HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE VI. — MÉTAMORPHOSE DE CHARLES VII - 1436-1444.

CHAPITRE III. — Suite des réformes. Réaction féodale. Praguerie. Gilles de Rais. Écorcheurs. Succès militaires : Creil. Pontoise. (Du 2 novembre 1439 au 31 décembre 1441).

 

 

Malgré la décision d’Orléans, la guerre avec les Anglais avait immédiatement recommencé par le siège d’Avranches. Aux fêtes de Noël (25 décembre), le connétable, le duc d’Alençon et d’autres capitaines se trouvaient devant cette place, à la tête d’environ six mille hommes. Grand nombre de ces soldats se composaient de routiers et de gens d’armes sans solde. Charles VII, mécontent de leur insuccès, manda immédiatement, auprès de lui à Angers, les commandants généraux, pour lui rendre compte des opérations. Le roi, à la suite de cette enquête, se plaignit de ce que les combattants, suivant leur coutume, traînaient après eux, jusqu’à dix personnes de séquelle (et dix chevaux), telles que pages, femmes, varlets et toute telle manière de coquinaille, qui n’étoit bon qu’à détruire le peuple. Il compléta donc les prescriptions de la nouvelle ordonnance, en y ajoutant que chaque cavalier servi n’aurait, dorénavant, que trois chevaux par lance, ou homme d’armes ; et les archers, trois chevaux pour deux archers ; soit un coustilier pour servir deux combattants de l’arc. Des mesures furent prises afin d’organiser sur-le-champ ce nouvel ordre[1].

Cependant l’ordonnance du 2 novembre avait été le signal d’une recrudescence d’indiscipline. La féodalité tout entière se sentait blessée au vif par cette réforme. Dans le Poitou, La Trimouille, depuis sa disgrâce, n’avait cessé d’entretenir et d’attiser la guerre civile. Chacun des articles de l’ordonnance s’appliquait si exactement à sa conduite, qu’ils semblent, aujourd’hui encore, avoir été dictés et dirigés personnellement contre lui. Ses châteaux, ceux de Jacques, sire de Ports, son neveu, ceux de Guy de La Rochefoucault, et de plusieurs autres barons, alliés à l’ancien ministre, étaient devenus des repaires de partisans et de bandits. Bien loin de se soumettre à l’ordonnance, ils battirent ou menacèrent les commissaires du roi, et se livrèrent à de nouvelles violences, accompagnées d’outrages et de moqueries. Le roi, par lettres patentes, données à Angers le 12 décembre 1439, envoya son fils le Dauphin, commissaire royal et extraordinaire en Poitou, pour réprimer ces désordres. Le prince était accompagné de quelques troupes et de trois conseillers au Parlement, chargés de procéder juridiquement contre les coupables[2].

Arrivé à Niort, le jeune prince fut circonvenu par le duc d’Alençon, gouverneur engagiste de cette ville. Ce duc lai persuada de se détacher de l’autorité de son père ainsi que de Charles d’Anjou, et de prendre, lui-même, le gouvernement dés affaires publiques. Louis XI, âgé de 17 ans, se révéla dès lors. Le comte de La Marche son gouverneur et les officiers de sa maison, que le roi avait préposés auprès de lui, furent expulsés et changés. La guerre civile s’organisa sous les auspices du dauphin et l’héritier présomptif, envoyé par son père pour assurer l’exécution de la loi, leva le drapeau de la révolte[3].

Dans le même temps, un conciliabule des princes se tenait à Blois, chez le duc d’Orléans. Le bâtard d’Orléans, amphitryon de la ligue, en l’absence de son frère, venait d’être fait comte de Dunois, par Charles VII. Mais le bâtard, homme très personnel, préférait la cause de sa famille à celle du roi ; la cause du roi à celle de l’État, et la sienne à toute autre. Charles, duc de Bourbon, vaniteux et médiocre, comblé de faveurs imméritées, était le chef des mécontents. Le duc d’Alençon, le comte de Vendôme, les seigneurs de Chaumont et de Prie, Antoine de Chabannes, le bâtard de Bourbon, capitaines d’écorcheurs, s’étaient ralliés à cette conspiration d’ingrats. Au mépris de l’ordonnance, ils avaient quitté leurs frontières et déserté en quelque sorte devant l’ennemi, pour venir comploter la guerre civile. De là, ils devaient fondre sur le Berry et la Sologne. La Trimouille, de son côté, opérait en Poitou. Il écrivit à Blois pour se concerter avec le duc de Bourbon, et pour réunir les deux tronçons de la révolte[4].

Ainsi s’allumait l’incendie de la Praguerie, qui menaçait de gagner jusqu’aux extrémités du royaume. Ainsi le schisme dynastique se réveillait. Après un demi-siècle de catastrophes, de désastres et de sacrifices, la France retombait dans le même péril, que du temps où Charles VI avait été atteint de démence[5].

Le roi, qui pas ne dormoit, appela auprès de lui le connétable. L’attitude ferme et fidèle de ce dernier, le rassura. Sire, lui dit Richemont, qu’il vous souvienne du roi Richard ! Ne votes enfermez point en ville, ni en place. Charles VII (février 1440), recevait cet avis au château d’Amboise. Il prit immédiatement le large et se porta en Poitou, au-devant du principal foyer de la rébellion. Aussitôt, il écrivit à Reims, à Narbonne, à Toulouse, à Grenoble, pour défendre aux bonnes villes de reconnaître l’usurpation de son fils. Le 3 avril, après avoir fait ses pâques, Charles VII était à Poitiers. Le duc d’Alençon et le dauphin venaient de suborner Jean de la Roche[6], sénéchal de Poitou, créature de La Trimouille. Le duc et le sénéchal, assistés d’auxiliaires anglais, avaient ensuite attaqué Saint-Maixent et violemment pénétré dans cette ville. Charles VII dînait lorsqu’il en reçut la nouvelle : incontinent, le roi se lève de table, et, montant à cheval, il part avec quatre cents lances. Ses forces étaient commandées, sous les ordres du connétable, par l’amiral Prégent de Coëtivy, le maréchal de Lohéac et par un nouveau venu, qui marqua ainsi le premier pas de sa grande carrière : Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne, sénéchal d’Anjou, puis bientôt de Poitou[7].

Les habitants de la ville, bravement soutenus par l’abbé de Saint-Maixent, occupaient encore une porte au nom de Charles VII. A sept heures du soir, le roi était devant Saint-Maixent. L’autorité souveraine fut rétablie et les insurgés, qui s’étaient retirés dans le château, tombèrent au pouvoir du vainqueur. Jean de la Roche, le duc d’Alençon, etc., s’enfuirent à Niort, qui, également, ne tarda pas de se soumettre. Le bâtard d’Orléans vint alors implorer son pardon et se détacher de la ligue. Mais la campagne se poursuivit en Ile-de-France, en Berry, en Touraine, en Auvergne et en Bourbonnais, où le duc de Bourbon avait préparé les logis de la sédition. Charles VII, obligé de marcher contre son fils, débusqua ses ennemis, de poste en poste et d’embûche en embûche. Il les battit successivement à Loches, à Montrichard, à Chambon, à Evaux, à Ebreuille, Aigueperse, Vichy, etc., etc. Le roi, après avoir traversé La Souterraine, Guéret, Montaigu en Combraille, Aigueperse, Clermont-Ferrand, Vichy, La Palisse, Saint-Haon et Roanne, vint s’établir à Cusset[8].

Des négociations, que dirigea le comte d’Eu, de concert avec le duc de Bourgogne, s’engagèrent entre le roi et les princes rebelles. Charles avait étouffé l’incendie par son énergique conduite : il tenait à merci les coupables. La Trimouille était réduit à l’impuissance ; le duc de Bourbon, humilié. Charles VII, le 3 juillet, écrivit aux autorités de la capitale, pour leur annoncer la fin de cette guerre intestine. Le 5, il nomma Charles d’Anjou son lieutenant en Languedoc et en Guyenne, province qui venait d’être le théâtre de l’insurrection. Cependant le 13 juillet, Louis dauphin, signait un traité, dans lequel il engageait sa parole de fils de roi, d’aimer et de protéger pendant toute sa vie, le sire de La Trimouille et de le faire jouir de la pension de neuf mille livres, ainsi que de la gabelle du grenier à sel de Sully, dont le roi l’avait gratifié[9].

Le 19, Charles, duc de Bourbon, conduisant le dauphin, se dirigea de Moulins vers Cusset, où résidait le roi de France. Les princes étaient accompagnés des seigneurs de La Trimouille, de Chaumont et de Prie. Ces derniers sollicitèrent une audience, mais le roi refusa de les voir. Le duc et le dauphin parvinrent seuls auprès du souverain, qui les accueillit sévèrement. Le lendemain, après la messe du roi, tous deus réclamèrent la grâce de La Trimouille et de ses complices. Charles VII répondit qu’il n’en ferait rien. Monseigneur, dit alors à son père le dauphin, il faut donc que je m’en revoise (que je m’en retourne avec eux) ; car ainsy leur ay promis. — Et lors le roy, non content de cette parolle, respondit à ce et luy dit : Loys, les portes sont ouvertes, et si elles ne sont assez grandes, je vous en feray abatre seize ou vingt toises du mur, pour passer où mieulx vous semblera ![10]...

Cependant les princes achevèrent leur soumission, en rendant leurs places fortes et en implorant la miséricorde du roi. Charles VII destitua les nouveaux officiers du dauphin, et accorda des lettres d’abolition pour les coupables. Un acte solennel, donné à Cusset le 24 juillet 1440 et publié à Paris le 28, fut notifié dans toute la France. Cet acte proclamait la réconciliation des rebelles, et de la part du roi, oubli et pardon. Louis dauphin reprit en cour son hôtel auprès de son père, qui lui transporta immédiatement la possession du dauphiné[11].

L’année 1440, avant de finir, fut, signalée pas un épisode qui jette, sur l’histoire morale de cette époque, un jour bien sinistre et bien étrange.

Gilles de Rais, le triste héros de ce drame, était né, probablement en 1406, de Guy de Laval, seigneur de Rais, et de Marie de Craon. Dès qu’il fut en âge, à quatorze ans, il épousa Catherine de Thouars, l’une des plus riches héritières de Poitou. Gilles embrassa tout jeune la carrière des armes. Craon par sa mère, il était le proche parent de La Trimouille, favori tout-puissant du roi. Georges l’introduisit à la cour et chassa La Fayette pour faire place à Gilles, qui, à l’âge de vingt-trois ans, supplanta ce dernier dans sa charge de maréchal de France. Gilles de Rais, sous les ordres de La Trimouille, avait déjà exercé des commandements militaires importants. Son principal emploi fut d’être, auprès de la Pucelle, l’homme de La Trimouille. Il accompagna l’héroïne jusqu’au 13 septembre 1429 : docile aux ordres supérieurs, il l’abandonna, lors de l’échec devant Paris et de la retraite du roi vers la Loire[12].

. A cette époque, le jeune maréchal rentra dans ses foyers et négligea sa carrière militaire. Il eut une fille en 1430, puis s’éloigna de sa femme. Orphelin dès 1416, il se vit, lorsqu’il eut atteint dix-huit ans, maître et administrateur d’une fortune considérable. Ses revenus, en 1432, s’élevaient à cinquante mille livres, monnaie du temps ; soit, pour la puissance de l’argent, deux millions de francs, en rentes, de nos jours. C’était un beau jeune homme, gracieux, pétulant, d’un esprit vif et enjoué, tuais faible et frivole. Depuis son enfance, Gilles avait vu ses caprices et ses vices respectés et obéis par des complaisants, ses domestiques. Les parasites et les intrigants pullulèrent autour de lui ; ils trouvèrent, par la flatterie, le chemin de sa confiance. Les plaisirs prématurés, des succès et un rang sans rapport avec ses œuvres ou son mérite, amenèrent pour lui une hâtive satiété. Vieux à vingt ans, blasé, il avait épuisé les jouissances de la vie. Gilles de Rais ne connut jamais le devoir. L’ardeur de ses sens, le vide de ses loisirs, l’activité de son imagination, ouvrirent à son intelligence le champ d’une dépravation infinie. Il chercha au delà du réel, au delà de la nature et du possible, un monde de voluptés atroces et insensées[13].

Gilles avait, pour sa garde, deux cents hommes à cheval. Les meubles les plus riches, les tentures les plus somptueuses décoraient ses manoirs de Machecoul, de Châteaucé, de Tiffauges. Son hôtel de la Suze, à Nantes, éclipsait le palais ducal. Au quinzième siècle, la pompe du culte intérieur et la musique religieuse, étaient l’orgueil des grandes existences. Gilles de Rais eut une chapelle de vingt-cinq à trente clercs, chapelains et enfants de chœur, suivis de leurs pages. Tous ensemble formaient un train de cinquante personnes et cinquante chevaux, qui accompagnaient le seigneur dans ses déplacements. Le primicier ou chef de sa chapelle, portait, de l’autorité de G. de Rais, le titre d’évêque ; puis venaient les dignités capitulaires : écolâtre, chantres, archidiacres, etc. Gilles écrivit à Rome pour régulariser canoniquement cet état de choses et mettre ses chanoines sur le pied des comtes de Lyon[14].

Lui-même était chanoine de saint Hilaire-le-Grand, de Poitiers. Dans cette ville, il entendit un jeune chantre ou enfant de chœur, nommé Rossignol, de La Rochelle. Le père fut comblé de présents ; et, pour engager le fils dans sa maison, Rais lui donna une terre et deux cents livres de rente. Il aimait avec passion le spectacle des danses ou morisques, et surtout les mystères par personnages, dont les dispendieuses représentations exigeaient un déploiement de ressources immenses. Il présida vers 1433[15] à l’exécution du Mystère de la Pucelle, qui fut célébré à Orléans et dans lequel il était glorifié par un rôle spécial. Il dépensa cette année de quatre-vingts à cent mille écus, durant son séjour en cette ville[16].

Gilles de Rais ne comptait pas. D’avides factotum, qui l’entouraient, faisant lucre de sa ruine, s’interposèrent pour les moindres actes, achats ou ventes, dans l’administration de sa fortuné. Il payait toute chose au triple, et, pièce à pièce, il commença d’aliéner, à vil prix, ses nombreuses seigneuries. Rais, orphelin, avait pour père Jean de Craon, chevalier, son aïeul. Ce vieillard, déjà brisé par l’âge, lorsque Gilles fut émancipé, aimait tendrement ce petit-fils. Jean mourut le 14 décembre 1432 : aucun frein n’arrêta plus désormais le dissipateur et son entourage. Gilles, pour subvenir à ses prodigalités, invoqua l’aide fantastique de l’alchimie et de la sorcellerie[17].

Il alluma des fourneaux sur lesquels son propre or se fondait, tandis que le grand-œuvre lui échappait également et s’évaporait en fumée. Gilles consulta les nécromants des deux sexes, qu’il choisit d’abord sous sa main ; en Bretagne, puis à Paris. Puis il fit venir à grands frais Francesco Prelati, docteur en l’art secret et prêtre, de Florence. Par leurs conseils, il consentit à se donner au diable, espérant en retour obtenir de lui science, richesse et puissance. Prelati, nonce du diable et son interprète, fit en faveur de Rais plusieurs évocations. Plusieurs tentatives échouèrent. Il fallait choisir le lieu, l’heure, tracer des cernes ou cercles et des figures ; appeler Belzébut, Astaroth, Barron, lire un grimoire écrit en rouge ; outrager Dieu, la nature ; offrir au Maître, du sang... quelque membre de jeune enfant. Gilles se plongea de plus en plus dans cet abîme de stupides turpitudes, où la rage de l’impuissance devenait le délire de la férocité[18].

Une nuit, entre autres, Gilles se présenta au sabbat avec les deux yeux d’un enfant, qu’il avait fait arracher devant lui et mettre dans un verre. Peu à peu, l’on apprit que de petites filles, de petits garçons entraient au service du baron de Rais, et disparaissaient. Les plus gracieux étaient choisis, demandés à leurs parents ; emmenés avec dons et promesses ; quelquefois dérobés : puis les mères ne les revoyaient plus. De Nantes à La Rochelle, on répétait sur ce thème de sinistres propos, accompagnés de plaintes, de réclamations sans résultats, de murmures. La notoriété publique grandissait, faisait entendre sa voix ; mais le seigneur de Rais, haut baron, haut justicier sur ses terres, était-il accessible à ces bourdonnements[19] ?

Une impunité, qui dura huit ans, l’aurait sans doute protégé toute sa vie, si diverses conjonctures politiques ou accessoires, n’eussent en quelque sorte trahi le coupable.

Gilles de Rais avait reparu militairement au siège de Lagny (1432), à Sillé-le-Guillaume, à Conlie dans le Maine (1434-5) ; mais seulement par intervalles. Il accompagna, lors de sa disgrâce, G. de La Trimouille ; et La Fayette reprit, avec le gouvernement de Charles d’Anjou, son bâton de maréchal[20]. Les parents de Gilles de Rais s’adressèrent au roi de France, qui, sur leur requête, prononça l’interdiction civile du dissipateur. Charles VII manda cette déclaration au duc de Bretagne, pour qu’elle fût légalement signifiée et exécutée dans le pays. Mais Jean VI, parmi les grands vassaux de la couronne, était celui qui revendiquait le plus haut son indépendance. Anglais par sa mère, le successeur des anciens rois d’Armorique avouait relever de France pour son duché de Bretagne, comme la maison de Montfort relevait d’Henri VI pour le comté de Richemont : mais il refusait à Charles VII l’hommage-lige et ne lui reconnaissait que l’hommage simple. Jean VI avait une porte constamment ouverte à l’Angle terre. Lui-même, d’ailleurs, ainsi que La Trimouille, s’étaient rendus acquéreurs, par contrats léonins, des biens qu’avait aliénés Gilles de Rais. Jean VI refusa d’homologuer l’acte judiciaire et d’annuler par ce fait les marchés avantageux qu’il avait souscrits[21].

Loin de là, contre la défense du roi, le duc acquit de Rais, aux mêmes conditions, de nouvelles terres et mit en sa main les forteresses du vendeur. Prégent de Coëtivy, amiral de Charles VII, aspirait à la main de Marie de Rais, fille de Gilles, héritière du patrimoine compromis. Une ligue de barons s’organisa en Bretagne contre le duc. La Trimouille, qui guerroyait toujours dans le Poitou, renouvela ses alliances avec le maréchal. Enfin, parmi les méfaits de Gilles de Rais, celui-ci, en commettant quelque acte de violence très secondaire, avait enfreint les immunités ecclésiastiques. A l’aide de ce nouveau grief, les adversaires de Gilles s’acquirent le concours de l’évêque de Nantes, chancelier de Bretagne. Le duc, comme justicier, fut mis, par les dénonciations de la rumeur publique, en demeure de sévir. La foi et les privilèges de l’Église étant intéressés dans la cause, l’Inquisition s’adjoignit au juge séculier. Gilles de Rais fut ainsi déféré au grand juge de Bretagne, assisté de l’évêque diocésain et du vicaire du Saint-Office[22].

L’information trouva, aux domiciles du prévenu, des appareils alchimiques et tout le matériel de la sorcellerie un pied de fer, une main de cire ; une estrapade, qui servait à asphyxier les jeunes victimes ; une immense lame ou braquemart, pour les décapiter. A Machecoul, l’un de ses châteaux, on découvrit les cadavres réunis de quatre-vingts enfants. Leurs têtes étaient séparées des troncs ; les corps en partie brûlés ; tous, horriblement mutilés. Des témoins, complices de Gilles, furent entendus. Lui-même subit la torture ; les uns et les autres racontèrent, dans le plus petit détail, la série des violences et des actes d’une barbarie lubrique et folle, auxquels se livrait Gilles de Rais. Des textes authentiques évaluent de cent quarante à deux cents, le nombre des enfants, dont la vie fut sacrifiée dans ses féroces débauches[23].

Après avoir un moment essayé de l’arrogance et de l’intimidation, Gilles s’humilia, demanda pardon à Dieu et aux hommes, en s’offrant à l’expiation du supplice. Lui et deux de ses serviteurs furent condamnés à une amende pécuniaire envers le duc et à perdre la vie. Le 27 octobre 1440, une procession générale du clergé, moines et prêtres, se rendit de la ville à la prairie de Nantes. Là, trois échafauds, pour les patients, avaient été dressés. Gilles, en présence d’un immense concours de spectateurs, fut attaché, par le cou, au poteau, les pieds posés sur un escabeau qui surmontait son bûcher. Il demanda et obtint de mourir le premier, à la vue de ses compagnons, qui subirent, après lui, la peine du feu. Le bourreau ayant enlevé l’escabelle, Gilles mourut par strangulation. On alluma ensuite le bûcher pour la forme. Le corps de Gilles fut transmis à des dames de sa famille, qui le firent inhumer à Nantes, en l’église de Notre-Dame des Carmes[24].

Charles VII, après la Praguerie, résida successivement à Bourges, à Orléans, puis à Chartres, où il séjourna durant les trois derniers mois de l’année. Le roi promulgua dans cette ville divers actes importants. L’un de ces édits, s’autorisant ad hoc du synode tenu à Bourges, levait sur le clergé un subside et faisait participer ce corps de l’État aux contributions ou charges publiques du royaume. Le concile de Bâle, entraîné par les ardeurs de la lutte, avait rallumé le schisme et créé de nouveau un antipape, en la personne du duc Amédée de Savoie[25]. Ce dernier, sous le nom de Félix V, fut reconnu, avec acclamation, par les suffrages intéressés de l’université de Paris. Amédée était l’allié intime et l’ami du roi de France. Mais Charles VII fit taire ses penchants et ces considérations personnelles : il tint la balance, en ces questions si délicates, d’une main élevée, ferme et équitable. Par un second diplôme, daté de Chartres, 21 novembre 1440, il déclara demeurer sous l’obédience d’Eugène IV[26].

Le roi, accompagné du Dauphin, se dirigea ensuite, par Sens, vers la Champagne. Charles VII, depuis le voyage du sacre, n’avait pour ainsi dire jamais vu de près les provinces situées au nord de l’Yonne et de la Seine. Et pourtant ces pays, ralliés à l’unité politique, appelaient, en quelque sorte, par leur état de souffrance, toute la sollicitude royale. La ruine, les maladies, la famine, désolaient incessamment la capitale et beaucoup d’autres villes. A la suite du traité d’Arras, un nouveau fléau, si l’on peut l’appeler ainsi, s’était, après tant de maux, déchaîné sur ces contrées. Des milliers de soldats, licenciés par suite de la paix, s’étaient mis à errer, les armes à la main, sans aucun autre but, ni emploi, que le meurtre et le pillage. Les excès auxquels ils se livrèrent leur valurent le surnom, expressif et trop mérité, d’Écorcheurs[27].

Ces bandits avaient pour principaux capitaines La Hire, Blancheflor, Brisach, Antoine de Chabannes, les deux bâtards Guy et Alexandre de Bourbon ; les bâtards d’Armagnac, de Neuchâtel, de Vergy ; le bâtard Chapelle, etc. En 1438, une nombreuse multitude, formée de ces compagnies, s’était ruée, en sortant par la Lorraine, sur le pays allemand, le long du Rhin, et avait étendu ses ravages jusqu’à Francfort. Puis, ils étaient rentrés en France. Le connétable avait essayé vainement de les employer dans sa guerre réglée contre les Anglais. Pour assiéger une place forte, ou pour combattre en ligne, les écorcheurs s’étaient montrés peu utiles. Ils triomphaient, au contraire, dans les coups de main, dans les invasions nocturnes, accompagnées d’incendie, de meurtre et de pillage. La lutte s’était rallumée entre le comte de Vaudémont et le duc de Lorraine. Les écorcheurs tenaient sous leur domination beaucoup de localités et de forteresses dans le pays de Metz, la Lorraine, la Champagne, sur la lisière de Bourgogne et aux environs de la capitale[28].

Charles VII, suivant un itinéraire qui mérite toute l’attention de l’historien, résidait à Sens le 14 janvier 1441 ; du 24 au 31, il habita Troyes ; 1-9 février, Bar-sur-Aube ; du 9 au 22, Langres ; vers le 25, Montéclair, près Andelot ; le 28, Vaucouleurs. Nous suivons ce prince le 1er mars, à Commercy ; le 15, à Châlons-sur-Marne ; le 27, à Reims et le 1er avril à Laon, en Picardie[29].

Alexandre de Bourbon, à la tête d’une colonne d’écorcheurs, osa se présenter devant le roi, à Bar-sur-Aube. Mais, en même temps, des paysans, qui avaient eu personnellement à souffrir de ses outrages et de ses excès, vinrent, avec d’autres plaignants, réclamer justice, conformément à l’ordonnance. Le roi fit arrêter ce bâtard par le prévôt de la maréchaussée. Jugé et condamné à mort, Alexandre de Bourbon fut noyé dans la rivière[30].

Le bâtard, soutenu par ses frères et beau-frère, Guy, bâtard de Bourbon, Charles, duc de Bourbon, et Rodrigue, s’était signalé, dans la Praguerie, par son audace et ses violences. Cet exemple de sévérité produisit un effet moral en rapport avec la témérité des rebelles. Le roi, assisté du connétable de Richemont et de ses nouvelles compagnies d’ordonnance, balaya ces divers points, fit rentrer les forteresses sous l’autorité royale et rétablit l’ordre troublé. A Vaucouleurs et à Commercy, il soumit à un traité de réparation le sire de Commercy, Robert de Sarrebruck, l’un des alliés d’Alexandre et des écorcheurs. Il termina en même temps la lutte armée dirigée contre son beau-frère René d’Anjou[31].

A Laon, Charles VII prit son domicile en l’hôtel de l’évêque-duc. Il y séjourna pendant le mois d’avril. Le vin de ville, blanc et rouge, du cru de Beaune, fut offert par les Laonnais au roi, au dauphin, au connétable, etc. Toute la cour fut défrayée, au titre du droit de gîte royal, par des prestations de divers genres en nature[32].

Jean de Luxembourg, premier lieutenant de Philippe le Bon, était mort le 5 janvier 1441, sans avoir voulu souscrire au traité d’Arras, et constamment engagé dans la cause anglaise. Mais Jeanne de Béthune, sa femme, avait toujours eu le cœur français. Cette veuve était un grand parti, comme héritière du comte et, de son chef, comme dame de seigneuries importantes. Il fut question de la remarier à Charles d’Artois, comte d’Eu, proche parent du roi. Jeanne vint à Laon trouver Charles VII, qui lui fit l’accueil le plus gracieux. Elle répondit à ces démonstrations de courtoisie. La douairière de Luxembourg releva féodalement toutes ses terres qui mouvaient de la couronne ; elle en fit l’hommage et prêta serment de fidélité. Mais elle n’accepta pas la main du comté d’Eu[33]. Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, se rendit également auprès du roi Charles. L’habile princesse avait accepté la charge de négociations difficiles.

Son nouveau protégé, Charles, duc d’Orléans, venait de recouvrer sa liberté. Il avait épousé en Troisièmes noces une fille de Clèves, nièce du duc de Bourgogne. Mais le duc Charles, prince faible, avait été aigri et démoralisé par l’infortune. En mettant le pied sur le sol de sa patrie, il affecta immédiatement une ligne de conduite, peu propre à satisfaire le roi de France. Ch. d’Orléans reprit aussitôt les allures que suivaient les princes aux temps de Charles VI. Il commença par mettre sus un nouvel ordre de chevalerie, l’ordre du Camail, auquel il affilia les princes mécontents, héros naguère vaincus de la Praguerie.

Philippe le Bon, à son tour, donna la Toison-d’Or au duc d’Orléans, puis aux ducs d’Alençon et de Bretagne. Charles d’Orléans, pour sortir de captivité, s’était engagé par serment à ne pas reprendre les armes contre les Anglais. Bien que peu guerrier, il leva immédiatement bannière ; et, suivi d’une véritable armée, il s’avança vers le roi... pour le saluer et, lui faire hommage ! Charles VII et son conseil désapprouvèrent cet appareil, au moins inopportun. Le roi fit savoir à son cousin, qu’il le recevrait volontiers, mais à simple et privée mesgnie[34].

La situation était donc de nouveau délicate ou tendue entre le roi et, les princes, qui trouvaient auprès du grand duc d’Occident, si ce n’est une ouverte complicité, du moins un appui complaisant et pompeux. Divers autres griefs, ou affaires analogues, avaient été confiés au talent diplomatique de la duchesse. Isabelle déploya, auprès du roi de France et de son conseil, toutes les ressources de son esprit, de son adresse féminine, et plaida les causes épineuses dont elle s’était chargée. Elle ne put toutefois que charmer ses juges, sans les convaincre. Charles VII finit par congédier la noble solliciteuse, en la comblant des marques royales de sa déférence ; mais il s’excusa de ne pouvoir accéder à aucune des requêtes qu’elle lui avait présentées[35].

Charles VII, avant de quitter Laon, signa un acte de très grave conséquence, sous le rapport administratif ou financier. Les ministres précédents avaient, au plus haut degré, abusé des blancs-seings, (fatalement connus, plus tard, dans notre histoire, sous le nom de lettres de cachet). Le roi, par un édit solennel daté de Laon, le 28 avril 1441, corroboré depuis par des garanties nouvelles et plus ex-presses encore, déclara publiquement qu’il renonçait à autoriser de pareils actes dans l’avenir[36].

De Laon, Charles VII, au mois de mai 1441, se porta successivement à Soissons, Noyon, Compiègne, Pont-Saint-Maxence et Senlis, où il se trouvait le 23. Quelques places environnantes se soumirent à lui. Creil et Pontoise, qui étaient retombés au pouvoir des Anglais, donnèrent lieu à deux expéditions réglées. Creil, assiégé ou approché le 19 mai, fut assailli le 25 et se rendit par composition le 24 juin suivant. Mais Pontoise, place d’une importance supérieure, opposa une résistance beaucoup plus considérable[37].

Cette ville commandait, sur un point nécessaire, la route de Normandie. Les Anglais l’avaient fortifiée avec sollicitude. Du 3 au 6 juin, le roi fit investir Pontoise. Après avoir touché Paris, pour y réunir des secours pécuniaires et autres, Charles VII était venu s’établir à Saint-Denis, puis en l’abbaye de Maubuisson. De là, il suivit et dirigea personnellement les opérations militaires qui eurent lieu devant Pontoise. Le siège de cette villette doit marquer certainement parmi les notables épisodes de la période que nous retraçons. Charles VII finit par apprendre à vaincre à l’école même de ses longs revers. Cette expédition fut pour lui une nouvelle et pénible épreuve. Le roi avait autour de sa personne le dauphin, Charles d’Anjou, le connétable, les maréchaux de Culant (ou de Jaloignes) et de Lohéac, le comte de Tancarville, l’amiral Prégent de Coëtivy et son frère Olivier, les deux Brezé (Pierre et Jean), c’est-à-dire l’élite des hommes de guerre. Il rallia également et sut employer dans cet effort La Hire, Chabannes, Pannessac et autres des plus turbulents[38].

De leur côté, les Anglais lui opposèrent leurs principaux capitaines. L’infatigable Morhier était l’administrateur ou l’intendant général de leur milice. W. Peyton ou Poitou, Clifton, Falconbridge, Scales, N. Burdett, Standish, le duo d’York, et enfin le grand Talbot, comte de Shrewsbury et maréchal de France pour Henri VI, parurent brillamment sur ce théâtre. Le roi ne parvint, qu’avec des peines infinies, à investir complètement une place, qui trouvait par terre et par eau des issues. Cinq fois, en dépit de tous les efforts des assiégeants, les Anglais de Normandie ravitaillèrent cette ville. Charles VII, pendant qu’il séjournait en l’abbaye de Poissy, vers la fin du mois de juillet, fut en danger d’être pris. Il n’échappa que par miracle à une manœuvre qui devait le saisir au gîte, pendant la nuit, et le faire tomber aux mains de Talbot ou du duc d’York[39].

Au milieu de ces périls, de ces sacrifices incessants, le siége traînait en longueur. Les propres ressources des assiégeants s’épuisaient. Antoine de Vaudémont, le comte de S. Paul, le comte de Joigny, Philippe de Vienne, évêque-duc de Langres, tons Bourguignons ralliés, avaient jusque-là servi militairement devant Pontoise. Fatigués de la campagne, et découragés, ils prirent congé du prince, et se retirèrent. Charles VII, abandonné, redoubla d’énergie. Enfin, le 29 septembre, il commanda l’assaut général de la place : le roi distribua les rôles, en se réservant le poste décisif et le plus périlleux. Il attaqua l’église de Notre-Dame qui dominait Pontoise. Après un combat opiniâtre, les assiégés, réduits et exténués, se rendirent. Charles VII, comme il avait fait à Montereau, pénétra l’un des premiers dans la ville[40].

Le roi, après avoir bombardé l’église de Notre-Dame, y entra pour faire ses dévotions et remercier Dieu de la victoire. II intervint de toute son autorité afin de modérer, à l’égard des habitants inoffensifs, la violence de ses soldats triomphants. Un Anglais, isolé sur une place, courut se réfugier, pour sauver sa vie, entre les jambes du cheval que montait le roi. Charles VII prescrivit en vain la miséricorde, et lés soldats, en massacrant cet Anglais, blessèrent l’animal sur lequel ce prince était en selle. Le lendemain, une enquête fut ouverte à l’effet de reconnaître quels étaient, parmi les assaillants, ceux, qui avaient le mieux fait. Charles VII anoblit un petit nombre des combattants qui n’étaient point nobles, et notamment celui qui le premier avait franchi la brèche[41].

Une ordonnance récente venait de régulariser la cavalerie. L’artillerie à feu, dans ces deux sièges, mit en lumière les progrès signalés qu’elle avait accomplis, depuis le temps où Henri V conquérait la France à l’aide d’engins encore mécaniques. Les améliorations introduites dans cette arme allaient lui acquérir une prépondérance décisive, et cette substitution devait changer la face des armées, ainsi que l’art de la guerre. Ces progrès eurent en grande partie pour auteur le chef habile qui commandait l’artillerie, sous le titre de grand maître, aux sièges de Creil et de Pontoise. Ce haut dignitaire de la couronne, membre du conseil privé, se nommait Jean Bureau, de petite bourgeoisie parisienne. Il fut une de ces capacités que Charles VII, devenu connaisseur en hommes, sut distinguer et choisir[42].

Le roi, après ce triomphe de Pontoise, retourna pendant quelque temps à Paris et donna ses soins à diverses branches administratives du gouvernement. Par lettres datées du 17 octobre 1441, et de cette capitale, il accorda une dernière faveur à ses fidèles défenseurs du Mont-Saint-Michel. Ces lettres plaçaient la ville et le Mont sous la protection spéciale du roi de France, avec toutes les prérogatives de la sauve-garde royale, accompagnée de garde-gardienne. Le roi, sans interrompre le cours des affaires, regagna ensuite les bords de la Loire, qu’il affectionnait particulièrement[43].

Le 31 décembre 1441, Charles VII résidant à Saumur, établit, dans le royaume, deux généraux des finances, comme réformateurs des monnaies : matière fort délicate et très compromise dans le passé. Ces lettres révoquaient toute commission analogue, antérieurement instituée. Le roi, ce même jour, frappa un autre coup, de rigueur, mais des plus mérités et des plus nécessaires. Guillaume de Champeaux, commissaire général des finances en Languedoc, avait marqué sa longue administration par d’intolérables abus. Arrivé au pouvoir dans les temps orageux de la régence, il s’était fait en ce pays lointain, au second rang et à l’abri de son muable gouverneur, comme un proconsulat inamovible. Sa robe ecclésiastique, avec la distance, lui garantit longtemps l’impunité. G. de Champeaux battait monnaie, sans permission du roi. Il disposait de l’impôt. Des plaintes successives étaient parvenues jusqu’à la cour ; mais le tout-puissant financier, duc et pair, réussit à les neutraliser[44].

Le roi, sur ces plaintes renouvelées, prit successivement diverses mesures, pour limiter et contrôler l’autorité du commissaire général. Il envoya des délégués considérables, puis un prince du sang, le comte de Vendôme, qui lui intimèrent, au nom du roi, l’ordre de suspendre l’exercice de ses fonctions. Guillaume de Champeaux éconduisit, l’un après l’autre, tous les commissaires, y compris le prince, en les jouant, ou en les bravant face à face. Enfin la mesure était comble et le véritable roi de France succédait au pupille couronné des Giac et des La Trimouille. Les lettres patentes qui révoquent G. de Champeaux, estiment à la somme de six à sept cent mille écus le dommage causé au roi par ces malversations. De plus, le produit des concussions que l’évêque de Laon avait accumulées pour son profit personnel, y est évalué à environ trois millions de livres, valeur du temps. Charles d’Anjou venait d’être nommé gouverneur de Languedoc et T. Duchâtel, son lieutenant. Deux maîtres des requêtes, hommes énergiques, furent envoyés à Montpellier, afin de prêter main-forte à l’exécution de l’ordonnance. Charles VII, en destituant l’évêque financier, saisit son temporel, et remplaça l’intendant par des commissaires. Guillaume de Champeaux, cette fois, obéit à l’autorité souveraine et disparut au sein d’une obscure, mais opulente retraite[45].

 

 

 



[1] Lettre de Charles VII ; archives de Reims, le 25 septembre 1440. J. Chartier, t. I, p. 250. Berry, 405. Gruel, 359. D. Morice, t. I, p. 522. K. 65, n° 15, pièce 23. La Thaumassière, Hist. du Berry, p. 162.

[2] Massiou, Histoire de Saintonge, t. II, p. 278. K. 65, n° 11. Thibaudeau, Histoire de Poitou, 1840, t. II, p. 469. Redet, Catalogue de D. Fontenau, p. 336. Jourdan, Éphémérides de La Rochelle, p. 479. Bis. Legrand, Histoire de Louis XI, t. I, p. 11 et s. La ville d’Angers avait pour évêque Jean Michel, d’abord secrétaire de la reine Yolande, qui s’éleva, par son mérite et la protection de la reine, à ce poste éminent. J. Michel, récemment élu conformément à la pragmatique, avait vu son élection contestée par un compétiteur ultramontain et sanctionnée par le concile de Bâle. Il reçut solennellement Charles VII en l’église de Saint-Maurice. Le roi fit présent d’une tapisserie à cette cathédrale. Bourdigné, II, 188. Moréri et biographie Didot : Michel. Vie de J. Michel, 1739, in-12.

[3] La ville de Niort avait été engagée à J. d’Alençon pour quelque créance. Basin, t. I, ch. XII. Berry. p. 401. J. Chartier, t. I, p. 25. Monstrelet, t. V, p. 410. Procès, t. V, p. 333. Briquet, Hist. de Niort, 1832, t. 1, p. 109. Odolant Desnos, Mém. sur Alençon, 1787, t. II, p. 59.

[4] Berry. Chartier. Documents biographiques sur Dunois ; Cabinet historique, 1857, p. 3 et s. Bourdigné, II, 187. Madeleine d’Amboise, sœur de Pierre d’Amboise, sire de Chaumont, était femme d’Antoine de Prie, grand queux (cuisinier) de France (Anselme). Les deux conjurés appartenaient au grand conseil.

[5] Journal de Paris, p. 716, 717, et les sources alléguées ci-après. — Praguerie est un mot qui parait venir de Prague, principal théâtre de la guerre civile des Hussites. — D. Vaissète, t. IV, p. 494.

[6] Jean de la Roche, seigneur de Barbezieux, prête serment comme sénéchal de Poitou, le 23 novembre 1431. X. X. 8593, f° 111. Il ne faut pas confondre ce J. de la Roche avec les membres de plusieurs autres familles homonymes, et notamment avec les Roche-Guyon, qui prirent part à ces mêmes événements. Voy. Anselme, t. VIII, p. 622.

[7] En remplacement de J. de la Roche. — Gruel, p. 390 : Richemont faisait allusion à Richard II d’Angleterre, qui laissa ses parents usurper son pouvoir et fut supplanté par Henri de Lancastre, père d’Henri V. Charles VII, historien grand, comme l’appelle Chastelain, chargea son hérault Berry de recueillir la chronique de ce prince (Richard II), chronique si importante pour décider la cause de droit pendante entre la France et l’Angleterre. Voy. biographie Didot, article Le Bouvier, col. 110. Cet avis, donné au roi par l’évêque de Beauvais, J. J. des Ursins, se trouve dans un écrit de 1440 ; (nous avions dit : vers 1434). Ms. Saint-Germain, fr., n° 251, f° 75. Itinéraire. Varin, Archives de Reims, t. VIII, p. 570, col. 1. Archives municipales de Narbonne, caisson 1, pièce 106. D. Vaissète, Hist. de Languedoc, in-f°, t. IV ; Preuves, p. 455. Ms. Fontanieu 118, au 2 mai 1440. Berry, p. 407.

[8] J. Chartier. Berry. Gruel. Journal de Paris. Monstrelet d’Arcq, t. V, p. 410, ch. ccxlvj. Itinéraire. Privilèges accordés à la ville et à l’abbaye de Saint-Maixent : Redet, Catalogue Fontenau, p. 337. Pierres, Tablettes de Loches, 1843, in-4°, p. 78. Archives de Narbonne, pièce 107. Ordonnances, XVI, 530. Art de vérifier les dates, article de Bertrand IV de La Tour-d’Auvergne, 1818, t. X, p. 152 de la 2e partie.

[9] Archives de la préfecture de police, livre noir, n° 5 ; livre vert vieil 2e, f° 91. Ms. Fontanieu 117 au 5 juillet. D. Vaissète, IV, 495. Catalogue Fontenau, p. 337. Anselme (Aubusson), t. V, 1730, p. 339 c.

[10] Monstrelet, p. 413, 414.

[11] Monstrelet, ibid. Catalogue Leber, t. III, n- 5695. Catalogue Joursanvault, t. I, p. 20, n° 140. Livre vert vieil 2e, f° 89. Journal de Paris, p. 717 b. Ifs. Résidu S. G., pièce 15. Ordonnances, XIII, 315, 318. J. Paquet, Institutions provinciales, 1835, in-8°, p. 77.

[12] Anselme. Marchegay, Cartulaire de Rais, 1857, in-8. Biographie Didot, article Rais. Catalogue Fontenau, p. 329. C. de Launay, Histoire de Laval, 1856, in-8°, p. 175 et s.

[13] Preuves de Bretagne, t. II, col. 1337 et s.

[14] Ibid. Arm. Guéraud, Notice sur G. de Rais, 1555, in-8°.

[15] Peut-être en septembre ou novembre 1439, en présence du roi.

[16] Preuves citées, colonne 1337. Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, t. XV, p. 91 et s. Guessard et de Certain, Mystère de la Pucelle, 1862, in-4°, (collection des Documents inédits.)

[17] Cartulaire de Rais, p. 78. Anselme : Craon. Ms. fr. 4771, f° 51.

[18] Procès original, à Nantes ; minute latine ; fac-simile Girardot ; Bibliothèque de l’École des Chartes, 1862, t. XXIII, p. 311. Ms. fr. 4171, f° bi et s. Autre relation française, au château de Serrant.

[19] Ibid. Sur les pratiques de sorcellerie, voy. Malleus maleficarum, édition de Francfort, 1608, in-8°, p. 345, part. II, quest. I, chap. xiij : Unguenta ex carnibus infantium ; cur maleficæ offerant infantes diabolo, etc. (Ibid., p. 317).

[20] Sous Charles VII, le cadre légal des maréchaux de France était encore de deux titulaires seulement.

[21] Preuves, col. 1340. J. Chartier, t. I, p. 144, 166. Berry-Godefroy, p. 357. Ms. Blancs-Manteaux, n° 36, f° 323 et s. Cartulaire de Rais, p. 81.

[22] D. Morice, t. I, p. 527, 528, Preuves, t. II, col. 1270-1204, 1314. Ms. Bl.-Mant., n° 36, p. 324 à 332. D’Argentré, Hist. de Bretagne, 1618, p. 705. Procès, t. V, p. 332 et s. — 11 juillet 1440, Jean, duc de Bretagne, traite avec les Anglais (D. Morice, t. I, p. 534). 30 juillet, l’évêque de Nantes ouvre les poursuites contre Gilles de Rais (fac-simile Girardot, p. 1). 18 septembre, information des témoins contre Gilles (Ms. 4771, f° 2). 13 octobre, traité d’alliance entre le duc de Bretagne et le comte de Somerset, lieutenant d’Henri VI en France et en Normandie (Delpit, Documents, p. 260).

[23] Ms. fr. 4771. D. Morice, t. I, p. 535 et s.

[24] Jean Chartier, t. II, p. 5. Monstrelet, t. V, p. 425. D. Morice, t. I, p. 536-537. Marchegay, Revue des provinces de l’Ouest, novembre 1857, p. 177 et s., d’après une relation, Ms. du château de Serrant.

[25] 1439 juillet, Charles VII envoie R. de Gaucourt en ambassade vers l’empereur, pour prévenir ou étouffer le nouveau schisme. Baronius, à la date, p. 509.

[26] Ordonnances, XIII, 278, 319 à 326. Dévotions du roi ; fondations à Chartres ; actes administratifs : J. 463, n° 63 ; Lépinois, Histoire de Chartres, t. II, p. 93. Subsides sur le clergé : Ms. latin 6020, f° 76, 77, 103. Affaires générales de l’Église : Lettres des rois et reines, t. II, p. 454. Voigt, Enea Silvio dei Piccolomini, etc., t. I, p. 169. Vie des saints de Franche-Comté, 1855, in-8, t. IV, p. 331. Histoire de l’Église gallicane, t. XX, p. 367. Livre vert vieil 2, f° 79. Bosio, Istoria della religione di Gierusolima, 1630, in-f°, t. II, p. 215. Armoires Baluze, Ms. t. XI, p. 28 ; XIII, 351. J. Chartier, t. II, p. S. Ms. fr. 1278, f° 127-138. Protestation de Charles VII sur la détermination du concile de Bâle, Paris, 1560, in-8°. Labbe, Alliance chronologique, etc., t. II, p. 708 et s. Du Tillet, Libertés gallicanes, p. 138. Etc., etc.

[27] Lettre de Charles VII ; archives de Reims, le 25 juillet 1436. Monstrelet, V, 119, 350-1. J. Chartier, t. I, p. 216, 245. Journal de Paris, p. 714. Gruel, p. 386 et s. Cagny, ch. CLXIII. D. Plancher, t. IV, p. 233. Bulliot, Essai historique sur saint Martin d’Autun, 1849, in-8°, p. 314, 315. Canat de Chisy, les Écorcheurs dans le Lyonnais, 1861, in-8. Quantin, Avallon au quinzième siècle, dans Bulletin de la Société des sciences historiques de l’Yonne, 1853, in-8°, t. VIII, p. 194.

[28] Les mêmes. Basin, 1, 123 et s. Journal, 717. Berry-Godefroy, 401. Olivier de la Marche, éd. du Panthéon, p. 366. Barthélemy, Histoire de Châlons, p. 186. Monstrelet, 336, 359, 402, 431. Archives de la Meurthe, à Nancy : Compte de Otin d’Amance, publié par M. Lepage, Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine, Nancy, 1855, in-8°, t. I, p. 129 à 162.

[29] Itinéraire.

[30] Ms. Sorbonne 435 ; f° 212 v° et s. J. Chartier, t. II, p. 12. Monstrelet, V, 457. Gruel, 391. Canat de Chisy, écorcheurs. Le 24 janvier 1441, Charles VII accorde certains revenus à l’Hôtel-Dieu de Troyes, ruiné par les guerres. Mémoires de la Société d’Agriculture, etc., de l’Aube, 1853, p. 25-6. Le 27 mars, il adjuge à René la possession de la Lorraine. La Roque, Hist. de la maison d’Harcourt, in-f°, I, 641.

[31] Les mêmes. Labarre, Mémoires de Bourgogne, t. II, p. 189. Dumont, Histoire de Commercy, t. I, p. 244. P. P. 110, f° 253. Anselme, aux Damoiseaux de Commercy. Ms. Fontanieu 117, au 19 mars 1441. Contribution de Verdun : P. P. 110, f° 251. Montéclair, place occupée par les Écorcheurs, était, avec Andelot, son annexe, le chef-lieu nominal de la prévôté, à laquelle ressortissait Domremy, pour la juridiction civile. Vaucouleurs était le siège de la châtellenie eu ressort militaire. L’époque où Charles VII visita ces deux points, ne fut point éloignée, selon toute apparence, du moment où la fausse pucelle Claude fut présentée au roi et convaincue d’imposture. Le roi, en visitant ces deux localités, ne put manquer de s’éclairer par une enquête spéciale qui, nécessairement, concernait à la fois notre héroïne et son indigne rivale.

[32] Itinéraire. Monstrelet, V, 368. ; VI, 1 et s. Comptes de l’hospice de Laon : consulté sur place en 1858, avec les notes et communications de M. Matton, archiviste de l’Aisne. Guillaume de Champeaux, évêque-duc de Laon, commissaire général des finances en Languedoc, ne parut point devant le roi. Il était dès lors en pleine disgrâce. Par lettres données à Laon le 14 avril, Étienne de Cambray et Mathieu Savary, clercs des comptes, sont envoyés en Languedoc et en Guyenne, pour ouïr et clore les comptes de cette contrée. P. P. 110, f° 250. Nous reviendrons spécialement sur la gestion et la fin de ce financier.

[33] Peut-être la cause de ce refus se rattachait-elle aux sentiments que Jeanne éprouvait pour son cousin R. de Longueval ? — 1441, avril 10, Lettres données à Laon, par lesquelles le roi accorde aux habitants de Narbonne la continuation, pendant vingt ans, d’un droit sur le sel et d’un droit de barrage, pour l’entretien des ponts et chaussées sur la rivière d’Aude. Ordonnances, XIII, 329. — Voy. aussi Commission royale d’histoire, etc., de Bruxelles, t. XI, in-8°, p. 188.

[34] J. Chartier, t. I, p. 260. Monstrelet, V, 430-440. Les honneurs de la cour, in-12, t. II, p. 204. A. Favyn, Théâtre d’honneur, etc., 1620, in-4 v°, t. I, p. 833. Fenn’s Paston letters, Londres, 1787, in-4°, t. I, p. 4 et s. D. Morice, t. I, p. 537. Ms. Blancs-Manteaux, t. XLVIII b, p. 6. Du Tillet, Recueil, etc., p. 157. Voir dans Monstrelet, V, 470, l’histoire d’un écuyer de la maison d’Orléans, supplicié pour le soupçon d’avoir voulu empoisonner ce duc. Biographie Didot : Orléans (Charles d’) et Clèves (Marie de).

[35] Monstrelet, V, 469. Berry, 413. Gruel. 391.

[36] Du Tillet, Recueil des traitez, etc., p. 212.

[37] Legrand, Histoire de Louis XI, Ms. s. fr. 3075, t. I, f° 30. Itinéraire. Lettre de Charles VII, Archives de Reims, 27 mai 1441. Journal de Paris, p. 120. J. Chartier, t. II, p. 15. Gruel, p. 391. Monstrelet, VI, 5, 6. Berry-Godefroy, p. 413. Basin, t. I, p. M. Ms. D. Grenier, t. LXXXIX, p. 282. Janvier, Recherches sur les arbalétriers de Picardie, p. 104.

[38] Ms. Fontanieu 117, au 22 août 1440. Mallet-Bernier, Chron. de Senlis, 1835, p. 23. Itinéraire. Journal, p. 720 b. Ms. fr. 1968, f° 150. Notice sur S. Morhier. Barthélemy, Hist. de Châlons, p. 187. L. L. 218, f° 110, 116. L. L. 416, f° 112, 116. Ms. s. fr. 2875, t, 1, f° 30 v°. 1411 juillet 2. Par acte passé devant Pontoise, Saintrailles, assiégeant, cède au dauphin Louis, moyennant 6.000 écus d’or, la place de Château-Thierry, dont Saintrailles était capitaine. Quittance le 22 décembre suivant, Cabinet des titres, dossier Xaintrailles.

[39] Gruel, p. 391. Berry, 414 et s. Basin, 142, 143. Juillet 1441, la ville de Compiègne s’impose une taille pour subvenir aux dépenses du siège de Pontoise. Archives municipales de Compiègne : C. G. 15. Communication de M. H. de Lépinois.

[40] Monstrelet, t. VI, p. 7 à 24. Wavrin-Dupont, p. 313 et s. J. Chartier, t. 1I, p. 27. Berry, 414 et s. Ordonnance datée de Pontoise, Ordonnances, XVI, 173. Lettre du roi, archives de Reims, 29 juin et 2 août 1441. Ms. Fontanieu 111, au 27 août. Journal de Paris, p. 721. Basin, p. 142, rapporte que les Anglais exténués se reconnaissaient à la pâleur et à l’amaigrissement de leur visage, comme quelqu’un qui revient de Pontoise ; locution demeurée proverbiale.

[41] Les Anglais et les Français, au siège de Pontoise, firent également assaut de poésie. J. Chartier, dans sa chronique, nous a conservé un spécimen historique de ce genre. Voy. Ballade envoyée par les Anglois aux François, juillet 1441, suivie de la Response des François (t. II, p. 27 et s.).

[42] Les mêmes ; notamment J. Chartier, Basin, Monstrelet, Berry, loc. cit. Artillerie et appointement de nouvel. Mémoire original et autographe de Jean Bureau, vers novembre 1441. Archives du château de Thouars ; document découvert et mis en lumière par M. Marchegay. Communication du comité impérial historique. Charles d’Anjou avait alors la grande faveur du roi : J. 177, n° 14 ; Ms. Harlay, 101, 5, f° 135 ; J. Chartier, t. II, p. 33 ; Bourdigné, II, 189. Il la justifia spécialement par sa brave conduite dans ce siège, où il fut blessé d’une flèche (Monstrelet, p. 19). — Ms. Gaignières, n° 649, 5, f° 29. L. L. 416, f° 165, 166. Lettres du 26 octobre 1441, pour récompenser les arbalétriers de Tournay, qui avaient combattu à Pontoise. Saint-Genois, Monuments anciens, etc. (sur Tournay), Paris, 1782 in f°, page MXXVJ (1026). Lettres données à Paris en novembre 1441, par lesquelles le roi confirme les exemptions accordées aux artilleurs. Voy. Ordonnances, XIII, 348, 356.

[43] D. Huynes, Histoire du mont Saint-Michel, Ms. St-G. fr. 934, 3, f° 678 et s. Le 22 septembre 1441, le roi était à Pontoise ; le 25, à Paris, où il demeura jusque vers la fin d’octobre. Le 16 novembre et jours suivants, à Amboise ; du 2 au 9 décembre, Chinon ; le 17 et jours suivants, à Saumur (Itinéraire).

[44] Ordonnances, XIII, 349. Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1859, p. 57 et s. Capmany, Memorias historicas sobre la marina, comercio, y artes de Barcelona, Madrid, 1779, in-4°, t. II, p. 226. Ms. Fontanieu 117, au 29 décembre 1439. Ms. latin 6020, f° 102.

[45] K. 65, n° 30. P. P. 110, f° 256. D. Vaissète, Histoire du Languedoc, in-f°, t. IV, p. 496 et s. ; Preuves, col. 459 à 463. Ordonnances, t. XIII, p. 230 à 233, 257. T. Duchâtel ne paraît pas, lui-même, être demeuré très pur, avant et après la destitution de Champeaux. Collection Fontanieu, vol. 118, Lettres du 28 février 1443 ; nouveau style.