HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME TROISIÈME

LIVRE VIII. — DEPUIS L’EXPULSION DES ANGLAIS JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VII (1453-1461).

CHAPITRE IV. — Retraite de Louis, Dauphin, dans les États de Bourgogne. - Alliances du roi : Savoie, Castille, Portugal, Aragon, Navarre, Palatinat, Danemark, Écosse, cour de Rome. - Menaces et conspirations. - Le roi se prépare à la guerre. - Il prend l’offensive contre les Anglais. - Expédition de Sandwich. (1454-1457, septembre 1er).

 

 

Louis, fils aîné du roi, continuait de suivre les errements que nous avons retracés. Il se contint en son Dauphiné, dit Chastellain, faisant bonne chère ; amoit par amours, maintenoit gens d’armes, traveilloit fort son pays, ses voisins visitoit, et le duc de Savoie, son beau-père, ploia tout à sa guise ; mesme par armes et à haute main... En 1454, le duc de Bourgogne et le roi de France durent intervenir. Ils dictèrent au prince royal, ainsi qu’au duc, un traité qui pacifiait à la fois les griefs des deux parties et sauvegardait les intérêts des puissances limitrophes[1].

Dé nouveaux griefs vinrent encore accroître le mécontentement du père contre le fils et la mésintelligence qui les divisait depuis longtemps. Louis, pour subvenir à ses entreprises téméraires, avait fini par engager ou tenter d’aliéner plusieurs terres du domaine delphinal. Ces mesures ou ces expédients (que le roi lui-même avait employés dans sa détresse), excédaient les pouvoirs du Dauphin administrateur et les termes du contrat fondamental par lequel cette province avait été réunie à la couronne[2].

Du 17 avril au 21 juillet 1456, Louis envoya successivement à son père trois ambassades ou messages ; tout remplis de vagues protestations et de captieuses demandes. Louis espérait non seulement gagner du temps, mais duper le roi par ses mensonges diplomatiques. Il voulait obtenir une sorte de blanc seing qui lui restituât l’indépendance et le déclarât indemne[3].

Au fond de ce déplorable conflit, des motifs graves d’animosité se cachaient de part et d’autre sous les griefs officiels et avoués de la politique. Louis alléguait pour prétexte la conduite privée du roi de France. Il stigmatisait avec indignation l’asservissement du souverain à une tourbe de favoris et de favorites, tandis que le sceptre royal était aux mains de la dame de Villequier. Mais cette allégation, bien que fondée sur des faits vrais, manquait absolument, dans la bouche qui les invoquait, de valeur et de sincérité. Les mœurs vulgaires et dissolues du jeune prince ne lui permettaient pas d’exercer, vis-à-vis du roi (n’eût-il pas été son père), une pareille censure. On le verra bientôt, d’ailleurs, pactiser avec cette même courtisane, entretenir avec elle des négociations secrètes, volontaires et intéressées[4].

Louis XI, alors âgé de vingt-trois ans, montra dès cette époque tout ce qu’il fut sur le trône. La nature avait donné à ce prince des instincts d’égoïsme et de domination servis par une volonté de fer, indomptable, par une intelligence souple, vivace, pleine de subtilités et de ressources. Son intérêt personnel, élevé plus tard à la hauteur de raison d’État, lui servit toujours de règle unique et ne connut jamais de frein moral ou religieux. La tendresse de sa mère (la digne reine Marie d’Anjou) put seule exercer quelque ascendant sur le dur caractère du prince Louis[5]. Mais en désertant le foyer natal, il s’était également soustrait à cette salutaire influence. Agnès Sorel, la douce et généreuse conseillère, n’était plus. P. de Brezé avait cessé d’exercer une action directe et quotidienne sur la conduite du roi et sur la marche des affaires. Agnès et Brezé, d’ailleurs, échouèrent devant cette tâche. Désormais Charles VII ne trouvait plus autour de lui d’intermédiaire qui fût doué d’un sens moral assez conciliant ni assez élevé pour dénouer une difficulté aussi grave et aussi intime. Le Dauphin ne répondit aux démarches sévères, mais paternelles, du roi, qu’en usant de ruse et de duplicité, en ourdissant traîne sur trame, en suscitant, autour du roi lui-même des intrigues, des embûches et des conspirations sans cesse renouvelées[6]. Le roi, sachant qu’il fallait joindre le fait à la menace, avait rassemblé des troupes et s’était avancé jusqu’à Saint-Priest et Saint-Symphorien d’Ozon, sur les confins du Lyonnais et du Dauphiné. Il remit le commandement de ces forces au comte de Dammartin, qu’il nomma son lieutenant général. Louis, assuré de l’inutilité de ses négociations, forma en Dauphiné des compagnies d’ordonnance et les mit sur pied. Jean V, comte d’Armagnac, avait récemment levé l’étendard de la révolte. Le duc d’Alençon venait d’être arrêté comme prévenu clé conspiration avec les Anglais. Charles VII écrivit à Chabannes de marcher contre le Dauphin et de le faire prisonnier[7].

L’irritation du roi était extrême. Des témoignages sérieux montrent que Charles VII se disposait à déshériter son fils aîné, à le faire déclarer indigne de succéder à la couronne et à lui substituer dès lors son second fils, Charles, duc de Berry (que l’on appelait familièrement le petit seigneur), comme héritier présomptif de la couronne[8].

Pressé de la sorte, Louis prit aussitôt de son côté une résolution extrême. Il commanda ses gens de vénerie et de bouche, ainsi que sa vaisselle d’argent, qu’il fit porter dans une forêt voisine de sa résidence[9]. Le prince annonçait une partie de chasse, genre de plaisir qui le passionna jusqu’à ses derniers jours. Mais pendant que ses serviteurs obéissaient à ces ordres et l’attendaient au rendez-vous ; pendant que Chabannes, secrètement instruit de ces dispositions, observait les lieux et les ceignait de troupes, Louis montait à cheval, suivi d’un petit nombre de familiers et fuyait à toute bride. Le Dauphin, parti le lundi 30 août 1456, se dirigea vers Saint-Claude, à travers les montagnes de la Savoie, affectant de s’y rendre en pèlerinage. Le mardi 31, il arriva dans cette place à dix heures du matin. Là, il entendit trois messes devant l’autel du saint, dîna, puis se remit en route. De Saint-Claude, le prince français écrivit au roi une dépêche qui nous a été conservée. Dans cette lettre, insigne spécimen d’audace et chef-d’œuvre d’hypocrisie, Louis informait son père qu’étant gonfalonier de l’Église, il se rendait vers le duc de Bourgogne, pour se croiser avec son bel-oncle contre les infidèles[10].

De Saint-Claude, où il avait atteint la Franche-Comté, le fugitif alla coucher à Grandvaux. Puis il se rendit au château de Nozeroy, résidence habituelle de Louis de Chalon, seigneur d’Arlay, prince d’Orange. Ce dernier avait épousé la sœur de Jean V révolté, Éléonore d’Armagnac. Le prince d’Orange était ennemi du Dauphin, mais il était allié aux ennemis de Charles VII. Le fils allié du roi rencontra les mêmes circonstances et les mêmes sentiments auprès de Thibaut de Neuchâtel, sire de Blamont, maréchal de Bourgogne. Louis traita ces deux personnages en amis. Il leur confia sa fortune et fit appel, avec succès, à leur générosité (sans leur garder, depuis, la moindre gratitude).

Après avoir, durant quelques jours, mis à profit l’hospitalité du prince d’Orange, Louis, Dauphin, partit sous la conduite du maréchal qui lui procura une escorte. Il s’avança, toujours guidé par le seigneur de Blamont, qui le protégeait, de château en château. Le Dauphin, éperdu, se croyait poursuivi, même sur la terre de Bourgogne, par les émissaires du roi. Assiégé des mêmes craintes, il traversa la Lorraine, le Luxembourg, et vint enfin trouver un refuge à Louvain, puis à Bruxelles[11].

Charles le Téméraire, comte de Charolais, avait épousé Isabelle, fille du duc de Bourbon. Cette alliance tendait à resserrer les liens politiques qui rattachaient le duc de Bourgogne au roi de France. Mais une défiance peu sympathique couvait toujours sous les dehors clé la courtoisie et des traités entre le roi et le grand feudataire. A l’époque même de la retraite clandestine opérée par le Dauphin, Philippe le Bon venait d’essuyer un dernier affront très sensible à son orgueil. Le duc avait fait enlever la fille d’un riche vilain nommé Jean Raimbaut, brasseur de bière à Lille en Flandres, pour la donner comme épouse, contre le gré de cette personne et de ses parents, à un archer de la garde ducale. Le père de la jeune fille se pourvut au près à u souverain justicier, le roi de France, qui fit ajourner le duc au parlement de Paris. Philippe le Bon fut obligé, par cette menace, de déférer à la requête du roturier, son sujet, et remit la fille en liberté[12].

Le duc était absent lorsque Louis arriva dans la capitale dû Brabant, Mais Philippe transmit ses instructions à la duchesse, qui reçut le réfugié avec tous les égards dus à un Dauphin de France, et selon toutes les formes d’un cérémonial auquel elle présida en personne[13].

Le roi, dès qu’il fut instruit de la retraite du Dauphin, députa auprès de son fils un personnage considérable. Cet ambassadeur, nommé Guy Bernard, évêque-duc de Langres, pair de France, avait été maître des requêtes en l’hôtel du roi. Le Dauphin était né sous les yeux de Guy et d’Étienne (oncle de Guy Bernard), trésorier de la reine Marie d’Anjou, serviteur particulièrement affectionné de cette princesse.

La mission de Guy Bernard n’eut aucun résultat. Charles VII écrivit en même temps aux bonnes villes de refuser à son fils tout secours, asile ou assistance. Il s’adressa dans le même but au duc de Bourgogne. Mais le duc se contenta de répondre à de telles instances par des dépêches à la fois évasives et respectueuses. Une suite d’ambassades et de négociations s’ouvrit à ce sujet entre le duc et le souverain. Les rois d’Ecosse, de Castille, d’autres princes ou alliés de Charles VII s’employèrent aussi, mais vainement, pour réconcilier le père et le fils[14].

Philippe le Bon s’excusa sur le droit des gens, sur le respect qu’il devait au premier-né du suzerain ; et qui lui imposaient, avec les lois de la chevalerie, cette obligation d’accueillir dans sa détresse le prince belligérant, son hôte. Il fit agréer au Dauphin une pension annuelle de trente-six mille livres ou florins[15] pour le défrayer, ainsi que la Dauphine. II leur donna comme résidence le château de Geneppe. Au fond, le duc Philippe voyait dans le séjour du Dauphin auprès de lui un gage précieux. Le duc voyait aussi dans cette caution une garantie contre les mesures de rigueur auxquelles Charles VII aurait pu se porter vis-à-vis de son cousin (Philippe de Bourgogne) et de son fils[16].

Le Dauphin, de son côté, pressa le duc de faire la guerre au roi de France. Il engagea Philippe à soutenir Edouard IV (duc d’York) dans sa lutte, contre Henri VI, devenu l’allié de Charles VII. Le duc de Bourgogne condescendit à ces conseils : il envoya, et le Dauphin envoya aussi, des troupes, qui combattirent pour la cause d’Edouard. Louis protesta hautement que, si le roi contraignait Philippe à cesser de lui donner asile, il avoit son appointement en Angleterre, ennemie du royaume de France, et que là il seroit soutenu et bien venu. Charles VII, effrayé des résultats où pouvaient le conduire ces extrémités, se résigna. En présence de telles conjonctures, il s’abstint de déclarer la guerre au duc de Bourgogne, et cette Position expectante de part et d’autre se continua jusqu’à la fin de son règne[17].

Ainsi menacé d’ennemis éloignés et intimes, Charles VII veillait prudemment à s’assurer des forces vives qu’il avait créées dans l’intérieur de son royaume et de ses alliances au dehors.

A ses portes, le duc de Savoie excitait particulièrement la sollicitude du roi de France. Louis de Savoie, son allié, qui régnait alors, était un prince faible, entièrement dominé par la duchesse Anne de Chypre. Louis ne se souciait que de musique, de ménétriers, de joueurs de farces et de baladins. Il négligeait par nonchalance les affaires politiques, abandonnées à l’ascendant, fortuit ou subreptice, de la duchesse et de quelques favoris chypriotes, admis dans l’intimité princière. Le Dauphin, gendre de Louis et son voisin limitrophe, exerçait sur ce duc une influence considérable[18].

Les traités de Cleppé, signés en 1452, n’avaient reçu qu’une exécution imparfaite. Des troubles intérieurs, amenés par la révolte des seigneurs savoisiens, étaient mal apaisés. Le roi, de 1454 à 1455, envoya divers ambassadeurs auprès du duc Louis et des Suisses, alliés de ce duc et du Dauphin. Durant l’été de 1455, le roi manda près de lui, à Bourges, le comte de Dunois et le connétable de Richemont, qui passèrent en Savoie au mois de septembre de la même année. Ces deux personnages se rendirent à Genève auprès du duc Louis, et firent acte de justicier dans les Etats de ce prince, au nom du roi de France. Louis, Dauphin, pressait toujours son beau-père de lui fournir des troupes. Lorsque la nouvelle révolte de 1456 éclata, le roi envoya au duc le comte de Dammartin pour empêcher Louis de Savoie de prêter aucun secours au Dauphin[19].

De concert avec Jean de Groslée, prévôt de Montjoue et sujet savoisien, l’amiral de Bueil, le maréchal de Lohéac et Jean d’Aulon, sénéchal de Beaucaire, se réunirent à Lyon, puis à Saint-Priest, les 19 et 17 septembre. Par les soins de ces commissaires, le Dauphiné fut remis entre les mains du roi, qui changea tous les officiers ou chefs de services, militaires et administratifs.

Louis de Savoie, par lettres données à Genève le 20 août 1456, ratifia et promulgua les traités antérieurs, qui l’obligeaient, comme allié, envers le roi de France, et qui, à la requête du roi, avaient été sanctionnés, comme lois de l’Etat, par les trois ordres de la Savoie.

Indépendamment de ces mesures, Charles VII manda le duc auprès de lui. Louis de Savoie s’y rendit une première fois, au Bouchet (ou Bouchet, près de Saint-Pourçain), en décembre 1455. Charles VII le reçut une seconde fois, ainsi que la duchesse et leur famille, l’année suivante, à Saint-Symphorien d’Auzon, en Dauphiné. Louis de Savoie, par lettres patentes, scellées dans ce lieu et durant ce séjour, le 9 décembre 1456, confirma solennellement toutes les stipulations dont l’objet a été ci-dessus indiqué[20].

Jean II, roi de Castille, pendant son long règne (1406-1454), s’était montré fidèle aux traditions d’amitié qui, de tout temps, unissaient ce royaume à la France. Mais il n’en était pas de même du Portugal, où dominait l’influence bourguignonne, ni de la Navarre, qui, par antagonisme contre la Castille, avait épousé le parti de l’Angleterre. Après la mort de Jean II, les rois d’Espagne et de France pensèrent, d’un commun accord, à renouveler leurs antiques alliances. En 1455, Charles VII envoya vers don Enrique (ou Henri IV l’Impuissant), nouveau roi de Castille, une ambassade, conduite par Jean Bernard, archevêque de Tours[21].

Malgré l’amitié qui régnait entre les deux puissances, des griefs, des incidents graves, multipliés, délicats, étaient survenus, de nature à compromettre cette bonne intelligence. Le code maritime, au quinzième siècle, n’avait pas atteint le développement, tout à fait moderne, qu’il a reçu depuis. Aucune police générale, aucun principe de droit des gens ne dominait à la mer, faute surtout de sanction amiable, résultant d’un concert établi entre les puissances chrétiennes. La piraterie existait à l’état permanent, en pleine paix et sous tous les pavillons civilisés. Les lettres de marque, de gage et de contremarque, donnaient lieu aux abus les plus déplorables.

Ennemis communs de l’Angleterre, les rois de France et de Castille s’étaient réservé le droit dd délivrer des passeports ou sauf-conduits exceptionnels, en faveur de sujets anglais, pour pénétrer sur leurs Etats respectifs. Des dommages considérables étaient résultés de cette pratique. Ainsi, des marchands castillans avaient été victimes d’hostilités exercées contre eux par des Anglais, à la faveur ou à l’abri de ces sauf-conduits, sur le territoire même de Castille, ou lorsqu’ils naviguaient en mer sous le pavillon castillan. De même aussi, des marins anglais, munis de passes françaises, avaient été attaqués, dans les mers de France, par des Castillans. Une rixe de ce dernier genre ayant eu lieu, des Anglais lésés s’adressèrent aux autorités françaises de Normandie. Pierre de Brezé n’hésita pas à faire arrêter les Castillans, les fit emprisonner à Rouen et déféra le jugement de l’affaire à la juridiction de l’Amirauté, qui se tenait alors à la Table-de-marbre du parlement de Paris[22].

Les habitants de Fontarabie, sujets de Castille, disputaient aux Français de, la Terre de Labour, Urtubie et la possession de la Bidassoa, fleuve qui débouche, vers ce point, dans l’Océan. On sait que Charles VII, pour se couvrir militairement de ce côté, avait élevé une tour à la vue des Fontarabiens. Enfin les Castillans se plaignaient qu’à Bayonne et à Bordeaux, en dépit de leurs traités d’alliance et des privilèges à eux concédés par les rois de France, ils étaient soumis à des taxes plus fortes que celles dont ils avaient été chargés, en Guyenne, au temps de la domination des Anglais[23].

Les personnages les plus influents, accrédités pour négocier, sur ces divers points, furent, de la part de Henri IV, en première ligne, don Juan Pacheco, marquis de Villana, favori du roi de Castille. Celui-ci employa comme négociateurs, entre autres agents, don Fortunio Velasquez de Cuellar, protonotaire apostolique, docteur en décret, doyen de Ségovie, auditeur de l’audience royale et rapporteur (relator) ; don Juan Manuel, capitaine des gardes du roi ou alcade-mayor, et don Alphonse Alvarez, secrétaire auditeur. L’archevêque de Tours, Jean Bernard (oncle de Guy Bernard, évêque de Langres), comptait parmi les principaux conseillers du roi de France. Homme habile, expérimenté, il appartenait à une famille angevine, qui avait donné à la cause de Charles VII les marques d’un attachement éprouvé. Le 10 juillet 1455, Henri IV renouvela par un traité solennel, passé à Cordoue, les antiques alliances qui existaient entre la France et la Castille. Jean Bernard déploya beaucoup de talent dans cette mission. Lorsqu’il fut de retour, le roi, en témoignage de son contentement, lui octroya le droit d’ajouter à son blason un écusson central (posé en cœur sur le tout) et décoré de la fleur de lis de France[24].

Depuis longtemps déjà, de graves démêlés existaient entre don Carlos, prince de Viane ou de Navarre, et son père Jean II, roi de Navarre. Blanche de Navarre, épouse de Jean II, était morte en 1441, léguant à son fils Charles, âgé de vingt ans, la couronne de Navarre dont elle était, de son propre chef, souveraine et propriétaire. Cependant Jean Il, devenu veuf, refusa d’exécuter cette disposition testamentaire de la reine. Dès 1450, don Juan, roi de Castille, prit parti en faveur de don Carlos ; ce dernier, recommandé par don Juan, invoqua l’appui et l’arbitrage du roi de France. En 1455, le prince de Viane s’empara de Pampelune et se fit reconnaître pour roi de Navarre. Mais l’année ne s’était pas écoulée que Juan II, son père, l’avait expulsé par la force des armes. Au mois de mai 1456, le prince de Navarre habitait Poitiers, où il s’était réfugié sous la protection du roi de France. Don Carlos vint trouver Charles VII dans le Lyonnais. Il lui réclama le duché de Nemours, qui avait été possédé par ses prédécesseurs ; et, surtout, il implora le secours du souverain pour lui restituer le trône de Navarre[25].

Henri IV continuait à soutenir, par ses instances diplomatiques auprès de Charles VII, les réclamations du prince navarrais. Jean II envoya de son côté, vers la fin de 1456, Navarre, son héraut et ambassadeur, pour plaider sa causé auprès du roi de France. Cependant Jean de Navarre et son fils s’étaient de tout temps montrés hostiles à la France. En 1453, lors du siège de Bayonne, le gouverneur de Navarre, chancelier et lieutenant général du prince de Viane, avait défendu la place contre les Français. Depuis le recouvrement de la Guyenne, ce même gouverneur, nommé don Juan, comte de Beaumont, ainsi que le seigneur de Saint-Peyre, et d’autres gentilshommes du pays, s’étaient concertés avec les Anglais pour leur rendre cette province. En conséquence, le comte de Foix d’une part (gendre et cohéritier du Navarrais), et de l’autre Jean Bureau, étaient entrés en Navarre. Ils avaient pris diverses places, tels que le château de, Rochefort, Saint-Jean de Pied de Port, et Ostabat, tant dans l’intérieur du pays que sur le littoral, depuis le cap Breton jusqu’à Saint-Jean-de-Luz[26].

Charles VII, par l’adresse et la modération de sa politique, sut conjurer de tels périr. Il pallia ou dissipa vis-à-vis de ses alliés, anciens ou récents, ces causes nombreuses de division.

En ce qui concerne Alphonse d’Aragon, la position de Charles VII était d’autant plus difficile, qu’Alphonse, au royaume de Naples, était le compétiteur victorieux de René d’Anjou, allié et protégé du roi de France. Charles VII, néanmoins, entretint de tout temps, avec Alphonse le Magnanime, des relations amicales. Vers les premiers mois de 1456, les rois de Navarre et de France souscrivirent un traité d’alliance. Jean II s’obligeait, par cet acte, à fournir à Charles VII, dans le cas où ce dernier prince aurait à soutenir la guerre contre les Anglais, trois cents gentilshommes à cheval ou lances fournies[27].

En 1457, les ambassadeurs castillans vinrent de nouveau trouver à Lyon le roi de France. Le point capital auquel avait tendu toute la sollicitude de ce souverain, était une ligue armée contre l’Angleterre et un grand déploiement de forces maritimes. Le roi de Castille offrait de fournir à son confédéré dix nefs et six galées. Mais Charles VII représenta que cette, flotte était tout à fait insuffisante et qu’il estoit besoing de mettre sus si puissante armée sur la mer, que les Anglois, par quelque entreprise qu’ils voulsissent faire, ne les poussent grever. Charles VII, afin d’atteindre ce but, offrit de mettre à flot, pour sa seule part, douze nefs et trois galées armées, équipées et avitaillées. Les ambassadeurs castillans, en quittant l’audience royale, devaient se rendre auprès de Pierre II, duc de Bretagne, pour solliciter de ce duc un contingent maritime, proportionné à son zèle envers la France et à ses ressources. Quant au roi de Castille, sa réponse était attendue avant la Saint-Martin (11 novembre)[28].

Charles VII se créait également des appuis à l’est de son royaume et dans le nord de l’Allemagne. Sous les auspices d’Etienne de Bavière trésorier de Cologne, et de Frédéric le Victorieux, palatin du Rhin et confite de Sponheim, médiateur, un congrès diplomatique eut lieu à Cologne entre les orateurs ou ambassadeurs de France et de Danemark. Le seigneur Werner de Parsbourg, chevalier, et maître Daniel Kepken de Nulant, chanoine de l’église métropolitaine de Drontheim, secrétaire du roi de Danemark, représentaient Christiern Ier. Le roi de France avait délégué pour cette convention Richard de Longueil, évêque de Coutances, Jean d’Hangest, seigneur de Genlis, chevalier, et Jean le Roy, notaire et secrétaire royal[29].

Le 26 mai 1456, ces plénipotentiaires arrêtèrent ensemble, au nom des souverains, les articles d’un traité d’alliance et d’amitié entre les deux puissances. Aux termes de ce contrat, le roi de France, confédéré de Jacques II, roi d’Ecosse, devait s’entremettre pour régler quelques démêlés qui divisaient entre eux Jacques et le roi de Danemark. Christiern, de son côté, promettait formellement à Charles VII un secours de quarante à cinquante nefs et environ sept mille hommes d’armes, pour combattre les Anglais. Le traité de Cologne, ratifié à Copenhague, en parlement général, reçut la sanction de Christiern ; et les instruments authentiques furent échangés entre les deux puissances contractantes[30].

De tous les alliés de Charles VII, Jacques II, roi d’Ecosse, fut, sans contredit, le plus zélé, le plus fidèle, mais aussi le plus intéressé.

François III, duc de Bretagne, était mort en 1450, laissant veuve Isabelle Stuart, sœur de Jacques, duchesse douairière, et deux filles issues de leur mariage. Jacques, dès qu’il fut instruit de cette mort, éleva des prétentions sur la succession ducale, en faveur d’Isabelle et de ses enfants. Il écrivit dans ce sens au roi de France et sollicita son appui. En 1453, Charles VII envoya en Bretagne Guy Bernard, alors maître des requêtes, accompagné d’un secrétaire du roi, pour s’enquérir de l’état du litige et lui en rendre compte. Cependant le principe de l’hérédité masculine avait définitivement prévalu dans ce grand fief. François Ier lui-même l’avait reconnu et confirmé, en désignant par voie testamentaire, pour son successeur, Pierre II, son frère, qui, en effet, prit immédiatement possession de la couronne ducale[31].

De la part de Jacques II, ce différend donna lieu à une série de dépêches, de négociations et d’ambassades. Aux mois de juillet-août 1455, Pierre II, duc de Bretagne, se rendit à Tours, puis à Bourges, à Mehun sur Yèvre et à Bois-sire-Amé, résidence habituelle du roi pendant cette saison. Le duc était accompagné d’une suite nombreuse. Il avait également avec lui un cortège de ménestrels et de lutteurs bretons[32].

Les conseillers politiques de Pierre II surent exploiter, comme un auxiliaire utile, le goût de la pompe et des plaisirs qui régnait à la cour de France.

Les ménestrels ducaux vinrent à Mehun faire honneur à la reine. Hans Frauenberg, premier écuyer de cette princesse, reçut en don six aunes de damas pour robe, et Marguerite de Villequier, un présent de 200 saluts d’or. Les membres du grand conseil lie furent point oubliés dans ces libéralités. Charles VII avait auprès de lui, dans le même temps, le duc d’Orléans, le comte de Richemont, les ambassadeurs de Bourgogne et beaucoup de grands personnages. Le litige de la succession bretonne fut terminé par un arrangement que le duc François lui-même avait prescrit, et qui rallia ces nombreux et importants suffrages[33].

Le premier septembre 1455, François II de Bretagne-Etampes (élève de Robert Blondel), fils de Richard, comte d’Etampes (oncle de François Ier), et de Marguerite d’Orléans, s’engagea, en présence du roi, à épouser sa cousine Marguerite, fille aînée d’Isabelle d’Ecosse, et héritière de Bretagne. Pierre II quitta, le 8 septembre, la résidence royale. De retour en Bretagne, il fit approuver par les états cette alliance ; et le mariage de Marguerite avec le prince breton fut célébré le 16 novembre suivant[34].

On a vu, principalement dans la première période de cette histoire, combien l’alliance écossaise avait été onéreuse à la France. Après avoir réformé sa milice, après avoir composé d’éléments nationaux la nouvelle armée, Charles VII continua toutefois d’admettre les Ecossais dans les rangs de ses troupes. Il leur confia même, de plus en plus exclusivement, la garde de son corps. Lors des démêlés qui précédèrent, en 1416, la retraite du Dauphin, Louis avait essayé de corrompre cette garde et de se faire ainsi livrer la personne de son père. Pendant toute la campagne de Normandie et au siége de Bayonne, Robert Cuningham, Ecossais, capitaine de la garde, combattit les Anglais à la tête de ces gens d’armes.

Vers le mois de juin 1450, au siège de Caen, les Anglais cherchèrent également à séduire quelques Écossais influents. Robert ou Robin Campbell, lieutenant de Robert Cuningham, Guillaume Cuningham, Robert Johnston et James Aliberton, furent inculpés d’un complot, qui aurait été tramé entre eux et les Anglais. Moyennant la somme de 4.000 écus d’or et d’autres avantages pécuniaires que leur promit le duc de Somerset, ces Ecossais devaient livrer à l’ennemi l’un des quatre principaux chefs qui conduisaient la guerre pour le roi de France, savoir le comte de Dunois, le seigneur de Villequier, Jacques Cœur et maître Jean Bureau. Le plan de la conspiration était, en outre, d’introduire quinze cents Anglais dans l’enceinte comprise entre les deux fossés ou lignes du siège, où se trouvait le camp du roi

de mettre le feu aux poudres, etc. Une instruction judiciaire eut lieu contre les prévenus. Robert Campbell fut déclaré coupable par le parlement de Paris. L’arrêt de cette cour, rendu le 8 août 1455, le condamna comme crimineux de lèse-majesté, à estre traîné sur une claie depuis la Conciergerie jusques ès halles, et illec estre décapité et mis en quatre quartiers, qui seront attachés aux quatre potences des quatre principales portes de Paris, et sa teste mise sur une lance au pilori, son corps pendu au gibet de Paris, et tous ses biens, sis dans le royaume, confisqués[35].

Cet arrêt ne tarda point à recevoir son exécution. Quant aux autres prévenus, ils demeurèrent prisonniers jusqu’à plus ample informé sur leur compte. Robert Cuningham fut, à son tour, enveloppé dans la poursuite judiciaire. Ce capitaine appartenait à une famille considérable en Écosse. Le roi Jacques s’intéressa lui-même à cet accusé, ainsi qu’aux autres prévenus, ses compatriotes. Des suppliques et recommandations furent adressées par la voie diplomatique au roi de France, et Robert Cuningham recouvra sa liberté. Quant à R. Campbell, Charles VII, sur la demande de son allié, envoya en Écosse une copie ou extrait du procès criminel, qui contenait les aveux du condamné. A l’aide de cette pièce, Jacques II put calmer l’émotion et le mécontentement que l’exécution de la sentence avait causés en Écosse, au préjudice de l’alliance française[36].

La France et l’Écosse avaient cela de commun, vis-à-vis de l’Angleterre, que toutes deux étaient limitrophes de cette dernière puissance et engagées contre elle dans une longue lutte de rivalité. Jacques II se montrait particulièrement animé, à l’égard de ses voisins, de sentiments hostiles et belliqueux. Dans sa correspondance diplomatique avec le roi de France, il ne cessait de l’ex-citer à porter la guerre sur le territoire anglais, lui promettant de le seconder, de son côté, par une irruption simultanée. Charles VII, sans dédaigner ces offres de services et ces encouragements sympathiques, s’attachait à modérer l’ardeur du prince écossais. Il lui tenait le langage de la prudence et lui répondait enfin que, l’opportunité se présentant, il ne manquerait pas de mettre à profit les conseils de son confédéré, ainsi que les secours que ce dernier lui promettait[37].

En effet, à travers ces divers soins et ces travaux, le principal objet des préoccupations de Charles VII, sa pensée dominante, était l’Angleterre. La sollicitude du roi de France et ses justes alarmes par rapport à son ennemi séculaire sont exprimées en ces termes dans un document confidentiel, adressé par ce prince, en janvier 14571 à son allié le roi d’Écosse :

Au temps de l’occupation des Anglois, y est-il dit, le roi n’avoit à garder que certaines marches et lieux... Mais de présent le roy a à garder toute la côte de la mer, et depuis Espaigne jusques en Picardie, qui monte plus de quatre cents lieues de pais ;... et tellement que toute la revenue de Normandie qui est l’un des plut beaux membres et des plus grandes, revenues de ce royaume, ne pœt pas suffire, à cent mille francs près, au paiement des gens d’armes ordonnez pour la garde d’icelui... Et quant au pais de Guyenne, chacun scet que a esté anlois l’espace de 300 ans ou environ et sont ceux du pays, de leur droicte condition, tous enclins au parti d’Angleterre ;... et n’est année que ledit pais ne couste au roy à garder trois cent mille francs plus que lui en vaut la revenue... Pareillement la duché de Bretaigne, le pais de Poitou et Xaintonge sont continuellement en doute au regard des ennemis, pour ce qu’ils sont sur côtière de mer, là où les ennemis peuvent chaque jour descendre[38], etc.

Les Anglais avaient toujours, dans le Calaisis, un pied sur le territoire français. En 1454, Charles d’Artois, comte d’Eu, lieutenant général vers les marches de Picardie, tenta une expédition contre Calais. Mais cette, tentative fut repoussée avec beaucoup d’énergie par la garnison anglaise. Le comte d’Eu y perdit quatre-vingts prisonniers, qui, la plupart, furent pendus sans quartier ni rançon. Vers le même temps, c’est-à-dire le 5 août de cette année (1454), ordre était donné par le roi, au sénéchal de Limousin, de faire publier le ban et l’arrière-ban pour repousser Ies Anglais, qui se disposaient à entrer dans la Guienne, la Saintonge et le Poitou[39].

Nous manquons de lumières et de détails sur les circonstances précises de ces soulèvements, de ces machinations, la plupart secrètement ourdies, et réprimées ou étouffées sans bruit dès leur naissance. La mort du sire de Lesparre, Pierre de Montferrand, parait se rattacher au dernier mouvement que nous venons d’indiquer. Nous avons dit le rôle que joua, lors du recouvrement de la Guyenne, le souldic de la Trau. Ce seigneur avait épousé, avant 1435, Marie, fille bâtarde de Jean, duc de Bedford. Les liens d’intérêt et d’alliance les plus étroits l’unissaient au gouvernement anglais. Forcé de plier, en 1451, sous les armes françaises, il obtint de Henri VI, après la bataille de Castillon, le 24 juillet 1455, des lettres d’abolition pour l’absoudre de s’être soumis à Charles VII. Dès lors il quitta la Guyenne, mais pour servir comme ennemi de la France et comme conspirateur, sous le drapeau anglais. Vers la fin de 1454, Pierre de Montferrand, saisi par les Français, fut mis en cause à Poitiers, condamné, puis exécuté en cette ville[40].

À cette époque, la cour de Bourgogne et celle de Louis, Dauphin, étaient deux officines d’intrigues politiques, deux conciliabules où s’élaboraient en permanence des œuvres suspectes, si ce n’est de vrais foyers de conspiration. Au moment où Louis, Dauphin, arrêtait ses dernières mesurés pour attenter à l’autorité de son père, Jean, duc d’Alençon, avons-nous dit, était incarcéré par ordre du roi, donné le 24 Mai 1456. On verra plus loin les rapports que ce duc entretenait, d’une part avec le Dauphin, de l’autre avec Philippe, et eu troisième lieu avec les. Anglais. Lorsque Louis eut trouvé un refuge à Bruxelles ou à Geneppe, les deux centres d’intrigues ou d’hostilité se réunirent en un seul, et cet unique foyer ne devint que plus menaçant. Charles VII, en ces conjonctures, s’ingéniait à perfectionner l’armement de ses troupes et pourvoyait, avec une vigilance active, à la défense du royaume, ainsi qu’à sa propre sûreté[41].

Vers la fin de décembre 1456, Charles VII retenait auprès de lui, depuis quelque temps, une légation de Bourgogne qui était venue le solliciter au sujet des affaires du Dauphin. En ce moment, une nouvelle trame était ourdie contre le roi. Sept individus avaient comploté de le venir prendre dedans le chanteau de Saint-Priest (qu’habitait le roi) et le devoient emmener à leur plaisir et à force où bon leur sembleroit. L’un des conspirateurs, nommé Grésille, alla de lui-même révéler ce complot, en implorant son pardon de la miséricorde royale. Il ajouta que quatre cents combattants étaient gagnés et devaient conduire à bout l’entreprise ; après l’enlèvement du souverain, Charles VII, en écoutant ces aveux, fut rempli de terreur et de perplexité. Sa défiance et sa mélancolie naturelles dominèrent la haute raison dont il était pourvu[42].

Malgré de longues enquêtes, cette affaire paraît être demeurée obscure et mystérieuse, même pour le roi et pour les juges que ce prince avait chargés de l’éclaircir. Le principal favori de Charles, en ce moment, était un écuyer de médiocre extraction, mais de belle mine, appelé Guillaume Goufier. Le roi l’avait marié à l’héritière d’Amboise et avait fait sa fortune. Goufier ainsi que son compagnon Otto Castellani conduisaient toutes les affaires du royaume. Tous deux faisaient montre de l’ascendant qu’ils exerçaient sur l’esprit du roi, avec une sorte de forfanterie ou d’affectation. L’un et l’autre s’étaient munis de caractères ou talismans métalliques fondus, et de figures magiques sculptées par un nommé maître Mignon, élève des écoles de Toulouse et de Barcelone : A l’aide de ces secours, ils se vantaient de gouverner le roi et de conserver, malgré qu’il en eût, ses bonnes grâces et un pouvoir surnaturel[43].

Le 1er janvier 1457, Otto Castellani fut arrêté sur le pont de Lyon, ainsi que Guillaume Goufier. Jean de La Gardette, prévôt de l’hôtel du roi, et Jean d’Aulon, capitaine de Pierre-Encise, s’entremirent à cette arrestation. Heureux d’avoir pu déjouer à temps le nouveau complot, Charles VII ne sut à qui imputer la première initiative et à qui faire remonter la véritable responsabilité de ce crime. Mais sa pensée, inévitablement, se porta sur son fils. La légation de Bourgogne fut regardée obliquement, dit Chastellain, et les ambassadeurs congédiés sans succès. G. Goufier, même entre les mains de la justice, continua de revendiquer son pouvoir occulte, et faillit se perdre irrévocablement, au moment où Jean d’Aulon venait, par ordre du roi, le délivrer. Les deux prévenus réussirent à sauver leur tête, par la réserve de leurs déclarations et l’habileté de leurs réponses.

Charles VII, une fois ce péril franchi, s’inspira de sa débonnaireté habituelle. L’exemple de Jacques Cœur le plongeait dans le doute et le scepticisme. Après quelques mois de détention et après avoir subi plusieurs juridictions, tant à Lyon qu’à Paris et ailleurs, Otto Castellani et Gonfler recouvrèrent la liberté de leur personne. Mais tous deux furent condamnés à une forte amende, perdirent leurs offices et furent bannis, avec défense d’approcher le roi de plus de trente lieues[44].

Cependant le pape Calixte III ne cessait d’exhorter les princes chrétiens à pacifier leurs différends, pour con : sacrer leurs communs efforts à la guerre sainte. Les cardinaux d’Estouteville, de Coëtivy et de Saint-Ange furent successivement envoyés par le saint-père auprès de Charles VII, pour requérir son assistance. Le cardinal de Saint-Ange remplit une mission analogue auprès du roi anglais et d’autres puissances chrétiennes[45].

Charles VII était sollicité par deux forces ou deux sentiments peu compatibles : devait-il consacrer ses ressources à servir la cause de l’Église, ou les réserver pour sa propre défense ? Aux instances pressantes et fréquemment répétées de la cour de Rome, le roi de France répondit d’une manière variable, suivant les variations également incessantes des conjonctures politiques et des nécessités.

Charles VII commença par autoriser (1456) la levée d’un décime sur le clergé français au profit du saint-siège. Mais il profita de la connexité des matières pour revendiquer, à cette occasion, la célèbre pragmatique et les immunités gallicanes. La réhabilitation de la Pucelle, que le roi poursuivait avec un zèle si louable, quoique tardif, contribua nécessairement pour lors à maintenir l’harmonie de vues et de conduite entre le gouvernement de Calixte et celui du roi Charles. Mais bientôt la scène changea. Le clergé lui-même, très jaloux de la prérogative à laquelle il était ainsi porté une atteinte légale et exceptionnelle, montra peu de ferveur pour répondre à l’appel du chef commun des fidèles. Une sorte de scission s’ouvrit au sein même du conseil du roi. Le duc d’Orléans, le chancelier, ainsi que Pierre d’Oriole, opinaient pour1a croisade. Le Dauphin, de son côté, ainsi que le duc de Bourgogne, appuyaient cet avis. Déjà ébranlé par les événements, le roi’ accorda de nouveau ou confirma le décime, mais il déclina la demande que lui adressait le souverain pontife, de joindre à ce secours indirect l’envoi d’un contingent de troupes[46].

Au commencement de 1457, le roi se voyait entouré d’ennemis, cerné, dans son propre palais, d’émissaires armés pour attenter à sa vie. Le jour même où Castellani fut arrêté, Alain de Coëtivy ; légat du pape, dut signer une déclaration de ne rien faire contre les droiz du roy et qu’il (le légat) sera en France tant qu’il plaira au top. Calixte III, à cette époque, se confiait toujours au zèle du Fils aîné de l’Eglise et comptait sur son assistance effective. Le roi, par mandement du 30 avril 1457, ordonne au premier huissier ou sergent requis de s’opposer à ce que les collecteurs de décimes imposés par le pape lèvent aucuns deniers sur les officiers du parlement[47]. Puis vint l’ordonnance du 5 août. Le toi y déclaré que le consentement qu’il venait de donner à la levée du décime ne doit porter aucun préjudice aux libertés de l’Église gallicane[48].

En ce moment, l’attitude de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, excitait particulièrement les défiances du gouvernement royal. Philippe entretenait avec les Anglais des intelligences, et le conseil de Charles VII en était instruit par, des rapports secrets. Le 1er juillet 1457, une entrevue se tint à Calais entre Jean de Bourgogne, comte d’Etampes (neveu de Philippe et son ambassadeur), et le comte de Warwik, capitaine de Calais. A la suite de cette conférence, les deux partis renouvelèrent leurs trêves. Peu de temps auparavant, des propositions analogues avaient été adressées au roi de France, qui les avait écartées[49].

Des courses réciproques étaient opérées, savoir : de la part des Bretons, des Dieppois et autres marials normands ou français, contre les Anglais ; et, de la part des Anglais, contre les côtes françaises ou contre les navires de diverses nations alliées de Charles VII. Ainsi, au mois de mai 1457, des bourgeois de Dieppe, intimés, plaidaient au parlement de Paris contre Thibaut de Termes ou d’Armagnac, bailli de Chartres, pour la possession de Thomas de Warren et autres prisonniers anglais, récemment pris dans l’île de Wight. Quelque temps après, des marins bretons allaient exécuter une capture à l’embouchure ou près de l’embouchure de la Tamise, à Sandwich[50].

Pierre de Brezé, depuis le recouvrement p e la Normandie, se consacrait tout entier à la défense de cette province. Frappé de l’insuffisance de la marine royale, il avait dirigé de ce côté son activité : le sénéchal de Normandie s’était fait constructeur et armateur de navires. Son exemple fut suivi par le lieutenant général comte de Dunois et par Cousinot de Montreuil, bailli de Rouen. Les mêmes sentiments inspiraient le connétable de Richemont. Des forces navales furent dès lors mises sur pied par le duc de Bretagne et destinées à combattre l’Angleterre. Pierre de Brezé réunit ainsi le. plus grand nombre possible de bâtiments ; il employa les uns au commerce et à la navigation, les autres à croiser militairement et à surveiller les parages maritimes. En 1457, une expédition fut concertée entre le sénéchal, Guillaume du Périer (breton), et le capitaine de Dieppe, Charles des Marets. Cette entreprise avait été préalablement résolue, d’un commun accord, par Jacques, roi d’Ecosse, Charles VII et Marguerite d’Anjou elle-même, dans un esprit d’hostilité contre le duc d’York, prétendant à la couronne d’Angleterre[51].

Le 20 août 1457, une flotte, composée de navires normands provenant de Dieppe et autres, sortit du port de Honfleur et se dirigea vers la côte méridionale de l’Angleterre. Cinq jours après, un deuxième convoi maritime appareillait à la Fosse de Loire (Nantes) et cinglait dans la même direction. L’expédition était commandée par Brezé, accompagné de Jean d’Anjou, duc de Lorraine, du maréchal de Lohéac et de Joachim Rouault. Le grand sénéchal avait en outre pour auxiliaires les baillis et capitaines de Normandie, savoir : Charles des Marets, capitaine de Dieppe ; Floquet, bailli d’Evreux ; Thibaut de Termes, bailli de Chartres ; G. Cousinot, bailli de Rouen ; Jacques de Clermont, bailli de Caen, et Jean de Brezé, bailli de Gisors. Guillaume du Périer, Jean Carbonel, seigneur de Cenxeuges et d’autres, montaient les vaisseaux bretons. Placés à l’avant-garde, ils guidaient la marche des Normands vers un point d’attaque où ils les avaient, depuis peu de temps, précédés avec succès[52].

Les forces réunies de Brezé, autant que nous pouvons en juger, se composaient de soixante navires, mais de puissance et de tonnage fort inégaux. Treize seulement étaient munis de tours ou châteaux, et pouvaient compter, comme bâtiments de guerre. Une partie de cette flotte avait été destinée au pape, et fut ainsi employée contre les Anglais, au lieu de l’être contre les infidèles. D’après l’historien français, qui paraît avoir été le duc d’armes ou héraut Normandie, lieutenant du roi Berry (décédé ?), la totalité dès hommes embarqués s’élevait à environ quatre mille combattants. Le dimanche 28 août, la flotte mit à l’ancre dans les sables oui dunes de Sandwich, et débarqua sur la plage de seize à dix-huit cents hommes. Brezé divisa ses troupes en trois corps, pour opérer l’attaque de cette ville. L’infanterie débarquée se rendit maîtresse d’un boulevard préparé pour la défense ; elle éprouva une assez vive résistance de la part des habitants[53].

Pierre de Brezé demeura sur son bord, accompagné des baillis de Rouen et de Chartres, de Renaud de Girême et d’une compagnie de francs-archers commandés par le capitaine Pierre Louvain. Le port était défendu par une grande caraque, trois grosses nefs de guerre ou navires à châteaux, et d’autres bâtiments portant l’enseigne militaire. Le sénéchal eut raison de ces forces, qui ne tardèrent pas à parlementer. Il arriva par la mer dans Sandwich, au moment où l’infanterie y pénétrait de son côté. Les habitants, chassés par nos troupes, sortirent des murs et cherchèrent à se rallier avec les secours qui leur étaient expédiés. Cependant la cité fut livrée au pillage. En mettant pied à terre pour monter à cheval et entrer lui-même dans cette ville, Pierre de Brezé publia une proclamation qui ordonnait aux Français de respecter les églises, les femmes et les hommes inoffensifs[54].

Les francs-archers trouvèrent parmi les denrées réunies dans ce port de grandes cargaisons de vin français, dont ils burent plus que de besoin n’estoit. Vers le soir, l’ennemi demanda une trêve, qui fut joyeusement et libéralement accordée par le chef de l’expédition. Brezé, dès le soir même, opéra sa retraite et fit donner des soins aux rares blessés qu’avaient atteints les Anglais. Le capitaine vainqueur rembarqua son monde et jeta l’ancre à deux lieues de Sandwich, sur la brève où il avait pris terre le matin. Il y demeura pendant trois jours ; après avoir défié l’ennemi suivant les lois de la guerre, le 1er septembre 1457, Brezé leva l’ancre. Il emmenait avec lui environ vingt-quatre navires anglais, dont trois à châteaux, et le reste de médiocre grandeur. Quant à la grande caraque, son poids et le peu d’eau où elle était mouillée ne permirent pas aux vainqueurs de l’emmener : Mais sa riche cargaison, destinée pour Londres, passa sur les navires français, qui rentrèrent bientôt à Honfleur, chargés de butin et de richesses[55].

Cependant la flotte d’invasion s’était partagée. Une escadrille se détacha, sous le commandement de Guillaume du Périer. Ce capitaine cingla vers l’extrémité opposée de la côte anglaise et débarqua à Fowey en Cornouailles. Il saccagea cette ville et ses environs et se rembarqua, chargé de ses prises. Dans le même temps, Jacques II, roi d’Ecosse, par un mouvement concerté, entra de sa personne en Northumberland. Suivi de quelques troupes, il porta le ravage et l’incendie sur la terre anglaise. Mais bientôt, poursuivi par le duc d’York, qui marchait contre lui à la tête d’une armée, le prince écossais regagna. son territoire. Guillaume du Périer, après cette expédition, ramena victorieusement ses vaisseaux à la Fosse de Loire[56].

 

 

 



[1] Œuvres de Chastellain, édition belge, t. III, p. 53 ; t. IV, p. 8 et suiv. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 265. P. Clément, Charles VII et J. Cœur, t. II, p. 422 (mission en Savoie). Legrand, Hist. de Louis XI. Ms. 6960, f° 75 et suiv. Chorier, Hist. du Dauphiné, t. II, p. 455, 462.

[2] Comptes des revenus du Dauphiné en 1450, Ms. fr. 6756 ; f° 22 et suiv. Morin, Numismatique féodale du Dauphiné, 1854, in-4°, p. 355 et suiv.

[3] Duclos, Recueil, 1746, in-12, p. 96 à 113. Ms. fr. 6960, f° 79 et suiv. Ms. Dupuy 762, f° 8. J. Chartier, t. III, chap. CCLXXVI, p. 55. Chastellain, p. 55 et suiv. Chorier, p. 457 et suiv.

[4] Ms. fr. 6762, f° cxij. Monstrelet (continué), Paris, Sonnius, 1586, in-fol., t. III, f° 68. Recueil de Duclos, cité, p. 224.

[5] Voyez J. du Clercq, Panthéon, p. 99 b.

[6] Aussi terrible dans ses haines qu’habile à les cacher, impie dès sa jeunesse, mais devenu bientôt superstitieux par je ne sais quel fol espoir de tromper la providence divine, comme il trompait les hommes, Louis avait pu librement développer ses défauts et ses vices dans la solitude de son apanage du Dauphiné. Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandres, Bruges, 1854, in-12, t. IV, p. 11. — Louis, Dauphin, pour se rendre le Ciel favorable, accomplit le pèlerinage de la Sainte-Baume en Provence. Le 26 février 1456, il quitta sa résidence et vint offrir en l’église de Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin, la somme de 867 livres 6 sous, en 600 écus ou ducats d’or. Il envoya en outre des pèlerins chargés de riches dons, malgré sa pénurie financière (du 24 juillet au 6 août), à Notre-Dame de Montserrat en Aragon, à Saint-Jacques de Galice, Saint-Martin de Tours, Saint-Autome de Viennois, Saint-Michel de Normandie, Saint-Genys en Savoie, Saint-Jean de Lyon, au Pont-Saint-Esprit de Bayonne, Notre-Dame la Riche de Tours, Notre-Dame de Béhuart en Anjou, Sainte-Catherine de Fierbois, Saint-Claude, Saint-Blaise, Saint-Avertin, Saint-André de Grenoble, Saint-Hubert des Ardennes et plusieurs autres. Mss. 6960, f° 86 ; n° 6967, f° 94.

[7] Itinéraire. Legrand, Ms. 6960, f° 15 et suiv., 86 ; n° 6967, f° 82. Ms. fr. 6762, f° cxij. Chronique Martinienne ou de Chabannes, f° cccij. Lincy, Les cent nouvelles, etc., t. I, p. lij. Guichenon, Hist. de Savoie, t. I, p, 517. Du Clercq, p. 95. Continuateur de Berry, dans Godefroy, p. 475. Le 24 mai 1456, ordre du roi, donné au Chatelier près Ebreuille, d’arrêter le duc d’Alençon. Isambert, Anciennes lois, t. IX, p. 274, n° 225. Chastellain, Œuvres, t. III, p. 160 à 170 ; t. IV, p. 16. Duclos, Recueil, p. 121.

[8] Chronique Martinienne, dans Lincy, p. lv. Vers 1450, Louis se trouvait à Vienne en Dauphiné. De là il adressa au roi une de ses nombreuses protestations de fidélité, de repentir, etc. Dans cette pièce, le Dauphin prend l’engagement qui suit : Item promettra et jurera mondit seigneur Louis, sur le bras et reliques de monsieur S. Anthoine (en Viennois) de entretenir les choses dessus dictes et, en cas de deffault, renoncera à tout droit qu’il peut avoir en la couronne de France. Ms. Résidu S.-G. 143, f° 27.

[9] Louis habitait avec prédilection les châteaux de Romans et de Moras. Pour son itinéraire au départ, voyez Chorier, p. 460 et suiv.

[10] Chronique Martinienne. Recueil de Duclos, p. 117-125. Raynaldi, t. XXIX, p. 56. Chastellain, ch. XXXVI, p.177. Mss. Legrand 6964, pièce 30 ; 6967, f° 75. Guichenon, p. 517. Chronica Latina Sabaudim, dans Monumenta historiæ patriæ, etc. Turin, 1838 et ann. suiv., in-fol. ; Scriptores, t. III, col. 622.

[11] Mêmes autorités. Chastellain cité, p. 177 à 233. Oudegherst, édition Lesbroussart, Gand, 1789, in-8°, t. II, p. 686. Escouchy, t. II, p. 329 et suiv. Basin, t. I, p. 285. Commynes-Dupont, t. I, p. 85 ; t. II, p. 79. La Pise, Histoire d’Orange, p. 130.

[12] Juillet 1456, lettres du roi de France, qui accordent à la ville de l’Écluse en Flandre (principal port de Philippe le Bon), le droit de punir les malfaiteurs par des amendes pécuniaires, au lieu du bannissement. Ordonnances, t. XIV, p. 411. Godefroy, p. 353, 473. Escouchy, t. II, p. 270. Chastellain, t. III, p. 19 et suiv., 81 et suiv. Du Clercq, liv. III, chap. XVII, XXVIII et XLIII, p. 128 b. O. de La Marche, p. 505. Ms. Legrand 6967, f°59. Ms. fr. 5044, f° 32 à 35. Lettenhove, t. IV, p. 28, lettre adressée de Paris, le 3 avril 1456, au roi, par Jean Barbin, conseiller, et Simon, avocat du roi au parlement ; original important et inédit. Ms. 5044, f° 35.

[13] Mêmes autorités. Gall. christ., t. XI, col. 892. Aliénor, les Honneurs de la cour, dans La Curne Sainte-Palaye, 1759, in-12, t. II, p. 208 et suiv. Chronica latina Sabaudim, dans la collection du gouvernement sarde, Historiæ Patrice monumenta, déjà cité ; Scriptores, t. III, col. 622, 3. D. Plancher, t. IV, p. 288.

[14] Gallia christiana, t. IV, col. 619 et suiv. Cabinet des titres : Bernard. Anselme, grande édition, t. II, p. 220-1. Chronique de Savoie, citée. Ms. fr. 6762, f° cxiij. Originaux de Fontanieu, Mss., t. I, au 11 septembre 1456. Mss. Legrand 6960, liv, III, f° 1 à 32, 89 et 90 ; n° 6963, f° 32 ; n° 6967, f° 92, 119. Lettres du roi, Archives de Reims. Ms. latin 5956 A, fis 199, 223. Spicileg., t. III, col. 802. Barthélemy, Hist. de Châlons, p.138. Quantin, Bulletin de l’Yonne, 1853, p. 195, 206. Stevenson, Henri VI, p. 326. Duclos, Recueil, p. 127 à 160. Chastellain, t. III, p. 342. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 209.

[15] Les auteurs varient sur l’estimation.

[16] Philippe le Bon avait offert à Charles VII la tutelle du comte de Charolais. Basin, t. I, p. 290. La fortune, par un de ses retours, mettait entre les mains du vassal la garde du Dauphin ! Pii, Commentarii, 1614, in-f°, p. 163, 164.

[17] Mss. fr. n° 5037, f° 153 et suiv. ; n° 5044, f° 34 et 36 ; n° 5041, f° 14, 13, 141. Basin, t. I, p. 303 et suiv. ; chap. XVIII et XIX. Ol. de La Marche, p. 508 et suiv. Du Clercq, p. 99 et suiv. Escouchy, p. 333 et suiv. Chastellain, t. III, p. 201 et suiv. Commynes, cité p. 253, 273, 276 et 540. Adrianus de Veteri Bosco, Chronique de Liège, ap. Ampliss. collectio., t. IV, Col. 1231. Basin, p. 290 à 303. J. Chartier, t. III, p. 55 et suiv.

[18] Chastellain, t. III, p. 51. Guichenon. Chronica Sabaudiæ. Chorier, Hist. du Dauphiné. Costa de Beauregard, Familles de Savoie, p. 48.

[19] Guichenon, p. 517. A. de Chabannes, pour prix de ses négociations auprès de Louis, duc de Savoie, en 1456, obtint de ce prince le don du comté de Clermont en Genevois (Ibid.). Ms. Legrand 6960, f° 75, 76. Ms. 6967, f° 86 à 90. F. Clément, Charles VII, etc., t. II, p. 43. Catalogue Joursanvault, n° 1896. Taillandier, Hist. de Bretagne, t. II, p. 58. Gruel, Panthéon, p. 403. Ms. fr. 5909, f° viijxxij. Costa, ouvr. cité, p. 60, 61. Du Mont, Corps diplomatique, t. III, p. 193.

[20] Les mêmes. Ms. 6967, f°5 71, 72. Godefroy, Charles VII, p. 474. Catalogue Dupuy, ms. 220, au mot Savoie. Cabinet historique, 1861, p. 70, n° 5954. Monumenta, cité, t. I (leges), col. 612 et suiv. ; t. III (scripiores), col. 622 et suiv. J. Du Clercq, p. 98 b. Guichenon, p. 518. Bulletin du comité historique de la langue, etc., 1856, in-8°, t. III, p. 579. 1457, avril 8, lettres de Charles VII pour rétablir l’autorité du roi en Dauphiné, Ordonnances, t. XIV, p. 426. Recueil, p. 93 et suiv. Isambert, t. IX, p. 325 à 328.

[21] Ms. Dupuy 578, f° 128 et suiv. Ms. lat. 5956 A, f° 233 et suiv. Ms. Legrand 6967, f° 287 v°. B. Hauréau, Gall. christ., t. XIV, col. 128. Le 25 mai 1455, jour de la Pentecôte, J. Bernard bénissait à Cordoue le mariage de Henri IV avec Jeanne de Portugal, Romey, Hist. d’Espagne, t. IX, p. 483.

[22] Ms. lat. 6024, f° 51, 57 et suiv., 92,108,111 et suiv. Ms. latin 5956 A, f° 227 et suiv. Plainte au roi de ce que deux nefs, chargées en retour, pour l’Angleterre, de vins de France, et appartenant à John Ormond, écuyer anglais, prisonnier rançonné du comte de Dunois, avaient été prises et pillées en vue d’Harfleur par des Espagnols de Bilbao, en avril 1454, malgré le sauf-conduit délivré à Ormond par Dunois et par l’amiral de France. (Ms. fr. 4054, f° 166, pièce 80.) P. Clément, Charles VII et J. Cœur, t. II, p. 423.

[23] Ibid., Ms. 6024, fis 52 et suiv., 224 et suiv. ; Ms. 5956 A, f° 228 et suiv. ; 233, 238, etc.

[24] Ms. 6024, f° 52 v°, 58 v°, 113, 115. Ms. 5356 A, f° 221 et suiv. Instrument originel du traité : J. 604, 80 bis. Cahier de parchemin scellé en plomb ; buste d’Henri IV (portrait ?). Etienne Bernard, dit Moreau, receveur général de Louis II, roi de Sicile, en 1417, puis de Marie d’Anjou, était noble de race. Mais son père avait dérogé par marchandise. En 1433, il fut réanobli et reçut la fleur de lis de concession. Il était frère de J. Bernard, archevêque de Tours, et père de Guy, évêque de Langres. Anselme, Histoire généalogique, grande édition, t. Il, p. 220. Maan, Ecclesia Turonensis, p. 175. Cabinet des titres, dossier Bernard. M. M. 855, f° 228 v°.

[25] Ms. 5956 A, f° 211 et suiv. bis. 6024, f° 90 et suiv. Ms. Dupuy, n° 761, f° 26. Art de vérifier les dates, t. I, p. 759 et suiv. Hist. de Bretagne, t. II, p. 61. Godefroy, Charles VII, p. 554, 474. Vallet de Viriville, Iconographie historique ; Notice d’un manuscrit souabe ; Voyage d’Ehingen, etc., 1855, in-4°, figures, p. 15. Romey, Hist. d’Espagne, p. 486. Anales del reyno de Navarra, por Jos. Moret y F. de Aleson, Pamplona, 1684 et suiv., in fol., t. IV, p. 528 et suiv.

[26] Cabinet des titres, cartons de Foix. Ms. fr. 5909, f° ccxviij. Ms. latin 5950 A, f° 190 et suiv., 209 à 213. Moret, p. 525. Romey, p. 484. Çurita, Anales de Aragon, t. IV, p. 41. Annales ecclesiastici, t. XXIX, p. 127.

[27] Ordonnances, t. XIV, p. 334. P. Clément, Charles VII et J. Cœur, t. II, p. 423. Stevenson, Henri VI, p. 310. ...El rey de Navarra dentro de dos meses que fuesse requirido que dasse obligado de ayudar a sus proprias costas al rey de Francia contra todos, esceptando al rey de Aragon, con trecientos hombres de armas a cavallo, utiles con sus pages, por seys meses. Passé ce terme, le roi de France pouvait les garder à sa solde, en les payant sur le pied accoutumé de France pour les gens d’armes. Çurita, f° 41, 42.

[28] Godefroy, Charles VII, p. 474, 5. Chastellain, t. III, p. 343. Ms. lat. 6024, f° 110 et suiv. Ms. fr. 5909, f° ccxviij. Cf. D. Taillandier, Hist. de Bretagne, t. II, p. 61 et 63. Basin, t. I, liv. V, chap. XIX, p. 307.

[29] Ms. Legrand 6963, f° 31, Ms. Brienne, n° 340, p. 7 et suiv. Basin, t. I, p. 294 et suiv.

[30] J. 457, n° 11 et 12 ; originaux sur parchemin. Le n° 11 est scellé d’un magnifique sceau de cire rouge conservé dans une cuvette de cire jaune. Moulé, n° 11,208, collection des Archives. Du Mont, Corps diplomatique, t. III, p. 259. Michel (Francisque), Les Écossais, etc., t. I, p. 217. Spicileg., t. III, p. 803. Dans cette lettre, Christiern demande à Charles VII de lui envoyer une copie de la pragmatique sanction. Amitié des Liégeois (1454) : Amplissima collectio, 1729, in-fol., t. IV, col. 1225, Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 259, 314. 1457, Jean Bernard, archevêque de Tours, est envoyé par Charles VII en ambassade auprès du duc de Mantoue. Hauréau, Gall. christiana, t. XIV, col. 129. — 1457, avril, lettre originale de Casimir (IV, Jagellon), roi de Pologne, à Charles VII. Ms. Fontanieu 123-4, à la date. Je n’ai pu réussir à retrouver cette pièce, dont je me borne à reproduire l’indication.

[31] D. Taillandier, Hist. de Bretagne, t. II, p. 38 et suiv., 54 et suiv. Actes de Bretagne, in-fol., t. II, col, 1555 et suiv., 1616 et suiv.

[32] K. 69, n° 12. Actes de Bretagne, col. 1644-5 ; 4689. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 319. Itinéraire. Raynal, Histoire de Berry, t. III, p. 46.

[33] K. K. 55, f° xvj v°. Histoire de Bretagne, p. 54. Actes de Bretagne, col. 1686, 1689, Œuvres de Chastellain, t. III, p. 163. Gruel, Panthéon, p. 403.

[34] Les mêmes. Alain Bouchard, Annales de Bretagne, 1541, in-fol., p. clxxix v°. Hist. de Bretagne, p. 56 ; preuves, col. 1669, 1675.

[35] Ms. Dupuy, n° 38, f° 88, 89. — En 1450, Louis, Dauphin, avait à son service Robin Jameston, Anglois, homme de guerre, châtelain de Dolomieu, et lui avait engagé les produits de cette place. Les revenus de la châtellenie de Vaux étaient alloués depuis 1444 à Sanche de Saracte, escuier d’escuirie de monseigneur le Daulphin, natif du pays d’Espaigne, capitaine de gens d’armes et de trait, garde du corps dudit seigneur. Ceux de la Tour-du-Pin étaient alloués à Mahiet de Condé, maistre de l’artillerie de monseigneur. Etc., Ms. fr. 6756, f° 21, 22. Voyez aussi, f° 29 v°, 31 v°, et passim.

[36] Ibidem. L’Hermite-Souliers, Histoire généalogique de la noblesse de Touraine, 1669, in-fol., p. 152 et suiv. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 335 et suiv. Michel, Écossais, t. I, p. 196.

[37] Stevenson, Henri VI, t. I, p. 317 à 354.

[38] Stevenson, p. 341 et suiv. Ces quatre cents lieues doivent s’entendre en deux parts : 1° de Marseille ou d’Aigues-Mortes à Collioure, et 2° de Fontarabie, bouches de la Bidassoa, à Saint-Valery de Picardie.

[39] Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 267. Cf. Chastellain, Œuvres, t. III, p.337 et suiv. Chronique d’Eu. Ms. Duchesne 48, f° 181 et suiv. K. 69, n° 13. Commentaire, etc., cité par Franklin, Recherches sur la bibliothèque de la Faculté de médecine, Paris, 1804 ; in-8°, p. 19. Ms. Fontanieu 121, au 28 septembre 1454.

[40] Il eut la tête tranchée ; puis il fut écartelé, mis en six pièces et pendu en divers lieux ; comme on a accoutumé de faire en tel cas, J. Chartier, t. III, p. 50. Rymer, 1741, t. V. partie II, p. 27, 53, 84. Godefroy, Charles VII, p. 353, 473. Le 17 février 1454 n. st., le roi donne à Géraud d’Albret, seigneur de Puypardin, les terres et seigneuries de La Trau, etc., sises en Bordelais. Ms. Gaignières 771, f° 131. En 1457, une nouvelle conspiration fut ourdie pour livrer Bordeaux et la Guyenne aux Anglais. Des personnages ecclésiastiques furent compromis dans cette affaire. Calixte III, sur la demande du roi, chargea l’archevêque B. Greslé, l’évêque de Poitiers et le cardinal Longueil d’informer à l`égard des prévenus. Annal. eccles., t. XXIX, p. 122.

[41] Isambert, Lois françaises, t. IX, p. 274, n° 225. 1456, avril à septembre, la Normandie est remplie de gens d’armes et francs-archers, pour le bruit qui estoit de la descente des Anglois. K. K. 52, f° 97. Armement : compte de Tannegny Duchâtel, premier écuyer du roi, commençant au 1er octobre 1456. Preuves de Bretagne, 1756, t. II, col. 4695 et suiv. Octobre et novembre, un juif travaille avec Gaspard Bureau. Le roi avait fait venir d’Allemagne ce juif pour apprendre certaines choses subtiles touchant le fait de l’artillerie. Anselme, généalogie Bureau.

[42] Itinéraire. Chastellain, t. III, p. 307, chap. LVII. Lettenhove, Hist. de Flandres, t. IV, p. 22. — Nous trouvons en 1450 Jean Chenart, dit Gresille, au nombre des officiers du Dauphin. Hélait alors capitaine et châtelain du palais delphinal à Embrun. Ms. fr. 6756, f° 52. En 1458, 1459, Crésille figure au nombre des douze cranequiniers à croc de la garde du corps du roi. K. K. 51, f° 129. Mais nous ne saurions identifier sans incertitude le dénonciateur de la conspiration avec le châtelain d’Embrun et le garde du corps, ni mérite ces deux derniers entre eux. Voir aussi Grésille (cabinet des titres), famille normande. Cf. enfin Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p.207.

[43] Chastellain, p. 294, chap. LIII. J. J. 190, acte 14, f° 7 et 8. Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, octobre à décembre 1456.

[44] Sources citées. J. Chartier, t. III, p. 53 et suiv. Godefroy, Charles VII, p. 334.

[45] Gruel, p. 403. Raynaldi, Annales ecclesiastici, sub ann. 1455, 1456.

[46] Spicilegium, t. III, col. 800. Ordonnances, t. XIV, p. 385. Raynaldi, 16593 t. XVIII, n° 3 et suiv.

[47] On sait que ce corps judiciaire comptait dans son sein beaucoup de membres du clergé.

[48] J. J. 187, acte 329. Ms. fr. 5909, f° viijxxxiij. Ms. Brienne 155, f° 210-212. Raynaldi, ibid., n° 54 et suiv. Ordonnances, t. XIV, p. 435, 443. Du Clercq, p. 99. Basin, t. IV, p. 218 et suiv.

[49] Mss. fr. n° 4054, f° 107 ; n° 5044, f, 34 v°. Ol. de La Marché, Panthéon, p. 510 b. Œuvres de Chastellain, t. III, p. 318 et suiv., 357 et suiv. Du Clercq, p. 101. D. Plancher, t. IV, p. 294.

[50] X. X. 1485, vers la fin du registre, au 5 novembre 1457. Du Clercq, p. 402 b. Chastellain, p. 350. Ms. lat. 6024, f° 108, etc.

[51] Ms. Legrand 6967, f° 286. Mss. latins n° 6024, f° 111 ; n° 5956 A, f° 224 v°. D. Taillandier, Hist. de Bretagne, t. II, p. 61, 62. Preuves de Bretagne, t. II, col. 1695 et suiv. Rôle des dépenses ordonnées par le roi le 5 mai 1457. Ms. Fontanieu 123, à la date. Chastellain, p. 348. Escouchy-Beaucourt, t. II, p. 355.

[52] Hist. de Bretagne, p. 61. Godefroy, Charles VII, p. 475. Escouchy.

[53] Godefroy, ibid., Duclos, Recueil cité, p. 229. Chronique de Zantfliet, apud Ampliss. collectio, t. V, col. 494. Annales ecclesiastici, édit. Mansi, t. XXIX, 1753, in-fol., p. 102 à 122. Voir les monuments figurés de la marine du quinzième siècle : Le moyen âge et la renaissance, article MARINE, et les travaux de M. Jal. Ms. résidu Saint-Germain, n° 143, f° 215. Stowe, Annales or general chronicle of England, Londres, 1631, in-fol., p. 401.

[54] Godefroy, Chastellain, Zantfliet, loc. cit.

[55] Les mêmes. Stowe, p. 402. Fabyan, Cronicle of London, 1559, in-fol., t. II, p. 462, 463.

[56] Auteurs cités. Holinshed, 1577, t. II, p. 1290 b. Speed, The history of Grant Britain, Londres, 1614, in-fol., p. 667. Rapin de Thoiras, History of England, 1743, in-fol., t. II, p. 581. Etc.

Sur l’expédition de Sandwich. — Vers 1458, l’évêque de Salisbury cherchait à nouer des relations amiables avec le gouvernement de Charles VII. Dans cette vue, il trouva moyen de s’aboucher, à Calais, avec Jean Doucereau, secrétaire de F. de Brezé. Donneur nous a laissé un rapport touchant cet entretien secret. On y lit ce passage : Item me dit le dit évêque que lod. monseigneur le gront séneschal estoit le chevalier du monde qu’il désitoit [le] plus veoir, tant pour ce qu’il fut cause et moien des trèves et du mariage du roy et de la roine d’Angleterre, que pour les services quit a oy dire qu’il (Brezé) a fait au roy (Charles VII) ; et aussi de la bonne et belle guerre qu’il a fait à Sandwich, dont il est plus grant mémoire en leur pays que de chose qui y fut faicte depuis la descente du duc Guillaume, et mesmement que tous les prisonniers qu’il avoit eu entre ses mains se louoient tant de sa gentillesse et courtoisie que merveilles. Ms. résidu S.-G., n° 143, f° 215-6.)