HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME TROISIÈME

LIVRE VIII. — DEPUIS L’EXPULSION DES ANGLAIS JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VII (1453-1461).

CHAPITRE VI. — Dernières années de Charles VII. Administration intérieure. - Relations extérieures : Aragon, Castille, Rhodes, Allemagne, Liège, Italie. Congrès de Mantoue. Angleterre. Marine. Ambassade des princes d’Orient à Charles VII. - Le roi dans sa vie privée. - Coup d’œil sur l’état des sciences, des lettres et des arts.- Chagrins politiques et domestiques du roi. - Lettre du Dauphin. - Mort de Charles VII. - Résumé général. Conclusion. (1458-1461).

 

 

Un chroniqueur à peu près contemporain peint en ces termes la sécurité que Charles VII avait rendue à ses États, dans les dernières années de son règne :

Ou quel temps paix estoit en tout le royaume de France et en la duchié de Bretaigne. N’estoit question que de se resjouyr et sercher passe-temps honneste ; voire en si grande seureté que on eust porté d’une ville à l’autre un boisseau d’escuz à découvert sans dangier[1].

Cette confiance publique était achetée par le prince au prix d’une sollicitude vigilante et de perpétuelles alarmes[2]. Elle était aussi le fruit de sages mesures que le gouvernement ne cessait de prendre pour assurer la défense, la tranquillité et la prospérité du royaume.

A l’appui des assertions qui précèdent, l’histoire nous a conservé un nombre assez considérable de documents. Tous se rapportent à. l’administration civile et intérieure. Mais ces documents sont généralement fragmentaires et isolés.

Le roi, par lettres données à Tours, en avril 1458, confirma solennellement les privilèges de la Normandie, connus sous le nom de Charte aux Normands. En même temps, il augmenta le nombre des gens de guerre affectés à la garde de cette province. L’impôt s’accrut aussi en conséquence de cette augmentation. Un port militaire fut créé à Honfleur[3].

Des faits analogues se rattachent à d’autres points du territoire. Ainsi, vers le commencement de 1458, Charles VII nomma au poste, alors vacant, de la sénéchaussée de Saintonge. La Rochelle, ce port si important, entretenait constamment des relations maritimes avec l’Espagne. Le roi donna pour successeur, dans cet emploi, à G. Goufier, Henriquez de Castille, déjà gouverneur de Bayonne[4].

Des lettres, signées par le roi le 30 octobre 1459, étendirent les pouvoirs de Poton de Saintrailles. Ce vaillant maréchal fut nommé lieutenant et principal gouverneur de Bordeaux, en l’absence du nouveau duc de Bourbon, qui s’éloignait souvent du siège de son gouvernement. Une indication remarquable, mais très succincte, mentionne, sous la date de 1458, d’acte de prestation de serment de Guillaume Prunelle, de Herbaut, en l’office de bailli de Calais, pour le roi Charles VII[5].

On peut considérer aussi comme offrant un intérêt général diverses ordonnances rendues à cette époque pour maintenir, perfectionner ou réformer la discipline. et la juridiction du Parlement, de la cour des Comptes, des Aides, des Monnaies, de la Prévôté, du Châtelet, de l’Université de Paris, ainsi que du Collège royal de Navarre[6].

A côté de ces édits, une deuxième classe de diplômes, d’une importance particulièrement topique, accordé divers privilèges aux villes ou localités ci-après dénommées et concerne les finances, l’industrie, le commerce ou la navigation. Ces localités sont Paris, Tournay, Lyon, Rouen, Aigues-Mortes, Libourne, Saint-Lô, l’Isle en Périgord, le Puy en Velay, Saint Léonard près Limoges, Béziers, Vernon-sur-Seine, Eu, Mouzon près Sedan[7], etc.

Une dernière partie de ces mêmes documents se compose principalement de donations pieuses ou de bienfaits octroyés par le roi aux églises, abbayes et communautés de Saint-Denis, Chartres, Longchamps, la Trinité près Soissons, Marcoussis, Saint-Antoine d’Amiens, les Célestins de Paris, Saint-Jean de Thouars, Notre-Dame de Loches, l’abbaye de Saint-Martin d’Autun, Marmoutiers de Tours, et l’abbaye de Corbie[8].

Charles VII continuait à chercher dans ses relations extérieures un appui contre l’Angleterre, contre le duc de Bourgogne et’ contré son fils. Depuis les temps de saint Louis, un prince de la maison de Bourbon avait fondé à Naples sa dynastie. Les Génois s’étaient donnés à la France sous Charles VI. Vers ce même temps, le mariage de Louis d’Orléans et de Valentine de Milan se rattachait à une combinaison politiqué tendant à constituer un royaume italien en faveur du prince franc ais. Ces vues furent constamment présentes à l’esprit de Charles VII. Elles servirent de programme à sa politique étrangère dans le midi de l’Europe[9].

Les actes que nous allons exposer offrent, principalement en ce qui concerne l’Italie, un intérêt d’histoire générale qu’il serait superflu de signaler à nos lecteurs. Là est la tête et l’introduction de tous les événements, de tous les faits moraux, si importants, qui marquèrent, à la fin du quinzième siècle et à l’époque de la Renaissance, leu relations de la France avec la Péninsule italique.

Alfonse d’Aragon étant mort le 28 juin 1458, Jean II, roi de Navarre et d’Aragon, lui succéda sur ce dernier trône. La reine Marie d’Anjou envoya Jean Tudert en Aragon pour y réclamer sa part d’héritage. Charles VII renouvela ses alliances avec Jean II et s’assura, par le traité qui intervint, un secours d’hommes et de chevaux, pour le servir en cas de guerre. Ces rapports amiables se maintinrent entre la France et l’Aragon jusqu’à la mort de Charles VII. Il en fut de même à l’égard de la Castille. En 1461, lorsque le roi de France touchait à sa fin, les ambassadeurs de Jean IV négociaient le mariage d’Isabelle, sœur de ce prince, avec Charles, duc de Berry, fils puîné de Charles VII[10].

Jean de Champdenier, commandeur de Rhodes, Thierry de Lenoncourt, bailli de Vitry, et autres ambassadeurs de Charles VII, se rendirent, les uns à Vienne en Autriche, et les autres chez les divers princes, archevêques ou électeurs de l’Allemagne. Le principal but de ces légations fut de revendiquer le Luxembourg et de contrecarrer dans ces pays l’influence de Philippe le Bon. En 1459, Charles VII se mit en rapport avec Guillaume, duc de Saxe. Par acte passé à Tours le 20 mars de cette année, Guillaume et Anne son épouse vendirent au roi, moyennant 50.000 écus d’or, les droits qu’ils pouvaient avoir sur le duché de Luxembourg. La même année, Charles VII contracta de pareils liens avec le palatin de Bavière et autres puissances rhénanes. L’État de Liège se composait d’une population fort zélée pour son indépendance, et qui portait impatiemment la- domination, à la fois temporelle et spirituelle, de ses princes-évêques. Ces derniers étaient presque toujours des créatures placées sous le protectorat de la maison de Bourgogne. Charles VII rechercha l’amitié de cette communauté démocratique. Un nouveau conflit s’étant élevé entre les Liégeois et leur évêque, où prétendant à l’épiscopat, Charles VII intervint comme arbitre. Par lettres du 17 avril 1459, le roi de France prit sous sa main, ou sauvegarde, les maîtres et jurés de la cité de Liège, ainsi que des autres, cités du pays liégeois et du comté de Looz[11].

Gênes et l’Italie furent le principal théâtre où se de battirent les intérêts extérieurs du roi de France. A la mort d’Alfonse V, roi de Naples, Calixte III s’adjugea comme suzerain ce royaume (qui était un grand fief du saint-siège), attendu qu’Alfonse ne laissait point d’héritier légitime. En ce moment, Gênes venait à nouveau de reconnaître l’autorité de Charles VII. Des relations amicales unissaient ce prince au souverain pontife. Mais Calixte III mourut le 6 août 1458, et Pie II lui succéda. L’avènement de ce pape fut le signal d’un changement complet et défavorable pour la France[12].

Enée Piccolomini s’était activement mêlé à son siècle, dans la première période de sa vie. Il avait soutenu chaleureusement, à l’époque du schisme, l’autorité des conciles et la pragmatique française. Mais lorsqu’à son tour il fut assis sur le trône, encore si élevé, des successeurs de saint Pierre, les intérêts publics lui apparurent sous un autre aspect, et le père commun des fidèles sentit que de nouveaux devoirs s’imposaient à sa conscience. Pie II répudia donc, par une contradiction flagrante, mais probablement pure et sincère, les doctrines qu’avait émises Enée Piccolomini, secrétaire de l’empereur ou du concile de Bâle. Entouré de difficultés graves et critiques, Pie II voulut ressaisir sur les princes et sur la société chrétienne un ascendant qui, déjà depuis le temps des Innocent III et des Alexandre IV, avait progressivement décliné entre les mains de la papauté[13].

Pie II, exclusivement préoccupé des intérêts de la foi et de sa propre couronne, adjura de nouveau les princes occidentaux de se croiser contre le Turc. Le pape s’émut impatiemment de la tiédeur que témoignaient les potentats, des préoccupations qui les retenaient enlacés, et comme sourds à son appel. Philippe de Bourgogne sut exploiter habilement cette situation. Il s’acquit les bonnes grâces du saint-père, en manifestant une ardeur plus apparente encore que réelle. La politique essentiellement temporelle et positive de Charles VII irrita contre ce roi le bouillant et éloquent pontife,

Pie II commença par accueillir don Ferdinand, bâtard d’Alfonse d’Aragon, et lui donna l’investiture de Naples[14]. Charles VII rencontra dans les cabinets de tous les princes italiens l’opposition, plus ou moins déguisée, du pape, à sa propre influence et à ses desseins. Pie II, par une encyclique, adressée au roi de France le 24 octobre 1458, imita les puissances d’Europe à un congrès solennel. Cette assemblée se tint à Mantoue l’année suivante, sous lg présidence du pape. Dès le mois d’avril 1459, le duc de Bourgogne s’empressa d’y envoyer une pompeuse ambassade. Les représentants du grand duc de l’Occident y furent reçus avec des honneurs et une distinction inusités. Le pape se concerta spontanément avec l’empereur à l’effet d’ériger en royaume les États de Bourgogne[15].

Instruit, par ces avertissements non équivoques, des sentiments que lui portait le saint-père, et de l’accueil réservé à ses ambassadeurs, Charles VII agit avec moins de bâte. Jean de Jambes, seigneur de Montsoreau, fut envoyé à Venise pour s’assurer l’appui de cette grande et florissante république. J. de Jambes dit adieu au doge le 7 novembre 1459. Il vint alors à Mantoue, et se réunit à la légation française. Celle-ci avait attendu le départ des Bourguignons pour prendre part à l’assemblée diplomatique, ouverte au mois d’août précédent. Ce congrès demeura, malgré l’activité, le zèle et le talent de Pie II, à peu près stérile[16].

Dans le même temps, Pie II suscitait à Gênes, contre les Français, la faction des Campo-Fregoso, qui réussit à soulever les citoyens. Jean de Lorraine, fils de René d’Anjou et capitaine du roi de France à Gênes, fit voile pour Naples et dirigea ses armes contre Ferdinand. Charles VII, par lettres données à Tours le 5 juin 1400, alloua sur les aides de Languedoil, à son beau-frère René d’Anjou 55.000 livres pour recouvrer le royaume de Sicile. De leur côté, les ducs d’Orléans, de Bretagne et d’Angoulême s’efforçaient, avec l’approbation du roi de France, de faire valoir les droits que Valentine avait transmis à ses héritiers sur le duché de Milan. Ils envoyèrent à cet effet des ambassadeurs au duc de Modène, au marquis de i~1ontferrat et à la seigneurie de Venise, pour les liguer contre Francesco Sforza, le célèbre condottiere, usurpateur du domaine des Visconti. Jean d’Anjou ne réussit point devant Naples. Le 9 mars 1461, sous prétexte d’une levée d’impôt, les Génois s’insurgèrent contre l’autorité française, qui fut obligée de se retirer. Charles VII aussitôt réunit des troupes. Il équipa en même temps une flotte (provençale), dont le commandement fut confié à René d’Anjou. Mais le malheureux prince éprouva un nouvel échec sous les murs de cette place. Complètement battu par les Génois, René d’Anjou se rembarqua sans aucun succès, le 17 juillet 1461[17].

La pragmatique sanction, œuvre de Charles VII et l’une des grandes institutions de l’a monarchie française, était très chères son auteur. Pie II s’éleva sans ménagement et sans mesure contre cette loi célèbre et ne lui épargna point les anathèmes. Le roi de France déploya une constante énergie pour la soutenir. Divers incidents secondaires, tels que la nomination d’un prélat bourguignon à l’évêché de Tournay, et autres épisodes, contribuèrent à jeter dans les rapports du roi de France et du souverain pontife, une aigreur et une mésintelligence chaque jour plus marquées[18].

La conduite politique du roi de France, dans cette période extrême de sa vie, à l’égard de l’Angleterre, est très digne de remarque. Sans dénier à Charles VII sa part de souverain, on peut dire que la main de P. de Brezé, sa haute intelligence et son noble caractère, sont particulièrement empreints dans la direction de ces affaires. La changeante destinée accordait à Charles VII, triomphant, une éclatante revanche contre ces anciens ennemis de la France ! Une guerre atroce, absolument comparable à celle des Armagnacs et des Bourguignons, déchirait l’Angleterre. Charles VII vit successivement la Rose rouge et la Rose blanche, humiliées à ses pieds. Tour à tour, le duc d’York et l’infortunée Marguerite d’Anjou, épuisés, par une lutte meurtrière, vinrent déférer au roi de France l’arbitrage de leur querelle ou implorer auprès de lui sa protection et un refuge[19].

Accepter les offres rivales et spontanées des deux factions ; attiser leur mutuelle animosité, les précipiter l’une contre -l’autre et profiter de leur commun désastre tel était le programme que, plus tard, devait suivre ou se proposer Louis XI, avec une opportunité moins favorable. Charles VII et Pierre de Brezé en agirent autrement. La foi jurée, les liens du sang désignaient au roi de France, en la personne de Marguerite ou de son époux Henri VI ; le côté du droit et la cause légitime. Charles, VII ; dans ses communications diplomatiques, se prononça invariablement en faveur de sa nièce et du prince à qui elle avait consacré son héroïque existence. Le parti du duc d’York et ses offres furent invariablement repoussés[20].

Cependant les alternatives de la guerre des deux Roses ne permettaient pas à la France de se considérer comme étant à l’abri des coups de l’Angleterre. Les actes d’hostilité se renouvelèrent d’une manière intermittente, entre les deux royaumes. Ces actes eurent principalement pour théâtre le détroit maritime qui sépare les côtes britannique et française. En 1457, l’expédition de Sandwich avait suffi pour donner satisfaction à notre orgueil patriotique et national. Le gouvernement de Charles VII se montra loyal et mesuré, là où il aurait pu se laisser entraîner par les caresses et l’enivrement de la fortune[21]. Parmi les épisodes et les documents auxquels il vient d’être fait allusion, l’un des côtés les plus instructifs et les plus intéressants, nous parait être celui qui se rapporte à l’histoire de la marine. L’Angleterre, ainsi que la France, ne possédait point encore, à cette époque, de forcés navales à un degré respectable. Le système mercenaire que Charles VII avait réformé pour l’armée continentale, dominait encore sur la mer, chez l’une et chez l’autre puissance. L’exemple de J. Cœur cependant ne demeura point tout à fait stérile. Il semble avoir inspiré notamment au grand sénéchal de Normandie le désir de l’imiter, ainsi qu’il convenait à un homme d’État, et d’un tel mérite. On a vu que René d’Anjou avait, en 1454, un capitaine général de ses galères. En 1464, ce prince, envoyé contre les Génois, portait, sur ses propres navires, le titre de capitaine général pour le roide France. Dans le même temps, une armée de mer se disposait à mettre à la voile pour franchir le pas de Calais et secourir Marguerite. P. de Brézé fut désigné pour le commandement de cette nouvelle expédition maritime[22].

Charles VII compta parmi ses grands officiers jusqu’à quatre maréchaux de France coexistants ; bien que le cadre normal de cette haute dignité ne comportât que deux titulaires simultanés. Mais la monarchie n’avait eu jusqu’alors qu’un seul amiral. Choisi, comme les maréchaux, parmi les capitaines ou chevaliers des milices de terre, l’amiral, à proprement parler, était un simple maréchal des frontières maritimes. La marine, marchande ou non marchande, ainsi que le commerce, ne ressortissaient point, comme de nos jours, à l’un des grands services gouvernementaux ou administratifs. Il n’existait point de flotte royale, et nous avons vu en Guyenne la marine de guerre commandée par un fonctionnaire civil. Charles VII n’eut point même l’idée de créer sur mer une seconde armée, nationale et permanente, comme l’armée continentale. L’état social de l’Europe, à cette époque, ou mieux du droit des gens et l’état naval des puissances, expliquent cette anomalie ; mais ils ne la justifient pas. La marine marchande et la marine militaire, sous Charles VII, naquirent pour ainsi dire d’elles-mêmes, enfantées par les nécessités de la guerre et du commerce[23].

Il ne leur manqua, pour devenir un service public et le complément de la sécurité nationale, que la sollicitude particulière et la volonté du roi. Plusieurs documents, non seulement inédits, mais, si je ne me trompe, à peu près inconnus jusqu’à ce jour, attestent que Jacques Cœur trouva aussi en Languedoc des imitateurs. Il nous est resté, à l’état de protocoles, six diplômes, adressés par Charles VII : au soudan de Babylone, aux rois de Tunis, de Caramanie, de Bougie, de Fez et d’Oran. Ces actes précieux paraissent avoir été édictés vers 1455. On y trouve mentionnés Etienne Sallelet et Pierre de Vaux, négociants de Montpellier. Ces deux associés possédaient entre autres la galère Notre-Dame et Saint-Jacques, qui précédemment, avait été la propriété de l’illustre argentier. En 1459, deux galères françaises abordèrent à Venise. Chargées de sucre, graine et autres denrées, elles venaient d’Aigues-Mortes, après avoir touché terre en Sicile[24].

Au mois de mai 1461, Charles VII reçut une ambassade envoyée par les divers princes chrétiens de l’Orient, ou adversaires du Grand Turc. Les noms et qualités de ces ambassadeurs sont rapportés comme il suit par le chroniqueur Jacques du Clercq. Le premier, dit-il, était frère Louis de Boulogne, de l’ordre des Cordeliers, patriarche grec d’Antioche ; le second, un chevalier nommé Michel, qui venait de par l’empereur de Trébizonde. Le troisième, appelé maître Nicole, représentait le roi de Perse ; le quatrième, également chevalier, maître Chastonidès, ambassadeur du roi de Géorgie et de Mésopotamie ; le cinquième nommé Mahon, estoit ung ambassadeur du petit Turc, lequel disoit que si les chrétiens vouloient aider son seigneur le petit Turc contre le grand Turc, icelui petit Turc seroit avec les chrestiens et les serviroit à tout (avec) cinquante mille hommes... ... ung chevalier nommé Mammart... pour le roy d’Arménie... 8° ung aultre chevalier nommé messire Hanse, ambassadeur du Prestre-Jehan (État d’Asie), quy estoit merveilleusement grand clercq et bon astrologien[25].

Cette ambassade avait été suscitée par le pape Pie II. Après avoir obtenu l’audience de Charles VII, elle se rendit auprès de Philippe le Bon, pour lui exposer les mêmes créances[26].

Le roi de France touchait à l’heure fixée par la Providence comme terme de sa carrière. Dans les pages trop peu nombreuses qu’il nous reste à remplir, nous voudrions achever de retracer, par quelques derniers de linéaments nécessaires, la figure historique de Charles VII. Le moment est venu de reprendre l’analyse de ce personnage : de peindre en lui l’homme privé, l’homme moral le prince du quinzième siècle, et de montrer finalement la place qui lui appartient dans les fastes de notre pays.

Tous les biographes ou historiens ont observé combien les femmes avaient exercé d’ascendant sur Charles VII et quel rôle important elles jouèrent, les unes en bien, les autres en mal, dans la carrière de ce prince. Cette conséquence historique se rattache à un trait spécial d’organisation ou de complexion, propre à Charles VII. On n’aura pas manqué de remarquer à ce sujet l’espèce de dispense particulière que ses complaisants, ou contemporains, lui octroyèrent, par rapport aux communes obligations de la morale[27].

Charles VII eut de Marie d’Anjou treize enfants légitimes : quatre filles naquirent de sa liaison avec Agnès Sorel. C’est surtout après la mort d’Agnès Sorel que le roi se livra sans retenue à son penchant pour la vie galante et voluptueuse. Antoinette de Maignelais succéda, comme on sait, à la dame de Beauté. Mais la situation morale qu’elle inaugura, n’a pour ainsi dire rien de commun avec la phase précédente. Antoinette procura elle-même au roi les nouvelles maîtresses qu’il lui plut quotidiennement de convoiter. Elle appela d’abord à cet emploi ses plus proches alliées. Antoinette, en effet, n’avait pour Charles VII que l’amour vénal d’une courtisane ; et, pour exploiter une telle situation, elle trouva dans ses parentes ou protégées, non pas des rivales, mais des auxiliaires et des subalternes. Jeanne et Marguerite de Villequier, Jeanne de Maignelais, Jeanne et Marguerite Bradefer, Jeanne de Rosny, Colette de Vaux, dame de Châteaubrun, et beaucoup d’autres, furent par les soins d’Antoinette, placées comme damoiselles d’honneur de la reine, ou mariées à des chambellans munis de places lucratives, pour servir aux plaisirs du roi[28].

Mais bientôt ce personnel fut insuffisant. Antoinette alors mit en coupe réglée, pour subvenir à ce besoin, la jeunesse féminine et les beautés du royaume. J. du Clercq a raconté la touchante histoire d’une jeune fille qu’Antoinette vit à Arras et voulut recruter. Elle s’appelait Blanche de Rebreuve, née de gens riches mais avares ; laquelle Blanche, au partir de l’hostel de son père, plouroit moult fort et dit qu’elle aimeroit mieux demourer avec ses parents et manger du pain et boire de l’eau. Elle avait été gouvernante[29] ou régente dans la maison de Genlis et portait cette dénomination. A madame la régente, succéda la fille d’un pâtissier qu’on appela madame des Chaperons, pour ce que entre toutes autres femmes, c’estoit celle qui mieux s’habilloit d’un chaperon. Enfin, dans ses dernières années, Charles VII emmenait avec lui un véritable gynécée, qui le suivait partout et logeait à proximité de sa résidence[30].

Charles VII, en même temps, avait auprès de lui, à quelque distance, la reine, et sa famille légitime. Indépendamment de ses fils et filles ; le roi comptait parmi ses commensaux, les princesses d’Écosse ainsi que le prince de Piémont, mari d’Yolande et père du prince Charles, filleul de Charles VII. Le rai semble avoir concilié son genre de vie avec une grande débonnaireté dans son intérieur et une tendre, sollicitude pour tous les siens. Grâce à l’affabilité de son caractère et à la complaisance des intéressés, la paix et l’union la plus douce paraissent avoir constamment fait le charme de sa vie domestique[31].

La reine elle-même, surtout après qu’elle eut donné un second fils à la monarchie, porta, dans ces matières, l’abnégation jusqu’à un désintéressement absolu. Charles d’Anjou, comte du Maine, beau-frère du roi, ne prit jamais dans l’État, de position active et importante. Mais il secondait le roi pour tous les actes et tous les plaisirs de son existence privée. En 1458, le roi légitima sa fille naturelle Marie de Valois et la maria en sa présence à Olivier de Coëtivy, sénéchal de Saintonge. La reine se joignit volontiers à cette fête. Elle donna pour époux, de son côté, à l’une de ses dames, Jean Soreau, frère d’Agnès Sorel. Le reste des courtisans, à plus forte raison, condescendait, avec un zèle constant et universel, aux goûts et à la conduite du maître[32].

G. Châtelain nous a laissé de Charles VII un portrait peint avec une frappante vérité. Il avait, dit-il, trois défauts souverains, que Georges appelle : muableté (inconstance), diffidence (méfiance), et envie. Mais il lui reconnaît, par compensation, des qualités remarquables. La plus grande fut, chez ce prince, l’art de discerner et d’employer les hommes. Il distribuait son temps d’une manière méthodique et fructueuse. Charles VII avait une grande estime pour les médecins, la médecine, et pour les professions qui s’y rattachent. Il fut constamment entouré de physiciens, de chirurgiens, d’apothicaires et d’astrologues. Il avait aussi un nombreux cortége d’aumôniers, confesseurs, chapelains, chantres et clercs de toutes facultés. L’appareil du culte et die la chapelle constituait, dans sa maison, comme chez la plupart des princes de son temps, une partie notable de son luxe intérieur. Le Trésor des chartes et le recueil de ses ordonnancés révèlent à l’investigateur du passé la longue série de ses donations et fondations pieuses[33].

Charles VII, nous dit encore Châtelain, avoit merveilleuse industrie, vive et fresche mémoire, estoit historien grant, beau raconteur, bon latiniste, et bien sage (savant) en conseil. Louis de Bourbon, comte de Vendôme, revint mourir en France, le 21 décembre 1446, après une longue expérience de la vie et des événements. Lequel estant à sa fin à Tours, le roy mesme l’alla visiter, là où il demeura grant espace, soy informant de moult de choses passées. Bernard du Rosier, ainsi que plusieurs autres docteurs ou auteurs, lui dédièrent leurs ouvrages. Le roi de Fiance accueillit avec libéralité les savants réfugiés de Constantinople. Thomas le Grec figure parmi ses médecins. Le 19 janvier 1458, Gregorios Tiphernas ouvrit en l’Université de Paris le premier cours classique de la langue des Hellènes ; et l’on peut signaler ce fait, dans l’ordre didactique, comme le point de départ de la renaissance littéraire[34].

Gutenberg venait d’inventer la typographie, qui ouvre, intellectuellement, l’ère de l’histoire moderne. Il ne dépendit point de Charles VII que la France s’associât immédiatement à la propagation de l’art nouveau. L’armorial manuscrit de Gilles Le Bouvier, offert à Charles VII, contient une suite d’estampes imprimées en France et portant un texte français ; monument considérable et encore peu connu de la xylographie. Nous savons enfin que ce prince envoya, dès 1458, à Mayence, Nicolas Janson, en le chargeant de s’enquérir de l’imprimerie typographique, qui venait de naître, et de lui rapporter le résultat de cette mission[35].

Pour ce qui touche aux sciences, aux lettres et aux arts, le règne agité de Charles VII n’est point une de ces époques brillantes et fécondes qui attirent et qui charment tout d’abord les regards de l’observateur. Le quinzième siècle, surtout avant son déclin (1403-1461), est une époque de transition, et marque la fin d’une phase précédente. Cette phase précédente remonte, bien visiblement, dans les arts, à la période qui suit immédiatement le règne de saint Louis. A partir de cet apogée, le sentiment qui caractérise et qui animait antérieurement le moyen âge, décroît pas à pas et périt. L’art ne crée plus ; il enchérit ; il brode et raffine, sur les thèmes ou les formules inventés. Il tombe ainsi dans la recherche, l’afféterie, la puérilité[36].

La langue, au quinzième siècle, dépouille les derniers traits, les dernières règles qu’elle avait reçus, du onzième au treizième siècle, en succédant au latin. L’idiome a perdu sa beauté juvénile, avec la pureté de ses formes ; mais il est devenu adulte, plus fort et plus puissant. Le français, au quinzième siècle, revêt ses contours définitifs et modernes[37]. Il s’étend de plus en plus, avec l’instruction littéraire ; et, par les transcriptions et traductions, il augmente le trésor des bibliothèques. Ces observations s’appliquent aux arts, ainsi qu’à la littérature. Ajoutons maintenant qu’il n’y a pas de mort absolue dans les faits moraux de l’histoire, non plus que dans ceux de la nature. Toute fin est un commencement. L’intéressant résultat promis au futur historien de l’art du quinzième siècle sera de montrer que la Renaissance date déjà, par des œuvres notables et encore peu connues, du règne de Charles VII ; et qu’elle ne date pas seulement des règnes de Charles VIII et de Louis XII, comme on l’enseigne généralement.

Pour apprécier d’une manière quelque peu moins vague les œuvres du quinzième siècle, il convient d’établir une première division. Nous distinguerons 1° ce qui appartient à la France proprement dite et 2° ce qui appartient aux États de Bourgogne. Parmi les écrivains ou littérateurs bourguignons, le premier rang est occupé par Georges Chastellain, auteur boursouflé, d’une exagération plus affectée encore qu’involontaire. Là chronique de Chastellain, sans parler de ses autres productions, constitue un ample monument clans lequel se trouve une série de tableaux peints par un moralistes et de main de maître. Nous devons nommer aussi Monstrelet, qui précéda Chastellain dans la carrière ; Olivier de La Marche, Lefèvre de Saint-Remy, dit Toison d’or. Vient ensuite une pléiade, encore brillante, de chroniqueurs secondaires, tels que Jacques du Clercq, Escouchy et un grand nombre d’anonymes. Les poètes sont Martin Le franc, Pierre Michaut, le même Chastellain, Pierre Bouton, Regnier de Guerchy, etc.

La chronique, comme genre, est le triomphe de la Bourgognes Sous le rapport de la l’orme et du talent littéraire, la France n’a pas d’émule suffisant qu’elle puisse opposer, a Chastellain. Les chroniques des deux Cousinot, du héraut Berry ; au-dessous d’elles, celle de Jean Chartier, contiennent, les trois premières surtout, des annales judicieuses et sensées, des récits clairs et des faits intéressants. Mais elles n’offrent point de narrations et de peinturas comparables à celles que nous devons aux compatriotes de Froissart et aux héritiers de sa -plume. Pour les poètes et les conteurs, en revanche, la supériorité nous semble appartenir à la France. Comme prosateur, Antoine de La Salle mérite à nos yeux une attention toute spéciale. C’est l’écrivain le plus vif, le plus original et le plus français de son siècle. Villon et Charles d’Orléans sont deux vrais poètes, bien que le goût et le talent diffèrent, chez l’un et l’autre, jusqu’au contraste : Nous avons apprécié Robert Blondel et Alpin Chartier. Une grande renommée, toute de vogue, et aujourd’hui bien éteinte, fut celle de Jean Meschinot, poète ou rimeur breton, l’auteur des Lunettes des princes. Nommons encore Jacques Milet, Arnoul et Simon Gréban, Pierre et Jeannette de Nesson, Christine de Pisan, Marie de Clèves, duchesse d’Orléans.

Dans le domaine des arts : architecture, sculpture, peinture, musique, la distinction qui précède ne suffit plus. Il faut y ajouter une troisième catégorie. Nous distinguerons donc, pour les arts, trois grandes écoles. La première, afin de suivre le même ordre, sera celle de Bourgogne ou des Flandres ; la deuxième, celle de la France proprement dite nous croyons devoir donner à la troisième le nom de René d’Anjou. Les Van Eyck et leurs élèves dominent le premier groupe. Au milieu du second, se remarque sans pair et à une hauteur incomparable, Jean Fouquet. Ce n’est pas comme auteur ou comme artiste que René mérité à nos yeux le rang que nous lui assignons, irais comme amateur ou promoteur éclairé des arts. Due d’Anjou, de Lorraine, comte de Provence, et enfin roi de Naples, René fit peindre, sculpter et bâtir dans ces divers pays. Il mit par là en communication les deux autres écoles et celles d’Italie. La France doit à René d’Anjou une branche spéciale et intéressante de l’art. Nous voulons parler des médailles franco4taliennes ; dont nous admirons quelques spécimens si remarquables. L’art de la tapisserie parait de même avoir été un attribut propre à la Bourgogne. Pour la musique, Okegham, Flamand de naissance, appartient toutefois à la France. Jean Okegham fut successivement, et à côté de Fouquet, maître de la chapelle royale à Tours, sous Charles VII et Louis XI[38].

Les dernières années de Charles VII furent abreuvées d’amertume. Un mal moral, inéluctable, parvint jusqu’à son cœur à travers ses gardes ; à travers ses courtisans, qui l’entouraient avec un soin non moins jaloux que ses satellites. Ce mal fut la véritable cause qui le fit mourir avant le terme assigné par les lois de la nature.

Le roi avait pour ennemi son propre fils, le Dauphin. Charles VII, jeune, fut déshérité par son père. Nous avons essayé de peindre, au commencement de cette histoire, l’étrange situation faite au principe même de la monarchie héréditaire par un monarque qui n’était ni mort, ni déposé, mais fou.

Un sujet de méditations analogue nous est offert en étudiant la figure historique du prince Louis.

Lorsque le premier-né du roi s’enfuit du Dauphiné, il eut, dit-on, pour complices de son évasion, ceux-là même que le roi avait chargés de lui fermer toute issue. Philippe le Bon, se montrant sourd aux sommations du père et du souverain, continue de donner asile au fils rebelle. Obligés de choisir entre le roi qui vieillissait et le jeune roi du lendemain, les meilleurs amis de Charles VII, les plus fidèles et les plus dévoués, hésitaient. Ils hésitèrent de plus en plus. A chaque ride qui paraissait au front de Charles VII, au fur et à mesure que ses cheveux blanchissaient, il perdait de jour en jour un serviteur, un dévouement, puis un autre, et livrait, pour ainsi dire, autant de transfuges à son futur successeur[39].

Plus d’une fois, cédant à l’irritation, le roi donna ordre d’assembler des troupes et de marcher sur les États de Bourgogne. Philippe arma de son côté. Le roi temporisait. Charles VII, à plusieurs reprises, voulut aussi déshériter Louis et transmettre la couronne à Charles, son second fils. Des négociations, dirigées en ce sens, furent ouvertes auprès du saint-siège. Mais le roi recula devant la perspective assurée d’une nouvelle praguerie. A l’époque où les ambassadeurs de Ladislas arrivaient à Tours, le roi était tombé malade. Cette nouvelle, portée en Brabant, y réjouit fort le Dauphin, et la petite cour de Geneppe ou de Bruxelles. Les astrologues bourguignons furent mis en mouvement et pronostiquèrent la mort prochaine du roi Charles. Cependant Charles VII se rétablit et conféra de riches dons à ses médecins. Trois années s’écoulèrent encore pendant lesquelles Louis, Dauphin, multiplia les piéges autour du roi, séduisant les villes, subornant les domestiques de son père ; sachant, de loin, resserrer, chaque jour, les mailles d’un réseau dans lequel il investissait le roi et la couronne. Des négociations infinies et vaines se prolongèrent entre le duc uni au Dauphin et le monarque[40].

Cependant le roi déclinait. L’âge et les infirmités, malgré les soins très attentifs qu’il prenait de sa personne ; ne lui épargnaient pas leurs atteintes. Arthur II, connétable de Richemont et duc de Bretagne, étant mort le 26 décembre 1458, François II, son neveu, lui succéda : Ce jeune prince était né en 1438. Le 28 février 1459 ; François II vint à Montbason faire hommage au roi de France. Il est hors de doute que, dès cette époque, François II devint l’amant d’Antoinette de Maignelais, s’il ne l’était pas antérieurement. Antoinette avait reçu du roi le manoir de la Guerche, en Touraine. Des libéralités qu’elle tenait de François II, elle acquit la terre de Chollet, sise en Anjou, sur les confins de la Bretagne. A Bourges, à Tours, à la Guerche, à Chollet, Antoinette était toujours la reine des fêtes, des banquets, des tournois, qui se célébraient en son honneur. François II assistait fréquemment à ces solennités, la plupart du temps, en présence du roi. Le 13 janvier 1461, Antoinette, devenue baillistre ou tutrice de ses enfants mi-peurs, dut renouveler pour sa terre de la Guerche le devoir de l’hommage. Cette cérémonie s’accomplit, par ordre du roi de France, en la personne de M. le duc de Bretagne. Or, on sait quel rapprochement la cérémonie de l’hommage établissait entre ceux qui en remplissaient les formalités[41].

Peu de temps après la date de cet épisode, Louis, Dauphin, écrivit de Geneppe à Antoinette une lettre confidentielle. Dans cette dépêche, artificieux mélange de faux et de vrai, le Dauphin eut soin de compromettre à la fois la maîtresse de son père, la quelle dame aymoit le Daulphin, et tenoit son party occultement, et le comte de Dammartin, qui, pour l’heure et par intérêt, était dévoué à la cause de Charles VII. Un cordelier devait remettre à destination ce message. Mais le porteur, peut-être initié lui-même à cette intrigue, ne put parler à la dicte damoiselle. La lettre, interceptée par le comte du Maine, fut mise sous les yeux du roi. Cette pièce était entièrement autographe ; et, pour ajouter à l’effet qu’elle devait produire, le prince, contrairement à l’usage constant et quotidien, n’avait employé ; pour l’écrire, ni le contreseing, ni la coopération quelconque d’un secrétaire[42].

Charles VII tomba pleinement dans le piège mortel qui lui était ainsi tendu. Plusieurs causes, physiques et morales, contribuèrent à ébranler l’âme de ce prince. Ce fut en ce moment qu’eut lieu l’insuccès final de ses lieutenants sous les murs de Gênes, Vers les premiers jours de juillet, le roi habitait son château de Mehun-sur-Yèvre et soutirait d’une dent qu’il fallut extraire. Ses médecins et chirurgiens lui donnèrent les soins convenables. Mais une grave fluxion et un abcès se déclarèrent dans la bouche et la gorge Charles VII, à la lecture de la dépêche interceptée, fut saisi d’une profonde tristesse. Il se vit entouré de traîtres, même parmi les créatures qu’il nourrissait autour de lui et qu’il avait comblées !... Eperdu, désespéré, il s’en plat d’abord à ses familiers. Adam Fumée, l’un de ses médecins, à qui, naguère, il avait prodigué de nouvelles faveurs, fut jeté en prison par ses ordres. L’un de ses chirurgiens prévint le sort qui le menaçait ; il s’enfuit dans le voisinage du Dauphin, à Valenciennes, ville de refuge et privilégiée. Le comte de Dammartin fut momentanément disgracié. Le roi, enfin, dès le 15 juillet, frappé de cette idée, que son fils voulait le faire empoisonner, refusa de prendre aucune espèce de nourriture[43].

Vainement ses confidents les plus intimes renouvelèrent leurs supplications pour le presser de rompre cette fatale abstinence. Vainement son propre fils, Charles, duc de Berry, son enfant de prédilection, lui offrit-il de goûter le premier les aliments qu’on lui présentait. Le roi résista et s’affaiblit de plus en plus. Ses serviteurs l’abandonnèrent l’un après l’autre. Le 17 juillet, Charles d’Anjou et le chancelier de France se résolurent à envoyer un message au Dauphin, pour lui mander la gravité de la situation et prendre ses ordres[44].

Des processions eurent lieu à Bourges et à Paris, pour implorer du ciel son retour à la santé. Le 21 juillet, ou le lendemain de grand matin, le roi consentit à ce qu’on lui servit un coulis. Et sur ce point, ayant une cuillier d’argent pour cuider prendre dudit coulix, n’en put avaller pour ce que ses conduyts estoient tout retraitz[45].

Le 22 juillet au matin, le roi demanda quel jour il estoit ; on lui répondit : Sire, le jour de la Magdelaine. — Ha, dist le roy, je loue mon Dieu et le remercie de ce qu’il luy plaist que le plus grant pécheur du monde meurt le jour de la pécheresse !Je vous prie, dit-il encore au comte de Dammartin, que, de ce que vous pourrez, vous serviez, après ma mort, le petit seigneur, mon fils. Le roi appela ensuite son confesseur, reçut les sacrements, et prescrivit qu’on l’inhumât près de son père, à Saint-Denis. Puis il expira entre midi et une heure de relevée. La reine même, la pieuse Marie d’Anjou, que les ordres du maître tenaient, depuis longtemps, quelque peu éloignée de la demeure royale, la reine résidait à Chinon et ne recueillit pas les derniers soupirs de son époux[46].

En racontant la mort de Henri V, roi d’Angleterre, nous avons rapporté, d’après G. Chastellain, l’étrange conversation que ce prince eut, peu de temps avant sa mort, avec un ermite. On sait que des communications s’établirent à cette époque entre cet ermite et le roi Charles VII, au début de son règne. Suivant le même auteur, ce message divin aurait eu une suite auprès du roi de France triomphant. Lorsque Charles VII eut reconquis son royaume, et surmonté toutes les difficultés dont il s’était vu entouré, Dieu lui renvoya arrière son saint message. L’envoyé demanda compte au roi de l’usage qu’il avait fait des faveurs célestes. A son tour, il lui reprocha de n’avoir pas mis à profit ces faveurs ; conformément à la volonté divine ; ce qui était la condition de cet octroi. Il le blâma d’avoir méconnu l’appel du saint-père, l’exhortant à s’armer contre les infidèles ; de s’être enivré d’une vaine gloire, et de s’abandonner à la mollesse ; ainsi qu’aux plaisirs des sens. Ce messager luy pria qu’il presist à cœur le divin maud et qu’il se hastât... Et avant s’en ala et laissa le roy... Lequel persévéra en son ancien ploy et manière de vivre... dont, avant la fin de l’an, cheut en estrange maladie ; et, tout de son gré, se laissa mourir de faim[47].

Pour fonder ce récit, le chroniqueur bourguignon s’appuie sur le propre témoignage de la reine, qui vivait en effet au milieu des pratiques de dévotion et des personnages de piété. Les derniers traits de cette narration paraissent très exactement s’adapter à Louis de Boulogne, religieux mineur franciscain de l’Observance. Chef de l’ambassade envoyée auprès de. Charles VII, il n’en obtint pas le succès qu’il se proposait. Philippe le Bon, consulté ensuite, et bien que l’envoyé lui promit ou lui offrît le royaume de Jérusalem, ne rendit au patriarche qu’une réponse conditionnelle et subordonnée à l’autorité du roi, son suzerain. Puis Louis de Boulogne retourna auprès du roi de France. Mais, dans l’intervalle, ce prince était mort, conformément au récit de Chastellain, et les ambassadeurs de l’Orient assistèrent à ses obsèques[48].

Lorsque Charles VII mourut, la somme totale ou produit des tailles, c’est-à-dire des contributions publiques, s’élevait, pour tout le royaume, à 1.200.000 livres, ainsi qu’il -fut authentiquement constaté devant les états généraux en 1484. Le roi, d’après le témoignage de Henri Baude, laissa une épargne de 250.000 écus, destinée au rachat des villes de la Somme ou terres de Picardie, engagées au duc de Bourgogne par le traité d’Arras[49].

Charles VII, considéré comme homme privé, paya autant et plus qu’aucun prince, peut-être, son tribut à l’humanité ! Il fut, ainsi que tous les mortels, un composé de bien et de mal. Peut-être, dans la balance d’un juge sévère, ses défauts et ses torts l’emporteront-ils sur ses bonnes actions et ses louables qualités. Observé sous ce rapport, il ne restera de lui qu’une assez médiocre figure. Mais, quels que soient les droits de la morale, l’homme privé, dans un prince, disparaît jusqu’à un certain point derrière l’homme public. La face royale est celle que la critique doit principalement envisager. Placé de cette manière, le personnage que nous avons devant nous inspire déjà plus d’estime ; et la postérité peut, en ce sens, adhérer au témoignage que portaient sur Charles VII quelques-uns de ses contemporains ; témoignage suivant lequel sa vertu estoit trop plus grande sans comparaison, que son vice[50].

L’homme et ses actions passent ; les œuvres d’un roi, ses institutions restent. La grande perspective de l’histoire exige même que, perdant de. vue le compte personnel du bien et du mal en ce qui concerne l’acteur couronné du drame, négligeant le détail des circonstances et des .intentions, l’historien juge et apprécie surtout les résultats d’un règne. Ainsi considéré, le règne, et mieux l’époque de Charles VII n’est dépourvue ni d’importance, ni même d’éclat et de grandeur. Charles VII, en montant sur le trône, trouva son domaine réduit à quelques provinces, et ces derniers débris furent sur le point de lui échapper. Il reconquit tout ce qu’un siècle de guerres et de désastres avait fait perdre à ses prédécesseurs. Il ajouta plusieurs provinces à la couronne ; il poursuivit jusqu’aux lignes naturelles du .Rhin et des Pyrénées la configuration, ou tes délinéaments politiques et historiques de la France. Charles VII ne donna pas seulement à ce pays la surface territoriale, mais son œuvre eut pour effet de lui communiquer aussi cette cohésion qui fait la vie des États.

La France, avant Charles VII, n’avait été qu’un royaume. Après lui, ou plutôt après Jeanne Darc, elle fut une nation.

Le tiers état, durant cette période, accomplit une des étapes les plus rapides et les plus considérables de son avènement. Instruit par la nécessité, éclairé par l’intérêt de sa cause, Charles VII écarta de sa main royale l’incapacité héréditaire de l’aristocratie, qui, jusque sur les marches du trône, encombrait les avenues du pouvoir. Le même prince ouvrit une large voie aux hommes habiles et généreux, dans quelque rang que les eût placés le hasard de la naissance. Il commença, il sut entamer avec honneur, contre la féodalité, la guerre légitime que Louis XI et Richelieu poursuivirent, l’un,au mépris de toute bonne foi, et l’autre en foulant aux pieds toute humanité. Il créa l’armée nationale. Ses règlements administratifs, judiciaires et financiers, reçurent de l’expérience et du temps la consécration qui s’attache aux œuvres durables. Ses actes, comme législateur, le placent (à l’autre extrémité du moyen âge et sur le seuil de l’ère moderne) à la hauteur et à la suite de Philippe le Bel et de Louis IX.

Tel nous apparaît, en résumé, le règne de Charles VII. L’enquête étendue et laborieuse à laquelle nous nous sommes livré dans ce long ouvragé, a eu pour objet de justifier cette appréciation ; et de mettre en lumière le spectacle des faits sur lesquels elle est fondée.

 

FIN DE L’OUVRAGE

 

 

 



[1] J. Bouchet, Annales d’Aquitaine, in-fol gothique, 1524, 4e partie, f° xxxviij v°. J. Du Clercq, p. 175, porte exactement le même témoignage.

[2] A Thomas Thibault, ayant la charge par le roy nostre sire, en la ville de Bayonne, de certain nombre de gens de guerre à pié, la somme de 60 liv. tourn., que le roy N. S. lui a ordonné pour ses paine, sallaire et vacation, d’avoir amené de la dite ville de Bayonne, luy cinquiesme, ung malfaiteur nommé Pierre Acart, ou Mallesenulles (?), aux Roches-Tranchelion (résidence du roi, du 17 au 26 avril 1460), devers ledit seigneur, lequel l’envoya au lieu de S.-Espain (près Chinon) devers le sr d’Esternay (Jean le Boursier), pour le examiner ; et pour ce, que ledit Mallesenulles ne vouloit aucunes choses confesser, fut envoyé par led. Thibault en la ville de Pont-Audemer, pour ilec faire son procès ; ou quel lieu, sa confession oye, il fut exécuté par justice. (Ms. Gaignières 567, f° 51.)

[3] Ms. 500 Colbert, vol. 16, f° 8. Ordonnances, t. XIV, p. 462, 466. Ms. Moreau, n° 253, f° 102. Ms. Gaignières 649,5, f° 1, 3 et 5. Travaux à Honfleur : Ms. Gaignères, 649,5, pièce n° 48. Cabinet historique, 1860, p. 31. Ms. Gaignères, 567, f° 49. Normandie : Basin, t. IV, p. 223. Ordonnances, t. XIV, p. 464, 476.

[4] P. P. 118, f° 55. Ms. Gaignières 771, f° 131. Guet, garde, armement, discipline des gens d’armes : Ms. fr. 5909, il xjxxixv. D. Housseau, n° 3969. K. 69, n° 36,2. Ordonnances, t. XIV, f° 508. Ms. Fontanieu 123-4, au 5 juin 1461. Réparations militaires et urbaines à Pontoise : Ms. Gaignières 649,5, f° 29.

[5] Cabinet des titres et Biographie Didot : Saintrailles. D. Vaissète, t. V, p. 12. P. P. 118, f° 55. Cf. Lefebvre, Histoire de Calais, t. II, p. 173, 175.

[6] Ordonnances, t. XIV, p. 447 à 507 ; t. XIX, p. 598. Ms. Dupuy 761, f° 32. Du Boulai, t. V, p. 642, 673, 855 et suiv. Lannoy, Historia regii Navarræ colleg., t. I, p. 165 et suiv. Quicherat, Histoire de Sainte-Barbe, 1860, in-8°, t. I, p. 9. Félibien, Hist. de Paris, t. III ; Preuves, p. 703 a.

[7] Ordonnances, t. XIV, p. 450 à 516 ; t. XV, p. 19, 536 ; 603. Ms. latin nouv. acq., n° 2019, Cartæ variæ, pièce n° 77. Ms. fr. 5490. J. 177, n° 15. Ms. Brienne 258, f° 83. Ms. fr. 5909, f° ijcxlvj v°, R. 950, n° 42. D. Vaissète, t. V. P. 21. Montfalcon, Histoire monumentale de la ville de Lyon, p. 282. Pietro, Histoire d’Aigues-Mortes, p. 183. États de Montpellier, déc. 1438 ; voyez Cabinet historique, 1861, p. 274. Primes pour tuer les loups en Champagne : Ms. Fontanieu 123, au 6 octobre 1460.

[8] Ordonnances, t. XIV, p. 478 à 491 ; t. XV, p. 459 ; t. XVI, p. 38. K. 69, n° 29, 31. J. J. 194, acte 141. Ms. Baluze 77, f° 367. Cabinet historique, 1859, p. 100. Gall. christ., t, VIII, Instrum., col. 402. Bulliot, Essai sur l’abbaye de Saint-Martin, Autun, 1849, in-8°, p. 273.

[9] Projet d’un royaume italien pour Louis d’Orléans, quatorzième siècle : J. 495. Gustiniani, Annali. di Genova, 1537, in-4°.

[10] K. K. 51, f° 41 v°. Anselme, t. II, p. 375. Godefroy, Charles VII, p. 474. Ms. Duchesne 107, f° 395 v°. Chastellain, t. III, p. 50. Ms. 5900, f° xjxxxiv v°. Ms. Dupuy 760, f° 94. Ms. latin 6024, pièce 119, f° 120 à 132. Ms. Fontanieu 124, au 13 février 1461. Duclos, Pièces, 1746, in-12, p. 249. Portugal : Ms. fr. 2899, f° 80 v°. Ms. Legrand 6967, f° 286.

[11] Ms. résidu S.-G. n° 943, f° 963. Bazin-Quicherat, t. I, p. 295 ; t. IV, p. 349 et suiv. Tenzel, Historiæ gothanæ supplem., Iéna, 1701, in-4°, p.676. Ludewig, Reliquiæ, etc., 1731, in-8°, t. IX, p. 708 et suiv., 720 et suiv. Ms. Dupuy n° 766, f° 156. Amplissima collectio, t. IV, p. 1238, 1240 et suiv. Ms. Gaignières 567, f° 50. J. J. 190, f° 26, acte 49. Ordonnances, t. XI V, p. 492. Ed. Garnier, Louis de Bourbon, évêque de Liège, etc. Paris, 1860, in-8° : Les Liégeois avaient promis au roi, par un traité, de lui livrer son fils exilé, Louis, Dauphin, p. 29.

[12] Ms. fr. 5909, f° viijxxiv. Ms. Dupuy 760, f° 63 et suiv. Çurita, Anales de Aragon, t. IV, f~s 45, 49 et suiv. Spicileg., t. IV, p. 805. Raynaldi, Annales ecclesiastici, t. XXIX, p. 149 et suiv. Reale archivio de Turin, section politique, Archives de Gênes ; Mazzo 2e, n° 22, 24, 28 ; vues à Turin en octobre 1864. Bosio, Istoria di S. Giovanni, t. III, p. 258. Ms. Legrand 6967, f° 73. J. 498, n° 34. Ms. Brienne, t. XXVI, fus 89 et suiv. Du Mont, t. III, partie I, p. 245 et suiv. J. Chartier, t. III, p. 111. Descrizione di Genova, 1846, in-4°, t. III, p. 213 et suiv.

[13] Histoire littéraire de la France, t. XXIV, p. 2 et suiv. Discours de M. V. Le Clerc sur l’état des lettres, etc. : papauté.

[14] Et disoit-on que le bastard avoit donné grande somme d’argent au dit pape Pius. J. Du Clercq, p. 122.

[15] Ann. eccles., p. 153 à 167. Eneæ Sylvii Opera omnia, Bâle, 1551, in-fol. ; epistolæ : n° 386, f° 361. Desjardins, Négociations de la France avec Florence, t. I, p. 82 à 89. Rymer, Fœdera, t. V, partie II, p. 83. J. Du Clercq, p. 130, 134 et suiv. Escouchy, t. II, p. 376 et suivi D. Plancher, t. IV, p. 298 et suiv. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 210 et suiv. Lettenhove, Histoire de Flandres, t. IV, p. 34 et suiv.

[16] Pii Commentarii, p. 85 et suiv. Annales, p. 180 à 216. Çurita, p. 72 et suiv. Carton des rois, K. 69, n° 56 ; inventaire de M. Jules Tardif, n° 2432. Bibliothèque de l’École des chartes, t. III, p. 183 et suiv. Ms. latin 5414, A. Ms. Dupuy 551, n° 363 ; n° 760, f° 68 à 84. Ms. S.-G. latin, n° 938 ; Ms. Fontanieu 125. Ms. Gaignières 567, f° 49. Armoires Baluze, t. XI, p. 48 à 89. Spicileg., t. III, p. 806 à 822. Correspondance littéraire, 1859, p. 464, note 2.

[17] Ann. eccles., p. 214, 245 et suiv., 264 et suiv. Ms. Legrand 6963, f° 43 ; 6964, pièce 59 ; 6967, f° 148. Ms. Dupuy 760, f° 68. Ms. 500 Colbert, vol. 64, p. 912. Rymer, p. 92. Ordonnances, t. XV, p. 438. Desjardins, p. 96. René-Quatrebarbes, t. I, p. 135 et suiv. Ms. Fontanieu 124 : juillet 1460. Basin-Quicherat, t. I, p. 307 et suiv. ; t. IV, p. 561 et suiv. Discorde entre Amédée, duc de Savoie, le prince de Piémont et le duc de Bourbon, 1459-1460. Intervention du roi : Monumenta patriæ, in-fol., Scriptores, t. III, Chronica Sabaudiæ, col. 624. Ms. Fontanieu 124, au 10 mai 1460. Archives de Gènes (à Turin) ; Descrizione ; Giustiniani, f° ccxj, etc. ; cités.

[18] Ann. eccles., p. 218, 237. Eneæ Opera, p. 845. D. Plancher, p. 501 : Ms. Brienne 155, f° 214. Hist. de l’Église gallicane, t. XXI, p. 32 et suiv.

[19] Ms. Gaignières 567, f° 50. Cabinet historique, 1862, p. 55, n° 6. Mémoires de la Société des archéologues de Touraine, 1859, t. XI, p. 320. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 358 et suiv. Basin, t. I, p. 296. La Roque, Histoire de la maison d’Harcourt, t. I, p. 455. Armoires Baluze, t. XVII, f° 11. Ms. résidu S.-G. 145, f° 215. Ms. Fontanieu 125, au 11 avril 1459. Duclos, Pièces, p. 242 à 248.

[20] J. Du Clercq, p. 121 à 131. Basin, t. I, p. 296 et suiv. ; t. IV, p. 357 et suiv. Ms. Legrand-6967, P 165. J. Chartier, t. III, p. 421 et suiv. Bourdigné, t. II, p. 212. Biographie Didot, article Marguerite d’Anjou. Rapports du duc de Bourgogne avec l’Angleterre : Delpit, Documents anglais, p : 266. Rymer, Fœdera, 1741, t. V, partie II, p. 80 à 83, 102, 103.

[21] Lefèvre, Histoire de Calais, t. II, p. 174 à 178. Fabyan, p. 465. Rymer, p. 82. Du Clercq, p. 125. Cabinet des titres. Ricarville, au 15 octobre 1459. Archives de Bourbon, inventaire Luillier, liasse 11, n° 591, 593.

[22] Duclos, Pièces, p. 246. Ch. de Beaurepaire, Notes sur six voyages de Louis XI à Rouen, Rouen, 1857, in-8°, p. 11, 37.

Occupation de Jersey, etc., par le grand sénéchal de Normandie, P. de Brezé.

Marguerite d'Anjou, pour reconnaître les services dévoués que lui rendit Pierre de Brezé, céda, par un acte d'autorité souveraine, au grand sénéchal de Normandie, les îles de Jersey, Guernesey, Alderney (ou Aurigny) et Serk, pour en jouir, lui et sa postérité, à jamais, sans relever de la couronne d'Angleterre. P. de Brezé prit possession du château de Montorgueil, qui commandait militairement tout le groupe de l'archipel normand, et occupa une partie de Jersey. Mais il ne put s'y maintenir ; et ces îles redevinrent complètement anglaises, lorsque Édouard IV triompha définitivement (1471) de son compétiteur. Nous avons cru devoir consigner ici ce fait notable. Toutefois l'insuffisance et l'inconsistance des témoignages anglais ou autres, que nous avons pu réunir sur ce point, ne nous permettent pas de déterminer avec précision si cette donation fut faite par Marguerite à Brezé sous le règne de Charles VII (1460-1461 ?) ou sous le règne de Louis XI, en 1462. Voyez Histoire détaillée des îles de Jersey, etc., traduite par Lerouge, 1757, in-12, p. 22 et suiv. Cæsaræ, Londres, 1840, in-8°, p. 35 et suiv. Voir aussi, Mélanges Champollion, dans la Collection des documents inédits, in-4°, t. II, p. 449 et suiv., trois pièces intéressantes, publiées par M. J. Quicherat.

[23] Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, chapitres des maréchaux et amiraux.

[24] Isambert, Anciennes lois françaises, t. IX, p. 291, 308. P. Clément, Jacques Cœur, t. II, p. 153, 276. Germain, Commerce de Montpellier, t. II, p. 370. Bibliothèque de l’École des chartes, t. III, p. 192. Vallet de Viriville, Archives de l’Aube, p. 83 ; Ms. VII de la préfecture, f° 124 et suiv. Ms. fr. 5909, f° ijclij. — Il y a dans ce dernier manuscrit, à la suite des actes précédents, un groupe de quatre autres pièces, qui paraissent contemporaines entre elles et dont l’intérêt ne le cède pas à celui des documents ci-dessus mentionnés. Ces quatre pièces sont des formules de lettres de créance données par le roi Charles. La première est adressée au roi de Naples Ferdinand Ier, qui commença de régner en 1458 ; la seconde, au comte Mathelan (Diomède Carafa, comte de Madaloni), surintendant du commerce et des finances de Ferdinand ; Diomède mourut vers 1486. La troisième était destinée au vice-roy de Sécille, et la quatrième au grand maistre de Roddes (anonymes) ; et le tout sans date. Voici le début commun de ces quatre pièces : ...Nous avons été adverty par nostre amé et féal conseiller, tel, nostre grant patron et cappitaine de nos galéaces de France, maistre de nostre hostel, etc. Le roi fait allusion aux précédents voyages de sa flotte marchande aux échelles du Levant et annonce qu’il a l’intention de rendre ces tournées périodiques et annuelles. Ces actes me paraissent émaner, non pas de Charles VII, mais de Charles VIII dans les trois premières années de son règne.

[25] L’auteur des Annales ecclestastici rapporte in extenso les lettres de créance octroyées à Louis de Bologne, chargé de conduire l’ambassade orientale aux princes européens. On y trouvera les noms des potentats et des ambassadeurs, libellés en latin, avec des variantes et additions propres à servir d’éclaircissement sur ce point (p. 280). Voir, sur ces puissances, la Géographie et le livre de blason, l’une et l’autre inédits, que nous a laissés le héraut Berry : Biographie Didot, article Le Bouvier.

[26] J. du Clercq, p. 972. Pii Commentarii, p. 127 et suiv. Ejusdem Opera omnia, p. 848. Annal. ecclesiast., p. 280, 282. D. Plancher, t. IV, p. 300.

[27] Cf. Pii Commentarii, p. 163.

[28] Les généalogistes de la maison royale n’ont pas connu et n’ont pas fait connaître d’une manière irréprochable la postérité directe et légitime de Charles VII. En voici le tableau résumé, aussi exact que nous avons pu le faire, d’après les matériaux que nous avons réunis :

1° Louis XI, né 3 juillet 1423 ; † 30 août 1483 ;

2° Radegonde, née vers 1425 ; † 19 mars 1445 ;

3° Jean, né et † vers 1426 ;

4° Catherine, née vers 1428, comtesse de Charolais ; † 1446 ;

5° Jeanne, née vers 1430, duchesse de Bourbon ; † 3 mai 1482 ;

6° Jacques, né 1432 ; † 2 mars 1438 ;

7° Yolande, née 23 novembre 1434, duchesse de Savoie ; † 29 août 1478 ;

8° Philippe, né 4 février 1436 ; † 2 juin suivant ;

9° Marguerite, née 1437 ; † 24 juillet 1438 ;

10° Marie, née jumelle avec Jeanne, 7 septembre 1438 ; † 14 février 1439 ;

11° Jeanne, née avec Marie ; † 26 novembre 1446 ;

12° Madeleine, née 1443, princesse de Viane ; † 1486 ;

13° Charles, duc de Berry, de Guyenne et de Normandie, né 28 décembre 1446 ; † 12 mai 1472.

— Plaisirs du roi : registre 51, à chaque page ; et autres documents cités.

[29] Cet office domestique est rempli de nos jours par des personnes que nous appelons femmes de charge.

[30] Chastellain, Œuvres, t. IV, p. 367. J. du Clercq, p. 90, 95, 175. Vallet de Viriville, Agnès Sorel, p. 36. On pourrait accroître singulièrement la liste nominale des personnes qui, par des considérations de galanterie plus ou moins intéressée, reçurent des bienfaits de Charles VII. Nous nous bornerons ici à ces indications anonymes : Bibliothèque de l’École des chartes, t. VIII, p. 139. Cabinet des titres, dossier Gamaches, au 26 mai 1447. Compte d’Etienne Petit, 1450 (appartient à M. Mayor). Michelet, Histoire de France, t. V, p. 374. K. K. 51, passim. Etc., etc.

[31] Le Dauphin demeure en dehors de ce tableau.

[32] Banquet de Bois-Sire-Amé, dans Taillevent, à la fin. Legrand d’Auxy, loc. cit., p 273 et suiv. Chronica Sabaudiæ, citée, col. 623. Ms. Fontanieu 125, aux 5 mai 1457 et 4 février 1458. Moniteur du 5 octobre 1854, feuilleton. J. J. 187, acte 342, f° 186. Anselme : Sureau. Ms. Résidu S.-G. 142, f° 56. A frère Jehan Rousseau, cordelier, 4 l. 2 s. t., pour le restituer de semblable somme qu’il avoit prestée le 1er jour de mai 1455, pour bailler aux filles joyeuses suivant la cour qui vinrent devant Madame la royne demander le mai. K. K. 55, Argenterie de la reine, f° 16. Etrennes offertes par la reine à Mme de Villequier en une fontaine d’or : 95 livres, etc. Ibid., f° 140.

[33] Chastellain, Œuvres, t. II, p. 182 et suiv. H. Baude, dans Jean Chartier, t. II, p. 127. Basin, t. I, p. 51,2 et suiv. Ms. s. fr. 1399 et les volumes suivants : comptes de l’hôtel. K. K. Reg. 519. Ms. Gaignères 567, f° 50. Ms. fr. 7487. Du Boulai, t. V, p. 869. J. 463, n° 62 à 103. Ordonnances, t. XIV et suiv.

[34] Chastellain, t. II, p. 175, 184. Ms. latin 6020. Anselme, grande édition, t. II, p. 117. K. K. 51 ; f° 12-2. Ms. fr. 10371, f° 35 et suiv. Michelet, Hist. de France, t. V, p. 303, note 1. Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XI, p. 370. Du Boulai, t. V, p. 621. Crevier, Université de Paris, t. IV, p. 243.

[35] Haultin, Figures des monnaies, Ms. de l’Arsenal, M. F. 467, f° 52 A. Bernard, Origine de l’imprimerie, Paris, 1853, in-8°, t. II, p. 273 et suiv. Les neuf Preux, gravure sur bois, etc., par M. Van der Stratten-Ponthoz, Pau, 1864, in-8°, p. 27. Bulletin de la Société des Antiquaires de France, séance du 3 juin 1863, etc. Biographie Didot, au mot Le Bouvier (Gilles). Fac-similé (Pilinski), n° 515, de l’Ecole des chartes. Charles VII amplifie la bibliothèque de Saint-Victor, à Paris (où Faust vint mourir en vendant ses livres imprimés). Gallia christiana, t. VII, col. 685-686.

[36] Voir le Discours sur l’état des arts au quatorzième siècle, par M. Ernest Renan, dans le tome XXIV, p. 603 et suiv., de l’Histoire littéraire. L’idée que je conçois de l’art an quinzième siècle s’adapte parfaitement avec l’appréciation qu’a retracée de son coté l’illustre académicien.

[37] Littré, Histoire de la langue française, 1863, in-8° ; Introduction, p. xlix.

[38] Architecture, sculpture, etc. — Sur ce chapitre important, État des sciences, etc., nous nous bornons ici à une esquisse rapide et à des généralités succinctes. La place des développements que comporte cet intéressant sujet est ailleurs. Le cadre du présent ouvrage doit être principalement consacré aux faits narratifs et qui constituent les annales de notre période.

[39] Chronique Antonine, Ms. fr. 1371, f° cclxxvij. Pii Commentarii, p. 163, 164. Darsy, les Gamaches. Biographie de Joachim Rouault, etc. Le Dauphin en Flandres ; négociations entre le duc ou Louis et son père : Ms. Legrand 6960, Histoire de Louis XI, liv. III. Mss. 6963, f° 38 ; 6967, f° 116, 131, 137, 147. Ms. Dupuy 762, f° 3, 247 et suiv. Ms. Gaignières, n°. 37, pièce 2. Ms. résidu S.-G., n° 143, f° 87,169. Œuvres de Chastellain, t. I, p. xxvij, t. III, p. 74, 112 ; 588 et suiv. Gruel, p. 403, 404. J. du Clercq, p. 103, 109, 129, 136 et suiv. Duclos, Recueil de pièces, p. 7, 175 et, suiv. Escouchy, t. II, p. 395 et suiv., 415 et suiv. D. Plancher, Histoire de Bourgogne t. IV, p. 298 et suiv. Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1858, p. 184. Annales ecclesiastici, p. 282.

[40] Mêmes autorités. Mss. 6963, f° 41 ; 6967, f° 469 et suiv. Ms. Fontanieu 124 : 3 janvier, 10 février, 19 mars. 1461. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 2i80, 441 et suiv. O. de La Marche, p. 511. Du Clercq, p.170. Chronique Martinienne, f° cccij. Duclos, Pièces, p. 185 à 249. D. Plancher, t. IV, p. 302 et suiv. ; preuves, p. cxxxviij et suiv. Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais, 1853, in-8°, t. II, p. 84. Labarre, t. II, p. 188 et suiv. Raynal, Hist. du Berry, t. III, p. 44 à 48. Déy, Hist. de Saint-Fargeau, cité, p. 160 et suiv. Dons aux médecins (1458-9). K. K, 51, f° 106, 108. Ms. Gaignières 567, f° 50. 1459 décembre, Charles VII anoblit G. Travers, son médecin : J. J. 188, f° 108. 1461, mars 3, il lui donne le fief d’Entragues en Rouergue : P. P. 14,927, à la date.

[41] Godefroy, Charles VII, p. 478. J. Chartier, t. III, p. 112. Anselme, aux ducs de Bretagne. Gruel, p. 400. J. du Clercq, p.126 et suiv. Ms. Fontanieu 124, au 28 février 1459. Raynal, p. 46. Itinéraire. Lobineau, Hist. de Bretagne, p. 658 et 675. D. Taillandier, t. I, p. 71, 74. Preuves de Bretagne, col. 1192 1195. Hommage : D. Housseau, t. XII, n° 5777 ; catalogue publié par M. Mabille, 1864, in-8°, p. 506.

[42] Chronique Martinienne, f° cccvj. Cette lettre est datée dans l’imprimé du trentiesme jour d’aoust 1461. C’est sans doute avril qu’il faut lire.

[43] Biographie Didot : René d’Anjou. Basin, t. I, p. 310, 311. J. Chartier, t. III, p. 993 et suiv. Godefroy, Charles VII, p. 478 et suiv. Raynal, Histoire de Berry, t. III, p. 48 et suiv. Chronique Martinienne. Duclos, Recueil, p. 237. Nicole Gilles, 1557, IIe partie, f° c. Pii Commentarii, p. 164. Chastellain, t. IV, p. 506. Ms. Gaignières 567, f° 50. K. K. 52, f° 108, 120. Etc.

[44] La lettre était signée des principaux membres du grand conseil. Parmi ces signataires on remarque le nom d’Antoine de Chabannes, comte de Dammartin. Recueil cité. Cf. la Chronique Martinienne, où ce comte prétend n’être revenu à Mehun que le 21 juillet.

[45] Sources citées. Alain Bouchard, Annal. de Bretagne, 1541, f° clxxxiij v°. Commynes-Dupont, t. III, p. 215, 542, Coulis pour malade : prenez ung chapon et soit bouilly tant qu’il soit fort cuit et prenez le blanc : broyez en mortier, coulez en une étamine ; salez ou sucrez et servez froit ou chaut. » (Taillevent, le Viandier du roy.) Girardot, Mém. de la Société archéolog. de l’Orléanais, t. I, p. 84. Journal de Maupoint, dans D. Grenier, Ms. 105, p. 42 à 50. Beaucourt-Escouchy, t. III, p. 450.

[46] Les mêmes. J. du Clercq, p 174 et suiv. Escouchy, t. II, p. 422 et suiv. Ms. latin 9848, f° 63. P. P. 2299, f° 213. Monumenta patriæ, 1838, t. III ; Scriptores, col. 625. O. de La Marche, p. 511. Un parti notable se trouva formé pour proclamer roi Charles le petit seigneur. Philippe le Bon, par son attitude, décida de la dévolution de la couronne en faveur de Louis XI. Voyez Ms. Sorbonne 432, chap. LXI. Ms. latin 7443, f° 51 v°. Ce levain de guerre civile se fit jour de nouveau par la ligue du bien public. La reine à Chinon : Ms. 1161, suppl. fr. : Compte des obsèques. Charles VII fut inhumé en grande pompe à Saint-Denis, le 8 août 1461. Voir, pour les détails : le compte précédent ; auteurs ci-dessus allégués. Ms. s. fr. 4805 à la fin. Collection Leber, Dissertations, t. XIX, p. 236 et suiv. Félibien, t. II, preuves, p. 559 b. Delort, Essai, p. 255. Bull. de la Soc. de l’hist. de France, au 10 août 1838, p. 3 U, carton 561, pièce n° 318. Beaucourt-Escouchy, t. III, p. 452. Service funèbre pour le roi à Lyon : Archives de Lyon, B. B. 7 (Registre). Épitaphes de Charles VII, Ms. fr. 9675, 3, imprimé gothique, Paris, Lenoir 1520, petit in-4°. Revue anglo-française, t. III, p.125. J. Chartier, t. III, p. 121, note 1. Chastellain, t. VI, p. 437 et suiv. Etc., etc.

[47] Œuvres de Chastellain, t. IV, p. 363, 369. Un jacobin, dans, une diatribe contemporaine, accuse Charles VII d’avoir fait mourir da faim des milliers de gens par l’aggravation des impôts, et il ajoute : Sic qui innumeros fame afflixerat, fame mortuus est ; nec aliud medici invenire potuerunt, cum etiam ejus corpus mortuum apertura fuerit. Quétif, Scriptores ordinis Prædicatorum, in-fol., t. I, p, 854. Autre diatribe prononcée à Saint-Denis, sur la tombe de Charles VII, par un nonce du pape Pie II : Basin, t. II, p. 13, 14.

[48] Nous citerons entre autres faits, nombreux et analogues : Compte de l’argenterie de la royne : au 17 octobre 1454, don ou aumône pour habiller ung vieil hermite d’estrange pais... K. K. 55, f° 87. Pii Commentarii, p. 127, 128. Raynaldi, cité, p. 280 et suiv. Voir, à la table du volume, les mots Ludovicus Bononiensis suivis de renvois, et l’histoire assez singulière de ce personnage.

[49] Journal des États généraux de France tenus à Tours en 1484, sous le règne de Charles VIII, rédigé par J. Masselin, publié par A. Bernier, Paris, Collection des documents inédits, etc., 1835, in-4°, p. 381, 391, 449 et passim. Ledit roy Charles VII levoit, à l’heure de son trespas, dix huit cens mil francz en toutes choses sur son royaulme, etc. Commynes-Dupont, t. II, p. 225. Cette somme fut portée à quatre millions sept cent mille francs sous Louis XI. (Ibidem.) — H. Baude, dans J. Chartier, t. III, p. 139. Cette question du rachat de la Picardie fut une des grandes préoccupations de Charles VII et de Philippe le Bon. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 355. Chastellain, t. III, p. 423 ; t. IV, p. 17, 18, etc. L’épargne de Charles VII est un témoignage éclatant de sa loyauté. Louis XI trancha la question avec moins de scrupule.

[50] Pie II, ce juge difficile, a dit de son adversaire Charles VII : Rex suo ævo et magnus et memorabilis ; cujus in utramque partem admirari fortunam licet. Commentarii, p. 163. Cf. l’heureux emprunt que Basin fait à Virgile, pour servir d’épitaphe au roi de France, t. I, p. 328.