JEANNE D'ARC

 

TOME PREMIER

LIVRE TROISIÈME. — REIMS.

 

 

La délivrance d'Orléans fit dans tous les esprits une impression profonde. La Pucelle avait donné son signe. Ce grand siège qui durait depuis sept mois, elle y avait mis fin en une semaine. Ces bastilles qui s'appuyaient les unes les autres, elle les avait enlevées l'une après l'autre, ou plutôt il avait suffi qu'elle en prit trois pour que tout le reste fût évacué.

Jeanne était donc bien l'envoyée de Dieu, c'était le cri du peuple ; c'était aussi le sentiment des docteurs les plus autorisés.

Jean Gerson dans un écrit daté du 14 mai, six jours après la levée du siège (il mourut le 12 juillet suivant : c'est, on le peut croire, son dernier acte public), Jean Gerson examinait si l'on pouvait, si l'on devait croire à la Pucelle. Il énumérait toutes les raisons qui militaient en sa faveur : l'adhésion du conseil et des gens. de guerre, au péril même du ridicule ; l'enthousiasme du peuple, le découragement de l'ennemi ; et avec ces raisons externes, d'autres plus intimes : la vie passée de Jeanne d'Arc et sa manière de se conduire, faisant tout, simplement, sans superstition ni vue intéressée, parlant au nom du ciel sans cesser d'agir par elle-même, ou tenter Dieu par témérité. Il se prononçait donc pour elle, ajoutant : Quand bien même (ce qu'à Dieu ne plaise) elle serait trompée dans son espoir et dans le nôtre, il ne faudrait pas en conclure que ce qu'elle a fait vient de l'esprit malin et non de Dieu, mais plutôt s'en prendre à notre ingratitude et au juste jugement de Dieu, quoique secret. Et il terminait ses observations par cet avertissement prophétique : Que le parti qui a juste cause prenne garde de rendre inutile par incrédulité, ingratitude ou autres injustices, le secours divin qui s'est manifesté si miraculeusement, comme nous lisons qu'il arriva à Moïse et aux enfants d'Israël : car Dieu, sans changer de conseil, change l'arrêt selon les mérites.

C'est aussi la pensée qui domine le traité de l'archevêque d'Embrun, Jacques Gelu, écrit dans le même mois (mai 1849). La Pucelle est-elle envoyée de Dieu ? Quelle est sa mission ? quelles en sont les raisons ? Et si Dieu veut manifester sa puissance, a-t-il besoin d'un intermédiaire ? n'a-t-il pas les anges ? pourquoi une jeune fille élevée parmi les brebis ? Le prélat se pose et résout toutes les questions dans le même sens que J. Gerson ; et ses conclusions sont plus expresses encore et plus pratiques. Il veut que, sans négliger les voies ordinaires en ce qui touche les approvisionnements, les finances et tous les besoins de l'armée, on suive surtout l'inspiration de Jeanne, et qu'on la préfère aux suggestions d'une sagesse tout humaine. Il rappelle Saül. Le roi doit craindre, s'il omet de faire ce que dit la Pucelle, croyant faire mieux, de se voir abandonné du Seigneur, et privé de l'objet où il tend. C'est pourquoi le pieux évêque donne le conseil qu'en toute chose on commence par prendre l'avis de la Pucelle, et que même dans les cas douteux, si elle y tient, on s'y conforme. Il voudrait que le roi conférât chaque jour avec elle sur ce qu'il doit faire pour accomplir la volonté de Dieu, et qu'il le fit en toute humilité et dévotion, afin que le Seigneur n'ait pas raison de retirer sa main, mais qu'il accorde la continuation de sa grâce[1].

Les avis des docteurs n'étaient plus bien nécessaires pour que le peuple crût à Jeanne ; mais leurs conseils étaient loin d'avoir perdu leur opportunité auprès du roi. Les conseillers intimes de Charles VII, voyant la confiance qu'elle inspirait autour d'elle, l'avaient acceptée sans trop de peine pour délivrer Orléans. Si elle n'en chassait l'ennemi, ils étaient forcés de se déloger eux-mêmes. Les Anglais, maîtres de la Loire, ne leur permettaient plus d'y demeurer en sûreté. Mais l'affaire n'en était plus là : Orléans délivré, la Pucelle voulait mener le roi à Reims, et l'entraîner, après le sacre, à la délivrance du royaume. Il fallait donc qu'ils payassent de leur personne, ou du moins qu'à la suite du roi ils se missent en route à travers les provinces occupées par l'ennemi. Cela coûtait à leur lâcheté, ou, si l'on veut, à leur nonchalance ; et ils étaient résolus de prendre tous les prétextes pour en reculer le moment[2].

Jeanne leur devait laisser peu de loisir.

En quittant Orléans, elle était venue à Blois, puis à Tours, et de là au château de Loches, où était le roi. Charles la reçut avec de grands honneurs. Il n'ignorait point quelle part elle avait eue à cette victoire aussi prompte qu'inespérée. Dans sa lettre aux habitants de Narbonne, lettre écrite pendant qu'on apprenait, pour ainsi dire, coup sur coup, la prise de Saint-Loup, puis des Tourelles, et enfin la levée du siège, le roi, sans dire encore tout ce qu'elle avait été dans le succès, leur signalait les choses merveilleuses qu'on rapportait d'elle, la nommant seule et constatant qu'elle avait été présente à tout. Il pouvait maintenant en savoir bien davantage. Aussi lui fit-il grande chère. Mais Jeanne n'était pas venue chercher la récompense, elle venait solliciter l'achèvement de son œuvre : et c'est ce qu'on semblait le moins disposé à lui accorder[3].

Charles convoqua ses capitaines et autres sages de sa cour. Il tint plusieurs conseils (à Tours), et la prudence des conseillers eut plus d'une excellente raison à opposer aux desseins de la jeune fille. On alléguait la grande puissance des Anglais et des Bourguignons, et la détresse du roi, qui n'avait pas de quoi. soudoyer l'armée nécessaire au voyage. La Pucelle ne demandait pas tant de choses pour le conduire, lui et sa compagnie, jusqu'à Reims, sûrement et sans destourbier (empêchement), mais elle voulait qu'on se pressât. Elle disait qu'elle ne durerait guère plus d'un an, et qu'on songeât à bien besogner cette années car elle avait beaucoup à faire : après le sacre elle avait encore à chasser les Anglais, à délivrer le duc d'Orléans. Si l'on croyait à sa mission, c'était bien le cas de faire comme disait Jacques Gelu : imposer silence à toutes les objections et la suivre. Mais ceux qui ne la voulaient pas suivre affectaient de croire que ce n'était pas si clairement l'ordre de Dieu[4].

Un jour, la Pucelle, impatiente de ces lenteurs, vint avec Dunois au château de Loches, et fut menée à la chambre de retrait où le prince était conversant avec Christophe d'Harcourt, l'évêque de Castres, son confesseur, et le seigneur de Trèves (R. Le Maçon), ancien chancelier de France. Elle frappe à la porte, et dès qu'elle est introduite, elle se jette à ses pieds, et embrassant ses genoux : Gentil Dauphin, dit-elle, ne tenez plus tant et de si longs conseils, mais venez au plus tôt à Reims pour recevoir votre digne couronne. Christophe d'Harcourt lui demanda si ses voix lui avaient dit cela.

Oui, répondit-elle, je suis fort aiguillonnée touchant cette chose.

Ne voudriez-vous pas, ajouta d'Harcourt, nous dire ici, devant le roi, comment font vos voix quand elles vous parlent ?

Je conçois bien, dit-elle en rougissant, ce que vous voulez savoir, et vous le dirai volontiers.

Et comme le roi, la voyant émue, lui demandait s'il lui plaisait de s'expliquer devant les assistants, elle répondit qu'elle le voulait bien, et raconta comment, lorsqu'elle s'affligeait des doutes que l'on opposait à sa mission, elle se retirait à part et priait Dieu, se plaignant de ce qu'on ne la voulait pas croire ; et sa prière faite, elle entendait une voix qui lui disait : Fille Dé (de Dieu), va, va, va, je serai à ton aide, va ! et quand cette voix lui venait, elle était bien réjouie 'et elle eût voulu être toujours en cet état. — En rapportant les paroles de ses voix, elle rayonnait d'une joie divine et levait les yeux au ciel[5].

Ces paroles avaient leur autorité dans les merveilles qu'elle venait d'accomplir. Le roi et personne autour de lui ne le pouvait méconnaître : mais pouvait-on aller à Reims, en laissant les Anglais derrière soi sur la Loire, à Baugency, à Meun, à Jargeau ? Les Anglais, en effet, chassés de devant Orléans, s'étaient repliés sur ces villes. Talbot avait occupé Meun ; Suffolk, Jargeau ; et naguère, après la levée du siège d'Orléans, quand Dunois, Boussac, Graville, Xaintrailles, voulant profiter de l'impression que Jeanne avait produite, et peut-être de son absence, s'étaient portés sur Jargeau dans l'espoir d'enlever la place, ils avaient dû y renoncer. Les Anglais tenaient donc toujours ; et il y avait à craindre que cette marche aventureuse vers le Nord ne leur abandonnât le Midi. D'ailleurs, pour rassembler les princes et les seigneurs qui devaient accompagner le roi au sacre, il fallait du temps : le pouvait-on mieux employer qu'en enlevant aux Anglais leurs dernières positions sur la Loire ? Jeanne adopta le projet ; selon Perceval de Cagny, ce fut même elle qui le proposa. On réunit, à l'aide des capitaines revenus d'Orléans, une petite armée qui fut placée sous les ordres du jeune duc d'Alençon. Libéré enfin de sa rançon au prix des plus durs sacrifices, il brûlait de venger son ancien échec et de regagner au service du roi l'équivalent de ce qu'il y avait perdu. Le roi répondit à ses désirs en lui donnant le commandement de cette expédition ; mais il plaçait auprès de lui la Pucelle, avec la recommandation expresse qu'il ne fit rien sans son avis[6].

Jeanne avait pris dès lors un ascendant auquel personne ne pouvait plus se soustraire ; et elle l'exerçait avec un naturel qui, chez cette âme simple et sans prétention, témoigne bien de la source où elle puisait tant d'autorité.

Gui de Laval, dans une lettre écrite le 8 juin 1429, au milieu des derniers préparatifs de la campagne, en fait à sa mère et à son aïeule un tableau animé, où la Pucelle est peinte au vif dans toute la grâce et la séduction de son rôle ; traitant familièrement avec les plus hauts personnages, donnant tour à tour le signal des prises d'armes ou des processions.

Le roi était venu à Saint-Aignan en Berri, fit la Pucelle s'était rendue à Selles, à quatre lieues de là où toutes les troupes devaient se réunir pour entrer en campagne. Gui de Laval étant venu rejoindre le roi, le prince lui fit un excellent accueil, voulut qu'il vit la Pucelle, et comme il se rendait lui-même à Selles, il la fit venir au-devant de lui. Et fit, dit le jeûne comte, ladite Pucelle, très bonne chère mon frère et à moi, armée de toutes pièces, sauf la tête, et tenant la lance en main. Et après que fûmes descendus à Selles, j'allai à son logis la voir ; et fit venir le vin, et me dit qu'elle m'en feroit bientôt boire à Paris ; et ce semble chose toute divine de son fait, et de la voir et de l'ouïr. Puis, racontant comment le même soir (6 juin) elle partit pour Romorantin avec une portion des troupes : Et la vis monter à cheval, armée tout en blanc, sauf la tête, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir, qui à l'huis de son logis se démenoit très fort, et ne souffroit qu'elle montât. Et lors elle dit : Menez-le à la croix, qui étoit devant l'église auprès, au chemin. Et lors elle monta, sans qu'il se mût, comme s'il fût lié. Et lors se tourna vers l'huis de l'église, qui étoit bien prochain, et dit en assez voix de femme : Vous, les a prêtres et gens d'Église, faites procession et prières à Dieu. Et lors se retourna à son chemin, en disant : Tirez avant, tirez avant, son étendard ployé que portoit un gracieux page, et avoit sa hache petite en la main[7].

Cette lettre témoigne en même temps de l'enthousiasme et du zèle que la Pucelle inspirait. Tout le monde voulait l'accompagner : ne oncques gens n'allèrent de meilleure volonté en besogne. La cour manquait d'argent, et on- n'avait rien à attendre d'elle, mais on savait y suppléer : on se ruinait pour combattre avec Jeanne. Pour ce, continue le prince, vous, madame ma mère, qui avez mon sceau, n'épargnez point ma terre par vente, ni par engage, où avisez plus convenable affaire, là où nos personnes sont à être sauvées, ou aussi par défaut abaisiées, et par aventure en voie de périr. La dame de Laval, par un sentiment bien pardonnable à une mère, en envoyant ses deux fils à la cour, aurait voulu qu'ils demeurassent auprès du roi : elle avait écrit en ce sens à La Trémouille son parent, et peut-être aussi à la Pucelle. Jeanne, entrant dans ses vues, voulait faire patienter le jeune comte, lui disant que lorsque le roi prendrait le chemin de Reims, il irait avec lui. Mais jà Dieu ne veuille, s'écrie-t-il tout bouillant d'ardeur, que je le fasse et que je ne aille. Et autretant (tout autant) en dit mon frère et comme Monseigneur d'Alençon : abandonné seroit celui qui demeureroit[8].

On était dans le mouvement du départ. Le duc d'Alençon était arrivé avec sa compagnie l'avant-veille (lundi 6 juin) ; le seigneur de Rais était attendu dans la journée (mercredi 8), et, ce même jour, Alençon, Dunois et Gaucourt devaient quitter Selles pour rejoindre Jeanne, qui, dès le 6, avait pris les devants. On disait même que le roi partirait le lendemain pour se rapprocher de l'armée. Et on espère, continuait Gui de Laval, qu'avant qu'il soit dix jours, la chose sera bien avancée de côté ou d'autre. Mais tous ont si bonne espérance en Dieu, que je crois qu'il noua aidera[9].

Il ne se trompait pas, même pour le temps. Il écrivait le 8 : le 18, après deux siégea et une bataille, la campagne était terminée.

Le mercredi après-midi, Vendôme, Boussac et autres avaient rejoint le général en chef ; La Hire était proche : Et ainsi, disait Laval dans une addition à sa lettre, on besognera bientôt. Dieu veuille que ce soit à notre désir ! » Le lendemain (9 juin), la petite armée rentrait dans Orléans, où elle fut reçue avec une joie extrême, et surtout la Pucelle, de laquelle voir, dit encore le Journal du siège, ne se pouvoient saouler. Ils en partirent le 11 au nombre de 8.000 hommes, dont 600 lances amenées par le duc d'Alençon, 600 par Dunois, Florent d'Illiers et quelques autres, et le reste du commun, c'est-à-dire du peuple d'Orléans et lieux voisins ; et ils s'avancèrent vers Jargeau, que défendait le comte de Suffolk avec 600 ou 700 hommes d'élite, bien résolus et pourvus de canons. Les Français n'avaient point laissé leur artillerie en arrière ; mais à peine venus, et, selon le témoignage du duc d'Alençon, avant même d'être arrivés, plusieurs voulaient rebrousser chemin. On disait que Falstolf venait au secours de la ville avec une nombreuse troupe. Et, en effet, Bedford, apprenant l'expédition préparée contre ses places de la Loire, l'avait fait partir de Paris avec 5000 hommes, et levait partout d'autres soldats qui le devaient rejoindre. Falstolf s'avançait avec lenteur. Il s'arrêta quatre jours à Étampes, quatre jours à Janville, voulant avoir tous ses renforts avant d'attaquer une armée conduite par la Pucelle. Mais dans l'armée de la Pucelle, il y en avait encore qui ne s'étaient point désaccoutumés de craindre les Anglais, et il leur semblait périlleux de les attendre devant une place occupée par leurs troupes. Plusieurs partirent, et Jeanne ne retint les autres qu'en leur affirmant que Dieu conduisait l'entreprise : Si je n'en étais sûre, disait-elle, j'aimerais mieux garder les brebis que de m'exposer à tant de périls[10].

Jeanne voulait, dès l'arrivée, loger l'armée dans les faubourgs ; tandis que les gens d'armes cherchaient un abri, les gens du commun, pensant que rien ne pouvait résister à la Pucelle, se jetèrent dans les fossés, et, sans attendre qu'elle fût à leur tête, attaquèrent la place. Les Anglais firent une sortie, et les forçaient à se replier en désordre, quand Jeanne, prenant son étendard, vint leur rendre courage, et l'on fit tant que cette même nuit on s'établit dans le faubourg comme elle l'avait voulu[11].

Avant de commencer l'attaque en règle de la ville, Jeanne, selon son habitude, voulut faire sommation à ses défenseurs. Elle leur enjoignait de s'en aller en leur petite cotte, la vie sauve, sinon qu'on les prendrait d'assaut. Les Anglais demandaient quinze jours de suspension d'armes : c'était plus qu'il n'en fallait pour donner à leurs renforts le temps d'arriver. On répondit qu'on les laisserait partir avec leurs chevaux, mais dans l'heure même. Suffolk tenta quelque autre moyen de traiter ou de traîner en longueur en parlant à La Hire ; mais on rappela La Hire et l'attaque fut résolue[12].

Pendant le reste de la nuit, on s'occupa des travaux préparatoires. Dès le matin, les canons et les bombardes étaient en batterie, et à neuf heures, quoique ce fût dimanche, Jeanne fit sonner les trompettes et cria au duc d'Alençon : Avant, gentil duc, à l'assaut ! Le duc trouvait que c'était trop tôt commencer ; mais Jeanne lui dit : Ne doutez point, c'est l'heure quand il plaît à Dieu ; il faut besogner quand Dieu veut. Travaillez, et Dieu travaillera. Et elle ajoutait : Ah ! gentil duc, as-tu peur ? Ne sais-tu pas que j'ai promis à ta femme de te ramener sain et sauf ? Et en effet, quand le duc d'Alençon avait quitté sa femme pour venir avec Jeanne à l'armée, la duchesse avait exprimé ses craintes à la Pucelle : le duc sortait à peine de captivité, et il avait tant dépensé pour sa rançon ! Mais Jeanne lui avait dit : Ne craignez point, madame, je vous le rendrai sain et sauf, et en tel point qu'il est ou mieux encore[13].

Elle tint parole, et dans cet assaut même un mot d'elle lui sauva la vie. Comme il observait l'attaque, d'un endroit découvert : Retirez-vous, dit-elle, car voici un engin qui vous tuera ; et elle le lui montrait aux murs de la ville. Il se retira, et un moment après le seigneur de Lude était tué à cette même place, d'un coup parti de la pièce désignée[14].

Les Anglais soutinrent l'assaut avec vigueur. Parmi eux, il y en avait un, grand et fort, qui se tenait à découvert sur les murailles, accablant les assaillants de boulets et renversant les échelles et les hommes. Mais là comme à l'assaut des Augustins, il y avait parmi les Français le fameux canonnier de Lorraine. Le duc d'Alençon lui montra le redoutable Anglais, et d'un coup de sa coulevrine Jean le renversa mort dans la ville. Comme l'attaque durait depuis trois ou quatre heures, Jeanne et le duc d'Alençon lui-même, tout commandant qu'il fût, descendirent dans le fossé et coururent aux murailles. Suffolk comprit le péril ; il voulut parler au duc, mais ne fut phis écouté. Déjà la Pucelle montait à l'échelle, tenant en main son étendard, quand cette bannière fut atteinte, et elle même frappée à la tête d'une pierre qui se brisa sur son casque. Elle tomba par terre, mais elle se releva criant aux hommes d'armes : Amis, amis, sus ! sus notre Sire a condamné les Anglais. Ils sont nôtres à cette heure. Ayez bon courage. Et les Français, excités par ces paroles, escaladèrent hardiment les murs et prirent la ville. Suffolk et les Anglais se replièrent vers le pont, et l'un des deux frères du capitaine fut tué dans cette retraite ; les autres ne purent tenir davantage. Suffolk, vivement pressé par un écuyer d'Auvergne, nommé Guillaume Regnault, lui demanda s'il était gentilhomme.

Oui, dit-il.

Êtes-vous chevalier ?

Non.

Le comte le fit chevalier et se rendit à lui[15].

Quatre ou cinq cents hommes avaient péri dans l'assaut ; le reste fut pris à rançon, et dans le nombre l'autre frère de Suffolk. La ville, l'église même où les Anglais avaient serré leurs biens, tout fut pillé. Quant aux prisonniers de renom, on les fit partir par eau et de nuit vers Orléans, de peur qu'ils ne fussent tués ; et cette crainte n'était pas sans fondement : car les soldats ne voulaient de quartier pour personne. Au retour, un débat s'étant élevé sur quelques autres captifs, ils les tuèrent[16].

Le lundi, Jeanne et le duc d'Alençon, après avoir pourvu à la garde de Jargeau, revinrent à Orléans, et l'on peut deviner l'accueil qu'ils y reçurent. Après avoir mandé au roi leur victoire, ils y restèrent les deux jours suivants, ralliant à eux tous ceux qui n'avaient pas eu le temps de les rejoindre au premier siège : les seigneurs de Laval et de Lohéac, ces deux jeunes frères dont on a vu la lettre à leur mère et à leur aïeule, Chauvigny, La Tour d'Auvergne, le vidame de Chartres. Le mardi, la Pucelle appela son beau duc, comme elle nommait Alençon, et lui dit : Je veux demain, après-midi, aller voir ceux de Meun ; faites que la compagnie soit prête à partir à cette heure. Tout le monde fut prêt. On vint à Meun. On attaqua vivement et on prit le pont que les Anglais avaient solidement fortifié, et on l'occupa, laissant pour le moment la ville. On était, sur ce point, maitre du passage : on avait hâte d'en faire autant à Baugency[17].

A Baugency, à leur approche, les Anglais désemparèrent la ville pour se retrancher dans le château et sur le pont. Ce ne fut point cependant sans laisser derrière eux quelques soldats déterminés à vendre chèrement la place qu'ils abandonnaient. Mais les Français, arrivant le jeudi matin, les refoulèrent dans le château où les autres s'étaient retirés, et disposèrent leurs canons et leurs bombardes pour les forcer dans cette dernière retraite[18].

Le, siège fut marqué par un incident qui faillit diviser, par le contrecoup des intrigues de la cour, l'armée si bien unie contre les Anglais. Richemont ne se résignait point à l'inaction où le condamnait l'ingrate et misérable jalousie de sa créature, La Trémouille. Après l'arrivée de la Pucelle, quand on alla au secours d'Orléans, il voulut en être, et leva une troupe qui ne comptait pas moins de 400 lances et de 800 archers. Mais comme il était à Loudun, le roi lui fit dire de s'en retourner : que s'il passait outre, on le combattrait. Le connétable dut s'arrêter, et il put d'ailleurs apprendre bientôt qu'Orléans avait été délivré sans son aide. Mais quand il sut qu'on recommençait une campagne sur la Loire, il reprit sa marche ; il passa le fleuve à Amboise, dont le capitaine, plus homme de bien qu'homme de cour, n'entreprit point de l'arrêter, et apprenant qu'on faisait le siège de Baugency, il y alla[19].

Si l'on en croit l'historien attitré, on pourrait dire l'apologiste de Richemont, Guillaume Gruel, dès qu'on apprit l'arrivée du connétable, le duc d'Alençon et la Pucelle montèrent à cheval pour. le combattre. Mais La Hire et plusieurs autres, sachant ce qu'elle voulait faire, lui dirent que si elle y alloit, elle trouveroit bien à qui parler ; et qu'il y en avoit en la compagnie qui seroient plutôt à lui qu'à elle ; et qu'ils aimeroient mieux lui et sa compagnie que toutes les pucelles du royaume de France. Malgré ce langage assez impertinent (on a plus d'une raison de dire que Gruel ne l'a pas entendu), la Pucelle s'avance vers Richemont : On le rencontre ; mais, au lieu de le combattre, on lui fait grande chère, on est bien aise de sa venue. La Pucelle met pied à terre, embrasse ses genoux, et Richemont lui dit : Jeanne, on m'a dit que vous me voulez combattre. Je ne sais si vous êtes de par Dieu ou non. Si vous êtes de par Dieu, je ne vous crains de rien : car Dieu sait mon bon vouloir ; si vous êtes de par le diable, je vous crains encore moins. C'est sur ce mot que Gruel montre son héros tirant droit au siège, et prenant la charge du guet : et fut le plus beau guet qui eût été en France passé à long temps[20].

Le duc d'Alençon fait un tout autre récit de cette affaire. L'arrivée de Richemont fut fort mal vue des chefs. Alençon avait reçu les ordres du roi : il déclara à Jeanne que, si le connétable venait, lui-même s'en irait. Le succès était donc compromis par une démarche faite pour l'assurer : mais il n'y avait au fond de tout cela, on le savait, que la jalousie d'un courtisan, point de haine personnelle aux chefs : il ne fallait pour les rapprocher qu'un prétexte et du bon vouloir. Le prétexte fut l'ennemi, dont l'approche était annoncée ; et le bon vouloir, c'est Jeanne qui l'inspira. Elle qui cherchait si peu l'aide des hommes, elle dit au duc d'Alençon qu'il fallait s'aider ; et elle régla les formes de l'accord : car elle seule paraissait avoir assez d'influence pour le faire goûter de Charles VII. À la prière du connétable et des seigneurs, elle se chargea donc de ménager la paix de Richemont avec ce prince. Le connétable jura devant elle et devant les seigneurs qu'il servirait toujours loyalement le roi ; et le duc d'Alençon et les autres chefs se portèrent garants de sa réconciliation[21].

La troupe anglaise dont l'arrivée hâta. la conclusion de cet accord était celle que Falstolf avait voulu amener au secours de Jargeau. Il avait appris pendant son séjour à Janville la perte de cette place ; et Talbot venant de la Loire avait pu lui faire connaître presque en même temps que le pont de Meun était pris,. et Baugency à la veille d'être forcé. Falstolf était d'avis qu'on en laissât la garnison capituler, représentant que depuis les affaires d'Orléans les troupes étaient moult amaties et effrayées. Il pensait donc qu'il valait mieux ne rien risquer, se renfermer dans les forteresses les plus sûres, et y attendre que leurs gens eussent repris confiance et que Bedford leur eût envoyé tous les secours promis. Mais Talbot s'indigna de cette circonspection et jura que, n'eût-il que sa gent et ceux qui le voudraient suivre, il irait combattre l'ennemi à l'aide de Dieu et de monseigneur saint Georges. Falstolf céda, et le lendemain on mit les troupes aux champs : mais avant de partir, il réunit les capitaines et leur remontra encore les périls de l'entreprise : ils n'étaient, disait-il, qu'une poignée de gens au regard des Français, et, si la fortune tournoit mauvaise sur eux, tout ce que le feu roi Henri avoit conquis en France à grand labeur et long terme seroit en voie de perdition. Mais ses remontrances n'étant pas mieux goûtées, il commanda aux étendards de prendre la route de Meun[22].

Les Français, laissant une partie des leurs autour du château de Baugency, vinrent au-devant des Anglais et les rencontrèrent à une lieue près de Meun et assez près de Baugency. Wavrin, qui parle seul expressément de ce mouvement, porte leur nombre à 6.000 environ et nomme parmi les chefs Alençon, Dunois, Lafayette, La Hire, Xaintrailles et la Pucelle. Ils se postèrent sur une éminence, observant les ennemis. Les chefs anglais, s'attendant à la bataille, firent mettre pied à terre, avec ordre aux archers de s'entourer de leur ceinture de pieux ; puis, voyant que les Français ne bougeaient pas, ils envoyèrent des hérauts les défier s'ils voulaient descendre dans la plaine. Mais ils eurent cette réponse des gens de la Pucelle : Allez vous loger pour maishuy (aujourd'hui), car il est tard ; mais demain, au plaisir de Dieu et de Notre Dame, nous nous verrons de plus près[23].

Les Anglais vinrent se loger à Meun, où ils avaient garnison, et changèrent de tactique. Au lieu de marcher droit sur les assiégeants de Baugency, ils canonnèrent toute la nuit le pont de Meun qui était aux Français, comptant l'enlever et gagner pat l'autre rive le pont de Baugency qui était aux leurs. Ils entraient ainsi sans nul obstacle dans le château assiégé, et demeuraient libres ou d'en sortir avec toutes leurs forces pour attaquer, ou de se borner à s'y défendre. Mais les Français avaient employé le temps bien mieux encore : ils avaient pris la place qu'on voulait délivrer[24].

Les défenseurs du château de Baugency étaient, comme ceux de Jargeau, les débris de l'armée d'Orléans : c'étaient déjà des vaincus de la Pucelle. Or ils voyaient des renforts venir aux assiégeants avec Richemont, et ils avaient perdu l'espérance d'en recevoir eux-mêmes : car le départ et le retour si prompt de la Pucelle leur avaient fait croire que l'armée de Falstolf était venue et s'en était allée. En ces circonstances, et avant que la situation devint plus critique (elle devait l'être, si Richemont achevait de les investir en les attaquant par l'autre côté du fleuve comme on l'avait résolu), le bailli d'Évreux, qui commandait la place, proposa et obtint une capitulation. On convint qu'ils sortiraient de la place avec les honneurs de la guerre, emmenant leurs chevaux, leurs harnais et la valeur d'un marc d'argent au plus. Ili promettaient de ne point reprendre les armes avant dix jours[25].

Ils partirent le 18 au matin, et la nouvelle en fut portée à Meun par un poursuivant d'armes, quand les Anglais, ayant canonné le pont toute la nuit, s'apprêtaient à lui donner l'assaut. Ils furent heureux de ne l'avoir point passé, et ne songèrent plus qu'à reprendre, avec la garnison de Meun, la route qu'ils avaient suivie naguère. Ils firent d'ailleurs leur retraite en bon ordre. Derrière une première troupe, conduite par un chevalier anglais, marchaient l'artillerie et les bagages ; puis venait le corps de bataille sous les ordres de Falstolf, de Talbot, de Raveston ; puis l'arrière-garde, toute composée d'Anglais de race[26].

Cependant les Fiançais, maîtres du château de Baugency, avaient hâte de voir les Anglais de près comme ils l'avaient promis la veille. Ils avaient cru les retrouver à Meun ; mais l'ennemi ayant fait retraite à la première apparition de leur avant-garde, ils gagnèrent au plus vite la route de Paris, où ils espéraient le rejoindre. Les Anglais, avertis de leur marche par les coureurs de l'arrière-garde, ne songèrent plus qu'à trouver un lieu favorable où ils pussent s'arrêter et les attendre, comme à Crécy. On donna donc à l'avant-garde l'ordre d'aller s'établir, avec l'artillerie et les bagages, le long d'un petit bois qui couvrait les abords de Patay. Pour y parvenir, il fallait traverser un passage resserré entre deux haies très-fortes. Quand le corps principal y arriva, Talbot, mettant pied à terre, promit d'y tenir avec 500 archers d'élite, jusqu'à ce que l'arrière-garde eût rejoint le corps de bataille : il comptait ensuite, faisant retraite le long de ces haies, gagner à son tour la position où l'avant-garde avait précédé, et où tous se devaient réunir pour soutenir le combat[27].

Mais il en arriva autrement. Les Français marchaient en avant, ne sachant au juste où était l'ennemi, mais allant toujours, sur la foi de la Pucelle. Elle leur avait dit que les Anglais les attendraient, et comme on lui demandait où, elle avait répondu qu'on chevauchât sûrement et qu'on aurait bon conduit. Ils allaient donc dans la direction où l'on croyait que marchaient les Anglais, ayant pour éclaireurs 60 ou 80 de leurs chevaliers les plus braves et les mieux montés. Ils n'avaient rien vu encore, lorsqu'un cerf qu'ils firent lever, alla donner dans le corps de bataille des Anglais, où il fut reçu à grands cris. Ces cris donnèrent l'éveil aux chevaliers français, qui reconnurent l'ennemi et bientôt le purent découvrir, marchant en parfaite ordonnance. Ils se hâtèrent d'en avertir le gros de leur armée, disant qu'il était l'heure de besogner, qu'on les aurait bientôt en face. À cette nouvelle, le duc d'Alençon demanda à Jeanne ce qu'il fallait faire.

Avez-vous de bons éperons ? Lui dit-elle. Plusieurs l'entendant s'écrièrent :

Que dites-vous ? Nous tournerons donc le dos ?

Nenni, en nom Dieu, dit Jeanne, ce seront les Anglois ; ils seront déconfits, et vous aurez besoin des éperons pour les suivre.

Et comme on disait qu'ils avaient plus de 1.000 hommes d'armes :

Ah ! beau connétable, dit-elle à Richemont, vous n'êtes pas venu de par moi ; mais puisque vous êtes venu, vous serez bienvenu.

Et quelques-uns manifestant encore des doutes, sinon de la crainte :

En nom Dieu, dit Jeanne, il les faut combattre ; s'ils étoient pendus aux nues, nous les aurions, parce que Dieu nous les envoie pour que nous les châtiions.

Et elle répondait de la victoire :

Le gentil roi, disait-elle, aura aujourd'hui la plus grant victoire qu'il eut pieça (de longtemps). Et m'a dit mon conseil qu'ils sont tous nôtres[28].

Elle voulait être à l'avant-garde. On la retint malgré elle, et on y mit La Hire, mais avec l'ordre d'attaquer les Anglais assez vivement pour leur faire tourner le visage, point assez pour qu'ils tournassent le dos. On voulait, en les retenant à cette escarmouche, donner au gros de l'armée française le temps d'arriver, sans leur laisser à eux celui de gagner la position où ils comptaient se réunir. Mais l'impétuosité de La Hire, et sans doute aussi la terreur que Jeanne, même de loin, inspirait, déjouèrent ce calcul. Les Français tombèrent sur l'arrière-garde des Anglais et la dispersèrent. Talbot pourtant demeurait ferme à son défilé, et Falstolf, fidèle au plan qui avait été arrêté, faisait diligence pour aller rejoindre l'avant-garde dans ses positions sur les derrières. Mais l'avant-garde, le voyant venir à elle, crut qu'il se retirait, et ne voulant point perdre son avance, elle prit la fuite. Falstolf voulut se retourner alors et marcher à l'ennemi : il était trop tard. Déjà Talbot était enveloppé, la panique était générale, et les Français, maîtres du champ de bataille, tuaient ou prenaient ceux qui leur tombaient sous la main. Falstolf céda enfin aux instances de ceux qui l'entouraient, et s'enfuit avec peu de monde. Dans son escorte était Wavrin, qui a fait ce récit de la bataille. Il dit que les Anglais perdirent 2000 morts et 200 prisonniers. Dunois, sans distinguer, évalue leur perte à 4.000 hommes. Talbot était parmi les prisonniers. Comme on le présentait au duc d'Alençon, le jeune prince lui dit : Vous, ne pensiez pas, le matin, que cela vous arriverait. Il répondit : C'est la fortune de la guerre[29].

Cette journée eut des résultats considérables. Tout le pays, qui détestait les Anglais, ne chercha plus à cacher sa haine. Ceux de Janville, à qui ils avaient laissé leur argent au départ, leur fermèrent la porte ; et quant aux places qu'ils possédaient encore au voisinage, Mont-Pipeau, Saint-Sigismond, etc., les garnisons s'empressèrent d'y mettre le feu et d'en partir. Nulle citadelle ne leur semblait sûre. Ce qui était plus grave, c'est que, même en plaine, ils ne paraissaient plus à craindre. Les Anglais, grâce à l'habile emploi des armes de trait, à l'excellence de leur infanterie et à une tactique qui reléguait au second rang les brillants usages de la chevalerie, avaient acquis dans les combats en rase campagne un renom de supériorité consacré par les souvenirs de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt. Ce prestige se dissipait comme les autres. Toute leur tactique avait été déjouée dans le lieu le plus propre à leur faire retrouver la gloire de ces grandes journées ; tout leur corps de bataille avait été dissipé par une simple avant-garde, mais une avant-garde animée de l'esprit de la Pucelle. Qui pouvait, douter maintenant qu'elle ne menât le roi à Reims comme elle le promettait ? Jeanne avait prouvé qu'elle saurait s'ouvrir les chemins comme elle saurait forcer les citadelles. On l'avait vue à l'œuvre : et pourtant on différait encore[30] !

Jeanne avait déjà rencontré bien des résistances à l'accomplissement de sa mission. Elle en avait rencontré de toutes sortes : à Domrémy, à Vaucouleurs, à Chinon, à Poitiers. Elle avait triomphé alors', sans persuader encore. Comme on l'avait laissée aller à Chinon, on l'envoya à Orléans : mais la défiance la suivait. Si le peuple avait foi en elle, les grands se servaient d'elle sans la croire. Ils la mettaient devant, et décidaient à son insu, qu'il s'agit ou de la marche du convoi, ou de l'attaque des forteresses anglaises : il avait fallu qu'elle commençât par leur faire en quelque sorte violence à eux-mêmes, pour forcer les Anglais dans leurs bastilles et les chasser d'Orléans. La délivrance d'Orléans, qui était plus qu'une victoire, avait imprimé un élan immense à tous les esprits. Il n'y avait qu'à le soutenir et à le suivre : on le laisse retomber, et Jeanne doit lutter encore et contre l'inertie et contre la malveillance. Elle demandait le voyage de Reims. On lui offre une campagne sur la Loire. Elle accepte, comme en attendant ; et l'on a vu avec quelle rapidité elle la termine. Le Il juin elle attaque Jargeau, et le prend le 12 ; le 13 elle est à Orléans, où elle rallie ses troupes ; le 15 elle occupe le pont de Meun ; le 16 elle attaque Baugency, qui se rend le 17. Les Anglais partis pour secourir Jargeau arrivent à Meun, le jour même où Baugency capitule ; ils n'arrivent que pour faire retraite, mais non si vite qu'ils ne soient rejoints et battus le 18 à Patay. Une semaine a tout achevé[31].

L'épreuve est donc complète. Jeanne a prouvé sa mission et dans les sièges et dans les batailles. Ce n'est plus seulement, le peuple, ce sont les soldats ; ce sont les capitaines et tous les seigneurs qui croient en elle et ne demandent qu'à la suivre. Eux qui, au siège, d'Orléans, montraient encore tant de défiance, n'avaient plus, dans la dernière campagne, rien fait que par sa direction. Mais c'était ce qui effrayait ceux qui, dans le plus intime des conseils du roi, l'avaient toujours sourdement combattue, et notamment le favori La Trémouille. Sa puissance était fondée sur l'inertie du prince et sur son isolement. Elle était fort compromise si le roi voulait agir enfin, s'il s'entourait des princes du sang, de toute la noblesse : car il trouvait nécessairement en eux dans cette voie une concurrence fatale à son crédit. Or Jeanne, qui venait d'imprimer ce grand mouvement, devait en cela lui être suspecte à plus d'un titre. Elle avait salué dans le jeune duc d'Alençon l'un des soutiens du trône, et illustré par le triomphe le commandement dont il avait été revêtu. Elle avait, dans le cours de cette rapide campagne, accueilli le connétable : elle lui avait promis de faire sa paix avec le roi ; elle y avait engagé le duc d'Alençon et les principaux capitaines ; et comme pour rendre l'engagement plus sacré, elle l'avait scellé de la commune victoire. Elle allait donc ramener à la cour un homme qui n'y pouvait paraître sans que La Trémouille rentrât sous terre. La Trémouille, sans aller de front contre un mouvement qui l'eût emporté, fit en aorte que le roi ne s'y abandonnât que le moins possible, et sut ainsi, en l'y suivant lui-même avec prudence, gagner le jour où l'entraînement ayant perdu de sa force, il fût possible de l'en retirer. C'est le triomphe de sa politique et le malheur de la France.

La Pucelle était revenue le dimanche matin (19) de Patay à Orléans ; et les habitants, joyeux et fiers d'un succès qui couronnait et consacrait leur délivrance, ne doutaient point que le roi n'y vint lui-même : c'était montrer l'importance qu'il attachait à leur ville et l'estime qu'il faisait de leur dévouement. Mais laisser aller le roi à cette armée tout enivrée de sa victoire, au sein d'une ville qui était comme le monument du triomphe de la Pucelle, c'était l'exposer à la contagion de l'enthousiasme populaire, et le favori sentait bien qu'elle ne gagnerait pas le prince à son profit. Le roi resta donc à Sully-sur-Loire, et les habitants d'Orléans, qui s'étaient mis en grande dépense pour lé recevoir plus dignement, ornant les maisons et tendant les rues, en furent, à leur grand déplaisir, pour leurs frais de décoration[32].

Ce premier succès en promettait un autre à La Trémouille. La Pucelle, n'ayant pas trouvé le roi à Orléans, vint avec le duc d'Alençon et les seigneurs à Sully, pour accomplir auprès de lui l'engagement pris à l'égard de Richemont : ils le priaient de pardonner à un homme qui avait eu sa part aux derniers succès, et qui venait mettre 1.500 combattants à son service. Le roi pardonna ; mais il refusa absolument de l'admettre au voyage de Reims pour l'amour du seigneur de La Trémouille ; ce dont la Pucelle fut très-déplaisante ; et si furent plusieurs grands seigneurs..., mais toutefois n'en osoient parler parce qu'ils voyoient que le roi faisoit, de tout, ce qu'il plaisoit à celui seigneur de La Trémouille. Le voyage même lui plaisait peu, et il s'effrayait de ce grand rassemblement d'hommes qui ne demandaient rien que de servir à leurs dépens sous la Pucelle, mais qui ne pouvaient pas longtemps servir ainsi le roi sans péril pour le favori : c'est ce qu'atteste Jean Chartier : Et par le moyen d'icelle Jehanne la Pucelle venoient tant de gens de toutes parts devers le roi pour le servir à leurs dépens, que on disoit que icelui de la Trimolle et autres du conseil en étoient bien courroucés que tant y en venoit, pour le doubte (crainte) de leurs personnes. Et disoient plusieurs que si ledit sire de la Trimolle et autres du conseil du roi eussent voulu recueillir tous ceux qui venoient au service du roi, qu'ils eussent pu légèrement recouvrer tout ce que les Anglois tenoient au royaume de France[33].

Cependant le voyage de Reims fut résolu ; et le roi vint à Saint-Benoit-sur-Loire, près Châteauneuf, où les capitaines furent réunis en conseil. La Pucelle était l'âme de tout ce qui tendait à ce but : et le roi se montrait touché de la peine qu'elle se donnait ; il lui commanda même, en cette rencontre, de prendre du repos. Mais ce qui peinait la Pucelle, c'étaient ces hésitations et ces retards : elle se mit à pleurer et dit au roi qu'il ne doutât point, et qu'il recouvrerait son royaume, et serait bientôt couronné[34].

Il fut décidé que les troupes d'Orléans viendraient à Gien, où le roi se rendrait lui-même avec tous ceux qui le devaient accompagner. Jeanne revint donc à Orléans pour tout préparer ; et le vendredi matin 24, elle fit donner le signal du départ. On fut à Gien le jour même ; et dès le lendemain, elle adressait une lettre aux habitants de Tournay, cette brave et loyale ville qui, au sein de la puissance bourguignonne, restait attachée à la France et à son roi. Elle leur annonçait les succès remportés en huit jours sur les Anglais, leurs villes de la Loire conquises, leur armée battue et dispersée ; leurs chefs tués ou pris. Et elle les invitait au sacre du roi, les priant de se tenir prêts à venir au-devant de lui quand ils auraient nouvelle de son approche[35].

Mais les choses étaient moins avancées qu'elle ne l'avait cru. C'étaient chaque jour encore de nouveaux conseils. Quelques-uns des princes du sang royal, dit Dunois, et d'autres capitaines remettaient même en question le voyage de Reims, proposant une entreprise plus hardie : il s'agissait d'aller au cœur de la puissance anglaise, non à Reims, mais à Rouen. D'autres admettaient le voyage de Reims en principe ; mais, sous prétexte de lui donner plus de sûreté ou plus d'éclat, ils ne cherchaient qu'à le faire ajourner. On attendait la reine, que l'on voulait faire couronner avec le roi, et en l'attendant, on proposait aux capitaines quelques petites entreprises qui étaient comme à la portée de la main. Les Anglais avaient généralement abandonné leurs forteresses de la Beauce ; mais, par eux-mêmes ou par les Bourguignons, ils en gardaient encore plusieurs sur la Loire : Marchénoir, Bonny, Cosne et la Charité. Ne pouvait-on les en déloger d'abord ? Le 26, L. de Culan prenait Bonny ; ceux de Marchénoir offraient de se rendre, à la nouvelle que Richemont, demeuré à Baugency, les voulait attaquer. Cosne et la Charité refusaient de capituler : mais serait-il si difficile de les prendre ? Cependant, encore fallait-il les aller prendre l'une après l'autre ; et aller prendre Cosne et la Charité, c'était ramener le roi à Bourges. Jeanne le voulait mener à Reims. Elle sentait que ce temps perdu à de petites choses, quand on en pouvait faire de grandes, n'était bon qu'à rendre même les petites plus difficiles : ainsi ceux de Marchénoir qui avaient donné des otages et obtenu dix jours pour emporter leurs biens, apprenant la conduite du roi envers Richemont, usèrent du délai pour saisir quelques otages à leur tour et garder la place. — La Pucelle ne voulait plus admettre aucune cause nouvelle de retard : et voyant où l'on cherchait à l'entraîner, elle quitta la ville, dès le 27, et alla se loger aux champs. Agir sans elle, c'était tout perdre. On se rendit. La reine, arrivée à Gien, fut renvoyée à Bourges ; Cosne et la Charité furent laissées là et le 29 juin, jour de la Saint-Pierre, on partit pour Reims[36].

Le roi emmenait, dans cette expédition avec la Pucelle, le duc d'Alençon, les comtes de Clermont, de Vendôme et de Boulogne, le bâtard d'Orléans, le maréchal de Boussac (Sainte-Sévère), l'amiral L. de Culan, les seigneurs de Rais, de Laval, de Lohéac, de Chauvigny, La Hire, Poton de Xaintrailles, La Trémouille et plusieurs autres, avec environ 12.000. combattants. Charles prit d'abord le chemin de Montargis, et l'on put croire qu'il marcherait sur Sens ; mais il se tourna vers Auxerre. Les habitants, sans se déclarer contre lui, auraient voulu ne se point compromettre vis-à-vis des Anglais. Ils envoyèrent donc une députation au roi pour tâcher d'accommoder ses vues à leur politique. Jeanne voulait qu'ils se rendissent ou qu'on les prit. Un acte de vigueur au début ne pouvait qu'aplanir les difficultés de la route. Mais Jeanne ne commandait plus ici' : elle ne pouvait qu'agir auprès du roi ; et près du roi était La Trémouille, que la députation sut mettre, dit-on, dans les intérêts de la ville à prix d'argent. On leur accorda la trêve qu'ils demandaient, au grand mécontentement de la Pucelle et des capitaines. Ils promettaient de faire ce que feraient ceux de Troyes, de Châlons et de Reims. La seule chose qu'ils concédassent pour le moment aux gens du roi, ce fut de leur donner, à prix d'argent, des vivres dont on avait négligé de se pourvoir[37].

Après trois jours passés devant Auxerre, on alla à Saint-Florentin, qui se rendit de bonne grâce, et, chemin faisant, on se préparait la voie par des messages. De Brinon-l'Archevêque, le roi écrivit à Reims (le 4 juillet), mandant aux habitants les choses qui venaient de s'accomplir à Orléans, à Jargeau, à Baugency ; etc., plus par grâce divine que œuvre humaine. Il leur annonçait son voyage, et les invitait à le recevoir comme ils avaient coutume de faire à ses prédécesseurs, sans rien craindre du passé, assurés d'être traités par lui en bons et loyaux sujets. Le même jour, comme on était à Saint-Phal, à quelques lieues de Troyes, la Pucelle à son tour envoya aux habitants de cette ville un message qui les invitait à se soumettre, ne leur laissant d'autre alternative que d'être forcés. Il y avait à Troyes une garnison de 500 ou 600 Anglais et Bourguignons qui gouvernaient les résolutions de la bourgeoisie. Au lieu de répondre au roi, ils écrivirent à Reims pour qu'on leur vint en aide et qu'on demandât-des secours au régent[38].

Le 5, à neuf heures du matin, l'armée royale était devant leurs murs, et elle s'y établit malgré une sortie de la garnison, qui fut repoussée. Le roi reprit les négociations, espérant amener les habitants à une soumission volontaire. On prit ses lettres des mains du héraut, sans le laisser entrer dans la ville ; on les lut au conseil, et on y répondit que les habitants avaient juré au duc de Bourgogne de ne recevoir en leur ville, sans son ordre exprès, aucune force capable de leur faire la loi. Ils ajoutaient, pour s'excuser eux-mêmes, qu'ils avaient actuellement chez eux une multitude de gens de guerre auxquels ils n'étaient pas en état de résister ; et ils ne le prouvaient que trop par de nouvelles lettres aux habitants de Reims, où ils parlaient de ces messages, des réponses qu'ils y avaient faites, des dispositions qu'ils avaient prises, et de leur résolution de combattre jusqu'à la mort. Ils leur parlaient aussi de la Pucelle, une Cocquarde, comme.ils l'appelaient ; ils certifiaient que c'était une folle pleine du diable ; que sa lettre n'avait ni rime ni raison, ajoutant qu'après s'en être bien moqués, ils l'avaient jetée au feu sans daigner y répondre[39].

La Pucelle n'avait point laissé de faire de nouveaux efforts pour les ramener au roi. y avait alors à Troyes un moine augustin, d'autres disent cordelier, qui avait fait grand bruit en ce temps-là Frère Richard (c'était son nom), après avoir visité les saints lieux, était allé à Paris, au commencement d'avril 1429, et y avait prêché avec un succès extraordinaire : il parlait cinq ou six heures de suite, et ne comptait pas moins de 5000 ou 6000 personnes à ses sermons. Les Anglais avaient fini par prendre ombrage de ce concours. Il était donc sorti brusquement de Paris, avait parcouru la Bourgogne et la Champagne. Il se trouvait à Troyes, quand vinrent le roi et la Pucelle. Ayant ouï ce que l'on disait d'elle, il la voulut voir ; mais craignant un peu qu'elle ne frit ce que disaient les habitants de Troyes, il s'approchait avec défiance, faisane des signes de croix et jetant de l'eau bénite.

Approchez hardiment, lui dit la Pucelle, je ne m'envolerai pas.

Et après l'avoir rassuré, elle le chargea de nouvelles lettres pour la ville assiégée. Mais elles n'eurent pas plus de succès[40].

On était là depuis cinq jours, attendant que la ville se rendit. Mais elle n'en faisait rien, et l'on se croyait si peu en état de l'y contraindre qu'on ne songeait plus, dans le camp du roi, qu'à lever le siège. L'armée royale, partie sans provisions, commençait à sentir la famine. On tint conseil, et l'archevêque de Reims, aussi peu pressé de rentrer dans sa cathédrale que d'y mener le roi, démontra fort pertinemment qu'on ne pouvait demeurer devant Troyes davantage. Il alléguait le manque de vivres et d'argent, la force de la ville assiégée, ses approvisionnements, ses nombreux défenseurs. Il montrait comme elle était peu disposée à se rendre, et comme on était peu en mesure de la forcer, n'ayant ni artillerie ni bombardes, ni places d'où l'on en pût tirer plus proche que Gien, c'est à dire à trente lieues de là. On recueillit les voix, et la plupart furent d'avis que si l'on n'avait pas pris Auxerre, une ville bien moins forte et moins défendue, c'était folie de vouloir forcer Troyes : on n'avait donc plus qu'à s'en retourner. — Heureusement, dans cette assemblée de logiciens, il y eut quelqu'un qui se souvint de Jeanne. Robert Le Maçon, interrogé à son tour, répondit que, selon son opinion, il la fallait appeler au conseil. C'est sur son avis qu'on avait entrepris l'expédition sans trop calculer ni le nombre des gens d'armes ni les moyens de les entretenir : avant de s'en départir, il était convenable de savoir si elle n'avait pas quelque autre bonne raison pour y persévérer.

Comme il parlait encore, Jeanne, apprenant qu'on délibérait, vint frapper à la porte. On la fit entrer, et le chancelier lui exposa ses raisons. Jeanne, se tournant vers le roi, lui demanda s'il la voudrait croire. Parlez, dit le prince ; et si vous dites chose profitable et raisonnable, volontiers on vous croira. Elle répéta sa question ; et, sur une semblable assurance : Gentil roi de France, dit-elle, si vous voulez cy demeurer devant votre ville de Troyes, elle sera en votre obéissance dedans (avant) deux jours, soit par force ou par amour ; et n'en faites nul doute.

Jeanne, reprit le chancelier, qui serait certain de l'avoir dedans six jours, on l'attendrait bien. Mais dites-vous vrai ?

Elle dit derechef qu'elle n'en faisait nul doute ; et l'on se résolut à attendre[41].

Jeanne monta à cheval, et, sa bannière à la main, elle s'en vint dans le camp, et ordonna de tout préparer pour l'assaut. Chevaliers, écuyers, tous se mirent en besogne, rivalisant de zèle à porter des fagots, des ais de portes, des tables, des fenêtres et autres choses propres à couvrir l'approche de la place, et à favoriser l'établissement des batteries. Elle-même avait dressé sa tente près du fossé, et faisait, au témoignage d'un homme qui s'y connaissait, plus que n'eussent pu faire deux des plus habiles et des plus fameux capitaines. Le lendemain matin, tout était prêt, et déjà la Pucelle faisait jeter les fascines dans les fossés et criait : À l'assaut ! quand l'évêque et les principaux de la bourgeoisie et des gens d'armes vinrent demander à capituler[42].

Dès la veille, quand on la vit à l'œuvre, une grande fermentation s'était manifestée parmi le peuple. Les habitants de Troyes ne subissaient pas sans murmure, on le peut croire, cette faction étrangère qui les dominait, et ils n'étaient pas d'avis de se mettre, eux et leurs biens, en péril pour elle. Quand le matin ils virent l'assaut tout prêt, ils résolurent de le prévenir. On s'entendit sans peine sur les conditions. Charles VII n'avait d'autre intérêt que de s'attacher et d'attirer à lui, par des ménagements, les villes qui voudraient se rendre. Il donna donc aux habitants toute garantie pour les personnes et pour les biens, toute liberté pour leur commerce, même avec les États soumis au duc de Bourgogne ; toute satisfaction touchant les impôts, les aides, la monnaie ; toute sécurité pour la ville en général et pour chacun en particulier. Il maintenait chacun en possession des bénéfices ou offices obtenus du roi d'Angleterre, à la seule condition de reprendre de lui nouveaux titres, et s'engageait à ne donner à la ville ni garnison ni capitaine. Les troupes étrangères avaient la permission de s'en aller avec leurs biens[43].

Le lendemain, 11 juin, le roi entra dans Troyes en grande pompe avec tous les seigneurs et capitaines et la Pucelle auprès de lui, portant son étendard. La garnison sortit librement, selon la convention ; mais comme plusieurs, en vertu de l'article qui leur laissait leurs biens, emmenaient leurs prisonniers, Jeanne ne le voulut point souffrir. Elle se tint à la porte en disant que en nom Dieu, ils ne les emmeneroient pas ; et de fait les garda. Le roi, pour mettre d'accord la lettre du traité avec ces justes résistances, les racheta de leurs maîtres, argent comptant[44].

Le roi mit dans Troyes un bailli et d'autres officiers ; et le lendemain son armée qu'il avait laissée aux champs, sous la garde d'Ambroise de Loré, traversa la ville et prit la route de Châlons.

La ville de Châlons, comme celle de Troyes, était aux Bourguignons et aux Anglais, et c'est probablement aussi sous leur inspiration que les habitants écrivaient à Reims dans le même sens que ceux de Troyes au commencement du siège. Ils avaient, disaient-ils, reçu' eux-mêmes des lettres de Troyes ; ils avaient su que frère Richard s'était fait porteur des messages de la Pucelle, et ils mandaient à ceux de Reims qu'ils en avoient été fort ébahis, d'autant qu'ils cuidoient que ce fût un très-bon prud'homme, mais qu'il étoit venu sorcier. Ils ajoutaient que ceux de Troyes faisaient forte guerre aux gens du dauphin, et qu'ils étaient eux-mêmes résolus à résister de toute leur puissance. Mais les dernières nouvelles eurent bien vite dissipé ces résolutions. Le parti anglais s'éclipsa, et avant que le roi fût aux portes de Châlons, il rencontra l'évêque et un grand nombre de bourgeois qui se venaient mettre en son obéissance. Le roi logea dans la ville cette nuit avec son armée, et le lendemain partit pour Reims[45].

Comment les Anglais, qui le savaient en rouie, ne s'étaient-ils pas mis en mesure d'y être avant lui ? Charles avait tout à conquérir sur le chemin, et pour eux tout leur était soumis, y compris la ville elle-même. — C'est que déjà ils n'étaient plus autant les Maîtres en France qu'on le pourrait croire, et Bedford était bien forcé de se le dire, la rage dans le cœur. Quand il avait vu, au moment où il se croyait sûr de la victoire, toutes ses espérances confondues : ses bastilles enlevées, ses troupes battues en rase campagne, les garnisons capitulant et l'esprit des soldats, naguère si fier, complètement abattu, il n'avait pu croire que ce fût là l'œuvre d'une simple jeune fille. Il y reconnaissait quelque chose de surnaturel, et n'hésitait point à le rapporter au démon. Il le déclare dans une lettre où il confesse en même temps et l'importance des pertes éprouvées par ses gens, et la démoralisation de ceux qui restent. À la nouvelle de la délivrance d'Orléans, lui-même avait quitté précipitamment Paris pour se retirer à Vincennes, craignant que le contrecoup de la défaite n'excitât un mouvement populaire. Il avait eu de la peine à former l'armée qui, venue pour secourir les villes de la Loire, se fit battre à Patay ; et depuis cette défaite, qu'il vengea par la dégradation fort imméritée de Falstolf, les difficultés étaient bien plus grandes encore[46].

L'Île-de-France et le voisinage lui faisant défaut, il s'était tourné vers l'Angleterre, vers le duc de Bourgogne. Le parlement commençait à se lasser d'une guerre qui savait si peu se suffire à elle-même en pays de conquête. Bedford crut faire mieux en s'adressant directement au cardinal de Winchester. Le cardinal, après tous les soucis qu'il avait donnés à Bedford du côté de l'Angleterre par seau querelles avec Glocester et par l'empire qu'il s'y était assuré dans l'Église, lui promettait un secours inespéré dans sa détresse. Pour se débarrasser de lui, on l'avait mis à la tête d'une croisade contre les hussites ; il s'était recruté une armée des deniers de l'Église. Or, il n'était point parti encore ; et Bedford, tirant profit de ses retards, avait décidé Winchester, à mettre. provisoirement cette armée au service du roi en France (1er juillet). Quelles meilleures troupes diriger contre celle qu'il appelait un limier de l'enfer ? et à quoi pouvait-en mieux gagner les indulgences de la croisade ? D'autre part, il avait pressé le duc de Bourgogne de venir à Paris ; et le duc s'étant rendu à cette invitation et aux instances des bourgeois, ne négligea rien pour réchauffer sa haine contre le prince qui s'était souillé du meurtre de son père : sermon à Notre-Dame, assemblée solennelle au palais 611 on relut le traité conclu entre Jean-sans-Peur et le dauphin, pour raconter ensuite le meurtre qui le déchira. Le duc renouvela sa plainte contre Charles, et toute l'assemblée le serment de fidélité aux actes du traité de Troyes. Tout se réparait donc, ce semble ; mais il fallait du temps encore pour entrer en action ; et Bedford, en ce moment, ne pouvait combattre la marche du roi vers Reims que par des messages adressés à la ville[47].

Les habitants de Reims ne lui demandaient d'ailleurs aucun renfort. Ils inclinaient secrètement pour le roi ; mais ils craignaient, en laissant percer leurs sentiments, d'affaiblir la confiance qu'on avait en eux, et de se faire envoyer quelque grosse garnison qui les gênât dans leurs résolutions postérieures, et les ruinât en attendant, sous prétexte de les défendre. Ils prenaient donc toutes les mesures nécessaires pour rassurer les Anglais en se réservant de se garder eux-mêmes ; et les extraits des délibérations de leur conseil, du mois de mai au mois de juillet, depuis la bataille de Patay jusqu'à la veille du sacre, en offrent des traces curieuses : Que les étrangers ne viennent de nuit, à peine d'amende arbitraire et de prison ; qu'on garde les habitants de Commotion ; qu'on mette gens, de jour, sur les murs (23 mai). Le bruit court que plusieurs du conseil sont Armagnacs on va au-devant, en ordonnant au procureur de la ville d'en faire enquête (8 juin). On s'occupe de fortifier et d'armer la place (13). On songe à un emprunt (17), et l'on donne au régent une preuve sensible du zèle de la ville à se bien mettre en défense : on lui demande d'appliquer aux travaux des fortifications les aides du roi et la gabelle (27) ; et le lendemain, sur une lettre qui arrive justement de Bedford, laissant au conseil toute liberté d'aviser à la situation présente, on décide qu'on les y emploiera. Mais il n'était pas bien sûr que ce dût être à son profit. Le 29, à la nouvelle que l'évêque de Beauvais (Pierre Cauchon) vient avec le bailli de Vermandois en ambassade, on décide qu'on les laissera entrer s'ils n'ont que cinq ou six chevaux, et l'on mande à G. de Châtillon, capitaine de la place, absent alors, que l'on sait qu'il veut mettre garnison dans la ville, mais que l'on est résolu à n'en point recevoir[48].

Voilà quelles étaient les dispositions de Reims, le jour même où Charles VII commençait son voyage. Les Anglais attendaient-ils beaucoup du concours des habitants pour l'arrêter ? Peut-être ne semblaient-ils y croire que parce qu'ils n'étaient point en mesure de s'en passer encore. Quoi qu'il en soit, les avis arrivaient de toute part à Reims, comme au centre de la  résistance à l'entreprise de Charles VII. Le duc de Bourgogne mandait aux habitants qu'il avait su que le dauphin était appelé par quelques-uns des leurs, et venait avec l'assurance d'être bien accueilli. Chacun de ses pas leur était signalé. La troupe royale était à peine à Montargis, que Philibert de Moulant leur écrivait de Nogent-sur-Seine pour leur en donner la nouvelle. Il leur annonçait qu'elle se promettait d'aller à Sens (il n'en fut rien) et d'y entrer portes ouvertes ; mais il les assurait que Sens avait pris et portait la croix de Saint-André (la croix de Bourgogne) ; que ni Auxerre, ni les autres villes du pays ne se souciaient des Armagnacs et de la Pucelle, et que si Reims avait besoin de lui, il y viendrait avec sa compagnie comme bon chrétien doit faire. Les habitants de Troyes, ceux de Châlons, leur adressaient les lettres que l'on a vues : ceux de Troyes, pour leur dire que le roi venait, qu'il était venu, et finalement comme il était entré ; ceux de Châlons, comment on s'apprêtait à le recevoir, et bientôt comme on l'avait reçu : lettres toutes pleines d'exhortations, d'abord à résister, puis à se soumettre, selon leur exemple[49].

G. de Châtillon, capitaine de Reims, se trouvait alors à Château-Thierry. Les habitants de Reims, fidèles à leur politique, ne manquèrent pas de lui communiquer les nouvelles qui leur venaient. Le 8, après les premières lettres de Troyes et de Châlons, ils lui en firent connaître le contenu et lui apprirent en outre ce qui s'était fait dans la ville. Le conseil s'était réuni pour délibérer, mais il ne s'était pas trouvé en nombre pour conclure. Le peuple avait été assemblé par quartier ; il avait juré de vivre et de mourir avec les notables, de se gouverner selon leurs avis, de ne rien faire sans l'ordonnance du capitaine. Mais le bailli, chargé du message, devait, en l'invitant à se rendre dans la ville, lui faire connaître une condition qui montrait assez jusqu'à quel point on était disposé à suivre ses ordonnances ; c'est qu'il ne viendrait qu'avec une force de 40 ou 50 chevaux : assez pour se garder, trop peu pour faire la loi. G. de Chatillon prouva bien qu'il comprenait les intentions de la ville sous ces démonstrations de bon vouloir. Il y envoya Pierre de La Vigne avec une liste d'articles que les habitants étaient priés d'accepter, s'ils voulaient qu'il vint à Reims pour y vivre et mourir avec eux. Il demandait que la ville fût bien et hâtivement mise en état de défense ; qu'elle levât une troupe de trois ou quatre cents hommes pour y tenir garnison jusqu'à l'issue de l'entreprise du dauphin ; qu'on lui assurât à lui-même et la garde de la place, et la faculté de résider au château de Porte-Mars avec cinq ou six notables, qu'il affectait de vouloir bien y recevoir comme conseil, et qu'au fond il entendait garder comme otages ; le tout, ajoutait-il, pour doute de la commotion du peuple et aussi pour le bien de la ville. — On peut facilement juger, dit l'auteur à qui on doit le résumé précieux de cette correspondance, on peut juger par le comportement dudit seigneur de Châtillon sur les occurrences de ce temps, qu'il avoit reconnu que le dessein des habitants dudit Reims étoit d'admettre et de recevoir le-dit dauphin en ladite ville. C'est pourquoi il ne vent pas y venir qu'il ne soit le plus fort[50].

Les articles, on le devine, ne furent point acceptés : toutefois les habitants de Reims n'avaient point rompu encore, et l'on redoublait d'efforts pour les retenir au moment décisif. Winchester était attendu à Paris, et le duc de Bourgogne venait s'y concerter avec le régent. Le bailli de Vermandois s'empresse d'envoyer à Reims ces bonnes nouvelles. Il leur écrit le 10 que Philippe le Bon avait dû entrer la veille à Paris, que huit mille Anglais avaient débarqué à Boulogne, et que bientôt il y aurait plus belle et grande compagnie qui ait été, passé vingt ans ; et il leur montrait le roi menacé sur ses derrières par le duc de Bourgogne, qui, maitre des passages, lui fermait le retour[51].

Mais Charles VII ne songeait qu'à pousser en avant. Troyes s'était rendue, et Jean de Châtillon, frère du capitaine de Reims, cherchait vainement, par une lettre du 13, à effacer l'impression que devait causer cet événement considérable. Il leur disait que c'était l'œuvre de l'évoque, du doyen de Troyes, et surtout du cordelier frère Richard ; que les seigneurs n'y avaient point consenti, qu'ils avaient été contraints par une sédition populaire ; que l'ennemi assurément eût été hors d'état de les forcer ; qu'il n'avait pas de quoi manger, qu'il avait été près de passer outre ; et quant à la Pucelle, dont il fallait bien parler pour expliquer comment la ville s'était rendue, il ajoutait que son messager l'avait vue et affirmait par sa foi que c'étoit la plus simple chose qu'il vit oncques ; et qu'en son fait n'avoit ni rime ni raison, non plus qu'en le plus sot qu'il vit oncques[52].

Mais les habitants de Reims recevaient en même temps la dernière lettre de ceux de Troyes, puis une autre écrite de Troyes par leur archevêque, dont le rang auprès du roi leur était, au besoin, une garantie des sentiments que le roi lui-même leur avait exprimés. Après Troyes, c'était Châlons qui se rendait et pressait Reims d'imiter son exemple (16 juillet) ; et le roi, arrivant en même temps que la lettre, s'arrêtait à Septsaulx, à quatre lieues de Reims, n'attendant plus que la députation des habitants[53].

Cette démarche ne se fit pas longtemps attendre. Châtillon, voyant que les événements se précipitaient, s'était rendu à Reims avec les seigneurs de Saveuse et de Lisle-Adam. Il avoua aux habitants que l'armée dont on leur avait tant parlé ne serait prête que dans cinq ou six semaines : Mes priait de tenir jusque-là promettant qu'ils recevraient alors du secours. Mais ceux de Reims avaient si peu envie d'en recevoir, qu'ils n'avaient même pas voulu laisser entrer dans leurs murs les hommes que Châtillon, Saveuse et Lisle-Adam avaient amenés en grand nombre à leur suite. Les trois seigneurs se retirèrent, et ils n'étaient pas encore bien loin, que les notables, tenant conseil, envoyèrent, du consentement de tous, des députés au roi. Le roi les reçut, leur assura par lettres pleine amnistie, et le même jour fit son entrée dans la ville (16 juillet)[54].

L'archevêque Regnault de Chartres, qui l'y avait précédé dès le matin, vint à sa rencontre à la tête des corporations et de la bourgeoisie ; et le peuple faisait entendre autour de lui le joyeux cri de Noël : mais tous les regards étaient pour la Pucelle, qui suivait le prince avec l'armée. Le reste du jour et toute la nuit furent employés aux préparatifs du sacre, qui eut lieu le lendemain dimanche, 17 juillet. Les maréchaux de Boussac et de Rais (Rais fut fait maréchal ce jour-là), le sire de Graville, grand maitre des arbalétriers, et le sire de Culan, amiral de France, allèrent à cheval, leur bannière à la main, chercher à Saint-Remy la sainte ampoule, qu'ils jurèrent, selon le cérémonial, de conduire et de ramener sûrement ; et sous leur escorte, l'abbé, revêtu de ses habits pontificaux, la porta solennellement jusque devant l'église de Saint-Denis, où l'archevêque, à la tête du chapitre, la prit de ses mains pour la déposer sur le grand autel de Notre-Dame. Au pied de l'autel était le roi. Selon l'antique usage, il devait y être entouré des douze pairs du royaume. Comme on ne pouvait ni les réunir ni les attendre, les principaux seigneurs et les évêques présents tenaient la place des absents : comme pairs laïques, le duc d'Alençon pour le duc de Bourgogne, l'allié des Anglais ; les comtes de Clermont et de Vendôme, les sires de Laval, de La Trémouille et de Beaumanoir ; comme pairs ecclésiastiques, l'archevêque de Reims et l'évêque de Châlons en vertu de leur titre, les évêques de Sées, d'Orléans, et deux autres prélats au nom des autres titulaires : L'archevêque de Reims officiait ; le sire d'Albret tenait l'épée devant le roi. Mais il y avait encore un personnage que l'antique cérémonial ne prévoyait pas : c'était la Pucelle, se tenant aux côtés du roi, sa bannière à la main. Après la cérémonie, quand le roi, fait chevalier par le duc d'Alençon, eut reçu de l'archevêque l'onction sacrée et la couronne, la Pucelle, se jetant à ses pieds, lui embrassa les genoux, et, pleurant à chaudes larmes : Gentil roi, dit-elle, ores est exécuté le plaisir de Dieu, qui vouloit que vinssiez à Reims recevoir votre digne sacre, en montrant que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume doit appartenir. Elle pleurait, et les seigneurs qui étaient là pleuraient avec elle[55].

C'était le roi, c'était eux tous que par ces paroles elle prenait à témoin de la vérité de sa mission : et qui d'antre eux la pouvait mettre en doute ? Orléans délivré en quatre jours de combat ; les Anglais, en moins d'une semaine, chassés de leurs principales positions sur la Loire et battus en rase campagne dans leur retraite ; le roi mené à Reims avec une armée dépourvue de tout, à travers un pays occupé par l'ennemi, entrant dans les villes et atteignant le but de son voyage sans coup férir : voilà ce qu'elle avait fait ; et sa façon d'agir n'était pas moins surprenante que les résultats obtenus. Dans la première campagne, elle avait montré non-seulement l'inspiration qui enlève le succès, mais l'habileté qui le prépare, étonnant les plus vieux capitaines par une science de la guerre que n'eût pas mieux donnée la plus longue expérience. Et dans cette-nouvelle entreprise, où l'on avait affaire moins aux Anglais qu'à des enfants égarés de la France, elle avait su prendre les villes, sans qu'une seule goutte de ce sang français, qui lui était si cher, fût répandu[56].

Mais ce qui commandait surtout la foi en sa mission, c'est qu'elle l'affirmait. Elle se plaisait à dire que son œuvre n'était que ministère, c'est-à-dire qu'elle ne faisait, humble servante, que ce qui lui était commandé ; et quand on lui disait que jamais en aucun livre on n'avait lu choses semblables, elle répondait : Messire a un livre où nul clerc m'a jamais lu, si parfait qu'il soit en cléricature. C'est donc à Dieu qu'elle en rapportait le principe ; et quand elle l'affirmait, comment ne l'en pas croire ? Tout en elle était d'une sainte. Sa piété, sa ferveur sont attestées à toutes les époques de sa vie. C'était peu pour elle que d'accomplir ses devoirs de bonne chrétienne ; elle le faisait avec un zèle à en chercher les occasions, parmi les empêchements de toute sorte, où l'on pouvait voir qu'ils n'étaient pas seulement pour elle une obligation de conscience, mais une joie de l'âme. Souvent, à la messe, pendant l'élévation eu quand elle communiait, ou bien encore lorsqu'elle était en prière, on la voyait verser des larmes. Elle se plaisait au son des cloches, simple et religieuse harmonie qui n'est point seulement un appel à la prière, mais comme une voix de la terre au ciel. Elle se plaisait aux. chants consacrés ; et chaque jour à l'heure du crépuscule, pendant que les cloches sonnaient, elle se retirait dans les églises, et, rassemblant les religieux mendiants qui suivaient l'armée du roi, elle leur faisait chanter quelqu'une des hymnes de la Vierge. Elle aimait surtout les petits et les simples, et cherchait à se confondre parmi eux pour approcher de celui qui a dit : Laissez venir à moi les petits enfants. Quand elle se trouvait, dit Pasquerel, dans un endroit où il y avait des couvents de moines mendiants, elle me disait de lui remettre en mémoire les jours où les petits enfants des mendiants recevaient la communion, afin que, ce jour-là elle la reçût avec eux ; ce qu'elle fit bien des fois[57].

Ce n'était point assez pour elle que de rendre honneur à Dieu : elle eût voulu qu'il fût honoré de tout le monde ; elle voulait que les soldats fussent comme elle dans la grâce de Celui en qui elle cherchait sa force. On a vu à quel titre elle admettait les troupes autour de son étendard, quelles conditions elle réclamait pour l'assaut ou pour la bataille : elle fit que La Hire se confessât. Ce n'était pas, sans doute, chose bien rare en ce temps ; mais ce qui était bien plus commun alors comme aujourd'hui, c'étaient les jurons, les blasphèmes, cette déplorable habitude qui fait qu'on renie Dieu et qu'on se damne soi-même comme sans y penser. Jeanne ne se lassait pas de la combattre auprès des seigneurs comme auprès des soldats : Ah ! maître, disait-elle à un des principaux chevaliers qu'elle entendait jurer ainsi, osez-vous bien renier notre Sire et notre Maître ? En nom Dieu, vous vous en dédirez avant que je parte d'ici. Et le chevalier se repentit et se corrigea. Elle reprenait le duc d'Alençon comme les autres. On n'osait plus jurer en sa présence ; et le duc d'Alençon déclare que sa vue seule le contenait. Mais c'est l'habitude même qu'elle eût voulu déraciner de leurs cœurs, et, ne la pouvant détruire, elle cherchait à la transformer en proposant à cet instinct, devenu machinal, une manière inoffensive de se produire. Elle avait décidé La Hire à ne plus jurer que par son bâton, et elle-même, comme pour tâcher d'en mettre l'usage à la mode, elle avait, si l'on en croit Perceval de Cagny, familièrement adopté cette expression : Par mon martin (par mon bâton)[58] !

Sa chasteté, sa pudeur, ne pouvaient jamais mieux se montrer que dans cette vie toute militaire. On s'étonnait de la voir à cheval si longtemps, comme étrangère aux nécessités qui l'auraient pu forcer d'en descendre. Quand elle le pouvait, elle allait passer la nuit chez l'hôte le mieux famé de la ville ou du voisinage, et partageait son lit avec quelqu'une des filles de la maison. Quand elle ne le pouvait pas, elle couchait comme les autres, à la paillade, mais toute vêtue et renfermée dans ses habits d'homme. C'était peu que d'être chaste et pure ; elle inspirait la chasteté aux autres. D'Aulon, son écuyer, qui la voyait plus familièrement que personne, quand il l'armait, quand il dut panser ses blessures, Alençon qui l'avait près de lui dans toute la campagne de la Loire, Dunois qui la suivit presque partout, s'accordent à dire, comme les deux chevaliers sous la garde desquels elle vint de Vaucouleurs, que jamais sa vue n'éveilla en eux aucune pensée dont elle eût pu rougir. Il est inutile de dire qu'elle ne pouvait souffrir la présence de ces femmes qui se mêlaient aux armées, à la honte de leur sexe. Plusieurs fois, elle ordonna qu'elles fussent toutes renvoyées. Aucune n'eût osé se montrer devant elle, et elle ne tolérait pas davantage qu'une fille suivît son amant, fût-il chevalier, à moins de se marier. Un jour elle en poursuivit une, l'épée levée, mais sans la frapper pourtant, et en l'avertissant- avec douceur de ne plus se trouver dans la société des hommes d'armes, ou qu'elle lui ferait déplaisir. Une autre fois elle fit plus : elle brisa son épée sur le dos de l'une d'elles, l'épée de sainte Catherine ! Le roi en fut fâché pour l'épée, et lui dit qu'elle aurait mieux fait de prendre un bon bâton. Mais elle tenait plus à l'honneur de son sexe qu'à l'épée de sainte Catherine[59].

Si elle voulait rappeler le soldat aux devoirs du chrétien, elle tâchait, à plus forte raison, de le soustraire à ces habitudes de pillage et de meurtre qui trouvent dans la vie des camps trop d'occasions de se satisfaire. Elle avait horreur du sang versé. C'était pour ne tuer personne qu'elle portait à la main son étendard dans les batailles. Elle n'imposait pas cette loi aux siens, sans doute, mais elle condamnait tout ce que la nécessité ne commandait pas. Un jour un Français ayant frappé à la tête et blessé grièvement un des Anglais prisonniers qu'il avait sous sa garde, Jeanne descendit de cheval, soutint le blessé par la tête, et lui fit donner les secours de la religion tout en lui prodiguant les siens. Quant au pillage, cette cause de violences et quelquefois de meurtres, elle ne le tolérait pas plus volontiers. Elle ne répondait de la victoire qu'à la condition qu'on ne prendrait rien à personne et qu'on ne ferait aucune violence aux pauvres gens. Pour sa part, même quand on manquait de vivres, elle refusait de prendre rien de ce qui avait été enlevé. Sa bonté était extrême et s'étendait à toutes les misères. Elle faisait volontiers l'aumône ; elle donnait aux autres pour qu'ils la fissent aussi ; elle disait qu'elle était envoyée, pour la consolation des indigents et des pauvres. Quant aux blessés qui étaient plus spécialement confiés à sa sollicitude, elle avait les mêmes soins pour tous, qu'ils fussent Anglais ou Français. Et avec tout cela, elle était si simple que sa bonté faisait oublier sa grandeur, et qu'un des témoins du procès déclare naïvement qu'il voudrait avoir une aussi bonne fille[60].

Cette simplicité, cette innocence, cette douceur qui se gardaient inaltérables jusque dans le trouble de la vie des camps, rendaient plus étonnantes encore les grandes qualités qu'elle montrait dans la conduite des armées. Ses compagnons admiraient en elle, non-seulement le courage du chevalier ou le coup d'œil du grand capitaine, mais une science et comme une habitude de la guerre que le temps semble seul pouvoir donner. Le duc d'Alençon qui, dans la campagne de la Loire, commandait à côté d'elle, et on peut dire sous elle, n'hésite point à constater par le récit des faits, et à reconnaître expressément par ses paroles, cette supériorité dont tout le monde s'étonnait : En toutes choses, dit-il, hors du fait de la guerre, elle était simple et comme une jeune fille ; mais au fait de la guerre, elle était fort habile soit à porter la lance, soit à rassembler une armée, à ordonner les batailles ou à disposer l'artillerie. Et tous s'étonnaient de lui voir déployer dans la guerre l'habileté et la prévoyance d'un capitaine exercé par une pratique de vingt ou de trente ans. Mais on l'admirait surtout dans l'emploi de l'artillerie, où elle avait une habileté consommée. Ce n'est point là le propre d'une mystique, et la Sibylle française, comme l'appelait un clerc allemand dans un écrit de ce temps-là (juillet-septembre 1429), ne ressemblait guère à toutes celles qu'il énumère en tête de son livre pour la rattacher à des antécédents. Jeanne, dont on voudrait faire une visionnaire à cause de ses visions, était loin, toute pieuse qu'elle fût, d'être absorbée dans les paisibles contemplations de l'extase. C'était, comme on l'a pu voir déjà par le tableau même de ses premières campagnes, une nature pleine de vivacité et d'entrain, faisant pour sa part métier de soldat et de chef de troupes, et ne différant des autres que par ces illuminations de l'esprit et ces vertus angéliques, où l'on pouvait voir un rayonnement de la force qui l'animait[61].

Si les résistances devaient survivre au sacre en certain lieu, les hommages n'avaient point attendu jusque-là pour lui venir de toutes parts. Les chevaliers abandonnaient leurs propres panonceaux pour s'en faire faire à l'imitation de sa bannière. Le roi lui avait donné un état de maison qui la faisait l'égale d'un comte, ne voulant pas que personne dans l'armée eût lieu de mépriser son sentiment ; et elle soutenait son rang parmi les seigneurs sans vanité comme sans fausse modestie. Elle avait reçu des Orléanais une robe à la livrée du duc d'Orléans ; du duc de Bretagne, des compliments d'abord, et à la suite de la bataille de Patay une dague et des chevaux de prix. Elle recevait ces présents : elle en faisait à son tour, et même aux plus grandes dames, usant familièrement de réciprocité sans prétendre les égaler d'ailleurs, et s'excusant avec grâce de la modicité de ses dons. Mais elle aimait surtout, selon le précepte de l'Évangile, à donner à ceux de qui elle n'espérait rien recevoir ; et pour cela elle ne craignait pas de recourir à son crédit. Pendant qu'elle demeurait à Tours, elle avait pris en amitié la fille du peintre qui décora son étendard et sa bannière. Cette jeune fille se mariant, elle demanda, par une lettre adressée au conseil de Tours, qu'il lui donnât cent écus pour son trousseau. Après le sacre, ce qu'elle demanda au roi et ce qu'elle obtint pour prix de cette couronne qu'elle avait fait poser sur sa tête, c'est qu'il usât de sa prérogative pour exempter d'impôt le village où elle était née. Le père de Jeanne, qui la vint rejoindre à Reims, put en rapporter la nouvelle aux habitants de Domrémy[62].

Si Jeanne recevait des grands ces honneurs, que ne devait-elle pas attendre du peuple ? C'était comme une adoration, et elle ne savait comment s'en défendre. On se jetait aux pieds de son cheval, on baisait ses mains et ses pieds, et l'accusation, qui plus tard devait recueillir précieusement les moindres traits de ces hommages populaires pour les faire tourner à sa perte, constate que l'on portait des médailles à son effigie, qu'on plaçait son image dans les églises, et qu'on la mentionnait dans les prières de la messe. Jeanne ne demandait pas mieux que de savoir qu'on priât pour elle ; mais son bon sens la mettait en garde contre l'enivrement de ces honneurs, et quand les docteurs lui disaient qu'elle faisait mal de les souffrir, qu'elle entraînerait les peuples à l'idolâtrie, elle répondait avec simplicité : En vérité, je ne m'en saurais garder, si Dieu ne m'en gardait lui-même[63].

La foi en elle, l'enthousiasme était donc général, et il y en a, dans le temps même, des témoignages de diverses sortes. Le comte d'Armagnac lui écrivait pour savoir à quel pape il fallait se soumettre (août 1429) ; Bonne Visconti, pour qu'elle la rétablit dans le duché de Milan ; et sa lettre portait cette suscription : À très-honorée et très-dévote Pucelle Jeanne, envoyée du Roi des cieux pour la réparation et extirpation des Anglais tyrannisans la France. Christine de Pisan, presque septuagénaire, sentait se ranimer en elle un reste d'inspiration pour chanter celle qui avait conduit son peuple comme Josué, qui l'avait sauvé comme Gédéon, qui avait surpassé en prodiges Esther, Judith et Débora : Et sachez, s'écriait-elle,

Et sachez que par elle Anglois

Seront mis jus (à bas) sans relever,

Car Dieu le veult.

Et déjà elle voyait non-seulement Paris ouvrant ses portes à Charles VII et les Anglais chassés de France, mais l'Église pacifiée et la terre sainte reconquise[64].

Mais une plus franche poésie se développait dans les traditions qui s'attachaient à sa personne. Déjà la légende naissait pour elle à côté de l'histoire, et l'imagination populaire parait de ses fantaisies les prodiges bien plus sérieux qu'elle opérait. Au siège d'Orléans, les Anglais déclaraient avoir vu deux prélats cheminant en habits pontificaux tout à l'entour des murailles de la ville ; et l'on ne doutait pas que ce ne fussent les deux patrons de la cité, saint Euverte et saint Aignan, qui l'avaient jadis sauvée des mains d'Attila. Au moment où Jeanne avait donné le signal du dernier assaut, une colombe avait paru planant au-dessus de son étendard ; à Troyes, une infinité de papillons blancs voltigeant à l'entour ; et à la veille du voyage de Reims, on avait vu dans le Poitou des hommes armés de toutes pièces chevaucher en l'air sur un grand cheval blanc, se dirigeant des mers d'Espagne vers la Bretagne et criant aux populations effrayées : Ne vous esmayez (n'ayez peur). — C'est l'Angleterre qui devait trembler[65].

Il était plus facile encore de répandre le merveilleux sur sa naissance, sur ses premières années. Sa naissance avait été divinement présagée. La nuit qu'elle vint au monde (c'était l'Épiphanie), les gens du peuple avaient, sans savoir pourquoi, senti en eux une joie inexprimable ; ils couraient çà et là demandant ce qu'il y avait de nouveau ; les coqs avaient fait entendre des chants inaccoutumés, et pendant deux heures on les vit battant de l'aile comme en présage de cet événement. Son enfance n'avait pas été moins bénie. Pendant qu'elle gardait les brebis, les oiseaux des champs venaient à sa voix, comme privés, manger son pain dans son giron ; jamais le loup n'approcha du troupeau confié à sa garde, ni l'ennemi ou le malfaiteur, du toit paternel tant qu'elle l'habita. Quand elle eut sa première révélation, ses compagnes jouant avec elle la défiaient à la course ; elle courait, ou plutôt elle volait ; ses pieds rasaient le sol sans y toucher. Voilà ce qu'on disait, voilà ce que recueillait déjà Perceval de Boulainvillers dans une lettre écrite au duc de Milan, Philippe-Marie Visconti, le 21 juin 1429, trois jours après la bataille de Patay, et terminée pendant le voyage de Reims. Cette Pucelle, ajoutait-il, plaçant auprès de ces fictions un portrait fait au naturel, est d'une rare élégance, avec une attitude virile. Elle parle peu et montre une merveilleuse prudence dans ses paroles. Elle a une voix douce comme une femme, mange peu, boit peu de vin ; elle se plaît à cheval sous une armure brillante. Elle aime autant la société des gens de guerre et des nobles, qu'elle aime peu les visites et les conversations du grand nombre ; elle a uni abondance de larmes, et le visage serein ; infatigable à la peine, et si forte à porter les armes, que pendant six jours elle demeure complètement armée, jour et nuit[66].

Bien d'autres lettres, sans doute, et il en est resté plusieurs, portaient au loin le bruit de sa renommée. Celles mêmes qui laissent de côté le merveilleux de fantaisie témoignent de la même foi en ses succès, en ses prédictions, jusque dans les termes où les exagérait le bruit populaire. Des envoyés de quelque ville au prince d'Allemagne qui donnent une curieuse et très-précise relation du siège d'Orléans et de la campagne de la Loire, y compris la bataille de Patay, et qui par conséquent écrivent après le 18 juin, disent que la Pucelle a garanti qu'avant que le jour de la Saint-Jean-Baptiste de l'an 29 arrive (avant huit jours) il ne doit pas y avoir un Anglais, si fort et si vaillant soit-il, qui se laisse voir par la France, soit en campagne soit en bataille ; et le terme n'a rien qui les étonne : on croit que rien ne lui peut résister. Le secrétaire de la ville de Metz, qui écrit pendant le voyage de Reims, 1816 juillet, ne met en doute aucun des bruits qui lui signalent les villes comme prises ou près de l'être : car tout ce que le dauphin et la Pucelle entreprennent leur réussit en tout sans aucune résistance ; et il montre qu'il y avait tout à l'entour autant de répugnance à l'aller combattre que d'empressement à servir avec elle. Le duc de Bourgogne s'était vu réduit à l'inaction, les Flamands et les Picards refusant de l'aider hors de leur pays ; et au contraire beaucoup de chevaliers partaient des pays allemands pour aller trouver le dauphin à Reims : on l'apprend par cette lettre ; et l'on voit en effet Robert de Sarrebruck et le seigneur de Commercy venir avec le duc de Bar, René d'Anjou, héritier désigné de la Lorraine, rejoindre le roi le jour du sacre où peu après[67].

On était donc plein de confiance et d'espoir. Le sacre, loin d'être le terme où l'on dût s'arrêter, ne se montrait que comme le point de départ de la conquête. La couronne que le prince y recevait était le gage du royaume qu'il avait à reprendre, et dans l'armée et dans le peuple il y avait un élan immense pour l'y aider. Comment ces espérances furent-elles déçues ? La mission de Jeanne se terminait-elle au sacre, et la victoire a-t-elle dès lors cessé de la suivre parce que la force qui la faisait vaincre ne la dirigeait plus ? C'est ce qu'il importe d'examiner de plus près, au moment de passer de la période triomphante qui aboutit à Reims à celle qui a pour terme Rouen.

 

 

 



[1] Jean Gerson : Il cite Debora et sainte Catherine, Judith et Judas Macchabée : Neque sequitur semper post primum miraculum quidquid ab hominibus expectatur. Propterea, etsi frustraretur ab omni exspectatione sua et nostra (quod absit) dicta puella, non oporteret concludere ea quæ facta sunt, a maligno spiritu vel non a Deo facta esse ; sed vel propter nostram ingratitudinem et blasphemias, vel aliunde justo Dei judicio, licet occulto, posset contingere frustratio exspectationis nostra in ira Dei, quam avertat a nobis, et bene omnia vertat. T. III, p. 303.

Jacques Gelu : Credendum est quod ille qui commisit, inspirabit creaturæ suæ quam misit, ea quæ sunt agenda, melius et expedientius quam prudentia humana exquirere posset.... Quare consuleremus quod in talibus primo et principaliter exquireretur votqm puella, etc. ... Et in hoc consilium puella primum et prœcipuum dicimus esse debere, et ab ea ante omnes assistentes, quærendum, investigandum et petelidum. Insuper regi consuleremus quod omni die certam aliquid Deo bene placitum et ejus voluntati gratum fumet, quodque super hoc cum puella conferret, et, post ejus advisamentum, in esse deduceret quam humiliter et devote ; ne dominus manum retrahendi causam habeat, sed gratiam suam continuet. Ibid., p. 409, 410.

[2] Sur cette hostilité sourde et constante des principaux conseillers de Charles VII, voy. les Histoires de France de Sismondi, t. XIII, p. 152 et 165, Michelet, t. V, p. 39 et H. Martin, t. VI, p. 150 ; et M. J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 30 et suiv.

[3] Retour de Jeanne : t. III, p. 80 (Beaucroix). — Lettres de Charles VII, t. V, p. 101, 103. — Accueil du roi : t. IV, p. 168.

[4] Conseils et opposition : t. IV, p. 11 (Cagny) ; p. 168 (Journal). — Instances de Jeanne : Audivit aliquando dictam Johannam dicentem regi quod ipsa Johanna duraret per annum et non multum amplius, et quod cogitarent illo anno de bene operando, quia dicebat se habere quatuor enera, videlicet fugare Anglicos, etc. T. III, p. 99 (duc d'Alençon).

[5] T. III, p. 12 (Dunois). Selon la version du Journal et de la Chronique, t. IV, p. 168 et 235, le roi et ses plus privés hésitaient à lui faire cette question de peur qu'elle n'en fût mal contente ; mais Jeanne le connaissant par grâce divine, vint à eux et leur dit ce qu'on a vu.

[6] Les Anglais à Meun et à Jargeau : t. IV, p. 233, (Chron.) — Attaque des Seigneurs contre Jargeau : ibid., p. 167 (Journal). La Pucelle, qui toujours avoit l'œil et sa pensée aux affaires du duc d'Orléans, parla à son beau duc d'Alençon et lui dist que, en tandis que le roi se apresteroit, elle vouloit aler délivrer la place de Gargueau. T. IV, p. 11 (Gagny). — Le duc d'Alençon : t. IV, p.169 (Journal). Il venait d'acquitter ses hostages, touchant la rançon accordée pour sa délivrance. T. IV, p. 236 (Chron.).

[7] Jeanne d'Arc à Selles, lieu de réunion de l'armée : t. V, p. 262 (extrait des comptes d'Orléans) ; cf. t. IV, p. 12 (Cagny). Le duc d'Alençon fist sçavoir aux mareschaulx de Boussac et de Reis, que eulx et leurs gens fussent à certain jour à ung village près Romorantin en Salloigne. — Lettre de Gui de Laval : t. V, p. 107.

[8] Et aves fait bailler je ne sçay quelle lettre à mon cousin de La Trimoille et seigneur de Trèves, par occasion desquelles le roy s'efforce de me vouloir retenir avecques luy jusques [à ce que] la Pucelle ait esté devant les places Angles-chu d'environ Orléans, où l'on va mettre le siège ; et est déjà l'artillerie pourveue, et ne s'esmaye point la Pucelle qu'elle ne soit tantost avec le roy, disant que lorsqu'il prendra son chemin à tirer avant vers Reims, que je irois avec luy. Mais jà Dieu ne veuille, etc. (Lettre de Gui de Laval : t. V, p. 109, 110.)

[9] Départ de Selles : Lettre de Gui de Laval : t. V, p. 110.

[10] Retour de la Pucelle à Orléans : Le 9 juin, t. IV, p. 169, 170 (Journal), et la note tirée des comptes de la ville, ibid. — 8000 combattants : Journal, ibid. Cagny dit de 2.000 à 3.000 combattants et autant de gens du commun ou plus (ibid., p. 12). C'est le duc d'Alençon lui-même qui porte son armée à 600 lances, et à 1.200 après l'arrivée de Dunois, etc. t. III, p. 94. J. Chartier (ibid., p. 65), le Journal (ibid., p. 170) et la Chronique (ibid., p. 236) comptent de 600 à 700 Anglais ; Cagny (ibid., p. 12) de 700 à 800. — Falstolf : t. IV, p. 170 (Journal), et p. 413 (Wavrin). — Les troupes raffermies par la Pucelle : t. III, p. 95 (Alençon) : Quod nisi esset secura quod Deus deducebat hoc opus, quod ipsa prædiligeret custodire oves quam tantis periculis se exponere. Cf. t. IV, p. 170 (Journal).

[11] Arrivée devant Jargeau : t. III, p. 95 (Alençon) ; t. IV, p. 171 (Journal) et p. 12 (Cagny) : À l'arrivée, les gens de commun à qui il estoit advis que à l'entreprinse de la Pucelle riens ne povoit tenir, ils saillirent ès fossés sans sa présence et sans les gens d'armes qui entendoient à eux loger. T. IV, p. 12 (Gagny.)

[12] En leur petite cotte : In suis gipponibus vel tunicis, t. I, p. 80 (c'est-à-dire sans autre chose que les vêtements qu'ils portaient sous l'armure). (Note de l'éditeur.) Cf. t. IV, p. 12 (Cagny). — Pourparler de Suffolk et de La Hire : t. III, p. 87 (Alençon).

[13] Assaut de Jargeau : Et clamaverunt præcones : Ad in sultum  ! ipsaque Johanna dixit loquenti : Avant, etc. — Uxor loquentis dixit eidem Johannetæ quod  multum timebat de ipso loquente et quod nuper fuerat prisonarius, et quod tantæ pecuniæ fuerant expositæ pro sua redemptione, etc., T. III, p. 96 (Alençon) ; — t. IV, p. 12 (Cagny) ; p. 171 (Journal), etc.

[14] Le duc d'Alençon sauvé par un avis de Jeanne : t. III, p. 96 (Alençon) ; cf. t. IV, p. 171 (Journal), et p. 236 (Chron.).

[15] Jean le canonnier : t. IV, p. 172 (Journal) ; p. 237 (Chron.). — Durée de l'assaut : t. IV, p. 173 (Journal), et t. V, p. 350 (lettre des agents allemands). — Jeanne frappée d'une pierre : t. III, p. 97 (Alençon) ; cf. le Journal, la Chronique et les agents allemands, l. l. — Suffolk et le gentilhomme : le Journal et la Chron., ibid.

[16] Berri (t. IV, p. 45) et le Journal (ibid., p. 173) portent le nombre des Anglais tués à 4 ou 500 ; J. Chartier, à 3 ou 400 (ibid., p. 65) ; Alençon, à plus de 1.100 (t. III, p. 97). Personne ne dit qu'il y en ait eu jamais autant dans la place. Gagny compte 40 ou 50 prisonniers (ibid., p. 12). La Chronique dit qu'il y en eut foison (ibid., p. 238) ; les agents allemands, qu'il y avait 500 Anglais dans la place et qu'ils furent tous tués, excepté Suffolk et deux autres (t. V, p. 351). Jean Chartier et la Chronique rapportent que le siège dura huit jours ; et le duc d'Alençon lui-même semble compter quelques jours (post aliquos dies) entre la première attaque et la prise de la ville (t. III, p. 95) ; mais P. de Cagny et le Journal disent expressément que la première attaque eut lieu le 11 et la prise de la ville le 12. Les agents allemands (t. V, p. 350) ne supposent dans leur récit que deux jours de siège.

La ville pillée : t. IV, p. 173 (Journal) et p. 235 (Chron.). — Les prisonniers tués : t. IV, p. 65 (J. Chartier), et p. 234 et 235 (Chron.).

[17] La Pucelle à Orléans et à Meun : t. IV, p. 13 (Gagny) ; p. 65 (J. Chartier) ; p. 175 (Journal).

[18] Baugency : t. IV, p. 14 (Gagny) ; p. 65 (J. Chartier) ; p. 174 (Journal.)

[19] Richemont : t. IV, p. 316 (Gruel) ; p. 175 (Journal), etc. Il amenait 500 à 600 combattants, selon Gagny (t. IV, p. 14) ; 1.000 à 1.200, selon Chartier (ibid., p.65). — Gruel prétend que Richemont ne s'arrêta point sur l'ordre du roi, quand il venait pour le siège d'Orléans. Mais de quel pas a-t-il marché, puisqu'il n'arrive à Amboise qu'au temps du siège de Baugency ?

[20] Richemont et Jeanne : t. III, p. 98 (Alençon) ; t. IV, p. 175 (Journal).

[21] Richemont accueilli : t. III, p. 98 (Alençon) ; t. IV, p. 175 (Journal) ; p. 24 (Chronique).

[22] Talbot venant de Baugency : t. IV, p. 239 (Chron.). — Falstolf : t. IV, p. 415 (Jean de Wavrin, dans ses additions à Monstrelet). Wavrin faisait partie du corps de Falstolf ; il en porte le nombre à 5.000 hommes, à quoi Talbot joignit 40 lances et 200 archers (ibid.). Les historiens français diminuent ce nombre, loin de l'accroître : Jean Chartier donne aux Anglais 4.000 à 5.000 hommes (ibid., p. 67) ; le Journal du siège, 4.000 (ibid., p. 176).

[23] Les Français et les Anglais en présence : t. IV, p. 417 (Wavrin) ; cf. p. 176 (Journal) : ...tendans avec les autres à secourir Baugency et cuidans faire délaisser le siège ; mais ils ne purent y entrer, combien qu'ils fussent quatre mil combattants ; car ils trouvèrent les Français en telle ordonnance qu'ils délaissèrent leur entreprise. Et s'en retournèrent au pont de Meung et l'assaillirent moult asprement. T. IV, p. 176 (Journal).

[24] Les Anglais à Meun : t. IV, p. 417 (Wavrin) : Et chevauchèrent vers Meung, où ils se logèrent cette nuit, car ils ne trouvèrent nulle résistance en la ville, fors tant suellement que le pont se tenoit pour les François. — Si les Anglais avaient abandonné la ville, les Français, on le voit, n'avaient point cherché à la reprendre ; mais les autres témoignages établissent que la garnison anglaise n'en était pas sortie. Gagny dit que Falstolf y vint prendre le sire de Scales et sa troupe, pour les ramener à Janville (ibid., p. 15) ; cf. t. III, p. 10 (Dunois) ; t. IV, p. 176 (Journal).

[25] Capitulation de Baugency : t. III. p. 97 (Alençon). — Et veoyent que rien ne povoit résister contre la Pucelle, et qu'elle mettoit toute l'ordonnance de sa compagnie en telle conduite comme elle vouloit, tout ainsi comme le devroient et pourroient faire le connestable et les maréchaulx d'ung ost. T. IV, p. 14, 15 (Gagny) ; cf. p. 45 (Berri) ; p. 175 (Journal) ; p. 241 (Chronique) ; p. 318 (Gruel) ; p. 370 (Monstrelet), et p. 419 (Wavrin). La chronique évalue la garnison à 500 combattants. Le journal rapporte qu'ils allèrent à Meaux ; Berri dit avec plus de vraisemblance qu'ils se retirèrent en Normandie ung baston en leur poing.

[26] Retraite des Anglais : Nous suivons le récit de Wavrin qui y était (t. IV, p. 420, 421).

[27] Bataille de Patay : Procès, t. IV, p. 68 (J. Chartier) ; p. 176 (Journal) ; p. 421 (Wavrin).

[28] Suite : ibid., p. 422 (Wavrin) ; t. III, p. 98 (Alençon) ; t. IV, p. 243 (Chron.).

[29] Suite : Wavrin, ibid. — Et habuit l'avant-garde La Hire ; de quo ipsa Johanna fuit multum irata, quia ipsa multum affectabat habere onus de l'avant-garde. T. III, p. 71 (L. de Contes). — Et parce que la Pucelle et plusieurs seigneurs ne vouloient pas que la grousse bataille fust ostée de son pas, il esleurent La Hire, Poton.... et leur baillèrent charge d'aler courir et escarmoucher devant les Angloys pour les retenir et garder d'eulx retraire en lieu fort. Ce qu'ilz feirent et oultre plus ; car ils se frappèrent dedans eulx de telle hardiesse, combien qu'ils ne feussent que quatorze k quinze cens combatans, qu'ils les mirent à desaroy et desconfiture, nonobstant qu'ils estoient plus de quatre mil combatans. (T. IV, p. 177 (Journal) ; cf. t. III, p. 120 (Th. de Termes). Percutiatis audacter, et ipsi fugam capient. T. IV, p. 339 (P. Cochon, Chron. norm., ch. XLVIII dans l'édit de M. Vallet de Viriville).

Perte des anglais : t. III, p. 11 (Dunois) ; t. IV, p. 423 (Wavrin). Le Journal compte 2.200 tués (t. IV p. 177) ; Berri, 2.200 tués et 400 prisonniers (ibid., p. 45). Le rapport qui fut envoyé à Tours sur la bataille évaluait à 2.500 le nombre des Anglais tant mort que pris. C'est au moins ce qui est constaté dans le registre où était mentionné le payement des 6 livres allouées le 22 juin au courrier qui en fut le porteur. Le bruit courait alors que Falstolf était aussi au nombre des prisonniers (t. V, p. 262). La Pucelle le crut elle-même (voy. sa lettre aux habitants de Tournai du 25 juin 1429 (t. V, p. 125) ; et la nouvelle en est reproduite dans les lettres écrites vers le même temps : t V, p. 120 (P. de Boulanvilliers) ; p. 122 (lettre sur des prodiges advenus en Poitou) ; p. 352 (lettre des agents allemands). — On trouve dans les extraits des comptes plusieurs choses qui se rapportent à cette campagne de la Loire. Bien que les seigneurs, comme on l'a vu par Gui de Laval, aient peu compté que le roi les indemnisât de leurs dépenses, le seigneur de Rais reçut de lui 1.000 livres pour les troupes qu'il conduisit à Jargeau (t. V, p. 261). La ville d'Orléans y prit sa part aussi, quoique dans une moindre mesure : A Jaquet Compaing pour bailler à Orléans le hérault pour avoir été à Selles le 4 juin devers la Pucelle dire nouvelle des Anglais, 6 l. 8. s. parisis ; — pour deux seings et leur façon, faict pour signer les piczs, pioches, pelles, et aultres choses de guerre, donnés à Jehanne, pour aller faire le siège de Jarguau : 16 s. p. ; — pour deux autres messagers, 16. s. p., etc. Un autre extrait comprend les dépenses relatives à un tonneau de vin et douze douzaines de pain, envoyés à Jeanne au siège de Baugency ; — à un messager pour estre venu de Beaugency à Orliens, par l'ordonnance de Jehanne, querir des pouldres quant le siège y estoit, 16 s. p. T. V, p. 262 et 263.

[30] Suites de la bataille de Patay : t. IV, p. 46 (Berri) ; p. 178 (Journal), p. 244 (Chron.).

[31] Tout cela n'empêche pas Sismondi de dire : Les chefs s'aperçurent bien vite que c'était à eux à la diriger. (Histoire des Français, t. XIII, p. 123.)

[32] Retour de la Pucelle : t. IV, p. 178 (Journal) ; p. 245 (Chron.).

[33] Le connétable : ibid. (Journal et Chron.) ; p. 71 ( J. Chartier) ; p. 46 (Berri) : Et renvoya le connestable et aussi contremanda le conte de Perdrias (Bernard d'Armagnac) pour ce que le sire de la Trémoille craignoit qu'ilz ne voulsissent entreprandre à avoir le gouvernement du roy, ou luy faire desplaisir de sa personne et le bouter hors. Sully était une seigneurie de La Trémouille ; les ménagements dont les Anglais avaient usé envers la ville, quand ils l'occupèrent un peu avant le siège d'Orléans, le soin qu'ils eurent d'y établir pour capitaine le frère même de la Trémouille (Chron. de la Pucelle, chap. XXXIV), avaient fait soupçonner que le favori de Charles VII n'était pas leur plus grand ennemi.

[34] Préparatifs du départ : t. IV, p. 17 (Gagny) ; p. 245 (Chron.). — Le roi et la Pucelle : t. III, p. 116 (Sim. Charles) ; cf. ibid., p. 76 (G. Thibault).

[35] Lettre de la Pucelle aux habitants de Tournai. Voy. aux appendices, n° V.

[36] Projets sur la Normandie : t. III, p. 13 (Dunois). — Bonny, Marchénoir, etc. : t. IV, p. 179, 180 (Journal) ; p. 246 (Chron.). — La Pucelle aux champs : t. IV, p. 18 (Gagny) : Et combien que le roy n'avoir pas d'argent pour souldoyer son armée, tous chevaliers, escuyers, gens de guerre et de commun ne refusoient pas de aller servir le roy pour ce voyage en la compagnie de la Pucelle, disant qu'ils iroient partout où elle vouldroit aller. — Au dit lieu de Gyen-sur-Loire, fut faict un payement aux gens de guerre de trois francs pour homme d'armes, qui estoit peu de chose. T. IV, p. 249 (Chron., chap. LVI).

[37] Départ pour Reims : t. IV, p. 180 (Journal), et p. 74 (J. Chartier). — Lettre de Philibert de Moulant : t. IV, p. 286 (J. Rogier, auteur du XVIIe siècle, mais qui a compilé des pièces authentiques, aujourd'hui perdues). — Auxerre : ibid., p. 181 (Journal), et 250 (Chron.) ; il y est dit qu'ils donnèrent à la Trémouille 2.000 écus. — Conditions du traité : ibid., p. 378 (Monstrelet).

[38] Saint Florentin : t. IV, p. 72 (J. Chartier). — Lettre du roy aux habitants de Reims : ibid., p. 287 ; — de ceux de Troyes à ceux de Reims : ibid., p. 289, 290 ; — de Jehanne aux habitants de Troyes : ibid., p. 287 ; voy. aux append., n° VI.

[39] Le roi devant Troyes : ibid., p. 289, 290. Perceval de Gagny fixe à tort au vendredi, 8 juillet, l'arrivée devant Troyes (ibid., p. 18).

[40] Frère Richard : Voy. la déposition de Jeanne, le Bourgeois de Paris, la Chronique et Monstrelet, cités par M. Quicherat à propos du premier interrogatoire de la Pucelle, t. I, p. 99, 100. Monstrelet (chap. LXIII) dit qu'il avait été chassé de Paris parce qu'il se montrait trop pleinement favorable aux Français (t. IV, p. 377). A la nouvelle qu'il s'était rallié à la Pucelle, les Parisiens, furieux contre lui, reprirent les dés et les boules qu'il leur avait fait quitter, et rejetèrent la médaille portant le nom de Jésus, qu'il leur avait fait prendre. (Journal du Bourgeois de Paris, juillet 1429 : t. XL, p. 393, Éd. Buchon.) Ce frère Richard passait pour avoir prédit l'arrivée de la Pucelle. On racontait qu'ès advens de Noël et devant, il avoit preschié par le pays de France en divers lieux et dit entre autres choses en son sermon : Semez, bonnes gens, semez foison de febves : car celui qui doibt venir viendra bien brief. Les habitants de Troyes semèrent des fèves ; les soldats de Charles VII, dans leur détresse, en firent leur profit. (T. IV, p. 182.)

[41] Détresse, conseil devant Troyes : Chron., chap. LVII ; et t. IV, p. 72-75 (J. Chartier) ; p. 181-183 (Journal) ; cf. t. III, p. 117 (Simon Charles), et p. 13 (Dunois) : Nobilis delphine, jubeatis venire gentem vestram et obsidere villam Trecensem, nec protrahatis amplius longiora consilia, quia in nomine Dei, ante tres dies ego vos introducam intra civitatem Trecensem, amore vel potentiavel fortitudine ; et erit falsa Burgundia multum stupefacta.

[42] Préparatifs de l'assaut : Et tunc ipsa Johanna accepit vexillum et eam sequebantur multi homines pedites, quibus præcepit quod quilibet faceret fasciculos ad repleudum fossata. Qui multos fecerunt ; et in crastinum ipsa Johanna clamavit : Ad insultum, fingens ponere fasciculos in fossatis. Ethoc videntes.... miserunt de compositione habenda. T. III, p. 117 (Sim. Charles ). — Et tunc dicta puella statim cum exercitu regis transivit, et fixit tentoria.sua juxta fossata, feclique mirabiles diligéntias quas etiam non fecissent duo vel tres usitati et magis famati homines armorum, et taliter laboravit nocte illa, quod in crastino episcopus et cives.... dederunt obedientiam regi. T. III, p. 13 ( Dunois ) ; cf. Chron., chap. LVII, et t. IV, p. 183 (Journal).

[43] Capitulation : t. IV, p. 297. (Lettre de Jean de Châtillon, d'après J. Rogier) : Que le commun de la dicte ville alla ausdictz seigneurs, chevaliers et escuyers, en très-grand nombre, leur dire que, s'ilz ne vouloient tenir le traité, qu'ils avoient fait pour le bien publique, qu'ilz mettroient les gens du roy dedans ladicte ville, voulsissent ou non.... — Que lesdicts chevaliers et escuyers estoient sortys de la dicte ville par traicté, leurs corps et leurs biens saufs, etc. ; — p. 296 (Lettre des habit. de Troyes à ceux de Reims) : Moyennant qu'il leur feroit abolition générale de tous cas, et qu'il ne leur lairoit point de garnison, et qu'il aboliroit les aydes, excepté la gabelle. — Chron., chap. LVII : Et au regard des gens d'Église qui avoient régales et collations de bénéfices du roi son père, il approuva les collations ; et ceux qui les avoient du roy Henry d'Angleterre prindrent lettres du roy ; et voulut qu'ils eussent les bénéfices, quelques collations qu'il en eust faict à autres. Voy. le traité (Ordonn., t. XIII, p. 142.)

[44] Rachat des prisonniers : Chron. de la Pucelle, chap. LVII. — Moyennant que de tous prisonniers qu'ils avoient pris, ils de-voient avoir de chascun ung marq d'argent. T. IV, p. 297 (Lettre de Jean de Chastillon) ; cf. ibid., p. 76 (J. Chartier) ; p. 184 (Journal) ; p. 378 (Monstrelet) : Et fist publier par plusieurs fois, tant en son ost comme en la ville, sur le hart, que homme, de quelque estat qu'il fust, ne meffesist riens à ceux de la ville de Troyes ne aux aultres qui s'estoient mis en son obéissance.

[45] Châlons : Chron., chap. LVIII, et t. IV, p. 290 (J. Rogier) ; cf. p. 76 (J. Chartier), et p. 184 (Journal).

[46] Lettre de Bedford sur ses revers : Causés en grande partie comme je pense par enlacement de fausses croyances, et par la folle crainte qu'ils ont eu d'un disciple et limier de l'Ennemi (du diable), appelé la Pucelle, qui usait de faux enchantements et de sorcellerie, etc. (of lakke of sudde beleve and of unlevefull doubte that they hadde of a disciple and lyme of the Feende, called the Pucelle, that used fals enchantements and sorcerie). Rymer, t. X, p. 408, cité par M. Quicherat, t. V, p. 136.

[47] Dispositions des esprits depuis la délivrance d'Orléans : (Bedford) doubtant que aucuns de Paris se deussent pour cette desconfiture réduire en l'obéissance du roy et faire esmouvoir le commun peuple contre Anglois, si se partit à très-grand haste de Paris, et se retira au bois de Vincennes, où il manda gens de toutes parts ; mais peu en vint : car les Picards et autres nations du royaume qui tenaient son party se prindrent à deslaisser les Anglois et à les haïr et despriser. (Chron., chap. XLIX) — Falstolf : En conclusion lui fu osté l'ordre du Blancq-Jartier qu'il portoit entour la jambe.  T. IV, p. 375 (Monstrelet, II, 61). — Traité avec Winchester : Rymer, t. X, p. 424 (1er juillet 1429). Ses troupes sont prises au service du roi, du 23 juin passé au 21 décembre. On réservait au cardinal le droit de faire alors la croisade dont le commandement lui était conféré par un acte du 18 juin, ibid., p. 423 ; cf. sur la croisade de Winchester, ibid., p. 417, 419. — Le duc de Bourgogne à Paris, le 10 juillet : Voy. le Journal du Bourgeois de Paris, à cette date, p. 390, 391 (Ed. Buchon) ; cf. Procès, t. V, p. 130 (lettre de trois gentilshommes angevins, le jour du sacre) ; t. IV, p. 455 (Clém. de Fauquemberque, greffier du Parlement), et Monstrelet, II, 72.

[48] Extrait des délibérations du conseil de Reims. Varin, Archives législat. de la ville de Reims, Statuts, t. I, p. 738-741.

[49] Lettres de Troyes et de Châlons : Voyez-en les extraits donnés par J. Rogier, t. IV, p. 285 et suiv.

[50] Lettre de Châtillon : t. IV, p. 292-294.

[51] Lettre du bailli de Vermandois : t. IV, p. 295.

[52] Lettre de Jean de Châtillon : t. IV, p. 296.

[53] Lettres diverses : t. IV, 296-298.

[54] Retraite de Châtillon, t. IV, p. 294 et Chron., chap. LVIII ; cf. t. IV, p. 184 (Journal). Jeanne avait prédit à Charles VII qu'il entrerait à Reims sans résistance ; que les bourgeois viendraient au-devant de lui, t. III, p. 118 (Sim. Charles).

[55] Entrée à Reims : Chron., ibid., et t. IV, p. 185 (Journal). — Sacre : MMgrs le duc d'Alençon, le comte de Clermont, le comte de Vendosme, les seigneurs de Laval et La Trémoille y ont esté en abis royaux, et Mgr d'Alençon a fait le roy chevalier, et les dessusditz représentbient les pairs de France ; Mgr d'Albret a tenu l'espée durant ledit mystère devant le roy ; et pour les pairs de l'Église y estoient avec leurs croces et mitres, MMgrs de Rains, de Chalons, qui sont pairs ; et en lieu des autres, les évesques de Séez et d'Orléans, et deux autres prêtas, et mondit seigneur de Rains y a fait ledit mystère et sacre qui lui appartient.... Et durant ledit mystère, la Pucelle s'est toujours tenue joignant du roy, tenant son estendart en sa main. Et estoit moult belle chose de voir les belles maniùres que tenoit le roi et aussi la Pucelle. Et Dieu sac he si vousy avez esté souhaités. ( Lettre de trois gentilshommes angevins à la femme et à la belle-mère de Charles VII (du 17 juil. 1429). Procès, t. V, p. 128 ; cf. Monstrelet, II, 64. — Paroles de Jeanne : Chron., chap. LVIII ; cf. t. IV, p. 186 (Journal).

[56] La Pucelle au voyage de Reims : Et partout où la Pucelle venoit, elle disoit à ceulx des places : Rendez (vous) au roi du ciel et au gentil roy Charles. Et estoit toujours devant à venir parler aux barrières. T. IV, p. 18 (Cagny).

[57] Mission : Et pluries audivit dicere dicta Johannæ quod de facto suo erat quoddam ministerium ; et quum sibi diceretur : Nunquam talia fuerunt visa sicut videntur de facto vestro ; in nullo libro legitur de talibus factis ; ipsa respondebat : Dominus meus habet unum librum in quo unquam nullus clericus legit, tantum sit perfectus in clericatura. T. III, p. 110, 111 (Pasquerel)

Piété de Jeanne : Quod ipsa Johanna erat multum devota erga Deum et beatam Mariam, et quasi quotidie confitebatur, et communicabat frequenter ;... dum ipsa confitebatur, ipsa flebat. T. III, p. 104 (Pasquerel). Quod habebat in consuetudine frequenter confitendi peccata sua, et quotidie audiebat missam. T. III, p. 34 (la fille de son hôte d'Orléans). Confitebatur sæpe, vacabat orationi assidue : audiebat missam quotidie, et recipiebat frequenter Eucharistiæ sacramentum. Ibid., p. 18 (Dunois). Quæ sæpissime confitebatur de duobus diebus in duos dies, et etiam qualibet septimana recipiebat sacramentum Eucharistiæ, audiebatque missam qualibet die, et exhortabatur armatos de bene vivendo et sape confitendo. Ibid., p. 81 (Sim. Beaucroix) ; cf. p. 218 (d'Aulon). Quod ipse vidit Johannam, dum celebraretur missa, in elevatione corporis Christi mittere lacrymas in abundantia. Ibid., p. 32 (Compaing) ; cf. p. 66 (L. de Contes). — Les cloches et les chants : t. III, p. 14 (Dunois). — Les petits enfants : ibid., p. 104 (Pasquerel).

[58] Piété inspirée aux soldats : t. III, p. 81 (Sim. Beaucroix) ; cf. p. 105 (Pasquerel). Ipsa inducebat armatos ad confitendum peccata sua ; et de facto vidit qui loquiturq uod ad instigationem suam et monitionem, La Hire confessus est peccata sua, et plures alii de societate sua. Ibid., p. 32 (Compaing.) — Répression des blasphèmes : Increpabat armatos quando negabant vel blasphemabant nomen Dei. T. III, p. 33 (Bordes). — Et tunc ille Dominus pœnituit. Ibid., p. 34 (Vve Huré ). — Multum etiam irascebatur dum aliquos armatos audiebatjurautes ; ipsos multum increpabat et maxime ipsum loquentem qui aliquando jurabat : et dum videbat eam, refrenabatur a juramento. Ibid., p. 99 (Alençon). — La Hire : Quod amplius non juraret ; sed dum vellet negare Deum, negaret suum baculum. Et postmodum ipse Lahire in præsentia ipsius Johannæ, consuevit negare suum baculum. Ibid., p. 206 (Seguin). — Par mon Martin, ce estoit son serment. T. IV, p. 4, etc. (Cagny). On peut se demander pourtant si Cagny n'a point prêté ici à la Pucelle quelqu'une de ses manières de parler. Tous les autres historiens ou témoins ne citent de Jeanne qu'une seule parole en forme d'affirmation. En nom Dieu ! Si l'autre lui eût été ordinaire, il serait étrange qu'on n'en eût pas tiré au procès une nouvelle accusation de sorcellerie. On n'a pas besoin d'invoquer le témoignage de d'Aulon qu'il ne l'a jamais ouy jurer, blasphémer ou parjurer le nom de Notre-Seigneur, ne de ses saints, pour quelque cause ou occasion que ce feust. Ibid., p. 219.

[59] Pudeur : Quod dum erat in armis et eques nunquam descendebat de equo pro necessariis naturæ. T. III, p. 118 (Sim. Charles). Semper in nocte habebat mulierem cum ea cubantem si invenire posset, et dum non poterat invenire, quando erat in guerra et campis, cubabat induta suis vestibus. T. III, p. 70 (L. de Contes) ; cf. p. 18 (Dunois) ; p. 34 (Charlotte Navet) ; p. 81 (Sim. Beaucroix), et p. 111 (Pasquerel).

Chasteté qu'elle inspirait : Dicit etiam quod aliquando in exercitu ipse loquens cubuit cum eadem Johanna et armatis à la paillade, et vidit aliquando quod ipsa Johanna se præparabat, etc. Ibid., p. 100 ( Alençon) ; cf. p. 15 (Dunois ), et p. 77 (Thibault).

Filles chassées des camps : ibid., p. 81 (Sim. Beaucroix). — Quam tamen non percussit, sed eam dulciter et caritative monuit ne se inveniret amodo in societate armatorum. Ibid., p. 73 (L. de Contes). — Persequebatur cum gladio evaginato quamdam juVenculam existentem cum armatis, adeo quod eam insequendo disrupit suum ensem. Ibid., p. 99 (Alençon) ; cf. t. IV, p. 71, 72 (J. Chartier).

[60] Horreur du sang : t. III, p. 205 (Seguin). — Anglais blessés, secourus : ibid., p. 72 (L. de Contes). Pia etiam non solum erga Gallicos, sed etiam erga inimicos. Ibid., p. 81 (Beaucroix). — Pillage détesté : ibid., p. 111  (Pasquerel) ; t. IV, p. 500 (Eb. de Windecken). Nam de victualibus quæ sciebat deprtedata nunquam volebat comedere. Ibid., p. 81 (Beaucroix). — Charité : Libenter dabat eleemosynas, et dixit testis quod multotiens sibi pecunias ad dandum pro Deo concessit. T. II, p. 438 (J. de Metz). — Dicebat quod erat misse pro consolatione pauperum et indigentium. T. III, p. 87 (Marguerite de La Touroulde). — Soin des blessés : De pauperibus armatis, esto quod essent de parte Anglicorum, ipsa multum compatiebatur. Ibid., p. 111. (Pasquerel). — Une aussi bonne fille : Et bene vellet habere unam filiam ita bonam. T. II, p. 450 (Aubert d'Ourches).

[61] Habileté militaire de Jeanne d'Arc : t. III, p. 100 (Alençon) ; et p. 120 (Th. de Termes) : Quod extra factum guerræ erat simplex et innocens ; sed in conductu et dispositione armatorum et in facto guerræ, et in ordinando belle et animando armatos, ipsa ita se habebat ac si fuisset subtilior capitaneus mundi, qui totis temporibus suis edoctus fuisset in guerra. Cf. t. IV, p. 3 (Cagny), et p. 70 (J. Chartier) : Et chevauchoit toujours armée en habillement de guerre, ainsi qu'étoient les autres gens de guerre de la compagnie ; et parloit aussi prudemment de la guerre comme capitaine savoit faire. Et quand le cas advenoit qu'il y avoit en l'ost aucun cry ou effroy de gens d'armes, elle venoit, fust à pied ou à cheval. aussi vaillamment comme capitaine de la compaignie eust sceu faire en donnant cueur et hardement à tous les aultres, en les admonestant de faire bon guet et garde en l'ost, ainsy que par raison on doit faire. Et en toutes les aultres choses estoit bien simple personne, et estoit de belle vie et honesteté. Cf. t. III, p. 424 et suiv. (La Sibylle française.)

[62] Les panonceaux : t. I, p. 27. — État de maison : Ut ei Rex Carolus sumptus, quibus comitis familiam æquaret, suppeteret, ne apud viros militares per causam inopito vilesceret. T. IV, p. 449 (Pontus Heuterus, écrivain du XVIe siècle, d'après G. Chastelain). Il continue ainsi : Conspiciebatur enim ejus in comitatu, præter nobiles puellas, procurator domus, stabuli præfectus, nobiles pueri, a manibus, a pedibus, a cubiculis ; colebaturque a rege, a proceribus, ac imprimis a populo instar dive habebatur. — Robes : A Jacquet Compaing, pour demye aulne de deux vers achacté pour faire les orties des robes à la Pucelle, 35 s. p. T. V, p. 559 (comptes de forteresse).

Nous regrettons que M. Vallet de Viriville, dans la curieuse notice qu'il a publiée, entre tant d'excellents morceaux de critique, sur l'iconographie de Jeanne d'Arc, ait dit que Jeanne, depuis le jour où elle prit possession de sa carrière, se livra au goût du luxe, qui se développa chez elle d'une manière croissante. — Elle aimait, ajoute-t-il, passionnément le cheval, l'exercice militaire, les armes et les vêtements de prix, etc. (p. 3, 4). Jeanne eut des vêtements de prix, Jeanne eut des chevaux : elle en avait une douzaine (tant pour elle que pour ses gens), lorsqu'elle tomba aux mains de l'ennemi (t. I, p. 295). Mais autre chose est de soutenir son rang, autre chose de se livrer au goût du luxe. Parmi les textes allégués, il y a bien celui de Percerai de Boulainvilliers qui dit qu'elle se plaît à monter à cheval et à porter de belles armes (ce sont les armes qu'elle a reçues du roi) : in equo et armorum pulchritudine complacet. Mais on est à la veille du voyage de Reims, et il n'en parle que pour opposer son genre de vie à sa nature de jeune fille, et témoigner de son activité : inaudibilis laboris et in armorum portatione et susteutatione adeo fortis, ut per sex dies die noctuque indesinenter et complete armata maneat. (T. V, p. 120.) Quant au témoignage de Jean Monnet, que, selon le bruit répandu à l'époque où elle fut visitée, elle avait été blessée pour avoir monté à cheval (t. III, p. 63), comment rapporter à la passion des chevaux ce qui était la conséquence de sa vie militaire ? Le reproche (à prendre les citations de l'auteur lui-même) ne peut donc se justifier que par des emprunts faits soit à l'accusation : Item dicta Johanna abusa est revelationibus et prophetiis convertens eas ad lucrum temporale et questum ; nam per medium hujuscemodi revelationum sibi acquisivit magnam copiam divitiarum et magnos apparatus et status in officiariis muftis, equis ornamentis (t. I, p. 294 ; cf. p. 223, 224) ; soit à l'extrait de la lettre rapportée à l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, prélat dont les sentiments pour Jeanne, au jugement de M. Vallet de Viriville, n'étaient pas beaucoup plus favorables que ceux de l'évêque de Beauvais (t. V, p. 159).

Compliments et présents du duc de Bretagne : D. Morice, Hist. de Bretagne, t. I, p. 508, et M. J. Quicherat, Procès, t. V, p. 264.

Dons de la Pucelle : La Pucelle m'a dit en son logis, comme je la suis allé y voir, que trois jours avant mon arrivée, elle avoit envoyé à vous, mon aieulle, un bien petit anneau d'or, mais que c'estoit bien petite chose, et qu'elle vous eust volontiers envoyé mieulz, considéré votre recommandation. T. V, p. 109 (Lettre de Gui de Laval à sa mère et à son aïeule). — La fille du peintre de Tours : Le conseil décida que les deniers de la ville ne pouvaient pas être détournés de leur emploi ordinaire. Mais pour l'amour et honneur de la Pucelle il résolut en même temps d'assister en corps à la bénédiction nuptiale, d'y convoquer les habitants par l'organe du notaire municipal, et de donner à la mariée (ici commence enfin la munificence de la ville) le pain et le vin ce jour-là : un setier de froment pour le pain et quatre jalaiés de vin. T. V, p. 154-156. Et les comptes des deniers communs de la ville de Tours portent en détail ce qu'il en a coûté : 40 sous pour les quatre jalaies de vin, et 50 sous pour le pain ; total 4 l. 10 s. t. (37 f. 03). (T. V, p. 271.)

Exemption d'impôts aux habitants de Greux et de Domrémy : Charles, etc., sçavoir vous faisons [que] en faveur et à la requeste de nostre bien amée Jehanne la Pucelle ; [considéré] le grant, haut, notable et prouffitable service qu'elle nous a fait. et fait chacun jour au recouvrement de nostre seigneurie, nous avons octroyé et octroyons, etc. (31 juillet 1429). T. V, p. 138.)

Le père de Jeanne à Reims : Son voyage a laissé trace dans les comptes de la ville : Le lundi 5 septembre 1429, par Anthoine de Hellande, cappitaine.... et plusieurs esleus et autres, jusques au nombre de 80 personnes, a esté délibéré de pilier les despens du père de la Pucelle, et de lui bailler un cheval pour s'en aller. Voy. p. 141 ; cf. p. 268. Dans les comptes des octrois patrimoniaux faits sur les deniers communs de la ville de Reims, en 1428 et 1429, on trouve la mention d'une somme de 24 livres parisis à payer à Alis, veuve feu Raulin Moriau, hostesse de l'Asne royé, pciur despens fais en son hostel par le père de Jehanne la Pucelle, qui estoit en la compaignie du roy, quant il fut sacré en ceste ville de Reims. Cet hôtel de l'Âne rayé est aujourd'hui l'hôtel de la Maison-Rouge, rue du Parvis, devant la cathédrale. On ne voit pas sur quel fondement l'inscription moderne gravée sur la façade dit que la mère de Jeanne y fut logée en même temps. (Voy. N. Quicherat, Procès, t. V, p. 266.) Pasquerel a bien dit (t. III, p. 101) que la mère de Jeanne la vint rejoindre avant la levée du siège d'Orléans ; mais Lebrun des Charmettes a facilement montré qu'il fallait lire son frère dans ce passage.

[63] Hommages populaires : Et resistebat quantum poterat quod populus honoraret eam. T. III, p. 31 (P. Vaillant). — Multum dolebat et displicebat sibi quod aliquæ bonze mulieres veniebant ad eam, volentes eam salutare, et videbatur quœdam adoratio, de quo irascebatur. Ibid., p. 81 (Beaucroix). — Quædam gentes capiebant pedes equi sui, et osculabantur menus et pedes. — In veritate ego nescirem a talibus me custodire, nisi Deus me custodiret. Ibid., p. 84 (Barbier). — Les médailles, etc. : Item ipsa labarum in tantum suis adinventionibus catholicum populum seduxit, quod multi in præsentia ejus eam adoraverunt ut sanctam, et adhuc adorant in absentia, ordinando in reverentiam ejus mimas et collectas in ecclesiii.... Elevant imagines et repræsentationes ejus in basilicis sanctorum, ac etiam in plumbo et alio metallo repræsentationes ipsius super se deferunt. T. I, p. 290, 291 ; cf. p. 101. Sur ces médailles et ces images, voy. M. Vallet de Viriville, Iconogr. de Jeanne Darc ; et sur ces collectes de la messe, t. V, p. 104, où M. Quicherat en donne un exemple d'après M. Buchon.

[64] Lettre du comte d'Armagnac : t. I, p. 245 ; nous y reviendrons au procès ; — de Bonne Visconti : t. V, p. 253, d'après Lemaire, Histoire et antiquités de la ville et duché d'Orléans. — Christ. de Pisan (vers achevés le 31 juillet 1429) : t. V, p. 4 et suiv. Il y a dans ce petit poème quelques autres passages qui méritent d'être cités. Voy. l'appendice VII.

[65] Saint-Aignan ; la colombe : t. V, p. 297 et 294 (Chron. de le fête du 8 mai) ; cf. t. IV, p. 163 (Journal). — Les papillons blancs : Chron., chap. LVII. Dans le procès il est question des papillons blancs autour de son étendard en un autre lieu, à Château–Thierry. La Pucelle répond qu'elle n'a rien vu de pareil, t. I, p. 193. — Les hommes dans l'air : t. V, p. 122 (Lettre sur des prodiges advenus en Poitou).

[66] L'enfance de Jeanne : t. V, p. 116 (Boulainvilliers). Le trait des petits oiseaux est du Bourgeois de Paris qui, comme on le pense bien, le déclare apocryphe : In veritate apocryphum est, t. IV, p. 463.

[67] Terme de la Saint-Jean : Und ist yetzund der kœnig uff dem felde mit Jungfrowen, und vil die Engelschen use dem lande schlagen, wanne die Jungfrowe heit ime verheissen ee dann sant Iohannes tag des deuffers kome in dem XXIX iare, so solle kein Engelscher also menlich noch so geherit syn, das er sich lasse sehen zu velde oder zu strite in Franckenrich, t. V, p. 351. — Le secrétaire de Metz : ibid., p. 353-355. — Le seigneur de Commercy : t. IV, p. 77 (5. Chartier) ; p. 185 (Journal) ; cf., p. 23 (Cagny). René, duc de Bar, devint duc de Lorraine, le 31 janvier 1431. Il tomba aux mains de son compétiteur, Antoine de Vaudemont, le 2 juillet suivant.