HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE V. — DEPUIS LA PUCELLE JUSQU’À LA RÉDUCTION DE PARIS SOUS L’AUTORITÉ DE CHARLES VII (1429-1436).

CHAPITRE VI. — Paris anglais. La France sous la domination d’Henri VI (1422-1436).

 

 

Après la mort d’Henri V et de Charles VI, la capitale, soumise aux Anglais, portait l’empreinte visible de la désolation et de la ruine. Les loups y entraient chaque nuit. Si l’on en croit l’allégation d’un témoin oculaire, il y avait à Paris vingt-quatre mille maisons vides. Le duc de Bedford se préoccupa de faire disparaître ces signes publics de deuil et de misère. Il s’ingénia de fournir aux Parisiens du pain et des spectacles : panem et circenses. Les spectacles surtout ne manquèrent pas[1].

Lorsqu’il vint au chef-lieu prendre possession du gouvernement, le régent passa par la rue des Lombards. Là joua un homme desguisé le plus habilement que on avoit oncques vu..... Item devant le Châtelet, avoit un moult bel mystère du vieil testament et du nouvel, que les enfans de Paris firent, etc. En 1425, on peignit au charnier des Innocents la fameuse danse macabre. Ce sujet empruntait aux circonstances, plus encore qu’au funèbre théâtre, une amère opportunité. La Mort, de ses mâchoires décharnées, riait ; elle prenait en main tous les états à tour de rôle, et les faisait danser. Le dernier dimanche du mois d’août 1426, un esbattement public eut lieu en l’hôtel d’Armagnac, hôtel confisqué, ainsi qu’une multitude d’autres, sur les propriétaires. Quatre aveugles, armés de bâtons et un pourceau, furent enfermés dans une lice ou petit parc. Lequel pourcel, ils devoient voir s’ils le pouvoient tuer ; et quand le mieux cuidoient frapper sur le pourcel, ils se frappoient entre eux...[2]

Le mât de cocagne, autre ébattement, fut alors inventé, par les paroissiens de Saint-Leu-Saint-Gilles, pour célébrer la fête de leur patron. Ils plantèrent dans la rue aux Oies[3] une grande perche, bien graissée. Au sommet, fut placé un panier, qui contenait une oie et six blancs. Le tout, y compris la perche, devait être le prix du vainqueur. Mais aucun champion n’atteignit le but — celui qui monta le plus haut obtint l’oie seule, à titre d’accessit. Le 16 septembre 9426, ‘le clergé fit une belle procession à Saint-Magloire. C’était à l’occasion de certains hérétiques, qui devaient être brûlés. L’année suivante, vint à Paris Margot, excellente joueuse de paume, âgée de 28 à 30 ans et native du Hainaut. Elle jouait devant main et derrière main, chez le paumier de la rue Grenier-Saint-Lazare, et gagnait tous les hommes, qui vinrent lutter avec elle, en présence d’un nombreux concours de spectateurs[4].

Le 17 août 1427, arrivèrent à Paris douze pèlerins : un duc, un comte et dix hommes à cheval ; ils se disaient chrétiens et originaires d’Égypte. Leurs compagnons, beaucoup plus nombreux, s’étaient arrêtés à Saint-Denis, par ordre de l’autorité ; mais tout Paris les alla voir. Les hommes étaient noirs, avec des cheveux crépus. Leurs femmes, les plus laides qu’on pût considérer et les plus noires, avaient les cheveux en queue de cheval. Elles portaient pour vêtement quelque vieille flaussoie, nouée à l’épaule, d’une corde, par-dessus leurs chemises trouées. Bohémiens et bohémiennes regardaient dans la main des visiteurs. Aux maris, ils disaient : Ta femme t’a fait coux ; et aux femmes : Ton mari t’a fait coulpe. En même temps, ils soutiraient de la poche des gens les angelots ou les mailles. L’évêque de Paris intervint : un dominicain prêcha le peuple ; il excommunia ceux qui avaient cru et montré leurs mains. Les bohémiens, congédiés, prirent leur chemin par Pontoise et la Picardie[5].

Jean, duc de Bedford, avait le goût du luxe et des arts. Il habitait divers palais : entre autres celui des Tournelles ; Bedford en fit agrandir les jardins. Les Anglais, dit le Journal de Paris, ne plantèrent pas un arbre et ne firent point construire, pendant tout leur séjour en France, une cheminée. Mais Bedford, ajoute le chroniqueur, faisoit toujours maçonner ; et estoit sa nature toute contraire aux Anglois. Il enrichit de ses libéralités les églises de Rouen et de Saint-Denis. En 1422, il fit don à la cathédrale de Paris, lorsqu’il fut nommé régent, d’un petit tableau d’or émaillé. Ce bijou était orné de miniatures qui représentaient Henri V et Catherine de France. Divers manuscrits, offerts au régent par les auteurs ou confectionnés par ses ordres, nous ont conservé l’effigie de ce prince[6].

Le premier magistrat civil et politique de la capitale, après le gouvernement, était le prévôt de Paris. Simon Morbier remplit, depuis 1422, cette charge, délicate en tous les temps et particulièrement dans un pays conquis. Bourguignon fanatique, Morbier se fit Anglais : il déploya au service des vainqueurs une rare intelligence et des talents remarquables. La sûreté, l’ordre public de la capitale et tout le détail de la police, reposaient sur ce magistrat. Une ordonnance très importante, en date du 5 août 1424, posa les bases de la juridiction et de la procédure du Châtelet. Le règlement, qui intervint en conséquence, fut l’œuvre de Morbier, et lui-même, par un long exercice, fonda la jurisprudence de ce tribunal. Il rouvrit successivement les portes de Paris, murées depuis 1418. Le 11 juin 1426, jour de Saint-Barnabé, les Parisiens retournèrent en possession de la célèbre foire du Landit, si chère aux marchands, aux écoliers et à la jeunesse. Le collège de Seez, au quartier latin, fut construit en 1428[7].

Les corporations d’arts et métiers, la police des femmes galantes et surtout la surveillance des malfaiteurs, absorbèrent une part considérable de son activité. En dépit de tous ses soins, une effroyable misère exerçait au sein de la capitale et dans les environs ses ravages. La spéculation de capitalistes hardis s’était portée sur les maisons vides. A son tour, le commerce des vieux habits prit une extension inusitée : il fallut réglementer cette industrie. Les fripiers et fripières, pour exercer leur commerce, affectionnaient particulièrement les vastes terrains, encore peu habités, de Saint-Martin-des-Champs, où Nicolas Flamel avait naguères élevé ses bâtisses. Depuis, ils se fixèrent dans le voisinage, au Temple, et c’est là qu’on tes voit encore[8].

En 1430, de pauvres ménagers, ayant femme et enfants, sortirent de Paris, quérant fortune et se firent bandits. Une battue fut opérée dans la banlieue sous les ordres du prévôt, par les archers de la soixantaine, qui, du premier coup, arrêtèrent quatre-vingt-dix-huit individus. Onze d’entre eux furent conduits au carreau des halles ; dix de ces malheureux eurent la tête coupée. Le onzième était un très beau jeune fils, d’environ vingt-quatre ans. Déjà le patient avait les yeux bandés, lorsqu’une jeune fille s’approche de l’échafaud et réclame hardiment le condamné, sous promesse de mariage. Aux termes du droit ou de la coutume, il fut sursis à l’exécution et les jeunes gens s’épousèrent peu de temps après[9].

Rouen, dès l’époque du sacre, et même dès l’époque de l’invasion, fut pour les Anglais, en France, une véritable capitale. La conduite politique de Bedford, parmi les Normands, fut habile et mesurée. Il s’efforça de se concilier les diverses classes du pays, par son administration attentive, équitable et régulière. L’ordonnance rendue par Henri V, le 4 décembre 1420, réforma l’administration financière. Cet édit ouvrit avantageusement une nouvelle ère dans cette branche importante des services publics. Les progrès qu’il accomplit devancèrent les améliorations que Charles VII réalisa ultérieurement, sur une plus grande échelle[10].

Peu à peu les rois de France avaient élevé les bourgeois de la capitale au rang de la noblesse. Ils avaient accordé à l’Université parisienne de précieuses immunités. Le gouvernement anglais confirma ces privilèges ; il les étendit en partie à d’autres villes, telles qu’Amiens, Abbeville, Bordeaux, Caen, Saint-Omer. Les chartreux de Paris, les religieuses de Longchamps, la Sainte-Chapelle de Vincennes, eurent part à la même sollicitude. Par lettres données à Rouen en janvier 1432, une nouvelle université fut érigée à Caen. Cette utile création ne demeura point étrangère à celle de l’université de Poitiers, que Charles VII, à l’envi de Bedford, institua le 16 mars 1432[11].

Henri VI, roi de France et d’Angleterre, âgé d’environ dix ans, entra dans Paris, pour son joyeux avènement, le 2 décembre, et fut couronné le 16 à Notre-Dame. Après avoir tenu cour plénière et reçu les serments de toutes les autorités, le roi s’éloigna de Paris le 26 décembre 1431. Jamais, depuis lors, il ne revit cette capitale[12].

Vers le mois de mars 1431, la Pucelle respirait encore : la terreur et l’appréhension régnaient à Paris[13].

Le gouvernement anglais n’avait pour appui qu’un faisceau d’intérêts égoïstes, de forces factices et de sympathies subornées. Quelque cause fortuite ne pouvait manquer de rompre cette alliance : car il n’y a d’amitié durable qu’entre les bons. L’Université donna le signal : deux griefs lui furent particulièrement sensibles. Jalouse de son monopole, elle reprochait, en premier lieu, aux Anglais l’érection de l’université de Caen. Dans le même temps, parut l’ordonnance du 31 janvier 1432, relative aux maisons inhabitées. Cet édit, bien que d’utilité publique, à ce qu’il semble, favorisait des spéculations privilégiées. De plus, il froissait dans leurs intérêts personnels beaucoup de clercs, de bourgeois et de suppôts universitaires. Le mécontentement s’aigrit, et, du domaine particulier de l’économie, passa dans le champ de la politique. Guill. Erard, l’orateur applaudi de l’Université, plaida au parlement pour les clients de sa corporation. Il attaqua d’une manière acerbe et publique les deux ordonnances incriminées, œuvre du gouvernement anglais. Le corps de ville s’unit aux mécontents. Il confondit avec ces plaintes ses propres représentations au Conseil d’Henri VI[14].

De compte fait, dix conspirations furent tramées de 1422 à 1434, contre la domination anglaise, à Paris ou en Normandie. Sept de ces tentatives ont été mentionnées ci-dessus dans leur ordre chronologique. La huitième fut découverte vers le ter septembre 1432. On en sait très peu de chose, si ce n’est que l’abbaye royale de Saint-Antoine-des-Champs, poste situé entre Vincennes et la Bastille, y jouait un rôle. Ce monastère avait alors à sa tête une grande dame, fort vénérée de son ordre et picarde de naissance, nommée Emerance de Calonne. L’abbesse et ses religieuses comparurent en justice. Puis, selon toute apparence, elles furent rendues à leur couvent et à leurs immunités religieuses[15].

Vers le mois de février 1433, un neuvième complot se révélait à Rouen. Celui-ci comptait dans son sein, ou du moins parmi les prévenus, Jean de Saint-Avit, évêque d’Avranches, l’un des prélats considérables du royaume par son âge et ses lumières ; coupable surtout d’avoir voté en faveur de la Pucelle. Il fut détenu, comme l’avait été l’héroïne, au château de Rouen, avec divers gradués de l’Université de Paris, impliqués dans la même accusation. L’Université s’unit au Parlement dont les gages n’étaient plus régulièrement payés, par suite de la pénurie des finances. Elle revendiqua, non sans succès, en faveur des prévenus, leurs prérogatives cléricales. La dixième conspiration se forma du 23 au 30 septembre 1433. Plusieurs bourgeois aisés de la capitale avaient conçu le dessein de livrer Paris au roi Charles. L’histoire nous a transmis les noms mutilés de Jean Chaudinne, de Jean Trotte et de Guillaume Da..., comme étant ceux des principaux conjurés. La ville devait être surprise par le moyen d’Ecossais ou faux Anglais, qui se seraient emparés des portes Saint-Denis et Saint-Antoine. Ces trois bourgeois furent condamnés à mort le 9 novembre, ainsi que plusieurs de leurs adhérents[16].

La lutte, bien loin de cesser, allait s’engager de nouveau sous une forme multiple.

Vers les premiers mois de 1434, Richard Venables conduisit en Basse-Normandie trois ou quatre cents hommes armés et à cheval. Ce Richard, écuyer d’Angleterre, était venu en 1428 à la suite de Salisbury. Il avait d’abord servi à Lagny et sous Paris, avec trois hommes d’armes et douze archers : puis il se rendit en Normandie, leva bannière et trancha du souverain. Venables avait un lieutenant nommé Waterhoo. Il recruta des troupes et signa des sauf-conduits où il s’intitulait roi de France et d’Angleterre. Ce roi et ses bandits faisaient la chasse aux paysans. Arrivés à Saint-Pierre-sur-Dives, douze ou quatorze soldats de Venables arrêtèrent quelques laboureurs normands et les mirent en pièces. Les villageois amorcés par ces assassinats, sonnèrent les cloches et s’ameutèrent en grand nombre, mais presque sans armes. Leur dessein était de cerner les envahisseurs et de les livrer aux autorités pour en faire justice. Mais Venables les laissa se former, à son gré, dans une plaine : puis, il fondit sur eux et les massacra. Douze cents hommes périrent ainsi à Vicques, près Falaise. Bedford, instruit de ces actes, fit arrêter Waterhoo. Tous deux furent décapités à Rouen, puis écartelés le 22 juin[17].

En Normandie, la classe agricole et ouvrière se composait de populations dociles et inoffensives. Stimulées par ces violences répétées, elles commencèrent peu à peu à s’aguerrir. Des seigneurs français du pays se mirent à leur tête : ils communiquèrent à ces forces inertes une impulsion politique et une conduite raisonnée. Au nombre de ces chefs, on cité Thomas du Bois, Pierre Le Flamenc et le sire de Merville. Jean Chartier désigne au-dessus d’eux un appelé Cantepie, principal entrepreneur, et par lequel se gouvernoient iceux chevaliers normands et autres. Ce Cantepie était, suivant Perceval, un écuyer du pays d’Auge[18].

La résistance ainsi organisée prit un caractère plus sérieux. En premier lieu, la propagande s’exerça vers la frontière méridionale de la province. Là, elle communiquait avec les parties du Maine et du Perche, demeurées françaises, ou occupées par les capitaines de Charles VII. Vers la fin de décembre 1434, un grand rassemblement se forma aux environs de Bayeux et se dirigea vers Caen. Déjà, A. de Loré, maréchal d’Alençon, était venu exécuter une course au sein de cette riche et populeuse cité. Quelques troupes réglées participaient à l’entreprise de 1434. Mais la grande majorité, composée de paysans, ne pouvait compter que par leur nombre. Tout à fait inexpérimentés jusque-là dans l’art de la guerre, la plupart étaient encore sans armes ou très mal armés[19].

Il s’agissait de prendre d’assaut la seconde place de la Normandie. A cette époque, le principal capitaine des Anglais se nommait John Fitz-Alan Maltravers, comte d’Arundel[20].

Né d’un père fangeux pour ses viols de monastères et d’églises, il continuait la tradition terrible et légendaire qui, depuis le Prince-Noir, s’attachait, dans le pays, au souvenir des Anglais. Lui-même joignait à quelques talents militaires un orgueil féroce, dont l’âge n’avait point amorti la violence.

John Fitz-Alan fut chargé de maîtriser l’insurrection[21].

Les assaillants arrivèrent, par diverses bandes, devant la ville ; mais là une embuscade les attendait, vers le faubourg Vauxelles. Cantepie et quelques gentilshommes conduisaient le mouvement. Lorsque les insurgés se furent engagés dans ce village, les Anglais se précipitèrent sur eux et les taillèrent en pièces ; Cantepie succomba les armes à la main. L’hiver sévissait avec une rigueur inaccoutumée : deux pieds de neige couvraient au loin les plaines, et cette multitude était sans vivres, sans munitions, sans abri. Après avoir stationné quelques jours, une partie se dispersa dans les bois. Ces hommes n’osant point retourner à .leurs habitations, les seigneurs anglais eurent pitié d’eux et leur firent accorder des lettres d’abolition ; ainsi, ces malheureux, vaincus et pardonnés, reprirent la culture de la terre[22].

Cependant l’insurrection se reforma. Des émissaires furent dépêchés au duc d’Alençon, qui prit aussitôt les armes. Ce prince envoya d’abord son maréchal, avec cent lances et deux cents archers : A. de Loré rallia les débris des bandes qui avaient échoué devant Caen et s’établit à l’abbaye d’Aunay, près de Bayeux. Le duc d’Alençon vint se poster au monastère de Savigny, sur la frontière du Maine ; il eut à Saint-Hilaire une entrevue avec le capitaine des insurgés. L’entreprise s’appuyait à l’ouest sur le mont Saint-Michel. De ce point, l’expédition se porta vers Avranches, dont l’évêque favorisait la cause française. Le duc et le maréchal firent le siée de cette ville. Mais ils rencontrèrent les mêmes difficultés[23].

Une autre tentative eut lieu dans le val de Vire et vers le même temps. Ici, le chef, nommé Boquier ou Boscher, comptait quatre ou cinq mille hommes à sa suite. Cet effort n’eut pas plus de succès que les précédents. Il fut étouffé par le sire de Scales[24].

A peine le comte d’Arundel en avait-il fini avec les communes du midi, qu’aussitôt il fut instruit que l’agitation se manifestait dans le nord de la province. Arundel résidait à Mantes, lorsqu’il reçut cet avis. En même temps, Bedford lui manda de se rendre hâtivement à Gournay, puis vers l’embouchure de la Somme. Le comte anglais jura de ne plus se couvrir la tête jusqu’à ce qu’il eût mis ces rebelles en servitude. Sans heaume ni chaperon, Arundel partit dans la direction indiquée ; mais, arrivé à Gournay, il apprit que les Français s’étaient emparés de Gerberoy et restauraient cette forteresse délabrée. Le comte alors, changeant son itinéraire, marcha sur Gerberoy. Arundel y fut pris, et mourut vers les premiers jours de mai 1435[25].

Dans le même temps, Jean de Brezé, lieutenant du maréchal de Rieux, conduisit une entreprise vers le confluent de la Somme à la mer. Il était accompagné de trois cents combattants. Parmi eux se trouvait Charles Des Marais, natif de Dieppe, qui avait été, sous Charles VI, capitaine de cette ville. Le ter mai 1435, cette troupe, guidée par Des Marais, s’empara de Rue, près de Saint-Valery, et du Crotoy, sur la mer ; ils étendirent ensuite leur domination sur les villes voisines. Étaples et son port furent incendiés ; Bois, Saumer et d’autres localités subirent un traitement analogue. Des courses fréquentes, pratiquées jusqu’à Boulogne, Montreuil, Calais, Guines, répandirent l’appréhension dans ces parages[26].

Du 18 au 24 août, l’alarme fut à Rouen : le bailli manda de diverses parts des renforts et se mit en campagne. On disait que La Hire marchait sur Rouen, avec l’intention de rejoindre les Français au pays de Caux. Une rencontre en effet eut lieu, entre Gerberoy et la capitale de la Normandie : La Hire était suivi de trois cents combattants, et sir Th. Kiriel commandait un millier de lances. Ce dernier ayant surpris les Français dans un grand village nommé Roys (ou Boys), remporta sur, eux l’avantage. La Hire, blessé, fut démonté ; mais plus heureux que beaucoup de ses compagnons, il conserva toutefois sa vie et sa liberté[27].

Vers le mois d’octobre, Rue fut rendue au duc de Bourgogne, nouvel allié du roide France. Mais en même temps, le 28 de ce mois, Charles Des Marais s’empara de Dieppe, sa ville natale. Il y fut acclamé une seconde fois capitaine. Cette place maritime, alors habitée par une population entreprenante, hardie, habituée à la lutte contre les Anglais leurs voisins, et à l’indépendance, donna glorieusement l’exemple. Les couleurs nationales, la bannière du roi Charles flottaient donc sur un port normand. Dieppe vit bientôt affluer dans ses murs de nombreux hommes de guerre. Les uns étaient des seigneurs du pays, exilés de leurs terres par la conquête ; les autres, de toute nation, servaient sous le drapeau du roi de France[28].

Deux éléments distincts s’associèrent pour cette nouvelle levée de boucliers. Le premier représentait les classes populaires ; le second était formé de la noblesse. Indépendamment de Charles Des Marais, l’insurrection normande eut alors pour chef un homme du peuple nommé Le Charuyer. Celui-ci, comme l’indique son nom, quitta le char rustique ou la charrue pour la guerre de l’indépendance. Il vint rallier les seigneurs à Dieppe, suivi de quatre mille paysans. Vingt mille hommes, suivant J. Chartier, le reconnaissaient pour leur capitaine[29].

Les nobles, au nombre de trois à quatre mille combattants, avaient à leur tête le maréchal de Rieux et Gilles de Saint-Simon, lieutenant du connétable. Mais parmi ces chevaliers, écuyers et aventuriers, se trouvait tout ce que l’armée de Charles VII renfermait de plus violent et de plus indiscipliné. Tels étaient La Hire, Saintrailles, Antoine de Chabannes, Bruzac, Blanchefort et autres capitaines d’Écorcheurs. Les paysans se méfiaient, non sans cause, de ces nobles[30].

Le Charuyer détermina cette alliance : nobles et vilains concertèrent, en premier lieu, leurs efforts. Parmi les gentilshommes, l’un des plus dévoués était le sire de Montivilliers ; il fut surnommé le père des Cauchois. Fécamp, le 24 décembre 1435, tomba au pouvoir des coalisés. Barfleur, Montivilliers, Tancarville, etc., furent également soumis au roi de France. Six semaines suffirent à l’insurrection, dans ce premier élan, pour conquérir à la cause nationale toutes les forteresses du littoral. Au mois de février 1436, le pays de Caux presque entier était redevenu français[31].

Une seule place empêchait les vainqueurs d’étendre leur domination sur toute la contrée qui sépare Rouen de la mer, c’était Caudebec : vers la date indiquée, nôs insurgés s’en approchèrent. Les Cauchois, voulant attaquer la place, s’adressèrent aux Français, postés à Tancarville ; les Français répondirent : Ceste semaine, nous avons prins sur nos ennemis plusieurs villes, et aujourd’huy, il est dimanche, il nous faut louer Dieu. Sur quoi, les communes dirent aux gens d’armes : Vous êtes des traistres, nous voulons y aller. Et sans nulle délibération, chargèrent leurs lards et vivres en charrettes, et marchèrent jusqu’auprès de Caudebec[32].

Un pont, gardé par les archers anglais, défendait l’entrée de cette ville. Se fiant à leur nombre, les Cauchois s’avancèrent, comme un troupeau, serrés, mais sans armes suffisantes et sans ordre. Talbot et Falconbridge commandaient les Anglais. Un capitaine, expédié de Rouen au secours de la garnison de Caudebec, envoya reconnaître la troupe des assiégeants : son messager lui rapporta que ce n’étaient que les communautés ; sur une telle assurance, le chevalier, suivi de ses hommes d’armes, partit au galop. Il vint prendre par derrière les Cauchois : les archers de Caudebec traversèrent le pont, en refoulant les assaillants, qu’ils perçaient de leurs flèches. Culbutés dans la plaine, cernés, les paysans furent massacrés ou dispersés. Les Anglais en saisirent plusieurs et les conduisirent à la ville : là, ils les égorgèrent en diverses places, ou les noyèrent dans la Seine[33].

Cependant, à la nouvelle de la prise de Dieppe, le conseil de régence en Normandie avait conçu les plus graves appréhensions. Une ambassade, tirée des trois États de la province, fut dirigée vers Londres ; Henri VI, assisté de ses conseillers, lui donna audience à Westminster, le 3 décembre 1436. Dans les premiers jours de février 1436, Thomas de Beaumont arrivait en Normandie, suivi d’une nouvelle armée. Mais déjà les choses avaient changé de face. Le désastre de Caudebec fut, pour l’insurrection, une cause de schisme : les nobles et les paysans se désunirent. Enfermés dans les forteresses, sans plan général, sans autorité, sans discipline, les premiers ne se secouraient même pas entre eux : ils pillaient les paysans et les renvoyaient à la charrue[34].

Vers le mois de mars 1436, Lillebonne retomba au pouvoir des Anglais : Floquet, célèbre capitaine du pays, occupait Tancarville ; manquant de vivres, il abandonna son poste et se retira. Talbot vint assiéger Harfleur : Raoul de Graucourt ; lieutenant du roi à Beauvais, marcha, suivi de’ cinq à six mille hommes, au secours des assiégés. Mais, en chevauchant par le pays de Caux, il fut fait prisonnier. L’expédition, arrivée devant Harfleur, capitula, moyennant finance : Harfleur redevint anglais. La France perdit en peu de temps tout ce qu’elle avait conquis dans le pays de Caux ; Dieppe seule demeura sous l’autorité de Charles VII. Les soldats ou brigands anglais accoururent des diverses parties moins fertiles de la Normandie : ils dévastèrent, pour leur part, le pays de Caux. Cette contrée, naguère le théâtre de si heureux succès, devint une terre de malédiction. Les Cauchois, ainsi traités, pour prix de leurs services et de leur dévouement, s’expatrièrent par toutes les issues. A Rouen et dans les autres villes, on vit arriver dés troupes faméliques de mendiants : c’étaient des familles de Cauchois. Beaucoup s’embarquèrent pour aller chercher en Bretagne, en Angleterre, même au prix de la servitude, du loyer de leurs bras, le pain qui leur manquait. La fatalité les poursuivit sur terre et sur mer : à bord des navires qu’ils montaient, la faim, l’épidémie, l’incendie les détruisirent par milliers[35].

Après avoir épuisé cette contrée, les gens d’armes français l’abandonnèrent. Ils vinrent alors trouver Charles VII, pour lui requérir aide, en disant qu’ils avoient dépensé le leur à le bien servir et que plus ne povoient vivre audit pays. De la Seine à la Somme, et de l’Oise à l’Océan, la Normandie était un désert. Pendant dix ans, la terre y redevint sauvage. Plus de chemins. Les champs couverts d’oseraies, d’arbustes divers, de buissons et d’épines, prirent la physionomie d’une vaste forêt.

P. de Cagny et Thomas Basin, chroniqueurs du pays, imputent à Charles VII la responsabilité de ces désastres. Cinq cents lances, dit l’évêque de Lisieux, conduites par des capitaines honnêtes et disciplinés, auraient suffi pour rendre la Normandie à la France[36].

 

 

 



[1] Journal de Paris, p. 664 et s.

[2] Journal, p. 667, 668. Sauval, Antiquitez de Paris, t. III, p. 270, 278, etc. Délibération du chapitre de N. D., du 23 mars 1424. Il autorise les clercs à représenter dans le cloître le mystère des Miracles de la Vierge, pour le jour de l’Annonciation, 25 mars. (L. L. 414, f° 65.)

[3] Nommée alors rue aux Oués ; aujourd’hui rue aux Ours. — Le nom de mât de cocagne parait avoir été donné plus tard à la perche garnie de prix.

[4] Journal, 668-674. Histoire de l’université de Paris, V, 374.

[5] Journal, ibid. P. Bataillard, De l’apparition et de la dispersion des Bohémiens en Europe, Bibliothèque de l’École des Chartes, t. V, p. 438, etc. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1859, p. 132 et s.

[6] Ms. Colbert, 9681, 5, f° 102. Godefroy, Charles VI, p. 701. Journal, 708. Comptes de l’hôtel du régent, 1427-8 ; ms. de la bq. du Louvre. Ms. fr. 7086, Pèlerinage de l’âme. Ms. La Vallière, 82 (réserve). P. Paris, Les Mss. françois, V, 131. British museum, additionnal mss., n° 18850. L. L. 215, f° 381, etc. — Après la mort de Charles VI, la succession du roi de France fut livrée à la discrétion du régent. Celui-ci dirigea sur Westminster une partie des livres qui provenaient de la bibliothèque royale de Charles V, et beaucoup de meubles précieux. Louis, duc d’Orléans, avait fait décorer de splendides vitraux son manoir de Coucy. Durant la captivité du duc Charles, Bedford acheta sous main ces vitraux, qu’il envoya en Angleterre. Il les paya, dit-on, 12.000 livres (prises sur l’impôt français), et remplaça, par des verres blancs, les vitrines peintes, aux fenêtres du château. Ainsi se justifie ce mot appliqué par un historien ou journaliste contemporain à Bedford, qui toujours, dit-il, enrichissoit son pays d’aucune chose de ce royaume ; et si, n’y rapportoit rien que une taille, quand il revenoit. — Histoires de la bibliothèque royale de Paris : Jourdain, Catalogue des imprimés, p. vj ; Leprince, p. 11. Le chevalier de Lépinois, Histoire de Coucy, p. 331. Journal, p. 672 b.

[7] Vallet de Viriville, notice sur Morhier, Mémoires de la Soc. des antiq. de France, t. XXV. Ordonnances, XIII, 88. Journal, 668-670. Guilhermy, Itinéraire de Paris, p. 329.

[8] Ordonnances, XIII, 108,109. Félibien, t. II, p. 808, 815. Biographie Didot : N. Flamel et J. Pluyette. Sauval, t. III, p. 270 et s. Livre noir, aux archives de la préfecture de police, p. 41, 53. Lettres du mois d’avril 1442, qui transportent les galoises de Baillehou (rue Taillepain, sur la paroisse de St-Méry), à la cour Robert (rue du Renard). J. J. 173, acte n° 130 ; et communication de M. Ad. Berty, chef du bureau topographique à la préfecture de la Seine. Guillebert de Metz, Description de Paris, éd. Lincy, p. 58, 73.

[9] Journal, p. 683.

[10] Nous citerons encore les ordonnances relatives à la grande draperie et à la draperie foraine de Rouen ; aux poissonniers de cette ville ; à la vicomté de l’eau ou navigation commerciale de la basse Seine. On peut alléguer au même titre celles qui concernent les chaussetiers de Bernay, les chaussetiers, drapiers et bouchers d’Évreux, les bouchers de Chartres, les foires de Champagne et de Brie (1425, novembre) ; les tisseurs en soie de Paris ; les chandeliers de Pontoise ; les pêcheurs de Bray-sur-Seine. Mémoire sur le trésor royal, ms. du dix-huitième siècle écrit pour les Paris de Montmartel, appartenant à M. P. Paris, de l’Institut. Cheruel, Histoire de Rouen, etc., p. 81. J. J., 172 à 175. Ordonnances, XIII p. 67 à 182. Eugène de Lépinois, Histoire de Chartres, I, 514 ; II, 78. Livre noir, f° 55, etc.

[11] P. P. 110, f° 191. Grandmaison, Dictionnaire héraldique, p. 866. Ordonnances, XIII, p. 59 à 112. Lettres des Rois et Reines, II, 449. Stevenson, Henri VI, I, 395. Vallet de Viriville, Histoire de l’Instruction publique, p. 193. Du Boulai, V, 369, 426, etc.

[12] P. Cochon, p. 466. — L. L. 217. — Journal de Paris, p. 694 et s. Etc.

[13] Les archives de Londres conservent à cet égard un curieux monument historique. C’est une ballade française transmise par les autorités de notre capitale à la métropole de l’Angleterre. En voici seulement la première strophe ou couplet :

Je suis Paris qui ne fais que languir,

Loin de secours, en douleur et martyre ;

Loups ravissans me viennent assaillir

De jour, de nuit, qui me veulent occire.

Je perds mes gens ; mon mal toujours empire

Et si, ne treuz qui me donne confort.

Longtemps déjà que le duc de Bethfort

S’en est allé pour moy, en Angleterre.

Devers son roy et le mien secours querre,

Qui pas ne vient ; dont je pers espérance.

Seigneurs anglais, renvoiez le bon erre

Ou vous perdrez Paris et toute France !

Archives de la mairie de Londres, registre K, f° 103. Delpit, Documents anglais, p. 238, 249. Lettres des rois et reines, II, 416. La situation de Paris était celle de toutes les contrées soumises à la domination anglaise. Voir dans Monstrelet la fameuse complainte ou ballade des Hélas, composée vers 1433, t. VI, p, 176 ; même auteur, LV, p. 74. Pii commentarii, p. 158. Basin, t. I, p. 102. Etc., etc.

[14] Cicéron, De amicitia. Ordonnances, XIII, 174, 176. Delpit, Documents, p. 248 et s. Proceedings, IV, 124. Bulæus, Historia Univ. par., V, 420-430. Félibien, Preuves, II, 594 b. En 1432, la nation d’Allemagne remplaça définitivement, dans les registres de l’Université, la nation d’Angleterre.

[15] Journal de Paris, 698 a. Félibien, II, 818 ; IV, 594. Gallia christiana, VII, 903. S.S. 4384, f° 53.

[16] Léchaudé d’Anisy, Chartes normandes du Calvados, 1835, in-8°, t. II, p. 394, n° 171. Beaurepaire, Prisons de Rouen, p. 37. Du Boulai, V, 422. Gall. christ. XI, 493. Journal, p. 700. Sauval, Antiquitez de Paris, t. III, p. 588.

[17] Beaurepaire, Administration, p. 62 et s. Basin, I, 104 et s. Monstrelet, V, 105. Chronique de Normandie, 152. J. Chartier, 1, 177. Catalogue Joursanvault, t. II, p. 225, n° 3397. Journal de Paris, p. 702.

[18] Les mêmes. Jean Chartier, I, 172. Cagny, chap. 122. Monstrelet, p. 113. Une autre famille noble (ou peut-être la même) s’appelait Cantepie ou Chantepie (et non Quatre-Pieds). Les Cantepie étaient du Taleu normand et servaient la cause française. Voy. Darsy, Histoire du canton de Gamaches, à la table : Cantepie. Jean de Cantepie, en 1421, appartenait au duc de Bourbon (Rymer, tome IV, partie VI, p. 10). Pierre Cantepie, en 1455, fut verdier de la forêt de (Lucy ?), vicomté de Neuchâtel (P. P. 110, f° 294).

[19] Basin, I, 106, 107. Cagny, chap. 122. Monstrelet, p. 113, évalue à 12 mille le nombre des assaillants ; Basin : plus de 30 mille ; Cagny : passé 40 mille ; J. Chartier (p. 150 à 172) : plus de 60 mille. Charles d’Orléans avait conseillé aux Anglais, pour maintenir l’ordre en Normandie, d’armer les paysans. Quelques piques et des épieux avaient été distribués, dans cette vue, aux Normands, par les autorités anglaises. Voy. L. Puiseux, Insurrections populaires en Normandie, p. 13.

[20] Il portait le titre de lieutenant du régent, sur le fait de la guerre ès pays d’entre Seine, Loire et la mer. Le 8 septembre 1434, il reçut en don, au nom d’Henri VI, le duché de Touraine.

[21] Les mêmes. Catalogue Teulet, p. 104. Polydori Vergilii, Anglorum Historia, Bâle, 1555, in-f°, p. 483. Dugdale, Baronagium, t. I, p. 320 et s. : Arundel était né en 1365. Basin, p. 109.

[22] Basin. Chartier. Gagny. Berry-Godefroy, p. 338. On lit dans le Journal de Paris-Anglais (dit le Journal d’un Bourgeois) : Desdites communes qui furent tuées, n’estoit plus parlé ; fors que quand on parloit à Paris que c’étoit pitié, aucuns disoient que bien l’avaient déservi (mérité)... que les vilains vouloient destourber aux gentilshommes à faire leur volonté et que ç’avoit esté à bon droit... P. 702 b.

[23] L’hyver estoit dur et âpre ; les communes s’en aloient par chacun jour d’emblée. Le roy n’envoya point les gens, ni l’argent qu’il devoit envoyer. Par ce, ledit duc d’Alençon fut contraint à s’en venir. (Cagny, chap. 123). Catalogue Teulet, p. 410. Le 9 février 1435, une procession générale, en présence du chancelier, a lieu dans Paris, pour l’éloignement de certains ennemis du roi qui étoient en Normandie, etc. (L. L. 414, f° 91.)

[24] Basin, 107. Puiseux, p. 17.

[25] Chronique de Normandie, f° 185. Basin, 109. Monstrelet, 118 et s.

[26] Vitet, Histoire de Dieppe, p. 37. Monstrelet, 117 et s. Delpit, Documents, p. 252. M. de Grattier, membre de la Société des Antiquaires de Picardie, a consacré à Charles Des Marais une notice intéressante, insérée dans la Galerie Dieppoise, publiée par M. l’abbé Cochet, Dieppe, 1862, in-8°, p. 25 et s. L’énergique Des Marais mourut plus que centenaire, dit son biographe, en 1515 (ibid., p. 34).

[27] Monstrelet, V, 204. Catalogue Teulet, p. 413. Holinshed, t. II, p 1256.

[28] Basin, III. Vitet, Histoire de Dieppe, p. 35, 37. Monstrelet, V, 201. Cagny, chap. 134. Gruel, p. 378. Chron. de Normandie, f° 180, v°.

[29] Berry, p. 392. Monstrelet, p. 201. J. Chartier, p. 174. Basin, p. 113. D’après Th. Basin, natif du pays, Charles Des Marais était plébéien, manouvrier de terre. Cependant Gagny (également Normand) le qualifie d’écuyer. Le poste de capitaine de Dieppe, qu’il aurait occupé en 1420, rend plus vraisemblable cette dernière hypothèse. Sa postérité, dans tous les cas, parait avoir été incorporée à la noblesse. Suivant M. de Grattier, allié à la descendance de cette famille par les femmes, Charles Des Marais était un gentilhomme du bailliage d’Arques. Galerie Dieppoise, p. 28 et s.

[30] Et au commencement, il y en avoit plusieurs (parmi les gentilshommes) qui ne savoient si se mettroient sus contre les François ou contre les Anglois ; mais finalement, se tournèrent du parti des François. Gruel, 378, Basin. Monstrelet. Chartier, 174, 216. D’après Monstrelet (p. 202), Arthur de Richemont aurait pris part en personne à la campagne du pays de Caux. Mais le chroniqueur bourguignon semble avoir été mal informé sur ce point. Richemont ne quitta pas les régions de la Loire ; partagé entre Parthenay, sa résidence, et celle du roi ; voy. Gruel, loc. cit. — Asseline, Histoire de Dieppe, 1682, in-folio ; ms. de la bibliothèque de Dieppe, f° 34 v° et s.

[31] Les mêmes. Le sire de Montivilliers périt au siège d’Harfleur. (Chron. de Normandie, f° 183 v°). Le 4 janvier 1436, Berry le hérault et un poursuivant du maréchal de Rieux arrivent à Compiègne. Ils annoncent que Montivilliers, Fécamp, etc., viennent de se soumettre. (D. Grenier, t. XX bis, f° 17). Catalogue Teulet, p. 415, 416. 1436 mars 12. Lettres données à Poitiers par Charles VII : il homologue des statuts pour les drapiers de Montivilliers (Ordonnances, XV, 30).

[32] Chronique de Normandie, f° 184. Vers le même temps, Gilles de Saint-Simon, lieutenant du connétable, fut pris par les Anglais dans une course devant Caudebec. Gruel, 379.

[33] Basin. Chronique de Normandie. Holinshed, p. 1256.

[34] Cabinet des titres, dossier Luxembourg, à la date. Lettres des rois et reines, II, 423 et s. — Dans le même temps, les côtes méridionales de la France étaient menacées d’invasions maritimes. Lettres données à Tours le 9 décembre 1435, contresignées : par le roy, Christophe de Harcourt, Hugues de Noyers. A l’évêque de Laon (Guillaume de Champeaux), président des finances, en Languedoc... pour ce que naguères nous a esté rapporté que plusieurs grans armées se mettent sus à présent ès mers de Catheloigne (Catalogne) et de Jannes (Gènes), avons délibéré de pourveoir prestement à noz places qui sont ès marches de Languedoc et mesmement ès places et ports de mer... Il alloue 4 mille moutons d’or à T. Duchatel, sénéchal de Beaucaire et capitaine d’Aigues-Mortes, pour que ce port (entre autres) soit mis en état de défense. (Dossier Du Châtel.) — Parliament rolls, IV, 481. Beaurepaire, États, p. 49 et s. Holinshed, 1256. Stevenson, Henri VI, t. I, p. 424 et s. J. Chartier, t. I, p. 174. Basin, 114, 118.

[35] Deux cent mille âmes, au dire de Thomas Basin, périrent dans cette campagne, p. 117. Chronique de Normandie, f° 184.

[36] Cagny, chapitres 123, 129, 131. Basin, 116. Ce dernier auteur stigmatise la conduite de Charles VII par des traits d’une excessive énergie. Nous reviendrons sur ce point d’appréciation morale dans le chapitre suivant.

Paris-Anglais. — En 1425, Regnauld Quiéret, chanoine de Reims, se trouvait dans un cabinet ou retrait contigu à la salle capitulaire de la cathédrale, en compagnie de Pierre Bourreclot, chapelain de l’église métropolitaine. Ce cabinet était orné d’un tableau, rehaussé de figures et enluminé, qui représentait la généalogie du jeune roi Henri VI. Au-dessous, se lisaient quelques vers, sur la cruelle mort de Jean sans Peur. A l’occasion de ce tableau, une vive discussion politique s’éleva entre Bourreclot et Quiéret. Le chanoine prétendait que iceux vers ne dévoient pas estre mis enledit tableau, etledit chapelain, au contraire. La dispute s’échauffa : si bien que R. Quiéret, tirant de sa poche son couteau, effaça cette souscription, en dépit de Bourreclot et de sa résistance. Dans la chaleur de l’action, le couteau du chanoine s’égara même au delà des vers et endommagea une partie de la royale généalogie. Quiéret, dénoncé par Bourreclot, s’enfuit de Reims. Mais, appuyé de protecteurs puissants, il vint à Paris et se pourvut par-devant la chancellerie. Des lettres d’abolition lui furent accordées, attendu, entré autres considérants, que ledit Quiéret est jeune, ignorant et povre de sens. Il dut aussi remplacer, à ses frais, par deux tableaux neufs, celui qu’il avait endommagé. (Acte du 3 juin 1427 : J. J. 173, f° 329.)

Le ms. latin 7443 contient un recueil de figures et de prédictions astrologiques et politiques, dressées pour la plupart en 1426, à la requête du gouvernement anglais. Elles concernent Henri VI, le régent Bedford, le comte de Salisbury, sir John Falstaff, le due de Bourgogne ; Jean de la Trimouille, sire de Jonvelle ; le duc de Bretagne, le duc d’Alençon, le connétable de Richement, et enfin Charles VII. Ce recueil paraît avoir eu pour principal auteur Jean Halbout de Troyes.