HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME TROISIÈME

LIVRE VII. — PÉRIODE D’AGNÈS SOREL. - AFFRANCHISSEMENT DU TERRITOIRE NATIONAL. - Depuis les trêves jusqu’à l’entière expulsion des Anglais (1444 -1453).

CHAPITRE II. — Campagne de Metz et d’Allemagne (1444-1445).

 

 

L’heureux effet qui résulta du traité de Tours se fit sentir avec une évidence et une promptitude merveilleuses.

Depuis prés de cent ans que durait cette atroce guerre, les populations végétaient dans un état perpétuel de qui-vive et d’alarmes. Des vieillards étaient sortis tout enfants de leur village, pour se réfugier à l’abri des remparts de la ville voisine, et depuis n’avaient jamais connu d’autre liberté[1].

Il en fut ainsi généralement des populations suburbaines. Aussitôt les trêves proclamées, la sensibilité française s’exalta jusqu’à l’enthousiasme. Des troupes d’hommes et de femmes sortirent de ces enceintes murées comme des captifs, pour le simple bonheur de respirer l’air libre. Ils se rendaient aux églises, aux lieux de pèlerinage, afin d’y accomplir les veaux qu’ils avaient formés dans les temps d’épreuves et d’angoisses. Leurs pas retrouvaient la trace des chemins effacés. La terre inculte et redevenue sauvage leur semblait belle à voir. Ils contemplaient, dans le vaste espace, les beautés de la nature, toujours jeune et toujours féconde. Amis et ennemis de la veille, soudainement réconciliés, dînaient ensemble, fraternisaient et renouaient des liaisons amicales[2].

Le commerce se rétablit entre les deux nations, et Jacques Cœur envoyait des marchandises françaises, qui se vendaient en Angleterre. Après s’être longtemps livré à la destruction, à des luttes fratricides, le soldat quittait les armes et retournait au labour ou à l’industrie. Les reliques des saints, enlevées des sanctuaires, sous le coup d’imminents périls, étaient solennellement réintégrées dans leurs églises respectives. Le Lendit, fermé de nouveau depuis 4426, se rouvrit aux Parisiens. Plusieurs des portes de cette ville, également closes, se rouvrirent. En 1446, on vit affluer, à vil prix, sur les marchés de la capitale, les fruits du Nord et ceux du Midi[3].

Jamais les forces productives de la nature ne se manifestent avec une plus admirable fécondité qu’après les périodes d’extermination et de désastres. La France, au propre et au figuré, se reprit à la vie avec une énergie réparatrice.

La complexion de Charles VII le rendait semblable à ces miroirs qui absorbent plus de lumière qu’ils n’en reflètent. Quoique simple dans ses mœurs, c’est-à-dire sans éclat extérieur, le luxe, le commandement, la volupté, le maniement des grandes idées, le rôle suprême au milieu de graves événements, en un mot, ce qui agite l’existence de l’homme, ce qui l’élargit ou l’exalte, constituaient autant de besoins pour son organisation.

Il continuait à résider loin de la capitale. Mais aussi, quelles contrées étaient l’objet de sa prédilection ! Ce beau pays de Touraine, jardin de la France, d’après sa populaire et juste épithète ; ces rives fleuries de la Loire, de l’Indre et du Cher, que la nature et l’art ont ennoblies, comme à l’envi, de leurs créations : Amboise, Tours, Chinon, Angers, le retenaient tour à tour sur leurs plages enchantées, au sein de somptueux manoirs[4].

La cour du roi de France était vivifiée par la présence de jeunes princesses, par la présence, notamment, de la Dauphine, qui, de jour en jour, épanouissait alors la fleur de ses plus belles années. Un nombreux et brillant personnel de jeunes officiers, attachés aux grandes charges de la couronne, formaient cortége. La pompe et l’amour du plaisir se déployaient, en ces jours prospères, avec la sécurité, avec l’espoir d’un brillant avenir. L’historien peut emprunter, pour peindre cette situation, le pinceau du poète le plus gracieux de cette époque :

Le temps a laissé son manteau

De vent, de froidure et de pluie,

Et s’est vêtu de broderie,

De soleil rayant[5] clair et beau ;

Il n’y a beste ne oiseau

Qu’en son jargon ne chante ou crie :

Le temps a laissé son manteau.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

On a vu, ci-dessus, Marguerite d’Écosse partir de Tours en cavalcade, suivie de trois cents valentins et valentines, le 1er mai 1444, pour aller quérir l’arbre symbolique du renouveau. Charles d’Orléans célèbre, à chaque page, ces fêtes de l’amour et de la jeunesse. En ce temps, dit un autre poète,

En celui temps, je fus jeune et enrièvre,

Servant dames à Tours, à Mehun-sur-Yèvre[6].

Mais la dame qui présidait à tout ce galant essor, n’est autre qu’Agnès Sorel. Sa beauté d’abord, puis la grâce et l’enjouement de son esprit, lui avaient acquis auprès du roi une faveur suprême. Il nous est resté de cette dame cinq lettres entièrement écrites de sa main, qui attestent, de sa part, une culture intellectuelle peu commune. On y trouve le reflet sensible de cet enjouement. Elles révèlent des sentiments d’humanité généreuse et délicate, également éloignés des banalités de l’aumône, si facile aux grandes dames, et de l’orgueil sec, impérieux, égoïste, qui caractérise les favorites sans cœur. Ces cinq lettres paraissent se rapporter précisément à la période actuelle. Le roi, tout récemment, lui avait donné le château de Beauté, poétique manoir de famille, situé près de Plaisance, et bâti avec luxe par Charles V ; affin, dit un auteur, qu’elle fust dame de Beauté, de nom comme de fait[7].

Dès cette époque aussi, par une nouveauté inouïe dans les annales monarchiques (mais qui devait être si suivie), on vit en elle, pour la première fois, une favorite en titre. Elle eut, ostensiblement, au château de Loches, son quartier de maison, au préjudice de la reine, et au plus près du roi. La belle Agnès, comme on l’appela désormais, était clame d’honneur de la reine[8].

Au retour de la campagne d’Armagnac, Louis, Dauphin, rapportait, en meubles du comte, des dépouilles opimes. Il fit don, à Mme de Beauté, d’une belle tapisserie qui provenait de cette origine, et qui, à ce qu’il paraît, représentait, en six pièces, l’histoire de la chaste Suzanne. La galanterie, au quinzième siècle, marchait de front avec la religion, ou du moins avec les pratiques dévotes. Dès son installation à la cour, Agnès Sorel fit don au chapitre de Loches, d’une croix d’or, destinée à enchâsser le morceau de la vraie croix, que Foulques Nerra, comte d’Anjou, avait jadis offert au monastère. A ce présent, elle ajouta celui d’une statuette d’argent doré, représentant sainte Marie-Madeleine, sur laquelle fut gravée cette inscription : En l’honneur et révérence de sainte Marie-Magdeleine, noble damoiselle Madamoiselle de Beauté a donné cette image en ceste église du château de Loches ; auquel image est enfermée une côte et des cheveux de la dite sainte, et fust en l’an mil CCCC quarante et quatre[9].

Cependant, au milieu de ses jeux et de ses plaisirs, Charles VII préparait l’une des œuvres qui signalent son règne dans l’histoire. Il s’agit de la réforme de l’armée ; entreprise difficile, longuement méditée, déjà ébauchée et qu’il devait progressivement accomplir, avec la sagesse du temporisateur. Mais, pour ouvrir ainsi la carrière au tiers état, pour porter ce dernier coup à la prérogative aristocratique et militaire, de nouvelles précautions étaient nécessaires. La plaie, mal guérie, des Écorcheurs subsistait depuis le traité d’Arras. Vaincue, irais non domptée, la Praguerie survivait en la personne de Louis, Dauphin. Nous avons à rapporter ici deux épisodes qui, pris isolément, offrent pour ainsi dire deux énigmes historiques. L’un est la campagne de Louis, Dauphin, en Allemagne ; l’autre est la guerre de Metz. Le véritable sens de ces deux expéditions s’éclaire par leur rapport avec la réforme de l’armée[10].

On a vu que le roi s’était allié au duc d’Autriche Frédéric et qu’il avait accordé en mariage sa fille aînée Ragonde à Sigismond, fils mineur de ce duc. La maison d’Autriche était en guerre contre les Suisses. Dès le mois d’août 1443, Frédéric, roi dés Romains, et son fils, écrivirent à leur confédéré, le roi de France, pour réclamer de lui des secours militaires. A la campagne suivante, Charles VII se mit en devoir d’obtempérer à cette requête[11].

Dans le même temps, c’est-à-dire en mai 1444, la reine de Sicile, Isabelle de Lorraine, se disposait à se rendre de Nancy, sa capitale, à Pont-à-Mousson. La reine-duchesse, guidée par un but intéressé, dit-on, avait obtenu du pape Eugène IV de grands pardons et indulgences, accordés à ceux qui, le jour de la Pentecôte, visiteraient le couvent de Saint-Antoine en cette dernière ville. Avant de s’y transporter elle-même, Isabelle dirigea vers Pont, sous la conduite de ses fourriers, les bagages qui devaient l’accompagner. Mais une troupe de Messins, apostés à cet effet, se jeta sur le convoi, le saisit et l’emmena, comme prise, à Metz, malgré la résistance des gens de la princesse[12].

Cet audacieux coup de main rappelle l’arrestation de l’évêque de Nantes par Jean d’Alençon ; il se rattache à des circonstances que nous devons expliquer. Les ducs de Lorraine, par suite de vicissitudes politiques et militaires, survenues, au quatorzième siècle, entre eux et l’État de Metz, étaient restés débiteurs, vis-à-vis des Messins, d’une créance considérable. Héritier de ces obligations, René d’Anjou avait accru sa dette personnelle de divers emprunts ou secours pécuniaires et autres, que les Messins fournirent à ce duc, tant pour disputer la Lorraine à Antoine de Vaudémont que pour racheter le captif, après la journée de Bulgnéville. Mais René, roi de trois royaumes (Naples, Sicile et Jérusalem), ne retirait point un ducat de ces États honorifiques et n’y possédait pas un pouce de terrain. Sa vie, bien loin de là, s’était usée en efforts et en dépenses superflus, jusque-là, pour revendiquer cette triple couronne. Vis-à-vis de ce débiteur insolvable ou récalcitrant, l’état de Metz, pour se faire payer, avait employé, suivant un mode usité par les puissances du temps, le procédé que nous venons de dire[13].

Ces faits coïncidèrent avec l’assemblée des trêves, tenue à Tours[14]. Sur les plaintes de la duchesse, indignée d’un pareil traitement, René d’Anjou reçut audience du roi de France, et sollicita son aide, pour avoir raison de cette insulte. Une double expédition fut résolue dans les conseils de Charles VII. La première, commandée par le Dauphin Louis, se dirigea vers l’Allemagne. Pierre de Brezé prit le commandement de la seconde et s’achemina dans la direction de Metz. Charles VII quitta sa résidence de Tours au mois de juillet 1444 ; et, par Orléans, Troyes, puis le pays de la Pucelle, il vint se fixer à Nancy, à proximité des deux théâtres de la guerre[15].

Vers le 7 juillet 1444, Louis, Dauphin, se trouvait à Langres, où il dut rallier le roi son père, afin de concerter avec lui les mouvements de cette double expédition. Louis reçut à Langres les ambassadeurs de l’empereur, qui renouvelèrent auprès de lui leurs instances. Ils pressèrent le Dauphin de hâter sa marche au secours des princes allemands, et s’engagèrent à fournir amplement son armée des vivres et munitions nécessaires. Le Dauphin avait emmené avec lui une portion notable des Écorcheurs, cette multitude armée qu’il s’agissait d’occuper hors du royaume, en attendant le moment de la licencier. Un contingent d’Anglais, sous la conduite de leur capitaine, prit part, côte à côte avec les Français, à cette campagne. Les principaux chefs qui accompagnaient l’héritier du trône étaient le maréchal de Jalognes, Jean et Louis de Bueil, Charles, sire de Culant, Robert d’Etouteville ; Amanieu des sires d’Albret, seigneur d’Orval ; Antoine de Chabannes, le damoiseau de Commercy, Gilles de Saint-Simon, tous chevaliers ; Guy de Blanchefort, Lestrac, Joachim Rouault, Jean de Montgommery, l’Espinasse, Amaury d’Estissac, Gabriel de Bernes, etc.[16]

Louis, Dauphin, mit d’abord en sa main le château de Montbéliard, qui se rendit par composition. Peu de temps auparavant, le prévôt de cette ville avait fait une incursion sur le territoire du roi de France jusqu’à Langres, où il avait exercé de cruels ravages. Leprince était assisté de troupes allemandes que commandait Burckardt Monk de Landskrone, l’un des lieutenants de l’empereur, chevalier redoutable et très propre à guider Louis sur le terrain inconnu de cette guerre à l’étranger. Aidé de ces forces, il s’empara successivement de Colmar, Altkirch, Ensisheim, capitale de la haute Alsace, Sainte-Croix et autres places des environs[17].

Le 24 août 1444, les troupes du Dauphin parurent aux environs de Bâle, où elles portèrent la dévastation. A la nouvelle de leur approche, un détachement de Suisses confédérés quitta le siége de Farnsburg et prit le chemin de Bâle, par Listall, à la rencontre des Français. Ces confédérés étaient au nombre d’environ trois mille hommes, sous les ordres du hauptmann Jean Matter. L’avant-garde du Dauphin avait à sa tête Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, et le capitaine espagnol Salazar. Une première affaire eut lieu, le 25, à Pratteln et une seconde à Muttens. Les Suisses traversèrent avec avantage la résistance qui leur était opposée et poursuivirent leur route sur Bâle[18].

Le 26 août 1444 fut le jour où se livra la célèbre bataille de Saint-Jacques, sous les murs de Bâle, entre le village de Saint-Jacques et Grundoligen. Les Suisses, exaltés par leur premier succès, vinrent se heurter contre le gros des forces du Dauphin, qui, munies d’artillerie et en hombre bien supérieur, les attendirent dans une position avantageuse. Jean de Bueil, auteur du roman militaire intitulé le Jouvencel, commandait les troupes du Dauphin. Les Suisses, ayant passé la Birse, engagèrent la bataille clans la plaine. Ces confédérés étaient armés de lances, comme les chevaliers, et combattaient à pied. Jamais, dans leurs luttes précédentes sur le sol français, jamais les soldats de Charles VII n’avaient affronté une aussi redoutable infanterie. Les Suisses se défendirent avec une rare intrépidité. Refoulés d’abord dans file de la Birse, une partie des leurs s’adossa contre la muraille d’un cimetière attenant à la maladrerie ou couvent de Saint-Jacques. Là ils vendirent chèrement leur vie, pour ainsi dire jusqu’au dernier. Mais ils furent écrasés par le nombre, et les deux tiers, au moins, des combattants périrent sur le champ de bataille. Les Français, de leur côté, éprouvèrent quelques pertes. On doit citer entre autres celles de Burckardt de Landskrone et de Robert de Brezé, l’un des frères du premier ministre[19].

Louis, ainsi que ses principaux officiers, n’assista point de sa personne à la journée de Saint-Jacques. Charmé de cette nouvelle, le Dauphin se présenta devant Bâle et voulut y faire reconnaître son autorité. Bâte était toujours le siége du concile, qui soutenait l’antipape Amédée, sous le nom de Félix V. Le pape de Rome sonda le prince français, afin de l’engager à dissoudre le concile. Eugène IV, par un rescrit daté du 29 août 1444, conféra le titre de gonfalonier de l’Eglise à Louis, Dauphin. Ce titre était accompagné d’une pension ou traitement de 15,000 écus romains sur la chambre ou trésor apostolique. Mais les Pères et seigneurs du concile entrèrent en négociations avec le Dauphin. Des députés de la ville et de l’assemblée vinrent le trouver et le dissuadèrent de toute entreprise violente contre les Bâlois[20].

Durant le même temps, Charles VII, comme on le verra bientôt, obtenait des avantages marqués sur les frontières germaniques du royaume. Les princes allemands prirent ombrage de ces progrès. L’empereur assembla la diète électorale à Nuremberg, et les dispositions amicales spontanément témoignées tout d’abord au prince français, se changèrent en des sentiments tout autres. Il l’ut décidé que le Dauphin serait repoussé à force ouverte. Louis se vit privé des vivres et des munitions qui lui avaient été promis. Dans ces conjonctures difficiles, le prince employa, vis-à-vis des parties intéressées, la voie des négociations et vint s’établir à Ensisheim en Alsace[21].

Louis passa dans cette ville, avec les Suisses et les Bâlois, un traité avantageux, en date du 28 octobre 1444. Aux termes de ce traité, non seulement la paix générale était faite entre la France et les Allemands, mais encore la querelle était, sinon terminée, du moins assoupie entre les diverses parties belligérantes. Les Suisses, particulièrement, contractèrent dès lors, avec la monarchie française, des liens d’alliance ou d’amitié qui donnèrent lieu, de la part de la Suisse envers le roi de France, à des services durables. Le Dauphin manda auprès de lui le duc Sigismond, son beau-frère par fiançaille, promoteur de cette expédition militaire. Sigismond, sur la requête de Louis, approuva le traité d’Ensisheim et se disposa, suivant sa promesse, à épouser la princesse Radegonde. Mais cette dernière mourut avant la consommation de cette alliance[22].

Le Dauphin Louis cantonna ensuite ses troupes en Alsace, avec le dessein de les y faire hiverner. Dans l’intervalle, les Ecorcheurs français, anglais et allemands, placés sous les ordres du prince, manquaient de subsistances. Ils se mirent à piller cette province, et s’emparèrent de diverses places, telles que Haldstadt, Herlisheim, Rouffach, Chatenois et Saint-Hippolyte. Le Val-du-Lièvre fut le principal théâtre de leurs ravages. Cependant, l’un des électeurs de l’empire, Louis, palatin du Rhin, avait été chargé par la diète de repousser à main armée ces envahisseurs. Les Ecorcheurs subirent, auprès de Schélestadt, une déroute considérable, mais largement compensée par d’autres avantages. Louis, Dauphin, au mois de décembre 1444, vint rejoindre son père à Nancy. A l’occasion de ces différends, une suite de communications diplomatiques s’établit entre la cour de France et celle de Nuremberg ou des princes de l’empire. Le roi de France soutint énergiquement son droit dans une série de négociations qui duraient encore en 1448[23].

Les notions nous manquent pour apprécier avec une rigoureuse exactitude la conduite personnelle que tint le Dauphin dans le cours de cette campagne. Il paraît toutefois résulter de l’ensemble des témoignages, que Louis ne resta pas inférieur à la tâche qui lui fut imposée. L’intelligence, l’adresse et la fermeté étaient nécessaires pour conduire à bonne fin cette difficile et périlleuse entreprise. Le jeune Louis déploya ces qualités et les couronna par la bravoure personnelle. Nous en jugeons ainsi, du moins, par cette circonstance, qu’il fut blessé au genou lors d’un combat livré, en sa présence, par les troupes qu’il commandait sur le territoire de l’Alsace[24].

De son côté, Charles VII avait activé les opérations militaires dans le pays des Trois-Évêchés : Metz, Toul et Verdun. Cette contrée, sous les deux premières dynasties, avait l’ait partie du royaume. La dissolution féodale de l’Europe occidentale, qui suivit le démembrement de l’unité grandiose créée par Charlemagne, avait accidentellement distrait de leurs adhérences naturelles ces pays, pour les soumettre aux empereurs d’Allemagne. Mais la question de souveraineté était demeurée litigieuse entre les deux couronnes. L’autorité de la France n’avait cessé d’y être revendiquée et même reconnue, de manière à interrompre toute prescription contraire. Le dessein hautement annoncé par Charles VII était de faire définitivement triompher ses droits sur ces contrées.

A travers les indications exagérées ou contradictoires des divers chroniqueurs, on peut évaluer approximativement à trente mille hommes les forces que Charles VII avait conservées pour cette seconde entreprise. Pierre de Brezé, assisté du connétable de Richemont, prit en main la direction active de la guerre et celle du conseil. Charles et René d’Anjou, le maréchal de Lohéac, le comte de Dunois, Poton de Saintrailles, Floquet, Jean Bureau, maître de l’artillerie, Geoffroy de Saint-Belin et d’autres exerçaient les principaux commandements militaires. L’armée, composée en majorité d’Ecorcheurs, prit les champs vers la fin du mois d’août. Le 4 septembre, Charles VII envoya sommer les habitants d’Epinal d’avoir à reconnaître son autorité. Cette ville obéissait alors à l’évêque de Metz, et, par suite de dissentiments assez graves, se trouvait toute disposée à secouer le joug de cette puissance. Les habitants d’Epinal accueillirent sans aucune résistance l’injonction qui leur était faite ; et peu de jours après ils remirent entre les mains de Pierre de Brezé les clefs de la ville. Le 10 du même mois, dix mille Français ou alliés se présentèrent en armes sur le territoire messin. Ils s’emparèrent de divers postes ou maisons fortes, que l’État de Metz entretenait dans la banlieue de sa capitale. Puis, le 22, un héraut du roi de France parut aux portes de Metz et somma l’autorité d’envoyer à Nancy des plénipotentiaires auprès du souverain, afin de recevoir ses ordres et son ultimatum[25].

Toul la Sainte, Verdun la Noble et Metz la Riche, formaient autant de petits États indépendants, avec le titre de villes libres impériales. Metz, la plus puissante des trois, se montra la plus jalouse de ses immunités et devait seule opposer une sérieuse résistance. La constitution politique de ces cités, désignées sous le nom de républiques, appartient à un type dont la ville de Francfort-sur-le-Mein et d’autres encore ont perpétué jusqu’à nous de vivants spécimens. A Metz, l’autorité était confiée à un conseil pris, comme partout, dans les trois ordres de la société : noblesse, clergé, tiers état. Les deux premières classes dominaient au sein de cette oligarchie. Le maître échevin, élu ordinairement, par ses pairs, dans la classe patricienne, y exerçait le pouvoir exécutif, mais assisté de conseils collectifs et délibérants. L’un de ces conseils, dit des Sept de la Guerre, était préposé à la défense et aux opérations militaires[26].

Au premier bruit de l’invasion, les Sept de la Guerre déployèrent une grande activité. Metz entretenait, dans son enceinte et dans ses maisons fortes, une garnison, composée de soldoyeurs ou chevaliers à gages, assistés de compagnons d’armes aguerris. La ville, protégée par une forte enceinte, augmenta l’effectif de ses troupes ; et pourvue, tant en vivres qu’en artillerie, d’abondantes munitions, elle s’entoura d’imposants moyens de défense. L’un des Sept, nommé Jean de Witt, ou, selon les chroniqueurs français, Jean Vitout, se distingua par son zèle ardent et par la rigueur qu’il apportait dans l’accomplissement de ses fonctions militaires[27].

Le 25 septembre, Charles VII envoya son héraut à Verdun pour sommer les habitants de faire leur devoir envers le roi de France. Déjà, pendant le cours des années précédentes, quelques hostilités avaient eu lieu entre cette ville et les troupes royales. A la suite de ces différends, la ville reconnut momentanément l’autorité de la fleur de lis et paya le tribut, comme protégée par la garde gardienne. Mais l’influence de la grant aigle, ou de l’empire, qui disputait incessamment au roi la suprématie, l’avait emporté de nouveau dans le conseil de la ville[28].

Le siège de Metz formait le nœud de l’expédition ; il se prolongea durant environ sept mois. Malgré la disproportion apparente des forces, qui se réduisaient, du côté des Messins, à quelques milliers d’hommes, les conditions de la guerre et de la défense des places au quinzième siècle renflaient la situation de Metz presque inexpugnable. Les Ecorcheurs se livrèrent, contre la ville et contre le pays ennemi, à toutes les violences, à tous les désordres qui leur étaient habituels. Les Messins, de leur côté, n’épargnèrent à leurs adversaires ni les représailles de la guerre, ni même des actes répétés de barbarie. C’est ainsi que les prisonniers français furent en grande partie noyés, contre les droits de l’honneur et des gens, tandis qu’un petit nombre seulement de -ces captifs furent conservés pour la rançon et soignés de leurs blessures. Les Messins, toutefois, se voyant de jour en jour plus incommodés dans leur commerce, dans leurs possessions, et plus étroitement investis, entrèrent en pourparler ; ils députèrent des fondés de pouvoirs auprès du roi de France. Metz la Riche frappa monnaie, et s’ouvrit ainsi une voie plus facile pour arriver au dénouement de cette périlleuse conjoncture[29].

Nicole Louve, chevalier, fut le principal envoyé des Messins. Il défendit avec un zèle très habile et très vif les intérêts qui lui étaient confiés. Sire Nicole trouva l’accueil le plus courtois auprès du roi Charles ; car ce prince lui fit servir, ainsi qu’à ses collègues, le dîner que les queux royaux avaient préparé pour sa propre Majesté. Nicole Louve et ses compagnons reçurent également d’autres présents, tant avant qu’après l’issue des négociations ; il obtint enfin le titre de conseiller et chambellan du roi de France. Les ministres de Charles VII ne faillirent pas non plus à leur tâche. Messire Jean Rabateau, président au parlement, soutint les réclamations de la couronne à la fois avec des formes polies et une fermeté inébranlable. II fallut enfin, de la part des Messins, céder à la double pression de l’autorité, armée du droit et de la force[30].

Le 28 février 1445, un traité de paix fut signé, sous les auspices de Pierre de Brézé, entre les Messins et le roi de France. Ceux de Metz durent payer une indemnité dé 200,000 écus au roi de France, pour frais de guerre. Moyennant cette soumission, leur État conservait ses privilèges, les hostilités cessaient de part et d’autre et l’amitié se rétablissait entre les deux parties. De part et d’autre aussi, les prisonniers devaient être rendus et échangés sans rançon. Sept cents Français ou Ecorcheurs avaient été faits prisonniers par les Messins. Mais il n’en survivait plus que soixante-dix. Trois jours après, un traité spécial, dont l’arbitre fut également Pierre de Brézé, intervint entre les Messins et le roi René d’Anjou. Ce traité déchargeait avec peu de justice, on doit l’avouer, le prince lorrain de toute créance, et ce dernier trouva même le moyen de se faire allouer de nouvelles sommes par les vaincus. Louis, Dauphin, Charles d’Anjou, le sire de Commercy et autres seigneurs, ajoutèrent leur sanction à cette composition finale, et Pierre de Brezé fut reçu en vainqueur et en maître, au nom du roi, clans la ville de Metz, le 5 mars 1445[31].

La poésie populaire célébra cette expédition comme un événement digne de mémoire. Plusieurs morceaux de ce genre nous ont été conservés. L’un a pour titre la Complainte d’un jeune compagnon détenu prisonnier de Lorraine vers les bains de Plombières ; un second est la Chanson faite du roy de Sicile ; puis le Dictum fait sur la guerre de Metz. Une quatrième composition, dont le titre seul nous est resté, consistait dans une moralité ainsi dénommée : Poème de la guerre des trois rois qui mirent le siége devant Metz en l’an 1444. Les trois rois dont il s’agit ici sont : le roi de France, le roi de Sicile, René d’Anjou, et le roi... d’Yvetot, John Holland, Anglais, maire de Bordeaux, puis lieutenant de Guyenne. Ce chevalier, par suite des confiscations opérées en Normandie sur les tenanciers demeurés fidèles à la cause française, avait succédé à la maison de Vilaines dans la possession du franc fief, aleu ou sirie d’Yvetot[32].

L’un des traits caractéristiques, en effet, de cette expédition fut l’association des Anglais à la guerre que dirigea le roi de France. En 1441, l’Ecossais Montgomery, allié de ce prince, portait les armes du côté des Messins contre les Français. En 1444, il servait contre les Messins sous la bannière opposée. Henri V était mort, et plusieurs gouverneurs lui avaient succédé sans que leurs efforts, suivis et continus, eussent réussi à extirper, en Normandie, le brigandage militaire. A la suite du traité de Tours, le gouvernement anglais, comme celui de France, appréhenda les désordres des gens d’armes, que ces trêves allaient laisser inoccupés. On vit alors Mathieu Gough fraterniser aux côtés du capitaine Floquet, chevalier normand, avec lequel il avait croisé le fer en mainte rencontre. Mathieu Gough, accompagné de Floquet, traversa la Normandie et la Picardie, amenant au roi de France un notable contingent d’Ecorcheurs anglais, qui participèrent aux deux campagnes d’Allemagne. Enfin deux Anglais, l’un frère, l’autre fils de chevalier, se présentèrent à l’état de Metz durant le cours même des hostilités, et se firent agréer comme soldoyeurs aux gages de la cité belligérante. Ces faits particuliers montrent combien le sentiment patriotique, dans son acception moderne, était encore peu enraciné au quinzième siècle dans le cœur des gentilshommes voués au métier des armes, et qui combattaient pour combattre, abstraction faite en quelque sorte de toute cause et de toute nation[33].

A l’exemple de Metz, la ville de Verdun ne tarda pas de se soumettre. Le roi, sur la demande des habitants, leur accorda amiablement plusieurs délais. Vers la fin de l’année 1444, les Verdunois acquittèrent le tribut et reconnurent pleinement l’autorité du roi de France. Quelques mois plus tard, le roi traita de même avec les Toulois. Le 24 avril 1445, Charles VII résidait encore à Nancy. De cette ville il vint faire son entrée à Toul, qui lui ouvrit ses portes. Le roi prit son gîte chez l’évêque, y séjourna trois jours, et ce prélat, déjà en crédit, devint un des conseillers très écoutés du roi de France. Enfin, des lettres de protection furent renouvelées au château de Sarry-lez-Châlons, le 23 juin 1445, en faveur des habitants de Verdun. Pierre de Brezé, dans l’intervalle, avait été reconnu lieutenant général du roi dans les Trois-Évêchés[34].

Le roi, dans la phase de sagesse et de maturité où il était parvenu, appuyait chacun de ses actes politiques sur le droit et sur l’histoire. Avant dé signer le traité de Tours, il ne s’était point contenté de produire au congrès, par les mains de son chancelier, les actes du Trésor des chartes, qui formaient les antécédents diplomatiques de la question. Par ses ordres, Jean Jouvenel des Ursins, évêque de Laon, membre du grand conseil, compila les chroniques, scruta les termes les plus anciens du litige, et rédigea sur ce sujet un important mémoire, à la fois juridique et historique, qui nous est resté. Dans sa double campagne de l’Est, le roi suivit le même ordre. Il fit communiquer aux Messins, aux Verdunois, à l’empereur, aux seigneurs d’Allemagne, aux Toulois et aux Bâlois, des titres et mémoires analogues. Charles VII, dans ces instruments historiques, revendiqua hautement les frontières antiques et naturelles de la Gaule française, qui s’étendent, est-il dit formellement, jusqu’au Rhin. Ici, comme au voyage de Tartas, le roi de France limita lui-même, par sa modération, les résultats de la campagne. Il ne devança pas l’œuvre du temps, qui rendit seulement à la France le pays de Metz au seizième siècle, l’Alsace au dix-septième siècle, et la Lorraine au dix-huitième, niais il fit tout ce que permettait alors la prudence unie à un esprit courageux d’entreprise[35].

 

 

 



[1] Troisième compte des revenus du sceau du duc de Bedford, régent, pour sauf-conduits, apâtis et congés en Normandie, 1433-4. K. K. 324.

[2] Basin, t. I, p. 161 et suiv. Chronique de Mathieu d’Escouchy, publiée, pour la Société de l’histoire de France, par M. Gaston du Fresne de Beaucourt, t. I, chap. I, p. 5 ; édition enrichie de notes qui doublent le prix de ce document historique. En Normandie, les trêves ne reçurent pas un accueil moins favorable. Au sein de la capitale anglaise, cet événement fut célébré par un Te Deum solennel, accompagné de feux de joie dans les rues. Le comte de Suffolk, auteur des négociations, lors de son passage à Rouen pour retourner en Angleterre, fut accueilli par les démonstrations les plus significatives. (Beaurepaire, États, p. 83.)

[3] Ibid. Journal de Paris, 724, 726. Bibliothèque de l’École des chartes, 3e série, t. I, p. 309. Girardot (baron de), Histoire du trésor de la cathédrale de Bourges, 1859, in-8°, p. 9.

[4] ... Ne pouvant de dessi partir ; ... et pour prière que lui ay sceu fere, ne se veult cesser d’y demourer... Pour le surplus, continue à estre en bon estât et va chascun jour au long de la grève de Loire... Lettre d’Agnès Sorel à Pierre de Brezé, écrite à Amboise le 18 août [1444]. Itinéraire.

[5] Radieux, rayonnant.

[6] Près Bourges. Meschinot, les Lunettes des princes. Poésies de Charles d’Orléans, éd. Guichard et Champollion-Figeac, passim.

[7] Beauté-sur-Marne, près Vincennes. Vallet de Viriville, Recherches historiques sur Agnès Sorel, p. 312. Agnès Sorel, p. 18 et suiv. ...Et pour ce que lors on voyoit que le roy estoit fort pensif et imaginatif et peu joyeux, et qu’il estoit expédient de l’esjouir, par la délibération de son conseil, sans son sceu, fut dit à la royne, qu’il estoit expédient qu’elle endurast que le dit seigneur feint bonne chère à la dicte damoyselle et qu’elle ne monstrast nul semblant d’en entre mal contente. Ce que la bonne dame feit, et dissimula, combien qu’il lui grevast beaucoup. Chronique de Nicole Gilles, 1551, in-f°, f° 375, v°.

[8] Chronique de Chastelain, Panthéon, p. 255.

[9] Chronique de Miguel del Verms, Panthéon, p. 597. Recherches, p. 307, 313, 318, 321. — 1444, concession par le roi du droit de péage aux habitants de Loches à perpétuité. P. P. 110, f° 260.

[10] Quantin, Avallon au quinzième siècle, dans le Bulletin de la Société des sciences historiques de l’Yonne, 1853, in-8°, t. VII, p. 194. Carat de Chisy, les Écorcheurs, p. 27 et suiv. Lettres de Charles VII aux Rémois, 4 juin, 26 juillet et 6 octobre 1444. Dans cette dernière on lit ce qui suit. Les Rémois demandaient l’abolition d’une traite de 4 s. l. par queue de vin, imposée l’année précédente par le Dauphin Louis. Le roi répond : « Vous savez les grants et innumérables charges que nous avons eu et avons à supporter... Mesmement pour descharger nostre pais de Champagne et aultres des pilleries des gens de guerre (Écorcheurs), et pour envoler et entretenir hors de nostre royaulme les dites gens de guerre, que plus ne retournent en nostre d. pais... Aussie que nostre domaine est de très petite et comme nulle valeur. Relation du siège de Metz en 1444, par MM. de Saulcy et Huguenin, Metz, 1835, in-8°, p. 58, note 1.

[11] Lettre de Sigismond à Charles VII (21 août), original sur papier : Serenissimo ac christianissimo principi et domino Karolo, Dei gratia Francorum regi patri et socero nostro honorando atque carissimo. Ms. Legrand, t. IV, f° 1. Ms. Harley, n° 234, 3, f° 141. Schoepflin, Alsatia diplomatica, 1775, in-f°, t. II, p, 571, 372. La lettre du roi des Romains (22 août 1443) est signée : A la relation de Gaspard Schlick, chancelier de l’Empire : Æneas Sylvius. Celui-ci, en effet, qui depuis fut le pape Pie Il, était alors secrétaire de la chancellerie impériale. En cette qualité, ainsi que le faisaient chez nous les notaires du roi, il suivait, comme un véritable secrétaire d’État, les affaires de France, auxquelles il avait pris part déjà personnellement, lors du traité d’Arras. Piccolomini savait donc aussi bien que possible ce qui se passait à la cour de Charles VII, et cette notion ajoute un nouveau poids à l’autorité de ses mémoires.

[12] Siège de Metz, p. 56, 57. Histoire de Lorraine, 1728, in-f°, L. II, p. 831 ; Preuves, p. xviij. — Déjà la duchesse croyait avoir à se plaindre des Toulois, qui se trouvaient vis-à-vis d’elle dans la même situation politique que les Messins. Benoist, Histoire de Toul, 1702, in-4°, p. 531. Bargemont, Histoire de René d’Anjou, t. I, p. 546, 453, 454. Quelques années auparavant, la duchesse de Bourgogne subit une disgrâce analogue, de la part du damoiseau de Commercy et de ses écorcheurs. Mémoire de la place de Montagu près Laon, qui fut démolie, pour ce que le sir de Commercy et Jehan de Beaurain destroussérent dame Ysabeau de Portugal, jusques aux bouclettes dorées de ses souliers, quant alloit au duc Phelippe son mary. La Fons-Mélicoq, Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1861, p. 43. Histoire de Lorraine, t. II, p. 821 ; Preuves, p. ccxxxviij. Le 5 avril 1444, Charles vil écrit à la communauté de Reims pour désavouer une prise faite par les gens de Pierre Dangy sur aucuns marchands de Metz. Il ordonne de restituer cette prise avec réparations des dommages causés. Archives de Reims (communiqué par M. L. Paris).

[13] Siège de Metz, ibid. Histoire de Metz, 1745, in-4°, t. II, p. 642.

[14] Charles VII, avant de quitter Tours, promulgua un acte très important, qu’il nous suffira de mentionner ici à son ordre chronologique. Le roi, au mois de juillet, accorda des lettres d’abolition générale aux Génois, qui reconnurent son autorité. Ms. Dupuy 159, f- 96. Ms. Brienne 14, p. 371. Histoire du concile de Bâle, t. II, p. 119.

[15] Ibid. Jean Chartier, t. II, p. 43. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 193. Itinéraire du roi : le 12 juillet à Tours ; 21, Orléans ; 24, Montargis ; août 6-9, Troyes ; 12, Bar-sur-Aube ; puis Chaumont. Septembre 1, Greux ? 11-13, Epinal ; Rosières, Saint-Nicolas de Pol ou Saint-Nicolas du Port, à Varangeville (pèlerinage) ; puis Nancy. — Greux, comme on sait, est le nom de l’un des deux hameaux annexes qui formaient le village natal de Jeanne Darc. Un fragment d’itinéraire manuscrit, dressé à la fin du siècle dernier, porte cette station : 1er septembre 1444, Goreux (sic), mais sans indication d’autorité (K, 69, n° 43). Nous donnons donc cette allégation comme douteuse ; mais elle nous a semblé tout à fait digne d’être notée. On se souvient que Jeanne, en quittant son pays, avait accompli le pèlerinage de Saint-Nicolas du Port. Il existe, au Trésor des Chartes, un diplôme donné à Nancy en septembre 1444, par lequel Charles VII prend sous sa sauvegarde la ville et l’église de Saint-Nicolas ; sauvegarde confiée pour l’exécution au bailli de Chaumont et de Vitry. On y lit : Comme, visitant présentement notre royaume ès marches et contrées de nostre rivière de Meuse, nous, pour les singulière dévotion et affection qu’avons à S. Nicolas, nous soyons, pour icelui déprier et adourer, au dit lieu, en nostre dévotion, transporté, en icelui avons séjourné par aucuns jours ; visité la dite église et ses saintes reliques, etc., etc. J. J. 177, pièce vij, f° 5, v°.

[16] 1445, août 17. Senlis contribue, par une contribution de 80 livres, à l’expédition du Dauphin, Mallet-Bernier ; p. 24. Escouchy-Beaucourt, p. 40 et suiv. Legrand, Histoire de Louis XI, t. I, p. 60. Escouchy porte à quatorze mille chevaux la force militaire du Dauphin. Zschokke, Histoire des Suisses, trad. par Monnard, 1823, p. 138, dit que le nombre des alliés français s’élevait à trente mille. Les écrivains allemands s’accordent à nommer armagnacs les soldats du roi de France. Au même moment, une bande ou détachement d’Ecorcheurs vint se ruer aux portes de Paris et répandit l’effroi au sein de la capitale. (Journal de Paris, p. 725.) Olivier de La Marche, p. 408. Barante, Ducs de Bourgogne, 1825, t. VII, p. 179 et suiv.

[17] Les mêmes. Berry-Godefroy, p. 425. J. Chartier, f. II, p. 44. Muller, Geschichte des Schweizervischer Eidgenossenschaff, Leipzig, 1805, in-8°, IV Bach, erstes Capitel, t. V, p. 1 à 93. Saulcy, Relation, p. 81, 192, 217. Michelet, Histoire de France, t. V, 1842, p. 242. Le Dauphin était le 24 juillet à Langres, et le 20 août à Montbéliard. Ms. Gaignières 649, 2, f° 47. Labarre, Mémoires de Bourgogne, t. II, p. 186, note d. Laguille, Histoire d’Alsace, 1727, in-f°, p. 338. Aventini, Annales Boïorum, 1627, in-4°, p. 511. Basin, t. I, p. 181. Merklein, Ensisheim, jadis ville libre impériale, etc., 1841, 2 vol. in-8°.

[18] Les mêmes. Kausler, Atlas des batailles, pl. 36, texte, p. 146. Lutz, Beschreibung der Schweizerlaendes, Aarau, 1827, in-12, au mot Farnsburg. Pirckheimeri, Belli Helvetici, lib. I ; apud ejusd. opera, Francofurti, 1610, in-f°, p. 68, 69. Chronique de J. Leclerc, Ms. Clairambault, Mélanges, n° 748, f° 8 et 4. Chronique martinienne, f° cclxxxviij. Instructions de Charles VII, du 24 janvier 1445 ; original dans Godefroy, Ms. de l’Institut, portefeuille 96.

[19] Les mêmes. Escouchy, p. 19. Pii Opera, 1552, in-f°, p. 573 et suiv. Journal de Paris, p. 725. Berry, p. 426. J. Chartier, t. II, p. 44. Zschokke, t. I, p. 225. Michelet, t. V, p. 249. Aucun document digne de foi, à notre connaissance, n’articule avec précision la somme des forces engagées du côté du Dauphin. Nous estimerions volontiers ces forces de douze à quatorze mille hommes. Voyez Basin, t. I, p. 181. La bataille de Saint-Jacques est demeurée, chez les Suisses, comme un glorieux souvenir national. Il a été célébré en dernier lieu par un pompeux anniversaire, à Bâle, le 26 août 1863.

[20] Æneas Sylvius, Laguille, cités, etc. Rainaldi, Annales, 1659, in-f°, t. XVIII, n° 13. Beaucourt-Escouchy, p. 23. Lenfant, Concile de Bâle, t. II, p. 101 et suiv. Histoire de l’Église gallicane, in-8°, t. XX, p. 399 et suiv. J. Naucler, Chronicon, 1579, in-f°, p. 1072.

[21] Legrand, Naucler, Zschokke, Æneas Sylvius, Laguille, Basin, etc. Ms. Résidu Saint-Germain, n° 143, f° 34 et suiv., 49. Merklein, Einsisheim, etc., t. I, p. 176.

[22] Legrand, Laguille, Merklein, Pie II, Zschokke, Naucler, Basin ; Escouchy-Beaucourt, p.24 ; J. Chartier, t. II, p.45 ; Ms. Harlay, 234, 3, f° 145 ; Bri, 108, f° 1 ; 500 Colbert, n° 296, f° 165. Radegonde avait été fiancée, comme on l’a dit, le 12 avril 1430, à Sigismond, né en 1427 (Art de vérifier les dates, aux ducs d’Autriche). Corneille Zantfliet, dans sa chronique, dit que cette princesse était bossue : gibbosam. (Ampliss. collect., 1729, t. V, in-f°, col. 451.) Elle mourut de maladie à Tours, le 19 mars 1445. Ms. de la Biblioth. impér., quittance du médecin, Jacques Perchet (non classée). Anselme, à Charles VII. Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XVIII, p. 481, 482.

[23] Laguille, p. 339, 540. Æneas Silvius, p. 573, 574. Avantini, p. 511. Berry, p. 427. Escouchy, p. 34-36. Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. II, p. 374-380. K. 68, n° 9. Spicilegium, 1723, in-f°, t. III, p. 765. Ms. Dupuy 760, f° 103 à 123. Legrand, t. I, p. 59 à 79, et t. IV, passim. Relation du siège de Metz, p, 220.

[24] A Dambach Le Dauphin fut blessé au genou, d’une flèche (qui cloua pour ainsi dire sa jambe à la selle de son cheval). Cette blessure l’obligea de se retirer à Ensisheim pour s’y faire panser. v Laguille, p. 340. Voir, au même endroit, le dénombrement des troupes et leur répartition par cantons, pour hiverner dans le pays ; total : 50.500 hommes. Merklein, Einsisheim, loc. cit. Corneille Zantfliet, col. 451.

[25] Zantfliet, Ampliss. coll., col. 450. Cruel, 396. Berry, 425. Ms. Legrand, t. VI, f° 215 et suiv. Saulcy et Huguenin, Siége de Metz, p. 1 et suiv., 192 et 287. J.J. 177, f° 7, acte 12 (la rubrique). P. P. 110, f0s 266, 267. Ms. Fontanieu 119 ; au 4 septembre 1444. Beaucourt-Escouchy, p. 28. Basin, t. I, p. 163. Journal de Paris, p. 725. J. Chartier, t. II, p. 44. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 193. Loredan Larchey, les Bombardiers de Metz, 1861, in-8°, p. 21 et suiv. Ordonnances, XIII, 408. Documents relatifs à l’histoire de Lorraine, Nancy, 1858, in-8°, t. III, p.194 et suiv.

[26] Saulcy et Huguenin, Relation du siège.

[27] Saulcy, p. 28 et suiv. J. Chartier. Nicole Gilles, f° xcj.

[28] P. P. 110, f° 251. Histoire ecclésiastique et civile de Verdun par un chanoine de cette ville, Paris, 1745, in-4°, p. 589 et suiv. Ms. Moreau, n° 251, f° 62.

[29] Relation, p. 35 et suiv., 201 et suiv., 154, 203, etc. J. Chartier. Escouchy, p. 28. C. Zantfliet. Il n’est pas douteux que Pierre de Brezé, ainsi que les grands personnages français, reçurent des Messins de larges gratifications, pécuniaires et autres. Mais on n’observe pas que ces présents aient altéré en rien la droiture et la fidélité de leur conduite. L’usage des présents diplomatiques ou administratifs était, au quinzième siècle, d’un emploi quotidien et universel. Le lecteur a vu entre autres, par l’exemple de Barbazan, que les hommes du caractère le plus noble et le plus pur participaient à cette coutume, ou, si l’on veut, à cet abus.

[30] Saulcy, p. 95,107, 110, 201, 233. Escouchy, p. 30. Histoire de Metz, par D. D. Maugerard, etc., 1787, in-4°, t. V, p. 475.

[31] Huguenin, etc., p. 169 et suiv., 215, 279 et suiv. J. Chartier, t. II, p. 46 et suiv. Escouchy, p. 38. Histoire de Metz, t. II, p. 642 et suiv. ; t. V, p. 462 à 470. Zantfliet, col. 452. Histoire de Lorraine, t. II, p. 852-838. Villeneuve, Histoire de René d’Anjou, t. I, p. 350. Berry, p. 426. Chronique de Lalain, Panthéon, p. 615.

[32] Saulcy, p. 181, 222, 284, et Ms. français, 5782. L’abbé des Tuileries, Dictionnaire universel de France, 1726, in-f°, t. III, col. 1404 et suiv., au mot Yvetot. Communication de M. Lacabane. John Holland fut maire de Bordeaux de 1427 à 1432 (Compte rendu des travaux de la Commission historique de la Gironde pour 1849-50, Bordeaux, 1851, p. 29). Il mourut après 1448. Dugdale, Baronagium anglicanum, t. II, p. 81.

[33] Histoire de Metz, t. II, p. 541. Escouchy, p. 7, 11, etc. Zantfliet, col. 451. Huguenin et de Saulcy, p. 192, 209, 216.

[34] Histoire de Metz, p. 643. Histoire de Verdun, p. 390, Preuves, p. 33. Histoire de Toul, p. 538. Ms. Moreau, n° 251, f° 63 et 64. Ms. Legrand, Histoire de Louis XI, t. IV, pièce 3. Ordonnances, XIII, 453. Le roy estant dedans lad. ville de Nancy, se mirent en son obéissance plusieurs places, villes et forteresses, tant sur les marches de Bourgoingne, comme de Lorraine et d’environ, entre lesquelles en furent la cité d’Orville, Verdun, Espinach (Épinal), Chalences, et aucunes autres, dont la plus grant partie se alèrent offrir et donner à luy de leur propre volenté, sans à ce estre contrainctes, etc., etc. Escouchy-Beaucourt, p. 28 et 29. Ordonnances, XIII, 410, 413, 423, 425, 433 ; XVI, 195. Ms. Moreau, n° 251, f° 110, 111. Ms. Bri., n° 129, f° 37 ; n° 132, f° 53. Docum. relat. à la Lorr., p. 177. Au mois de mars 1445, le roi mit sus de son autorité la somme de 300.000 livres sur ses pays de Langue d’oil, à cause de la guerre. Une somme supplémentaire fut en outre demandée aux contribuables pour le Dauphin, afin de le récompenser de ses peines corporelles, endurées dans la campagne d’Allemagne. Archives de Châlons-sur-Marne, 3e registre des délibérations municipales, 1431-1446, aux 7 et 31 mars 1445, N. S. Communiqué, sous les auspices de S. E. M. le ministre de l’intérieur, par les soins obligeants de M. A. Champollion Figeac, chef du bureau des archives départementales et communales.

[35] Pii II epistola 87, Naucler, Laguille, Pirckeimer, loc. sup. cit.

Actes administratifs de 1444 juillet à 1445 mars, dans le recueil des Ordonnances des rois de France. Aides et finances en Languedoc, L. XIII, p.407, 414 et suiv. Suppression de péages établis sur les rivières des pays de France, Champagne et Brie, tant au-dessus qu’au-dessous de Paris, 405. Ressort judiciaire des affaires qui concernent l’Hôtel-Dieu de Paris, XIX, 581 ; Félibien, II, Preuves, p. 258, a. Actes divers : Ord. XIII, 412, 421 ; XXIII, 536. — 1445, mars 30, Appuntamento preso dal camariere e dagli ambassatori del duca di Savoia per portarsi a Lione e trattare dei mezzi pià convenienti per pacificare la Chiesa e procurare effetto di persuadere il papa Felice V ad aderire ai ordine al papato. Archives de Gênes. Communiqué par M. Ch. Casati.