HISTOIRE DE LA COMMUNE DE PARIS

DEUXIÈME PARTIE. — LA COMMUNE DE PARIS

 

CHAPITRE PREMIER. — PROCLAMATION DE LA COMMUNE.

 

 

LA proclamation du résultat du vote communal a eu lieu le 28 mars, à 4 heures du soir, sur la place de l'Hôtel-de-Ville, avec une solennité émouvante et grandiose.

Dès deux heures les bataillons de la garde nationale arrivaient de toutes les directions : des ponts, des quais, des places et des rues environnantes, ' joyeux, allègres, pleins d'entrain et d'enthousiasme, marquant le pas d'un air martial, au bruit des tambours, au son des clairons, au chant de la Marseillaise, drapeaux déployés, accueillis partout par des acclamations sympathiques, auxquelles ils répondaient par des vivats enthousiastes en faveur de la République et de la Commune.

Toute la garde nationale de Paris a pris part à ce défilé imposant. Jusqu'au soir la marée montante de ses bataillons envahit la place et déborda dans la rue de Rivoli, sur les places, dans les squares, sur les quais, dans l'avenue Victoria, et sur le boulevard de Sébastopol, qui furent submergés par elle.

La foule dos spectateurs était immense. Elle se pressait et s'entassait partout ; sur les trottoirs, dans les magasins et les allées ; les appartements des maisons voisines étaient remplis, toutes les fenêtres étaient garnies de spectateurs ; les barricades servaient d'estrades naturelles sur lesquelles bommes, femmes, enfants s'entassaient à les faire crouler.

La statue équestre d'Henri IV, qui décore la façade de l'Hôtel-de-Ville, était voilée d'une tenture rouge, sur laquelle se détachait le buste de la République, ombragé de drapeaux rouges et coiffé d'un bonnet phrygien. Sous la déesse populaire, devant la porte centrale et communiquant avec l'intérieur de l'Hôtel-de-Ville par un couloir, s'élevait une vaste estrade tendue de rouge, garnie de sièges et d'une table servant de bureau.

Le drapeau rouge du peuple flottait tout au haut de l'Hôtel-de-Ville, ainsi que sur les Tuileries et sur tous les monuments publics. Celui de la Commune était au fronton du monument communal, et ceux de tous les bataillons étaient en faisceau devant l'estrade.

À quatre heures les membres du Comité Central et ceux de la Commune font leur apparition sur l'estrade, et viennent prendre place sur les sièges autour du bureau.

Ils sont accueillis par le plus grand enthousiasme, les plus vifs applaudissements et les cris innombrables de : Vive la Commune !Vive la République ! Tout Paris était avec eux.

La plupart des nouveaux élus étaient en civils, quelques-uns en uniforme d'officiers de la garde nationale ; tous étaient ceints de l'écharpe rouge frangée d'or, ils avaient en outre à la boutonnière un ruban de la même couleur ayant des franges semblables.

Aussitôt que les membres de la Commune et du Conseil Central ont pris place, le président de ce dernier agite la sonnette placée sur la table, et les canons du quai de Grève font entendre leur roulement formidable ; d'autres détonations leur répondent de toute part.

A ce moment la place de l'Hôtel-de-Ville présente le spectacle le plus grandiose, le plus solennel et le plus émouvant. Les drapeaux des bataillons, les enseignes des compagnies flottent au vent, la forêt des fusils et des baïonnettes resplendit au soleil, les uniformes innombrables se dessinent partout, les figures bronzées et martiales des gardes nationaux s'animent, s'éclairent d'enthousiasme, leurs yeux brillent d'espérance. On dirait qu'un souffle régénérateur a passé sur cette multitude immense, courbée pendant vingt ans sous le despotisme honteux d'un tyran monomane, dont l'ambition stupide l'a livré à l'étranger, et qui vient tout à coup de se relever au souffle régénérateur de la liberté.

En présence de l'inauguration de cette Commune, qui personnifie en elle tous ses vœux et toutes ses espérances, la fin de sa misère et de tous ses maux, un. avenir de réparation, de liberté et de justice, le peuple a recouvré sa fierté native, sa bonté naïve, on courage, sa dignité, sa grandeur, sa conscience, toutes ses qualités et toutes ses vertus. Il veut être grand, fort et généreux. Il se sent réellement souverain et digne de lui, pour la première fois depuis vingt ans ; digne de la grande cause de l'affranchissement des prolétaires qu'il veut accomplir. Sa joie et son délire éclatent au bruit du canon dans cet instant d'enthousiasme sublime, et se manifestent de nouveau par des cris cent mille fois répétés de Vive la Commune !Vive la République !

Tous les gardes nationaux pris d'un mouvement électrique, magnétique, irrésistible agitent leurs armes, mettent leurs képis au bout de leurs baïonnettes, élèvent, brandissent leurs fusils en l'air et poussent des hourras frénétiques.

Le président du Comité Central se lève, agite de nouveau sa sonnette. Le canon se tait, les cris cessent, la foule est immobile. Le silence se fait aussi profond, que le mugissement de l'artillerie, le bruit des fanfares et les cris du peuple étaient grands il y avait quelques minutes à peine. Il donne alors, d'une voix forte, lecture de la liste des membres de la Commune nouvellement élus.

Nous reproduisons ici cette liste telle qu'elle a été publiée sur la place de l'Hôtel-de-Ville.

La voici :

Premier arrondissement (4 conseillers élus). —  Adam, Méline, Rochart, Barré.

Deuxième arrondissement (4 conseillers). — Brelay, Loiseau-Pinson, Tirard, Chéron.

Troisième arrondissement(Temple ; 5 conseillers). — Demay, Arnaud, Pindy, Cléray, Dupont.

Quatrième arrondissement (5 conseillers). — Lefrançais, Arthur Arnould, Gérardin, Amouroux, Clémence.

Cinquième arrondissement (5 conseillers). — Jourde, Régère, Tridon, Blanchet, Ledroit.

Sixième arrondissement (Saint-Sulpice). — Albert Leroy, Groupil, Docteur Robinet, Beslay, Varlin.

Septième arrondissement. — Dr. Parisel, Ernest Lefèvre, Urbain, Brunel.

Huitième arrondissement (Faubourg-Saint-Honoré ; 4 conseillers). — Raoul Rigault, Vaillant, Arthur Arnould, Jules Allix.

Neuvième arrondissement (5 conseillers). — Ranc, Ulysse Parent, Desmarest, E. Ferry, Nast.

Dixième arrondissement (5 conseillers). — Gambon, Félix Pyat, Henri Fortuné, Champy, Babick.

Onzième arrondissement. — Eudes, Mortier, Protot, Assi, Avrial, Verdure.

Douzième arrondissement (Bercy-Reuilly). — Varlin, Fruneau, Geresme, Theisz.

Treizième arrondissement (Gobelins). — Léo Meillet, Duval, Chardon, Frankel.

Quatorzième arrondissement (Montrouge ; 3 conseillers). — Billoray, Martelet, Decamp.

Quinzième arrondissement (Vaugirard-Grenelle). — Clément, Jules Vallès, Langevin.

Seizième arrondissement (Passy-Auteuil ; 2 conseillers). — Docteur Marmoteau, De Bouteiller.

Dix-septième arrondissement (Batignolles). — Varlin, Clément, Gérardin, Chalain, Malon.

Dix-huitième arrondissement (Montmartre ; 7 conseillers). — Blanqui, Theisz, Dereure, J.-B. Clément, Th. Ferré, Vermorel, Paschal Grousset.

Dix-neuvième arrondissement. —  Oudet, Puget, Delescluze, Cournet, J. Miot, Ostyn.

Vingtième arrondissement (Belleville). — Ranvier, Bergeret, Flourens, Blanqui.

 

Cette lecture a été interrompue vingt fois par des nombreux applaudissements, qui éclataient après la proclamation des élus de chaque arrondissement. Et lorsqu'elle fut terminée d'innombrables vivats éclatèrent de nouveau. La musique de la garde nationale joua ensuite la Marseillaise, le Chant du Départ et d'autres airs républicains.

Plusieurs discours, alternés par la musique et des chants patriotiques, ont été prononcés par les citoyens Lavalette, Assi, Ranvier et Beslay, et très applaudis.

Voici le discours du citoyen Beslay, doyen d'âge de la Commune, le seul qui ait été sténographié :

Citoyens,

Notre présence ici atteste à Paris et à la France, que la Commune de Paris c'est, nous n'en doutons pas, l'affranchissement de toutes les communes de la République.

Depuis cinquante ans, les routiniers de la vieille politique nous bernaient avec les grands mots de décentralisation, du gouvernement du pays par le pays ; grandes phrases qui ne nous ont rien donné.

Plus vaillants que vos devanciers, vous avez fait comme le sage qui marchait pour prouver le mouvement, vous avez marché et l'on peut compter que la République marchera avec vous.

C'est là en effet le couronnement de votre victoire pacifique. Vos adversaires ont dit que vous frappiez le République ; nous répondons, nous, que si nous l'avons frappée, c'est comme le pieu que l'on enfonce plus profondément en terre.

Oui, c'est par la liberté complète de la Commune que la République va s'enraciner chez nous. La République n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était aux grands jours de notre révolution. La république de 93 était un soldat qui, pour combattre au dehors et au dedans, avait besoin de centraliser sous sa main toutes les forces de la patrie. La république de 1871 est un travailleur, qui a surtout besoin de liberté pour féconder la paix.

Paix et travail ! Voilà notre avenir ; voilà la certitude de notre revanche et de notre régénération sociale, et, ainsi comprise, la [République peut encore faire de la France le soutien des faibles, la protectrice des travailleurs, l'espérance des opprimés dans le monde, et le fondement de la République universelle.

L'affranchissement de la Commune est donc, je le répète, l'affranchissement de la République elle-même ; chacun des groupes sociaux va retrouver sa pleine indépendance et sa complète liberté d'action.

La Commune s'occupera de ce qui est local.

Le département s'occupera de ce qui est régional.

Le gouvernement s'occupera de ce qui est national.

Et, disons-le hautement, la Commune que nous fondons sera la Commune modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle sévère, et ce n'est pas clans la Commune républicaine que Paris trouvera des fraudes de 400 millions.

De son côté, ainsi réduit de moitié, le gouvernement ne pourra plus être que le mandataire docile du suffrage universel et le gardien de la République.

Voilà, à mon avis, citoyens, la route à suivre ; entrons-y hardiment et résolument. Ne dépassons pas cette limite fixée par notre programme, et le pays et le gouvernement seront heureux et fiers d'applaudir à cette révolution si grande et si simple, et qui sera la plus féconde révolution de notre histoire.

Pour moi, citoyens, je regarde comme le plus beau jour de ma vie d'avoir pu assister à cette grande journée, qui est pour nous la journée du salut. Mon âge ne me permettra pas de prendre part à vos travaux, comme membre de la Commune de Paris ; mes forces trahiraient trop souvent mon courage, et vous avez besoin de vigoureux athlètes. Dans l'intérêt de la propagande je serai donc obligé de donner ma démission ; mais soyez sûrs que, à côté de vous, comme auprès de vous, je saurai, dans la mesure de mes forces, vous continuer mon concours le plus dévoué, et servir comme vous la sainte cause du travail et de la République.

Vive la République ! vive la Commune !

 

Les discours terminés, le président clôt cette séance d'inauguration, et aussitôt les canons recommencent à tonner et les bataillons à défiler. Les tambours battent aux champs, les fanfares retentissent, les exclamations redoublent et, pendant deux heures, plus de 250 mille gardes nationaux défilent devant leurs élus aux cris, un million de fois répétés, de : Vive la Commune !Vive la République !

L'enthousiasme est général, il a gagné tout le monde ; partout, dans toutes les rues, sur tous les quais et les boulevards, la foule : hommes, femmes, enfants, prolétaires et bourgeois, accueillent la garde nationale à son passage par les manifestations et les cris les plus sympathiques.

Les fenêtres sont garnies de spectateurs joyeux, les maisons sont pavoisées de drapeaux rouges, qui n'effraient personne.

Le soir l'Hôtel-de-Ville, les Tuileries, le Louvre, etc., un grand nombre d'autres monuments publics et des maisons particulières sont illuminés. Paris et ses ex-faubourgs sont en fête.

La Commune a été proclamée sous les meilleurs auspices.

Voici en quels termes le Comité Central annonce l'heureux avènement de cette dernière, et fait ses adieux au peuple et à la garde nationale.

Citoyens,

Il nous a été permis d'assister aujourd'hui (28 mars) au spectacle populaire le plus magnifique que nous ayons jamais vu. Nos cœurs en sont émus. Paris a salué et applaudi la Révolution. Paris vient d'ouvrir une nouvelle page d'histoire sur laquelle il a inscrit son nom.

Deux cent mille hommes libres se sont présentés pour affirmer leur liberté, et pour proclamer la nouvelle constitution, au bruit des décharges de l'artillerie. Que les espions de Versailles, qui rôdent autour de nos murs, aillent rapporter à leurs maîtres ce que font entendre les voix d'une population tout entière ; comment ces voix remplissent la ville et retentissent au delà de ses murs. Que ces espions, qui se sont glissés dans nos rangs, leur donnent une fidèle image de ce spectacle admirable d'un peuple qui reprend sa souveraineté, en criant de toutes ses forces et d'une manière sublime : Nous mourrons pour la Patrie !

Citoyens,

Nous remettons entre vos mains l'œuvre que vous nous aviez confiée. Aux derniers instants de notre pouvoir éphémère, avant de quitter définitivement nos places dans le comité de la garde nationale, d'où les événements nous rappellent, nous désirons vous exprimer nos remerciements.

Aidés par votre admirable patriotisme et votre sagesse, nous avons, sans violence, mais aussi sans faiblesse, rempli les conditions de notre tâche. Enchaînés dans notre marche par la loyauté qui nous défendait de nous ériger en gouvernement, nous avons néanmoins été à même, en nous appuyant sur vous, de préparer une révolution radicale dans le court espace de huit jours. Vous savez ce que nous avons fait, et c'est avec l'orgueil d'avoir rempli notre devoir, que nous soumettons nos actions à votre jugement. Mais, avant de passer par l'épreuve de votre opinion, nous sommes heureux de vous dire que tout ce qui a été fait, a été fait par vous.

Nous voulons de plus proclamer hautement que, en votre qualité de maîtres absolus et légitimes, c'est ' principalement par votre générosité que vous avez établi votre puissance. Si vous avez fait valoir des droits et fait des demandes, vous n'avez jamais usé de représailles.

La France, coupable de vingt années de faiblesse, comprend la nécessité de se régénérer, de se racheter de la tyrannie et de l'indolence du passé, au moyen d'une liberté calme et du travail. Vos libertés seront énergiquement défendues par vos élus d'aujourd'hui. Ils s'y consacreront pour toujours. L'œuvre dépend de vous et porte avec elle sa propre récompense.

Ralliez-vous donc avec confiance autour de votre Commune ; facilitez ses travaux, en vous dévouant aux réformes nécessaires. Frères, laissez-vous guider par des frères. Marchez fermement et bravement sur le chemin de l'avenir ; soyez un exemple pour les autres, en leur montrant la valeur de la liberté, et vous arriverez certainement au but désiré : LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE.

Suivent les signatures des membres du Comité Central de la garde nationale :

AVOINE FILS, ANTOINE ARNAUD, G. ARNOLD, ASSI, ANDIGNOUX, BOUIT, JULES BERGERET, BABICK, BAROUD, BILLORAY, BLANCHET, L. BOURSIER, CASTIONI, CHOUTEAU, C. DUPONT, FABRE, FERRAT, HENRI FORTUNÉ, FLEURY, FOUGERET, C. GAUDTER, GOUHIER, H. GERESME, GRÉLIER, GROLLARD, GROLLARD, JOSSELIN, LAVALETTE, LISBONNE, MALJOURNAL, EDMOND MOREAU, MORTIER, PRUDHOMME, ROSSEAU, RANVIER, VARLIN.

 

Le peuple a suivi les conseils que lui a donné le Comité Central ; comme toujours, bon et généreux, il a mis toute sa confiance dans ses nouveaux élus.

Il les a choisis en immense majorité dans son sein, parmi les travailleurs-prolétaires ; s'il en a pris quelques-uns dans la bourgeoisie, ce sont ceux qui ont depuis longtemps donné des gages de dévouement à sa cause, et qu'il a jugé pour cela dignes de le représenter.

Il les a élevés sur le pavois et ne leur a pas marchandé le pouvoir. Toute la force, toutes les ressources, toute la bonne-volonté, tout le courage dont il dispose, il les a mis à leur service.

Il a placé dans leurs mains, il leur a confié toutes les immenses ressources de la capitale : les administrations, les ministères, les municipalités, les arsenaux, les ateliers, les magasins, les approvisionnements, les finances, toute la force armée de la capitale, 300 mille gardes nationaux, 1.800 canons, toutes les armes, toutes les munitions accumulées pendant le siège, des machines puissantes, tous les trésors, toutes les propriétés publiques, tous les domaines de la ville et de l'Etat, des casernes, des forts, une enceinte fortifiée, d'immenses moyens d'attaque et de défense, de destruction et de production ; toutes les ressources d'une ville de deux millions et demi d'habitants, de la population la plus instruite, la plus civilisée, la plus cultivée et une des plus riches du monde entier.

Mais ce n'est pas tout ; le peuple de Paris a remis à ses élus, pour le service de la grande cause humanitaire qu'il leur a confiée, non-seulement toutes les ressources sociales, toutes les forces collectives de Paris, mais encore toutes celles individuelles, toutes les propriétés privées, la vie, les biens de chaque citoyen et ceux de leurs familles. Il leur a confié en outre tout ce qu'un peuple a de plus inviolable, de plus précieux, de plus sacré, ce qu'il ne devrait jamais aliéner : ses libertés, sa souveraineté, son honneur !

Les membres du Conseil Communal avaient donc dans leurs mains toutes les ressources, toutes les forces, toute la puissance dont disposait le peuple de Paris.

Il dépendait donc d'eux de rendre d'immenses services à la cause sublime qu'ils devaient faire triompher.

S'ils étaient dévoués, capables, intelligents, honnêtes, travailleurs et courageux, à la hauteur de leur mission et des circonstances, ils pouvaient accomplir une œuvre immense : sauver Paris et la France de la guerre civile, les délivrer de l'occupation étrangère, relever leur pays de l'abîme de misère, de ruine, de honte et de corruption, où la royauté et l'Empire, la bourgeoisie et le catholicisme les avaient plongés ; ils pouvaient les mettre sur la bonne voie, les soustraire à l'influence délétère du despotisme oligarchique d'une assemblée rétrograde et d'une majorité digne du moyen-âge et des temps féodaux, qui rêvent la restauration du trône et de l'autel, de la papauté et de la légitimité dans toute leur monstrueuse laideur et leur hideuse réalité. Ils auraient pu rendre à jamais impossible la restauration du despotisme en France, affranchir pour toujours le peuple du triple joug de l'église, de la royauté et des capitalistes ; c'est-à-dire détruire la tyrannie religieuse, politique et économique, et assurer pour l'avenir dans le monde entier le triomphe de la révolution philosophique, politique et sociale.

Voilà quelle était la tâche immense que les électeurs parisiens du 26 mars et les travailleurs-prolétaires du monde entier attendaient de la Commune.

Cette dernière avait certainement conscience de sa mission importante, mais il n'en était pas toujours ainsi de ceux qui se croyaient autorisés à parler en son nom. Voici un article publié dans le Journal Officiel, et qui prouve suffisamment que son auteur n'avait pas une idée bien juste de l'esprit de la Révolution du 18 mars et des conséquences de cette dernière :

Tout mouvement politique, dit-il, qui ne porte pas en soi une idée nouvelle, créatrice, féconde, ou qui, portant cette idée, ne fait pas surgir aussitôt des hommes capables de la dégager et de la défendre, est condamné, même après un éclatant triomphe de la force, à avorter misérablement.

Ceci est très-vrai, mais citons la suite de cet article et voyons si les idées qu'il renferme sont aussi justes que celles que nous venons de reproduire :

Ces hommes de réflexion profonde et d'action rapide se trouvèrent prêts aux premières journées de 1789. Aux mouvements instinctifs, tumultueux de la foule, ils donnèrent l'âme, l'intelligence, la vie enfin ; ils en firent des mouvements humains, philosophiques pour ainsi dire, et en quelques mois la foule instinctive était devenue un grand peuple, conscient de lui-même, le peuple de la Révolution.

Les Socrates accoucheurs d'idées n'ont pas manqué non plus à la Révolution du 18 mars.

Après l'avoir faite, ils l'ont acclamée, défendue, démontrée. Hier elle parlait ; dès aujourd'hui elle agit, et ainsi elle se démontre encore.

Les combattants du 10 août ne se bornèrent pas à proclamer la liberté, l'égalité, la fraternité : ils définirent le sens de ces grandes paroles qui, réunies dans cette triade immortelle, avaient encore, pour leurs contemporains, quelque chose d'étrange, de vague et d'indéterminé ; ils en indiquèrent la portée et les conséquences, ils en montrèrent les applications à la vie civile et politique.

Si les révoltés du 18 mars n'avaient su au lendemain de leur victoire que bégayer le mot de Commune, sans déterminer dès l'abord les principes élémentaires, primordiaux de l'organisation communale, il ne resterait peut-être aujourd'hui, de leur vaillance et de leur force, que le souvenir d'une, défaite.

Pendant vingt ans peut-être, ils auraient subi les outrages et les calomnies de l'histoire mensongère, comme les insurgés de juin 1848, auxquels il ne manqua pour triompher que de concevoir, même imparfaitement, la question impérieuse et redoutable qu'ils avaient sentie et posée.

Avouons-le, la tâche était moins dure aux hommes du 18 mars. Le déplorable malentendu qui, aux journées de juin, arma l'une contre l'autre deux classes, toutes deux intéressées, non également, il est vrai, aux grandes réformes économiques, cette funeste méprise qui rendit la répression de juin si sanglante ne pouvait se renouveler.

Cette fois l'antagonisme n'existait pas de classe à classe, il n'y avait pas d'autre sujet de lutte que la vieille guerre, toujours recommencée, bientôt finie sans doute, de la liberté contre l'autorité, du droit municipal et civique contre l'absorption et l'arbitraire gouvernemental.

Paris, en un mot, était prêt, à se lever tout entier pour conquérir son indépendance, son autonomie ; il voulait, en attendant que la nation le voulût avec lui, le self-government, c'est-à-dire la République.

Oh, non ! ils ne calomniaient pas l'exécutif, ceux qui l'accusaient de conspirer pour la monarchie. Indigné, l'exécutif protestait de sa sincérité et de ses bonnes intentions.

Eh ! que pouvait faire au peuple de Paris les intentions de l'exécutif ? Il y a quelque chose qui domine les intentions des hommes, c'est la force des choses, la logique des principes.

Centralisateur à outrance, au point de priver Paris pendant des mois, et sans fixer de terme à sa déchéance, de cette municipalité subordonnée, restreinte que la tutelle gouvernementale concède aux plus modestes villages, au point de lui maintenir le stigmate avilissant que l'Empire lui avait imprimé, ce caractère honteux de ville-caravansérail, qui chaque jour effaçait davantage son originalité et son génie ; centralisateur par goût et par système, l'exécutif nous précipitait de nouveau, qu'il en eût ou non conscience, vers la forme la plus parfaite, la plus matérielle de la centralisation administrative et politique, vers la royauté.

Que les partisans de la république centraliste, bourgeoise, fondée sur l'antagonisme du citoyen et de l'Etat, du travail et du capital, de la classe moyenne et de la plèbe, que les formalistes y réfléchissent ; leur utopie a toujours servi de pont à la monarchie ; c'est elle qui pendant longtemps a tué, en France, l'idée même de la République.

Aujourd'hui cette idée abattue se redresse plus fière et plus triomphante, arborant audacieusement son premier drapeau, ajoutant à son nom nouveau son vieux titre patronymique. Fidèle à sa tradition, consciente d'elle-même, la République est aussi la Commune.

C'est la revanche de la science et du travail, de la liberté et de l'ordre, dont la routine gouvernementale avait pendant près d'un siècle retardé l'avènement. S'élevant au dessus des brouillards qui l'enveloppaient, débarrassée des obstacles qui lui barraient le passage, sûre de sa force, la Révolution va de nouveau, par son exemple et sa propagande, répandre sur le monde la liberté, l'égalité, la justice.

 

Cet article remarquable, à certains points de vue, renferme des appréciations erronées et prouve, comme nous l'avons dit, que son auteur n'avait pas bien compris la dévolution de 18 mars et ses conséquences économiques.

Comme nous l'avons fait observer, il avait bien raison d'écrire que toute Révolution qui ne porte pas en soi une idée nouvelle, créatrice, féconde, ou qui ne fait pas surgir aussitôt des hommes capables de la dégager et de la défendre, est condamnée, même après un éclatant triomphe de la force, à avorter misérablement.Ces admirables paroles seront éternellement vraies. Mais leur auteur ne prévoyait pas alors que le dénouement tragique dont il parlait se réaliserait bientôt, et malheureusement il se faisait d'étranges illusions sur la situation, sur les hommes et sur les choses quand il ajoutait : Les Socrates accoucheurs d'idées n'ont pas manqué à la Révolution du 18 mars. Nous voudrions pour tout au monde, nous donnerions notre vie, nous verserions tout notre sang, jusqu'à la dernière goutte, pour que l'auteur de cette affirmation ne se fut pas trompé ; mais hélas ! les événements nous ont prouvé que les hommes capables de dégager et de défendre l'idée nouvelle, créatrice et féconde de la Révolution du 18 mars ont fait défaut, et qu'ils ne

se sont pas trouvés dans les élus du 26, puisqu'après un éclatant triomphe de la force cette révolution a avorté, et que dès aujourd'hui ses auteurs subissent les outrages et les calomnies de l'histoire mensongère, comme les insurgés de juin 1848 ; auxquels, — suivant notre auteur, — il ne manqua pour triompher que de concevoir, même imparfaitement, la question impérieuse et redoutable qu'ils avaient sentie et posée.

Nous ne partageons pas les idées de l'auteur de cette appréciation sur les insurgés de juin 1848. Ces derniers, quoi qu'on en dise, et malgré les vingt ans de calomnie de l'histoire, possédaient, non pas imparfaitement seulement, mais très-clairement et très-complètement, l'idée de l'émancipation sociale pour laquelle ils s'étaient soulevés aux cris : Vivre en travaillant ou mourir en combattant ! Les insurgés de juin 1848, comme leurs frères de mars 1871, se battaient pour l'affranchissement du prolétariat, pour l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme, et ils en avaient conscience. S'ils ont succombé ainsi que les défenseurs de la Commune, ce n'est pas l'idée qui leur a fait défaut, pas plus qu'aux révolutionnaires socialistes de 1871. Non ! c'est parce que dans la lutte sanglante, dans le duel à mort qu'ils avaient engagé contre la vieille société, leurs ennemis organisés d'ancienne date, ayant une machine de guerre toute montée, étaient mieux armés, mieux disciplinés, et possédaient des éléments matériels de succès supérieurs aux leurs. En 1848 comme en 1871, la force a battu le droit momentanément ; mais elle ne l'a pas, elle ne peut pas l'avoir vaincu définitivement.

L'écrivain du Journal Officiel avance encore une chose bien hasardée, bien peu sérieuse quand il dit :

Avouons-le, la tâche était moins lourde aux hommes du 18 mars. Le déplorable malentendu qui, aux journées de juin, arma l'une contre l'autre deux classes, toutes deux intéressées, non également, il est vrai, aux grandes réformes économiques, cette funeste méprise, disons-nous, qui rendit la répression de juin si sanglante, ne pouvait se renouveler.

C'est là une profonde erreur que les événements se sont chargés de démentir d'une manière bien malheureuse et bien cruelle.

Le rédacteur anonyme de l'Officiel fait preuve en outre d'une ignorance bien regrettable de la situation en 1871, et qui prouve qu'il se faisait une idée bien fausse de la cause de la Révolution du 18 mars, quand il ajoute :

Cette fois (en 1871) l'antagonisme n'existait pas de classe à classe ; il n'y avait pas d'autre sujet de lutte que la vieille guerre, toujours recommencée, bientôt finie sans doute, de la liberté contre l'autorité, du droit municipal et civique contre l'absorption et l'arbitraire gouvernemental.

Les terribles événements qui se sont malheureusement accomplis depuis le 22 mai, les massacres des défenseurs de la Commune, leurs arrestations en masse et le projet de transportation de plus de 50 mille d'entre eus ont donné le démenti le plus formel à ce paragraphe, et ont prouvé qu'en 1871, l'antagonisme des classes était bien plus grand encore qu'en 1848, qu'il s'était accru et envenimé par vingt-trois ans de compression politique et d'exploitation économique à outrance.

Bien aveugles étaient ceux qui ne l'avaient pas reconnu et qui, comme le journaliste que nous citons, n'avaient vu dans la Révolution du 18 mars, que la vieille lutte de la liberté contre l'autorité, du droit municipal et civique contre l'absorption et l'arbitraire gouvernemental.

Vouloir réduire la grande revendication sociale des ouvriers parisiens de mars 1871 à un mouvement municipal, c'est faire à ces derniers la plus grossière injure. C'est supposer que les prolétaires de Paris se soulevaient pour conquérir simplement quelques franchises municipales, pour avoir le plaisir et le droit de nommer leurs échevins, pour remplacer Messieurs Haussmann et Ferry par un préfet de la Seine ou des maires de leur choix, pour voter et discuter le budget de la ville, pour surveiller la voirie, l'éclairage public, etc.

Ce n'était certes pas de cela qu'il s'agissait principalement le 18 et le 26 mars, mais bien de l'éternelle revendication sociale des déshérités, qui se poursuit à travers les siècles depuis les Gracques, Spartacus, les Wagres, les Hussites, les paysans compagnons de Hutten, les maillotins, les Jacques, les trades'-unions anglaises, les Hébertistes, les Babouvistes, jusqu'aux insurgés de juin 1848, aux internationaux de 1865, aux révolutionnaires, et à la Commune de mars 1871. Voilà quelle était la véritable filiation et la portée de la Révolution qui a engendré la Commune.

Les bourgeois réactionnaires ne s'étaient pas trompé sur ses tendances et sa portée ; ils l'avaient reconnue et jugée de suite, c'est pourquoi ils lui ont fait une guerre mortelle et d'extermination à outrance, pourquoi ils l'ont noyée dans le sang de ses auteurs.

Dans un autre article les interprètes semi-officiels de la pensée communale avouaient cependant que la révolution qui venait de triompher ne pouvait pas être bornée aux attributions municipales seulement, quelle avait une autre mission à remplir. Ils le reconnaissaient volontiers, mais ils ajournaient à son triomphe définitif, la réalisation de son but politique et économique.

Voici un article comminatoire publié par l'Officiel sur ce sujet :

Certains journaux croient voir dans les premiers actes de la Commune de Paris l'intention de sortir des attributions municipales. Il n'est pas douteux qu'en rendant pour Paris des décrets portant la remise des loyers, l'abolition de la conscription, etc., etc., la Commune est sortie du cercle étroit où la législation antérieure enfermait la liberté municipale. Mais ce serait une illusion étrange et même puérile de penser que la Révolution du 18 mars avait pour but unique d'assurer à Paris une représentation communale élue, mais soumise à la tutelle despotique d'un pouvoir national fortement centralisé. Jamais en France la loi n'a satisfait, ni pour Paris, ni pour les villes, ni pour les villages, les besoins d'indépendance, de libre administration qui sont une condition absolue de vie régulière, de stabilité et de progrès dans un Etat républicain.

C'est, comme on l'a dit dès le premier jour, pour conquérir et assurer dans l'avenir cette indépendance à toutes les communes de France, et aussi à tous les groupes supérieurs, cantons, départements ou provinces, reliés entre eux, pour leurs intérêts généraux, par un pacte alors vraiment national ; c'est pour garantir en même temps et perpétuer la République assise enfin sur sa base fondamentale, que les hommes du 18 mars ont lutté et vaincu.

Quel esprit éclairé et de bonne foi oserait soutenir que Paris a affronté, après les souffrances et les dangers du siège, les conséquences douloureuses, quoique momentanées d'une violente rupture, pour se soumettre de bonne grâce à une loi qu'il n'aurait même pas discutée, à une loi qui ne lui laisserait ni l'administration de sa police, ni la disposition souveraine de ses finances, ni la direction de sa garde nationale ; à une loi qui serait, non pas le gage de sa liberté, mais le sceau même de sa servitude.

En se constituant en Commune, si Paris a renoncé à son omnipotence apparente, identique en fait à sa déchéance, il n'a pas renoncé à son rôle initiateur, il n'a pas abdiqué ce pouvoir moral, cette influence intellectuelle qui a tant de fois, en France et en Europe ; donné la victoire à sa propagande. Paris affranchi, Paris autonome n'en doit pas moins rester le centre du mouvement économique et industriel, le siège de la Banque, des chemins de fer, des grandes institutions nationales, d'où la vie se répandra plus largement à travers les veines du corps social, qui, de leur côté, la lui reporteront plus active et plus intense.

En attendant que le triomphe' définitif de sa cause ait rendu à Paris affranchi le rôle influent, mais non dominateur, que la nature, l'évolution économique et le mouvement des idées lui assurent, la Commune se bornera à défendre dans leur intégrité ses intérêts et ses droits. Qu'il s'agisse d'organisation municipale, de loyers ou d'échéances, elle légiférera pour lui souverainement, parce que ce sont là ses affaires, ses intérêts propres lesquels ne peuvent être légitimement satisfaits que par ceux qui les représentent, et non pas par ceux qui les écrasent ou qui les nient.

La Commune aurait le droit d'agir ainsi en face du pouvoir central qui, réduit à sa fonction, ne serait plus que le gardien et le défenseur des intérêts généraux. A plus forte raison en a-t-elle le devoir en face d'un pouvoir usurpateur, qui ne sait qu'obéir à la raison d'Etat, ne fait appel qu'à la haine sociale, aux lâches terreurs, et, à ceux qui réclamaient un contrat, des garanties, ne parla jamais que de répression et de vengeance

 

Après avoir reconnu que la Commune ne pouvait enfermer son action dans les étroites limites d'une municipalité, l'article que nous venons de citer ajoute que les hommes du 18 mars ont lutté et vaincu pour conquérir et assurer dans l'avenir l'indépendance à toutes les communes de France, et aussi à tous les groupes supérieurs, cantons, départements, ou provinces, reliés entre eux en vue de leurs intérêts généraux par un pacte vraiment national.

Il résulte de ce qui précède que le pouvoir issu du mouvement révolutionnaire du 18 mars conserverait l'ancienne organisation topographique communale, cantonale, d'arrondissement, départementale et provinciale de la France. Il ne s'agirait donc pas d'organiser la Commune sur de nouvelles bases, de former de nouvelles communes en harmonie avec leur rôle, leurs besoins et leur but, mais simplement d'émanciper, d'affranchir, de rendre indépendantes les trente-six mille communes de France, les cantons, les arrondissements et les départements ou les provinces. Voilà selon l'auteur anonyme dont nous avons cité l'article quel était le but de la Révolution du 18 mars.

Nous nous contentons de prendre ici acte de cette déclaration, en nous réservant d'en faire la critique un peu plus loin ; mais avant nous demandons à nos lecteurs la permission de citer encore un autre article publié par l'Officiel sur le programme de la Commune.

Voici ce troisième document :

À l'heure où nous écrivons, le Comité Central aura de droit, sinon de fait, cédé la place à la Commune. Ayant rempli le mandat extraordinaire dont la nécessité l'avait investi, il se réduira de lui-même à la fonction spéciale qui fut sa raison d'être, et qui, contestée violemment par le pouvoir, l'obligeait à lutter, à vaincre, ou à mourir avec la cité dont il était la représentation armée.

Expression de la liberté municipale légitimement, juridiquement insurgée contre l'arbitraire gouvernemental, le comité n'avait d'autre mission que d'empêcher à tout prix qu'on arrachât à Paris le droit primordial qu'il avait triomphalement conquis. Au lendemain du vote, on peut dire que le comité a fait son devoir.

Quant à la Commune élue, son rôle sera tout autre et ses moyens pourront être différents. Avant tout, il faudra définir son mandat, délimiter ses attributions. Ce pouvoir constituant qu'on accorde si large, si indéfini, si confus pour la France à une Assemblée nationale, elle devra l'exercer pour elle-même, c'est-à-dire pour la cité, dont elle n'est que l'expression.

Aussi l'œuvre première de nos élus devra être la discussion et la rédaction de leur charte, de cet acte que nos aïeux du moyen-âge appelaient leur Commune. Ceci fait, il leur faudra aviser au moyen de faire reconnaître et garantir par le pouvoir central, quel qu'il puisse être, ce statut de l'autonomie municipale. Cette partie de leur tâche ne sera pas la moins ardue si le mouvement, localisé à Paris et dans une ou deux grandes villes, permet à l'Assemblée nationale actuelle d'éterniser un mandat que le bon sens et la force des choses limitaient à la conclusion de la paix, et qui déjà se trouve depuis quelque temps accompli.

A une usurpation de pouvoir, la Commune de Paris n'aura pas à répondre en usurpant elle-même. Fédérée avec les communes de France déjà affranchies, elle devra, en son nom et au nom de Lyon, de Marseille et bientôt peut-être de dix grandes villes, étudier les clauses du contrat qui devra les relier à la nation, poser l'ultimatum du traité qu'elles entendent signer.

Quel sera cet ultimatum ? D'abord il est bien entendu qu'il devra contenir la garantie de l'autonomie, de là souveraineté municipale reconquise. En second lieu, il devra assurer le libre jeu des rapports de la Commune avec les représentants de l'unité nationale.

Enfin, il devra imposer à l'Assemblée, si elle accepte de traiter, la promulgation d'une loi électorale telle que la représentation des villes ne soit plus à l'avenir absorbée et comme noyée dans la représentation des campagnes. Tant qu'une loi électorale conçue dans cet esprit n'aura pas été appliquée, l'unité nationale brisée, l'équilibre social rompu ne pourraient pas se rétablir.

A ces conditions, et à ces conditions seulement, la ville insurgée redeviendra la ville capitale. Circulant plus libre à travers la France, son esprit sera bientôt l'esprit même de la nation, esprit d'ordre, de progrès, de justice, c'est-à-dire de révolution.

 

Cet article réclamait donc :

1. Le pouvoir constituant pour la Commune de Paris et les autres communes de France.

2. Une charte communale contenant les droits de Paris.

3. Un contrat fédératif à intervenir entre toutes les communes de France, libres et fédérées.

4. Une loi électorale garantissant la libre représentation des villes, afin que les mandataires de ces dernières ne soient plus absorbés par ceux des campagnes.

5. La fonction de capitale conservée à Paris.

6. L'acceptation par le pouvoir central des propositions contenues dans les cinq paragraphes qui précèdent.

 

Voilà en résumé, selon le dernier article du Journal Officiel, que nous avons cité, quels doit être le programme de la Commune.

Selon nous, réserve faite de la question économique et sociale, il manque une chose à cette déclaration, la principale : l'organisation topographique de la Commune, dont il n'est fait mention dans aucun des articles publiés à l'Officiel.

Que doit être une commune bien organisée, quelle, doit être sa superficie, qu'elles doivent être sa population, ses ressources, etc. ? Voilà la question qu'il aurait fallu poser et résoudre.

La Commune, selon nous, doit être une association de citoyens ayant entre eux des rapports et des intérêts communs, habitant dans un milieu assez peu étendu pour que ces rapports soient fréquents, pour que ces intérêts soient en harmonie, et d'un autre côté il faut que le territoire qu'ils habitent soit cependant assez grand pour qu'il leur offre les ressources nécessaires pour le libre développement de toutes leurs facultés, la satisfaction de tous leurs besoins et la garantie de tous leurs droits.

Hors de ces conditions la Commune ne peut renfermer les éléments nécessaires pour la réalisation du but qu'on attend d'elle.

La division communale actuelle est on ne peut plus défectueuse. Sur les 36 mille communes dont la France se compose il en est de très-grandes, tandis qu'au contraire un grand nombre d'autres sont très-petites ; on chercherait inutilement chez les dernières les éléments nécessaires à la bonne organisation d'une association communale. L'immense majorité d'entre elles comptent à peine quelques centaines d'habitants et n'offrent aucune des ressources nécessaires à l'agriculture, à l'industrie, au commerce, aux arts, aux sciences, etc. Elles n'ont ni vie politique, ni vie sociale, et ne participent presque pas au grand mouvement civilisateur et progressif de notre époque. Elles vivent de la vie végétative, plutôt que de celle du monde moderne. Elles sont restées en dehors des progrès du dix-neuvième siècle.

La division et l'organisation communales actuelles sont les causes principales de la décadence de la France, elles doivent donc être abandonnées. Vouloir conserver, affranchir, et livrer à elles-mêmes les communes actuelles serait dans les circonstances où nous sommes la plus grande des absurdités ; ce serait les abandonner à l'influence prépondérante des prêtres, des nobles et des grands propriétaires ; ce serait livrer leur avenir, celui de la Révolution, de l'affranchissement des prolétaires à leurs plus mortels ennemis ; et certes, ce n'était pas là ce que désirait la Commune de Paris. Elle voulait fonder en France un certain nombre de grandes communes à son image, fortes, puissantes, actives, progressives, pleines de vie et de mouvement, ayant, comme nous l'avons déjà dit, dans leurs territoires, leurs populations, leurs richesses, leurs produits, leur agriculture, leurs mines, leurs industries, leurs sciences, leurs arts, leur commerce, etc., toutes les ressources nécessaires à leur libre développement. Voilà la Commune telle que voulaient la créer les hommes du 18, du 26 mars et du 16 avril.

Toutes les communes ainsi constituées se seraient reliées entre elles, comme nous l'avons vu dans les articles de l'Officiel, par un pacte fédératif, librement discuté et accepté. L'administration centrale ou fédérale, siégeant à Paris tant que cela serait jugé utile, aurait eu pour mission de veiller à la stricte exécution du contrat synallagmatique consenti par toutes les communes fédérées ; de faire respecter les principes généraux de justice supérieure qui sont les bases des droits de l'homme et du citoyen ; de veiller à la bonne administration des grands services publics qui sont d'un intérêt général pour toute la confédération communale, tels que les grands réseaux des chemins, de fer centraux, les postes, les télégraphes et l'administration des affaires extérieures.

Tel est le mode d'organisation communale sur lequel il eut été utile, selon nous, que les interprètes semi-officiels de la Commune se fussent expliqués.

Voyons maintenant cette dernière à l'œuvre, étudions ses actes, ses moyens et son but, et rendons lui, en historien sérieux, la justice qui lui est due.

Dès le 28 mars, jour de son inauguration, elle tint sa première séance à 9 heures du soir, dans la salle des délibérations du conseil municipal à l'Hôtel-de-Ville, sous la présidence du citoyen Beslay, doyen d'âge.

Cinquante-cinq membres environ assistaient à cette séance, dans laquelle ils se sont occupés d'une manière générale de plusieurs propositions relatives au rôle de la Commune, à ses attributions, à ses pouvoirs, mais sans prendre de décision sur ces divers sujets. La discussion n'en a pas moins été intéressante et très-animée.

Une commission a été chargée de faire un rapport sur les élections.

La constitution du bureau et la délimitation des pouvoirs de ce dernier ont aussi été agités.

La séance s'est prolongée jusqu'à minuit et demie, et il a été décidé que la réunion suivante aurait lieu le lendemain à une heure après-midi.

Ce jour-là, 29 mars, la séance de la Commune a été ouverte aux cris de : Vire la République !

Le citoyen Beslay, doyen d'âge, occupait, comme la veille, le fauteuil de la présidence.

Il invita l'assemblée à élire son président. Le citoyen Lefrançais fut nommé.

Les citoyens Rigault et Ferré sont élus secrétaires à l'unanimité ; Bergeret et Duval, assesseurs.

Le président invite l'assemblée à régler la composition du bureau. Il est décidé que deux assesseurs seront nommés ainsi que deux secrétaires.

Les nominations seront hebdomadaires.

Les séances ne seront pas publiques.

Sur la proposition des citoyens Assi, Billoray, Rigault et Henri Fortuné, des secrétaires étrangers pourront être admis. Le citoyen Assi remet au nom du Comité Central les pouvoirs dont ses membres s'étaient trouvés investis par la force des choses et par la volonté de la garde nationale. Il remercie les chefs de la garde nationale du concours dévoué qu'ils ont prêté au Comité. Il remercie également tous les gardes nationaux, les maires et les députés qui ont, par leur attitude, évité l'effusion du sang. . Le citoyen Eudes demande la parole pour prier ses collègues de vouloir bien donner au nouveau conseil municipal le nom de Commune de Paris.

Le citoyen Ranc appuie la proposition. Il faut rompre avec le passé ; le nom de Commune de Paris peut seul indiquer que la grande ville veut ses franchises municipales pleines et entières, en un mot le self-government.

Le nom de Commune est accepté par acclamation.

Le président lit une demande tendant à ce que le conseil de la Commune déclare que les membres du Comité ont agi en bons citoyens et bien mérité de la Commune.

Le citoyen Delescluze appuie la proposition. Les membres du Comité, dit-il, ont bien mérité non-seulement de Paris, mais de la France et de la République universelle. Le citoyen Cournet appuie la proposition, en déclarant que sans l'attitude énergique et calme du Comité, la France serait en proie à la terreur et à la réaction.

Des remercîments sont votés à l'unanimité moins quelques membres du Comité, qui, par convenance, se sont abstenus de voter.

Le président charge les citoyens membres du Comité de transmettre aux membres absents ou non élus les remercîments de la Commune de Paris.

L'assemblée, sur la proposition des citoyens Cournet, Assi, Delescluze, Eudes et Bergeret, décide, pour faciliter l'expédition des affaires et l'examen des projets de décret, de se former en dix commissions.

Chaque commission comprendra les attributions des anciens ministères, moins les cultes, dont le budget est supprimé et qui ressortiront de la Commission de sûreté générale.

Quelques commissions particulières sont en outre instituées pour faire face à de pressants besoins.

Les dix commissions sont :

1. La Commission exécutive. — Cette commission est chargée de faire exécuter les décrets de la Commune et tous les arrêtés des autres commissions. Elle ne doit rien faire sans en avoir référé à la Commune. Cette commission sera établie à l'Hôtel-de-Ville, qui est le siège de la Commune.

2. La Commission militaire qui remplace le Comité de la garde nationale. — Cette commission est chargée de la discipline, de l'armement, de l'habillement et de l'équipement de la garde nationale. Elle est chargée aussi d'élaborer les projets de décrets relatifs à la garde nationale.

L'état-major de la place Vendôme ne relève que d'elle. Elle doit assurer, de concert avec la Commission de sûreté générale, la sécurité de la Commune, et surveiller les agissements de Versailles. Cette' commission remplace le ministère de la guerre.

Les canonnières de la Seine sont sous ses ordres.

3. La Commission des subsistances. — Elle doit veiller à l'approvisionnement de Paris, dresser un état très-détaillé et très-complet de tous les vivres actuellement en magasin.

Elle est chargée d'assurer, par tous les moyens possibles, l'arrivée à Paris des denrées indispensables pour une durée de trois mois au moins.

Elle aura la direction et l'administration des vivres de réserve. Elle sera aussi chargée, si le besoin s'en fait sentir, de délivrer les farines nécessaires à la subsistance des nécessiteux. En attendant une nouvelle loi sur les octrois, cette commission sera chargée de percevoir cet impôt. Elle fera dresser un état des ressources de l'entrepôt des vins.

4. La Commission des finances. — Cette commission est chargée d'établir sur de nouvelles bases le budget de la ville de Paris. Les questions de finances, loyers, échéances, etc., sont de son ressort, ainsi que la Banque de France. Elle est chargée des recouvrements de l'impôt et de l'examen rigoureux de la position financière de la ville de Paris.

Elle est également chargée d'examiner les moyens les plus sûrs et les moins coûteux d'assurer la réussite d'un emprunt, si la nécessité s'en fait sentir.

La commission doit s'occuper également des moyens de dégrever la ville de Paris par une mesure lésant le moins d'intérêts possibles. C'est à la commission des finances que les autres commissions doivent adresser leurs demandes de fonds, qui devront être approuvées et visées par la Commune.

La commission doit assurer, par tous les moyens possibles, la perception prompte et économique de l'impôt. Elle ne doit pas s'arrêter devant la suppression d'emplois ; étant une attribution du ministère des finances, les monts-de-piété dépendent de son service.

5. La Commission de la justice. — Pour l'instant, cette commission est chargée de mettre la justice actuelle à la hauteur des institutions démocratiques et sociales.

Elle doit assurer le cours de la justice jusqu'à ce qu'un décret ait réglementé cette dernière d'une manière définitive.

6. La Commission de sûreté générale, ayant les attributions de la préfecture de police. — Cette commission est chargée de la sécurité et de l'ordre publics. Elle doit veiller, tout en respectant, autant que possible, la liberté individuelle, à ce que la morale soit respectée dans les rues. En un mot, elle est chargée de la police générale. Elle doit veiller à la sûreté de la République, et surveiller les citoyens suspects de toute nature.

7. La Commission du travail, de l'industrie et de l'échange, ayant dans ses attributions une partie des travaux publics et du commerce. — Elle est chargée de la propagation des doctrines socialistes. Elle doit chercher les moyens d'égaliser le travail et le salaire. Elle doit aussi s'occuper de favoriser les industries nationales et parisiennes. Cette commission doit s'occuper également du moyen de développer le commerce international d'échange, tout en attirant à Paris les industries étrangères, de façon à faire de Paris un grand centre de production.

8. La Commission des services publics. — Cette commission est chargée de la surveillance des grands services, postes, télégraphes, voirie. Elle doit veiller à ce que tous ces services fonctionnent régulièrement et économiquement, surveiller les compagnies de chemin de fer. C'est elle qui devra organiser les relations avec les services de province.

Elle devra aussi étudier les moyens de mettre les chemins de fer aux mains des communes de France, sans léser les intérêts des compagnies.

9. La Commission des relations extérieures. — La commission sera chargée d'entretenir avec les communes de France les relations amicales qui doivent amener la fédération. Elle devra contribuer par sa propagande à l'affranchissement du pays.

Elle devra aussi, dès que l'occasion s'en présentera, accréditer des représentants auprès des divers Etats de l'Europe, surtout auprès de la Prusse, quand on connaîtra l'attitude de cette puissance vis-à-vis de la Commune.

10. La Commission de l'enseignement, ayant dans ses attributions l'instruction publique. — La Commission de l'enseignement s'occupera de réformer l'instruction. Elle préparera un projet de décret sur l'instruction gratuite, obligatoire et exclusivement laïque. Le nombre des bourses dans les lycées sera augmenté.

 

Il est ensuite procédé aux élections des divers membres de ces commissions. Voici quels ont été les élus :

1. Au Comité exécutif. — Les citoyens Eudes, Tridon, Vaillant, Lefrançais, Duval, F. Pyat et Bergeret.

2. A la Commission des finances. — Les citoyens Clément (Victor), Varlin, Jourde, Beslay et Régère.

3. A la Commission militaire. — Les citoyens Pindy, Eudes, Bergeret, Duval, Chardon, Flourens et Ranvier.

4. A celle de la justice. — Les citoyens Ranc, Protot, Léo Meillet, Vermorel, Ledroit et Babick.

5. A la sûreté générale. — Les citoyens Raoul Rigault, Ferré, Assi, Oudet, Chalain, Gérardin et Cournet.

6. Aux subsistances. — Les citoyens Dereure, Champy, Ostyn, Jean-Baptiste Clément, Parisel, Emile Clément et H. Fortuné.

7. Au travail et à l'échange. — Les citoyens Malon, Frankel, Theisz, Dupont, Avrial, Loiseau-Pinson, Eug. Gérardin et Puget.

8. Aux relations extérieures. — Les citoyens Paschal Grousset, Ch. Gérardin, Antoine Arnaud, Ranc, Arthur Arnould, Delescluze et Parent.

9. A l'instruction. — Les citoyens Goupil, Ernest Lefèvre, Jules Vallès, Demay, Miot, Blanchet, Robinet, Verdure et Albert Leroy.

10. Aux services publics. — Les citoyens Ostyn, Billoray, J.-B. Clément, Martelet, Mortier et Rastoul.

 

Le citoyen Varlin, délégué aux finances, réclame ensuite l'urgence pour un décret suspendant la vente des objets du Mont-de-Piété, en attendant qu'un décret spécial vienne régir cette institution de la façon la plus avantageuse possible pour les prolétaires.

Ce décret est voté à l'unanimité.

Sur la proposition des citoyens Assi et Varlin, un projet de décret sur les loyers est voté d'urgence. Sur la proposition du citoyen Billoray, un article est ajouté pour les locataires en garni.

Voici ce décret contenant l'amendement du citoyen Billoray :

La Commune de Paris, considérant que le travail, l'industrie et le commerce ont supporté toutes les charges de la guerre, qu'il est juste que la propriété fasse au pays sa part de sacrifices, décrète :

Art. 1. Remise générale est faite aux locataires des termes d'octobre 1870, janvier et avril 1871.

Art. 2. Toutes les sommes payées par les locataires pendant ces neuf mois seront imputables sur les termes à venir.

Art. 3. Il est fait également remise des sommes dues pour les locations en garni.

Art. 4. Tous les baux sont résiliables, à la volonté des locataires, pendant une durée de six mois, à partir du présent décret.

Art. 5. Tous congés donnés seront, sur la demande des locataires, prorogés de trois mois.

LA COMMUNE DE PARIS.

Hôtel-de-Ville, 29 mars 1871

 

Par le décret suivant la Commune a organisé' l'administration municipale des vingt arrondissements de Paris :

La Commune de Paris décrète :

Art. 1. Les membres de la Commune ont la direction administrative de leur arrondissement.

Art. 2. Ils sont invités à s'adjoindre, à leur choix et sous leur responsabilité, une commission pour l'expédition des affaires.

Art. 3. Les membres de la Commune ont seuls qualité pour procéder aux actes de l'état civil.

LA COMMUNE DE PARIS.

 

Sur la proposition du citoyen Beslay, la question du paiement des intérêts hypothécaires est mise à l'ordre du jour.

Après avoir entendu le citoyen Beslay, la Commune, sur la proposition du citoyen Varlin, repousse l'urgence et maintient la question à l'ordre du jour.

Sur la proposition de la Commission militaire et de celle des finances, la conscription est abolie et la garde nationale est déclarée seul force armée régulière, par le décret suivant :

La Commune de Paris décrète :

1. La conscription est abolie ;

2. Aucune force militaire, autre que la garde nationale, ne pourra être créée ou introduite dans Paris ;

3. Tous les citoyens valides font partie de la garde nationale.

LA COMMUNE DE PARIS.

Hôtel-de-Ville, 29 mars 1871.

 

Sur la proposition de 23 de ses membres, l'assemblée déclare la Commune de Paris seul pouvoir régulier ; elle rend ensuite un décret par lequel elle met en accusation les membres du gouvernement et place sous séquestre leurs propriétés situées dans Paris.

Elle décrète ensuite que tous les fonctionnaires qui reconnaîtront le pouvoir de Versailles seront coupables, révoqués de leurs fonctions et pourront être poursuivis.

Par un autre décret elle prononce la suppression du budget des cultes et la reprise des biens de mainmorte.

Le citoyen présidant est chargé de la signature de tous les décrets.

Sur la proposition du président, trois membres sont nommés pour rédiger une adresse au peuple de Paris ; ce sont les citoyens Assi, Eudes et Bergeret. Voici cette adresse :

Commune de Paris.

Citoyens,

Votre Commune est constituée.

Le vote du 26 mars a sanctionné la révolution victorieuse.

Un pouvoir lâchement agresseur vous avait pris à la gorge ; vous avez, dans votre légitime défense, repoussé de vos murs ce gouvernement qui voulait vous déshonorer en vous imposant un roi.

Aujourd'hui, les criminels, que vous n'avez même pas voulu poursuivre, abusent de votre magnanimité pour organiser aux portes même de la cité un foyer de conspiration monarchique. Ils invoquent la guerre civile ; ils mettent en œuvre toutes les corruptions ; ils acceptent toutes les complicités ; ils ont osé mendier jusqu'à l'appui de l'étranger.

Nous en appelons, de ces menées exécrables, au jugement de la France et du monde.

Citoyens,

Vous venez de vous donner des institutions qui défient toutes les tentatives.

Vous êtes maîtres de vos destinées. Forte de votre appui, la représentation que vous venez d'établir va réparer les désastres causés par le pouvoir déchu : l'industrie compromise, le travail suspendu, les transactions commerciales paralysées vont recevoir une impulsion vigoureuse.

Dès aujourd'hui, la décision attendue sur les loyers ;

Demain, celle des échéances ;

Tous les services publics rétablis et simplifiés ;

La garde nationale, désormais seule force armée de la cité, réorganisée sans délai.

Tels seront nos premiers actes.

Les élus du peuple ne lui demandent, pour assurer le triomphe de la République, que de les soutenir de leur confiance.

Quant à eux, ils feront leur devoir.

LA COMMUNE DE PARIS.

Hôtel-de-Ville, 29 mars 1871.

 

La lecture de cette proclamation a été accueillie par de nombreux applaudissements.

L'assemblée régla ensuite l'ordre du jour du lendemain 30 de la manière suivante : Projet de décret sur les échéances ; question hypothécaire ; approvisionnement de Paris ; projet de décret sur la garde nationale et les prêtres.

L'assemblée se réunira le lendemain dans ses commissions.

Séance à trois heures.

La séance dont nous rendons compte est certes la plus remarquable- de toutes celles qui ont été tenues.

La Commune de Paris, en se constituant en dix sections, ainsi que l'explique le compte-rendu de son importante séance du 29 mars, a fait preuve d'un grand esprit pratique, le choix et les attributions de ses dix commissions sont des meilleurs. Au moyen de ces dernières elle comprend dans ses attributions tout le rouage gouvernemental et administratif de la ville de Paris.

Les adversaires de la Commune auraient voulu borner son rôle et circonscrire son action dans le cercle étroit des attributions dérisoires d'un conseil municipal en tutelle ; aussi considéraient-ils les actes accomplis dans sa première séance comme une monstrueuse usurpation de pouvoirs, et protestaient-ils de toutes leurs forces contre la ferme volonté manifestée par la Commune de gouverner et d'administrer Paris, de faire de cette cité une ville libre, indépendante, autonome, tout en lui conservant son influence et ses attributions comme capitale.

Le décret sur les loyers était pour tous les défenseurs de l'ordre une attaque coupable contre la propriété. Ils ne pouvaient trouver de termes assez forts, d'expressions assez énergiques pour manifester leur indignation.

L'assemblée de Versailles, prise d'une sainte colère contre les communistes, qui osaient porter une main coupable sur les droits sacro-saints des propriétaires, mit à l'étude un projet de loi sur les loyers, qui non-seulement ordonnait le paiement intégral de ces derniers, mais encore garantissait aussi les propriétaires contre tous les risques et les dangers des pertes que les éventualités du siège, le bombardement et la suspension des affaires avaient fait courir à leurs prétendus droits.

Le projet de loi dont nous parlons rendait les communes responsables du paiement intégral des loyers dans le cas où les locataires seraient dans l'impossibilité de les acquitter.

Cette petite loi d'amour grevait ainsi la ville de Paris de plusieurs centaines de millions. C'était une ruine de plus pour ses finances, déjà en si mauvais état depuis l'administration de MM. Haussmann et Ferry, et depuis les désastres causés par la siège. Mais peu importait à messieurs les burgraves Versaillais, que Paris soit ruiné, mis en faillite et fasse banqueroute, pourvu que le principe, les droits et tous les privilèges inviolables et sacrés de la propriété soient sauvés.

Entre cette législation propriétaire draconienne et le décret de la Commune il y avait un abîme.

L'ajournement du paiement des intérêts hypothécaires était une autre atteinte non moins grave portée à la propriété, qui faisait frémir d'indignation messieurs du gouvernement de Versailles.

L'abolition de la conscription, dont la conséquence la plus directe était la suppression des armées permanentes dans peu de temps, souleva aussi un long cri d'indignation dans les rangs des modérés de toute nuance.

La suppression prochaine de l'année permanente, produit de la conscription, était un autre sujet de profonde douleur pour tous les privilégiés et tous les exploiteurs. Comment sans armée comprimer le peuple, comment le maintenir sous le joug, perpétuer le despotisme, le prolétariat, la misère et le paupérisme qui font la joie, la félicité et la prospérité des exploiteurs ?

L'armée permanente est la clef de voûte de l'édifice construit en France par la bourgeoisie moderne. Si on aboli la conscription, si on dissous l'armée permanente, il n'y a plus de force capable de maintenir les ouvriers sous le joug, et tous les privilèges bourgeois sont en péril.

La mise en accusation des membres du gouvernement de Versailles, et la mise sous séquestre de leurs propriétés dans Paris, étaient aussi bien faits pour inspirer non-seulement la colère et la réprobation, mais encore la terreur aux membres de l'assemblée de Versailles. La Commune pour eux était l'anté-Christ, l'ennemie jurée de tous leurs droits et de tous leurs privilèges, c'était l'infâme qu'il fallait écraser à tout prix. Séquestrer les biens des Thiers, des Jules Favre, des Jules Simon, des Picard, des Ferry, si rapidement et si peu honorablement conquis, depuis le Quatre-septembre, par les moyens honnêtes et modérés, que chacun connaît, c'était un crime épouvantable.

Mais ce qui dépassait toute abomination, ce qui soulevait surtout contre la Commune les vénérables et catholiques ruraux de la majorité de Versailles, c'était le décret supprimant le budget des cultes et faisant rentrer les biens de mainmorte dans le domaine communal. Aux yeux des pieux fils des Croisés, ce décret était plus qu'un crime contre la propriété, c'était un abominable, un épouvantable sacrilège.

On le voit, dès le début de la Commune, l'abîme qui la séparait de l'assemblée de Versailles avait été creusé plus profond encore, et il fallait renoncer à le combler jamais. Versailles et Paris étaient deux pôles contraires s'excluant réciproquement, deux mondes opposés ; l'un, Versailles ou la majorité de l'Assemblée, représentait la féodalité, le moyen-âge, la vieille société royale et catholique avec tous ses préjugés, tous ses privilèges surannés, anti-révolutionnaires, pour laquelle 1789, 1792, 1830, 1848, 1870, 1871, et tout le dix-neuvième siècle n'avaient pas existé ; l'autre, Paris ou la Commune, personnifiait les aspirations et les espérances des travailleurs-prolétaires vers un monde nouveau, vers une transformation complète de la société ; c'était la négation, la destruction, le renversement absolu des institutions actuelles, l'abolition radicale de toute exploitation. Voilà comment la question était posée depuis la première séance de la Commune.

En disant cela, nous ne voulons pas affirmer que tous ses membres fussent des communistes-révolutionnaires ; non, beaucoup, la plupart, l'immense majorité, n'étaient pas des Communistes. Le plus grand nombre, presque tous, étaient des socialistes-individualistes ; mais les circonstances, le milieu, les besoins, les nécessités absolues du moment étaient tels que tous les membres de la Commune étaient poussés dans la voie des réformes les plus radicales, dont chacune était une attaque violente contre ce que la réaction est convenu d'appeler les grands principes de l'ordre.

La conclusion bien naturelle à tirer de ces études, de ces faits et des phénomènes que nous venons de constater, c'est que toute transaction, toute conciliation, toute synthèse entre les résistances du passé et les besoins du présent sont impossibles, et qu'en France, l'ordre social actuel en est arrivé à un tel degré d'incompatibilité avec les besoins de la situation présente ou ceux de notre époque, qu'il ne peut plus être maintenu que par la force, et que du jour où celle-ci l'abandonne, comme au 18 mars, toutes les institutions religieuses, politiques et économiques sont menacées et vigoureusement attaquées ; elles ne tarderaient pas a être détruites par la force même des choses, quand même la plupart de ceux qui sont chargés de renverser ce vieil ordre social agiraient inconsciemment.

Il était possible cependant, et les faits l'ont prouvé, que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de ceux à qui le hasard des évènements avait confié la mission de conduire la révolution actuelle, celle-ci échoua ; mais ce ne pourra être là qu'un accident de peu de durée ; son triomphe ne sera qu'ajourné ; chaque temps d'arrêt ne fera que la rendre plus nécessaire et plus indispensable.

Mais abandonnons les prévisions d'un avenir inévitable et revenons aux réalités d'un passé de quelques semaines seulement et au présent.

La Commune, dès sa première séance, avait chargé une commission de faire un rapport sur les élections.

Voici ce dernier :

Rapport de la Commission des Elections.

La commission qui a été chargée de la vérification des élections a dû examiner les questions suivantes :

Existe-t-il une incompatibilité entre le mandat de député à l'assemblée de Versailles, et celui de membre de la Commune ?

Considérant que l'assemblée de Versailles, en refusant de reconnaître la Commune élue par le peuple de Paris, mérite par cela même de ne pas être reconnue par cette Commune ;

Que le cumul doit être interdit ;

Qu'il y a du reste impossibilité matérielle à suivre les travaux des deux assemblées ;

La commission pense que les fonctions sont incompatibles.

Les étrangers peuvent-ils être admis à la Commune ?

Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ;

Considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent ;

Que cet usage existe depuis longtemps chez des nations voisines ;

Considérant que le titre de membre de la Commune étant une marque de confiance plus grande encore que le titre de citoyen, comporte implicitement cette dernière qualité ;

La commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Franckel.

Les élections doivent-elles être validées d'après la loi de 1849, exigeant pour les élus le huitième des électeurs inscrits ?

Considérant qu'il a été établi que les élections seraient faites d'après la loi de 1848, la commission est d'avis que le huitième des voix est légalement nécessaire.

Mais, considérant que l'examen des listes électorales de 1871 a fait reconnaître des irrégularités qui sont d'une importance telle qu'elles ne présentent plus aucune certitude sur le véritable chiffre des électeurs inscrits ; les causes qui ont influé sur l'inexactitude des listes sont de différente nature : c'est le plébiscite impérial, pour lequel une augmentation insolite s'est produite ; le plébiscite du 3 novembre, les décès pendant le siège, le chiffre élevé des habitants qui ont abandonné Paris après la capitulation, et d'un autre côté le chiffre considérable pendant le siège des réfugiés à Paris, etc. ;

Considérant qu'il a été matériellement impossible de rectifier à temps toutes les erreurs, et qu'on ne peut s'en rapporter à une base légale aussi évidemment faussée ;

En conséquence, la commission propose de déclarer validées, aussi bien que toutes les élections qui ont obtenu le huitième des voix, les six élections qui resteraient en suspens, en s'en rapportant à la majorité relative des citoyens qui ont rempli leur devoir étroit en allant au scrutin.

Pour la commission :

Le rapporteur,

PARISEL.

 

Les conclusions du rapport de la commission de vérification des élections ont été adoptées par l'assemblée communale avec beaucoup de raison.

L'incompatibilité du mandat de représentant à l'assemblée de Versailles avec celui de membre de la Commune est incontestable. D'autre part la Commune, travaillant pour le triomphe de la République universelle, doit, lorsqu'ils ont été élus, admettre dans son sein les citoyens de toutes les nationalités afin qu'ils puissent combattre avec elle dans ses rangs et pour le même but.

Les raisons données par le rapport au sujet de l'inobservation de la clause qui exige le huitième des votes des électeurs inscrits pour la validation d'une élection sont des plus sérieuses et des plus valables. La Commune a donc agi sagement en validant les élections dont nous venons de parler.

Les citoyens Delescluze, Cournet, Gambon, etc., élus à la fois membres de la Commune et de l'assemblée de Versailles, n'avaient pas attendu la promulgation du décret de la Commune pour donner leur démission de représentants du peuple à l'assemblée de Versailles. Voici la lettre du citoyen Delescluze qualifiant comme il le mérite l'esprit politique qui anime cette assemblée.

Au citoyen présidant l'Assemblée réunie à Versailles,

Citoyen,

Ayant cessé depuis huit jours de prendre part aux délibérations de l'assemblée que vous présidez, où je n'étais resté que pour suivre l'accusation portée contre les dictateurs du Quatre-septembre ; ne voulant d'ailleurs m'associer ni à ses insanités, ni à ses passions, j'ai l'honneur de vous prévenir que je donne ma démission de représentant du peuple pour le département de la Seine.

J'ajoute qu'honoré des suffrages de deux arrondissements de Paris pour la Commune de Paris, j'opte pour cette délégation.

Salut et fraternité.

Signé : DELESCLUZE.

 

Les lettres des citoyens Cournet et Gambon sont tout aussi sévères pour l'Assemblée que celle de leur collègue Delescluze.

Les citoyens Floquet et Lockroy, membres de l'assemblée de Versailles, ont aussi donné leur démission par la lettre suivante :

Monsieur le Président,

Nous avons la conscience d'avoir fait tout ce que nous pouvions pour conjurer la guerre civile, en face des Prussiens encore armés sur notre sol.

Nous jurons devant la nation que nous n'avons aucune responsabilité dans le sang qui coule en ce moment ; mais puisque malgré nos efforts passés, malgré ceux que nous tentions encore pour arriver à une conciliation, la bataille est engagée, et une attaque dirigée sur Paris, nous, représentants de Paris, croyons que notre place n'est plus à Versailles.

Elle est au milieu de nos concitoyens, avec lesquels nous voulons partager, comme pendant le siège prussien, les souffrances et les périls qui leur sont réservés. Nous n'avons plus d'autre devoir que de défendre, comme citoyens, et selon les inspirations de notre conscience, la République menacée. Nous remettons entre les mains de nos électeurs le mandat qu'ils nous avaient confié, et dont nous sommes prêts à leur rendre compte.

Les représentants du peuple présents à Paris,

CH. FLOQUET,

EDOUARD LOCKROY.

 

Cette lettre pleine de dignité et de convenance fait le plus grand honneur à ses auteurs.

Le citoyen Millière, également député à l'assemblée de Versailles, n'a pas non plus voulu siéger plus longtemps dans le sein de cette dernière. Voici en quels termes, pleins d'indignation et de dégoût, il a exprimé à ses électeurs le mépris qu'elle lui inspirait :

Citoyens,

Malgré le profond dégoût que m'inspirent les passions haineuses et violentes de la majorité, j'ai cru de mon devoir de rester dans l'Assemblée nationale tant qu'il m'a semblé possible d'y remplir le mandat que le peuple de Paris m'a conféré, c'est-à-dire tant que je pourrais lutter pour la cause de la justice, et combattre les partis du désordre, coalisés contre la République.

Sans me permettre de juger, et moins encore de blâmer les citoyens qui, par un sentiment consciencieux et désintéressé, comprennent leur devoir d'une autre façon, je pense qu'une démission pure et simple n'est pas le meilleur moyen d'accomplir la tâche imposée à un représentant du peuple.

J'ai été confirmé dans cette opinion par les conseils d'un grand nombre de membres des comités électoraux qui ont proposé ma candidature, et j'ai pu en apprécier la justesse lorsque j'ai vu avec quelle satisfaction nos ennemis ont accueilli la démission de plusieurs des élus du parti républicain.

Mais l'abominable attentat commis par le pouvoir exécutif, le crime que le gouvernement de Versailles consomme en ce moment contre le droit, contre l'humanité, offrent aux représentants de Paris la plus grave occasion de faire un dernier et suprême usage de leur mandat, en réprouvant solennellement une politique dont le but évident est de noyer la République dans le sang du peuple, qui ne connaît d'autres moyens de pacification que la guerre civile, et dont le résultat, s'il était réalisé, serait la perte définitive de la patrie.

C'est dans ces dispositions d'esprit que je voulais me présenter à la séance d'aujourd'hui.

Je me proposais d'interpeller le gouvernement sur l'attaque à main armée qu'il dirige contre Paris, et de démontrer au pays, trompé par les mensonges de M. Thiers, quelle est la véritable situation de la capitale.

Il est bon que la France entière sache que Paris est, non pas en état d'insurrection, mais bien en état de légitime défense ; qu'il n'a jamais fait qu'user pacifiquement de son droit, du droit qui lui appartient au même titre qu'à toutes les autres communes de France ; qu'après l'avoir livré à l'ennemi par la plus infâme des trahisons dont l'histoire ait conservé le souvenir, les misérables qui ont ainsi sacrifié la patrie à leur ambition veulent encore étouffer dans Paris l'esprit de liberté politique et l'indépendance municipale, qui ne leur permettraient pas de jouir impunément du fruit de leurs forfaits ; et que, malgré les outrages, les défis et les provocations, la population parisienne, calme, paisible, unanime, n'avait tenté aucune agression, commis aucune violence, causé, aucun désordre, lorsque le gouvernement l'a fait attaquer par les anciens policiers de l'Empire, organisés en troupes prétoriennes sous le commandement d'ex-sénateurs.

Voilà comment je comprends le devoir d'un représentant du peuple. C'est ainsi que j'aurais accompli mon mandat, si j'avais pu me transporter à Versailles. Du haut de la tribune, j'aurais, à la face du monde, déclaré la majorité réactionnaire et son pouvoir exécutif responsables des nouvelles calamités qu'ils déchaînent sur notre malheureuse patrie, et j'aurais quitté l'Assemblée en secouant la poussière de mes souliers.

MILLIÈRE.

 

Jamais assemblée, que nous sachions, depuis le Parlement Croupion du temps de Cromwell jusqu'à la Chambre des Introuvables de 1816, n'avait été traitée avec un pareil mépris et n'avait inspiré une semblable aversion à quelques-uns de ses membres.

Si un certain nombre de députés de Versailles se retiraient de l'Assemblée par dégoût, plusieurs membres réactionnaires de la Commune donnaient aussi leurs démissions, inspirés par un. sentiment beaucoup moins honorable. Ces derniers s'étaient laissé porter candidats à la Commune afin d'empêcher les nominations de quelques républicains dévoués ; mais ils s'empressaient de se retirer dès les premières séances, les ayant trouvées sans doute beaucoup trop révolutionnaires pour eux.

Voici les noms de la plus grande partie de ces démissionnaires : MM. Desmarest, E. Ferry, Nast, Chéron, Rochart, Tirard, Leroy, Brelay, Adam, Méline, Barré, Robinet, Frimeau, Loiseau, Marmottan, De Bouteiller, Ranc, etc.

Ces messieurs pour la plupart trouvaient que la Commune, en s'occupant d'autre chose que d'administration municipale, commettait une usurpation de pouvoir. Ils oubliaient volontairement que la Commune de Paris n'était pas un conseil municipal, et confondaient astucieusement ces deux institutions pourtant parfaitement distinctes.

Leur retraite donna plus d'homogénéité à la Commune et augmenta ses forces. Elle ne fut donc pas un malheur pour cette dernière.