HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE VII. — PÉRIODE D’AGNÈS SOREL. - AFFRANCHISSEMENT DU TERRITOIRE NATIONAL. - Depuis les trêves jusqu’à l’entière expulsion des Anglais (1444 -1453).

CHAPITRE I. — Agnès Sorel (1415 ?-1444).

 

 

Le lecteur a vu, par les derniers chapitres du précédent volume, quel changement s’était opéré dans la conduite et le caractère de Charles VII. Tous les historiens ont été frappés de cette métamorphose et se sont enquis (les circonstances ou des causes qui la déterminèrent.

Charles VII, en se modifiant avec l’âge, subit l’influence de la loi naturelle qui préside à notre développement. Ses progrès, sous ce rapport, durent être, lorsqu’ils s’accomplirent, d’autant plus rapides et d’autant plus complets, qu’ils avaient été, jusque-là, plus lents et plus tardifs. En s’améliorant devant les leçons de l’expérience, Charles VII obéit à une autre loi, moins visible et plus haute, qui oblige toute conscience humaine : perfectionner, dans l’exercice de la vie, ses facultés individuelles et s’avancer de plus en plus vers le bien.

Mais ces mobiles, si simples et si plausibles qu’ils soient, ne suffisent point à expliquer complètement la merveilleuse transformation qui nous occupe. Ce changement, par son caractère presque subit et radical, semble dénoter l’effet d’une cause spéciale et d’une influence extérieure : ce caractère est celui d’une conversion.

Une femme, Agnès Sorel, à qui l’histoire prête la séduction de la beauté, rehaussée de facultés supérieures, aurait été l’Égérie, la Béatrice mystérieuse qui présida, dit-on, à ce changement. Léguée jusqu’à nous, d’âge en âge, cette tradition a été embrassée surtout, d’enthousiasme, par la jeunesse, par les poètes et les hommes d’imagination. Au contraire, des érudits, des moralistes austères, ont opposé à cette hypothèse une sorte de fin de non recevoir préjudicielle. Ils se sont attachés, de plus, à nier la réalité historique de cette influence et à la réfuter par divers arguments.

D’autres ont voulu faire honneur de cet ascendant à la reine Marie d’Anjou. D’autres encore ont pu ou pourront l’attribuer à sa mère, Yolande d’Aragon.

En ce qui concerne Marie d’Anjou, cette attribution ne subsiste plus devant une étude, quelque peu approfondie, du caractère et des facultés de cette princesse. La modeste reine montra, pendant toute son existence, l’exemple des plus pures vertus domestiques. Mais, dévouée à son époux jusqu’à des bornes si reculées qu’elles nous étonnent, la pieuse Marie n’aspira jamais à la direction morale du roi Charles VII. Dans sa naïve et chrétienne abnégation, les actes authentiques de sa vie privée nous la font voir admirant cet époux, oit subissant, du moins, sa volonté souveraine, jusque dans ses écarts les plus redoutables et les plus sensibles au cœur de toute femme. Bien loin d’aspirer au rôle dominateur d’une Béatrice, l’attitude beaucoup plus humble de Griselidis paraît être celle que la sainte reine de France accepta ou se donna volontairement.

Yolande d’Aragon, ainsi que l’a conjecturé M. Michelet[1], a pu intervenir dans cette action, comme un auteur initial, mais indirect. Diverses particularités, que nous ne négligeons pas, favorisent cette vue. Cependant les conseils, l’influence immédiate de la reine Yolande ne sauraient être l’inconnu cherché dans ce problème. Charles, adolescent, naissait à peine à la vie publique, lorsque déjà Yolande d’Aragon prit la tutelle morale du jeune prince. Nous avons dit ci-dessus les effets, les limites et l’intermittence de cette heureuse direction. Aucun signe, aucun indice ne permet d’imputer personnellement à Yolande le changement soudain, qui, depuis la paix d’Arras, se manifesta dans les actes de sort ancien pupille. Loin de là, Yolande, atteinte par l’âge du repos et de la retraite, semble avoir pris, dès lors, une part de moins en moins active au gouvernement, et entretenu avec le roi des relations personnelles moins suivies.

Cette remarque s’applique également aux autres conseillers, tels que Gérard Machet, etc., qui, depuis longtemps, pouvaient inspirer au roi d’heureuses suggestions. Nous sommes ainsi ramené à l’examen de la seule attribution qui reste debout, celle qui se rapporte à Agnès Sorel.

Charles VII, en accordant à cette femme célèbre une faveur intime, absolue et incontestée, viola sans aucun doute la sainteté du lien conjugal. Cependant l’histoire ne serait plus la maîtresse de la vie, si ses disciples se voilaient la face afin de ne point voir des tableaux, souvent attristants pour la morale, mais d’où ressort pourtant une constante et instructive moralité.

L’idéal qui dominait les mœurs au moyen âge, ce que nous nommons encore aujourd’hui l’amour et les sentiments chevaleresques, s’est transformé de siècle en siècle. Généralement, cet idéal n’a laissé parvenir jusqu’à nous qu’une trace peu précise et, si je ne me trompe, une notion peu exacte de là réalité.

Deux principes, fort distincts et même opposés l’un à l’autre, se partagèrent, durant cette période, l’empire moral de la société.

Le premier, qui n’a pas tardé à devenir prépondérant dans les lois et dans la théorie didactique, n’est autre que la doctrine de l’Église. L’amour était signalé, flétri même par cette doctrine, comme un des périls de la chair ; comme un piège fatal, où la vertu ne peut que succomber. L’Eglise n’en permettait les plaisirs qu’entre les limites du mariage : état inférieur, pour elle, au célibat ; or elle ne prescrivait pas le célibat, mais elle le conseillait, de préférence, à tous les fidèles.

Le second, dont la conception originaire paraît avoir été le propre des nations germaniques, divinisait la femme, sa beauté, son culte ; et faisait, au contraire,. de l’amour, l’aiguillon de toute généreuse activité, le mobile de tout progrès, et presque la source de toute vertu. Bien loin de circonscrire ce culte au cercle intime du mariage, il en étendait sans limites le temple ou le théâtre. A grand’peine ses docteurs concédaient-ils que le véritable amour fût compatible avec le contrat matrimonial.

Le livre le plus instructif où se déploie sans voile cette étrange et périlleuse doctrine, remonte au règne de Philippe-Auguste. Il a pour auteur (et ce n’est point là sa singularité la moins remarquable) André le Chapelain, ainsi nommé des fonctions qu’il remplissait dans la chapelle royale. Le morceau principal a pour titre : le Code d’amour, en trente et un articles, et nous devons y renvoyer le lecteur[2].

Assurément, il faut se garder de prendre trop au sérieux ces traditions, ces doctrines galantes, que nous avons cru pouvoir opposer, dans notre antithèse, au public enseignement de la morale chrétienne. Le Code d’amour, au moyen âge, n’eut jamais de sanction, ni de tribunaux (comme on l’a cru), ni de magistrats, dans le monde réel. Il eut toutefois ses chaires, ses adeptes, ses fanatiques et même ses martyrs[3].

Ce n’est point une science officielle et avouée que constituaient ses principes, mais plutôt une dialectique à part ; cultivée, pratiquée non par des clercs ou des maîtres de robe longue, mais par de jeunes femmes et de jeunes hommes, oracles du goût, et qui occupaient les plus hautes régions du monde social. Cette dialectique ne le cédait à l’autre ni en succès, ni en subtilité. Les doctrines amoureuses affectèrent de plus en plus la forme paradoxale ; la forme du jeu d’esprit ; d’une thèse métaphysique et purement littéraire.

De tout temps, néanmoins, l’idéal fut à la pratique ce que l’artère est à la veine. Une fois mêlé au torrent de la circulation, tel principe désormais pénètre ; s’injecte, par des ramifications de plus en plus fines et invisibles ; il revient enfin, manifeste, à l’état de fait ou de réalité.

Ainsi fut-il, au moyen âge, des doctrines ci-dessus mentionnées. Une chaîne continue d’écrits que nous venons d’indiquer, montre à la fois la persistance et les vicissitudes de ces curieuses théories. Au quatorzième siècle, cette dialectique reconnaît et distingue deux genres d’amour coexistants et non incompatibles : savoir, l’amour de dette ou dû au titre dit mariage, et l’amour de grâce, ou amour libre. Quant aux faits, le tableau historique des mœurs est là pour attester le rapport évident qui rattache l’une à l’autre la pratique et la théorie.

Du quatorzième au quinzième siècle, la guerre de cent ans et le schisme universel des pouvoirs publics déterminèrent, comme on l’a dit, une sorte de subversion générale de la société, qui se fit particulièrement sentir dans les mœurs. Durant cent ans, plusieurs générations de gentilshommes revêtirent le harnois, en disant adieu, — beaucoup d’entre eux pour toujours, — au manoir natal. Cette vie errante, aventureuse, s’imposa, comme la guerre elle-même, à une multitude infinie (de toutes classes), qui se mêla, se confondit au sein des hasards et du tumulte des camps. Les influences calmes et salutaires de la famille, la piété morale du foyer domestique, s’évanouirent, par suite d’une telle dispersion, à tous les souffles du vent. Il suffit de parcourir, non pas même les généalogies, mais la première chronique venue de cette époque, pour y remarquer la mention, sans cesse multipliée, de bâtards.

L’antiquité païenne elle-même avait attaché à cette épithète, ainsi qu’à ses variantes, un cachet d’opprobre et une marque d’infamie. Au quinzième siècle, cette susceptibilité d’honneur sur la pureté du lit maternel, si l’on en juge surtout par l’usage et l’acception de ce terme (bâtard), semble avoir fait place à une sceptique indifférence. Les femmes, avec un art ingénieux et délicat, jetaient, sur les désordres dentelles avaient le plus à souffrir, un voile généreux. Les princesses du plus haut rang, de la meilleure renommée, élevaient et choyaient de leurs mains les enfants naturels de leurs pères, de leurs frères, de leurs maris. Valentine de Milan préférait à ses propres fils, pour la gloire de sa maison, l’enfant, le vengeur, dont elle prophétisa la destinée. Il[4] me l’a emblé, disait avec enjouement la vindicative Italienne[5].

Jean, fils naturel de Louis, restaura en effet la maison d’Orléans. Il contribua puissamment à restaurer le royaume lui-même. Charles, due d’Orléans, et le roi, de concert, l’élevèrent aux grandes charges, le comblèrent de richesses et de dignités. Jean fut seigneur de Romorantin, de Parthenay, etc. ; comte de Gien, de Dunois, de Longueville. Charles VII, enfin, l’agrégea aux princes du sang royal. Le fils de Louis et de Mariette d’Enghien ne continua pas moins, jusqu’à ses derniers jours, de s’intituler et de signer presque exclusivement dans ses actes publics : le bastart d’Orléans[6].

En 1438, Guillaume de Lalain, bailli de Hainaut, résolut d’envoyer soir fils, Jacques, âgé de seize ans, à la cour de Clèves, afin que, selon la coutume, le jeune héritier de, sa race achevât, à cette école, son éducation de gentilhomme. La veille de leur séparation et quand tout fut prêt pour le départ, le bailli fit venir, dans une chambre de son château, la dame de Buignicourt, son épouse, Jacques ou Jacquet de Lalain, et Philippe, frère puîné de Jacques. Lorsqu’ils furent seuls, Guillaume adressa solennellement à l’aîné de ses fils de paternelles exhortations, qui devaient lui servir de guide invariable à travers les éventualités de sa carrière. Mon fils, lui dit-il au début de ce discours, sachez que peu de nobles hommes parviennent à la vertu de prouesse et bonne renommée, s’ils n’ont dame ou damoiselle de qui ils soient amoureux. Ainsi commence la chronique personnelle de Jacques de Lalain, le chevalier modèle de son siècle[7].

Un autre fait, sinon particulier au quinzième siècle, du moins remarquable et réduit alors eu système, consiste dans l’usage, très fréquent à cette époque, de marier les enfants des princes au berceau ; quelquefois même, comme on l’a vu, ces alliances étaient stipulées par substitution et avant la naissance du second des conjoints. Aussi, dans la théorie des mœurs princières, les convenances seules, ou les bienséances extérieures, étaient-elles considérées comme dignes d’un respect obligatoire et sérieux. La politique, en effet, avait pour ainsi dire exclu de ces unions le choix et l’inclination mutuels. Autant et plus que tout autre fils de roi, parmi ses contemporains, Charles VII revendiqua les conséquences logiques d’une pareille situation. La liaison de Charles avec Agnès Sorel ne fut point la première infraction de ce genre dont il se rendit coupable. Elle ne fut point la dernière ; et, quelque sévérité que suscite le jugement de sa conduite à l’égard de cette femme, sa conduite mérite encore assurément une indulgence relative, si l’on compare, surtout, à cette conduite celle que lui-même tint ultérieurement[8].

Agnès Sorel, dit-on, naquit vers 1410, à Fromenteau en Touraine. Mais le lieu de sa naissance, aussi bien que la date, ne nous est certifié par aucun document authentique, contemporain et irrécusable. Agnès était fille de Jean Soreau ou Sorel et de Catherine de Maignelais. Jean Soreau, écuyer, seigneur de Coudun, conseiller et serviteur, en 1425, de Charles, comte de Clermont, n’existait plus en 1446. Catherine de Maignelais, châtelaine de Verneuil en Bourbonnais, mourut après 1459[9].

Les Maignelais et les Sorel, bien connus en Picardie, étaient deux familles de chevalerie qui portaient l’épée depuis des siècles[10].

A la fois vassaux des ducs de Bourgogne, ainsi que de Bourbon, par le comté de Clermont, les Sorel et les Maignelais se partageaient entre les partis armagnac et bourguignon. Mais les proches d’Agnès et ses ascendants immédiats ne trahirent pas un seul jour la cause nationale. Telles furent les traditions politiques communiquées, avec le lait, à la jeune damoiselle. Agnès, si l’on en croit le témoignage de Bourdigné, entra de bonne heure au service de la reine de Sicile, Isabelle de Lorraine. Ce dernier fait (sauf la date précise) nous est, en outre, attesté par des documents certains et irréfragables[11].

Agnès retrouva, près de la reine-duchesse, les traditions du parti français. Elle vit ce fief féminin de Lorraine et les autres Etats de René gouvernés, et non sans gloire, par l’épouse de ce prince, captif à Bulgnéville ; par cette lieutenante générale, que lui-même, à divers intervalles, désigna pour le remplacer. Agnès s’instruisit de la sorte à cette grande école, à ce théâtre de la vie publique, d’où les femmes alors n’étaient point exclues[12].

D’après l’affirmation expresse du pape Pie II, témoin et acteur du traité d’Arras, Agnès passa dès cette époque (septembre-octobre 1435), à la cour de France. Elle accompagnait, dit-il, Isabelle de Lorraine, lorsque cette princesse quitta sa province, se disposant (octobre 1435) à partir pour Naples. Il ajoute qu’Agnès resta dès lors parmi les femmes de Marie d’Anjou. Agnès, dit ailleurs le même écrivain, fut, en 1440, le prétexte à l’aide duquel les princes ligués soulevèrent le Dauphin contre l’autorité de Charles d’Anjou et du roi lui-même. De son côté, Jacques du Clercq s’exprime en ces termes : Le roy Charles, avant qu’il eût paix avec le duc Philippe de Bourgogne, menoit moult sainte vie, et disoit ses heures canoniaulx. Mais, depuis la paix faite audit duc, j’à soit ce (encore bien) qu’il continuast au service de Dieu, il s’accointa d’une jeune femme... laquelle fut, despuis, appelée la belle Agnès, etc.[13]

Charles VII eut d’Agnès quatre filles, dont l’une, survécut seulement quelques mois à sa mère. Le P. Anselme, qui suit ordinairement l’ordre de primogéniture, énumère ainsi les trois autres : Charlotte, Marie et Jeanne[14].

Suivant M. Delort, Charlotte naquit en 1434. Des difficultés, qui paraissent avoir été inhérentes à sa personne, rendirent sales doute peu aisé son mariage. Agée de vingt-huit ans (d’après ce calcul), elle épousa, en 1462, Jacques de Brezé, âgé, à ce qu’il semble, d’une trentaine d’années. Dans la nuit du 15 au 14 mai 1476, Charlotte (parvenue donc à quarante-deux ans) fut surprise en flagrant délit d’adultère par son mari, qui la poignarda sur-le-champ[15].

Marie, selon le même auteur, naquit peu de jours après le mariage du Dauphin, célébré le 24 juin 1436. Elle était encore enfant lorsque Prégent de Coëtivy, amiral de France, la conduisit, par ordre du roi, au château de Taillebourg, que Charles VII avait donné à ce seigneur, et fut élevée sous la garde de Prégent. L’amiral ayant péri en 1450, Olivier de Coëtivy, son frère et son héritier, lui succéda comme seigneur de Taillebourg. Au mois d’octobre 1458, Marie étant en âge de marier, fut, attendu les bonnes mœurs et vertus qui étoient en elle demandée par Olivier et accordée à ce gentilhomme, pour être, ledit mariage, fait et accompli incessamment[16].

Jeanne, la troisième, fut mariée, le 23 décembre 1461, à Antoine de Bueil, mineur d’ans, fils aîné de l’amiral Jean de Bueil. M. Delort affirme que Jeanne avait vu le jour au château de Beauté-sur-Marne en 1445[17].

Dans les notions qui précèdent, le point le plus essentiel, c’est-à-dire la date précise des naissances, n’a pour base aucun document authentique. Mais tout le reste est fondé sur les plus solides témoignages et s’adapte avec ces dates conjecturales sans nulle incompatibilité. D’après ce système, la liaison de Charles VII et d’Agnès Sorel remonterait au moins à 1434. Que si l’on transpose l’ordre de primogéniture, entre Charlotte et Marie, on arrive, ou mieux, on revient à trouver pour synchronisme de cette liaison l’époque même du traité d’Arras (septembre-octobre 1435), date que visent en commun les écrits de Pie II et de Jacques du Clercq. Or, cette période correspond, d’une manière bien remarquable, avec la phase historique à laquelle nous avons cru pouvoir donner ce titre : Métamorphose de Charles VII[18].

.Des critiques éclairés, cependant, se sont refusés à admettre ce système : il suscite en effet d’assez graves objections, qui méritent d’être analysées[19].

Nous avons précédemment cité les témoignages de Bourdigné, de Pie Il et de Jacques du Clercq. Mais ces témoignages ne sont point exempts de contradictions, d’inexactitudes, et ne sauraient être admis sans réserve. Jean Bourdigné, chroniqueur angevin du seizième siècle, dit en parlant d’Agnès : Et l’avoit nourrie la royne de Sicile dès sa jeunesse, et si fort l’aymoit qu’elle lui avoit donné plusieurs biens en meubles et héritages, et tant qu’elle tenoit estat comme princesse. Cependant la reine de Sicile, ainsi que René d’Anjou, ne furent jamais en mesure de se permettre envers Agnès de pareilles libéralités. Isabelle et René, roi et reine sans royaume, assiégèrent toute leur vie l’escarcelle de Charles VII, pauvre elle-même durant la période dont il s’agit ; Agnès figure, en effet, sur un compte de la maison d’Isabelle, pour le semestre de janvier à juillet 1444. Elle y figure à la suite et au-dessous de toutes les dames et damoiselles, dont les gages respectifs s’élèvent, pour ce quartier, de 15 à 60 livres. Quant à l’allocation qui concerne Agnès, elle se monte, comme celle de l’aumônier, à la somme de... 10 livres[20].

Pie II, écrivain brillant et piquant, grand ami de mordantes anecdotes, en a surchargé ses écrits. Dans le passage même cité, il raconte, sous la date de 1440, un épisode qui paraît être au moins fort exagéré. Nous y voyons le jeune Louis, poursuivant Agnès, une épée nue à la main, pour venger l’injure conjugale faite à sa mère, Marie d’Anjou, par Charles VII, son père[21]. Puis l’auteur ajoute : D’autres disent que cette aventure eut lieu plus tard, lorsque le Dauphin quitta une seconde fois, en 1446, la cour paternelle. Enée Piccolomini avait recueilli, dès sa jeunesse, des mémoires ou notes, qu’il avait puises dans ses courses diplomatiques à travers l’Europe. Devenu vieux, il dicta ses mémoires, ou mieux les laissa compiler par son secrétaire Gobelin. Quelque confusion chronologique, en ce qui concerne les faits et gestes d’Agnès Sorel, peut s’être glissée dans ce chapitre (fort peu important pour l’auteur) de ses longs et nombreux souvenirs[22].

Le passage de Jacques du Clercq, témoin contemporain et Picard comme Agnès[23], a peut-être le plus de poids- Cette courte phrase qu’il nous a laissée semble en effet délimiter assez clairement trois époques : 1° celle antérieure au traité d’Arras, où le roi, dit-il, menoit moult saincte vie ; 2° celle postérieure au traité, pendant laquelle il s’accointa d’Agnès (1435-1444 ?) ; 3° et despuis, l’époque où cette dame, publiquement connue, fut dénommée la belle Agnès (1444 et années suivantes). Mais on doit reconnaître que cette distinction ne ressort pas d’une manière assez évidente et assez irréfragable, pour défier absolument toute interprétation différente.

En ce qui concerne les enfants de Charles VII et d’Agnès, on a déjà signalé l’absence de preuves certaines pour la date de leur naissance. Il faut joindre à ce défaut le silence général des textes antérieurement à 1444. Avant cette date, on ne trouve pas un acte, pas un article de compte, pas une pièce quelconque, offrant la mention directe ou indirecte d’Agnès Sorel, ni de ses enfants. Au contraire, à partir de 1444, les documents de ce genre abondent ; Agnès est mentionnée par tous les chroniqueurs ; les donations du roi en sa faveur se multiplient ; ses parents obtiennent des places, des dignités. Enfin la plupart des historiens, en racontant sa mort, semblent s’accorder pour insister sur sa jeunesse, son extrême jeunesse ; ou se servent de termes équivalents[24].

Le roi de France, avant 1444, n’eut pour ainsi dire rien à donner. Jusqu’à la chute de La Trimouille, sa pauvreté, comme il arrive souvent aux prodigues, ne l’empêcha point de dissiper. Mais à l’administration de La Trimouille nous avons vu succéder une période de réforme et d’économie. Les comptes de Charles VII, qui pourraient nous aider en ce genre de vérification, ne nous sont restés que par fragments très rares, pour toute la première moitié de son règne. Les archives royales de ce prince ne présentent, en général, quelque suite que postérieurement à 1444. Un de ces fragments de compte, qui nous est resté, embrasse l’exercice de 1443 et de 1444. Celui de 1443 se solde par un déficit assez notable. Dans celui de 1444, Etienne Chevalier, le comptable, commence à se récupérer peu à peu des avances par lui faites antérieurement au budget royal[25].

Au surplus, le silence des textes relativement au sujet qui nous occupe, l’absence de tout indice, même pour cette période de 1436 à 1444, ne sont pas aussi absolus qu’on a pu le croire jusqu’à ce jour. Ainsi nous venons de mentionner Guillaume Sorel, nommé clerc des comptes en 1436. Geoffroy Soreau, en 1438, fut élu, une première fois, évêque de Nîmes, avec la protection du roi. Après la soumission de Creil en 1441, nous voyons Jean II de Maignelais, oncle d’Agnès, devenir capitaine de cette place pour le roi. Ces petits faits, négligés par les précédents historiens, demanderaient, pour être tout à fait probants, une netteté, une précision et une consistance plus satisfaisantes. Mais la critique, néanmoins, ne saurait complètement les omettre, et ces lueurs, si faibles qu’elles soient, semblent attester, de la part du roi, et dès les temps indiqués, une faveur discrète mais réelle à l’égard des parents d’Agnès[26].

La trêve anglo-française, signée en 1444, ouvrit subitement, pour le roi et pour le royaume, une ère de prospérité. Avant 1444, la liaison d’Agnès Sorel avec le roi, quelle qu’en ait pu être la date initiale, fut nécessairement marquée, de la part d’Agnès, au coin du désintéressement, circonstance morale importante dans la cause que nous avons en ce moment à juger. Nous ajouterons que, par une conséquence analogue, cette liaison, durant la même période, dut rester intime et cachée. Divers motifs, qui découlent de cette situation, peuvent servir à expliquer la disparition des pièces écrites, propres à trahir ce mystère pour les contemporains et pour la postérité[27].

Quant à la jeunesse d’Agnès, qu’ont célébrée, lors de sa mort, les poètes de cour et la commune renommée, l’unanimité des termes employés n’offre pas ici la rigoureuse signification qu’elle semble comporter. Les dames de beauté, comme Agnès, n’ont d’autre âge que ce qu’elles ne réussissent point à en céler. Ce fragment allégué ci-dessus, de J. Chartier, montre que, pour entendre les mots, il ne faut pas toujours les prendre au pied de la lettre. Antoine de Baïf nous a lassé, sur la belle Agnès, des vers composés à Jumièges à la vue de son tombeau. Le poète y dit que, lorsque Agnès mourut,

Ses beaux traits, son beau teint et sa belle charnure

De la tarde vieillesse alloient subir l’injure.

Ces vers et l’histoire du monastère attestent que la tradition, dès le quinzième et le seizième siècle, donnait une quarantaine d’années à l’amante de Charles VII lorsqu’elle cessa de vivre. N’est-ce pas là encore mourir jeune, par rapport au terme normal de l’existence humaine ? Quelle que soit d’ailleurs, — et sans nous arrêter à la faible autorité de la tradition, — quelle que soit la fleur de jeunesse qu’on lui attribue, toujours est-il qu’Agnès, avant de mourir, n’en avait pas moins été quatre fois mère[28].

Pour nous résumer, trois systèmes se présentent au critique, en ce qui concerne la carrière d’Agnès Sorel. Le premier est celui qui résulte surtout des données hypothétiques de M. Delort. Ce système n’offre aucune impossibilité démontrée. Mais il ne repose pas non plus sur des autorités suffisantes. Les objections que nous avons en partie combattues, conservent, à nos yeux, assez de force pour nous maintenir dans le doute à l’égard de ce premier système.

Le second consiste à tout nier ou tout rejeter, si ce n’est à partir de 1444. D’après ce système, c’est alors seulement que Charles VII commença de connaître Agnès Sorel. Cette seconde hypothèse nous parait, moins admissible que la première, bien loin de pouvoir rationnellement s’y substituer. Les notions authentiques relatives à l’éducation de Marie, à son mariage, au mariage de ses sœurs, rendent ce deuxième système, non point tout à l’ait impossible ou évidemment absurde, mais lui communiquent une extrême improbabilité. Il est d’ailleurs aussi constant que possible, par le compte de 1444 et par le témoignage de Jean Chartier, sans parler de Bourdigné, de Pie II, ni de du Clercq, qu’Agnès Sorel, avant 1444, fut au service de la reine de Sicile, où elle fut résidente au moins quelques années. Or, la reine de Sicile eut de fréquents rapports avec la cour de France.

Entre cette négation et cette incertitude, une troisième hypothèse se présente à l’esprit. Bien qu’arbitraire encore, cette dernière combinaison semble résoudre les principales difficultés du problème. Placer la naissance d’Agnès vers 1415 ; maintenir celle dé Marie à 1436 ; rejeter celle de Charlotte à 1438 ; conserver toutes les autres dates acquises à l’histoire : telles sont les bases de cette dernière combinaison.

Nous venons de réunir, comme dans un article préliminaire, le fruit de nos recherches, en ce qui touche une première phase de la carrière d’Agnès. La place importante que cette femme célèbre occupe dans les souvenirs de la postérité, le rôle que lui attribue la tradition, les contestations qui se sont élevées à ce sujet, nous ont déterminé à lui consacrer ce chapitre spécial. Nous avons dû, pour traiter ce point controversé, interrompre en quelque sorte le cours de notre récit, pour emprunter exceptionnellement le style de la discussion.

Toutes les fois que l’historien découvre une notion vraie, qui se révèle à sa conscience avec le caractère de l’évidence ou de la certitude, son devoir est de l’exposer sans ombre au publie. Si, au contraire, il se démontre à lui-même que tel fait, admis ou non comme vrai, manque de cette certitude, il ne doit pas balancer à le déclarer apocryphe bu erroné. Mais lorsque le doute et l’incertitude planent dans son esprit sur telle autre question, il doit compte encore au lecteur de cette obscurité.

Nous venons donc, en toute simplicité, déclarer ici, quant à ce qui touche ce problème historique, notre embarras et nos perplexités. Puisse la lumière se faire à l’aide de nouvelles découvertes. Puissent de plus savants et de plus habiles, résoudre une question que nous ne saurions conduire au delà des termes ci-dessus exposés.

Après 1444, ces nuages se dissipent, Agnès Sorel paraît aux côtés de Charles VII, et désormais à la lumière du jour. Sa carrière recommence, et la question morale que cette carrière soulève se posera de nouveau devant l’histoire et le lecteur.

 

NOTES COMPLÉMENTAIRES.

Résumé biographique.

Vers 1445, naissance d’Agnès Sorel.

1430 ? Agée de quinze ans, elle est donnée (par Charles de Bourbon ?) à Isabelle, femme de son allié, René d’Anjou. Elle y est nourrie dès sa jeunesse. (Jeanne d’Orléans n’avait que treize ans lorsqu’elle entra chez la reine.)

1435-1444 (vingt à vingt-neuf ans). Elle entre chez la reine, demeurant toutefois écrouée, sur les états de la maison d’Isabelle, avec le traitement de retraite ou de congé que nous lui voyons en 1444.

1436 (vingt et un ans), mère de Marie ; de Charlotte (1438) ; de Jeanne (1445).

1444, est dotée par le roi d’un grand état à la cour, etc.

1450, meurt âgée de trente-cinq ans.

Parmi les Sorel de Picardie, il faut distinguer plusieurs branches et même plusieurs maisons homonymes. La famille d’Agnès portait pour armes d’argent au sureau de sinople (Hommages de Clermont, Ms. Gaignières 1361 ; voy. la table au mot SOREL. Armorial du hérault Berry, Ms. fr. 4985, f° 54. Anselme, grande édition, t. VIII, p. 701). La statue du tombeau d’Agnès à Loches offrait une effigie sans doute ressemblante. La tête a été changée, ainsi que les mains, lors de la restauration de ce tombeau, vers 1807. Nous possédons en outre deux portraits peints. Le premier, ouvrage de Fouquet, se voit au musée d’Anvers, n° 154. L’autre est un crayon qui se trouvait dans la famille de Boisy-Hangest, sous François Ier ; aujourd’hui au cabinet des estampes ; gravé en couleurs (Niel, Portraits du seizième siècle, 1848, in 4°, t. II). En 1777 et 1793, la sépulture de Loches fut ouverte et inspectée. Une partie des cheveux d’Agnès passa en diverses mains, et j’ai sous les yeux quelques parcelles de ces reliques, qui m’ont été données par M. le chevalier de Pierres, auteur des Tablettes de Loches ; il les tenait du chirurgien Henri. La dame de Beauté était, d’après ces divers moyens d’information, blonde, aux yeux bleus, pourvue de dents magnifiques. Mais la réputation de sa beauté parait avoir été plutôt fondée sur la grâce, le charme et l’enjouement de sa personne, que sur l’élégance et l’harmonie de ses traits physiques.

 

 

 



[1] Histoire de France, t. V, p. 375. Vallet de Viriville, Agnès Sorel, étude morale et politique sur le quinzième siècle, 1855, in-8°, p. 23.

[2] De arte amandi et (à la suite, contrepartie :) de reprobatione amoris ; Ms. latin, commencement du treizième siècle, n° 8758. Biographie Didot, article Chapelain (André). De d’amour et des sentiments chevaleresques, étude historique de mœurs, dans la Revue de Paris, 1853, t. XVIII, p. 191 et suiv.

[3] Galois et Galoises ; Flagellants du quatorzième et du quinzième siècle.

[4] Louis, duc d’Orléans.

[5] Le mot de Valentine se retrouve dans un livre familier d’instruction, intitulé le Lucidaire et daté du quinzième siècle. C’est un dialogue entre le maître et le disciple. — Le disciple : Nuit-il riens ès enfants, quand ils sont conçuz en adultère, ou autrement qu’en loyal mariage ?Le maistre : Nennil point : si pou (peu) comme ait froment qui a esté emblé (dérobé) ; car qui le sème, il croit comme l’autre. (Semez du blé volé, il poussera comme d’autre.) Ms. fr., n° 7301, f° 704.

[6] Documents relatifs à la biographie de Jean, bâtard d’Orléans, etc., dans le Cabinet historique, 1857, p. 113. Philippe le Bon, due de Bourgogne, indépendamment de ses trois épouses, eut vingt-quatre maîtresses, enregistrées par ses chroniqueurs ducaux. Celles-ci augmentèrent sa lignée de quinze enfants illégitimes. Jean, bâtard de Bourgogne, fils de Jean sans Peur et frère de Philippe, fut évêque de Cambrai et père de quinze bâtards. Un jour, dit-on, il se fit servir la messe par trente-six fils ou petits-fils, tous bâtards. Reifenberg, Histoire de la Toison d’or, Bruxelles, 1830, in-4°, p. XXIV, etc. — Tanguy, bâtard de Bretagne, fils de François Ier, écrivant à son père, signe, sans autre nom, LE BASTARD (6 juillet 1446, Preuves de Bretagne, t. II, col. 1378).

[7] Éd. du Panthéon, p. 606. Biographie Didot, au mot Lalain. Voyez aussi le célèbre roman de mœurs intitulé le Petit Jehan de Saintré, composé par Antoine de La Sale.

[8] La continuation de la Chronique martinienne s’exprime ainsi, en parlant de Charles VII, sous la date de 1456 : Et pour les grands travaulx que le roi avait faits à reconquester la plus grant partie du royaulme, il fut délibéré d’avoir les plus belles filles que l’on pourroit trouver, nonobstant que sa vertu estoit trop plus grande, sans comparaison, que son vice, etc. (Ed. Vérard, f° cccij). Le religieux de Saint-Denis, Jean Chartier, dans son panégyrique pour innocenter Charles VII au sujet d’Agnès Sorel, plaide précisément cet argument, tiré de la théorie de l’amour de grâce et de l’amour de dette. Édition in-12, t. II, p. 182.

[9] Anselme, t. I, p. 119 ; t. VIII, p. 701. Vallet de Viriville, Agnès Sorel. Jacques du Clercq, éd. du Panthéon, p. 175. La Thaumassière, Histoire de Berry, p. 91 et 95. Journal de feu monseigneur le duc de Bourgogne (père de Louis XV) ; ou Voyage en Touraine, décembre 1700, imprimé dans Curiosités historiques, ou Recueil de pièces utiles pour l’histoire de France, etc., Amsterdam, 2 vol. in-12, t. II, p. 115 à 118. Dreux du Radier, Anecdotes des reines et régentes de France, 1763, in-12. Esquisses pittoresques de l’Indre, 1841, in-8°, article Villiers-Fromenteau. Raynal, Histoire du Berry, t. I, p. xij. Agnès Sorelle était-elle Tourangelle ou Picarde ? par M. Peigné-Delacourt, Noyon, 1861, in-8°. Dans l’Armorial de Berry, achevé vers 1454-8, les Sorel sont rangés parmi les familles du Bourbonnais (à cause de la demeure qu’y faisait la châtelaine), Ms. fr. 4985, f° 54.

[10] Peigné-Delacourt, Analyse du roman du Hem, Arras, 1854, in-8°, p. 20 et suiv. Hommages de Clermont, Ms. Gaignières, 1361, à la table.

La généalogie de SOREL, Sureau ou Surel, dans le P. Anselme, est très défectueuse en ce qui concerne les ascendants de Jean, libre d’Agnès Sorel. Il a, par exemple, omis de ce chapitre Geoffroy Soreau (les uns disent oncle et mieux cousin d’Agnès Sorel), évêque de Châlons, pair de France, etc. Voyez Recherches, p. 298. Il a omis encore Aubert Sorel du Plessis (sur le Plessis, voy. Agnès Sorel, p. 21, lettre cinquième), bailli et capitaine de Chauny-sur-Oise, en 1423, P. P. 118, f° 121, 122. Aubert épousa Isabeau de Rouvroy Saint-Simon, sœur de Mathieu, seigneur de Coudun. II eut pour seconde femme une fille de Simon de Champluisant, président au parlement de Paris, et les deux époux firent leur fête à Compiègne le 25 octobre 1426 (communication de M. de Lépinois, Archives de Compiègne, C. C. 12 ; Bibliothèque de l’École des chartes, 1863, 3e série, t. IV, p. 482). Regnauldin de Sorel était écuyer d’honneur du roi en 1416 (Ms. 626, s. fr., f° 64). Il fut exécuteur du testament fait, à la date de 1421, par Jean II, d’Hangest seigneur de Genlis et de Magny. Regnauld mourut en 1441 (P.-Delacourt, Agnès était-elle, etc., p. 14). — Les deux suivants peuvent n’être que des homonymes. Gaillardet Soreau, le 15 septembre 1430, reçoit en don du roi 200 réaux sur la sénéchaussée de Toulouse. Enfin Guillaume Sorel est nommé clerc des comptes à Paris, le 27 juillet 1436, époque de la nomination de J. D’arc. Il exerça jusqu’en 1444 (Nouvelles recherches, p. 61, 62).

[11] Vallet de Viriville, Recherches historiques sur Agnès Sorel, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1850, p. 304. J. Chartier, loc. supr. cit. Bourdigné-Quatrebarbes, t. II, p. 499.

[12] Isabelle de Lorraine, née en 1410, se maria en 1420, et succéda en 1431 à son père. Au mois d’octobre 1435, elle prit la mer à Marseille pour Naples, où évidemment elle n’emmena point Agnès Sorel. La reine de Sicile ne revint en France que cinq ans environ plus tard, et après la Praguerie, vers avril 1441. Voy. Biographie Didot : ISABELLE DE LORRAINE.

[13] Vallet de Viriville, Nouvelles recherches sur Agnès Sorel, 1856, in-8°, mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques, inséré dans les Séances et travaux, t. XXXVII et XXXVIII. Pii commentarii, 1614, in-f°, p. 160, 163. Du Clercq, loc. cit.

[14] Ms. fr. 8431, f° 58. Anselme à Charles VII.

[15] Delort, Essai critique sur Charles VII, Agnès Sorelle, etc. Paris, 1824, in-8°, 170 pages de texte et 112 pages de pièces inédites et justificatives. M. Delort, employé de l’administration supérieure au ministère de l’intérieur (division des lettres), ami de M. l’abbé Lespine, qui fut professeur à l’École des chartes, s’aida de communications très privilégiées, tant aux Archives Soubise qu’aux manuscrits de la Bibliothèque royale. Ce livre, malheureusement, et en dépit de son titre, est dépourvu d’une saine critique. L’histoire et le roman s’y mêlent trop souvent, et l’auteur ne s’astreint pas à une constante citation de ses autorités. Delort, p. 35. Recherches, p. 477. Nouvelles recherches, p. 51 et suiv. Du Tillet, Recueil des rois de France, 1602, in-4°, p. 207.

[16] Marie était donc non seulement pubère, c’est-à-dire âgée de douze ans, suivant la loi, mais adulte. Cette union porta, en effet, des fruits immédiats ; car Charles de Coëtivy, fils aîné d’olivier, fut fiancé en âge de sept ans, du vivant de Jean, comte d’Angoulême, mort en 1467, à Jeanne d’Orléans, fille de Jean. Recherches, p. 479 et suiv. Nouvelles recherches, p. 17. J. J. 187, f° 186. Du Tillet, ibid. Jean Masson, Vie de Jean, comte d’Angoulême, 1613, in-8°, p. 8. Marchegay, Louis XI, Taillebourg, etc., dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1855, t. XVI, p. 8 et suiv. Taillebourg fut donné en 1441 à Prégent, mais il n’en jouit qu’en 1443, époque où il alla s’y installer définitivement. Marie aurait eu alors sept ans. C’est bien l’âge où les princes et princesses passaient de la nourrice au gouverneur. Anselme, Coëtivy. P.P. 110, f° 256. Et à celle heure, dit G. Gruel (septembre 1443), monseigneur l’admirai de Coëtivy fut esloigné de la cour sans perdre nul de ses offices ; et entra messire Pierre de Brezé au gouvernement et Jamet du Tillay et le petit Mesnil. (Panthéon, p. 395, b.) La thèse ou système chronologique ici allégué s’appuie sur une autorité spéciale et considérable. Cette autorité est celle de M. P. Marchegay, collaborateur de M. le prince de La Trimouille, possesseur actuel des archives de Taillebourg. Ces deux auteurs préparent en commun la publication de diverses lettres écrites par Marie de Valois, jeune fille et jeune femme, lettres qui m’ont été obligeamment communiquées par les futurs éditeurs.

[17] Delort, p. 94 et 195. Recherches, p. 486, etc.

[18] Cf. Chastellain, Œuvres, t. II, p. 180.

[19] Quicherat, Mémoires de Basin, t. I, p. 313 et suiv. L. Lalanne, Athénéum français, 24 novembre et 22 décembre 1855. G. de Beaucourt, le Règne de Charles VII, etc., 1856, p. 25.

[20] Quatrebarbes, II, 199. Recherches, p. 304. Agnès Sorel, p. 15.

[21] Bouchet (Annales d’Aquitaine, p. 259) raconte une historiette analogue, celle du soufflet donné à cette dame par le Dauphin.

[22] Agnès Sorel, p. 29 et suiv. Nouvelles recherches, p. 64 et suiv. Quant à la rédaction même de ces mémoires, on a déjà vu et l’on verra bientôt que, de 1435 à 1450, Enée Piccolomini fut en position d’être parfaitement informé de ce qui se passait à la cour de France.

[23] Agnès était Picarde par sa famille, si ce n’est par le lieu de sa naissance.

[24] Ainsi nous voyons : en 1446, Charles Soreau, frère d’Agnès, écuyer de l’hôtel du roi, et Jean Soreau, deuxième frère ; homme d’armes de la garde (Anselme : Soreau). Nous trouvons en 1447 Geoffroy Soreau, abbé de Saint-Crépin le Grand, de Soissons (Gall. christ., IX, col, 402), puis évêque de Nîmes, de Châlons, pair de France, etc. (Ibid., II, 456 ; IX, 895). En 1450, Louis Soreau, troisième frère d’Agnès, est (après la mort de sa sœur) homme d’armes de la garde, etc. (Anselme, ibid.). Mais rien ne prouve que ce furent là les premières faveurs accordées par le roi aux parents d’Agnès. — Sur la jeunesse d’Agnès, voir les citations très judicieusement réunies par M. Lalanne, loc. laud. Jean Chartier dit : L’amour que le roy avoit en son endroict estoit pour les folies de jeunesse, esbattements, joyeusetez, avec langage honneste et bien poly qui estoit en elle ; et aussi qu’entre les belles c’estoit la plus jeune et la plus belle du monde ; car pour telle estoit elle tenue, etc. On voit bien que le mot jeune, ici, ne saurait être pris dans le sens positif de son acception naturelle.

[25] Collection Legrand, t. II, p. 174. En janvier 1444, le roi rétablit en cour les maîtres des requêtes de l’hôtel. Ce service, auparavant, avait cessé, faute de fonds pour rémunérer les titulaires. Ms. Gaignières 772/1, f° 583.

[26] L’élection de Geoffroy fut combattue ou ajournée par l’opposition du pape, qui nomma, quelques années plus tard, ce prélat au même siège de Naines. Voyez Ménard, Histoire des évêques de Nîmes, 1737, in-12, t. I, p. 251 ; Histoire de Nîmes, 1752, in-4°, t. III, p. 208. Gallia christiana, à l’Eglise de Nîmes, loc. cit. Aux couteaux de Conti, archiviste de l’Oise, Documents généalogiques sur les Maignelais, tirés des archives de l’Oise.

[27] Ainsi, par exemple, le testament d’Agnès Sorel, acte très important, dont l’existence est attestée par l’histoire et dont il a dû être fait nécessairement de nombreuses copies, ne se retrouve plus. On n’en connaît que des mentions et des fragments analytiques. Il est constant, dans notre conviction, que cette pièce a été systématiquement supprimée.

[28] J. Chartier, loc. cit. Nouvelles recherches, à la fin.