JEANNE D'ARC

 

TOME SECOND

LIVRE HUITIÈME. — ROUEN : L'ABJURATION.

 

 

  Les juges pouvaient maintenant condamner Jeanne ; mais tant qu'elle demeurait ferme dans ses affirmations, l'impression qu'elle avait faite dans les esprits restait entière, et le jugement, en quelque nom qu'on le prononçât, était révocable au tribunal de l'opinion publique. Il fallait donc obtenir qu'elle se condamnât elle-même, qu'elle abjurât. On tenta un dernier effort pour ébranler la jeune fille. Ni la prison, ni le secret des interrogatoires privés, ni la solennité des séances générales n'avaient pu l'émouvoir on voulut mettre en œuvre l'impression de la foule ramassée sur la place publique, et la vue du bourreau.

Au jour fixé par l'évêque, le jeudi après la Pentecôte, 24 mai, deux échafauds furent dressés dans le cimetière de l'abbaye de Saint-Ouen. Sur l'un siégeait l'évêque, et avec lui le cardinal de Winchester, oncle du roi, et une nombreuse assistance d'abbés, de prêtres et de docteurs ; l'autre attendait Jeanne[1].

Avant de l'y conduire, on n'avait rien négligé qui pût servir à la fin proposée. Dès le matin, Jean Beau-père, le plus habile et le plus considérable des docteurs, le bras droit de l'évêque, l'était venu trouver à la prison pour lui annoncer la cérémonie préparée. Il lui dit, que, si elle était bonne chrétienne, elle déclarerait s'en remettre sur toutes choses en l'ordonnance de notre sainte mère l'Église : et, de quelque manière qu'il lui ait présenté la chose, il prétendit, au jugement de réhabilitation, qu'elle promit de le faire. N. Loiseleur vint ensuite : il lui avait été donné à titre de conseil ; et sur le lieu même de la cérémonie, comme on avait placé Jeanne au seuil d'une petite porte, avant de la faire monter sur l'échafaud, il était près d'elle, l'exhortant de toute sa force à faire ce qu'on lui demanderait, et l'assurant qu'il ne lui arriverait rien de mal, qu'elle serait remise à l'Église. C'est ainsi préparée qu'elle arriva sur l'échafaud, où un prédicateur de grand renom, G. Érard, devait porter le dernier coup[2].

Si l'on en croit le serviteur d'Érard, Jean de Lenosoliis, qu'on entendit au procès de réhabilitation, le prédicateur n'accepta pas volontiers cette tâche : il disait qu'elle lui déplaisait fort et qu'il aimerait mieux être en Flandre ; mais il s'en acquitta avec un zèle qui n'eût point laissé aux Anglais même le moindre soupçon de son mauvais vouloir[3].

Il prêcha sur ce texte de saint Jean : La branche ne peut porter de fruit elle-même ; si elle ne demeure sur la vigne ; et il exposa avec ampleur comment tous les catholiques doivent demeurer sur la vraie vigne de notre sainte mère l'Église, que la main de Jésus-Christ a plantée : montrant que Jeanne, par ses erreurs et par ses crimes, s'était séparée de l'unité de l'Église, et avait, de mille sortes, scandalisé le peuple chrétien.

Au milieu de cette longue diatribe, qui se résumait en ces mots : sorcière, hérétique, schismatique, le prédicateur, entraîné par son ardeur :

Ô France ! s'écria-t-il, tu es bien abusée ! Tu as toujours été la chambre (maison) très-chrétienne ; et Charles qui se dit roi, et de toi gouverneur, s'est adhéré comme hérétique et schismatique (tel est-il) aux paroles et aux faits d'une femme inutile, diffamée et de tout déshonneur pleine ; et non pas lui seulement, mais tout le clergé de son obéissance et seigneurie, par lequel elle a été examinée et non reprise, comme elle a dit.

Puis, se tournant vers Jeanne, et, pour donner plus de force à l'apostrophe, l'interpellant de la main :

C'est à toi, Jeanne, à qui je parle, et te dis que ton roi est hérétique et schismatique.

Jeanne avait accepté toutes ces injures pour elle ; mais, entendant qu'elles montaient jusqu'au roi :

Par ma foi ! sire, dit-elle, révérence gardée, je vous ose bien dire et jurer, sur peine de ma vie, que c'est le plus noble chrétien de tous les chrétiens, et qui mieux aime la foi et l'Église.

Fais-la taire, dit à l'huissier le prédicateur, mal content de son interpellation.

Il reprit son discours, et à la fin, s'adressant à elle sur un ton plus adouci :

Voici, dit-il, messeigneurs les juges qui, plusieurs fois, vous ont sommée et requise de soumettre tous vos faits et dits à notre sainte mère l'Église, vous montrant qu'en vos dits et faits étaient plusieurs choses lesquelles, comme il semblait aux clercs, n'étaient bonnes à dire et à soutenir.

Il s'attendait sans doute au dénouement dont l'avait pu flatter Jean Beaupère. Jeanne dit :

Je vous répondrai.

Et, vraiment inspirée :

Quant à la soumission à l'Église, je leur ai répondu. Je leur ai dit en ce point, que toutes les choses que j'ai faites ou que j'ai dites, soient envoyées à Rome, devers notre Saint-Père le Pape, auquel, et à Dieu premier, je me rapporte ; et, quant aux dits et faits que j'ai faits, je les ai faits de par Dieu.

Elle ajouta que de ses faits et dits, elle ne chargeait personne, ni son roi, ni aucun autre, et que s'il y avait quelque faute, c'est à elle et non à un autre qu'il le fallait rapporter.

On lui demanda si elle ne voulait pas révoquer ceux de ses faits ou de ses dits qui étaient réprouvés par les clercs. Elle répondit :

Je m'en rapporte à Dieu et à notre Saint-Père le Pape[4].

Cette scène où les juges avaient cherché la glorification publique de leur procès allait tourner à leur confusion. Comment accuser de ne point se soumettre à l'Église celle qui s'en rapportait au Pape ? Ne pouvait-on pas, avec bien plus de raison, accuser de mépris pour l'autorité de l'Église ceux qui ne tenaient aucun compte de cet appel fait à son chef ? Les juges embarrassés représentèrent qu'on ne pouvait pas aller quérir notre Saint-Père si loin ; que les ordinaires étaient juges chacun dans leur diocèse ; qu'il fallait qu'elle s'en rapportât à notre sainte mère l'Église ainsi entendue, et qu'elle tînt ce que les clercs et les gens en ce se connaissant en disaient et avaient déterminé de ses dits et de ses faits[5].

Tous les voiles tombaient donc : l'Église, c'étaient ses juges ; c'est à l'ennemi qu'elle avait eu mission de combattre et de chasser de France que l'on voulait qu'elle s'en remît, sous peine de schisme et d'hérésie, de la vérité de sa mission. Il fallait bien conclure. Érard prit la cédule où étaient énumérées les diverses choses dont on l'accusait, et la somma de les abjurer. Mais qu'était-ce qu'abjurer ? Elle n'en savait rien, ni surtout combien ce qu'on lui présentait comme moyen de salut offrait de périls.... Elle demanda donc ce que cela voulait dire, et l'huissier Massieu, chargé par Érard de le lui expliquer, en profita pour lui dire à quoi elle s'exposait si elle revenait jamais sur le désaveu qu'on aurait obtenu d'elle. Elle suivit son conseil et dit à haute voix :

Je m'en rapporte à l'Église universelle si je les dois abjurer ou non.

Tu les abjureras présentement ou tu seras arse aujourd'hui même, s'écria Érard furieux.

N. Loyseleur, qui ne l'avait point quittée, lui répétait : Faites ce que je vous ai dit ; reprenez l'habit de femme. Tout le monde la pressait : Faites ce qui vous est conseillé. Voulez-vous vous faire mourir ? Et les juges eux-mêmes prenaient le langage de la compassion : Jeanne, nous avons tant pitié de vous ! Il faut que vous retranchiez ce que vous avez dit ou que nous vous livrions à la justice séculière. Jeanne protestait toujours qu'elle n'avait rien fait de mal, qu'elle croyait aux douze articles de foi et aux commandements de Dieu, disant de plus qu'elle s'en référait à la cour de Rome et croyait ce que la cour croyait. Et comme on insistait : Vous vous donnez bien du mal pour me séduire, ajoutait-elle[6].

Cependant l'évêque, ayant par trois fois inutilement renouvelé ses sommations, commença à lire la sentence. L'heure était redoutable : et qui s'étonnera qu'une pauvre fille y succombe ? Épuisée par la lutte et comme étourdie par ces voix de toutes sortes, conseils, menaces, prières, elle tombe tout à coup dans ce silence imposant où il semble que tout le monde l'abandonne devant le juge qui la condamne et le bourreau qui l'attend. Elle cède ; elle dit : Je me soumets à l'Église ; et elle priait encore saint Michel de l'aider et de la conseiller. On se bâta de prendre acte de sa soumission en forme authentique. Ce long débat, et plus encore la lutte intérieure qu'elle avait dû subir, avaient brisé tout ressort en elle. L'huissier Massieu lui lisait la formule, et elle la redisait après lui comme sans savoir ce que-cela voulait dire ; elle souriait en répétant les mots, si bien que plusieurs croyaient qu'elle se moquait[7].

La formule d'abjuration, telle qu'elle est au procès, donnait pleine satisfaction aux juges. Jeanne contresignait les douze articles et les plus violentes qualifications de l'accusateur. Elle confessait qu'elle avait très-grièvement péché en feignant mensongèrement avoir eu des révélations et apparitions de par Dieu, en séduisant les autres, en faisant superstitieuses divinations, en blasphémant Dieu et ses saints ; qu'elle avait transgressé la loi divine, la sainte Écriture et les canons en portant habit dissolu, difforme et déshonnête contre la décence de nature, et cheveux rognés en rond en guise d'homme contre toute honnêteté du sexe de femme ; en portant les armes, en désirant crueusement (cruellement) effusion de sang humain ; en disant qu'elle avait fait tout cela par commandement de Dieu, et qu'elle avait bien fait ; en méprisant Dieu et ses sacrements ; en faisant sédition, idolâtrant et invoquant les mauvais esprits. Elle confessait de phis qu'elle avait été schismatique et par plusieurs manières avait erré dans la foi. Lesquels crimes et erreurs elle abjurait, se soumettant à la correction de l'Église et à bonne justice, et promettant à saint Pierre et au pape, comme à l'évêque et aux juges présents, de n'y plus retomber[8].

Cette formule, qui figure au procès et en français et en latin, a pourtant contre elle des difficultés assez graves. C'est qu'elle est très-longue (nous l'avons fort abrégée), et, au témoignage de tous ceux qui l'ont vue et entendue, la formule lue à Jeanne était fort courte. Elle dura à peu près comme un Pater noster, dit Pierre Miget ; et elle fut lue deux fois, Jeanne répétant les mots après Massieu. Elle avait six lignes de grosse écriture, dit le greffier Taquel, qui était proche ; six ou sept ligues, disent J. Monnet et G. de La Chambre et ce dernier ajoute qu'il était assez près pour en voir les mots. Mais on n'a pas seulement le témoignage de ceux qui l'ont vue ou entendue, on a la parole de celui qui l'a lue à Jeanne. Massieu déclare que la formule contenait huit lignes au plus, et qu'il sait fermement que ce n'est pas celle dont il est parlé au procès ; que la formule insérée au procès n'est pas celle qu'il a lue lui-même et que Jeanne a signée[9].

Il n'est pas impossible, en effet, qu'en vue de l'accusation, on ait dressé cette longue formule qui la résume et la sanctionne. Mais il n'est pas invraisemblable non plus qu'en vue de l'accusée et de ce qu'on voulait obtenir d'elle, on en ait proposé une autre moins susceptible de provoquer la révolte de sa conscience. Il y était dit qu'elle ne porterait plus les armes, ni l'habit d'homme, ni les cheveux coupés en rond, et plusieurs autres choses, dit Massieu ; selon un autre témoin, elle y disait qu'elle s'était rendue coupable du crime de lèse-majesté et qu'elle avait séduit le peuple ; et probablement (la suite tient lieu de témoignage en ce point) qu'elle s'en remettait de ses dits et de ses faits à l'Église : avec le protocole et la conclusion de rigueur, sept ou huit lignes n'en pouvaient guère tenir davantage.

Voilà ce qu'on lut à Jeanne, et ce n'est pas ce qu'on lit au procès-verbal sous son nom. Le procès-verbal a-t-il faussement donné, avec son signe et son nom, une pièce qu'elle n'a pas signée, ou comment a-t-elle signé une pièce qu'on ne lui a pas lue ? Si le faux n'est pas supposable avec la connivence du greffier,- on doit le chercher dans une substitution d'une autre sorte, et on en peut trouver la trace dans un témoignage recueilli au procès de réhabilitation. Si l'on en croit Raimond de Macy, qui était là, un Anglais, le secrétaire du roi d'Angleterre, Jean Calot, serait venu ici en aide aux juges. Dès que Jeanne eut cédé, dit le témoin, il tira de sa manche un petit papier qu'il lui donna à signer, et ce fut lui qui, mal content du signe qu'elle y avait tracé, lui tint la main et la guida pour qu'elle y mit en toutes lettres son nom[10].

Une chose pressait encore les juges d'abréger la scène : c'est qu'elle était fort mal goûtée des Anglais. Les Anglais croyaient toucher au terme de ce 'procès dont les longueurs suspendaient tout polir eux car, tant que Jeanne vivait, ils n'osaient, on l'a vu, rien entreprendre. Ils étaient venus, sûrs de la ressaisir enfin : puisque, si elle s'obstinait, comme on devait s'y attendre, la sentence la livrait au bras séculier, et le bourreau était là Ils 'ne comprenaient donc rien aux efforts des juges pour obtenir qu'elle abjurât, et plus d'une fois ceux-ci furent interrompus par des murmures. Mais quand on vit qu'ils avaient réussi ; la fureur fut au comble : on leur jeta des pierres ; un chapelain du cardinal de Winchester, qui se trouvait auprès de l'évêque, l'appela traite. Vous avez menti, dit l'évêque. — L'évêque avait raison : le chapelain avait menti[11].

Pour rendre à l'Angleterre l'autorité qu'elle avait perdue, il ne suffisait pas de brûler Jeanne, comme le croyait cette soldatesque superstitieuse qui ajournait jusqu'à sa mort toute espérance de la victoire. C'était peu que de la faire mourir, si on ne frappait d'abord sa mission. Or pour l'atteindre, rien de sûrs nous l'avons dit, que son propre désaveu. Il le fallait avoir à tout prix, dut-on l'acheter pour le moment par la grâce de la vie. D'ailleurs, l'abjuration acquise, la grâce était facilement révocable. La fermeté avec laquelle Jeanne avait, pendant près de deux mois, soutenu devant ses juges la vérité de sa mission, marquait assez comme elle en était convaincue et ces convictions ne se perdent pas dans un moment d'étourdissement, de lassitude ou même de faiblesse. De plus elle n'avait pas seulement renoncé à ses idées, elle avait renoncé à son habit d'homme. Or, il y avait un moyen infaillible de lui faire reprendre cet habit : c'était, au pis. aller, de ne lui en pas laisser d'autre. Il n'en fallait pas plus pour qu'elle devint relapse. L'évêque de Beauvais savait donc bien ce qu'il faisait ; et le cardinal de Winchester ne l'ignorait pas non plus, sans doute Il imposa durement silence à son chapelain, et quand l'évêque, après l'abjuration, prit son avis sur ce qu'il fallait faire : L'admettre à la pénitence, dit le cardinal[12].

L'évêque prononça donc la sentence.

Après avoir rappelé son devoir de pasteur et résumé le procès dans toutes ses phases, il énumérait tous les crimes déjà vus dans la formule d'abjuration prêtée à Jeanne, et l'en déclarait coupables mais considérant qu'à la suite. de tant d'avertissements charitables elle était rentrée au sein de l'Église et avait publiquement abjuré ses erreurs, id l'absolvait de l'excommunication. Toutefois, comme. elle avait péché contre Dieu et l'Église, pour sa salutaire pénitence il la condamnait à la prison perpétuelle, au pain de douleur et à l'eau d'angoisse, afin qu'elle y apprit à pleurer ses fautes et à ne les plus commettre[13].

Jeanne, absoute de l'excommunication, aurait bien pu espérer sa mise en liberté. C'est par là qu'on avait tenté de la séduire : Érard lui. avait dit qu'en abjurant elle serait délivrée de prison. Condamnée à la prison par forme de pénitence, elle pouvait compter au moins n'en avoir pas d'autre que celle de l'Église. C'était de droit ; tout le monde s'y attendait. Plusieurs en parlèrent à l'évêque ; et Jeanne elle-même, comme Loyseleur la félicitait, disant qu'elle avait fait une bonne journée, Jeanne disait à ceux qui l'entouraient : Or çà, entre vous, gens d'Église, menez-moi en vos prisons, et que je ne sois plus en la main des Anglais. Mais l'évêque dit : Menez-la où vous l'avez prise. Pouvait-il la renvoyer ailleurs ? Jeanne était aux Anglais : ils avaient fait leurs conditions 'en la livrant à l'évêque. Ils ne la lui avaient donnée que pour la juger : condamnée ou non, elle retombait en leur puissance. Mais c'était à l'évêque de ne point accepter des conditions qui dénaturaient le caractère de la peiné et ne laissaient à son jugement de force que pour la mort ; c'était à lui de ne pas tromper sa victime sur les suites de la soumission qu'il avait tant travaillé à lui surprendre. En la remettant aux Anglais, il s'avouait leur complice : il rendait infaillible cette parole d'un docteur à Warwick, comme il se plaignait que le roi était mal servi et que Jeanne échappait : Sire, n'ayez cure, nous la rattraperons bien[14].

Dans l'après-midi du même jour (jeudi), les juges vinrent trouver Jeanne à la prison. Ils lui rappelèrent la grande miséricorde qu'ils lui avaient faite en la recevant au pardon de l'Église, l'engagèrent à se bien soumettre et à ne plus revenir à ses erreurs : l'avertissant que l'Église, si elle y retombait encore, ne la recevrait plus. Puis ils l'invitèrent à laisser l'habit d'homme et à reprendre l'habit de femme, comme l'Église l'avait ordonné : et Jeanne promit d'obéir en toute chose, et elle prit l'habit qu'on lui présentait.

Mais le dimanche, un bruit se répand tout à coup : Jeanne a repris ses habits d'homme ; elle est relapse, c'en est fait d'elle ! Il fallait constater la chose ; on courut à la prison ; et ce ne fut pas sans péril[15].

On a vu dans quelle disposition d'esprit étaient les Anglais depuis le jugement. Au cimetière de Saint-Ouen, ils avaient jeté des pierres aux juges ; au retour. de cette scène, ils les avaient poursuivis de leurs menaces et de leurs insultes, brandissant leurs épées et disant que le roi avait perdu son argent avec eux. Du moins ils gardaient leur prisonnière, et les assesseurs avaient maintenant grand'peine à la revoir. P. Maurice, qui n'avait officiellement admonestée, le 23 mai, devant le tribunal, fut très-sérieusement menacé pour avoir, après le jugement, renouvelé ses conseils. Isambard de La Pierre, Jean de La Fontaine et G. Vallée étant venus pour la fortifier et la maintenir dans ses bons sentiments, les soldats irrités les chassèrent du château à coups d'épée et de bâton ; et La Fontaine en fut tellement effrayé qu'il n'osa plus reparaître dans la ville. Au rapport de Jean Beaupère, le vendredi déjà et le samedi, on avait dit que Jeanne manifestait du repentir d'avoir pris l'habit de femme, et Beaupère fut envoyé avec Nicole Midi pour la maintenir dans son bon propos. Mais au lieu de celui qui les devait introduire dans la prison, ils trouvèrent des Anglais qui se disaient entre eux qu'on ne ferait pas mal de les jeter dans la Seine. Et comme ils repassaient le pont, n'en demandant pas davantage, on les menaçait encore de les jeter à l'eau. — Ceux qui vinrent pour constater la chute de Jeanne, ne furent pas mieux accueillis ; on se défiait de ces prêtres ; on soupçonnait qu'ils avaient encore dessein de tout accommoder. Quand ils arrivèrent dans la cour du château, ils virent arriver sur eux une centaine d'Anglais criant qu'eux gens d'Église étaient tous faux, traîtres, Armagneaux et faux conseillers ; et ils eurent grand'peine d'échapper à ces furieux qui les menaçaient de leurs épées et de leurs haches[16].

Rien ne se fit donc ce jour-là ; et le lendemain, le greffier Manchon, mandé au château pour y remplir son office, était encore si effrayé, qu'il refusa de s'y rendre, s'il n'avait sûreté : il y vint sous la protection de l'un des gens du comte de Warwick. Ce même jour, l'évêque et le vice-inquisiteur, accompagnés de sept ou huit maîtres, se rendirent eux-mêmes à la prison. En même temps que l'on prenait acte du fait, il n'était pas sans intérêt d'en savoir la cause. Jeanne n'était pas libre là où elle était. Comment, si bien gardée, avait-elle repris l'habit d'homme ? Il fallait de la part de ses gardiens de la connivence au moins, sinon autre chose. Dans tous les cas, il était bon d'en savoir les motifs avant d'en rien décider : un des assesseurs, Marguerie, osa en faire l'observation. Taisez-vous, de par le diable, lui dit quelqu'un ; et les soldats, l'appelant traître Armagnac, avaient levé leurs lances pour l'en frapper[17].

Les juges vinrent donc et demandèrent à Jeanne pourquoi elle avait pris cet habit, et qui le lui avait fait prendre.. Elle répondit, selon le procès-verbal, qu'elle l'avait pris de.sa volonté, sans nulle contrainte ; qu'elle aimait mieux l'habit d'homme que l'habit de femme.

Mais, lui dit-on, vous aviez promis et juré de ne pas reprendre cet habit.

Je n'ai jamais entendu faire serment de ne pas le reprendre.

Pourquoi donc l'avez-vous repris ?

Parce qu'il est plus convenable d'avoir habit d'homme étant entre les hommes, que d'avoir habit de femme.

Et elle ajouta d'ailleurs qu'elle avait eu le droit de le reprendre, puisqu'on ne lui avait pas tenu ce qu'on lui avait promis, c'est-à-dire d'aller à la messe, de recevoir son Sauveur et d'être mise hors des fers.

Vous aviez abjuré et tout spécialement promis de ne pas reprendre l'habit d'homme.

J'aime mieux mourir que d'être aux fers. Mais si on me veut laisser aller à la messe et m'ôter des fers, si on veut me mettre en prison gracieuse, et que j'aie une femme, je serai bonne et ferai ce que l'Église voudra[18].

L'Église, telle que la faisait Pierre Cauchon, n'avait plus de conditions à débattre avec elle. Le juge, bien sûr de la trouver relapse autrement que par l'habit, lui demanda si depuis le jeudi, jour de l'abjuration, elle n'avait point entendu ses voix.

Oui, dit Jeanne sans éviter le piège qu'on lui tendait.

Et que vous ont-elles dit ?

Elle répondit (on lit à la marge des manuscrits authentiques ces mots : RÉPONSE MORTELLE, responsio mortifera) :

Dieu m'a mandé par sainte Catherine et sainte Marguerite la grande pitié de la trahison que j'ai consentie en faisant abjuration pour sauver ma vie ; que je me damnais pour sauver ma vie.

Elle ajouta qu'avant le jeudi même ses voix lui avaient dit ce qu'elle ferait en ce jour ; que sur l'échafaud, elles lui disaient de répondre hardiment à ce prêcheur, à ce faux prêcheur, comme elle l'appelait elle-même, qui l'avait accusée d'avoir fait des choses qu'elle n'avait pas faites ; et, affirmant de nouveau sa mission :

Si je disais que Dieu ne m'a pas envoyée, je-me damnerais : la vérité est que Dieu m'a envoyée. Elle finissait par s'accuser de sa faiblesse :

Mes voix, disait-elle, m'ont dit que j'avais fait une grande mauvaiseté de confesser n'avoir pas bien fait ce que j'ai fait, ajoutant que c'est par peur du feu qu'elle avait dit ce qu'elle avait dit.

Croyez-vous que vos voix soient sainte Marguerite et sainte Catherine ? dit le juge, reprenant avec empressement tous les points de l'abjuration.

Oui, qu'elles sont de Dieu.

Mais sur l'échafaud vous aviez dit que mensongèrement vous vous étiez vantée que c'était sainte Catherine et sainte Marguerite.

Je ne l'entendais point ainsi faire ou dire.

Elle affirma de nouveau qu'elle n'avait jamais entendu révoquer ses apparitions ; et que si elle avait révoqué quelque chose, c'était par peur du feu et contre la vérité. — Elle pouvait maintenant avouer cette peur, car elle ne l'avait plus, et elle savait où la menaient ces paroles. Mais elle déclarait qu'elle aimait mieux faire sa pénitence en une fois, c'est-à-dire mourir, que d'endurer plus longuement la prison. Elle protestait qu'elle n'avait jamais rien fait contre Dieu ou la foi, quelque chose qu'on lui ait fait révoquer ; qu'elle n'entendait rien révoquer sans le bon plaisir de Dieu. Elle ajoutait que si, les juges voulaient, elle reprendrait l'habit de femme (elle en avait dit les conditions) et que du reste elle n'en ferait autre chose[19].

Les juges se retirèrent. Tout était consommé. Plusieurs s'en affligèrent sincèrement, Pierre Maurice, par exemple ; mais d'autres s'en réjouirent en témoignant bruyamment leur joie. L'évêque, sortant de la prison, vit le comte de Warwick et une multitude d'Anglais qui attendaient avec impatience le résultat de cette visite ; et ne voulant pas le tenir plus longtemps en suspens : Farewell, Farewell, cria-t-il en riant ; faites bonne chère : c'est fait[20].

Cette fière déclaration semblait pourtant détruire tout ce qu'on avait gagné par la scène de l'abjuration ; mais on ne pouvait tout faire à la fois, et, pour le moment, elle donnait au juge la satisfaction de mener le procès où les Anglais voulaient qu'il aboutit, sans avoir rien sacrifié des formes imposées par là procédure de l'Église. La procédure a suivi toutes au phases sans précipitation : mais la conscience du juge en est-elle plus assurée, et l'habileté qu'il montre dans cette conduite ne le rend-elle pas plus coupable ? Son intelligence ne s'abuse pas, mais il refuse de voir et d'entendre. Et qu'est-ce donc s'il supprime ou s'il voile ce qui, aux yeux des autres, pourrait laisser percer la vérité ?

En effet, dans ce dernier et solennel interrogatoire, notamment sur le point qui le motiva, la reprise de l'habit d'homme, le procès-verbal a-t-il tout dit ? Thomas de Courcelles, qui le mit en latin, s'exprime dans le procès de révision à peu près comme le faisait le texte officiel : Interrogée sur ses motifs elle répondit qu'elle l'avait fait parce qu'il lui paraissait plus convenable de porter l'habit d'homme parmi les hommes, que l'habit de femme. Mais Manchon, qui tenait la plume alors, ajoute comme témoin à ce qu'il avait écrit comme greffier : Elle répondit qu'elle l'avait fait pour défendre sa pudeur, parce qu'elle n'était point en sûreté sous ses habits de femme avec ses gardiens qui voulaient attenter à sa pudeur[21].

Qu'on se rappelle comment Jeanne était gardée, et quelles étaient les dispositions des Anglais envers elle. Jeanne était aux fers sous la garde de cinq soldats, dont trois se tenaient dans sa prison et deux à la porte : Je sais, dit l'huissier Massieu, celui qui l'allait prendre à la prison pour la mener au tribunal, je sais de certain que de nuit elle était couchée ferrée par les jambes de deux paires de fers à chaîne, et attachée moult étroitement d'une chaîne traversante par les pieds de son lit, tenante à une grosse pièce de bois de longueur de cinq à six pieds, et fermante à clef, par quoi ne pouvoir se mouvoir de la place. Plusieurs fois, sous ses habits d'homme qu'elle ne quittait jamais, elle avait été en butte aux brutalités de ses gardiens l'évêque le savait bien ; il avait reçu ses plaintes, et un jour il avait fallu que Warwick accourût pour la sauver du dernier outrage parmi ces délégués de la justice ! Mais maintenant la sentence était portée ; l'évêque l'avait rendue aux Anglais : elle leur était comme livrée. Lorsqu'on la ramenait de Saint-Ouen, les valets (mangones) l'insultaient et les maîtres les laissaient faire. A quoi n'était-elle point exposée, seule dans la prison, enchaînée, en compagnie de ces cinq houspilleurs, comme ils sont appelés quelque part ! Isambard de La Pierre, qui est nommé au procès-verbal parmi les assistants de l'évêque en ce même interrogatoire, confirme, mime l'ayant entendu lui-même, ce qu'en a dit dans sa déposition le greffier Manchon, et il ajoute que de fait quand il entra il la vit éplorée, son visage plein de larmes, défigurée et outragée en telle sorte qu'il en eut pitié. Il en sut davantage de Jeanne dans un entretien qu'il eut plus tard avec elles : et ici son témoignage est confirmé par celui de Martin Ladvenu, qui confessa Jeanne et l'administra pour la dernière fois. Ce ne furent pas seulement ces soldats de bas étage, ces houspilleurs placés auprès d'elle : c'est un milord anglais qui entra dans son cachot et tenta de la violer[22].

Voilà pourquoi Jeanne reprit l'habit d'homme, dût-elle après cela mourir. L'huissier Massieu en donne une autre raison encore. Lé dimanche matin Jeanne, étant dans son lit, dit à ses gardiens : Déferrez-moi et je me lèverai. Mais l'un d'eux s'approchant lui retira ses habillements de femme, et ils lui jetèrent ses habits d'homme que l'on gardait (pourquoi ?) dans un sac en quelque coin de la prison. Messieurs, leur dit Jeanne, vous savez qu'il m'est défendu : sans faute, je ne le prendrai pas. Mais ils ne voulurent point lui en donner d'autres, et à la fin, forcée de se lever, elle le dut prendre et garder, nonobstant ses protestations. Il n'est pas impossible, en effet, que les Anglais, n'ayant pu parvenir à leurs fins, aient résolu d'en finir avec elle de cette autre manière ; mais si Jeanne réclama ses habits de femme, voulant savoir à quelle intention on les lui ôtait, il est douteux qu'elle ait tant insisté pour les reprendre. Elle put donner cette raison à Massieu, parce que cela suffisait bien pour l'excuser ; elle n'en dit rien devant ses juges, parce qu'elle était résolue de ne plus se vêtir en femme, à-moins d'être gardée dans une autre prison, ayant une femme avec elle. C'est un trait que Thomas de Courcelles a supprimé de sa rédaction officielle, comme insignifiant sans doute, mais qu'on retrouve dans la copie de la minute française du procès-verbal ; et il achève de répandre la lumière sur ceux qu'on y a gardés. La minute même n'a-t-elle pas supprimé autre chose ? On serait en droit de le conclure en rapprochant ce que Manchon a écrit alors et ce qu'il a dit plus tard. Que si rien d'important n'a été supprimé, il faut croire que les paroles de Jeanne, avec le commentaire qu'on avait sous les yeux, en disaient assez pour la faire comprendre, puisque deux témoins de la scène, l'un assesseur, l'autre greffier du juge, l'ont comprise ainsi.

Le juge l'avait bien comprise lui-même sans doute, et, s'il eût voulu reconnaître que la pudeur de la femme n'est pas moins sacrée que son habit, il aurait dû s'accuser d'avoir mis Jeanne dans la nécessité de retomber, en la renvoyant dans ces prisons où il fallait qu'elle sacrifiât l'une des deux choses à l'autre. Or, pour Jeanne, l'alternative n'était pas douteuse, dût-elle se placer par son choix en présence de la mort. Mais il ferma son cœur à ce sentiment ; et, bien loin d'être touché de cet héroïsme, il avait ramené Jeanne à d'autres questions où il était bien sûr de la retrouver telle qu'elle était au procès, comme pour l'entraîner de chute en chute au plus profond de l'abîme où elle devait périr. Les Anglais avaient donc calomnié Pierre Cauchon : il n'était pas traître au roi. Tout en satisfaisant sa propre haine, il avait bien gagné son argent.

Le lendemain, mardi, l'évêque réunit dans la chapelle du palais archiépiscopal une nombreuse assemblée d'abbés et de docteurs. Il leur rappela tout ce qui s'était passé depuis la veille de la Pentecôte : l'abjuration de Jeanne, et comment, après avoir accueilli ses admonitions et reçu l'habit de femme, elle avait repris l'habit d'homme et renouvelé toutes ses affirmations touchant ses voix. Il fit lire l'interrogatoire qui avait suivi et ses réponses consignées au procès-verbal. Puis il prit l'avis de chacun. Tous la déclarèrent relapse, non-seulement Nicolas Loyseleur, le traître, mais Isambard de La Pierre et Martin Ladvenu, qui l'assistèrent à ses derniers moments ; et pourtant ils ne se faisaient aucune illusion sur le crime qu'elle pouvait avoir commis en reprenant l'habit d'homme : ils témoignent au procès de révision des raisons capitales qui l'y contraignirent. Personne n'entreprit de l'excuser, je ne dis pas de la défendre. La plupart, à l'exemple de l'abbé de Fécamp, furent d'avis qu'on lui relût la formule d'abjuration (cela les décharge au moins de toute complicité dans la substitution d'une fausse formule), et qu'on l'avertît charitablement touchant le salut de son âme ; mais ils voulaient qu'on lui déclarât qu'elle n'avait plus rien à espérer de la vie présente. Elle devait être livrée au bras séculier[23].

L'évêque, ayant recueilli les avis, remercia ses conseillers, et fit assigner Jeanne à comparaître le lendemain sur la place du Vieux-Marché ; c'était là qu'il devait achever la procédure en livrant Jeanne au juge civil, et par ce juge, au bourreau[24].

 

 

 



[1] Saint-Ouen : t. I, p. 443.

[2] Jeanne et J. Beaupère : t. II, p. 21. — Jeanne et N. Loyseleur : Johanna, credatis mihi, quia si vos velitis, eritis salvata. Accipiatis vestrum habitum, et faciatis omnia quæ vobis ordinabuntur ; alioquin estis in periculo mortis. Et si vos faciatis ea quæ vobis dico, vos eritis salvata, et habebitis multum bonum, et non habebitis malum ; sed eritis tradita Ecclesisæ. Et fuit tunc ducta super scaphaldo seu ambone. T. III, p. 146 (Manchon) ; cf. L'Averdy, Notice du manuscrit, t. III, p. 424, et Lebrun Des Charmettes, t. IV, p. 108.

[3] Déposition de J. de Lenisoliis : Procès, t. III, p. 113.

[4] T., p. 445.

[5] T., p. 445.

[6] Scène de Saint-Ouen. La déposition capitale est celle de Massieu, t. II, p. 17 ; cf. p. 331 : on y trouve une légère variante en ce qui touche Massieu lui-même. Tandis que, sur la demande de Jeanne, il la conseille, Érard lui demande ce qu'il lui dit : Je lui lis la cédule et je lui dis de la signer. Voyez encore sa troisième déposition, t. III, p. 156-157. — N. Loyseleur : t. III, p. 146 (Manchon). — Instances des assesseurs : t. III, p. 55 (l'évêque de Noyon) ; p. 122 (H. de Macy), et le procès-verbal, t. I, p. 446. — Le bourreau : Dicit etiam quod tortor cum quadrige erat in vico, expectans quod daretur ad conburendum. T. III, p. 147 (Manchon).

[7] Et credit quod ipsa Johanna trullo modo intelligebat. T. III, p. 164 (G. Colles). — Subridebat. Ibid., p. 147(Manchon). — Quod non erat nisi truffa, et quod non faciebat nisi deridere. T. III, p. 55 (l'évêque de Noyon).

[8] T. I, p. 447.

[9] P. Miget : t. III, p. 132 ; Taquel : ibid., p. 197. Et erat quasi sex linearum grossæ litteræ. Et dicebat ipsa Johanna post dictum Massieu. — J. Monnet et G. de la Chambre : ibid., p. 65 et 49 ; Massieu, ibid., p. 156 : Et bene scit quod illa schedula continebat circiter octo lineas et non amplius ; et scit firmiter quod non erat illa de qua in processu fit mentio, quia aliam ab illa quæ est inserta in processu legit ipse loquens, et signavit ipsa Johanna.

[10] Formule officielle : Thomas de Courcelles, avec toute réserve, parait croire qu'elle est de N. de Venderez. — Petite formule : t. III, p. 156 (Massieu) ; cf. p. 194 (J. Moreau) : il y était question, selon lui, qu'elle avait commis le crime de lèse-majesté et séduit le peuple. — Signature de la formule : Extraxit a quadam manica sua quamdam parvam schedulam scriptam, quam tradidit eidem Johanum ad signandum ; et ipsa respondebat quod nesciebat nec legere, nec scribere. Non obstante hoc, ipse L. Calot secretarius tradidit eidem Johannæ dictam schedulam et calamum ad signandum, et per modum derisionis ipsa Johanna fecit quoddam rotundum. Et tunc ipse L. Calot accepit manum ipsius Johannæ cum calamo et fecit fieri eidem Johannæ quoddam signum de quo non recordatur loquens. T. III, p. 123 (H. de Macy). Voy. sur les deux formules d'abjuration, L'Averdy, l. l., p. 426-431.

[11] Impatience des Anglais : Et audivit ab aliquibus quod Anglici erant male contenu quod erat ita prolixus, et increpabant aliquosquare citius non perficiebant. T. III, p. 190 (J. Riquier). — Le bourreau : t. III, p. 85 (J. Monnet) ; cf. p. 147 (Manchon). — Démenti de l'évêque : t. III, p. 147 (Manchon) ; — t. II, p. 322 (P. Boucher) ; p. 147 (Manchon) ; p. 338 (G. du Désert) ; p. 355, et t. III, p. 184 (Marguerie) ; t. II, p. 361, et t. III, p. 131 (P. Miget ) ; p. 90 (J. Marcel) : il suppose que l'auteur de l'interpellation est Jean Calot.

[12] Le cardinal de Winchester : t. III, p. 64 (J. Monnet).

[13] T. I, p. 450-452.

[14] Qu'elle serait délivrée de prison, t. III, p. 52 (G. de La Chambre). — Prison ecclésiastique : Laquelle chose fut requise à l'évêque de Beauvais par aucun des assistants. T. II, p. 18 (Massieu). J. Lefebvre (Fabri) dit, que plusieurs y pensaient, mais que nul ne l'osait dire, t. III, p. 175. — Renvoi à la prison laïque : ibid., p. 14 (Manchon) ; p. 18 (Massieu) ; cf. t. III, p. 157 (Massieu). — Pourquoi la prison perpétuelle quand on lui avait promis qu'il ne lui arriverait rien de mal ? Propter diversitatem obedientiarum ; et timebant ne evaderet. T. III, p. 147 (Manchon). — Mot d'un docteur à Warwick : Domine, non curetis, bene rehabebimus eam. T. II, p. 376 (J. Fave).

[15] Les juges à la prison, le jeudi : t. I, p. 452.

[16] Fureur des Anglais : Levaverunt gladios ad eos percutiendum, quamvis non percasserint, dicentes quod rex male expenderat pecunias suas ergs eos. T. II, p. 376 (J. Fave). — P. Maurice : Cum post primam prædicationem monuisset eam de stando in bono proposito, Anglici fuerunt male contenti, et fuit in magno periculo verberationis, ut dicebat. T. II, p. 357 (R. de Grouchet). — Jean de La Fontaine, etc. : t. II, p. 349 (Is. de La Pierre). — D'autres témoignages, on l'a va, semblent placer sa fuite dès la semaine sainte (Manchon, t. II, p. 13 et 341, et t. III, p. 139). Il a pu être menacé alors, et il est certain que depuis le 28 mars il cessa de figurer au jugement ; mais il a pu rester encore à Rouen et prendre part à la démarche d'Is. de La Pierre, qui en dépose expressément. Plus il avait eu de part au procès et à la principale manœuvre du procès (la question de l'Église), plus il éprouvait peut-être le besoin de travailler à sauver au moins l'accusée de la mort. — Jean Beaupère : t. II, p. 21 (lui-même).

[17] Ceux qui viennent le dimanche : t. II, p. 14 (Manchon), et p. 19 (Massieu).

Manchon : t. II, p. 14 (lui-même), et p. 19 ( Massieu ). — Marguerie : t. II, p. 330 (Massieu) ; cf. t. III, p. 184 (Marguerie lui-même) ; t. II, p. 345, et t. III, p. 180 (Cusquel).

[18] Interrogatoire de Jeanne : t. I, p. 455. — Responsio mortifera. Bibl. du Corps législ. B. 105 g, f° 35, r° ; B. Imp. Fonds latin, 5965, f° 152, r°, et 5966, f° 198, r°.

[19] T. I, p. 456-558. L'Averdy (l. l., p. 121-123) prouve le dessein qu'avait l'évêque de Beauvais de perdre Jeanne, et par les questions qu'il lui pose, et par son empressement à clore l'interrogatoire, de peur que certaines paroles ne vinssent atténuer les déclarations obtenues d'elle.

[20] Joie de plusieurs : Credit quod ad hoc faciendum fuerit inducta, quia aliqui de his, qui interfuerant in processu, faciebant magnum applausum et gaudium ex eo quod resumpserat hujusmodi habitum licet notabiles viri dolerent, inter quos vidit magistrum Petrum Morice multum dolentem et plures alios. T. III, p. 164 (G. Colles). — L'évêque et Warwick : t. II, p. 5 (Is. de La Pierre), cf. p. 8 (M. Ladvenu) ; p. 5 (Is. de La Pierre). Is. de La Pierre place la scène après la dernière délibération ; M. Ladvenu, à la sortie de la prison ; Is. de La Pierre, dans une déposition suivante, se borne à dire : Après la reprise de l'habit. Ibid., p. 305.

[21] Th. de Courcelles : t. III, p. 62 ; Manchon : ibid., p. 148.

[22] Jeanne dans sa prison : t. II, p. 18 (Massieu) ; cf. t. III, p. 154 (id.) ; t. II, p. 298 (Manchon) ; et t. III, p. 140 (id.). — Tentatives de violences antérieures : t. II, p. 298, et t. p. 147 ( Manchon). — Insultée au retour de Saint-Ouen : Post primam prædicationem, cum reduceretur ad carceres, in castro Rothomagensi, mangones illudebant eidem Johannæ, et permittebant Anglici, magistri eorum. T. II, p. 376 (J. Faye). — Violences : t. II, p. 5 (Is. de La Pierre) ; cf. p. 371 (Thomas Marie) : Post primam prædicationem, cum fuisset iterum posita in carceribus castri, fuerunt factæ sibi tot vexationes de eam opprimendo, quod habuit dicere quod mallet potius mori quam amplius stare cum ipsi Anglicis. — Le milord : Imo sicut ab eadem Johanna audivit, fuit per unum magnes auctoritatis tentata de violentia. Ibid., p. 305 (id.). — Et qu'un millourt d'Angleterre l'avoit forcée. Ibid., p. 8 (M. Ladvenu). Il explique ailleurs, comme Is. de La Pierre, qu'il ne fit que le tenter : Et eam tentavit vi opprimere, t. III, p. 168.

[23] Quod dicta Johanna relapsa est. Tamen bonum est quod schedula nuper lecta legatur iterum coram ipsa, et sibi exponatur, proponendo ei verbum Dei. Et his peractis nos judices habemus declarare eam hæreticam, et ipsam relinquere justitiæ sæculari, rogando eam ut cum eadem Johanna mite agat. T. I, p. 463. C'est l'avis de l'abbé de Fécamp, qui vote le second et auquel tous les autres se réfèrent, excepté N. de Venderez qui, votant le premier, n'avait point parlé de relire à Jeanne la formule d'abjuration, et deux autres, D. Gastinel et P. Devaulx, qui, en la livrant au bras séculier, supprimaient la prière, d'ailleurs dérisoire, de la traiter avec douceur : Absque supplications, t. I, p. 465. — Voy. sur cette dernière délibération L'Averdy, p. 126, et Lebrun des Charmettes, t. IV, p. 175.

L'Averdy (p. 124) a noté que, parmi les assesseurs dont on trouve le vote au premier jugement, il y a quinze gradués en théologie et neuf en droit qui n'ont pas assisté au second, soit qu'ils aient été écartés, soit qu'eux-mêmes se soient tenus à l'écart. A leur place, on fit venir des assesseurs qui n'avaient point paru depuis longtemps au débat, et n'avaient pas voté au premier jugement : entre autres, trois membres de la faculté de médecine. Il pense que la lecture de la cédule d'abjuration, réclamée par la grande majorité du conseil, pouvait avoir pour objet d'offrir à Jeanne l'occasion de revenir sur ses pas, et même de renouveler son appel au pape. (Ibid., p. 126.)

[24] T. I, p. 467.