HISTOIRE DE GRÉGOIRE VII

INTRODUCTION — DISCOURS SUR L’HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ JUSQU’À GRÉGOIRE VII

DISCOURS PRÉLIMINAIRE

 

 

Au commencement du onzième siècle, l’Église de Rome s’était prodigieusement éloignée de sa première forme et de la première institution du christianisme. Longtemps obscure au milieu des splendeurs de la capitale du monde, longtemps effacée par le génie des Églises d’Orient, élevée ensuite par la politique des empereurs, la séparation de l’empire et la chute même de Rome, elle s’était avancée à la domination à travers les changements de maîtres. Petite démocratie religieuse à sa naissance, comme tant d’autres sociétés chrétiennes de la Grèce et de l’Asie, elle avait de proche en proche étendu le pouvoir de son chef, d’abord sur quelques évêques voisins de Rome, puis sur presque tous les évêques d’Italie, puis sur ceux de la Gaule méridionale, de l’Espagne et de l’Afrique, enfin sur les conquérants barbares qui venaient la subjuguer ou que ses missionnaires allaient chercher dans leurs forêts.

L’exposition rapide de ces époques diverses doit précéder l’histoire de l’homme qui fit ouvertement du pontificat romain la grande souveraineté du moyen âge.

Dans les premiers progrès de la puissance pontificale, on retrouvera le principe de tout ce que tenta Grégoire VII, et dans la succession des âges, cet homme extraordinaire paraîtra placé au point le plus élevé de cet empire sacerdotal qui, commencé avant lui par l’enthousiasme, la fraude, l’audace, l’ignorance ou le besoin des peuples, se soutint longtemps après lui par les mêmes causes, fortifiées de l’exemple qu’avait donné son génie.

Il en est de l’Église romaine comme de l’ancienne Rome, ses commencements faibles ou mal connus ne donnent aucune idée de sa grandeur. Ouvrez l’histoire de la grande révolution chrétienne, parcourez les monuments originaux des premiers siècles, l’évêché de Rome y remplit d’abord peu de place. Tous les grands hommes sont ailleurs, en Asie, en Afrique, à Jérusalem, Antioche, Alexandrie, Césarée, Carthage, Constantinople. Au quatrième siècle, la chaire de Rome semble avoir moins d’éclat que celle de Milan, illustrée par le génie de saint Ambroise et l’humiliation de Théodose. C’est l’évêque d’Hippone, et non celui de Rome, qui domine les conciles d’Afrique. Dans ces premiers temps, le monde appartient à la religion ; mais la religion, puissance populaire, a pour organes quelques hommes dont le génie entraîne les assemblées des évêques et détermine les symboles des fidèles. C’est l’aristocratie un peu tumultueuse de l’enthousiasme et de l’éloquence. Rien ne ressemble moins à l’unité despotique où Rome prétendit dans la suite.