LE NOUVEAU TESTAMENT ET LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES MODERNES

 

LIVRE SECOND — LES ÉVANGILES

CHAPITRE PREMIER. — LE RECENSEMENT DE QUIRINIUS.

 

 

Or il arriva en ce jour, dit saint Luc, que César Auguste publia un édit (ordonnant) de faire le dénombrement de toute la terre (c’est-à-dire de tout l’empire). Ce premier dénombrement fut fait pendant que Cyrinius (Quirinius) était légat de Syrie[1].

Aucun texte des Évangiles n’a été l’objet de plus de difficultés, non seulement dans notre siècle, mais aussi dans les siècles antérieurs.

Saint Luc nous dit trois choses : 1° qu’il y eut un recensement général de l’empire romain fait par ordre d’Auguste ; 2° que ce recensement s’exécuta, en Judée, avant la mort d’Hérode ; 3° que ce recensement eut lieu pendant que Quirinius était légat de Syrie[2]. En abusant du silence ou des lacunes des auteurs anciens, on a nié cette triple affirmation de saint Luc. Nous allons établir que c’est à tort.

 

ARTICLE Ier. — RECENSEMENT GÉNÉRAL DE L’EMPIRE ROMAIN SOUS L’EMPEREUR AUGUSTE.

On soutient, en premier lieu, que l’empereur Auguste n’a point prescrit un recensement général de l’empire et que, par conséquent, saint Luc s’est trompé en disant que Joseph et Marie s’étaient rendus à Bethléem pour obéir à un édit qui n’a jamais existé.

Sur ce dernier point, il (Luc) en sait plus long que l’histoire, dit Strauss. Aucun auteur ancien des environs du siècle d’Auguste ne fait mention d’un recensement général ordonné par ce prince. Suétone, Dion Cassius, le monument d’Ancyre[3], disent simplement que le peuple, c’est-à-dire les citoyens romains, furent, à plusieurs reprises, enregistrés et taxés. Ce sont des sources bien postérieures, du commencement du cinquième siècle de notre ère et en deçà, qui parlent d’un cadastre et d’un recensement de l’empire entier[4]. Il est établi, dit à son tour M. Reuss, que sous le règne d’Auguste il n’y a pas eu de recensement général de tout l’empire[5].

Malgré ces affirmations si positives des ennemis de la révélation, il n’en demeure pas moins vrai que saint Luc ne s’est pas trompé. Auguste avait porté réellement un édit pour faire dénombrer tout son empire, et dans ce dénombrement il avait compris non seulement l’Italie et les provinces incorporées à l’empire, mais aussi les royaumes alliés des Romains, comme l’était la Judée[6].

Le testament d’Auguste, conservé sur le monument d’Ancyre, énumère trois cens faits par cet empereur[7] ; il est vrai que, comme le dit Strauss, ils n’ont aucun rapport avec celui dont parle saint Luc, parce qu’ils ne concernaient que les citoyens romains[8], mais ils montrent déjà que l’empereur tenait à se rendre compte de la population et des ressources de son empire. Si le monument d’Ancyre ne mentionne pas le recensement fait en Judée, il a du moins l’avantage de nous montrer que ce genre d’opérations était tout à fait conforme aux pratiques du gouvernement de l’empereur. C’est ce qu’attestent aussi d’autres documents anciens.

Auguste avait rédigé un Breviarium imperii, dont l’existence nous est connue par Tacite, Suétone et ion Cassius. Quoique ce Breviarium soit aujourd’hui perdu, nous savons par Tacite que ce livre énumérait toutes les ressources de l’État : combien il y avait de citoyens et d’alliés sous les armes, combien de flottes, de royaumes, de provinces ; les tributs et les redevances[9]. Suétone et Dion Cassius nous fournissent des renseignements analogues[10]. Pour qu’Auguste pût connaître le nombre d’alliés que contenaient les royaumes unis par des traités à l’empire, il fallait de toute nécessité que le dénombrement de ces alliés eût été effectué.

Nous avons d’ailleurs des témoignages directs, tout à fait indépendants de celui de saint Luc, en faveur de ce recensement. Un premier travail de ce genre fut fait par l’ordre de Jules César, comme nous l’apprend la Cosmographie qui porte le nom d’Æthicus Ister et qui est du IVe siècle[11] :

Jules César, l’inventeur de l’année bissextile, cet homme si profondément initié aux choses divines et humaines, décréta, étant consul[12], la délimitation du globe entier[13], ou, pour mieux dire, du monde romain, et confia ce travail à des hommes supérieurs en intelligence et en lumière. Ainsi, en exécution de ce décret, Zénodoxus mesura tout l’orient dans l’espace de vingt et un ans, cinq mois, neuf jours, à partir du consulat de Jules César et de M. Antoine, jusqu’au troisième consulat d’Auguste, collègue de Crassus ; Théodotus mesura le septentrion dans l’espace de vingt-neuf ans, huit mois, dix jours, à partir du même consulat de Jules César et de M. Antoine, jusqu’au dixième consulat d’Auguste ; enfin Polyclitus mesura le midi dans l’espace de trente-deux ans, un mois, dix jours, à partir du même consulat de Jules César jusqu’à celui de Saturnus et de Cinna... Ce travail fut donc accompli dans l’espace de trente-deux ans, et présenté au Sénat romain[14].

La plus grande partie de cette vaste opération cadastrale eut donc lieu sous le règne d’Auguste[15] et par conséquent avec son approbation et par son ordre ; aussi lui est-elle attribuée par Pline l’ancien[16], et les savants les plus compétents déclarent-ils qu’on ne peut en contester la réalité historique[17].

Le témoignage d’Éthicus est corroboré et complété par plusieurs autres. Frontin, ainsi qu’un auteur dont le nom est inconnu, nous disent qu’un certain Balbus, au temps d’Auguste, enregistra les formes et les mesures de toutes les provinces et de toutes les villes, selon qu’il les avait lui-même décrites et recueillies ; il publia la loi agraire de toutes les provinces[18]. Le Livre des colonies, d’où est extrait ce qu’on vient de lire, date, dans sa rédaction originale, du premier siècle de notre ère[19].

Comme cet ouvrage ne mentionne formellement que les provinces de l’empire, on pourrait prétendre, quoiqu’il parle d’une manière générale, qu’il exclut les royaumes qui étaient simplement alliés à l’empire ; mais d’autres fragments d’anciens écrivains appliquent cette opération cadastrale à la terre entière, c’est-à-dire à tout ce qui appartenait ou se rattachait par un lien quelconque à l’empire romain[20].

Par d’autres passages d’auteurs anciens, nous savons également que les tableaux du cadastre étaient conservés dans les archives publiques ou, comme on les appela plus tard, dans le sanctuaire du prince. Chacun, en cas de contestation, pouvait les consulter, comme il résulte d’un texte de Siculus Flaccus, qui l’affirme expressément[21]. Ces registres étaient accompagnés de plans gravés sur métal[22].

Le célèbre Orbis pictus d’Agrippa, mentionné par Pline[23], et dont la Table si connue de Peutinger n’est que la reproduction avec des additions postérieures, fut le fruit de l’enquête faite par l’ordre d’Auguste et nous fournit une nouvelle preuve de la réalité de cette grande opération cadastrale[24].

Ce relevé de tous les biens-fonds et de toutes les propriétés de l’empire avait pour but la fixation des impôts, et il comprit par conséquent les personnes en même temps que leurs terres. Ici encore nous pouvons apporter toute une série de témoignages.

Cassiodore, ayant eu à rédiger pour son roi, Théodoric le Grand, un rescrit destiné à trancher un différend survenu entre deux Romains, au sujet des bornes de leurs propriétés, y fait, selon l’habitude de cette époque, l’historique de l’arpentage. Au temps d’Auguste, dit cet auteur érudit, le monde romain fut divisé en domaines et décrit par le cens, afin de déterminer d’une manière certaine pour chacun l’étendue de la propriété en raison de laquelle il devait payer sa part de tribut. C’est ce que Hyrummetricus rédigea en prescription écrite[25].

Suidas nous fournit encore plus de détails. Quoiqu’il n’ait composé, croit-on, son Lexique qu’au Xe siècle, il est certain qu’il vivait au milieu des monuments encore entiers de l’antiquité et qu’il nous en a conservé de précieux fragments. Or, voici ce qu’il écrit en deux endroits différents :

L’empereur Auguste, quand il fut devenu seul maître, choisit vingt hommes[26] distingués par leur intégrité et leur probité, et il les envoya dans toute la t’erre soumise à son obéissance pour faire le recensement des personnes et des biens, afin de fixer avec justice les contributions qui devaient être payées au Trésor public. Ce fut le premier recensement. Les cens qui avaient eu lieu précédemment avaient été une sorte de spoliation des riches, comme si l’État regardait la fortune comme un crime public[27].

Ces renseignements sont complétés par d’autres, donnés dans l’article sur Auguste : Quand l’empereur Auguste voulut savoir quel était le nombre de ceux qui habitaient l’empire romain, il les fit recenser individuellement. Le chiffre de ceux qui étaient soumis à l’empire romain s’éleva à quatre millions cent un mille dix-sept personnes[28].

Le fait du recensement est confirmé par divers auteurs ecclésiastiques. Les ennemis des Évangiles ont contesté la valeur des témoignages d’Orose et de saint Isidore de Séville, comme émanant d’écrivains qui ne seraient que des échos de saint Luc, mais ils sont loin d’être sans autorité, surtout si l’on tient compte de leur concordance avec ceux qui viennent d’être rapportés. Orose dit expressément qu’Auguste fit faire le recensement des provinces et des personnes[29]. Avant eux, Tertullien avait attesté que les archives romaines conservaient les actes du recensement[30].

Enfin, nous avons des preuves directes du recensement fait par l’ordre d’Auguste, non pas en Judée, il est vrai, mais dans d’autres provinces.

En 1527, un vigneron découvrit sur la colline de Saint-Sébastien, près de Lyon, deux tables de bronze sur lesquelles était gravée une inscription latine[31]. Un savant Lyonnais, Claude Bellièvre, y reconnut aussitôt des fragments du discours prononce au Sénat de Rome, l’an 801 de cette ville, par l’empereur Claude. Le résumé nous en a été conservé par Tacite[32], mais le célèbre historien a passé sous silence plusieurs traits, dont l’un, fort important pour nous, est connu seulement par la Table claudienne, conservée maintenant au palais de Saint-Pierre de Lyon. Voici ce passage[33] :

Ils ont procuré à mon père Drusus, en se tenant en repos pendant qu’il était occupé à soumettre la Germanie, une tranquillité parfaite et assurée sur ses derrières ; et cela, alors que ce qui l’occupait quand il dut partir pour la guerre, c’était le cens, opération nouvelle alors et à laquelle tes Gaulois n’étaient pas accoutumés. Nous savons nous-mêmes, maintenant encore, après une expérience prolongée, combien elle nous est pénible, quoiqu’on n’exige rien de plus de nous que de faire connaître publiquement ce que nous possédons.

Ce passage d’un monument que Michelet appelle la première de nos antiquités nationales peut être rapporté, non sans vraisemblance, au recensement même dont parle saint Luc[34].

L’histoire a aussi conservé quelques traces d’un recensement fait dans la Frise, quoique ce pays, comme la Judée, ne fût pas directement soumis à l’empire[35].

Nous pouvons donc conclure de la Table claudienne de Lyon et de tous les autres témoignages que nous avons rapportés, qu’Auguste avait réellement promulgué un édit prescrivant de faire le recensement de tout l’empire, dans les provinces directement soumises au pouvoir central et aussi dans les « royaumes alliés, » selon l’expression de Tacite.

Le recensement des Gaules dut avoir lieu l’an 742 de Rome ou an 12 avant notre ère[36]. Celui de Judée n’eut lieu que plus tard. On ne peut fixer avec une entière certitude la date de ce dernier, parce que, malgré les travaux innombrables publiés sur ce sujet, on ignore encore l’année précise de la naissance de Notre-Seigneur. La plupart la placent en l’an 6, 5 ou 4 avant notre ère. Mais, quoi qu’il en soit, saint Luc n’indique que d’une manière vague l’époque où l’édit fut porté — en ces jours-là, dit-il[37], — et l’on ne saurait douter qu’il ne se fût écoulé un laps de temps assez considérable entre la promulgation de l’édit et son exécution dans les diverses parties du monde ; le passage d’Éthicus rapporté plus haut montre combien était longue une opération si difficile et si étendue, qui ne put être faite que successivement dans les diverses provinces de l’empire.

 

ARTICLE II. — PREMIER RECENSEMENT DE LA JUDÉE AVANT LA MORT D’HÉRODE.

Les mieux instruits parmi les ennemis de nos Évangiles ne peuvent contester sérieusement les faits que nous venons de rapporter, mais ils font un dernier effort pour excepter la Judée du recensement général prescrit par Auguste. Il n’entrait point dans les usages de Rome d’entreprendre aucun (cens), dit Strauss, avant d’avoir tout à fait ôté à un pays ses maîtres indigènes et de l’avoir placé sous l’autorité directe et immédiate de l’administration romaine[38].

Un recensement comme celui dont il est question ici et qui se serait fait par ordre de l’empereur, dit M. Reuss, est absolument inadmissible du vivant d’Hérode, vassal de Rome, il est vrai, mais parfaitement indépendant quant à tout ce qui regardait l’administration de son royaume et en particulier ses finances[39].

Ainsi, d’après M. Reuss, les Romains ne pouvaient faire un recensement dans un royaume qui était indépendant. — Ils pouvaient, si l’on veut, n’en avoir pas le droit, répondrons-nous, mais pour les Romains la force primait le droit, et certes Hérode n’était pas prince à les en empêcher. Nous savons positivement que Rome ne se faisait pas scrupule d’opérer le cens chez des peuples qui ne lui étaient pas assujettis. C’est ce qu’elle fit, par exemple, chez les Clites, petit peuple de Cappadoce, quoiqu’elle les eût laissés libres[40].

Il ne faut pas d’ailleurs se laisser induire en erreur par ce beau titre de roi qu’Auguste avait laissé à Hérode. Le titre royal n’emportait pas l’indépendance et toute la réalité du pouvoir. Les Romains tenaient véritablement sous leur domination les royaumes alliés ; ils y agissaient en maîtres, quand ils le jugeaient à propos ; l’investiture ou la déposition du monarque dépendait du bon plaisir de César. Auguste enleva le trône à Archélaüs, le fils d’Hérode[41] ; Caligula, à Ptolémée, roi de Mauritanie[42] ; à Archélaüs, roi de Cappadoce[43] ; à Rhescuporis, roi de Thrace[44]. Sous prétexte de les honorer, on faisait des rois alliés des citoyens romains[45] et on les assujettissait ainsi à l’empire. Nous savons par Josèphe que tous les Juifs furent obligés de prêter serment à Auguste comme à Hérode[46] et qu’Hérode lui-même était subordonné au légat de Syrie, dont il était obligé dans certains cas de prendre les ordres[47]. C’est pour cette raison que le recensement de la Judée sous Hérode était du ressort du légat de Syrie[48].

Rome pouvait sans doute, dit-on encore, exercer cet acte d’autorité, mais elle n’usa pas de ce pouvoir. Le gouvernement romain n’avait aucun intérêt à faire un recensement en Judée, écrit M. Munk[49]. — C’est une allégation fausse. M. Wallon l’a observé avec beaucoup de justesse : L’ordre de recensement... n’a rien qui ne convienne soit à l’esprit général, soit aux dispositions particulières de l’empire au temps où il est rapporté ; et l’empire ne faisait en cela que continuer l’œuvre de la République. De même que Rome s’était assimilé l’Italie, elle devait un jour s’unir les provinces ; en attendant, elle s’appliquait à les mieux connaître et à les rattacher plus intimement au centre, en y jetant les bases d’un même système de gouvernement et d’impôts[50]. Auguste traitait les alliés comme des membres et des parties de l’empire[51]. La Judée avait été soumise au tribut par Pompée[52] ; et elle n’en fut jamais affranchie complètement, même sous le gouvernement d’Hérode, quelle que fût la faveur dont jouît ce prince à Rome[53]. De plus, vers la fin du règne d’Hérode, Auguste fut mécontent de la conduite du roi des Juifs, parce qu’il avait attaqué Obodas, roi des Arabes, et l’empereur lui écrivit à cette occasion ces dures paroles : Qu’il l’avait jadis traité en ami, mais que désormais il le traiterait en sujet[54]. On dut alors, à Rome, penser plus que jamais à réunir la Palestine à l’empire, et le projet était d’autant plus facile à exécuter que les principaux des Juifs, las de la tyrannie de leur souverain, désiraient l’union : à la mort d’Hérode, ils demandèrent expressément l’annulation de son testament et l’incorporation de la Judée à la province de Syrie[55]. Cette incorporation n’eut lieu que dix ans plus tard, mais les démarches des Juifs montrent que le dénombrement fait au moment de la naissance de Notre-Seigneur ne devait pas être trop mal accueilli par la population de la Judée, en même temps que les dispositions de l’empereur nous expliquent pourquoi il le faisait exécuter.

Le recensement dont parle saint Luc ne devait point, en outre, provoquer les mêmes susceptibilités que celui qui eut lieu après la déposition d’Archélaüs, parce que ce dernier avait pour motif l’établissement de l’impôt, qui est la marque de l’assujettissement, tandis que le premier recensement se borna sans doute à une simple déclaration des personnes et des biens, qui n’était suivie de l’imposition immédiate d’aucune taxe. Tout s’explique donc sans peine et de la façon la plus naturelle.

Cependant, objecte-t-on encore, il est bien étonnant que saint Luc ait parlé seul d’un événement aussi grave que celui du recensement de la Judée à la fin du règne d’Hérode ; il serait surtout inexplicable que Josèphe, qui raconte avec tant de détails l’histoire de son pays à cette époque et décrit notamment les troubles qui se produisirent à l’occasion du recensement fait après l’union de la Judée à la province de Syrie, eût passé sous silence ce premier dénombrement, s’il avait existé. Josèphe qui s’étend fort sur cette époque, écrit Strauss, ne dit pas un mot d’un pareil cens[56].

Les historiens romains n’ont rien dit non plus du second[57], malgré les troubles dont il fut la cause ; on ne saurait donc être surpris qu’ils n’aient pas mentionné le premier. Quant à Josèphe, il a pu l’omettre, ou parce qu’il ne l’a pas rencontré dans l’écrivain à qui il a emprunté la plupart de ses renseignements sur cette époque, c’est-à-dire Nicolas de Damas, l’agent et l’historien d’Hérode, ou parce que, en raison de sa nature même, il l’a considéré comme étant sans importance. Il a passé d’ailleurs sous silence, dans certains de ses écrits, où ils auraient dû naturellement trouver place, des faits mémorables dont l’omission est bien moins explicable. C’est ainsi que, dans l’histoire de la Guerre des Juifs, il n’a pas dit un seul mot, quoiqu’elle ait eu une grande influence sur le sort et la ruine de sa patrie, d’une bataille livrée par ses concitoyens contre les Romains ; nous ne la connaissons que par son autobiographie[58]. Une telle bataille n’aurait pas dû être oubliée dans le récit même de la guerre.

Il faut remarquer, du reste, que, d’après l’opinion vraisemblable de plusieurs savants[59], Josèphe, quoiqu’il ne présente pas cet événement sous le même jour que saint Luc, nous a conservé néanmoins le souvenir du recensement fait à la fin du règne d’Hérode, dans un épisode de ses Antiquités judaïques. Il y a parmi les Juifs, dit-il, une secte qui fait profession de connaître exactement la loi et de l’observer avec zèle... On appelle ses membres Pharisiens. Ce sont eux surtout qui osaient résister aux rois, ayant l’œil ouvert et étant toujours prêts à combattre et à nuire ouvertement. Lorsque toute la nation juive fut obligée de prêter serment de fidélité à César (Auguste) et aux intérêts du roi, ils refusèrent de jurer, au nombre de plus de six mille[60].

Ce serment dut être prêté vers la fin du règne d’Hérode ; il fut imposé de force, par Auguste et par Hérode, à tout le peuple, et il dut être accompagné de l’enregistrement des personnes, puisqu’il fut constaté que six mille Pharisiens ne s’y étaient point soumis. Dans l’inscription du recensement de saint Luc, on jurait, d’après la loi, quoique l’Évangéliste ne mentionne parle serment ; lors du serment refusé par les Pharisiens, on s’était fait inscrire, quoique Josèphe ne parle pas expressément de cette inscription : c’est donc du même fait que parlent les deux écrivains, quoiqu’ils le présentent d’une manière différente.

Tout ce que nous dit l’Évangile se justifie ainsi pleinement. Les détails donnés par saint Luc sur la nature et les conditions du recensement fournissent néanmoins matière à une autre objection à laquelle nous ne devons pas négliger de répondre. Les Romains, dit-on, enregistraient les personnes, non au lieu de leur origine, mais au lieu où elles possédaient[61].

A cela, nous serions en droit de répliquer que saint Joseph pouvait n’être pas propriétaire à Nazareth et avoir, au contraire, quelques biens-fonds à Bethléem, mais nous n’avons pas besoin de nous préoccuper de cette question. Le dénombrement dont parle saint Luc était surtout un dénombrement de personnes. Or, la loi romaine exigeait que les citoyens se rendissent des provinces en Italie pour se faire inscrire[62]. Cette inscription était accompagnée de la déclaration des biens. Quelquefois, on dispensa expressément les absents de revenir, mais Scipion traitait d’abus cette dispense[63]. Les sujets non italiens qui se trouvaient en Italie étaient tenus, par suite des mêmes prescriptions ; de se rendre dans leur lieu d’origine pour y subir le cens[64]. Saint Joseph devait donc se rendre à Bethléem, son lieu d’origine ou celui de sa famille, pour satisfaire à l’obligation du cens.

Marie devait être recensée avec Joseph, son époux[65], car les femmes étaient soumises à la capitation comme les hommes, ainsi que le prouvent les Pandectes qui citent spécialement l’exemple de la province de Syrie[66]. La capitation avait été déjà imposée aux Juifs sous la domination macédonienne[67]. Ils en furent affranchis pendant les soixante-dix ans qui précédèrent la prise de Jérusalem par Pompée[68], mais le général romain la rétablit[69]. S’ils n’avaient pas à la payer aux Romains sous Hérode, Auguste se proposait certainement de la rétablir, et son édit astreignait par conséquent tout le monde, hommes et femmes, à se faire inscrire[70]. Mais les femmes eussent-elles été dispensées de se présenter, saint Luc ne dit pas le contraire, et nous pouvons bien dire avec Strauss : Si Marie a fait le voyage de Bethléem, c’est qu’elle l’a voulu ou que Joseph l’a voulu pour elle[71]. Les raisons d’agir ainsi ne leur manquaient pas.

Il n’y a donc pas une seule circonstance du récit du recensement, considéré en lui-même, qui ne se justifie par l’histoire et les monuments de l’antiquité.

 

ARTICLE III. — RÔLE DE QUIRINIUS DANS LE PREMIER RECENSEMENT DE LA JUDÉE.

Reste la difficulté la plus grave, celle du rôle de Quirinius dans le recensement rapporté par saint Luc. Le troisième évangéliste, dit Strauss, dont nous abrégeons et condensons l’objection, le troisième évangéliste a antidaté cet événement de dix ans, attendu que Quirinius n’est devenu gouverneur de Syrie que plusieurs années après la mort d’Hérode et qu’il ne l’avait jamais été auparavant[72]. M. Reuss le répète à son tour : Quirinius n’a pas été proconsul de la Syrie du temps d’Hérode[73].

Eh bien ! c’est là même où les adversaires de saint Luc se croyaient le plus sûrs de leur victoire, que la vérité triomphe avec le plus d’éclat. L’Évangéliste n’a commis ni erreur ni anachronisme. Quirinius avait été réellement deux fois légat de Syrie, nomme, seul parmi les auteurs anciens, nous l’avait appris saint Luc. C’est ce qu’il n’est plus possible aujourd’hui de révoquer en doute et ce qu’admettent même les critiques qui ne veulent pas croire encore à la réalité du recensement opéré pendant cette première magistrature en Syrie[74].

Publius Sulpicius Quirinius est un des personnages de l’époque d’Auguste qui nous sont le mieux connus. En dehors du passage de saint Luc que nous venons de citer, il est mentionné par Tacite, Dion Cassius, Suétone, Strabon, Josèphe et dans quelques monuments épigraphiques. Des témoignages divers des auteurs classiques, il résulte qu’il était de basse extraction[75], originaire de Lanuvium, et n’ayant aucun lien de parenté avec l’ancienne gens Sulpicia. Malgré sa naissance obscure, ses talents militaires et son mérite le firent parvenir aux plus hautes dignités. Sous le règne d’Auguste, l’an 12 avant notre ère (742 de Rome), il fut consul avec M. Valerius Messalla. Quelque temps auparavant, il avait soumis, comme nous l’apprend Florus[76], les Marmarides et les Garamantes. Il leur fit la guerre, comme l’a établi M. Mommsen[77], en qualité de proconsul de la province sénatoriale de Crète et de Cyrénaique. Après son consulat, à une époque indéterminée dans les auteurs anciens, il fut envoyé en Asie et il réduisit en Cilicie une peuplade belliqueuse, celle des Homonades, qui habitait les montagnes du Taurus[78]. Sa campagne eut tant de succès, qu’à son retour à Rome il reçut les honneurs du triomphe. En 759, an 6 de notre ère, il fut, de l’aveu de tous, légat d’Auguste propréteur en Syrie. Il mourut en 774, c’est-à-dire l’an 121 de notre ère. Parmi les auteurs anciens, Josèphe, comme nous l’avons déjà remarqué, est le seul qui parle du recensement de Quirinius en l’an 6 de notre ère, et saint Luc est le seul qui parle du recensement sous Hérode. Il importe cependant de remarquer que l’Évangéliste connaissait le recensement opéré en Judée après la déposition d’Archélaüs, car il mentionne dans les Actes des Apôtres les troubles qui en furent la suite[79]. De plus, en qualifiant expressément de premier[80], comme il le fait, le dénombrement qui eut lieu avant la mort d’Hérode, il suppose par là même qu’il y en’ eut un second exécuté dans la suite. Son témoignage est par conséquent clair, formel et positif.

Sur quoi s’appuient donc les adversaires de saint Luc pour rejeter son récit ? Sur l’autorité de Josèphe. Ils admettent d’abord que, cet écrivain ni aucun autre auteur ancien n’ayant mentionne la double légation de Quirinius en Syrie, Quirinius n’a été qu’une fois légat de cette province et à une époque postérieure à celle indiquée par l’Évangéliste. C’est à cette époque postérieure qu’il fit le recensement de la Judée, suivant les données très explicites de l’historien juif. En effet, comme nous l’apprend le récit circonstancié que nous lisons dans les Antiquités judaïques[81], le dénombrement n’eut lieu qu’après la déposition d’Archélaüs, par conséquent dix ans après la mort d’Hérode et dix ans ait moins après la naissance de Jésus-Christ, l’an 759 de Rome, l’an 6 de notre ère.

Cette argumentation est si spécieuse que même la plupart des apologistes catholiques, tout en admettant que le dénombrement sous Hérode était un fait incontestable, avaient accordé cependant, jusqu’à nos jours, que Quirinius n’était devenu en effet pour la première fois légat de Syrie que plusieurs années après le recensement dont parle saint Luc.

Afin de concilier le langage du premier Évangile avec cette opinion généralement reçue, on avait imaginé deux explications principales. La première consistait à supposer que l’Évangéliste n’avait pas voulu désigner un gouverneur proprement dit de la province de Syrie, mais un simple envoyé extraordinaire chargé par l’empereur de faire le recensement de la Judée[82]. L’expression employée par saint Luc[83] ne doit pas se traduire, assure-t-on, dans un sens rigoureux, c’est-à-dire dans le sens de légat, mais dans le sens large d’officier de César, chargé de présider au cens[84].

Cette première tisanière de répondre à la difficulté suppose que Quirinius a joué un rôle effectif dans le dénombrement de la Judée ; mais comme, en dehors des Évangiles, nous n’avons ; aucune preuve de cette hypothèse, d’autres savants ont recouru à une seconde interprétation du texte, d’après laquelle celui qui exécuta au nom de Rome le recensement de la Judée, en l’an 6 de notre are, c’est-à-dire Quirinius, n’intervint en aucune façon dans le recensement fait à la naissance de Jésus-Christ.

Suivant ces critiques, saint Luc n’a point voulu dire dans son récit que le recensement de la fin du règne d’Hérode avait été fait par Quirinius ; c’est là une traduction fautive ; le sens de sa phrase est que le recensement eu lieu avant que Quirinius fût légat de Syrie. Telle est leur version. Cette solution, proposée d’abord par Herwart[85], a été adoptée depuis par Olshausen, Tholuck[86], Lange, Krabbe, Lichtenstein, Wieseler, Ewald, Wallon et bien d’autres[87].

Elle repose sur un idiotisme de la langue grecque. Le mot prôtos, premier, en grec, particulièrement dans le dialecte attique, peut avoir le sens du comparatif et s’employer pour proteros, antérieur, avant que[88]. C’est dans ce sens que l’a employé saint Luc ; il a donc voulu dire que le dénombrement fait avant la mort d’Hérode avait eu lieu avant celui que fit plus tard Quirinius, et non qu’il avait été accompli sous la présidence de Quirinius. Comme celui qui fut exécuté après l’union de la Judée à l’empire était plus célèbre et plus connu, saint Luc a jugé à propos de faire remarquer expressément qu’il ne fallait pas le confondre avec celui qui avait amené Joseph et Marie à Bethléem. Telle est la seconde explication.

Cette interprétation du texte de l’Évangile, quoi qu’il en soit de sa valeur philologique, paraît en tous cas forcée. Personne n’hésitera évidemment à prendre les paroles de saint Luc dans leur sens obvie et naturel, si l’on peut établir que Quirinius avait été réellement deux fois légat de Syrie. Or ce point capital peut être regardé aujourd’hui comme certain. Depuis Sanclemente, en 1793, divers savants avaient affirmé que Quirinius avait été à deux reprises à la tête de la province de Syrie, mais leur opinion paraissait fort contestable et ce n’est que dans ces dernières années qu’on l’a solidement prouvée.

Quelques anciens critiques citaient en faveur de leur opinion l’inscription suivante :

On a beaucoup discuté sur cette inscription. L’original en avait été perdu, et elle était généralement considérée comme l’œuvre d’un faussaire[89]. Aujourd’hui son authenticité n’est plus douteuse[90], car la pierre elle-même a été retrouvée en 1880, à Venise, mais son contenu est néanmoins pour nous sans grande importance.

Quintus Æmilius Q. F. Palatinus Secundus fut, d’après cette inscription, un des officiers du légat P. Sulpicius Quirinius en Syrie. Ce monument est la pierre tumulaire de Palatinus et de sa femme Chia. Il vient de Béryte ou Beyrouth, et l’on ignore par quel hasard il a été transporté à Venise[91]. Palatinus, sous les ordres de Quirinius, fit le cens d’Apamée. Ce cens n’a pas de rapport direct avec celui de la Judée, mais il a, du moins, avec ce dernier un rapport indirect, parce qu’il fut fait dans la même province de Syrie, et sous le même légat. Cette inscription fournit une nouvelle preuve que Quirinius a été légat de Syrie et que le recensement de cette province a été exécuté pendant son gouvernement, mais comme ces faits étaient déjà connus en partie par Josèphe et qu’ils ne sont contestés par personne, l’inscription demeure pour nous sans utilité, dans la question présente, parce qu’elle ne nous dit rien sur une double légation de Quirinius ; or, c’est là la seule chose que nous devons chercher à établir.

Heureusement une autre pierre, dont l’authenticité ne peut non plus être révoquée en doute et dont le sens peut être regardé désormais comme assuré, nous apprend ce que nous avons si grand intérêt à savoir.

Elle a été trouvée en 1764 à Tivoli, l’antique Tibur, hors de la Porte romaine, entre la villa d’Hadrien et la via Tiburtina. Elle est conservée maintenant au Musée de Latran.

Le nom du personnage auquel était consacré ce monument lapidaire a disparu, par suite de la fracture de la partie supérieure qui n’a pas été retrouvée ; de là vient que les épigraphistes ont rapporté d’abord l’inscription à divers légats de Syrie[92] ; mais Sanclemente avait reconnu de prime abord, avec une grande perspicacité, qu’elle ne pouvait s’appliquer qu’à Publius Sulpicius Quirinius[93], et M. Th. Mommsen, avec autant d’érudition que d’habileté, a prouvé contre tous les adversaires de cette interprétation, qu’elle était la seule admissible[94]. Voici cette inscription avec les parties si ingénieusement suppléées par le savant allemand[95] :

P. Sulpicius Quirinius, fils de Publius, consul...

(Ici étaient énumérées les magistratures inférieures exercées par Quirinius et qui sont inconnues.)

préteur. Il obtint comme proconsul la province de Crète et de Cyrénaïque...

(Ici étaient indiquées les fonctions prétoriennes.)

légat propréteur du divin Auguste de la province de Syrie et de Phénicie ;

il fit la guerre contre la nation des Homonades qui avait tué Amyntas,

son ROI. CETTE NATION AYANT ÉTÉ RÉDUITE SOUS LE POUvoir et la puissance du divin

AUGUSTE ET DU PEUPLE ROMAIN, LE SÉNAT décerna aux dieux immortels

DEUX SUPPLICATIONS POUR LES SUCCÈS qu’il avait obtenus, et lui décerna

A LUI-MÊME LES HONNEURS DU TRIOMPHE. Il obtint comme

PROCONSUL LA PROVINCE D’ASIE et comme légat propréteur

DU DIVIN AUGUSTE, POUR LA SECONDE FOIS, LA PROVINCE DE SYRIE ET DE PHénicie.

Le point le plus important à noter dans ce monument épigraphique, c’est que le personnage auquel il avait été consacré avait été deux fois légat de Syrie iterum[96] Syriam (obtinuit), sous le règne de l’empereur Auguste. Le nom du personnage manque, il est vrai, sur la pierre, mais ce qui est conservé de l’inscription suffit pour le reconnaître d’une manière certaine, et ce personnage n’est pas autre que Quirinius, comme nous allons essayer de le démontrer.

L’histoire et la chronologie des légats romains en Syrie sont encore imparfaitement connues, malgré toutes les recherches dont elles ont été l’objet[97]. On peut cependant dresser la liste suivante qui rendra plus facile l’intelligence de ce qui va suivre.

 

An Rome

Av. J.-C.

Ap. J.-C.

1. M. Tullius Cicéron, fils de l'orateur

724 ou 727

30 ou 27

 

2. Varron

729-731

25-23

 

3. M. Titius

746

8

 

4. C. Sentius Saturninus[98]

746-748

8-6

 

5. P. Quinctilius Varus

748-750

6-4

 

6. . . . . . . . . . . . . . . . . .

---

---

 

7. Caïus César, præpositus Orientis

753 ?-757

1 à

4

8. L. Volusius Saturninus

757-758

 

4-5

9. P. Sulpicius Quirinius

759-763

 

6-10

10. Q. Cæcilius Metellus Creticus Silanus[99]

763-770

 

10-17

Les dates antérieures au gouvernement de Sentius Saturninus sont incertaines ; heureusement elles sont sans importance dans la question qui nous occupe[100]. Sentius Saturninus fut légat de Syrie à partir de l’an 8 avant J.-C.[101] Il eut pour successeur Quinctilius Varus[102], l’an 6 avant J.-C. Celui-ci gouvernait la Syrie à la mort d’Hérode et pendant les premiers mois qui suivirent, an 750 de Rome, 4 avant notre ère[103]. A partir de cette date, il n’est plus question de lui.

Depuis l’an 4 avant J.-C. jusqu’au commencement de notre ère, les renseignements nous font défaut[104] et il y a une lacune dans la liste des légats de Syrie[105]. Pendant quatre ans, nous ne savons rien de la manière dont Rome fit administrer cette province.

L’an 1 avant notre ère, Caïus César, fils de M. Agrippa et petit-fils d’Auguste, qui l’avait adopté comme fils, fut envoyé en Asie à l’âge d’environ vingt ans pour gouverner ce pays, mais à cause de sa jeunesse, il eut pour conseillers, d’abord M. Lollius, et puis P. Sulpicius Quirinius[106]. En allant prendre possession de l’Arménie, le fils adoptif de l’empereur fut blessé devant Artagire et il mourut des suites de sa blessure, le 21 février, an 4 de notre ère, à Limyra, en Lycie.

Pendant que C. César gouvernait ainsi l’Asie, il y a tout lieu de penser que la Syrie n’avait pas de légat particulier[107]. L’année où mourut C. César, c’est-à-dire l’an 4, ou bien l’an 5, par suite sans doute de cette mort, L. Volusius Saturninus, parent de la famille impériale, était devenu légat de Syrie, comme nous l’apprennent les monnaies d’Antioche[108]. Il garda probablement cette dignité jusqu’à l’an 6 ; il fut alors remplacé par P. Sulpicius Quirinius ; en l’an 10, Quirinius eut lui-même pour successeur Metellus Creticus Silanus.

Le légat de Syrie dont le nom était inscrit sur la pierre de Tibur doit être nécessairement un de ceux dont nous venons de donner la liste, puisqu’elle renferme, sauf la lacune de l’an 750 à l’an 753 de Rome, l’énumération de tous ceux qui ont obtenu cette dignité jusqu’après la mort d’Auguste, laquelle eut lieu en l’an 13 de notre ère. Aucun des noms contenus dans la liste n’étant répété deux fois, mais le sixième légat étant inconnu, il s’ensuit rigoureusement que le Romain à qui était dédiée l’inscription aujourd’hui mutilée, et qui avait été deux fois légat de Syrie, est l’un des neuf personnages dont le nom nous est connu. Est-il possible de le découvrir avec certitude ? Oui, en voici la preuve. Nous allons procéder par élimination.

Le second, Varron ; le cinquième, Varus[109], et le septième, C. César, ne sont pas ce légat, car ils moururent avant Auguste. Or, le monument de Tivoli n’a été érigé qu’après la mort de cet empereur ; en effet, il y est appelé le divin Auguste, Divi Augusti, et ce titre de Divus ne se donnait à un empereur qu’après sa mort. De plus, Agrippa[110] ne fut jamais proconsul d’Asie. Par conséquent, ni Varron, ni Agrippa, ni Varus, ni C. César, ne furent deux fois légats de Syrie.

Le premier de la liste, M. Tullius Cicéron, fils de l’orateur romain, ne peut pas avoir été légat de Syrie de 750 à 753 de Rome, parce qu’il n’obtint jamais les honneurs du triomphe qui furent décernés au personnage du monument de Tibur. Il ne fit aucune guerre et, de plus, il était trop vieux pour avoir survécu à Auguste.

Le troisième, M. Titius, fut consul en 723 de Rome (31 avant notre ère). Il avait donc alors au moins trente ans, et il en aurait eu environ soixante-dix à l’époque de la naissance de Notre-Seigneur. A cet âge, il ne pouvait plus exercer les fonctions de légat.

Quant au quatrième personnage de notre liste, Sentius Saturninus, il était mort avant Auguste ; dans le cas contraire, on ne s’expliquerait pas que Tacite, dont les Annales commencent à l’avènement de Tibère, n’eût pas dit un seul mot d’un homme qui avait joué un si grand rôle.

Volusius Saturninus, qui occupe la huitième place dans le tableau chronologique, avait été proconsul de la province d’Afrique, tandis que le légat de Syrie de notre inscription avait été proconsul d’Asie. Volusius Saturninus n’est donc pas l’inconnu que nous cherchons.

Enfin, le dixième et dernier, Cæcilius Metellus, étant demeuré légat de Syrie après la mort d’Auguste, si le monument épigraphique de Tibur lui avait été destiné, nous y lirions : légat propréteur du divin Auguste et de Tibère César Auguste. Ce n’est donc pas à sa mémoire qu’avait été dédiée la pierre commémorative. Ainsi, par ce procédé d’élimination, nous arrivons à constater que le nom à inscrire sur le monument est celui de Quirinius, car c’est le seul qui reste sur le catalogue.

Tout lui convient, en effet, dans les débris qui sont parvenus jusqu’à nous. Tacite nous apprend qu’il obtint les honneurs du triomphe pour s’être emparé des forteresses des Homonades en Cilicie[111]. Strabon ajoute que ces derniers avaient tué leur roi Amyntas[112]. Il avait obtenu deux supplications[113] ; il avait aussi été proconsul d’Asie[114]. Enfin, il mourut l’an 774 de Rome (21 de notre ère), par conséquent huit ans après Auguste. A lui, et à lui seul, conviennent donc tous les détails qui sont conservés dans le monument de Tibur, et il résulte de là que c’est Quirinius qui a été le sixième légat de Syrie, comme il en a été plus tard le neuvième ; en un mot, Quirinius a été deux fois légat de Syrie, ainsi que l’indique le texte de saint Luc.

Les faits que nous venons de rappeler sont si certains que la double légation de Quirinius en Syrie est admise aujourd’hui par MM. de Rossi[115], Bergmann, Henzen, Gerlach, Aberle, comme par MM. Mommsen, Dessau et Liebenam[116]. L’exactitude du texte de saint Luc, relativement à la double légation de Quirinius en Syrie, est donc désormais au-dessus de toute contestation.

Cette première mission du fonctionnaire romain en Syrie nous explique parfaitement pourquoi il fut choisi afin de remplir la seconde. Quand la Judée fut incorporée à l’empire romain, comme ses conquérants connaissaient le caractère remuant et peu souple de leurs nouveaux sujets, l’empereur, prévoyant la difficulté qu’il y aurait à établir les impôts, jugea avec raison que l’homme le plus capable de faire avec succès le second recensement et de ménager le mieux les esprits était celui-là même qui était déjà connu d’eux et qui avait présidé une première fois à une opération analogue. C’est pour le même motif que Quirinius avait été donné comme conseil à C. César, lorsque le fils adoptif d’Auguste avait été envoyé en Asie. L’expérience de l’ancien légat devait suppléer à celle qui manquait encore au jeune præpositus Orientis.

Il reste cependant une dernière difficulté que nous devons résoudre avant de terminer cette étude critique. Malgré les innombrables travaux publiés jusqu’ici sur la date précise de la naissance de Notre-Seigneur, cette date, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut, n’est pas encore fixée d’une manière absolument certaine. Les uns la font remonter jusqu’à l’an 7 avant notre ère[117] ; d’autres, et c’est aujourd’hui le plus grand nombre, la placent à l’an 6 ou à l’an 5 avant J.-C.[118] On ne peut guère la rapprocher davantage de nous, parce qu’il est démontré que Denys le Petit, en calculant l’ère vulgaire, a commis une erreur : il la fait commencer à la fin de l’an 754 de Rome, c’est-à-dire au moins quatre ans trop tard, puisque Hérode, sous le règne duquel est né Notre-Seigneur Jésus-Christ, est mort dès le mois d’avril de l’an de Rome 750, an 4 avant notre ère[119].

On voit la difficulté que soulève ce calcul contre le récit de saint Luc. Le recensement qui a conduit saint Joseph à Bethléem a eu lieu avant la mort d’Hérode, par conséquent au plus tard l’an 750 de Rome. Quirinius n’est devenu légat de Syrie pour la première fois qu’en 751, ou au plus tôt à la fin de 750. Des médailles frappées à Antioche, au non, de Varus, son prédécesseur, sont de l’an 750 de Rome[120]. Josèphe nous apprend d’ailleurs formellement que la légation de Varus se continua après la mort d’Hérode[121]. Quirinius n’était donc pas encore légat de Syrie à l’époque de la naissance de Notre-Seigneur.

On a répondu à l’objection tirée des monnaies d’Antioche, que les habitants de cette ville avaient pu continuer à frapper des médailles au nom de Varus pendant quelque temps après son remplacement par Quirinius, et cette explication ne manque pas de vraisemblance, mais le témoignage de Josèphe est trop formel et trop circonstancié pour être contredit[122]. Ce qui est le plus probable, c’est que le recensement se fit avec une certaine lenteur et qu’après avoir été commencé par les prédécesseurs immédiats de Quirinius[123], il fut terminé seulement sous son gouvernement ; c’est pour ce motif qu’il lui fut attribué et qu’il porta chez les Juifs le nom de premier recensement de Quirinius[124]. Nos connaissances actuelles ne permettent pas de trancher Le point de détail ; mais, si nous ne pouvons pas élucider pleinement et d’une manière absolue ce dernier problème, les travaux épigraphiques les plus récents ont justifié trop complètement ce que suppose saint Luc sur la double légation de Quirinius en Syrie pour qu’on nous refuse le droit de considérer son récit comme parfaitement historique.

Quoi qu’il en soit, en somme, du moment précis où Varus cessa d’être officiellement légat de Syrie, il est certain que saint Luc, malgré tous les démentis des incrédules, ne s’est pas trompé en attribuant à Quirinius une double légation et que l’histoire mieux connue le venge des accusations dont il a été trop longtemps l’objet. Quant au rôle précis que joua Quirinius dans le recensement de la Judée, à la part directe ou indirecte qu’il y prit lui-même, on ne saurait encore le déterminer rigoureusement, mais ce n’est là qu’un point accessoire, un problème d’interprétation qui n’atteint pas le fond du récit lui-même. L’injustice des incrédules envers saint Luc est désormais bien prouvée. Si nous rencontrions dans Zonaras, dans Malalas ou dans quelque autre compilateur des Histoires byzantines un renseignement analogue à celui que nous fournit ici le troisième Évangile, dit avec raison le Dr Aberle, nous le regarderions comme une bonne fortune pour la science historique, comme un précieux complément des sources anciennes si souvent incomplètes. Pourquoi donc saint Luc serait-il moins bien traité ?[125] C’est un auteur contemporain, digne de toute créance, et la Providence nous met en main des preuves nouvelles de sa véracité, à mesure qu’augmentent les attaques contre la révélation.

 

 

 



[1] Luc, II, 1-2. — Comme la lettre Q n’existe pas en grec, saint Luc a été obligé d’écrire Cyrinius (ou Cyrinus, cf. Vulgate, Cyrinus), mais la véritable orthographe latine du nom est Quirinius. Josèphe a écrit le nom comme saint Luc, Ant. jud., XVIII, I, 1, édit. Didot, t. I, p. 692. Strabon, XII, VI, 5, édit. Didot, p. 487, écrit : Κυρίνιος ; Dion Cassius, LIV, 28, édit. Teubner, t. II, p. 144, l’appelle simplement : Πούπλιος Σουλπίκιος ; Suétone, Tibère, 49, édit. Teubner, p. 106, le nomme Quirinus ; Tacite, Ann., III, 22, 23, 48, Quirinus ; l’inscription que nous rapporterons plus loin, Quirinius.

[2] Nous disons : pendant que Quirinius était légat, et non fait par Quirinius, parce que le texte grec original de saint Luc ne dit pas que le recensement fut fait par Quirinius, mais ήγεμονεύοντος τής Συρίας Κυρηνίου. Luc, II, 2.

[3] Ancyre, aujourd’hui Angora, possède les ruines d’un temple d’Auguste, où se trouve une inscription gravée sur six colonnes qui contient le testament de cet empereur ; elle est connue sous le nom de monument d’Ancyre.

[4] D. Strauss, Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, t. II, p. 22. Dans sa Vie de Jésus, trad. Littré, 3e édit., 1864, t. I, p. 229, Strauss disait : Nul écrivain ancien ne parle d’un pareil recensement général ordonné par Auguste.

[5] Ed. Reuss, Histoire évangélique, in-8°, Paris, 1876, p. 143.

[6] Dans ce qui va suivre, nous serons obligés de recourir souvent aux témoignages des auteurs anciens, mais il est indispensable de le faire pour traiter la question avec toutes les ressources que nous fournit la critique moderne.

[7] Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 2e édit., in-8°, Berlin, 4883, col. II, l. 4 et suiv., p. XLVI ; G. Perrot, Exploration de la Galatie, in-fol., Paris, 1862, pl. 25.

[8] Voir E. Desjardins, Le recensement de Quirinius, dans la Revue des questions historiques, 1867, t. II, p. 13.

[9] Tacite, Ann., I, 44 : Opes publicœ continebantur : quantum civium sociorumque in armis ; quot classes, regna, provinciæ, tributa aut vectigalia, et necessitates ac largitiones.

[10] Suétone, August., 101 ; Dion Cassius, LXVI, 33.

[11] Sur Éthicus l’Istriote, voir d’Avezac, Mémoire sur Éthicus, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, Savants étrangers, t. II, 1852, p. 230-431.

[12] L’an 44 avant notre ère, l’année même où Jules César fut assassiné.

[13] Omnem orbem ; c’est l’expression de saint Luc, II, 2. L’occident manque dans le texte imprimé d’Éthicus, mais il avait été mesuré par Didyme. Voir d’Avezac, loc. cit., p. 339.

[14] Cosmographie d’Éthicus, traduction L. Baudet, dans la Bibliothèque latine française de Panckoucke, in-8°, 1843, p. 9. Les chiffres donnés par le texte pour la durée du recensement sont inexacts. Ils ont été rectifiés par divers critiques, mais ils sont pour nous sans grande importance. Voir d’Avezac, Mémoire sur Éthicus, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, Savants étrangers, L. II, 1852, p. 342-344, et les auteurs qu’il cite, p. 343.

[15] Auguste fut chef unique de l’empire depuis l’an 30 avant Jésus-Christ jusqu’au 19 août de l’an 14 de notre ère.

[16] Dans le passage suivant qui y fait allusion : Agrippam quidem in tanta viri diligentia præterque in hoc opere cura, cum orbem terrarum orbi spectandum propositum esset, errasse quis credat, et cum eu divum Augustum. H. N., III, 3, 14. Cf. P. S. Frandsen, M. Vipsanius Agrippa, eine historische Untersuchung über dessen Leben und Wirken, in-8°, Altona, 1836, c. XXXII, p. 195-200 ; Fr. Ritschl, Reichsvermessung des Augustus, Agrippa’s Weltkarte, dans le Rheinisches Museum, 1842, p. 481 et suiv. ; C. A. F. Pertz, De cosmographia Ethici libri tres, in-8°, Berlin, 1853, p. 18.

[17] Aucun doute sérieux ne peut donc être élevé sur la vérité historique du mesurage exécuté sous les règnes de César et d’Auguste, et au moyen duquel fut obtenu le routier officiel qui servait à dresser la feuille d’étapes des armées, telle que nous la font connaître Lampridius, dans la vie d’Alexandre Sévère, et saint Ambroise, en son Commentaire sur le Psaume CXVIII, Sermo, V, 2, édit. Bened., t. I, p. 1018. D’Avezac, loc. cit., p. 376-377.

[18] Balbi mensoris qui temporibus Augusti omnium provinciarum et civitatum formas et mensuras compertas in commentarios contulit, et legem agrariam per universitatem (alii : diversitates) provinciarum distinxit ac declaravit. Frontin, De coloniis libellas, dans W. Gœsius, Rei agrariæ auctores, in-4°, Amsterdam, 1674, p. 109 et 141-142 ; Gromatici veteres, Berlin, 1848, ch. V, p. 239. Jubente Augusto Cæsare, dit un auteur inconnu, Balbo mensore, qui omnium provinciarum mensuras distinxit ac declaravit. Gœsius, ibid., p. 148.

[19] E. Desjardins, Le recensement de Quirinius, dans la Revue des questions historiques, t. II, 1867, p. 28.

[20] Sed videamus, dit Aggenus Urbicus, ne forte postea jussu principis alieni datus sit (ager), qui terram denuo metiri præceperit, sicut Cæsaris Augusti temporibus factum est. Gœsius, loc. cit., p. 50. Et Frontin lui-même nous dit, Ex libro Balbi, provincia Picena, ibid., p. 143 : Item Divi Juli Augustei pro hac ratione sunt, quod Augustus eas recensuit, et ubi non fuerunt, lapides alios constituit et omnem terram sui temporibus fecit remensurari. Cf. Ph.-E. Huschke, Ueber den zur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census, in-8°, Breslau, 1840, p. 10.

[21] Quod si quis contradicat, sanctuarium Cæsaris respici solet. Omnium enim et agrorum et divisorum et adsignatorum formas, sed et divisionem et commentarios et principatus in sanctuario habet. Qualeseumque enim formæ fuerint, si ambigatur de earum fide, ad sanctuarium principis revertendum erit. Siculus Flaccus, De conditionibus agrorum, dans Gœsius, Rei agrariæ auctores, p. 16 ; Gromatici veteres, t. Ier des Schriften der römischen Feldmesser (2 in-8°, 1848-1852), Berlin, 1848, p. 154-155. Cf. Egger, Examen critique des historiens d’Auguste, in-8°, Paris, 1844, p. 50.

[22] Voir les preuves dans E. Egger, Examen critique des historiens d’Auguste, p. 50-51.

[23] Pline, H. N., VI, 31, 14.

[24] E. Desjardins, dans la Revue des questions historiques, t. II, 1867, p. 58-59 ; Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., note XXIX, p. 526.

[25] Cassiodore, Variarum liber IV, epist. LII, Migne, Patr. lat., t. LXIX, col. 608. Cf. Huschke, Ueber den zur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census, p. 3 ; Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 337. Le nom d’Hyrummetricus est altéré ; c’est peut-être Hygin qu’il faut lire, mais, quel qu’il soit, nous avons là une preuve que Cassiodore s’appuie sur un témoignage ancien.

[26] Ce détail donné par Suidas est très précieux, parce qu’il prouve que cet écrivain a puisé les renseignements qu’il nous donne ailleurs que dans saint Luc, contrairement aux affirmations des incrédules.

[27] Suidas, Lexicon, au mot Άπυγραφή, édit. Bernhardt, t. I, col, 594, Sur la valeur de ce témoignage, voir les observations concluantes de Huschke, loc. cit., p. 6, et H. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 338. Cf. E. Egger, Examen critique des historiens d’Auguste, p. 49.

[28] Suidas, Lexicon, au mot Αΰγουστος, t. I, col. 851. Le chiffre est certainement trop faible, et il y a là une faute de copiste, mais cette faute ne saurait faire suspecter le fond du passage. Voir Huschke, loc. cit., p. 5.

[29] Tunc primum, idem Cæsar... censum agi singularum ubique provinciarum, et censeri omnes homines jussit. Histor., l. V, c. XXII, Migne, Patr. lat., t. XXXI, col. 1058. Voici ce que dit saint Isidore de Séville : Æra singulorum annorum constituta est a Cæsare Augusto, quando primum ansum exegit, ac Romanum orbem descripsit. Dicta auteur æra ex eo quod omnis oras æs reddere professas est reipublicæ. Etymol., l. V, c. 36, n. 4, Migne, Patr. lat., t. LXXXII, col. 222.

[30] De censu denique Augusti, quem testem fidelissimum Dominicæ nativitatis romana archivia custodiunt. Tertullien, Adv. Marcionem, IV, 1, t. II, col. 370. Le témoignage de Tertullien a ici d’autant plus de poids qu’il répond aux objections de Marcion au sujet du recensement et qu’il le place, comme nous le verrons plus loin, sous Sentius Saturninus et non sous Quirinius. Cf. de même saint Justin, qui était originaire de Palestine, et qui, s’adressant à l’empereur, lui parle aussi du dénombrement fait sous Quirinius et suppose que les documents en sont conservés à Rome. Apolog., I, 34, t. VI, col. 384.

[31] Roland Gerbaud, faisant miner une sienne vigne en la coste Saint-Sébastien, découvrit deux grandes tables de cuivre ou d’areyn antiques et toutes escrites, lesquelles examinées par messire Claude Bellièvre, lui parurent antiquailles aussi belles que guères se trouvent et dignes d’estre par la ville retirées pour estre affigées en quelque lieu à perpétuelle mémoire. Actes consulaires, mss. de feu l’abbé Sudan, dans A. de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, in-fol., Lyon, 1846, p. 135.

[32] Tacite, Ann., XI, 24.

[33] A. de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, p. 136. Cf. Henri Lutteroth, Le recensement de Quirinius en Judée, in-8°, Paris, 1865, p. 90-97.

[34] Voir H. Lutteroth, Le recensement de Quirinius, p. 92-93 ; E. Desjardins, dans la Revue des questions historiques, 1867, t. II, p. 30, 63.

[35] Tacite, Ann., IV, 22 ; W. Zumpt, Das Geburstjahr Christi, p. 177, 187-188.

[36] W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 187.

[37] Luc, II, 1.

[38] D. Strauss, Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, t. II, p. 24.

[39] Ed. Reuss, Histoire évangélique, p. 144.

[40] Per idem tempus (an. U. C. 789), Clitarum natio Cappadoci Archelao subjecta, quia nostrum in modum deferre census, pati tributa adigebatur, in Tauri juga abscessit, dit Tacite, Ann., VI, 41. Cf. E. Dejardins, dans la Revue des questions historiques, t. II, 1867, p. 61 ; Huschke, Ueber den Census zur Zeit der Geburt Christi, p. 100 ; W. Zumpt, qui cite plusieurs exemples, Das Geburtsjahr Christi, p. 181-186.

[41] Josèphe, Ant. jud., XVII, XIII, 3.

[42] Dion Cassius, LXIX, 25.

[43] Tacite, Ann., II, 42.

[44] Tacite, Ann., II, 67. Cf. W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 178-179.

[45] En voir la liste dans G. L. Marini, Gli Atti e Monunienti de’ fratelli Arvali, 2 in-4°, Rome, 1795, t. II, p. 725-726.

[46] Josèphe, Ant. jud., XVII, II, 4.

[47] Josèphe, Ant. jud., XVI, XI. Cf. W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 179-180.

[48] W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 180-181.

[49] Munk, Palestine, in-8°, Paris, 1845, p. 562.

[50] H. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 336.

[51] Nec aliter universos quam membre partesque imperii curæ habuit. Suétone, August., 48 ; cf. Strabon, XVII, p. 839.

[52] Josèphe, Antiq. jud., XIV, IV, 4. Cf. Appien, Syr., 49, édit. Didot, p. 199.

[53] Josèphe, De Bell. jud., II, XVI, 4 ; V, IX, 4 ; cf. Appien, Bel. civ., V, 15, édit. Didot, p. 545.

[54] Josèphe, Antiq. jud., XVI, IX, 3. Cf. N. Lardner, Credibility of the Gospel, dans ses Works, 10 in-8°, Londres, 1838, t. I, p. 290 ; H. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 362.

[55] Josèphe, Antiq. jud., XVII, XI, 1. Cf. Lardner, Credibility of the Gospel, Works, t. I, p. 303.

[56] D. Strauss, Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, t. II, p. 24.

[57] Josèphe seul nous le fait connaître, Ant. jud., XVIII, I, 1.

[58] Josèphe, Vita, 6 ; Lardner, Credibility of the Gospel, t. I, p. 341.

[59] J. Kepler, Bericht vom Géburtsjahr Christi, c. XI, dans les Opera omnia, édit. Frisch, 8 in-8°, t. IV, 1863, p. 249 ; Lardner, Credibility of the Gospel, Works, t. I, p. 292-296 ; Fréret, Sur le temps précis de la mort d’Hérode, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. XXI, 1754, p. 280 ; Sanclemente, De vulgaris æræ emendatione, in-fol., Rome, 1793, p. 438 ; H. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 365.

[60] Josèphe, Antiq. Jud., XVII, II, 4, t. I, p. 658. Strauss n’a pu s’empêcher de sentir la force du passage de Josèphe et de celui des Annales de Tacite, IV, 41, en faveur du recensement de la Judée. Il dit : On a torturé un passage de Josèphe (Antiquités juives, XVI, IX, 3 ; lire : XVII, II, 4), et un renseignement que fournit Tacite (Ann., VI, 41) pour prétendre qu’avant la transformation de la Judée en province romaine, les Romains y avaient, par exception, entrepris un recensement. Soit. Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, t. II, p. 24. Ce soit est un aveu.

[61] Is vero, qui agrum in alia civitate habet, in ea civitate profiteri debet, in qua ager est ; agri enim tributum in eam civitatem debet levare, in cujus territorio possideiur. L. 4, § 2. D. de censibus (50, 15, 4), édit. Mommsen, 1870, p, 932. Voir E. Huschke, Ueber den Census, p. 117.

[62] Ut cives romanos ad censendum ex provinciis in Italiam revocaverint. Velleius, II, 15. Cf. Cicéron, Verr., Act., I, 18. Quæ municipia, coloniæ, præfecturæ civium romanorum in Italia sunt, erunt, dit la loi Julia municipalis, de l’an 709 de Rome, qui in iis municipiis, coloniis, præfecturis maximum magistratum maximamve potestatem ibi habebit tum, quum censor aliusve quis magistratus Romæ populi censum aget, is, diebus sexaginta proximis, quibus sciet Romæ censum populi agi, omnium municipum, colonorum suorum, quique ejus præfectura ; erunt qui cives romani erunt, censum agito, eorumque nomina, prænomina, patres aut patronos, tribus, cognomina, et quot armas quosque habet, et ratienem pecuniæ ex formula census qum Romæ ab eo, qui tum censum populi acturus erit, proposita erit, ab iis juratis accipito. Voir Huschke, Ueber den Census zur Zeit der Geburt Christi, p. 118.

[63] Aulu-Gelle, V, 19.

[64] L. Postumus consul pro concione edixerat, qui socium Latini nominis ex edicto C. Claudii consulis redire in suas civitates debuissent, ne quis eorum Romœ, sed omnes in cuis civitatibus censerentur. Tite-Live, 42, 10. M. Huschke, loc. cit., p. 118, remarque que les mots de saint Luc, II, 3, sont les mêmes que ceux que nous lisons ici. On pourrait, en effet, traduire le grec de saint Luc : Omnes in suis civitatibus censerentur.

[65] Cf. Huschke, Ueber den Census aur Zeit der Geburt Christi, p. 124 ; W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 204.

[66] Ætatem in censendo significare necesse est, quia quibusdam ætas tribuit, ne tributo onerentur, veluti in Syriis a quatuordecim annis masculi, a duodecim fœminæ usque ad sexagesimum [quintum] annum tributo capitis obligantur. Ulpien, Digeste, de censibus, L, 15, 3, édit. Mommsen, in-4°, Berlin, 1872, p. 856. Cf. Denys d’Halicarnasse, IV, 15 ; Cicéron, De legibus, III, 3 ; In Verr., II, 56 ; Lactance, De morte persecut., 23, t. VII, col. 231.

[67] Josèphe, Ant. jud., XII, III, 3. Cf. XI, VIII, 5 ; XIII, II, 3 ; VIII, 3 ; III Mach., X, 29 ; XI, 35 ; XIII, 36.

[68] Josèphe, Ant. jud., XIII, VI, 7.

[69] Appien, Syr., 49, et voir Huschke, Ueber den Census, p. 122-123.

[70] M. Lutteroth, Le recensement de Quirinius en Judée, in-8°, Paris, 1865, p. 38-43, suppose que ce fut de leur plein gré que Joseph et Marie se rendirent à Bethléem, mais cette explication ne parait pas conforme au sens naturel du texte de saint Luc.

[71] D. Strauss, Nouvelle vie de Jésus, t. II, p. 26.

[72] Cf. D. Strauss, Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, 2 in-8°, Paris (1864), t. II, p. 20-26.

[73] Ed. Reuss, Histoire évangélique, p. 144. Remarquons en passant que Quirinius (non Quirinus) n’eut pas le titre de proconsul, mais celui de légat de Syrie.

[74] Ainsi Mommsen : Quem (Quirinium) Lucas recta appellat legatum Syriæ... At inde minime sequitur bis censam esse Judæam a Quirinio... Sed hoc sequitur Lucam in rerum memoria tradenda vera falsis miscuisse. Res gestæ divi Augusti, 1ère édit., p. 124-125 ; cf. 2e édit., p. 175-176. Ce que dit M. Mommsen contre saint Luc a été spécialement réfuté par le P. Patrizi, Della descrizione universale mentovata da San Luca, in-8°, Rome, 1876. Voir le résumé de cette réfutation dans la Civiltà cattolica, octobre 1876, p. 198-208.

[75] Tacite, Ann., III, 48.

[76] Florus, II, 31.

[77] Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 2e édit., p. 170.

[78] Tacite, Ann., III, 48 ; Strabon, XII, VI, 5, p. 481-488.

[79] Actes des Apôtres, V, 37.

[80] Luc, II, 2.

[81] Ant. jud., XVIII, I, 1, édit. Didot, t. I, p. 692-693. Cf. XVII, XIII, 5 ; XVIII, II, 1.

[82] Cette explication a été donnée par le cardinal H. Noris, dans ses Cenotaphia Pisana : Plures eraditi viri dicunt Quirinium cum imperio extraordinario in Syriam missum, ad censum peragendum. Nam cum eo anno pax toto romano imperio floreret, Augustus decrevit universorum, qui vel subditi vel socii essent populi romani, numerum ac facultates noscere. Cenotaphia Pisana Caii et Lucii Cæsarum, diss. II, cap. XVI, § XII, in-fol., Venise, 1861, p. 320-321, et dans P. Burmann, Thesaurus antiquitatum Italiæ, édit. de Leyde, 1723, t. VIII, part. III, p. 295. II. Sanclemente a longuement défendu cette explication, De vulgaris æræ emendatione, l. IV, cap. III-VI, in-fol., Rome, 1793, p. 413-448. Elle a été adoptée par Ideler, dans son Handbuch der Chronologie, t. II, p. 395 ; E. Egger, Examen critique des historiens d’Auguste, in-8°, Paris, 1844, p. 51 ; P. Schegg, Sechs Bücher des Lebens Jesu, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1874, t. I, p. 49. Voir les textes en faveur de cette interprétation recueillis dans Th. Mémain, La connaissance des temps évangéliques, in-8°, Sens et Paris, 1886, p. 66-68. Huschke la combat, Ueber den sur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census, p. 64 et suiv., de même que K. Wieseler, Chronologische Synopse der nier Evangelien, in-8°, Hambourg, 1843, p. 113.

[83] Luc, II, 2 : ήγεμονεύοντος ; Vulgate : præside.

[84] L’expression de saint Luc peut très bien se justifier dans cette hypothèse, car il y avait en effet des fonctionnaires spécialement délégués pour le recensement, et ils portaient le titre de legatus censuum accipiendorum ou de censitor. Marquardt et Mommsen, Handbuch der römischen Alterthümer, t. V, 1876, p. 208.

[85] J.-G. Herwart, Novæ, veræ et ad calculum astronomicum rerocatæ chronologiæ capita præcipua, in-4°, Munich, 1612, cap. CCXLI, p. 188-201. Bibliothèque Nationale, G. 930.

[86] Tholuck, Essai sur la crédibilité de l’histoire évangélique, trad. H. de Valroger, in-8°, Paris, 1817, p. 194.

[87] (R. Garrucci), Nuovi studii cronologici, dans la Civiltà cattolica, janvier 1881, p. 222-223 ; L’iscrizione di Q. Emilio Secondo, ibid., mars 1881, p. 726.

[88] J. Ph. d’Orville, Chariton, De Chærea et Callirhoe, in-8°, édit. de Leipzig, 1783, p. 478, note 6 de la p. 114 ; Fr. Viger, De præcipuis græcæ dictionis idiotismis, édit. Hermann, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1843, p. 67 ; J. Frd. Schleusner, Thesaurus philologico-criticus veteris Testamenti, Leipzig, 1820, t. IV, p. 518, il y a plusieurs exemples incontestables de cet emploi de πρώτος, dans le Nouveau Testament : Joa., I, 30 :  ότι πρώτός μου ήν ; et XV, 18 : ότι έμέ πρώτον ύμών μεμισκησε ; Heb., VIII, 7 : έι γάρ ή (λειτουργία) πρώτη έκείνη ήν άμεμπος. La Vulgate a traduit, Joa., I, 30 : Quia prior me erat ; Joa., XVI, 18 : (Si mundus vos odit), scitote quia me priorem vobis odio habuit ; Heb., VIII, 7 : Nam si illud (ministerium) prius culpa vacasset.

[89] Voir Henzen, Inscriptionum latinarum collectio, collectionis Orellaniæ supplementa, note sur le n° 623, t. III, p. 58.

[90] Voir (Carrucci), L’iscrizione di Q. Emilio Secondo, dans la Civiltà cattolica, 19 mars 1881, p. 715-716. Th. Mommsen, comme le P. Garrucci, admet aujourd’hui son authenticité : Res gestæ divi Augusti, 2e édit., p. 166 ; Titulus Venetus revendicatus, dans Ephemeris epigraphica, t. IV, 1880, p. 537-542. Nous avons reproduit l’inscription d’après l’Ephemeris epigraphica, p. 538. — Cette inscription a été publiée d’abord par Muratori, Novus Thesaurus veterum inscriptionum, t. II, in-fol., Milan, 1740, p. DCLXX, n° 1 ; elle a été longuement étudiée par Sanclemente, De vulgaris æræ emendatione, p. 426-434.

[91] D’après M. Mommsen, les derniers mots : Hoc Monumentum AMPLIVS Haeredent Non Sequitur, n’ont pas de sens dans cette inscription, mais ils reproduisent une formule ordinaire et ont été mis par habitude.

[92] Voir G. Henzen, Inscriptionum, latinarum collectio, supplementa, t. III, in-8°, Zurich, 1856, p. 58-59 et 196.

[93] H. Sanclemente, De vulgaris æræ emendatione, p. 414, 426. Il dit, p. 416 : Beavit me ultimus versus ex quo mirifice confirmatur lectio textus Divi Lucæ de duplici descriptione ab eodem Quirino in Judæa-peracta.

[94] Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, in-8°, Berlin, 1865, p. 111, 126 ; 2e édit., p. 161-178.

[95] Les lettres capitales sont celles qui restent encore de l’inscription ; les lignes et les lettres en italiques sont suppléées d’après Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti ex monumentis Ancyrano et Apollinensi, in-8°, Berlin, 1865, p. 126 ; 2e éd., p. 177 ; et d’après le Corpus inscriptionum latinarum, t. XIV, 1837, n° 3613, p. 597.

[96] Iterum ne peut avoir d’autre sens ; il signifie toujours dans les inscriptions : pour la seconde fois.

[97] Tous les savants qui se sont occupés de la question sont en désaccord entre eux sur un grand nombre de points, quelques-uns assez graves. Bien mieux, M. Th. Mommsen, dans la seconde édition de ses Res gestæ divi Augusti, change en partie ce qu’il avait soutenu dans la première et est dans l’impossibilité de résoudre plusieurs questions importantes.

[98] On n’a aucune preuve directe que Saturninus ait succédé immédiatement à Titius.

[99] Pour la justification de cette liste, voir Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 1ère édit., p. 113-116 ; 2e édit., p. 163-166, H. Gerlach, Die römischen Statthalter in Syrien und Judäa, in-8°, Berlin, 1865, p. 91 ; W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 27-71 ; E. Schürer, Lehrbuch der neutestamentlichen Zeitgeschichte, in-8°, Leipzig, 1874, p. 157-165 ; Kellner, Die römischen Statthalter von Syrien und Judäa zur Zeit Christi, dans la Zeitschrift für katholische Theologie, Heft III, 1888, p. 468-480 ; W. Liebenam, Forschungen zur Verwaltungsgeschichte der römischen Kaisserreichs, in-8°, Leipzig, 1888, t. I, p. 359-369 ; R. Cagnat et G. Goyau, Chronologie de l’empire romain, in-16, Paris, 1891, p. 35-39.

[100] M. Agrippa, gendre d’Auguste, avait eu pouvoir sur tout l’Orient, de 731 à 741 (23-13 avant J.-C.), avant Titius, mais il était plus que légat, il était præfectus Orientis. Auguste lui-même séjourna en Orient, de 733 à 735 de Rome, 21 à 19 avant J.-C.

[101] Josèphe, Ant. Jud., XVI, IX, 1 ; X, 8 ; XI, 3 ; XVII, I, 1 ; II, 1 ; III, 2 ; W. Zumpt, Commentationes epigraphicæ, t. II, p. 84.

[102] Parent de l’empereur par sa femme Claudia Pulchra, riche, paresseux, débauché (Velleius Paterculus, 2, 117 et suiv. ; Dion Cassius, 56, 18 et suiv.), proconsul d’Afrique, 747-748 ; L. Müller, Numismatique de l’ancienne Afrique, Copenhague, 1860, II, 44 et suiv.

[103] Josèphe, Ant. jud., XVII, V, 2. Sa légation est établie par les médailles de 748 à 750 ; pour les premiers mois qui suivirent la mort d’Hérode, par Josèphe, Ant. jud., XVII, IX, 5 ; X, 1 ;Tacite, Hist., V, 9.

[104] Nous ne possédons qu’une seule histoire du gouvernement d’Auguste, c’est celle de Dion Cassius. Mais de cette histoire, il ne s’est conservé que des fragments incomplets pour une période de dix ans, de l’an 6 avant J.-C. à l’an 4 après J.-C. M. Zumpt signale aussi une lacune analogue dans l’historien Josèphe. W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 25-27. Josèphe ne parle pas de Volusius Saturninus, dont la légation est constatée par les médailles. Eckhel, Doctrina numorum veterum, in-4°, t. III, Vienne, 1794, p. 275.

[105] M. Kellner, Die römischen Statthalter von Syrien und Judäa zur Zeit Christi, dans la Zeitschrift für katholische Theologie, Heft III, 1888, p. 473, nie à tort cette lacune et fait gouverner Varus de 748 à 753 de Rome (an 6 à 1 avant J.-C.). Il n’apporte du reste aucune preuve en faveur de son opinion. Varus dut cesser d’être légat de Syrie au retour d’Archélaüs en Judée, avant la fin de 750. Voir Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 28.

[106] De 765 à 757. H. Kellner, dans la Zeitschrift für katholische Theologie, 1888, p. 474.

[107] C’est l’opinion très vraisemblable de M. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 1ère édit., p. 415 ; cf. 2e édit., p. 174 ; de M. Kellner, loc. cit., p. 475. M. Zumpt est d’un autre avis, Das Geburtsjahr Christi, p. 32, 71. La solution de ce différend n’a d’ailleurs aucune importance réelle dans la question qui nous occupe.

[108] Les monnaies de Volusius Saturninus sont datées de l’an 35 de l’ère de cette ville. L’an 35 commença à l’automne de l’an 4 après J.-C. Voir Eckhel, Doctrina numorum veterum, t. III, p. 275.

[109] Varus périt en Germanie en 762 de Rome, l’an 9 de notre ère, dans la célèbre défaite que subirent les Romains en ce pays. Une statue de Varus, qui lui avait été élevée par la ville de Pergame, est maintenant au Musée de Berlin. Th. Mommsen, Römische Geschichte, t. V, 1885, p. 40.

[110] Sur Agrippa, père de C. César, voir note 16.

[111] Tacite, Ann., III, 48.

[112] Strabon, XII, 6, 5.

[113] Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 2e édit., p. 169.

[114] Th. Mommsen, Res gestæ divi Augusti, 2e édit., p. 170-171.

[115] G.-B. de Rossi, Bulletino di Archeolagia cristiana, 1877, p. 6-7.

[116] Dessau, Corpus inscriptionum latinarum, t. XIV, p. 397 ; W. Liebenam, Forschungen zur Verwaltungsgeschichte, p. 365, 367. Borghesi avait défendu l’opinion de Sanclemente dans ses lettres à M. Henzen, Œuvres, t. VIII, p. 126, 493. Voir Sanclemente, De vulgaris æræ emendatione, p. 414-416 ; Orelli-Henzen, Inscriptiones selectæ, t. III, n° 5366 ; Aberle, dans la Theologische Quartalschrift, 1865, p. 125-148 ; Cavedoni, dans les Opuscoli di Modena, novembre 1865, p. 353, 354 ; Fr. Sav. Patrizi, Della descrizione universale mentovata da san Luca e dell’ anno in che venne eseguita nella Giudea, in-8°, Rome, 1876. — A. W. Zumpt, quoiqu’il attribue à Sentius Saturninus le monument de Tivoli, admet néanmoins une double légation de Quirinius en Syrie. Il pense qu’il fit sa campagne contre les Homonades en qualité de légat de Syrie, De Syria Romanorum provincia, dans ses Commentationes epigraphicæ ad antiquitates romanas pertinentes, 2 in-4°, Berlin, 1850-1854, t. II, p. 88-98 ; Das Geburtsjahr Christi, p. 44. — E. Schürer l’admet aussi, en se fondant sur des raisons diverses, Handbuch der neutestamentlichen Zeitgeschichte, in-8°, Leipzig, p. 161-163.

[117] H. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, 2e édit., p. 387 ; A. W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, in-8°, Leipzig, 1869, p. 303.

[118] Voir J. Brockmann, System der Chronologie, in-8°, Stuttgart, 1883, p. 101-104 ; V. Many, Quand a commencé l’ère chrétienne, in-8°, Montréal, 1888, p. 565 (dans le Canada français).

[119] L. Ideler, Handbuch der Chronologie, 1883, t. I, p. 390-393 ; J. Brockmann, System der Chronologie, p. 99-100 ; Manuel biblique, 9e édit., t. II, n. 583, p. 257.

[120] J. Eckhel, Doctrina numorum veterum, Vienne, 1794, t. III, p. 275. Voir à ce sujet Aberle, Ueber den Statthalter Quirinius, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1865, p. 126 ; Borghesi, Œuvres, t. I, p. 310 ; H. Waddington, Mélanges de numismatique, 2 in-8°, Paris, 1861-1867, t. II, p. 153-155.

[121] Josèphe, Ant. jud., XVII, V, 1 ; IX, 3 ; X, 1, 9 ; XI, 1.

[122] Le Dr Aberle a cru trouver une preuve que Quirinius ne prit pas immédiatement possession de son gouvernement et que Varus continua à administrer la province de Syrie jusqu à l’arrivée de son successeur, dans le fait que Sabinus tint tête à Varus, au lieu de se soumettre à lui, ce qu’il explique en considérant Sabinus comme procurateur de Quirinius. Aberle, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 4865, p. 132-135 ; cf. E. Desjardins, dans la Revue des questions historiques, 1867, t. II, p. 45-48.

[123] Tertullien attribue formellement le cens à Sentius Saturninus : Sed et census constat solos sub Augusto nunc in Judæa per Sentium Saturninum, apud quos genus ejus inquirere potuissent. Adv. Marcionem, IV, 19, t. II, col. 405. Tertullien ne nous donne pas le prénom de Sentius Saturninus et il serait la rigueur possible que celui dont il parle ne fut pas le légat de Syrie. Il ne lui donne pas ce titre. Nous savons que le légat de ce nom avait trois de ses fils en Syrie (Josèphe, Ant. jud., XVI, XI, 3) et aussi un de ses frères (ibid., XVIII, I, 1). Celui dont parle Tertullien pouvait être simplement employé au recensement. Kellner, loc. cit., p. 472.

[124] Nous avons remarqué que le texte grec de saint Luc ne dit pas que le recensement avait été fait par Quirinius, mais pendant la légation de Quirinius, ήγεμονεύοντος τής Συρίας Κυρηνίου, Luc, II, 2, ce qui peut s’entendre de l’achèvement du recensement. V. W. Zumpt, Das Geburtsjahr Christi, p. 207-224 ; C. Fouard, La vie de Jésus-Christ, 2e édit., 1882, t. I, p. 56 ; P. Schanz, Commentar über das Evangelium des heiligen Lucas, in-8°, Tubingue, 1883, p. 121.

[125] Aberle, Ueber den Statthalter Quirinius, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1865, p. 147-148.