CHARLEMAGNE

 

CHAPITRE IX. — ATTAQUE DE LA SECONDE LIGNE DES BARBARES : LES SLAVES - NOUVELLE INVASION DES SARRASINS EN AQUITAINE - L’ADOPTIANISME ET LE CONCILE NATIONAL DE FRANCFORT.

788-794

 

 

ENTRE les Slaves de l’Adriatique, ses nouveaux sujets, et ceux de la Baltique, que la dernière période de la guerre saxonne avait déjà mis en rapport avec Charlemagne, derrière la Bavière devenue province franke, s’ouvraient les plaines de la Pannonie, repaire des Huns-Avares. Pas plus de ce côté que dans la Calabre, la condamnation de Tassilon n’avait fait avorter complètement son plan d’agression générale contre l’empire frank. Aussi, pendant que les Impériaux attaquaient le duché de Bénévent, les autres alliés du prince agilulfing, les Avares, lançaient à la fois deux armées d’invasion, l’une sur le Frioul et l’autre sur la Bavière. Mais l’élan de la première se brisa contre les troupes du roi Pépin, et l’autre fut également arrêtée et défaite par deux lieutenants de Charles, les comtes Grahamn et Odoacre, en un lieu que les historiens romans appellent campus Hibosœ[1]. Quelques semaines après, nouvelle invasion des Marches bavaroises par des bandes de barbares plus nombreuses et plus acharnées. Elles furent encore taillées en pièces, et une grande partie des fuyards, en voulant traverser le Danube à la nage, y trouvèrent la mort. L’honneur de cette journée resta aux leudes baïvares. Le prestige qui entourait encore le nom des Huns, autrefois si terrible, se dissipe ainsi au premier choc de ces barbares, non pas même contre les Franks, mais contre le peuple germain qui servait d’avant-garde aux Franks du côté de l’Orient[2]. Charles, qui, des bords du Rhin, avait dirigé par la pensée la triple expédition de cette année, termina la campagne par un voyage à Regensburg (Ratisbonne), dans le dessein d’organiser à la manière franke les différents districts du duché. Mais l’hiver le ramena à Aix pour la solennité de Noël, avant qu’il eût achevé les travaux nécessaires à la protection de sa frontière orientale contre les incursions hunniques, et il n’eut pas le loisir, au printemps, d’y mettre la dernière main. D’autres intérêts l’appelèrent vers l’Elbe.

Les tribus slaves échelonnées au nord de ce fleuve, et que les Franks avaient jusque-là désignées indistinctement sous le nom générique de Vendes, formaient plusieurs confédérations, dont les deux principales étaient, à l’est, les Tchèkes (Bohême et Moravie), et, au nord-ouest, les Vélétabes, que nos chroniqueurs appellent Wiltzes, situés entre l’Elbe et l’Oder inférieur (Poméranie et Mecklembourg). Ces derniers, peuplades remuantes et envahissantes, ne cessaient de harceler les tribus plus faibles qui les confinaient. Après avoir rejeté les Sorabes ou Serbes entre l’Elbe et la Saal, ils s’étaient mis à refouler leurs voisins du Couchant, les Obotrites, cantonnés vers le Schwerin.

Dès que Charlemagne, maître de la Saxe entière, était parvenu dans le Bardengau, les Obotrites s’étaient placés sous son protectorat. Mais cet appel à l’intervention étrangère les avait exposés depuis à des vexations encore plus fréquentes et plus dures de la part des Vélétabes. Telle fut la circonstance qui engagea le roi frank dans de nouvelles conquêtes, qu’il n’avait ni prévues ni sans doute souhaitées, au delà de sa sphère naturelle d’influence. Les remontrances qu’il adressa aux Vélétabes en faveur de ses vassaux ayant été dédaignées, il se vit obligé de les appuyer par les armes. Il partit donc au mois de mai d’Aix-la-Chapelle, franchit le Rhin près de Cologne et traversa la Saxe, recrutant sur sa route des contingents de Frisons, d’Obotrites et de Serbes, et jeta sur l’Elbe deux ponts garnis de tours en charpente pour le passage des troupes. La nation des Vélétabes, toute belliqueuse qu’elle était, ne put soutenir longtemps l’impétuosité de l’armée royale ; et, quand on approcha de leur cité de Dragowit, Wiltzan, à qui l’illustration de sa race et l’autorité de son grand âge donnaient la prééminence sur tous les autres chefs de tribus, se rendit auprès du roi avec les siens, livra les otages qui lui furent demandés, et lui et tous les autres princes des Slaves jurèrent fidélité au roi et aux Franks[3].

Cette expédition, dont le résultat le plus avantageux fut de montrer aux divers cantons de la Saxe leur dominateur entouré de son redoutable appareil militaire, fut suivie d’une année entière de repos. Il y avait bien longtemps que les leudes franks ne s’étaient vus libres, après le Champ de mai, de rentrer sitôt dans leurs domaines, et les chroniqueurs signalent comme un événement extraordinaire cette paix de dix-huit mois consécutifs. Mais ce répit insolite, Charlemagne l’employa à préparer le coup décisif qu’il voulait porter à la puissance des Avares. Au courant de l’été 790, des ambassadeurs de cette nation vinrent le trouver à Worms, dans le but de régler à l’amiable les contestations de frontières qui avaient servi de prétexte aux conflits de l’année précédente. La conférence ne fit que mettre en présence les aspirations inconciliables de deux races rivales. Il ne pouvait d’ailleurs exister d’entente durable entre les peuples d’origine germanique ou romane et les Tartares de la Pannonie, qui étaient, pour toute l’Europe chrétienne, un objet d’horreur et de dégoût. C’était une guerre sainte, une guerre d’extermination, que le monde latin demandait contre ces descendants des hordes d’Attila.

La concentration des troupes à Regensburg occupa tout le printemps et une grande partie de l’été 791 ; la grande armée franco-teutonique ne put se mettre en marche qu’à la fin d’août. Elle était divisée en deux corps. Les Austrasiens, avec tous les contingents de Germanie, Saxons, Frisons et Thuringiens, placés sous les ordres du comte Théoderic, le vaincu de Sunthal, et du chambellan Magenfrid, côtoyèrent la rive septentrionale du Danube. Le roi Charles conduisait en personne, le long de la rive droite, les bataillons de la Gaule franke, pendant que les immenses approvisionnements des deux corps descendaient le cours du fleuve sur un convoi de bateaux, dont les Baïvares formaient l’escorte. En arrivant au confluent du Danube et de l’Ens, le roi ordonna une halte de trois jours, qui furent employés en jeûnes, en processions et en prières publiques, afin d’attirer les bénédictions du Ciel sur les guerriers chrétiens ; puis, franchissant l’Ens, il entra sur le territoire ennemi[4].

Les agressions et les pourparlers dont la démarcation de leur frontière avait été successivement le prétexte de la part des Huns, n’avaient pu évidemment avoir aucun fondement plausible. La nature elle-même avait tracé leur frontière. Séparés de la Bavière, au sud, par l’Ens, ils Pétaient également de la Bohème par un autre affluent du Danube, le Camb. C’est sur ce point qu’ils avaient élevé leurs travaux de défense contre l’invasion franke. La rive orientale du Camb et le sommet du Cumeoberg, emplacement de l’ancienne ville romaine de Commagène, étaient protégés par de profonds retranchements et par deux forts que reliait une ligne d’ouvrages en terre et en palissades.

Les positions paraissaient devoir arrêter quelque temps au moins la marche des soldats de Charlemagne. Mais, dès la première attaque, les Huns lâchèrent pied devant l’intrépidité des assaillants. Leurs escadrons en fuite ne se rallièrent plus. Les Franks, trouvant de tous les côtés le pays ouvert, s’y répandirent et le ravagèrent à loisir par le fer et par le feu. Toute la contrée située entre l’Ens, le Danube et le Raab fut ainsi livrée au pillage durant cinquante-deux jours, sans combat, sans ombre de résistance. Les vainqueurs stupéfaits ne rencontraient devant eux qu’un désert. Ce n’était pas cependant, comme ils le supposaient et comme l’ont cru les historiens contemporains, une vaine et inexplicable panique qui avait dispersé et, en quelque sorte, fondu la puissante cavalerie des Avares. Un péril imprévu, une diversion des Franco-Italiens, l’avait précipitamment rappelée au cœur du pays, pour la défense du grand quartier général de cette nation militaire, le Ring.

Entre le Danube et la Theiss s’élevait le Ring[5], cité centrale et unique de la Pannonie, espèce de camp retranché qui couvrait toute une province. Il avait douze à quinze lieues de tour. Neuf enceintes concentriques, formidablement fortifiées, enveloppaient dans autant de cercles le prodigieux entassement de villages qui servaient de repaire au peuple entier des Avares. Ces enceintes, que les Germains appelaient dans leur langue des haies (hagen), étaient formées de troncs d’arbres et de blocs de pierre, sur vingt pieds de hauteur et autant de base, et couronnées d’épaisses broussailles. Les intervalles étaient occupés par des plantations et des cultures : les groupes d’habitations s’y pressaient à portée de la voix. Les appels de la trompette, répétés de hameau en hameau, faisaient ainsi, avec une merveilleuse rapidité, le tour de cette ruche humaine. D’étroites brèches, faciles à défendre, mettaient les différents cercles en communication entre eux et avec les vastes pâturages déserts qui environnaient le Ring. Jamais armée ennemie n’avait pu y pénétrer. Au centre des neuf cercles, se trouvait le palais du chakan ou chef suprême, immense kiosque de bois où depuis des siècles s’étaient accumulées les dépouilles du monde civilisé : meubles, vases et ornements précieux des palais et des églises, rapportés de ses courses aventureuses à travers toutes les provinces de l’ancien empire par le peuple le plus ravageur qui fut jamais.

Accourant, à la tête des Italiens et des Slaves méridionaux, par la Carinthie et la Styrie, le roi Pépin avait donné l’assaut au Ring, au moment où son père forçait le passage du Camb. La haie extérieure, attaquée à l’improviste et dégarnie de défenseurs, céda. Les troupes royales se répandirent dans la première enceinte, et durant toute une nuit en saccagèrent les villages ; mais ils ne purent pénétrer plus avant, et le rapide retour du corps qui avait été détaché à la frontière occidentale les obligea à battre en retraite.

L’armée franco-germanique elle-même ne poussa pas au delà du Raab. Sans avoir livré une seule bataille, Charlemagne dut remmener en Bavière ses scares presque entièrement démontées. Une épidémie avait, fait périr les neuf dixièmes des chevaux au milieu des plaines marécageuses, défoncées par les pluies d’automne. L’armée d’invasion s’en allait donc épuisée, et réellement vaincue par sa propre victoire. Maître pendant deux mois d’un territoire vaste, mais inculte et sans habitants et qu’il lui était impossible d’occuper d’une manière permanente, le roi, en repassant l’Ens, ne remporta rien de cette expédition, en apparence triomphante : ou plutôt le résultat devait être un grand trouble national et presque l’équivalent d’un désastre[6].

II

Outre la satisfaction des vieilles haines chrétiennes contre les Huns, les leudes franks, au début, avaient espéré de la guerre de Pannonie des avantages plus positifs et plus attrayants. Ils se voyaient déjà en possession des immenses trésors accumulés dans le Ring, et indemnisés enfin des rudes travaux qu’ils soutenaient depuis tant d’années, sans profit personnel, pour des intérêts supérieurs d’ordre politique et de progrès social, inaperçus de la généralité de ces obscurs artisans de la civilisation. L’insuccès relatif de l’expédition et l’absence du butin leur causèrent un découragement et une irritation qui portèrent quelques-uns aux desseins les plus criminels.

Pendant que le roi hivernait à Regensburg, attendant la belle saison pour reprendre les hostilités au delà de l’Ens, les mécontents organisèrent une conspiration contre lui. Bien autrement terrible que le complot formé par les chefs thuringiens en 785, celui-ci non seulement avait ses adhérents dans le palais même de Charlemagne, mais encore se tramait avec le concours de son propre fils. Le prétexte d’ailleurs était toujours le même : c’était l’empire tyrannique exercé par Fastrade sur l’esprit de son époux, et dont l’influence se faisait durement sentir, depuis quelques années, dans les relations du maître avec ses fidèles. En tuant le roi, les conjurés prétendaient le punir de ses complaisances à exécuter les caprices de cette femme altière, vindicative et cruelle. Le choix de son successeur était également une vengeance contre Fastrade.

On a déjà parlé de cet enfant que Charlemagne, avant de monter sur le trône, avait eu d’Himiltrude et qui portait le nom de Pépin. Nul, dans la famille royale, n’avait plus à souffrir que lui des dédains et des persécutions domestiques de sa nouvelle belle-mère, sans qu’il pût d’ailleurs compter, pour le protéger, sur l’affection paternelle. Charles, lui aussi, le traitait comme un étranger et montrait Clairement le dessein de le déshériter. Le pauvre opprimé, exclu de tous les honneurs, avait vu ses deux jeunes frères investis, au sortir du berceau, des vice-royautés d’Aquitaine et d’Italie, et on l’avait même dépouillé, au profit de l’un d’eux, de son glorieux nom de Pépin, seul témoignage de sa filiation illustre. Sous le titre plus modeste en apparence de duc du Mans, son cadet, Charles, était déjà associé de fait au gouvernement de l’empire frank, dont la survivance lui était destinée. Il ne restait rien pour l’aîné. Loin que cette situation à part soit une preuve concluante de la naissance illégitime que certains historiens attribuent à Pépin, elle s’explique aisément en dehors d’une semblable hypothèse. La vraie marâtre du jeune prince, l’auteur de toutes ses disgrâces, c’était la nature, qui, par un amer contraste, en le douant d’un visage gracieux et sympathique, lui avait donné un tempérament débile et un corps difforme. Il était bossu. Incapable, par conséquent, de remplir les devoirs militaires, qui étaient la fonction princière par excellence, son incapacité le frappait de plein droit de déchéance. Là-dessus, la rigueur des lois et des mœurs frankes était absolue[7], et Charlemagne, tout puissant qu’il était, n’aurait pu faire accepter par ses leudes l’autorité d’un chef contrefait et impotent.

Mais Pépin, à qui la méchante humeur de Fastrade n’épargnait aucun affront, supportait d’autant plus impatiemment sa destinée. Il brûlait ou de surmonter le préjugé national ou tout au moins de s’en venger. Chétive créature, au demeurant, cerveau si faible, cœur si perverti par les souffrances physiques et morales, que les intrigants qui se servaient de son nom pour couvrir les visées de leur propre ambition l’avaient fait descendre jusqu’à l’idée du parricide.

Le lieu où les conjurés tenaient leurs conciliabules était l’église Saint-Pierre, à Regensburg. Un soir, un pauvre diacre d’origine langobarde, nommé Fardulf, attardé dans cette église, peut-être par les devoirs de sa charge, s’y était laissé surprendre par le sommeil. Au milieu de la nuit, un bruit de voix l’éveille en sursaut. Il aperçoit, à la lueur des flambeaux sacrés, un groupe d’hommes dont l’attitude et les propos sinistres le font frémir d’épouvante : il les entend jurer sur les autels l’accomplissement de leur forfait. Le malheureux, par le soin même qu’il prend de dissimuler sa présence, attire l’attention de son côté. On le découvre, on le saisit. Initié malgré lui aux projets des assassins, il faut qu’il devienne leur complice afin de n’être pas leur première victime.

Le poignard sous la gorge, il prononce à son tour le serment de ne jamais révéler le secret que le hasard vient de lui faire découvrir. Mais, à peine libre, en dépit de son serment extorqué par la violence, il court au palais, et, sept fois obligé de parlementer avec les huissiers, il parvient enfin à la porte de l’appartement royal, où il frappe violemment. Les femmes de service dans la chambre de Fastrade accourent au bruit, et, se trouvant en présence d’un homme au visage bouleversé et hagard, vêtu seulement d’un caleçon et d’une chemise de toile, elles le prennent pour un fou, et lui ferment la porte en éclatant de rire. Mais Charles, éveillé de son côté, les appelle et leur demande l’explication de leur rire et du vacarme qu’il vient d’entendre.

C’est, lui répondent-elles, un misérable solliciteur sans barbe, probablement quelque marchand, qui prétendait avoir besoin de vous parler sur-le-champ. Le roi, frappé de l’étrangeté de cette démarche à une pareille heure, fit introduire le clerc, qui, se jetant à genoux, lui raconta en détail la scène de l’église. Fardulf obtint en récompense l’abbaye de Saint-Denis. Dans la matinée, chacun des conjurés était arrêté dans son domicile. Ils furent tous décapités, pendus ou exilés. Quant à Pépin, on se contenta de le tondre et de le reléguer dans un monastère[8], après l’avoir fait battre de verges. Ainsi fut retranché de sa famille et du monde, à la fleur de l’âge, à vingt-cinq ans environ, ce pauvre infirme, à qui des conseillers pervers avaient fait concevoir le dessein, aussi fou que coupable, de détrôner et de remplacer Charlemagne.

Les trahisons, les défections, les révoltes éclataient de toutes parts à la fois, au cœur et aux extrémités de ce trop vaste empire. Si les leudes franks trouvaient si lourde la domination de leur chef glorieux, qu’ils voulaient s’en débarrasser par un assassinat, la fatigue et la colère étaient bien plus grandes encore chez les étrangers incorporés malgré eux à la monarchie et qui en supportaient, autant au moins que les nationaux, les charges militaires. Aussi les deux peuples vassaux qui avaient le plus utilement concouru à l’expédition de Pannonie et qui en avaient le plus souffert, les Saxons et les Langobards, répondirent par une insurrection à l’hériban publié de nouveau, au printemps de 792, contre les Avares. Le comte Théoderic, ramenant en Bavière les contingents qu’il était allé lever dans la France septentrionale et en Frise, rencontra au bord du Weser, à Rustrengen, une troupe considérable de Saxons rassemblés sous prétexte de se joindre au corps expéditionnaire. Mais ce n’était qu’un guet-apens. S’étant laissé sans défiance envelopper par les nouveaux venus, les soldats de Théoderic furent traîtreusement attaqués et périrent presque tous, ainsi que leur vaillant capitaine, dans une lutte inégale (6 juillet 792).

Telles étaient les difficultés qui accablaient alors son gouvernement, que Charlemagne se trouva hors d’état de tirer une vengeance immédiate de cet odieux massacre. Il dut ajourner même la guerre de Pannonie et employer toutes ses forces disponibles à comprimer la rébellion de Bénévent.

Le sang d’Arigis et de Desiderius vivait quand même dans leur descendant Grimoald, e, en dépit des preuves de fidélité qu’il avait données à son suzerain carolingien lors de son installation dans le duché paternel, il s’était rapidement laissé ramener à la politique traditionnelle de sa famille. L’attitude de roideur défiante et presque hostile, qu’on lui a vu prendre dès le début vis-à-vis du saint-siège, l’amena naturellement à s’appuyer sur le parti national langobard, et, de ce côté-là, la pente était fatale vers l’alliance byzantine. Il ne semble pas s’en être défendu, et ses conseillers, afin de l’y engager d’une façon définitive, lui firent épouser une princesse impériale, nommée Vantia ou Irriantia, qui était très probablement une petite-fille de Copronyme, et par conséquent la cousine de l’empereur régnant[9].

Le rôle prépondérant qu’ils eurent dans la guerre de 792 par l’enlèvement de la première enceinte du Ring, rendit aux Langobards la consciente de leur force. Ils se crurent en mesure de reconquérir leur indépendance, et l’année d’après, Grimoald, qui avait déjà effacé le nom du roi frank sur ses monnaies, leva l’étendard de la révolte. Le mouvement fut assez grave pour que Charlemagne renvoyât immédiatement en Aquitaine son fils Louis, qui était alors près de lui à Regensburg, avec ordre de conduire toutes les milices méridionales au secours de son frère Pépin d’Italie. Malgré la longueur de ces préparatifs, qui recula jusqu’à l’arrière-saison l’ouverture des hostilités, Grimoald n’eut pas le temps ou les moyens d’organiser une défense efficace. Il ne paraît pas même y avoir eu de bataille. Le rebelle s’empressa de demander grâce, et sa seule punition fut la perte du territoire de Rieti[10], qui fut incorporé au duché de Spolète. Comme gage de sa soumission et sans doute aussi pour se venger d’avoir été abandonné dans ce péril par l’empire, il répudia sa jeune épouse grecque, qu’il avait d’abord passionnément aimée. Les chroniqueurs ne fournissent aucun renseignement stratégique sur cette campagne, où des forces très importantes furent engagées ; mais ils nous apprennent que les belligérants eurent à souffrir des privations horribles à cause de la famine qui désola l’Italie et la Gaule durant les premiers mois de l’année 793. Les vivres étaient si rares, qu’en plein carême, dit la Chronique de Moissac, on n’hésitait pas à manger de la viande quand on en trouvait. La faim fit mourir beaucoup de monde.

Au milieu de ce déchaînement des colères humaines et des rigueurs de la nature contre sa puissance, Charles avait toujours l’esprit occupé de projets grandioses. Durant les loisirs forcés que l’absence de ses armées lui donnait en Germanie, il entreprenait des travaux publics que son génie seul pouvait alors concevoir, mais que les ressources trop limitées de l’art de cette époque ne permettaient pas de réaliser. Il rêva de compléter la ceinture des communications navales autour de son vaste empire, en reliant la mer Noire à la mer du Nord par un canal ouvert entre le Danube et le Rhin.

Il fit commencer dans ce but une tranchée large de trois cents pieds (environ deux cent soixante-quinze pieds français ou un peu plus de quatre-vingt-dix mètres) et longue de deux milles, destinée à mêler les eaux de la rivière d’Altmühle, affluent du Danube, avec celles de la Rednitz, affluent du Mein. Mais les efforts des milliers d’ouvriers employés à ces terrassements demeurèrent sans résultat. La nature marécageuse du sol et les pluies abondantes de l’automne amenèrent des éboulements quotidiens auxquels nul artifice ne put remédier[11]. Le canal fut abandonné. Telle est la première tentative de l’œuvre que l’Allemagne moderne a vue s’accomplir sous le nom de canal de Louis.

III

L’Aquitaine, si malheureusement dégarnie de troupes pour la pacification de l’Italie, aurait eu elle-même, en ce temps-là, besoin de secours étrangers. Jamais, depuis Charles-Martel, de si grands périls n’avaient menacé la chrétienté du côté des Pyrénées. Le désastre non vengé de Roncevaux avait eu ce résultat funeste de placer en cette contrée la domination franke dans un état d’abaissement moral vis-à-vis des Vascons et des Sarrasins, ses vainqueurs d’un jour. L’organisation politique plus solide donnée à la Gaule méridionale, en 781, n’avait pas réussi à réformer cette situation fâcheuse. Déjà, six ans après, on voit le comte frank de Toulouse, Chorson, assailli par son collègue Adalaric, duc des Vascons et vassal lui aussi, du moins en titre, de la couronne d’Aquitaine. Soutenu par les valis arabes de la Marche d’Espagne, Adalaric non seulement érigea ses domaines en principauté indépendante, mais étendit même son autorité sur le territoire de Toulouse, c’est-à-dire sur tout le Languedoc actuel, et ne rendit la liberté à Chorson qu’après l’avoir contraint de se reconnaître son vassal et son tributaire.. Les ministres du jeune roi Louis, impuissants à faire rentrer le duc rebelle dans le devoir, en vinrent avec lui à des transactions de la plus dangereuse conséquence. Au lieu du châtiment mérité, il y eut des pourparlers de puissance à puissance, des négociations de paix, où le fier montagnard ne se rendit qu’après avoir obtenu des otages pour sûreté de sa personne (788). Le plaid d’Aquitaine, en tolérant une semblable attitude, avait consacré le démembrement du royaume d’outre-Loire. Charlemagne, indigné, s’empara de la connaissance de cette affaire. Il manda auprès de lui, à Worms, Louis et Chorson. Adalaric, cité également devant l’assemblée nationale convoquée en cette ville pour la session d’automne (789), dut rabattre de son arrogance et s’y rendit sans condition. Il plaida sa cause devant les rois, et fut condamné au bannissement perpétuel. Quant à Chorson, il fut destitué en punition de son incurie[12].

Charlemagne avait dans sa truste un Frank, aussi célèbre par ses exploits que par l’illustration de sa race, et qui paraît même avoir appartenu à la famille royale. C’était Wilhelm, fils de Théoderic et d’Aldana. Ce jeune comte palatin, que la poésie et la religion devaient glorifier à l’envi, honoré dans l’Église sous le nom de saint Guillaume de Gellone, héros de tout un cycle de notre épopée nationale, qui de son nom s’appelle la Geste de Guillaume-au-court-nez[13], reçut le gouvernement de Toulouse et fut chargé d’y rendre à l’autorité carolingienne sa vigueur et son prestige. Il ne faillit pas à cette tâche. Il trouva, dit le chroniqueur, la nation vasconne, qui de sa nature est turbulente, soulevée encore par les derniers événements et fort exaspérée du châtiment d’Adalaric. Mais, tant par l’adresse que par la force, il l’eut bientôt domptée et il sut la maintenir en paix[14].

Il n’était pas trop tôt qu’un homme droit et énergique vînt apporter son concours à ce faible gouvernement aquitain. Les premiers comtes avaient singulièrement abusé de leur situation au détriment de l’autorité centrale, et le biographe de Louis raconte à ce sujet une anecdote caractéristique qui se place vers cette époque. Charles demandait un jour à son fils comment il se faisait qu’étant roi il ne donnât rien, pas même sa bénédiction, sans en être sollicité. Celui-ci lui apprit alors que tous les grands de son entourage, sacrifiant le bien public à leur intérêt privé, s’étaient approprié les domaines du fisc ; de sorte que lui, seigneur nominal de toutes choses, était à peu près réduit à l’indigence[15]. Les commissaires spéciaux de Charles eurent la plus grande peine à réformer ces abus, tant la féodalité était déjà prête à exploiter toutes les faiblesses du pouvoir souverain.

Mais un péril plus grave encore, et surtout plus imminent que celui qui résultait de ces germes de dissolution politique, réclama bientôt tout le dévouement du nouveau comte de Toulouse : ce fut l’invasion musulmane.

Le jeune Louis, rappelé de nouveau à la cour paternelle en 791, pour y ceindre l’épée (il était alors dans sa quatorzième année), resta durant quatre ans, sauf le temps de la campagne de Bénévent, dans la France du Nord et dans la Germanie. Le moment était venu de lui faire faire d’une manière sérieuse son apprentissage d’homme de guerre et de roi, et Charlemagne veillait avec le plus grand soin à ce que son fils n’eût sous les yeux que de bons exemples et ne fût pas corrompu par des mœurs étrangères[16].

A cette même époque, l’empire arabe d’Espagne, longtemps déchiré par les dissensions civiles, retrouvait l’union sous la main de l’émir Hescham, fils et successeur de l’Ommiade Abd-el-Raman. Comme dérivatif aux ardeurs belliqueuses qui fermentaient partout au sein de son peuple, le nouvel émir, dès 791, proclama l’algihad ou guerre sainte contre les chrétiens, et, par son ordre, la voix des imans fit retentir dans toutes les mosquées cet appel fanatique aux farouches sectateurs du Coran :

Louanges à Dieu, qui a relevé la gloire de l’islamisme par l’épée des champions de la foi, et qui, dans son livre sacré, a promis aux fidèles, de la manière la plus expresse, son secours et une victoire brillante. Cet Être à jamais adorable s’est ainsi exprimé : Ô vous qui croyez, si vous prêtez assistance à Dieu, Dieu vous secourra et affermira vos pas. Consacrez donc au Seigneur vos bonnes actions ; lui seul peut, par son aide, rallier vos drapeaux. Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, il est unique et n’a pas de compagnon ; Mahomet est son apôtre, et son apôtre est son ami chéri. Ô hommes ! Dieu a bien voulu vous mettre sous la conduite du plus noble de ses prophètes, et il vous a gratifiés du don de la foi. Il vous réserve clans la vie future une félicité que jamais oreille n’a entendue, que jamais cœur n’a sentie. Montrez-vous dignes de ce bienfait ; c’était la plus grande marque de bonté que Dieu pût vous donner. Défendez la cause de votre immortelle religion et soyez fidèles à la droite voie ; Dieu vous le commande dans le livre qu’il vous a envoyé pour vous servir de guide. L’Être suprême n’a-t-il pas dit : Ô vous qui croyez, combattez les peuples infidèles qui sont près de vous, et montrez-vous durs envers eux. Volez donc à la guerre sainte, et rendez-vous agréables au maître des créatures. Vous obtiendrez la victoire et la puissance ; car le Dieu très haut a dit : C’est une obligation pour nous de prêter secours aux fidèles[17].

En 792, la cavalerie arabe parut sur le versant septentrional des ports pyrénéens et fit des courses en Vasconie. Là se borna cette première démonstration. Mais, au printemps suivant, pendant que les milices aquitaines étaient encore occupées en Italie, cent mille Sarrasins se rassemblèrent sous le commandement du vizir Abd-el-Malek. Une partie de ces bandes se jeta sur les Asturies ; l’autre, destinée à l’invasion du Frandjat, reprit et saccagea, chemin faisant, les villes de la Marche d’Espagne restées fidèles à la suzeraineté franke, et bientôt déboucha dans les plaines de la Septimanie. Narbonne, exposée presque sans défense aux attaques de l’ennemi, vit ses faubourgs livrés aux flammes. Puis, sans s’arrêter davantage au siége de cette ville, Abdel-Malek entraîna vers Carcassonne ses escadrons dévastateurs.

Cependant le comte de Toulouse, réunissant toutes les garnisons disponibles, avait formé une petite troupe déterminée, à la tête de laquelle il vint se placer sur la route des colonnes musulmanes, près du confluent de l’Orbieu et de l’Aude. Les chrétiens se firent massacrer, hacher sur leurs positions, sans lâcher pied, soutenus par l’exemple héroïque du comte Wilhelm, qui taillait à grands coups d’épée dans les rangs des mécréants, dit la légende épique, comme le faucheur abat l’herbe des prés[18]. Quand, à bout de forces et réduits à une poignée d’hommes, les derniers champions de la cause chrétienne furent contraints d’opérer leur retraite, l’armée ennemie, malgré son immense supériorité numérique, n’osa les poursuivre. Épuisée elle-même par cette lutte formidable, elle ne continua pas la campagne, et bientôt on la vit rétrograder et disparaître dans les gorges des Pyrénées.

Telle fut cette mémorable bataille de Villedaigne, si célèbre dans l’épopée sous le nom d’Aliscamp, et qui n’a pas pris dans les récits de nos historiens romans l’importance capitale qu’elle mérite. Au temps de Charlemagne, la renommée du monarque éclipsa toutes les autres, et les entreprises où il prit part de sa personne sont les seules qui aient fixé l’attention des chroniqueurs. Mais là encore la poésie populaire complète l’histoire officielle et donne la mesure de ses omissions. Quand on examine cet événement à la lumière des textes arabes, pleins de détails effrayants sur la force et sur l’enthousiasme fanatique des envahisseurs, on doute s’il ne faut pas considérer la bataille de Villedaigne comme le principal fait d’armes du règne de Charlemagne. Ce fut encore une défaite, comme Roncevaux, mais qui arrêta un second débordement de l’islamisme dans la chrétienté, et dont les résultats furent aussi féconds et aussi glorieux que ceux de la victoire de Charles-Martel à Poitiers.

Si les soldats d’Abd-el-Malek ne firent pas de conquête, ils emportèrent, des provinces qu’ils avaient traversées, un butin immense, que leurs récits nationaux estiment à plus de trente millions de francs de notre monnaie. Peut-être cet énorme profit de l’expédition leur en fit-il oublier le but de propagande musulmane. La part des dépouilles attribuée à l’émir fut du cinquième de la masse totale, représentant une somme de quarante-cinq mille mitcals d’or, ou six millions cinq cent mille francs ! Hescham consacra cette somme tout entière à terminer la grande mosquée commencée par son père à Cordoue, et qui sert aujourd’hui de cathédrale à cette ville. On raconte que, par une fantaisie mystique et barbare, l’émir, voulant que le monument élevé en l’honneur de Mahomet avec l’argent des chrétiens le fût aussi sur leur sol, aurait fait charger des sacs pleins de la terre du champ de bataille de Villedaigne sur le dos des nombreux captifs aquitains, traînés à la suite de l’armée victorieuse, afin d’y asseoir les fondations de la mosquée[19].

IV

Sur le versant méridional des Pyrénées, dans la Marche d’Espagne restée soumise, malgré ce désastre, au royaume frank, se trouvait la ville d’Urgel, siége d’un évêché suffragant de la métropole de Narbonne. C’est là qu’avait pris naissance, vers l’an 780, l’hérésie appelée adoptianisme. L’évêque d’Urgel, Félix, interrogé par Élipand, son ancien disciple, devenu métropolitain de Tolède, sur ce qu’il fallait penser de la nature humaine du Christ, lui répondit que, considéré comme homme, le Christ n’était que fils adoptif et non consubstantiel de Dieu.

L’annaliste Angilbert[20] insinue que Félix émit cette opinion sans trop y réfléchir, et que l’amour-propre seul l’y fit persévérer quand il vit le retentissement qu’elle produisait. Il est vrai que, propagée par Élipand et par d’autres adeptes, elle fit de rapides progrès parmi le clergé d’Espagne et même d’Aquitaine. Mais ce succès s’explique par d’autres causes que l’entêtement vaniteux d’un sectaire. En réalité, les esprits étaient dès longtemps préparés à la doctrine de l’adoptianisme dans un pays où régnait la liturgie mozarabique. Des passages nombreux de cette liturgie parlaient en termes très vagues de l’humanité adoptive du Christ. La leçon orthodoxe était que Jésus-Christ adopta la condition humaine ; mais les textes, en s’en tenant à la lettre, ne répugnaient pas absolument à l’interprétation de l’évêque d’Urgel[21].

Il y avait bien autre chose qu’une question de mots au fond de cette querelle théologique. Eu égard surtout au temps et au milieu où elle se développait, l’hérésie nouvelle menaçait non seulement la foi religieuse, mais l’avenir politique et social des nations européennes. Elle recommençait, en la transportant dans l’école, la lutte entre le catholicisme et le mahométisme, dont les héros de Poitiers et de Villedaigne avaient conjuré le péril sur les champs de bataille. Pour qui ne voyait plus dans Jésus qu’un Messie humain, distinct du Verbe éternel et incréé, un homme enfin, élu de Dieu, mais ne participant pas à la nature divine, quelle supériorité restait-il donc au prophète de Nazareth sur celui de la Mecque ? Le compromis était facile, la fusion probable entre les réformateurs du christianisme et les musulmans, avec lesquels ils vivaient en contact journalier.

Dès l’an 785, le pape Adrien prononça la condamnation de l’hérésie espagnole dans une lettre encyclique adressée à tous les évêques de la péninsule ibérique, leur prescrivant de se réunir en concile provincial pour arrêter cette propagande scandaleuse. Mais telles étaient déjà la puissance et l’audace des docteurs adoptiens, à la tète desquels on distinguait les métropolitains de Tolède et de Braga, qu’ils purent éluder la prescription pontificale et donner le change à leur église en détournant l’attention et les anathèmes de l’assemblée sur un léger abus introduit par l’évêque de Séville en matière de comput ecclésiastique, au sujet de la date de Pâques. Élipand et la plupart de ses partisans, sujets de l’émir de Cordoue, échappaient par là même à toute sanction civile des décrets du saint-siège. Mais la situation de l’évêque d’Urgel était différente. Il avait en Charlemagne un souverain attentif à faire respecter les lois de l’Église. Un concile tenu à Narbonne en 791, et où Félix siégea, n’ayant pris à l’égard de sa doctrine aucune décision, Charles manda aussitôt l’hérésiarque par-devant lui, à Regensburg. Condamné à l’unanimité par l’épiscopat franco-germain, Félix se rétracta et s’en alla ensuite chercher son absolution à Rome. Mais, à peine rentré dans son diocèse, il recommença à prêcher l’erreur. Élipand publia une longue apologie de l’adoptianisme qu’il adressa au roi frank lui-même, le priant de soumettre ses arguments à la critique des théologiens ; car il n’avait, disait-il, qu’une passion : découvrir la vérité.

Certes, il n’était pas besoin de provoquer la critique des théologiens : elle se manifestait spontanément sur tous les points de la chrétienté et n’épargnait pas les novateurs. Après les conciles provinciaux de Narbonne (788), d’Aix-la-Chapelle (789), d’Aquilée (791) et de Regensburg, les champions de l’orthodoxie avaient suivi leurs adversaires sur le terrain de la polémique, et ils les combattaient vigoureusement par la parole et par la plume. Paulin, métropolitain d’Aquilée, Leidrade, archevêque de Lyon, et Alcuin, pour ne citer que les plus illustres, soutenaient la lutte avec le plus brillant succès. Charlemagne protégeait hautement leurs efforts. Vous m’accusez, écrit Alcuin dans une de ses réponses à Élipand, vous m’accusez d’empoisonner l’esprit du glorieux roi Charles. Non, je ne suis pas venu corrompre la France ; cette orthodoxe nation est incorruptible... Sachez qu’il n’est au pouvoir de personne de tromper dans sa foi catholique le glorieux roi des Franks, chez qui à la puissance du chef d’État s’allient le prosélytisme du pontife, l’équité du juge, la science du philosophe et les dons les plus éminents de moralité et de vertu. Les traités sortis de ces plumes éloquentes avaient empêché la propagation de l’hérésie dans les rangs du clergé. Le peuple aussi, à la voix des missionnaires, revenait en foule à la foi traditionnelle. Alcuin porte à plus de vingt mille le nombre des conversions opérées par l’archevêque de Lyon : tant la doctrine nouvelle avait trouvé d’adhérents en Gaule au premier moment de son expansion ! Sa secte était ainsi en plein désarroi, quand Élipand eut l’audacieuse pensée d’en appeler à un concile. Il comptait sans doute qu’il s’y produirait entre les Pères des dissentiments dont, sa cause profiterait ; dans tous les cas, quelques mesures qui dussent être décrétées contre lui, il pouvait les braver du fond de sa patrie musulmane[22].

La première session de l’assemblée nationale des Franks, en 794, fut un vrai concile. A la convocation de Charlemagne, trois cents prélats environ se réunirent, de toutes les parties de la chrétienté, à Francfort-sur-le-Mein, le 15 août. Le roi avait auparavant échangé trois ou quatre ambassades avec le saint-siège, afin de régler, de concert avec le suprême arbitre de la foi, les détails de ces solennelles assises. Félix d’Urgel s’abstint cette fois d’affronter une condamnation certaine. L’assemblée siégea en grand apparat dans une salle du palais. Deux légats apostoliques, Théophylacte et Étienne, la présidaient ; Charles prit place à côté d’eux en qualité de défenseur de l’Église, et c’est lui qui ouvrit la session. Après avoir fait donner lecture de la lettre d’Élipand, le vénérable prince, raconte un des assistants[23], se leva de son trône et du haut de l’estrade prononça une longue allocution sur les intérêts religieux qui étaient en cause. Il conclut ainsi : C’est à vous de prononcer. Depuis le temps déjà éloigné où ce fléau a pris naissance, sa violence n’a fait que s’accroître, et la contagion de l’erreur s’est répandue jusqu’aux frontières de mon royaume. Il faut enfin aviser aux moyens de la supprimer par une sévère définition de foi. Quelques jours furent accordés aux Pères pour rédiger leurs opinions par écrit, chacun en leur particulier, selon les inspirations de leur conscience. L’adoptianisme ne trouva pas un défenseur ni même un partisan. La sentence doctrinale, rendue à l’unanimité, frappa d’anathème les auteurs et les adhérents publics ou secrets de l’hérésie espagnole, sous réserve, y est-il dit, de tous droits et privilèges du souverain pontife, notre bienheureux père Adrien, pape du premier siége.

C’est Charlemagne qui avait pris l’initiative du concile de Francfort ; c’est par fui, ou du moins en son nom, que les décisions en furent notifiées, même en dehors des États franks. On peut voir, par les extraits suivants de la lettre qu’il fit rédiger à l’adresse d’Élipand et de tous les évêques et prêtres d’Espagne, comment il comprenait le rôle de la royauté dans les affaires ecclésiastiques.

... La charité fraternelle arrache à notre cœur des larmes de sang sur la tyrannie que vous souffrez parmi les infidèles ; mais ce serait pour nous une affliction bien plus douloureuse de vous voir, par les embûches du démon, condamnés à la tyrannie intérieure d’une erreur schismatique. Voilà notre chagrin, et la blessure en serait irrémédiable, si la miséricorde de Celui qui guérit les cœurs contrits, et qui veut que tous les hommes arrivent au salut et à la connaissance de la vérité, ne nous faisait attendre notre consolation des auteurs mêmes de notre tristesse. La joie que nous attendons, c’est votre conversion. Dans le but d’en hâter le moment, nous avons rassemblé en concile des prélats de toutes les contrées de notre obéissance... Nous vous envoyons leurs écrits, ainsi que le témoignage de notre adhésion à ce qu’ils ont décidé, suivant la prière que vous m’avez faite de ne pas me laisser surprendre aux opinions d’un petit nombre, mais de m’attacher à la doctrine qui réunirait le plus de suffrages. C’est ce que je fais en préférant cette sainte multitude à votre petit nombre. Je me joins de tout mon cœur au saint-siège apostolique ; j’embrasse les anciennes traditions consacrées depuis la naissance de l’Église... Je vous conjure de même d’embrasser en esprit de paix notre confession de foi, et de ne pas vous estimer plus savants que l’Église universelle. Avant que vous nous eussiez scandalisés par ce nom d’adoption, nous vous avions toujours aimés comme nos frères, et la droiture de votre foi nous consolait de votre servitude temporelle. Nous avions même résolu de vous en délivrer, suivant l’occasion et votre conseil. Maintenant vous vous êtes privés de cette double consolation de la participation à nos prières et de notre secours. Car si, après cet avertissement du pape et du concile, vous ne renoncez à votre erreur, sachez que nous vous tiendrons absolument pour hérétiques et n’aurons plus de communications avec vous[24].

L’œuvre des docteurs de Francfort, à peu près superflue pour le peuple, qui s’était déjà détaché de l’hérésie, demeura sans effet contre l’opiniâtreté de conviction ou d’orgueil des chefs de l’adoptianisme. Élipand fut inébranlable. Félix se soumit tout d’abord, pour la seconde fois, mais par peur ; sa rechute fut presque immédiate. L’attention de Charlemagne, distraite durant quatre ans par d’autres graves intérêts, revint encore, vers 799, à la grande querelle théologique qui continuait de troubler le Midi. De nouveaux conciles tenus à Urgel, puis à Aix-la-Chapelle, confirmèrent les décisions des précédents et déterminèrent chez Félix une troisième palinodie. Élipand, d’ailleurs, avait l’œil sur son complice et ne lui permettait pas de déserter le joug de leur commune doctrine. On a dit que vous seriez converti, lui écrivait-il, à la suite du concile d’Aix-la-Chapelle. J’ai d’abord essayé de vous écrire au sujet de cette apostasie ; mais toutes les lettres que j’ai tracées me déplurent et je les jetai au feu. Je m’en suis dédommagé en écrivant à ce tison d’enfer, Alcuin, de façon à le faire mourir de honte. Je vous adresse ma lettre ; copiez-la et transmettez-la-lui. Faites savoir à celui qui siége à Rome qu’Élipand n’est pas converti, comme ils disent. En vérité, comment pourrait-on se laisser séduire par les fétides élucubrations du nouvel Arius, l’opprobre de l’Austrasie, né tout exprès pour souiller la gloire du grand roi Charles ? Ces gens-là sont de ceux dont il est écrit : Ils sont sortis d’entre nous, mais ils n’étaient pas de nous ; s’ils en eussent été, ils ne se fussent pas séparés. C’est contre un tel fléau que je lutte pour maintenir la doctrine des Pères orthodoxes. Vous-même montrez votre courage... ; priez pour moi, comme je prie pour vous, afin que Dieu daigne nous recevoir dans la région des vivants[25]. Trois ans après cette lettre, Élipand mourait, sans avoir renoncé sans doute aux sentiments qui la lui avaient dictée (802). Son dernier souhait fut exaucé : Félix persévéra dans l’hérésie et, quand il mourut à son tour, en 818, il laissa par testament une profession de foi adoptianiste. Il avait survécu à la popularité passagère de sa doctrine. Mais les germes qu’il avait semés ne disparurent pas toutefois complètement des provinces méridionales de la Gaule, où ils devaient produire, à trois siècles de là, l’hérésie des Albigeois.

Ce n’est pas contre l’adoptianisme seulement que le concile de Francfort avait prononcé l’anathème. Parmi les décisions de cette assemblée figure, outre la lettre à Élipand, et également sous le nom du roi frank, le manifeste appelé Livres Carolins, qui ne tendait à rien moins qu’à rejeter comme hérétique le concile œcuménique de Nicée. Cette étrange opposition tenait à un malentendu qu’il importe d’expliquer.

Les prélats (l’Occident n’ayant pas pris part au concile de Nicée, le pape profita de leur réunion à Francfort pour leur communiquer les canons qui venaient de rendre la paix à l’Église grecque. Il suffit de se rappeler l’état des relations de la France avec Byzance à cette époque, et les récents soulèvements du parti gréco-langobard dans l’Italie franke, pour comprendre combien Charlemagne et ses sujets devaient être mal disposés à l’égard de tout ce qui venait de l’empire. Pour comble, la traduction latine des canons de Nicée avait été faite à la hâte et avec si peu d’intelligence, dit Anastase, que presque nulle part on n’en pouvait saisir le sens. Telle était l’impropriété des termes, qu’on y voyait prescrite l’adoration des images pieuses ! Le traducteur malhabile avait rendu le verbe grec προσκυνεΐν par le verbe latin adorare, qui, effectivement, a le même sens étymologique (ad orare) et, dans l’antiquité classique, n’exprimait rien autre chose que les marques extérieures de la vénération, mais qui avait pris, dans la langue liturgique des chrétiens la signification précise et exclusive du culte, du service dû à Dieu seul.

S’en tenant à la lettre de cette interprétation erronée, les Pères de Francfort crièrent au scandale, et rédigèrent, par l’ordre et sous l’inspiration de Charlemagne, la volumineuse réfutation qui remplit les Livres Carolins. Grande fut la surprise d’Adrien, quand l’archichapelain Angilbert lui remit, de la part du zélé patrice romain, cet écrit d’un style singulièrement fougueux et où l’orthodoxie incontestable des sentiments revêtait des formes de langage tout à fait insolites : car le synode provincial de France affichait tout d’abord et sans ambages la prétention de casser, de sa propre autorité, une définition doctrinale ratifiée par le souverain pontife. On a tenu, il y a quelques années, en Bithynie, est supposé dire Charlemagne lui-même dans la préface des Livres Carolins, un concile qui a eu l’impudence de rejeter entièrement les images que les anciens avaient mises pour l’ornement des églises et la mémoire des choses passées, attribuant aux images ce que les anciens avaient dit des idoles, et prétendant que leur empereur Constantin Ier les avait délivrés de l’idolâtrie. On vient de tenir, dans la même contrée, un autre concile, qui donne dans une erreur opposée ; car, ayant anathématisé le premier, il prescrit l’adoration des images... Pour nous, nous recevons les six conciles généraux ; mais nous rejetons avec mépris les nouveautés, comme aussi ce concile tenu en Bithynie pour faire adorer les images. Ses actes dépourvus de correction et de sens nous étant parvenus, nous avons été obligé d’écrire pour le réfuter, afin que personne ne s’y trompe, et nous avons entrepris cet ouvrage de l’avis des évêques de notre royaume[26].

Or la réfutation, eût-elle été sérieuse, n’avait pas de motifs dans les actes originaux du concile de Nicée ; car, outre l’équivoque du mot adorare, qui n’était imputable qu’au traducteur, elle visait une proposition de Constantin de Chypre, favorable, en effet, au culte latreutique des images, mais formellement rejetée par la décision conciliaire, conçue en ces termes : J’embrasse avec respect les saintes et vénérables images, et je défère l’adoration à la Trinité seule.

C’est ce que le pape expliqua dans une réponse pleine de modération et de force, où toutes les thèses des Livres Carolins sont passées en revue. L’affection que nous vous portons, écrit-il à Charlemagne, nous a engagé à y répondre article par article, non par des vues humaines et pour justifier des personnes, mais pour soutenir l’ancienne tradition de l’Église romaine. Et comme les Livres Carolins concluaient ainsi : Afin que le seigneur apostolique, notre père, et toute l’Église romaine connaissent que nous suivons ce que saint Grégoire a marqué à Serenus, évêque de Marseille, nous permettons d’exposer les images des saints, sans obliger à leur rendre un culte, sans permettre qu’on les détruise. — Voilà un article bien différent des précédents, observe Adrien, et pour celui-là, nous avons reconnu qu’il était de vous, en ce que vous faites profession de vous ranger au sentiment de saint Grégoire[27].

Pendant qu’il se reposait de ses travaux guerriers au milieu des discussions théologiques du concile de Francfort, Charlemagne perdit sa troisième épouse, Fastrade, dont il avait eu deux filles, Théodrade et Hiltrude. Associées aux fatigues et aux périls des expéditions militaires de Charles, la vie s’usait vite chez les femmes du grand roi. Fastrade avait succombé à cette rude existence, au bout de onze ans, comme Hildegarde. Mais c’est le seul trait de ressemblance entre ces deux reines. Autant la première avait gagné les sympathies et emporté les regrets de son peuple, autant l’autre fut impopulaire. On a vu quelles haines farouches son funeste empire sur les résolutions politiques ou administratives de son mari avait soulevées de la part des leudes franks et des vassaux germains. La mort d’une telle femme ne pouvait donc causer un deuil national. Il n’en fallut pas moins que la douleur officielle se traduisît, selon l’usage, par une épitaphe en vers, destinée à orner le tombeau de la défunte, dans l’église Saint -Alban de Mayence, où on l’ensevelit. Ce fut l’évêque-poète d’Orléans, Théodulf, qui se chargea de cette tâche ingrate. Il sut d’ailleurs s’en acquitter avec une rare adresse, sans épargner les formules élogieuses qui étaient de rigueur en pareille matière, et sans blesser le sentiment public. Dans cette petite pièce de six vers, consacrée à la mémoire de Fastrade, il eut l’art de ne porter aucun jugement sur son caractère ni sur ses actes, et tout ce que le poète, délicatement ironique, trouve à louer en elle, c’est la noblesse de sa race et la puissance de son glorieux époux. Voici la traduction de l’œuvre de Théodulf :

Ici repose la dépouille illustre de la reine Fastrade, que la froide mort a tranchée dans sa fleur. Fille de noble race, et épouse ici-bas d’un roi puissant, le Ciel vient de l’appeler encore à un plus glorieux hyménée. La meilleure partie de son âme nous reste ; c’est le roi Charles, à qui le Dieu clément accorde de longs jours ![28]

La fin de la vie de Fastrade avait été soumise à une épreuve bien dure sans doute pour son âme arrogante et vindicative. Elle qui avait consacré son influence à faire châtier si cruellement de simples projets de révolte non suivis d’exécution, elle vit, durant deux longues années, la Saxe insurgée braver impunément la puissance du roi frank. Charlemagne, en effet, n’avait pas encore vengé le massacre du comte Théoderic et de ses compagnons, assassinés en 792 au bord du Weser. Il sentait que les représailles ordinaires étaient un remède insuffisant au mal profond qui troublait la Germanie septentrionale, et que la Saxe n’était, après tout, qu’une sorte de champ d’expériences où tous les ennemis de la puissance franke et de la civilisation chrétienne s’appliquaient de concert à entretenir des ferments de révolte. Aussi, avant de tirer de nouveau l’épée contre les Saxons, voulut-il prendre toutes ses précautions contre les partisans secrets qu’ils avaient dans le reste de l’empire.

La conspiration de Pépin le Bossu et les trahisons de Tassilon se rattachaient intimement aux menées de la vieille ligue anticarolingienne, qui, sous prétexte de restaurer l’indépendance germanique, n’avait jamais servi que les intérêts de la barbarie. Charles profita de la composition en majorité ecclésiastique de l’assemblée de Francfort, pour donner une consécration quasi-religieuse aux sentences juridiques rendues précédemment dans les plaids nationaux de Regensburg et d’Ingelheim. Sans rentrer dans la discussion des faits, sans remettre en question l’autorité de la chose jugée, il provoqua incidemment des prélats, sur l’une et l’autre affaire, une décision de détail impliquant ratification des procédures antérieures.

Pierre, évêque de Verdun, était accusé d’avoir trempé dans la conspiration de Pépin le Bossu, découverte deux ans auparavant. Les preuves manquaient contre lui. L’assemblée de Francfort écouta sa défense et l’admit à se justifier par serment, s’il pouvait produire pour cojurateurs soit son métropolitain, l’archevêque de Trêves, soit deux ou trois autres évêques. Personne n’ayant voulu s’associer à son serment, le prélat, peu scrupuleux observateur des lois canoniques, fit subir le jugement de Dieu à un de ses hommes, comme preuve de son innocence. Le serf sortit sain et sauf de l’épreuve, dont on ignore la nature et que ni le roi ni l’assemblée n’avaient autorisée. Le fait ne laissa pas de produire sur l’esprit des juges une impression favorable à la cause de l’accusé, qui fut renvoyé absous.

Le duc dépossédé de Bavière comparut aussi devant ce haut tribunal ecclésiastique. Tassilon, que le témoignage de ses sujets eux-mêmes avait chargé à Ingelheim, et à qui la paix du cloître paraissait peut-être préférable aux agitations dont sa vie politique avait été remplie, n’essaya pas de faire rien changer à sa destinée. Debout devant ses juges, il ne voulut que demander pardon de ses fautes et des trahisons qu’il reconnut avoir commises envers ses suzerains Pépin et Charles. Il sollicita humblement l’indulgence du roi, protestant que, de son côté, il n’avait aucune objection à faire, et se soumettait sans arrière-pensée aux mesures de justice qui l’avaient frappé. Il déclara faire abandon perpétuel de tous les droits de propriété et de juridiction qui auraient dû lui appartenir, ainsi qu’à ses fils et à ses filles, dans le duché des Baïvares, et recommanda ses enfants à la miséricorde de Charles. Le roi, dit le compte-rendu officiel de la cérémonie, que nous reproduisons ici, fut touché d’une compassion profonde. Il pardonna sincèrement à Tassilon ses fautes passées, lui accorda grâce pleine et entière et le reçut en son amour et dilection, afin de mériter lui-même la miséricorde de Dieu. Les lettres de grâce furent expédiées en triple exemplaire : l’un pour le roi, un autre pour Tassilon, le troisième pour être déposé dans la chapelle du sacré palais[29].

Rentré peu de jours après dans sa cellule de Jumièges, le dernier des Agilulfings ne laisse plus dès lors aucune trace dans l’histoire. On ignore même la date et le lieu de la mort de ce moine, en qui s’éteignit la plus vieille des dynasties européennes.

L’appareil religieux qui entoura la confession publique et son abdication rétrospective, au bout de six années de captivité, avait pour but d’affirmer d’une manière irrévocable, aux yeux des vassaux d’outre-Rhin, le droit de Charlemagne à l’hégémonie des peuples germaniques. Ayant mis par là hors de conteste pour tous les chrétiens la légitimité de sa domination, le roi frank n’eut plus à compter qu’avec les velléités de résistance du parti païen, redevenu dominant en Saxe. Le succès de la lutte ainsi circonscrite ne pouvait être douteux ni même longtemps disputé.

 

 

 



[1] Loisel, Annal., ann. 788.

[2] H. Martin, Hist. de France, t. II, liv. XIII.

[3] Eginh., Annal., ann. 790.

[4] Eginh., Annal., ann. 791.

[5] Voy. la description du Ring, ap. Monach. Sangall., de Gestis Caroli Magni, lib. II, § 2.

[6] Monach. Sangall., de Gestis Caroli Magni, lib. II ; Carol. Magn., Epist. ad Fastradam reginam conjugem, de Victoria Avarica, ap. D. Bouquet, t. V, p. 623.

[7] Lehuërou, Hist. des inst. carol., liv. I, ch. VII.

[8] Eginh., Vita Karoli Magni. Monach. Sangall, de Gestis Caroli Magni, lib. II.

[9] Lebeau, Hist. du Bas-Empire, liv. LXVI, § 33.

[10] H. Leo, Geschichte von Italien.

[11] Eginh., Annal.

[12] Astronom., Vita Ludovici Pii.

[13] Astronom., Vita Ludovici Pii.

[14] L. Gautier, les Épopées françaises, IIe partie, liv. II, ch. I, et passim.

[15] Astronom., Vita Ludovici Pii.

[16] Astronom., Vita Ludovici Pii.

[17] Reinaud, Invasions des Sarrasins en France, p. 101.

[18] La chanson d’Aliscamp.

[19] Reinaud, Invasions des Sarrasins en France, p. 105.

[20] Auteur des annales attribuées jusqu’à ces derniers temps à Éginhard. Vid. Eginh. Annal., ann. 792.

[21] Darras, Hist. générale de l’Église, t. XVIII, ch. I, n° 24.

[22] Darras, Hist. générale de l’Église, t. XVIII, ch. I, § 3.

[23] Saint Paulin d’Aquilée, ap. Migne, Patrolog. lat., t. XCVIII, col. 947.

[24] Caroli Magni Epist., ap. Migne, l. c., col. 899.

[25] Darras, Hist. génér. de l’Église, t. XVIII, ch. I, n° 47.

[26] Libri Carolini, ap. Migne, Patrolog. lat., t. XCVIII, col. 999 et suiv.

[27] Libri Carolini, ap. Migne, Patrolog. lat., t. XCVIII, col. 1292.

[28] Epitaphium Fastradæ reginæ, ap. D. Bouquet, t. V, p. 416.

[29] Ex Capital. Francoford., D. Bouquet, t. V, p. 650.