elle à P. Maurice, où serai-je ce soir ?

N'avez-vous pas bonne espérance en Dieu ? dit le docteur.

Oh ! oui ; et par la grâce de Dieu je serai en paradis.

Laissée seule avec M. Ladvenu, elle se confessa et demanda la communion. Mais pouvait-il donner la communion à une femme qui allait être publiquement excommuniée ? Le cas méritait d'être soumis à l'évêque. Ladvenu envoya l'huissier Massieu lui dire que Jeanne s'était confessée, et qu'elle demandait à recevoir l'Eucharistie. L'évêque en conféra avec plusieurs ; après quoi il répondit à Massieu : Allez dire au frère Martin de lui donner l'Eucharistie et tout ce qu'elle demandera[9].

L'Eucharistie lui fut apportée sans aucun appareil, sur la patène simplement recouverte du linge du calice, sans lumière, sans escorte, sans surplis, sans étole. Frère Martin en fut scandalisé ; il envoya chercher une étole et de la lumière ; mais ce qui suppléait à l'absence de toute cérémonie, c'était la vive piété de Jeanne, qui reçut son Sauveur avec une telle dévotion et une si grande abondance de larmes, que le frère renonce à le décrire[10].

Vers neuf heures, Jeanne, qui avait repris l'habit de femme, sortit de prison pour se rendre à la place du Vieux-Marché. Elle allait au jugement, mais c'était à la mort, et tout l'annonçait dans l'appareil dont -elle était environnée. Sa sentence était d'avance écrite sur son front : elle était coiffée d'une mitre où on lisait ces mots : hérétique, relapse, apostate, idolâtre. Sept à huit cents hommes marchaient autour d'elle portant glaives et bâtons, tellement qu'il n'y avoit homme qui fût assez hardi de parler à elle, excepté frère Martin Ladvenu et maître Jean Massieu (le confesseur et l'huissier). Jeanne ne cherchait point à contenir sa douleur. Elle pleurait,... larmes respectables, qui ne trahissaient pas la sainteté de sa cause : en montrant en elle la faiblesse de la femme, elles témoignaient d'où lui était venue la force qui l'avait. guidée dans sa mission. Elle pleurait, se recommandant à Dieu et aux saints ; et tout le peuple qui l'entendait pleurait avec elle. Nicolas Loyseleur lui-même ne put tenir à ce spectacle ; c'était en lui que Jeanne s'était fiée le plus, l'accueillant comme un compatriote, l'écoutant comme un conseiller, le suivant comme un directeur ; et on a vu comment, jusqu'à la fin, il avait trompé sa confiance. Lorsqu'il vit qu'on la menait mourir, il sentit le remords, et se précipita vers la charrette pour lui demander pardon ; mais les Anglais le repoussèrent avec menaces, l'appelant traître parce qu'il ne l'était plus. Ils l'auraient tué sans le comte de Warwick ; et le comte lui déclara qu'il ne répondait pas de sa vie s'il ne quittait Rouen au plus tôt[11].

Trois échafauds avaient été dressés sur la place du Vieux-Marché : l'un pour les juges, l'autre pour plusieurs prélats et de hauts personnages, le troisième en maçonnerie pour Jeanne, avec ces mots inscrits sur un tableau placé devant : Jehanne qui s'est fait nommer la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse du peuple, divineresse, superstitieuse, blasphémeresse de Dieu, présumptueuse, malcréant de la foy de Jésus-Christ, vanteresse, idolâtre, cruelle, dissolue, invocateresse de diables, apostate, schismatique, hérétique. Au-dessus s'élevait le bûcher. En attendant qu'on l'y menât, elle fut placée sur une des estrades, où, à la vue d'un peuple immense, elle dut entendre d'abord le sermon d'un savant docteur en théologie, l'un des assesseurs, maître Nicole Midi. Il prêcha sur ce texte de saint Paul aux Corinthiens : Si un membre souffre, tous les membres souffrent, et sa conclusion était que, pour préserver les autres membres de la maladie, il fallait retrancher le membre malade.

Jeanne, disait-il en finissant, va en paix, l'Église ne peut plus te défendre ; elle te livre au bras séculier[12].

Jeanne l'écouta en silence, et elle dut écouter encore lès exhortations de l'évêque, qui l'engageait à pourvoir au salut de son âme, à penser à tous ses méfaits et à en faire pénitence, à suivre les conseils des clercs, et notamment des deux frères prêcheurs qu'il lui avait donnés pour l'assister. Il aurait dû, suivant l'avis presque unanime des assesseurs, lui relire sa formule d'abjuration, d'autant plus qu'il se vantait phis tard die l'y avoir ramenée. Mais il aurait pu s'attirer de sa part un démenti public, une déclaration solennelle qu'elle n'avait jamais avoué ces infamies ; et, en démasquant cette fraude, Jeanne aurait, du même coup, rendu impossible la nouvelle imposture que l'information apocryphe eut pour objet d'accréditer. Il n'en fit donc rien ; et, sans invoquer ses anciens désaveux, sans eu provoquer de nouveaux, considérant qu'elle ne s'était jamais détachée de ses erreurs, qu'elle s'était rendue plus coupable encore dans sa malice diabolique en simulant la pénitence sans craindre de parjurer le nom de Dieu et de blasphémer son ineffable majesté ; la tenant pour obstinée, incorrigible, hérétique et relapse, il prononça la sentence[13].

Après avoir invoqué le nom du Seigneur et rappelé ses erreurs, son abjuration, sa réconciliation, sa rechute avouée, comme d'un chien qui retourne à son vomissement, il la déclarait hérétique et relapse, et à ce titre, excommuniée (elle venait de communier avec sa permission) ; il la retranchait du corps de l'Église comme un membre pourri, de peur que l'infection ne gagnât les autres membres, et il la livrait an bras séculier, priant la puissance séculière de modérer sa sentence, et de lui épargner la mutilation des membres et la mort. — En face de lui s'élevait le bûcher[14].

Jeanne s'agenouilla et redoubla ses dévotes lamentations et ses prières. C'est son âme pieuse, charitable et dévouée, qui s'épanche tout entière en ces derniers moments. Frappée par ses ennemis, elle reporta sa pensée sur son roi qui la laissait mourir ; et ce fut pour le défendre encore contre les atteintes de la condamnation que l'on faisait peser sur elle. Elle protesta que jamais il ne l'avait induite à faire ce qu'elle avait fait soit en bien soit en mal : établissant sa propre innocence, tout en ne songeant qu'à mettre hors de doute la sincérité du roi. En même temps, elle s'adressait à tous, de quelque condition qu'ils fussent, tant de son parti que de l'autre, demandant humblement pardon, requérant qu'on voulût bien prier pour elle, conjurant en particulier les prêtres qui étaient là de lui faire chacun l'aumône d'une messe, et pardonnant à tout le monde le mal qu'on lui avait fait. Les juges, les Anglais eux-mêmes étaient émus ; il n'y avait point de cœur si d'Ir qui ne fût touché aux larmes[15].

Délaissée de l'Église, de l'Église de ses ennemis, déclarée apostats, idolâtre, elle s'était tournée vers le signe du salut, voulant mourir avec l'image du Rédempteur. Elle avait donc prié Massieu de lui procurer une croix ; un Anglais qui était là lui en fit une d'un bâton. Elle la prit de sa main, la baisa et la mit dévotement dans son sein. En même temps qu'elle portait la croix sur sa poitrine, elle voulait l'avoir devant les yeux. Elle pria le frère Isambard de La Pierre d'aller lui chercher celle de l'église voisine, pour la tenir, disait-elle, élevée tout droit devant ses yeux jusques au pas de la mort, afin que la croix où Dieu pendit fût, dans sa vie, continuellement devant sa vue ; et quand il l'apporta, elle la couvrit de ses baisers et de ses larmes, invoquant Dieu, saint Michel, sainte Catherine et tous les saints, et témoignant de sa foi comme de sa piété[16].

Cependant, parmi les Anglais, beaucoup trouvaient que la scène durait trop longtemps. Jeanne était délaissée de l'Église : quels droits l'Église avait-elle encore sur elle ? Tous ces discours étaient hors de saison, et comme Massieu paraissait exhorter Jeanne, qu'il avait encore en sa garde, plusieurs capitaines lui crièrent : Comment, prêtre, nous ferez-vous dîner ici ? Deux sergents l'allèrent prendre sur son estrade et, pour racheter les retards de ce long procès, le juge ne se donna pas même le temps de prononcer la sentence. Dès que Jeanne fut devant lui : Menez, menez, dit-il aux gardes ; et au bourreau : Fais ton devoir[17].

Si les juges ecclésiastiques avaient laissé durer la scène si longtemps dans l'espérance d'une abjuration, leur attente fut bien trompée, et le confesseur qui la devait rappeler à Jeanne, remplit bien mal son office. Jeanne ne fit entendre aucune parole qui impliquât révocation de ses dits ou de ses faits. Si elle douta, le doute resta au fond de son cœur, ou ne se trahit que par son trouble et par ses larmes. Elle pleurait sur elle ; elle pleurait aussi sur les autres. Rouen, Rouen, disait-elle, mourrai-je ici, seras-tu ma maison ? Ah ! Rouen, j'ai grand'peur que tu n'aies à souffrir de ma mort. Et le peuple pleurait avec elle ; et plusieurs, détestant cette œuvre d'iniquité, s'affligeaient de voir qu'elle eût lieu dans Rouen. Quelques Anglais affectaient bien de rire ; mais même les auteurs de l'attentat étaient touchés de ce spectacle. Le cardinal de Winchester pleurait ; l'évêque de Beauvais pleurait : larmes stériles qui n'empêchaient pas que leur crime s'accomplit[18].

Le supplice se prolongea : le bûcher, on se le rappelle, avait été construit sur tin échafaud pour être à la vue du plus grand nombre ; et le bourreau mit le feu par le bas. Quand la flamme monta et que Jeanne l'aperçut, elle congédia elle-même son confesseur ; elle le pressa de descendre, lui demandant, pour dernier service, de tenir devant elle la croix bien haut, afin qu'elle la pût voir. Il la quitta ; mais déjà elle n'était plus seule. Les saintes qu'elle invoquait encore, même quand on travaillait, quand on réussit peut-être à la faire douter de leurs apparitions, ne prolongèrent pas plus longtemps cette dure épreuve. On l'avait ébranlée, en lui alléguant, devant sa mort prochaine, la délivrance dont elle avait reçu d'elles la promesse. Elle se rappela cette autre parole qu'elle avait aussi rapportée à ses juges : Prends tout en gré ; ne te chaille de ton martyre ; tu t'en viendras au royaume de Paradis. Elle ne l'avait pas comprise alors, entendant humblement son martyre des peines de sa prison ; elle la comprit à la lueur des flammes, et elle entendit en même temps la délivrance qui lui était promise. Dès ce moment la mort même rentrait dans l'ordre de sa mission : elle l'accepta comme elle avait accepté tout le reste. Sur le bûcher, comme dans la prison, devant la mort, comme devant ses juges, elle maintint et affirma jusqu'à la fin que ses voix étaient de Dieu ; que tout ce qu'elle avait fait, elle l'avait fait du commandement de Dieu ; qu'elle ne croyait pas avoir été trompée par ses voix, et que les révélations qu'elle avait eues étaient de Dieu. C'est le témoignage du courageux confesseur, qui ne la quitta qu'à l'approche du feu, et ne la quitta que pour tenir devant elle la croix, image du Rédempteur, divin modèle de soi martyre. Au milieu des flammes qui l'enveloppaient, elle ne cessa de confesser à haute voix le saint nom de Jésus et d'invoquer les saints et les saintes ; une dernière fois on l'entendit encore prononcer le nom de Jésus, puis elle baissa la tête, elle achevait sa prière dans le ciel[19].

 

 

 



[1] T. II, p. 3-4.

[2] T. II, p. 3-4 ; cf. p. 8 (M. Ladvenu), et t. III, p. 169 (id.) : Quod sibi promiserat quod eam poneret in manibus Ecclesiæ, et ipse eam dimiserat in manibus suorum inimicorum capitalium.

[3] La chemise de femme : t. I, p. 177.

[4] Information posthume : t. I, p. 477 et suiv. — Les pièces qui suivent sont écrites de la même main que le reste des procédures ; mais elles cessent d'être revêtues de la signature qui auparavant se trouve apposée au bas de chaque feuillet du manuscrit. On verra par les interrogatoires du second procès que les greffiers se sont refusés à les valider de leur attestation. Voy. t. I, p. 477, note. — La couronne : Quod nihil aliud fuit, nisi promissio coronationis illius quem dicit regem suum, p.484 (Loyseleur) ; quod ipsamet erat angelus, p.480 (P. Maurice) ; cf. p. 481 (Toutmouillé). — Les apparitions : t. I, p. 479 (Ladvenu) : Saltem quod audiret loquens.... prout melius recolit. — Interrogata de corona quam sibi promittebat, et de multitudine angelorum qui associabant eam, etc. ; respondit quod sic, et apparebant sibi sub specie quarumdam rerum minimarum. T. I, p. 480 (P. Maurice). — Quandoque cum magna multitudine et in minima quantitate, sive in minimis rebus ; alias figuram aut speciem non declarando, p. 481 (Toutmouillé). — Quod ipsa viderat et audierat propriis oculis et auribus voces et apparitiones de quibus fit mentie in processu. T. I, p. 498 (N. de Venderez). — Quod realiter audiebat voces.... quamvis sibi fuisset protunc dictum per dictum magistrum Petrum quod aliquando homines audiendo pulsum campanarum, credebant audire et intelligere aliqua verba, p. 481 (Toutmouillé) ; utrum illis apparitio erat realis : respondebat quod sic : Soient bons, soient mauvais esperilz, ils me sont apparus, p. 4180 (P. Maurice). — Je ne sçay, je m'en actans à ma mère l'Église, et p. 182 (J. Toutmouillé), cf. p. 480. (P. Maurice), et p. 184 (N. Loyseleur).

[5] Interpellation de l'évêque : t. I, p. 481 (J. Toutmouillé), cf. p. 483 (Th. de Courcelles) ; p. 479 (M. Ladvenu) ; p. 482 (Lecamus). — Loyseleur : p. 485 (Loyseleur).

[6] T. I, p. 483 (Jac. Lecamus).

[7] Refus de Manchon : Néantmoins monseigneur de Beauvais le voulut contraindre à se signer, laquelle chose ne volut faire. T. II, p. 14. — Sur la fausseté du document, voy. L'Averdy, Notice des manuscrits, t. III. M. J. Quicherat a fort bien constaté aussi les irrégularités de cette pièce. Mais nous ne l'avons pu suivre, lorsqu'après avoir relevé le peu d'attention que les juges de la réhabilitation y ont donnée, il ajoute : Sans conclure à rien, il me semble impossible de condamner l'évêque de Beauvais sur un point où l'ont absous implicitement les juges de sa mémoire. Aperçus nouveaux, p. 144.

[8] Th. de Leliis, sur le signe du roi : Reperiemus mystice et in figura sic locutam fuisse : quod in fine declaravit aperte. T. II, p. 36. — Affirmation de ses visions : Utrum verum erat quod ipsas voces et apparitiones habuisset ; et ipsa respondebat quod sic. Et in illo proposito continuatit usque ad finem, etc. T. I, p. 478 (Ladvenu) ; cf. t. I, p. 477 (N. de Venderez) ; p. 482 (Lecamus), et les autres textes cités plus haut.

[9] Enquête posthume : Plusieurs des faits qu'on y rapporte ont un caractère fort suspect : la scène de la communion par exemple. Elle est racontée, non par Ladvenu qui l'administra à Jeanne, mais par Lecamus qui n'était pas présent : car il n'assista point à la confession de Jeanne, sans doute ; et il n'est point revenu après : le document qui reproduit les témoignages de Ladvenu aurait pu, sur ce point-là, mieux choisir son témoin. Relevons encore cette promesse d'abjuration publique faite à. Loyseleur, et cette crainte de ne s'en point souvenir sur le lieu du supplice ; combinaison ingénieuse, imaginée pour tenir lieu d'une abjuration qu'elle ne fit pas. — Jeanne et P. Maurice : t. III, p. 191 (J. Riquier). — Doutes de Jeanne : M. Michelet, sans tenir compte de l'information posthume qu'il juge fausse, reporte ces doutes au moment du supplice. Nous n'en pouvons trop croire là-dessus, dit-il, le témoignage intéressé des Anglais. Toutefois, il faudrait peu connaître la nature humaine pour douter qu'ainsi trompée dans son espoir elle ait vacillé dans sa foi. A-t-elle dit le mot, c'est chose incertaine ; j'affirme qu'elle l'a pensé. Hist. de France, t. V, p. 172 ; cf. M. J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 140 : Malgré la tournure visiblement malveillante donnée aux paroles de Jeanne, il s'en faut qu'elles aient une portée fâcheuse contre son caractère. Elles prouvent au contraire qu'en face de la mort, la pauvre fille soutint plus fermement que jamais le fait de ses apparitions. Mais humiliée devant ses juges par l'espoir d'obtenir d'eux la communion, obsédée de leurs raisonnements, ne sachant elle-même comment accorder un espoir de délivrance où l'avaient entretenue ses voix, avec la nécessité de mourir, dressée inévitablement devant elle, elle admit un moment que son sublime instinct avait pu la tromper. — Les deux auteurs montrent, par les faits qui suivent ; que ce doute se dissipa bientôt en face même de la mort.

[10] Communion : Qui episcopus aliquos super hoc congregavit ; ex quorum deliberatione ipse episcopus eidem loquenti dixit quod diceret fratri Martino quod sibi traderet Eucharistiæ sacramentum et omnia quæcumque peteret. T. III, p. 158 (Massieu). — La suite des faits veut qu'on place la communion après la visite de l'évêque, selon l'information posthume qu'on peut croire sur ce fait indifférent (t. I, p. 482), et non auparavant, comme le dit Taquel (t. II, p. 320). Ce sont les deux religieux J. Toutmouillé et M. Ladvenu qui vinrent, dès le matin, annoncer à Jeanne qu'elle devait mourir (t. II, p. 3), et c'est pendant les plaintes de Jeanne que survient l'évêque (ibid., p. 4). Il n'y a point de place pour la communion entre l'arrivée des deux religieux et la scène reproduite par l'information posthume, dont la venue de l'évêque marque le commencement. A sept heures du matin, Massieu vient donner l'assignation à comparaître pour huit heures (t. I, p. 469). Ladvenu l'envoie demander à l'évêque la permission de donner à Jeanne la communion (t. III, p. 158, Massieu) ; elle communie devant qu'elle partiat du chasteau (t. II, p. 19, Massieu) ; vers neuf heures, la scène du Vieux-Marché commence (t. I, p. 469).

[11] Mitre : t. IV, p. 459 (Clém. de Fauquemberque). — Dans les usages de l'inquisition, l'accusé était revêtu des marques de la condamnation, en se rendant au tribunal qui devait prononcer la sentence. Voy. Llorente, Hist. de l'Inquisition, IX, 14. — Escorte : Et y avoit le nombre de sept à huit cents hommes de guerre autour d'elle, portant glaives et bastons, etc. T. II, p. 14 (Manchon). Témoignage confirmé par Massieu qui dit huit cents hommes (ibid., p. 19). N. de Houppeville ne parle que de cent vingt hommes (t. III, p. 173). — Lamentations : In quo itinere ipsa Johanna tam pias lamentationes faciebat, ut ipse loquens et frater Martinus a lacrimis continere non poterant.... Audientes ad lacrimas provocabat. T. III, p. 159 (Massieu) ; cf. t. II, p.320 (Taquet) ; t. II, p.173 (N. de Houppeville). — N. Loyseleur : Dum ipse Loyseleur vidit eamdem Johannam condemnatam ad mottem, fuit compunctus corde, et ascendit quadrigana, volens eidem Johannæ clamera veniate, et ex hoc fuerunt indignati multi Anglici existentes ibidem, ita quod, nisi fuisset comes de Warwick, ipse Loyseleur fuisset interfectus, etc. T. III, p. 162 (G. Colles). — Increpaverunt eumdem Loyseleur, minando sibi et vocando eum proditorem, etc. T. II, p. 320 (Taquel).

[12] Les trois échafauds : Et orant ibi ires ambonea seu escharfaulx gallice, videlicet unes ubi erant judices, et alitas ubi erant places prælati, et anus obi erant ligna patata ad tomburendum eamdem Johannam. T. III, p. 55 (l'év. de Noyon). — Et coram nobis, in conspectu populi, in magnant ultitudine tunc in eodem loto existante, supra scafaldum sen ambonem posita, etc. T. I, p. 469-470. De ce que Jeanne fut placée devant les juges, M. Lebrun des Charmettes conclut qu'elle fut placée ou sur l'estrade des prélats ou sur une quatrième estrade qui n'est pas nommée, t. IV, p. 190. — L'inscription du bûcher : t. IV, p. 459 (Clém. de Fauquemberque). La prédication publique : ibid. ; cf., T. III, p. 159 (Massieu).

[13] Exhortation : t. I, p. 470. — Sur l'omission de la lecture de la formule d'abjuration, voy. L'Averdy, Notice des man., t. III, p. 455.

[14] Sentence : In nomine Domini, Amen. Quotiens hæresis pestifernm virus uni membrorum Ecclesiæ pertinaciter inhæret, atque ipsum in membrum Satanæ transfigurat, diligenti studio curandum est, ne per reliques partes mystici corporis Christi serpere possit hujus perniciosæ tabis nefanda contagio. Cum itaque nos.... te, Johannam, vulgariter dictam la Pucelle, in varios errores variaque crimina schismatis, idolatriæ, invocationis dæmonum et alia permulta, incidisse justo judicio declaraverimus ; et nihilominus.... nos existimantes te.... ab hujuscemodi erroribus et criminibus recessisse.... prout in schedula tua, propria manu subscripta, latius continetur ; deinceps vero post hujuscemodi tuorum errorum abjurationem..., te in eosdem errores et in præfata crimina, ex tuis confessionibus spontaneis et assertionibusiterum (proh dolor !) incidisse, velut canis ad vomitum reverti solet, sufficienter et manifeste constat.... HINC EST quod te... relapse et hæreticam decernimus, et.... tanquam membrum putridum, ne cætera membre pariter inficias, ab ipsius Ecclesiæ unitate rejiciendam et ejus corpore abscidendam.... necnon potestati sæculari relinquendam... rogantes eamdem potestatem sæcularem, quatenus citra mortem et membrorum mutilationem circa te suum judicium moderetur ; et si in te vera pœnitentiæ signa apparuerint, tibi ministretur pœnitentiæ sacramentum. T. I, p. 471-473.

[15] Jeanne après la sentence : Quibus auditis ipsa Johanna, genibus flexis, fecit suas orationes ad Deum multum devotissimas. — Souvenir au roi : Post cujus sententiæ prolationem incœpit facere plures pias exclamationes et lamentationes, et inter alia dicebat quod nunquam fuerat inducta per regem ad faciendum ea quæ faciebat, sive bene, sive male. T. III, p. 56 (l'év. de Noyon). — Prière aux assistants : Requérant.... mercy très-humblement.... qu'ils voulsissent prier pour elle, en leur pardonnant le mal qu'ils lui avoient fait. T. II, p. 19 (Massieu). — Requête aux prêtres : Ut unusquisque eorum daret unam missam. T. II, p. 369 et t. III, p. 177 (J. Fabri).

[16] La croix : Et quant elle fut délaissée par l'Église, à grande dévocion demanda à avoir la croix ; et ce voyant un Anglois qui estoit là présent en feit une petite du bout d'un baston qu'il lui bailla.... et mit icelle croix en son sein entre sa chair et son vestement. Et oultre demanda humblement à cellui qui parle qu'il lui feist avoir la croix de l'Église, etc. T. II, p. 20 (Massieu) ; cf. t. III, p. 159 (id.), et t. II, p. 6 (Is. de La Pierre, que nous suivons dans la 2e partie).

[17] Point de sentence : t. II, p. 20 (Massieu). Fuit ducta ad Ballivum ibi præsentem, qui abaque alia deliberatione aut sententia, faciens signum cum manu, dixit : Ducatis, ducatis. Et sic fuit ducta ad locum supplicii, ubi fuit cremata. T. II, p. 344 (Manchon) ; cf. t. III, p. 150 (id.). — En disant au bourreau, sans autre sentence : Fais ton devoir. T. II, p. 6 (Is. de La Pierre). Ce mot même est rapporté par Massieu aux Anglais qui entraînaient Jeanne, ibid., p. 20, cf. p. 8 (Ladvenu). Le suppléant du bailli, qui était là, le dit comme les autres : Et ibi erat cum baillivo, quia tunc ipse loquens erat locumtenens baillivi ; et fuit lata quiedam sententia per quam ipsa Johanna relinquebatur justitiæ sæculari. Post cujus sententiæ prolationem, illico et sine intervallo, ipsa posita in manibus baillivi, tortor sine plure, et absque eo quod per baillivum aut loquentem, ad quos spectabat ferre sententiam, aligna ferretur sententia, accepit eamdem Johannam. T. III, p. 187 (L. Guesdon).

[18] Plaintes sur Rouen : t. II, p. 355, et t.. III, p. 185 (Marguerie) ; t. III, p. 202 (P. Daron) ; p. 53 (G. de la Chambre). Le peuple de Rouen et des environs assistait en foule au supplice, Th. Basin, Hist. de Ch. VII, liv. II, ch. XVI. — Et movebantur plures ad lacrimas ; erantque multi male contenti quod exsecutio fiebat in villa Rothomagensi. T. III, p. 202 (Daron). — Aliqui autem Anglici ridebant. T. III, p. 53 (G. de la Chambre) ; — .... tellement que le cardinal d'Angleterre et plusieurs autres Anglois furent contraincts plourer et en avoir compacion. T. II, p. 6 (Is. de La Pierre). Episcopus Belvacensis.... ea occasione flevit. Ibid., p. 352 (id.). Plusieurs ne purent demeurer jusque-là : l'évêque de Noyon par exemple, t. III, p. 56 ; et Jean Lefebvre, t. II, p. 369, etc.

[19] Le bûcher : Et per inferius ipso tortor posuit ignem. Et dum ipsa Johanna percepit ignem, ipsa dixit loquenti quod descenderet et quod levaret crucem domini alte, ut eam videre posset : quod et fecit. T. III, p. 169 (M. Ladvenu). — In quo igne audivit quod petivit aquam benedictam. T. III,.p. 194 (J. Moreau). Cum ligaretur, implorabat seu invocabat ipsa. Johanna sanctum Michaelem specialiter. T. II, p. 324 (P. Bouchier). — En nommant expressément plusieurs d'iceulx saincts. Ibid., p. 19 (Massieu). — Dernier témoignage de Jeanne : Quod semper usque ad finem vitæ suæ manutenuit et asseruit quod voces quas habuerat erant a Deo, et quod quidquid fecerat, ex præcepto Dei fecerat, nec credebat per easdem voces fuisse deceptam ; et quod revelationes quas habuerat, ex Deo erant. T. III, p. 170 (M. Ladvenu) ; cf. sur ses derniers moments, t. II, p. 9 (id.) ; p. 6-7 et 303 (Is. de La Pierre) ; p. 15 (Massieu). Isambard et Martin Ladvenu sont des témoins que l'on fait figurer dans l'information posthume : on chercherait vainement dans leurs dépositions postérieures la moindre trace du reniement de la prison. Du reste, quels qu'aient pu être les doutes de Jeanne alors, l'approche de la mort, loin de les accroître, les dissipa. Lebrun des Charmettes l'a fort bien vu, t. IV, p. 222, et M. Michelet l'a de même très-heureusement senti et exprimé, t. V, p.174 ; cf. M. J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 141.