LE NOUVEAU TESTAMENT ET LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES MODERNES

 

LIVRE IV — LE NOUVEAU TESTAMENT DANS LES CATACOMBES ET SUR LES MONUMENTS FIGURÉS DES PREMIERS SIÈCLES DE NOTRE ÈRE

CHAPITRE Il. — DE LA PLACE QU’OCCUPE LE NOUVEAU TESTAMENT DANS LES CATACOMBES ET LES MONUMENTS PRIMITIFS DE L’ART CHRÉTIEN.

 

 

L’antiquité chrétienne nous a légué un certain nombre de monuments figurés : les fresques des catacombes, les lampes, les verres à fond d’or et les sarcophages.

Les catacombes sont des souterrains creusés par les premiers chrétiens pour y déposer leurs morts, pour y exercer leur culte et y chercher un asile dans les temps de persécution[1]. Elles se composent d’étroites galeries, le long desquelles étaient placés les loculi ou tombeaux des fidèles ; de cubicula, ou chambres sépulcrales, sortes de caveaux de famille au fend desquels reposent ordinairement les reliques d’un martyr ; et de cryptes ou églises, où ]’on célébrait les saints mystères. Les parois et les voûtes des cryptes, ainsi que celles d’un grand nombre de cubicula, étaient souvent revêtues de stuc et ornées de peintures. Quelques-unes de ces peintures remontent à la fin du premier siècle. On lit sur les tombeaux de simples inscriptions, généralement très courtes.

Les catacombes étaient presque exclusivement éclairées par des lampes, ordinairement en terre cuite ; elles portent quelquefois des emblèmes chrétiens ; mais la plupart sont insignifiantes au point de vue de la science et de l’archéologie sacrée. Il n’en est pas de même des verres à fond d’or, qui sont ornés d’images ; quelques-uns sont très précieux au point de vue archéologique, à cause des sujets qu’ils représentent, et à cause de leur antiquité ; plusieurs datent en effet du temps des persécutions, car on en a trouvé dans des cimetières fermés, appartenant par conséquent à la plus ancienne époque.

Les sarcophages chrétiens à bas-reliefs, qui forment une autre classe de monuments figurés, sont moins antiques et par là même moins importants pour nous. Il y en a cependant qui remontent au troisième siècle.

Ce sont principalement les fresques des catacombes que nous allons étudier, parce que ce sont en général les monuments les plus anciens[2]. Nous ne nous occuperons des autres monuments figurés que lorsqu’ils pourront nous servir à expliquer, à éclaircir ou confirmer ce que nous aurons à dire des sujets représentés dans les cimetières chrétiens.

La première chose qui frappe quand on étudie les peintures des catacombes, c’est la place qu’y tient la Bible. Le livre sacré en a inspiré le plus grand nombre ; l’Ancien et surtout le Nouveau Testament y règnent eu maîtres : elles seraient inintelligibles pour qui ne connaîtrait pas l’histoire sainte.

En dehors des motifs de pure décoration, on peut partager en deux grandes classes les peintures des cimetières chrétiens, selon qu’elles représentent des sujets empruntés à l’histoire ou des sujets emblématiques. Dans les uns comme dans les autres, l’influence de la Sainte Écriture est manifeste. Elle a fourni à peu près exclusivement les sujets historiques, si l’on en excepte les orantes ou personnages en prières, quelques sujets de circonstance et les images des saints ; elle nous donne la clef de la plupart des sujets symboliques ; les traces de son action se remarquent jusque dans les motifs décoratifs qui ornent les murs et les chapelles, et encadrent les scènes représentées.

 

ARTICLE Ier — SUJETS HISTORIQUES REPRÉSENTÉS DANS LES CATACOMBES.

Les emprunts historiques à la Bible sont un fait évident. Nous voyons reparaître sans cesse les personnages principaux de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Nos premiers parents autour de l’arbre fatal, Noé dans l’arche, Abraham immolant son fils Isaac, Moïse frappant le rocher ou s’approchant du buisson ardent, Isaïe, Jonas dans les divers épisodes de son histoire, les trois enfants dans la fournaise, Daniel dans la fasse aux lions, Tobie et le poisson, Notre-Seigneur adoré par les mages et ressuscitant Lazare, la Sainte Vierge, les Apôtres : en un mot, on trouve dans les catacombes ce qu’on pourrait appeler une Bible en images[3].

Les chrétiens, en peignant ainsi des sujets religieux, n’ont fait d’ailleurs que suivre, en la sanctifiant, la coutume des païens. Sur 1.966 peintures classées et décrites par M. W. Helbig, dans ses Peintures murales des villes de Campanie ensevelies par le Vésuve[4], il y en a à peu près 1,400, c’est-à-dire prés des trois quarts, qui sont inspirées parla mythologie païenne.

Fig. 32. — Le Bon Pasteur et scènes diverses de l’Ancien et du Nouveau Testament, fréquemment représentées dans les catacombes.

Il est vrai que ce sont les mêmes scènes qui sont presque toujours répétées[5] et qu’un grand nombre de faits bibliques n’apparaissent jamais sur les monuments chrétiens des premiers siècles ; mais, quelque restreint que soit le cercle dans lequel se meut l’artiste, il n’en est pas moins certain qu’il puise â peu prés exclusivement ses inspirations aux sources sacrées. La simple énumération que nous venons de faire en est la preuve palpable.

Ce qu’il nous importe du reste le plus de noter ici, c’est que les artistes chrétiens, dans toutes leurs œuvres, pensent toujours et avant tout au Nouveau Testament. Il est tout à fait digne de remarque qu’aucun personnage de l’Ancien Testament ne figure dans l’art chrétien primitif pour lui-même, si l’on peut ainsi dire, mais uniquement comme type du Nouveau Testament, de sorte que les monuments des catacombes appartiennent réellement aux Évangiles, sous l’inspiration desquels ils ont été produits. II en est de même des symboles. Ils se rapportent tous à Jésus-Christ ou à ses disciples et sont la plupart empruntés au Nouveau Testament, comme nous allons le voir.

 

ARTICLE II. — SUJETS SYMBOLIQUES REPRÉSENTÉS DANS L’ART CHRÉTIEN PRIMITIF.

L’un des symboles les plus communs des catacombes, c’est celui du Bon Pasteur, qui y figure sous les formes et sous les aspects les plus divers[6]. Le Bon Pasteur rapportant au bercail la brebis égarée, est tiré directement de l’Évangile[7]. Les artistes chrétiens ont développé, agrandi, fécondé ce premier thème à l’infini, en le combinant avec un second qui en est le complément et qu’indique le texte sacré lui-même, savoir : que les Apôtres et les fidèles sont les « brebis » que garde le divin Berger : Je suis le Bon Pasteur... Je connais mes brebis... Pais mes agneaux, pais mes brebis. Cognoseo oves meas... Pasce agnos meos ; pasce oves meas[8]. Enfin, un troisième symbole, celui de l’agneau, vient encore multiplier ces combinaisons.

Le Bon Pasteur est l’image ordinaire du Sauveur dans les catacombes ; mais quelquefois Jésus-Christ est aussi représenté sous la forme d’un agneau[9]. Il donnait aux fidèles, comme nous venons de le voir, le nom de brebis ; il est appelé lui-même par saint Jean-Baptiste l’Agneau de Dieu : Ecce agnus Dei, et l’Apocalypse nous montre également dans le ciel : l’Agneau se tenant debout comme tué[10]. De là la représentation du divin Maître et aussi de divers personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament sous cet emblème.

Une série de sculptures du ive siècle, qu’on voit sur le tombeau en marbre blanc de Junius Bassus, et qui sont publiées par Didron dans l’Histoire de Dieu[11] nous montrent quelle large application on faisait de l’Agneau symbolique. Un agneau, tenant dans sa patte une baguette, frappe un rocher, d’où sort un torrent : c’est Moïse frappant l’eau du rocher. Un agneau tend sa patte et lève la tête en regardant une main qui sort des nuages tenant une tablette : c’est Moïse recevant les tables de la loi. Un petit agneau est plongé dans l’eau, et un agneau beaucoup plus gros lui verse de l’eau sur la tête, où tombent en même temps des rayons qui partent d’une colombe placée dans le ciel : c’est le baptême de Jésus par saint Jean-Baptiste. On voit un agneau qui multiplie les pains, un agneau ressuscitant Lazare, qui cette fois est un homme enveloppé de ses bandelettes[12].

Le Bon Pasteur est souvent entouré de brebis et leur nombre est toujours significatif ; s’il y en a douze, ce sont les douze Apôtres. L’Agneau divin se distingue de tous les autres parce qu’il porte une croix sur la tête. Les plus anciens monuments le représentent debout sur un monticule d’où coulent les quatre fleuves du paradis terrestre, images des quatre Évangiles qui ont fécondé le monde de leurs eaux salutaires[13]. On peut remarquer que tous ces symboles sont empruntés au Nouveau Testament et se rapportent à Jésus-Christ et à son Église.

Il en est de même du plus célèbre de tous, celui du poisson.

Aucun symbole ne fut d’un usage plus vulgaire ni plus universel. Il est employé comme métaphore dans le discours par les saints Pères et les autres écrivains ecclésiastiques, figuré comme formule arcane sur les monuments de toute nature, soit par l’inscription de son nom grec, ΙΧΘΥΣ, ichthus, soit par son image peinte, gravée ou sculptée, soit enfin par la réunion du nom et de l’image, comme sur ce curieux anneau trouvé près de Rome[14] et où le poisson lui-même tient lieu de l’initiale Ι du mot ΙΧΘΥΣ[15].

Les premiers chrétiens aimèrent ce symbole par-dessus tous les autres, parce qu’il était comme le résumé de leur foi, de leur amour et de leur espérance. Les cinq lettres du nom grec du poisson étaient les cinq initiales des mots :

Ίησοΰς Χριστός, Θεοΰ Υίός, Σωτήρ.

Jésus Christus, Dei Filius, Salvator.

Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur[16].

Les fidèles se considéraient volontiers eux-mêmes comme de petits poissons pris à l’hameçon du Christ.

Une cornaline très ancienne, de la collection Vallarsi, représente Jésus-Christ désigné par son nom mystique de Poisson, écrit dans le champ ; il tient d’une main un panier renfermait les amorces, et de l’autre une ligne au bout de laquelle est pris un poisson[17]. Jésus te prend à l’hameçon, ô homme, dit Clément d’Alexandrie, non pour te faire mourir, mais pour que, étant mort, tu renaisses à la vie[18]. Jésus, dit saint Grégoire de Nazianze, voulut se faire pêcheur, afin de tirer de l’abîme le poisson, c’est-à-dire l’homme qui nage dans les eaux inconstantes et amères de cette vie[19].

L’origine de toutes ces expressions et de toutes ces figures symboliques est dans les Évangiles. La profession de foi que les fidèles tirèrent du mot Ίχθύς contribua assurément à rendre le symbole du poisson très populaire ; mais si l’on compara le Christ et ses disciples au poisson, c’est parce que le Nouveau Testament suggéra la première idée de cette assimilation. Le langage des Pères nous en fournit la preuve. Ils nous montrent le Sauveur figuré dans le poisson pris par saint Pierre pour payer le didrachme de l’impôt[20] ; ils nous le montrent surtout, comme les peintures chrétiennes, dans le poisson grillé qu’il sert à ses Apôtres[21] sur les bords du lac de Tibériade[22] ; ils appellent aussi le poisson l’aliment eucharistique[23] ; ils nous le représentent enfin naissant dans les eaux, parce qu’il est l’auteur du baptême[24].

Les dernières paroles nous expliquent aussi pourquoi les fidèles sont également symbolisés par le poisson : c’est parce qu’ils reçoivent une vie nouvelle dans les eaux régénératrices du baptême et qu’ils ont été pris dans les filets des Apôtres, que le divin Maître avait établis pêcheurs d’hommes[25].

L’Évangile est donc la source première de ce symbole. Il en est de même de la plupart des autres.

Une cornaline du second siècle, publiée en 1857 par le P. Garrucci dans la Civiltà cattolica[26], nous présente, sur une surface d’un centimètre, outre le poisson sacré, qu’on voit répété trois fois dans le champ, six autres symboles des plus usités dans les cimetières chrétiens : à droite, le Bon Pasteur portant sur ses épaules la brebis égarée ; au centre, la croix, en forme de tau, surmontée de la colombe tenant à son bec le rameau d’olivier, et ayant au pied l’agneau, figure de la divine Victime et aussi du fidèle du Christ ; entre la croix symbolique et le Bon Pasteur, l’arche de Noé, image de l’Église, avec la croix, en forme de tau, au milieu ; à gauche, l’ancre, emblème de l’espérance[27]. Tout autour de la pierre est écrit, en grec, le nom mystique du Sauveur, ΙΧΘΥC, le poisson[28]. On voit que tous ces symboles sont empruntés à la Bible. La colombe, qui paraît si souvent sur les tombes chrétiennes[29], porte d’ordinaire à, son bec le rameau d’olivier qu’on remarque ici, comme pour rappeler son origine biblique. Tout prend ainsi une couleur chrétienne et tout rappelle aux fidèles les Saintes Écritures.

Outre, les emblèmes ordinaires et fréquemment répétés dont nous venons de parler, l’art des catacombes emprunte aussi au livre sacré quelques autres symboles, d’un usage moins commun, mais qui sont parfois des innovations hardies brisant avec toutes les traditions de l’art païen et dignes d’être notées. En voici un exemple :

La divinité n’est jamais représentée sous forme humaine dans les catacombes[30]. Quand le polythéisme eut été définitivement vaincu, les artistes chrétiens ne se firent plus scrupule de figurer le Père Éternel sous une forme humaine, d’après les visions d’Isaïe, de Daniel et de saint Jean[31]. Mais pendant les premiers siècles, l’image du vrai Dieu sous une forme humaine aurait été dangereuse, parce qu’elle aurait pu donner lieu aux plus fausses interprétations[32].

Quand les peintres des catacombes eurent besoin de montrer aux yeux la Divinité, ils recoururent à la Bible, et ils lui empruntèrent une des images dont elle fait le plus volontiers usage pour exprimer la puissance de Dieu. Elle dit qu’il opère ses œuvres avec une main forte[33], une main robuste[34], une main élevée[35]. C’est cette main toute-puissante qui est le symbole du Seigneur dans les catacombes.

Une fresque peinte au-dessus d’un arcosolium dans le cimetière de Saint-Callixte et datant du IIIe siècle représente, entre autres sujets, Moïse se déchaussant pour approcher du buisson mystérieux qui brûle sans se consumer. La main divine plane au-dessus, sortant des nuages[36]. Ce sujet revient fréquemment sous le pinceau des artistes chrétiens et dans les bas-reliefs des anciens sarcophages[37].

34. — Moïse recevant les tables de la loi de la main de Dieu.

Il y a, d’ailleurs, une chose peut-être plus remarquable encore dans les monuments de l’art chrétien primitif et qui montre, mieux que tout le reste, combien les peintres des catacombes étaient pénétrés de l’esprit de nos Livres Saints. On sait que, parmi les sujets représentés dans les fresques des cimetières souterrains, il y en a d’apparence profane et mythologique. Eh bien ! même ceux des sujets symboliques qui semblent, au premier coup d’œil, avoir une origine purement profane, ne figurent sur les tombeaux des fidèles du Christ que parce qu’ils ont reçu un sens nouveau et une signification sacrée, dont nous trouvons l’explication dans la Sainte Écriture. Les quatre saisons, par exemple, sont fréquemment figurées sur les tombeaux et sur les parois des chambres sépulcrales, mais ces emblèmes, qu’on rencontre aussi sur les monuments païens, ont ici un symbolisme bien différent. Ce sont, pour ainsi dire, les mêmes lettres, mais elles expriment des idées tout autres. Les saisons personnifiées sont ordinairement accompagnées de l’image évangélique du Bon Pasteur[38], et sa présence au milieu de ces scènes champêtres nous en explique le langage caché : il garde ses fidèles, en tout temps et en tous lieux, malgré les vicissitudes des hommes et des choses, et il réserve les siens pour la résurrection future[39].

Les emprunts faits à la mythologie par les peintres des catacombes s’expliquent d’une manière semblable ; ils reçoivent un sens nouveau et une interprétation évangélique. C’est la raison pour laquelle Orphée nous apparaît dans les catacombes domptant les bêtes féroces par la douceur et l’harmonie de ses chants ; il n’y figure que parce que sa légende est susceptible d’un sens biblique et que la puissance merveilleuse qu’il exerce est l’image de celle de Jésus-Christ changeant les âmes par la suavité de ses paroles et de son enseignement. Orphée tient là la place du Bon Pasteur.

Ainsi, c’est le Nouveau Testament qui nous fournit l’explication de la plupart des images symboliques et emblématiques des catacombes, même profanes et mythologiques ; les peintres chrétiens empruntaient à l’Écriture ses figures comme ses traits historiques ; elle était pour les premiers disciples des Apôtres, comme pour nous, le livre par excellence, le livre divin ; ils allaient y chercher la parole de Dieu, l’aliment de leur âme ; ils donnaient à tout une couleur biblique ; les traits et les images des Saintes Lettres nourrissaient leur imagination comme les pensées qu’elles expriment réchauffaient leur cœur, fortifiaient leur foi et excitaient leur espérance. L’enseignement des prêtres et des évêques complétait l’Écriture et rendait vivante pour les fidèles la lettre morte contenue dans le livre sacré ; mais c’est dans la Bible, expliquée par la tradition, que nos pères dans la foi puisaient comme à la source de vie ; la place qu’elle tient dans les catacombes nous démontre quel respect, quelle vénération, quel amour ils professaient pour le recueil inspiré et en particulier pour le Nouveau Testament, qui leur faisait connaître la vie et la mort du Sauveur des hommes, les sacrements qu’il nous a laissés pour nous conférer la grâce, la résurrection bienheureuse qu’il nous a promisse, comme récompense de notre fidélité à accomplir ses commandements.

 

 

 



[1] Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, au mot Catacombes, 2e édit., in-4°, Paris, 1877, p. 120.

[2] Sur la chronologie des peintures des catacombes, voir L. Lefort, Chronologie des peintures des catacombes romaines, in-8°, Paris, 1881 ; O. Pohl, Die altchristliche Fresko- und Mosaik-Malerei, in-12, Leipzig, 1888, p. 18 et suiv., etc.

[3] Un grand nombre de ces sujets sont souvent groupés ensemble. Voir, Figure 32, la reproduction d’une fresque d’un cubiculum d’après Bosio, Roma sotterranea, t. II, p. 153, pl. CXVIII. Tabula unica Cubiculi undecimi Cœmeterii sanctorum Marcellini et Petri inter duas lauros ad sanctam Helenam via Labiacana. — Au centre, est le Bon Pasteur. Tout autour sont représentés, à l’angle supérieur, à gauche, Noé dans l’arche et la colombe apportant le rameau d’olivier ; puis successivement, en descendant, Moïse faisant jaillir l’eau du rocher ; Jonas rejeté par le monstre qui l’avait englouti ; Jonas jeté à la mer et dévoré par le poisson ; Daniel dans la fosse aux lions. Les autres scènes, à droite, en remontant, sont empruntées au Nouveau Testament : Notre-Seigneur ressuscitant Lazare ; la multiplication des cinq pains, et enfin, en haut, le paralytique emportant son grabat.

[4] W. Helbig, Wandgemälde der vom Vesuv verschütteten Stadte Campansens, in-8°, Leipzig, 1363, p. 1-331.

[5] Il est curieux d’observer combien fréquente est la reproduction des mêmes sujets sur les sarcophages sculptés de Rome. Le catalogue qui suit est tiré des Letters from Rome, de Burgon, lettre XXX. Burgon énumér3 55 sarcophages étudiés par lui au Musée de Latran, et nous ajoutons à la liste le résultat de l’étude faite par Bosio sur 48 autres, dont 30 ont été retrouvés dans les cryptes du Vatican. Voici la liste des sujets représentés et l’énumération du nombre de fois qu’ils se rencontrent :

 

Latran

Bosio

Histoire de Jonas

25

11

Moïse frappant le rocher

21

16

Résurrection de Lazare

16

14

Daniel dans la fosse aux lions

14

7

Sacrifice d’Isaac

11

9

Adoration des mages

11

8

Chute d’Adam et d’Ève

14

10

Noé dans l’arche

5

6

Les trois enfants dans la fournaise

4

3, etc.

(Allard, Rome souterraine, p. 449-450.)           

Il en était de même dans les catacombes que sur les sarcophages. Voir les planches du t. II de L’arte cristiane, du P. Garrucci. — Un médaillon de bronze, mis pour ce motif par Buonarruoti en tête de sa collection, contient à lui seul, comme la peinture de la figure 32, la plupart des sujets que nous venons d’énumérer : Adam et Ève, Noé dans l’arche, Jonas, Daniel dans la fosse aux lions, le sacrifice d’Isaac, Samson emportant les portes de Gaza, Moïse faisant jaillir l’eau du rocher et au milieu en dimensions beaucoup plus grandes le Bon Pasteur. Buonarruoti, Osservaxioni supra alcuni frammenti di vasi antichi di vetro, 1716, pl. 1, n° 1 et p. 1-8. — La succession de la plupart des sujets bibliques des catacombes est reproduite dans dom Guéranger, Sainte Cécile et la société romaine, 1874, p. 255 et suiv.

[6] Voir, figure 32, au centre, le Bon Pasteur, portant sur ses épaules la brebis égarée. Il tient la boulette de la main droite. Deux autres brebis sont à ses côtés, au pied de deux arbres. A gauche, la bergerie. Voir aussi, figure 33. Il existe également des statues représentant le même sujet. M. de Rossi a publié dans le Bulletino comunale, avril 1889, une étude sur les statues du Bon Pasteur. — Les chrétiens reproduisaient aussi dans leurs maisons l’image du Bon Pasteur, comme les autres sujets des catacombes. C’est ce que viennent de prouver les fouilles dirigées par le P. Germano dans l’antique maison de saint Jean et de saint Paul. Voir Bulletin critique, 15 mai 1889, p. 198. — Sur le Bon Pasteur dans les catacombes et sur les sarcophages, voir R. Grousset, Études sur l’histoire des sarcophages chrétiens (Fascicule XLII de la Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome), in-8°, Paris, 1885, p. 13 et suiv.

[7] Matth., XVIII, 12 ; Luc, XV, 4-6 ; Joa., X, 1-16.

[8] Joa., X, 11, 14 ; XXI, 16, 17.

[9] Voir, figure 33, Notre-Seigneur représenté sous la forme d’un agneau, au pied de la croix, figurée par le tau symbolique.

[10] Joa., I, 29, 36 ; Apocalypse, V, 6.

[11] Didron, Iconographie chrétienne, histoire de Dieu, dans la Collection de documents inédits sur l’histoire de France, in-4°, Paris, 1843, fig. 87, p. 337.

[12] R. Ménard, Histoire des Beaux-Arts, Art au moyen âge, 2e édit., p. 25-26.

[13] Voir plus loin, figure 39 (Part IV, chap. V, Art Ier). — Nous avons aussi reproduit deux de ces sujets, d’après un sarcophage du Vatican, dans Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., figure 8, t. I, p. 234, et d’après un verre à fond d’or, figure 9, p. 237.

[14] De Rossi, Bulletino di Archeologia cristiana, 1873, pl. IV, V.

[15] Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., 1877, p. 653-654. Dans cet excellent Dictionnaire, le savant auteur remarque aussi, à l’article Pêcheur, que Jésus-Christ est représenté quelquefois prenant l’homme à l’hameçon. Il ajoute, en terminant, p. 623, les lignes suivantes, dont il nous semble à propos de relever l’inexactitude, à cause de l’importance de son ouvrage : Costadoni, dit-il, donne à la fin de sa dissertation sur le poisson une gemme d’une bizarrerie extrême : elle représente un homme tout nu, à l’exception d’une peau de poisson qui lui sert de manteau et de coiffure. D’une main il semble donner des ordres, et de l’autre il porte la sporta du pécheur. D’après Polidori, à qui nous empruntons cette interprétation sans la garantir, ce personnage serait le Christ, de qui on peut dire qu’il fut poisson par l’adoption de notre humanité, qu’il fut pécheur par la vertu de sa parole et qu’il donna à d’autres cette mission de pécheurs, ce que semble indiquer le geste de la main élevée en signe de commandement, geste tout semblable à celui qu’il fait sur une foule d’autres monuments où il est représenté conférant la mission des Apôtres. — Cette représentation est parfaitement connue de tous les assyriologues. Elle est très fréquente sur les bas-reliefs et sur les cylindres assyriens, et elle n’a absolument rien de chrétien. C’est Oannès, le dieu-poisson. Nous avons donné une de ces représentations du dieu-poisson, d’après un bas-relief de Nimroud, dans La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. I, figure 12, p. 219.

[16] Horum grœcorum quinque verborum, si primas litteras jungas, dit saint Augustin, erit Ίχθύς, id est piscis, in quo nomine mystice intelligitur Christus, eo quod in hujus mortalitalis abysso velut in aquarum profunditate vivus, hoc est sine peccato esse potuerit. De Civ. Dei, XVIII, 23, 1, t. XLI, col. 579. — Piscis nomen, secundum appellationem grœcam, in uno nomine, per singulas litteras, turbam sanctorum nominum continet, ΙΧΘΥΣ quod est latinum : Jesus Christus, Dei Filius Salvator, dit saint Optat de Milève, De schism. Donat., III, 2, t. XI, col. 991. Cf. l’acrostiche des Livres sibyllins, VIII, 217 et suiv. Il est rapporté par saint Augustin, traduit en latin, et conservant l’acrostiche, De Civ. Dei, XVIII, 23, 1, t. XLI, col. 579.

[17] Costadoni, Del peste, sinibolo di Gesu Cristo. Dans Calogera, Raccolta d’opusculi scientifici e filologici, Venise, 1738-1787, t. XLI, tav. XXX.

[18] Clément d’Alexandrie, Hymnus Christi, vers 24-29, t. VIII, col. 681. Cf. Pædag., III, 1, t. VIII, col. 634, où parlant des anneaux, il dit : Sint autem nobis signacula columba, vel piscis,... et si sit aliquis qui piscetur meminerit Apostoli et puerorum qui ex aqua extrahuntur. Voir aussi Origène : In mari erat ille nummus, et in ore marini piscis, quem et ipsum beneficio affectum fuisse existimo, cum ascendit comprehensus hamo Petri, qui fuerat hominum piscator, in quo is quoque erat qui tropice piscis appelatur. In Matth., tom. XIII, 10, t. XIII, col. 1119-1122.

[19] Saint Grégoire de Nazianze, Orat. XXXVII, 1, t. XXXVI, col. 284.

[20] Matth., XVII, 24. Voir Origène, cité note 18. D’après saint Jérôme, ce poisson était le Christ, le second Adam, parce que c’est aux dépens de son sang que le premier Adam et Pierre, c’est-à-dire tous les pécheurs ont été rachetés. In Matth., XVII, 26, t. XXVI, col. 127.

[21] Joa., XXI, 9.

[22] Piscis assus, Christus est passus. Saint Augustin, Tract. CXXIII, in Joa., 2, t. XXXV, col. 1966. Voir Kraus, Real-Encyklopädie, t. I, p. 520-525.

[23] Salvatoris sanctorum dulcem sume cibum, ede et bibe,... piscem in manibus tenens. De Inscriptione Augustodunensi, dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. I, p. 557. Voir aussi de Rossi, De christianis monumentis, Ίχθύς exhibentibus, dans le t. III du Spicilegium Solesmense, p. 534, Titulus saint Abercii. Saint Augustin dit dans ses Confessions, XIII, 23, 34, t. XXII, col. 860 : [Solemnitas] in qua ille piscis exhibetur quem levatum de profundo terra pia comedit.

[24] Piscis natus aquis auclor baptimatis ipse est, etc. Orientius, Explanatio nominum Domini, vers 162, Migne, t. XLI, col. 1004.

[25] Nos pisciculi secundum έχθύν nostrum Jesum Christum in aqua nascimur, nec aliter quem in aqua permanendo salvi sumus, dit Tertullien, De Bapt., l. I, 1, col. 1197-1198.

[26] Voir figure 33 la reproduction de cette cornaline. — Cf. R. Garrucci, Deux monuments des premiers siècles de l’Église, trad. O. van den Berghe, in-8°, Rome, 1862 (Le symbolisme chrétien sur une cornaline gravée du IIe siècle), p. 19-31.

[27] Spem, quam sicut anchoram habemus animœ tulam ac firmam, dit saint Paul, Hébreux, VI, 19.

[28] L’Ι, couché, est placé au-dessus de l’ancre ; le Χ, devant les pieds de l’agneau ; le Θ et l’Υ, derrière le Bon Pasteur, le C renversé ou Σ, au-dessus du tau qui surmonte l’arche de Noé.

[29] La colombe est le symbole de l’âme humaine Cf. Matth., X, 16. Une épitaphe du IIIe siècle porte les mots suivants : DASYMMIA QVIRIACA BONE FEMIN PALUMBA SENE FEL. Voir Roller, Les Catacombes de Rome, t. I, p. 46 et pl. XI.

[30] Notre-Seigneur en croix n’y est jamais non plus représenté.

[31] Is., VII ; Dan., VII ; Apoc., I, 13-14 ; IV.

[32] Tale simulacrum Deo nefas est christiano in templo collocare, dit saint Augustin, De fide et symbolo, VII, 14, t. XL, col. 188. Extremae dementim atque impietatis fucrit Deum figurare, écrivait encore au VIIIe siècle saint Jean Damascène, De fide orthodoxa, IV, 16, t. XCIV, col. 1121. Il admet d’ailleurs, ibid., le culte des images.

[33] Exod., VI, 1 ; XIII, 3, 9 ; XIV, 16, etc.

[34] Exod., VII, 1 ; XXXII, 11, etc.

[35] Ps. X (hébreu), 12 ; LXXXVIII, 14, etc.

[36] Rossi, Roma sotterranea, t. II, Tavola d’aggiunta, B ; Bottari, Sculture sagre, pl. XX, etc.

[37] Nous reproduisons ici, figure 34, Moïse recevant ainsi les tables de la loi de la main de Dieu, d’après Bosio, Roma sotterranea, t. II, p. 174. Monumentum arcuatum secundum Cœmeterii sanctorum Marcellini et Petri inter duas Lauros ad sanctam Helenam via Labicana.

[38] Voir Tabula seconda cœmeterii Sancti Callisti, dans Bosio, Roma sotterranea, p. 223 ; Bottari, Sculture e pitture sagre, t. I, pl. 48, etc.

[39] Totus igitur hic ordo revolubilis rerum testatio est resurrectionis mortuorum. Tertullien, De resurr. carnis, 12. t. II, col. 810-811. Cf. de Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 357.