CHARLEMAGNE

 

PRÉFACE.

 

 

MALGRÉ l’immense popularité qui s’attache à son nom et qui, chez presque tous les peuples de l’Occident chrétien, le fait regarder comme un héros national, Charlemagne n’a trouvé qu’un petit nombre de biographes. Mais, en revanche, l’histoire générale a recueilli et mis en lumière jusqu’aux moindres traits de cette physionomie grandiose, et il n’est guère, dans les annales de l’humanité, d’influence sociale qui ait été, autant que la sienne, l’objet d’études ardentes et de commentaires passionnés.

Il y aurait témérité à venir, au milieu de ce conflit d’opinions, essayer une synthèse nouvelle de la renaissance carolingienne. Tel n’est pas le but de ce livre, où l’on a prétendu seulement retracer, d’après les récits des contemporains, le tableau exact et complet des actes du grand empereur frank, en laissant le vrai caractère des événements se dégager de leur exposé impartial.

Même dans ce modeste domaine des faits, déjà maintes fois exploré, des points importants restaient encore à éclaircir, qui, sous le jour où nous les avons vus et présentés, ne laissent pas de modifier le type, en quelque sorte consacré par l’histoire moderne, que certaines préoccupations religieuses ou politiques de notre âge ont fait attribuer au fondateur du saint-empire romain.

Mais l’histoire n’est pas tout entière dans les narrations des chroniqueurs, surtout quand il s’agit d’une personnalité aussi vaste et aussi complexe que celle de Charlemagne. Les monuments de l’art et ceux de la tradition, même légendaire, sont aussi des témoins intéressants et fidèles du passé, pour qui sait interpréter leur langue figurée. Cette précieuse source d’information n’a pas été négligée. Des savants, à qui leur érudition spéciale a dès longtemps conquis les suffrages du public lettré, ont gracieusement prêté à cet ouvrage, signé d’un nom obscur, le secours d’une collaboration dont d’illustres écrivains se sont trouvés honorés. Rappeler la grande et légitime autorité qui s’attache aux travaux de M. Anatole de Barthélemy, conservateur du musée gallo-romain de Saint-Germain, sur la Numismatique ; de M. Demay, des Archives nationales, sur la Sigillographie et le Costume ; de son collègue, M. Aug. Longnon, sur la Géographie historique, c’est donner la mesure de mes obligations et de ma reconnaissance à leur égard.

Je dois surtout un témoignage tout particulier de ma gratitude à mon excellent maître, M. Léon Gautier, professeur à l’École des chartes, pour le soin qu’il a bien voulu prendre d’écrire l’Introduction de ce livre et l’un de ses plus intéressants Éclaircissements, avec cette chaleur d’âme et cette sagacité d’esprit scientifique qui distinguent l’initiateur de la France moderne à la connaissance et à la juste appréciation de son Épopée nationale.

Il est à peine besoin de dire que chacun de ceux qui ont concouru à la rédaction de l’ouvrage a exprimé, sous sa seule responsabilité, des opinions qui lui sont personnelles. On ne s’étonnera donc pas de rencontrer peut-être, sinon des désaccords d’idées, du moins des différences de ton entre les œuvres essentiellement distinctes d’auteurs qui sont unis seulement dans l’amour des grandeurs de la France et clans la recherche sincère de la vérité.

A. V.