HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE VI. — MÉTAMORPHOSE DE CHARLES VII - 1436-1444.

CHAPITRE II. — Nouveau règne de Charles VII. Inauguration des réformes (Du 12 novembre 1437 au 2 novembre 1439).

 

 

Le 12 novembre 1437, Charles VII partit de Saint-Denis et prit en grand cortége le chemin de sa capitale. Le prévôt de Paris, celui des marchands et les échevins, le parlement, la chambre des comptes, l’archevêque de Sens (métropolitain), l’évêque de Paris, les abbés de Saint-Denis, de Saint-Germain des Prés, Sainte-Geneviève, Saint-Maur des Fossés, Saint-Magloire ; les ordres mendiants, le recteur de l’université, se portèrent au-devant de lui, jusqu’à Saint-Ladre, proche La Chapelle. A la suite des maîtres des requêtes, chevauchaient quatorze personnages représentant les sept péchés capitaux et les sept vertus. Tous firent leurs hommages ou soumissions au roi et le prévôt des marchands lui présenta les clés de la ville, que le roi transmit au connétable[1].

Les bourgeois placèrent un dais sur la tête du roi, et les deux cortéges réunis se mirent en marche vers la porte Saint-Denis. La grande rue de ce nom avait été tendue à ciel ; dans tout le parcours, la population entière se tenait sur la voie ou aux fenêtres. D’un jet de pierre à l’autre, les stations ou mystères se succédaient. Il y avait au Ponceau, un bassin où s’ébattaient deux dauphins et d’où s’élevait un grand lis, qui jetait hypocras, vin et eau. A la Trinité, la Passion de Jésus-Christ était figurée par des personnages muets ; au Sépulcre, la Résurrection ; au Châtelet, l’Annonciation, etc., etc.[2]

Le cortége royal s’ouvrait par les archers et arbalétriers, troupes d’élite qui venaient de se signaler et que le roi avait récompensées en leur accordant de notables privilèges. On distinguait parmi les archers, ceux de la ville de Paris, vêtus de robes uniformes, vertes et rouges, à la devise du roi ; les archers de Tournay, qui partageaient, avec les Ecossais, la garde du corps ; les archers de Châlons-sur-Marne, associés à la même prérogative et dont les hoquetons étaient brodés de myosotis, ou fleurs de ne m’oubliez mie, en souvenir de leur belle conduite à Montereau. Le comte Charles d’Anjou et le grand maître de Graville commandaient cette valeureuse infanterie[3].

Venaient ensuite les héraults du roi, ainsi que des seigneurs, suivis de Berry roi d’armes, vêtu du blason royal. Quatre écuyers étaient montés sur des coursiers houssés de fin blanchet, brodé de cerfs ailés d’or, à la devise du roi. Poton de Saintrailles, l’un d’eux, premier écuyer d’écurie, portait sur un bâton le heaume du roi, à la double fleur de lis d’or pour cimier : les autres soutenaient l’épée et les divers attributs du souverain militaire. Charles VII et le dauphin, armés de pied en cap, sauf la tété, s’avançaient après eux, l’un et l’autre à cheval, habillés de drap d’or sur le harnois d’acier. A côté du roi chevauchant le pas sous son dais, marchait à pied, Jean d’Aulon, écuyer du roi, ancien maître d’hôtel de la Pucelle. Il tenait par la bride le chanfrein d’acier de la monture royale[4].

Le roi était accompagné du connétable, des comtes de Vendôme, de la Marche, de Tancarville, du sire d’Albret, de La Hire, Jacques de Chabannes, etc. Le bâtard d’Orléans, capitaine de Montereau, se faisait remarquer par le luxe de sa parure militaire. Il était armé de plein harnois, son cheval houssé de drap d’or jusqu’à terre ; cheval et cavalier tout chargés d’orfèvrerie. Le bâtard portait un collier d’or, formé de grandes feuilles de chêne, pesant cinquante marcs. Il était ceint, en outre, d’une écharpe ou baudrier d’orfèvrerie, qui se repliait en croupe sur le dos de son cheval. Jean d’Orléans avait à sa main, de même que le connétable, un gros bâton de bois, en signe de commandement. Il conduisait le principal corps de l’armée victorieuse, composé d’un millier de lances, et qui venait hiverner à Paris[5].

Le roi, suivant sa coutume, se rendit à la cathédrale. Arrivé à la place Notre-Dame, il trouva le clergé réuni, ainsi que l’Université. Il fut harangué par Nicolas Midi, le docteur qui, sur le Vieux-Marché, avait prêché la Pucelle. La porte principale de la cathédrale fut d’abord fermée. Ensuite l’évêque, sortant par le guichet, se présenta au-devant du souverain, qui venait de mettre pied à terre. Le roi, à genoux, baisa le texte et la croix, puis il prêta serment d’observer les libertés de l’Eglise, et jura comme roy, qu’il tiendroit loyalement et bonnement tout ce que bon roy faire debvoit. Les cloches, alors, s’ébranlèrent et les portes s’ouvrirent. Les trois arcades ou nefs de Notre-Dame étaient illuminées de cierges, comme dans la nuit de l’Epiphanie. Charles VII pénétra jusqu’au chœur richement orné ; tandis que le cri de Noël se propageait, en de longs échos, au sein de la multitude. Quatre heures sonnaient ; le Te Deum laudamus fut célébré en grande pompe ; et le roi, ce même soir, alla souper, puis coucher au Palais[6].

Charles VII marqua son séjour à Paris par divers actes de haute administration. Il confirma définitivement les privilèges de l’Université ainsi que ceux de la Ville et installa les nouvelles autorités. Saint-Denis, Rueil et autres localités du Parisis obtinrent des concessions gracieuses de la couronne. Il régla le service des monnayers du serment de l’Empire et la valeur de la monnaye ; l’exercice de la pharmacie et de la médecine ; la tenue de registres de minutes par les notaires, et autres questions d’ordre ou de service public. La charge d’historiographe était demeurée vacante depuis 1418. Mais Charles VII rouvrait, pour la monarchie, le livre de l’histoire : il rendit, le 18 novembre 1437, à l’abbaye de Saint-Denis son antique prérogative et nomma le chantre de ce monastère, Jean Chartier, au poste de chroniqueur royal[7].

Jusqu’à ce jour, le parlement fidèle avait fonctionné à Poitiers. Charles VII ne brisa point entièrement le parlement de Paris ; il conserva les membres bourguignons : les anglais seuls furent cassés. Le 23 novembre, R. de Chartres, chancelier de France, ramena au Palais, dams leur antique demeure, les magistrats de Poitiers. Les deux compagnies furent réunies ; mais de manière à ce que la majorité, ainsi que la prépondérance, demeurât acquise aux conseillers de Poitiers. Le 25, Bernard, comte de Pardiac, fit exhumer les restes mortels de son père, le connétable d’Armagnac. Un service religieux fut célébré en présence du roi et de la cour, dans l’église priorale de Saint-Martin des Champs. De là, ces dépouilles furent envoyées en Armagnac, pour recevoir, à côté de celles de ses ancêtres, les honneurs de la sépulture. Mais en dehors de ces pieuses et légitimes réparations, Charles VII, à ce qu’il semble, s’abstint de toute représaille politique[8].

Le 3 décembre, Charles, après ce court séjour, quitta la capitale et se rendit à Orléans. Il ne tarda pas de retourner à Bourges et publia, dans cette ville, un des actes les plus importants de son règne et de la législation du moyen âge[9].

Une sorte de crise intime, au quinzième siècle, agitait jusque dans ses fondements la société religieuse. Le schisme pontifical durait depuis 1378. En France, le schisme politique avait aggravé cet état de choses : l’ordre civil, déjà fortement atteint, était menacé de subversion. La chrétienté, pour guérir ce mal, avait eu recours aux conciles. Les grandes assemblées de Pise, de Constance et de Bâle, se succédèrent sans achever cette tâche difficile. Trois principaux objets composaient le programme tracé à leurs longues délibérations : 1° pacifier les princes chrétiens ; 2° extirper les hérésies ; 3° réformer l’Église dans son chef et dans ses membres[10].

Les conciles, et, en dernier lieu, Martin V, puis Eugène IV, s’employèrent avec succès à résoudre le premier de ces problèmes[11].

Sur le’ second point, les rigueurs prononcées contre Jean Wiclef et J. Hus eurent, en effet, raison, au moins momentanément, des novateurs. Mais ce second point se liait étroitement au troisième. Or la réforme de l’Église avait rencontré, surtout de la part de la papauté, une résistance inerte et des difficultés jusqu’alors invincibles. De graves abus régnaient autour du trône pontifical. Des régions les plus élevées de l’Église, cette influence funeste se répandait, de plus en plus largement, en descendant les degrés de la hiérarchie. Des enfants à peine pubères, de jeunes sous-diacres, étaient investis de l’épiscopat, entraient au sacré collège et revêtaient la pourpre des cardinaux. L’orgueil temporel, le goût de la sensualité, si opposés au christianisme, envahissaient la cour romaine. Le souffle de l’antiquité païenne ou de la Renaissance, en ouvrant à des esprits plus cultivés de nouveaux horizons dans l’art, dans la littérature, la philosophie, y introduisait aussi le scepticisme et refroidissait la foi des anciens jours[12].

Tandis que les bûchers s’allumaient à Constance et ailleurs, les docteurs mêmes qui condamnaient ces hérétiques tonnaient contre les vices de l’Église. Appelant à haute voix la réforme, ils faisaient entendre à leur tour des nouveautés tout aussi hardies que celles de Wiclef et de Jean Hus[13].

Cette situation générale eut en France un retentissement notable et spécial. Les grands dignitaires ecclésiastiques y donnaient l’exemple du relâchement des mœurs. Les premiers sièges métropolitains, les pairies spirituelles et beaucoup d’évêchés avaient pour titulaires des prélats de cour, qui, tout entiers à la politique et à l’ambition des partis, ne connurent jamais les devoirs du ministère sacré. L’anarchie la plus complète régnait, quant à la nomination des prélats. Non seulement le droit d’élire était disputé aux chapitres ; mais les deux rois de France, les deux ou trois pape ou antipapes, nommaient respectivement, aux mêmes siéges, autant de compétiteurs. Enfin la cour de Rome pour alimenter le luxe, la puissance du pape temporel et des cardinaux, multipliait les exactions : la vente des indulgences, la collation des bénéfices vacants et futurs, étaient devenues entre leurs mains un vaste trafic simoniaque[14].

Le concile de Bâle, après avoir donné à la chrétienté la paix d’Arras, pressait le pape d’accéder à la réforme. Eugène IV, pour échapper à ces instances, prorogea le concile de Bâle à Ferrare, sous la main du S. Père. Charles VII, par une ordonnance rendue à Tours le 23 janvier 1438, défendit aux évêques français d’obéir à ce mandement. L’Église de France et l’Université de Paris s’étaient toujours distinguées, par leur zèle, en faveur des principes, que violaient ces abus. La doctrine que professaient notre Eglise et l’Université, les maximes qu’elles défendaient, portaient le nom de maximes et libertés gallicanes. Elles formaient un corps ou dépôt de traditions nationales. Charles VII, ainsi que les docteurs de son parti, se montrèrent inébranlablement fidèles à ces doctrines. Même dans les plus mauvais jours, et sauf quelque défaillance exceptionnelle, le gouvernement de Charles VII les maintint avec courage et avec honneur[15].

Charles VII, fils aîné de l’Église, montra dans cette conjoncture un esprit d’initiative et une décision remarquables. Il convoqua lui-même une assemblée gallicane, qui achevât pour ainsi dire, du moins en ce qui concernait ce royaume, l’œuvre interrompue et menacée des conciles. Cette assemblée, après avoir commencé, à Orléans, ses travaux, se réunit dans la Sainte-Chapelle de Bourges, le ter mai 1438. Eugène IV et le concile de Bâle y députèrent des légats ou représentants. Cinq archevêques, vingt-cinq évêques, une multitude de docteurs et de personnages religieux, prirent part au synode national[16].

A partir du 5 juin, le roi en personne présida les délibérations. Il était assisté de son conseil, dans lequel figuraient, aux premiers rangs, le chancelier de France, archevêque de Rheims, puis le confesseur et aumônier du roi, Gérard Machet. Ce dernier, au titre de sa charge, remplissait les fonctions de ministre des affaires ecclésiastiques. Gérard Machet, évêque de Castres, ouvrit la séance royale par un discours, dans lequel il proclama la suprématie des conciles relativement au pape, en matière d’hérésie, de schisme et de réformation générale.

La Pragmatique-sanction de Charles VII, fruit de ces délibérations, est d’abord une sorte de manifeste, à la fois politique et religieux. Elle contient la déclaration des principes adoptés par le roi de France, dans le grand litige, qui tenait en suspens la chrétienté. Sous son aspect le plus strict, c’est un édit du souverain temporel, réglant, dans ses domaines, les principaux points qui touchent aux rapports de l’État et de l’Église. La doctrine qui en forme la base ou la substance se fonde sur le Décret de Gratien, sur les décisions des conciles, sur le droit national, sur les ordonnances antérieures des rois de France et nommément sur les ordonnances de Saint-Louis et de Philippe le Bel[17].

Le préambule de la Pragmatique-Sanction commence par exposer la situation générale, et les considérants de l’édit. Elle indique, comme premier remède à ces maux, la réunion périodique, et perpétuelle des conciles. Ces assemblées, dans l’avenir, doivent avoir lieu de dix ans en dix ans. Toute puissance religieuse, de quelque ordre qu’elle soit, même de l’ordre papal, est soumise à ce contrôle. Le pape ne peut ni récuser, ni dissoudre, ni empêcher, ni même différer le concile, si ce n’est par des motifs prévus et spécifiés. Le concile désigne lui-même, en se prorogeant, le lieu et le terme de sa future prorogation[18].

La Pragmatique-Sanction rétablit ensuite le principe des élections capitulaires, comme la source, en général, de toute dignité ou promotion religieuse. Les électeurs doivent avoir en vue de choisir exclusivement le plus digne, sans acception d’influences ni d’intérêt privés. Toutefois le roi et lés princes peuvent écrire aux chapitres, mais sans intimidation ni menaces, pour leur recommander des sujets qui méritent cette faveur.

Il sera établi, non seulement dans chaque métropole, mais dans chaque cathédrale, une prébende de théologal, ou écolâtre supérieur. Cette charge doit être dévolue à un gradué de théologie, docteur, licencié, ou bachelier au besoin, ayant dix années d’études universitaires en divinité. Les autres prébendes des chapitres ou collégiales sont attribuées, dans une notable proportion, aux gradués des autres facultés : l’un et l’autre droit, médecine, arts. Les grâces expectatives, les réserves, (ou survivances d’offices ecclésiastiques), objets de trafic, cause de haines, de procès et d’immoralités, sont abolies, ainsi que les annates, premiers fruits, ou tributs de tout genre et de toute dénomination, perçus antérieurement par le fisc pontifical. Une légère rétribution est seulement due pour rémunérer les scribes et dataires de la chancellerie romaine, auteurs du travail de plume et d’expédition graphique. Une taxe, calculée au 5e d’une année de revenu, sauf quelques dispositions transitoires, constitue le seul droit pécuniaire, que fixe la loi nouvelle, au profit du trésor pontifical.

Le nombre et la qualité des cardinaux sont également réglementés par le législateur. Ces princes de l’Église ne doivent pas s’élever en nombre au-dessus de vingt-quatre. L’âge de trente ans, des conditions de science, de lumière, de moralité leur sont imposés. Les diverses nations doivent être représentées dans le sacré collège, qui demeurera fermé aux bâtards, aux infirmes, aux hommes diffamés. La pourpre romaine ne peut être que rarement accordée aux fils de rois ou de princes, et jamais aux neveux des papes, nés de leurs frères, ou de leurs... sœurs.

Les derniers articles de la Pragmatique-Sanction prescrivent l’ordre et la décence dans la célébration du culte. Ils interdisent les spectacles à l’intérieur des églises, notamment, la fête des Fous et autres saturnales des temps anciens, qui s’y chômaient encore. Ils édictent des peines contre les prêtres concubinaires, et règlent enfin divers points secondaires d’ordre et de discipline. Donné à Bourges le 7 juillet 1438[19].

A peu de temps de là, Charles VII promulgua un autre acte très important. Par ordonnance du 15 décembre 1438, il révoqua, moyennant indemnité, toutes les donations, aliénations et pensions extraordinaires, créées au nom du roi depuis 1418, sauf les dispositions stipulées dans le traité d’Arras. Des commissaires furent immédiatement nommés pour vérifier, dans les provinces, l’état du domaine. Cette ordonnance fermait le gouffre des hypothèques et donnait le signal de la restauration financière. Elle fut le prélude de la grande ordonnance du 25 septembre 1443[20].

L’année suivante, au printemps, Charles VII visita de nouveau les provinces qui séparent le centre du midi de la France. Il se rendit de Tours à Limoges, où il parvint le 2 mars 1439. Le roi, toujours fort obéré dans ses finances, était accompagné du dauphin Louis, dont la précoce et inquiète activité se faisait déjà sentir au sein des affaires publiques[21].

Charles VII avait également à ses côtés le duc de Bourbon, les comtes du Maine, de Vendôme, de Tancarville, le bâtard d’Orléans, le maréchal de La Fayette ; les sires de Coëtivy (gouverneur de La Rochelle), de Chaumont et de la Tour d’Auvergne. Son conseil ecclésiastique se composait de l’archevêque de Toulouse et de l’évêque de Paris (Pierre et Denis Du Moulin) ; des évêques de Maguelonne, chancelier de France, par intérim ; de Poitiers, de Maillesais, de Limoges, d’Angoulême, de Tulle et de Castres (Gérard Machet).

Le roi convoqua pour la forme les états du Limousin. Il visita la cathédrale (où sa chapelle, qui suivait le roi, célébra le service), ainsi que l’église de Saint-Martial. Il honora de ses dévotions le chef de saint Martial et la chemise de sainte Valérie. Le roi, pendant son séjour, taxa d’autorité la province du Limousin à 20.000 fr. et se fit remettre comptant 3.000 écus par la ville. Le 11 mars, avant le dîner, un chevalier du pays, nommé Bertrand d’Azat, qui s’était fait anglais, eut la tête tranchée en haut lieu, près le pilori de la ville. Après le dîner, le roi quitta Limoges et se dirigea vers Riom en Auvergne[22].

Le 28, Charles VII rendit en cette ville un mandement financier. Ce prince y déclare qu’en présence des charges que lui causent ses affaires, il avait eu l’intention de convoquer les États généraux, suivant la coutume. Mais, ajoute-t-il, nous n’avons pas le temps de remplir cette formalité. Nous imposons de notre chef les pays de Languedoil, par deçà la Seine, à 300 mille livres. Les Etats provinciaux de Limousin et d’Auvergne se sont assemblés. Nous leur avons notifié cette imposition et nous avons taxé le pays de la Marche, à quatre mille livres[23].

En ce qui concerne les provinces héréditaires du royaume ou pays du domaine, le roi de France, on le voit, tenait peu de cas des assemblées des trois ordres ou Etats généraux. Mais il dut agir autrement à l’égard des pays d’Etats. Charles VII, par lettres données au Puy, convoqua ceux du Dauphiné, pour comparaître et se réunir en sa présence, le 12 mai à Vienne. Cependant, la peste étant à Vienne, le roi manda l’assemblée à Lyon, son nouveau séjour. Les députés, délibérant sur ce fait, déléguèrent immédiatement deux commissaires, qui se rendirent auprès du roi. Admis en sa présence, au couvent des Cordeliers, dans une grande salle, ils lui représentèrent qu’aux termes de leurs privilèges, les Etats du Dauphiné ne devaient point être convoqués hors des limites de la province. Le roi consentit alors à ce que la réunion se tînt à Saint-Symphorien d’Auzon, sur la terre delphinale. Après avoir entendu les commissaires royaux et la demande motivée de subsides, qui leur fut adressée, les trois ordres de la province accordèrent au roi une aide de 28 mille florins ; plus à la reine, sur sa requête, mille florins et à son fils le dauphin Louis, mille florins. Cet octroi était subordonné à certaines conditions et notamment à celle-ci : que si le Dauphiné venait à être envahi par les ennemis du roi ou d’autres gens d’armes, il serait prélevé de plein droit sur ces 28 mille florins, de quoi pourvoir à la défense de la province[24].

Le roi, après avoir visité de nouveau Paris, en septembre, se rendit à Orléans. Il termina dans cette ville une série de grandes affaires, qui eut pour couronnement l’ordonnance célèbre dite d’Orléans, concernant les gens de guerre[25].

Ce sujet formait, pour ainsi dire le nœud des difficultés qui, entravaient la prospérité de Charles VII et de son gouvernement. La sollicitude royale, depuis quelques années, et celle de ses conseillers les plus fidèles, ou les mieux inspirés, s’étaient mûrement appesanties sur ce problème. Jusque-là, des expédients partiels et locaux, de simples palliatifs, avaient pu, seuls, être appliqués à cette plaie funeste. Après la soumission de Paris, le connétable de Richemont déploya toute l’énergie de sa sévérité, pour ramener à la discipline le brigandage des gens d’armes. L’ordonnance publiée sur son initiative, au nom du roi, le 5 avril 1438, constitua le prévôt de Paris (capitaine Ambroise de Loré), juge et réformateur sur les malfaiteurs du royaume, en quelque juridiction qu’ils se retirent[26].

A partir de ce moment, les désordres militaires furent l’objet d’une répression plus suivie[27]. Mais les événements ne devaient que trop montrer combien cette réforme était périlleuse, et combien, même pour triompher de ce mal, si urgent, il fallait, unissant la prudence à la fermeté, savoir se hâter lentement.

Les hostilités, de la part de l’Angleterre, s’étaient ralenties, grâce aux troubles intérieurs de la Grande-Bretagne et grâce aux succès de Charles VII. Une suite de négociations pour la paix s’engagea sur les demandes réitérées d’Henri VI. Le comte d’Eu sortit de captivité en 1438. Catherine de France, fille de Charles VII, fut accordée le 12 octobre à Charles le Téméraire, comte de Charolais[28]. Le 9 juin 1439, un congrès préparé de longue main, se réunit entre Guine et Calais, pour traiter de la paix des deux royaumes, et de la délivrance de Charles, duc d’Orléans. Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, princesse très entendue et très habile en fait de négociations ‘diplomatiques, s’entremit au succès de cette affaire, avec tout le zèle que comportait la gravité naturelle de son caractère. Le duc Charles lui-même prit part, comme ambassadeur, à ce congrès, qui lui rendit en effet la liberté[29].

Charles VII, alors, réunit à Orléans les États généraux du royaume. Des députés furent envoyés par les diverses provinces et par les grands vassaux de Bourgogne, de Bretagne et d’Armagnac. Le comté de Dunois représenta son frère Ch. d’Orléans, et Jean Jouvenel des Ursins, évêque de Beauvais, conservateur dès privilèges de l’Université, y porta la parole comme député de là ville et vicomté de Paris. Le roi était assisté de sa belle-mère Yolande d’Aragon, du duc de Bourbon, des comtes Ch. d’Anjou, de Vendôme, d’Eu, de la Marche ; du connétable, des maréchaux, du président du parlement, etc. Par l’organe de son chancelier, R. de Chartres, il soumit aux délibérations de l’assemblée les hautes questions pendantes, et, tout d’abord, celle de la paix ou de la guerre avec les Anglais. Cette question, débattue pour et contre, par les conseillers du roi, fut résolue en faveur de la paix[30].

La session se termina par la publication de l’ordonnance du 2 novembre 1439.

Aucun remède, jusque-là, n’avait réussi à refréner efficacement l’indiscipline militaire. L’ordonnance dont nous parlons fut le premier acte qui toucha la plaie au vif et qui réagit puissamment dans le domaine des faits. Cet acte, dénommé par le texte même, pragmatique sanction, (comme celui du 7 juillet 1438), fut rendu avec une solennité particulière. Le principal auteur de cette mesure, à certain point de vue, n’est autre que le maréchal de La Fayette. Ses méditations, les desseins qu’il nourrissait à cet égard depuis longtemps, étaient diamétralement opposés aux sentiments de La Trimouille. Une telle opposition de vues (parmi d’autres causes, que l’on a dites ci-dessus) avait entraîné la disgrâce absolue du maréchal. Après la chute de La Trimouille, La Fayette, dit un historien du temps, fut rappelé en cour et restitué en son office pour les siennes vertus et subtilitez. Par luy fut trouvé l’expédient de mettre par stations et garnisons, la gendarmerie de France, pour éviter les pilleries accoutumées[31].

Le roi même allait se séparer pour toujours des États généraux. Néanmoins, selon la teneur même de l’acte, c’est à la requête des États généraux que fut rendue la pragmatique du 2 novembre 9439. Après les articles liminaires, cette ordonnance contient une longue énumération des méfaits les plus graves, des abus les plus intolérables auxquels se livraient les gens de guerre. Chaque article énonciatif est lié à une clause inhibitive. Ainsi :

Art. 6. Item. Défend le roi a tous capitaines, gens de guerre, etc. que ils ne aucuns d’eux ne pillent, robent, ne destroussent nulles gens en voie, chemin, ne en leurs hostels ou ailleurs, etc.

Nul à l’avenir, si ce n’est le roi seul, n’a le droit de lever une troupe année ou force publique. Toutes compagnies existant jusqu’à ce jour, sous les ordres des barons, ou chefs quelconques non agréés par le roi, auront à se dissoudre. Il sera conservé un certain nombre de compagnies, formées d’hommes d’élite, commandées par un certain nombre de capitaines ; le tout à la nomination et sous l’autorité exclusive du roi. La force effective de chaque compagnie est fixée : aucun soldat ne peut passer d’une première compagnie à une autre sans l’agrément du premier des deux capitaines.

Les infractions à la présente sont déclarées crimes de lèse-Majesté. Applicables aux cavaliers seulement, c’est-à-dire aux nobles, ces articles édictent contre les infracteurs, pour sanction pénale, la perte, à perpétuité, des privilèges de noblesse. Chaque compagnie a sa station et garnison, déterminée par le roi, et ne peut s’en éloigner. Sous prétexte de frais de guerre, les seigneurs se sont arrogé le droit d’impôt. Ils ont accru arbitrairement les travers, barrages et autres anciennes taxes féodales[32]. Ils ont levé sur leurs terres, à l’instar du roi, des suppléments de tailles, ou se sont appliqué, sous couleur de dettes et autrement, les tailles royales ; ou en ont empêché la perception. Tous ces actes sont interdits, pour l’avenir, sous les mêmes peines. Les délinquants seront, à la requête et sur l’initiative des parties lésées, traduits et jugés devant le juge civil royal. En cas de résistance de la part du transgresseur, la partie lésée est autorisée à employer la force ouverte. Le capitaine est responsable de ses hommes et ne peut leur prêter sa connivence, même en fermant les yeux. Tout acte abusif, commis par ses soldats, le rend solidaire, depuis la plainte dénoncée jusqu’à répression, etc., etc.[33]

Ainsi fut organisée la cavalerie, premier fond de la milice française. L’assemblée des États généraux d’Orléans fut donc la dernière qui eut lieu sous le règne de Charles VII : le roi seul, désormais, taxa les contribuables. L’impôt ne fut plus annuellement consenti et délibéré, que dans les pays d’États. L’auteur de l’ordonnance rendue le 2 novembre 1439 frappa deux grands coups à la fois, qui se résument en ces mots : armée unique et permanente ; impôt unique et permanent ; le tout dans la main du roi.

 

 

 



[1] Cagny chapitre 158. Berry-Godefroy, p.498. L.L. 217, p. 357. Monstrelet, V, 301 et s. Félibien, II, Preuves, p. 598 b.

[2] Monstrelet. Journal de Paris, p, 712. Histoires de Châlons.

[3] Les mêmes. Sources citées.

[4] Berry. Monstrelet. Mandement du roi à ses trésoriers, le 30 septembre 1438 : Faites payer à notre amé Raoul de Gaucourt, gouverneur du Dauphiné, 500 royaux d’or, en quoy lui sommes tenu pour ung drap d’or que feismes prendre et acheter de luy, au mois de novembre 1437, dont nous eusmes une robe longue à notre entrée en nostre bonne ville de Paris. (Cabinet des titres, dossier Gaucourt.) Ms. fr. 4935, f° 13 et 199, figure 3. (Fac-simile par M. Pilinski, pour l’École des Chartes.)

[5] Berry. Monstrelet. Cagny. Gruel, p. 385.

[6] Les mêmes. Journal, p. 712. L. L. 415, f° 347, 350, 357. Gallia christiana, t. VIII, col. 148. Du Boulai, V, 441.

[7] Berry, 399. Monstrelet, 306, 307, J. J. 176, acte 288. Renouvellement des privilèges des dames de la Saussaye. Gallia christiana, t. VII, col. 637. Archives de Seine-et-Oise ; communication de M. Mévil. N. de Wailly, Recherches sur les monnaies, etc., 1857, in-40, p. 76. Ordonnances, XIII, 242 et s. ; XV, 26, 296. J. Chartier, t. I, p. 2.

[8] X. X. 8593, f° vj xx vij et s. K. 949, n° 25. Journal de Paris, p. 710, 713. Cagny, chap. 156. Gruel, p. 386.

[9] Journal, 713. Itinéraire. Actes administratifs de décembre 1431 à juillet 1435 : courtiers de vin à Paris. K. 950, n° 27. Privilèges d’Orléans : Ordonnances, XIII, 251. Id. pour Marmoutiers : D. Rousseau, t. IX, n° 3887. Finances : Cagny, chap. 160 ; Ms. Gaignières, 649, 5, f° 12, 42 ; Ordonnances, XV, 351. Nominations judiciaires : X. X. 1482, f° 7.

[10] Baronius, Annales ecclesiastici, 1752, in-f°, t. IX, p. 242 et s. Histoire de l’Église gallicane, t. XX, édition in-8°.

[11] Baronius, ibid., p. 274. Etc., etc.

[12] Voir les biographies de Jean de Bavière, dit sans pitié, évêque de Liège ; J. du Chastelier, évêque de Paris ; des cardinaux, P. de Luxembourg, Bessarion, etc. Les écrits de Philelphe, d’Énéa Silvio Piccolomini, (Lucrèce) ; de Poggio ; importés et imités en France par Ant. de la Sale ; etc., etc. Le concile avait été transféré par Eugène IV, de Bâle, en Italie, pour faciliter l’accession des Grecs, qu’il s’agissait de rallier du schisme à l’unité. Cette assemblée fut convoquée à Florence, le 14 octobre 1439. Gémiste Pléthon, principal docteur et envoyé de l’empereur de Constantinople, prit part au concile, avec un plan de religion nouvelle, emprunté à l’antiquité païenne. Voy. l’ouvrage si curieux, publié par MM. Vincent et Alexandre, de l’Institut : Πληθώνις Νόμων συγγαφής κ. τ. λ. 1858, in-8°, p. 15 et passim.

[13] Voir les écrits de S. Vincent Ferrier, de saint Bernardin de Sienne, de Gerson, de Pie II, sur le concile de Bâle, etc.

[14] Voir dans la biographie Didot et ailleurs les noms suivants : Winchester, Estouteville, Rolin, Louis de Luxembourg, R. de Chartres, G. de Champeaux, etc., etc., cardinaux, archevêques et évêques. Le port et l’exhibition des reliques était aussi une source de lucre commercial et de supercheries intéressées.

[15] Au contraire, le gouvernement anglo-bourguignon transigea facilement sur ces questions, au gré des conseils ou des intérêts momentanés de la politique. Monstrelet-d’Arcq, V, 343. Lenfant, Histoire des conciles de Constance et de Bâle, 1724, 1731, 4 vol. in-4°. Ordonnances, XIII, 255.

[16] Deux théologiens de Rouen, Th. de Courcelles et Robert Ciboule, juges de la Pucelle, se distinguèrent à l’assemblée de Bourges. Du Boulai, t. V, p. 442 et s. Amplissima collectio, t. VIII, col. 945 et s. Histoire de l’Église gallicane, éd. in-8°, t. XX, p. 321 et s. Ms. lat. 6020, f° 89 v°.

[17] Procès-verbal de la session royale à Bourges, Amplissima collectio, t. VIII, col. 950. Cf. Basin, t. IV, p. 83. Edg. Boutaric, La France sous Philippe le Bel, 1861, in-8°, p. 60. Quant à la Pragmatique-Sanction de saint Louis, je me bornerai à indiquer sur ce point controversé : 1° R. Thomassy, De la Pragmatique sanction attribuée à saint Louis, 1844, Paris et Montpellier, brochure in-8° ; 2° Études sur la Pragmatique sanction de saint Louis, par M. l’abbé J. F. Berleur. Cet article remarquable, que j’ai lu dans un exemplaire sans titre général, parait être tiré de la Revue de l’Université catholique de Louvain, in-8° (vers 1850 ?), p. 123 à 220 (communiqué par M. Rathery, de la Bibliothèque impériale).

[18] Au moment où Charles VII préconisait la perpétuité des conciles, ces parlements de la société chrétienne, ce même prince, il faut le dire, abolissait dans son royaume la périodicité des États généraux. Nous reviendrons prochainement sur ce grave sujet.

[19] Pragmatica sanctio cum notis Cosme Guymier, etc., Paris, André Bocard et G. Eustace, 1507, in-8°, goth. Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 267 et s. Pithou et Dupuy, Commentaires sur les libertez gallicanes, etc., 1715, in-4°, t. II. Isambert et Decrusy, Anciennes lois, t. IX, p. 3. Pii Commentarii, 1614, in-f°, p. 160. Berry dans Godefroy, p. 400. Etc., etc. — À l’instar de Charles VII, Albert d’Autriche, empereur d’Allemagne, convoqua, en 1438 et 1439, diverses diètes où se réunirent les Électeurs et les prélats de l’empire. Les affaires de l’Église y furent également débattues et en partie réglementées sous les auspices des seigneurs temporels. Charles VII suivit avec sollicitude ces travaux, qui contribuaient à l’ordre général de l’Église et des états. Il s’y fit assidûment représenter par ses ambassadeurs. Hist. gall., p. 335 et s. Concil. Hardouin, t. 1X, p. 1146 et s. Ms. latin, 5456, fes 95, 98 et s. Ms. Blancs-Manteaux, t. VIII, f° 108. Voigt, Enea Silvio Piccolomini, als Bapst, Pio II, Berlin, 1856, in-8°, t. I, p. 161 : Die Pragmatische Sanction der Deutschen.

[20] P. P. 2298. Ordonnances, XIII, 293 ; cf. 258, 299. Chronique de Cousinot, p. 24.

[21] Bibliothèque de l’École des Chartes, t. VI, p. 217. K. 65, n°, 8 et s. Ms. Fontanieu, 118, au 13 octobre 1430. Legrand, Hist. de Louis XI, ms., t. I, p. 11. T. Duchâtel, sénéchal de Provence, envoya, de Marseille, au Dauphin une lionne de huit mois. Cette bête était liée par une corde, près d’une fenêtre, dans la chambre contiguë à celle du jeune prince. Pendant la nuit, elle sauta par la fenêtre et s’étrangla. Le jeune Louis en eut grand regret : l’ayant fait écorcher, il en garda la peau, avec sa crinière et sa queue (Relation, etc., citée ci-après).

[22] Relation du chambrier de Saint-Martial, témoin oculaire ; dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. XI, 1835, article de M. Allou, p. 357 et s. Revue anglo-française, 1539, p. 205. Bulletin de la Société historique, etc., du Limousin, 1854, p. 55 et s. Peu après ce voyage, Charles VII accorda, pour blason, à la ville de Limoges, les armes de France. Ms. fr. 5909, f° 322 v°. Le même procédé de taxe arbitraire avait été appliqué en Limousin pour les années 1436 et 1437. Cabinet des titres : dossier Saintrailles ; actes de 1438.

[23] Ms. Fontanieu, 117, à la date. D. Vaissète, t. IV, p. 490.

[24] K. 687, n° 2, acte original sur parchemin. Gratification de 200 florins alloués à P. d’Amboise, sire de Chaumont, comme membre du grand conseil, par lettres du roi données le 21 mai, sur les 28.000 fl. votés à Saint Symphorien d’Auzon. Quittance originale de Pierre d’Amboise, signature autographe ; Cab. des titres, dossier Amboise. Cf. ms. s. fr. 4805, f° 227 v° et ses renvois (en 1434) ; et D. Vaissète, in-f°, t. IV, p. 500 (en 1443).

[25] Les États généraux devaient être réunis à Paris. Mais le roi changea d’avis et l’assemblée eut lieu à Orléans. Lettre de Charles VII ; archives de Reims, 25 août 1439. Ms. fr. 4767 f, 38. L’état désastreux de la capitale, sous divers rapports, parait avoir été cause de cette translation. Voy. Journal de Paris, p. 714, 116. X. X. 1482, f° 81. Ms. 4767, f° 61. Ordonnances, XIII, 261. Livre vert vieil, 2e, f° 29. — Charles VII arriva,  le 9 sept., à Paris. Marie de France, religieuse de Poissy (solue par bulle du pape), était morte au palais royal à Paris, le 19 août 1438. Le 10 sept. 1439, le roi se rendit à Saint-Denis et fit célébrer un service en l’honneur de sa sœur. Anselme. Journal, ibid. Charles VII, durant son séjour à Paris, fut témoin d’un duel judiciaire entre Anglais et Français. Gruel, p. 389. Ms. fr., 194, f° 223 et s. Paris, Manuscrits françois, t. II, p. 174. La Colombière, Théâtre d’honneur, etc., 1648, in-f°, t. II, p. 311.

[26] 1438, mai 17. Ordine di Carlo re di Francia a tutti li capitani gente d’arme, che alcuno dei loro soldati entri ad invadere li stati del duca di Savoia. Archives de Gênes. Communiqué par M. Ch. Casati. Journal, p. 716. Gruel, p. 386. Registres-bannière : Livre vert vieil 2e, fol 67, 72. Livre noir, f° 119. Ordonnances, XIII, 260, 291, 295, 303 ; XIX, 526. J. Chartier, I, 245. Monstrelet, V, 319, 339. Lottin, Essais sur Orléans, t. I, p. 288.

[27] 29 septembre 1438. Ordonnance inédite contre les malfaiteurs, Archives de Reims. L’un des faits les plus remarquables d’indiscipline est l’arrestation du maréchal de Rochefort, qui parait avoir coïncidé avec l’ordonnance du 5 avril 1438. G. de Flavy était en guerre avec le connétable. A cette époque, le maréchal, amide Richement et mêlé antérieurement aux différends qu’avait eus G. de Flavy, passait à Pont-Sainte-Maxence. Le capitaine de Compiègne tendit au maréchal une embuscade et le prit comme otage, afin de contraindre le connétable de lui donner à lui, Flavy, satisfaction. Voy. Archives municipales de Compiègne, série A. A Procès V, 370. J. Chartier, t I, p. 233. Anselme à Pierre de Rieux maréchal. Berry, p. 403, etc. Un autre événement de l’ordre politique, contribua, sans doute, également à la publication de cette ordonnance. Le 26 mars 1438, deux individus, coupables d’intelligences avec l’ennemi, subirent, à Paris, le dernier supplice, par ordre du prévôt, Ambroise de Loré. Mais bientôt on acquit la preuve que cette conspiration, qui avait pour but de livrer diverses places aux Anglais, étendait ses ramifications hors de la capitale. Miles de Saux, l’un de ces affiliés, fut arrêté à Beauvais, et exécuté à mort le 20 avril 1438. Journal de Paris, 711. Cagny chap. CXLVIII. Monstrelet, V, 270.

[28] Leur mariage, célébré en 1440 : J. Chartier, t. II, p. 8. Monstrelet, V, 344, 400. Berry-Godefroy, p. 400. Les honneurs de la cour, éd. in-12, t. II, p. 202.

[29] Ms. Brienne 311, f° 157 et s. K. 65, n° 11 et s. K. 687, n° 2. P. P. 110, f° 246. Ms. Bréquigny, 81, (Moreau, 705,) f° 230, etc. Rymer, t. V, p. 44, 55 à 94. Proceedings, t. V, p. 95 et 334.. Champollion-Figeac, Lettres des rois et reines, t. II, p. 456, 461 ; Mélanges, t. II, p. 185, 187. Catalogue Joursanvault, t. 1, p. 22, n. 150. Plancher, IV, 233, 235 ; Preuves, clxiij, clxx et s. Lettenhove, Hist. de Flandres, III, 246 et s. Cagny, chap. 166. Monstrelet, V, 206, 352. Biographie Didot, article Orléans (Charles d’). Monstrelet, V, 346, etc. Ms. Brienne 311, f°. 157 et s. Delort, Essai, p. 178 et s. 1439 août 8. Charles VII confirme les privilèges du Mont-Saint-Michel. D. Huynes, cité, f° 570, 575.

[30] Berry, p. 404. Ms. 4767, f° 38. Barthélemy, Hist. de Châlons, 186.

[31] Sous le rapport pratique, toute la réforme de 1439 est renfermée dans cette heureuse et bien simple innovation. Cette réforme contenait elle-même en germe et comme disent les mathématiciens, en puissance, le système actuel de nos divisions ou circonscriptions militaires. La Garnison moderne, et surtout le casernement, appartiennent à des perfectionnements ultérieurs. L’emploi de cette expression toutefois nous paraît digne d’être signalée dans les textes du quinzième siècle. — X. X. 1482, f° 104. Ms. Fontanieu 117-8, au 10 avril 1438 et 5 mai 1439. Cagny, ch. 164. Cousinot, p. 9. Bibliothèque de l’École des Chartes, 2e série, t. III, p. 122 et s. Catalogue Joursanvault, t. I, n° 137. Ms. Legrand, Histoire de Louis XI, L VI, p. 136 v°.

[32] Le 30 juin 1433, Ordonnance qui abolit les nouveaux péages imposés sur la rivière de Loire et autres rivières qui s’y jettent. Ordonnances, XIV, 7.

[33] Ordonnances, XIII, 306. Ms. Sorbonne, 435, à la fin. Lottin, Essais sur Orléans, I, 288. Académie des sciences morales et politiques : Séances et travaux, t. LIII, 1860, 7e livraison ; mémoire de M. La Ferrière, p. 129. Les archives de Reims contiennent le texte inédit d’une première ordonnance sur les gens de guerre. J’appelle ainsi une ébauche d’organisation, sous mandement adressé au bailli de Vermandois. La pièce est datée du 19 septembre 1438, et contresignée La Fayette (l’un des conseillers présents). Il est à remarquer qu’à cette date le bailli de Vermandois n’était autre que La Hire, l’un des capitaines les plus contraires à la réforme.

Quittance inédite, donnée à Toulouse par Jean, dit Poton, de Saintrailles, capitaine de gens d’armes et premier maître de l’écurie du Roi, le 8 août 1438.

Saichent tuit que Je, Poton, seigneur de Santaraille, premier escuier de corps et maistre de l’escurie du roy notre sire et son baillif de Berry, confesse avoir eu et reçeu de Benoist Huault, receveur général en la séneschaucie de Thoulouse et particulier au diocèse d’illec, de l’octroy de xiiij m. livres tournois mis sus en la dicte séneschaucie par les gens des trois estaz d’icelle, tant pour la vuide de Sainte-Gavelle, comme pour la délivrance de Clermont-Soubiran, détenu et occupé par ung capitaine nommé le baron, tenant le parti des Anglois, la somme de deux mille escuz d’or, en deux mille sept cens cinquante liv. t., à moy donnée, promise et accordée parles gens des trois estaz de la dite séneschaucie, pour aider à vivre, conduire et soustenir et faire plus toust et hastivement passer de toute la dite séneschaucie, certaine grant compaignie de gens d’armes et de trait, dont le roy nostre dit seigneur m’avoit donné l’a charge soubz son estendart, pour aller faire guerre en Guienne, à l’encontre des Anglois, enciens ennemis de test royaulme. De la quelle somme de ij mille sept cens liv. t. je suis content et en quitte le dit Benoist Huault et tous autres qu’il appartiendra. En tesmoignage ; de ce, j’ay signé ceste présente quictance de ma main et scellée du seel en mes armes, à Thoulouse le huitième jour d’aoust l’an mil quatre cens trente et huit.

POTON.

Signature autographe. Le sceau manque : original sur parchemin ; cabinet des titres, dossier Xaintrailles.