HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE IV. — JEANNE DARC - 1429-1431.

CHAPITRE V. — Jeanne Darc. Depuis la prise de la Pucelle jusqu’à l’ouverture des débats (24 mai 1430-3 janvier 1431).

 

 

La prise de la Pucelle fit éclater, parmi les Bourguignons et Anglais, des transports de joie. Ce soir même, (24 mai 1430), Philippe le Bon expédia en toute hâte des courriers pour mander cette nouvelle à Lille, à Saint-Quentin, à toutes ses bonnes villes, et jusqu’à la cour de Bretagne. J. de Luxembourg, par son frère, chancelier de France, se chargea d’en informer Paris et les Anglais[1].

A Tours, un deuil public accueillit l’annonce de cet événement[2]. Regnauld de Chartres en instruisit officiellement les habitants de Reims. Le texte original de sa correspondance ne subsiste plus. Mais nous possédons l’analyse authentique de trois dépêches qu’il adressa successivement, de 1430 à la fin de 1439, sur ce sujet, à la ville du sacre. Le texte de cette analyse appartient à l’histoire.

L’archevesque de Reims, chancelier, donne advis de la prise de Jehanne la Pucelle devant Compiègne et comme elle ne vouloit croire conseil ; ains faisoit tout son plaisir ; — 2° qu’il estoit venu vers le roy una jeune pastour, gardeur de brebys des montaignes de Gévaudan, en l’évesché de Mande, lequel disoit ne plus ne moines qu’avoit faict la Pucelle et qu’il avoit commandement de Dieu d’aller avec les gens dû roy et que, sans faulte, les anglois et bourguignons seroient desconfits. — 3° Et sur ce qu’on lui dit que les anglois avoient faict mourir Jehanne la Pucelle, il respondit que tant plus il leur en mescherroit et que Dieu avoit souffert prendre Jehanne la Pucelle, pour ce qu’elle s’étoit constituée en orgueil, et pour les habits qu’elle avoit pris et qu’elle n’avoit faict ce que Dieu luy avoit commandé, ains faict sa volonté[3].

Ce document couronne l’œuvre et l’explique. Deux hommes furent les principaux acteurs de cette longue machination, ourdie contre la Pucelle. Le premier, R. de Chartres, était né vers 1380, d’un père attaché à la cause du dauphin. Renaud suivit héréditairement ce parti il y chercha fortune et entra dans la politique par la porte de l’Église. En 1402, déjà chanoine, déjà doyen de Saint-Pierre de Beauvais, le futur cardinal fut condamné avec son frère Pierre de Chartres, pour quelque insulte faite au bailli de l’évêque de Beauvais. Nonobstant cet écart de jeunesse, Regnauld devint peu après camérier du pape, puis évêque de Beauvais (1414)[4].

Il n’accepta pas ce simple siège et fut bientôt transféré à l’archevêché, duché-pairie, de Reims. Prélat de hasard, au surplus, jamais il n’exerça le ministère pastoral. La toge du chancelier couvrit toujours, à ses propres yeux, la robe de l’archevêque. Banni de sa métropole avant d’en avoir pris possession, les Anglais, aussitôt qu’ils furent maîtres de Reims, saisirent le temporel du métropolitain. De. 1415 à 1428, R. de Chartres fut successivement président des comptes et lieutenant civil on commissaire général en Languedoc. Il remplit aussi, durant cette période, une suite de missions. Le résultat le plus notable de ces ambassades fui de développer chez l’ambassadeur une extrême confiance dans ses propres talents diplomatiques[5].

Regnauld conserva opiniâtrement cette spécialité, lorsque Charles VII le nomma, pour la deuxième fois, garde des sceaux, le 8 novembre 1428. Il s’adjoignit ainsi au gouvernement de La Trimouille. De perpétuelles négociations avec le duc de Bourgogne fournirent, comme on l’a vu, à son activité une longue et ample carrière. Lors de la venue de la Pucelle, un second rôle paraît avoir été dévolu à R. de Chartres. La, conduite, le caractère, les actes de l’héroïne bouleversaient et ruinaient de fond en comble la politique des favoris. R. de Chartres, instrument du premier ministre, fut auprès de Jeanne l’œil et la main de La Trimouille.

A chacun de ses pas, désormais, la libératrice rencontra, soit dans la personne de quelque capitaine, ou autre fonctionnaire subordonné, soit dans le chancelier lui-même, une malveillance polie et déguisée, mais constante. Cet emploi vis-à-vis de la Pucelle avait néanmoins ses épines, si ce n’est ses dangers. A Troyes, par exemple, où le chancelier de France et la fille des champs se firent écouter successivement du conseil, l’avantage ne demeura point au premier. L’archevêque de Reims désespérait de la campagne et voulait fuir : peu de jours après, Jeanne le réintégra dans sa métropole et dans son temporel. Battu et obligé par la Pucelle, R. de Chartres rendit à sa bienfaitrice en mauvais vouloir, en haine dissimulée, tout ce qu’il lui devait d’affection et de reconnaissance. Jamais R. de Chartres ne témoigna, pour faire honneur à l’héroïne, des égards plus démonstratifs que lors de sa dernière campagne : la veille, pour ainsi dire (fin mars 1430), Jeanne venait de rompre en visière vis-à-vis de La Trimouille ; le lendemain (24 mai), elle tombait à Compiègne. Jeanne une fois victime de ces périls, qu’on lui voyait courir avec une secrète délectation, il n’y avait plus qu’à la désavouer de nouveau et pour toujours. R. de Chartres jeta le masque dans sa correspondance avec les Rémois.

Georges de La Trimouille, que nous devons peindre maintenant à son tour, naquit vers 1385. Son père Guy V de La Trimouille dut sa fortune, presque subite, à Philippe le Hardi, père de Jean sans Peur. Guy fonda ainsi sa maison. Le duc fit nommer Guy, porte-oriflamme de France et lui donna pour femme Marie de Sully, veuve d’un prince du sang. Georges, en 1417, était encore premier chambellan du duc de Bourgogne[6].

Nous avons dit par quelles circonstances Georges passa de Jean sans Peur au dauphin. Le lecteur sait aussi comment La Trimouille supplanta le sire de Giac au gouvernement. Georges de la Trimouille avait, comme son père, épousé en premières noces une princesse du sang royal. Il s’allia, le 16 novembre 1416, à Jeanne, comtesse de Boulogne et d’Auvergne, veuve de Jean duc de Berry. A peine le mariage accompli, Georges voulut s’emparer des deux comtés. Il accabla de mauvais traitements là princesse et la renvoya sans asile ; Jeanne mourut de douleur en 1423. C’est ainsi que Georges, devenu veuf, put épouser, en 1427, une seconde héritière : Catherine de l’Ile-Bouchard, veuve de Giac[7].

On a vu comment La Trimouille écarta le connétable et le comte de Pardiac. Gilbert de Là Fayette, le vainqueur de Baugé, s’acquit aussi un rang des plus honorables. En 1423, Gilbert, par ordre du roi, combattit en Auvergne, La Trimouille, qui voulait frustrer à force ouverte de cette succession les héritiers de la comtesse Jeanne. La Trimouille, devenu ministre, persécuta La Fayette. Il le chassa de la cour, lui retira son emploi de maréchal et l’exclut de la campagne du sacre[8].

La situation politique du royaume, si désastreuse qu’elle .fût, n’avait point, pour La Trimouille, d’extrémité sans remède. Au mois de septembre 1428, les Anglais pénétrèrent en Touraine et s’emparèrent du château de Sully. Mais La Trimouille, baron de Sully, avait su se ménager des intelligences. Jean de Jonvelle, son frère, fut nommé capitaine de ce manoir, qui demeura intact. Bien plus le siège d’Orléans durant, ceux de Sully avitailloient les Anglois de ce qui leur estoit possible[9]. Tant que Charles VII conserverait, avec sa couronne, un trésor royal ; tant qu’il resterait en France une province à pressurer, La Trimouille pouvait maintenir la position qu’exigeaient son orgueil et son opulence. Charles VII détrôné, les Anglais eux-mêmes ne régnaient en France que par la grâce de Philippe le Bon. Aussi, volontairement, le premier ministre ne brûla-t-il jamais ses vaisseaux du côté de la Bourgogne.

Georges de La Trimouille, préteur sur gages, maître des finances royales et seigneur d’immenses domaines, ne se bornait pas à pressurer les contribuables, sujets du roi, ou les siens propres. Suivant l’antique tradition féodale, il les pillait. Le château de Sully était le chef-lieu général où se conservaient ses prises et la résidence principale de ses gens de main. C’est là que le premier ministre donna l’hospitalité au roi et à la Pucelle. C’est de là que cette dernière s’échappa en mars 1430[10].

Comme homme d’État, deux idées fixes et d’une évidente fausseté résument toute la politique de La Trimouille. L’une consistait à négocier sans cesse et à tout prix, vis-à-vis du duc de Bourgogne. L’autre était de combattre les Anglais, à l’aide de troupes mercenaires et étrangères. La Pucelle offrait pour ainsi dire l’antithèse vivante de ce double système. En avril 1429, elle avait été présentée depuis un mois, lorsque La Trimouille s’adressa au roi d’Aragon pour défendre la France. Alphonse le Sage exigea, en échange, une partie du Languedoc. Il se déclara d’ailleurs dans l’impossibilité d’obtempérer immédiatement à cette requête. La Trimouille se vit alors contraint d’accepter ou de tolérer la Pucelle[11].

Jeanne avait été prise devant le boulevard de Compiègne. De là, elle fui conduite à Margny. Philippe, informé de l’événement, accourut aussitôt pour la visiter. Le duc eut avec l’héroïne un entretien peu digne de l’histoire ; car Monstrelet, son chroniqueur, était présent, et déclare, dans ses mémoires, qu’il n’en a pas gardé le souvenir. La Pucelle fut ensuite livrée à J. de Luxembourg, devenu ainsi le véritable arbitre non seulement de sa liberté, mais de sa mort ou de sa vie[12].

Jean de Luxembourg est ce même capitaine, héros perpétuel et patron de Monstrelet, qui lui a pour ainsi dire consacré toutes les pages de sa Chronique. Il portait un des plus grands noms du moyen âge. La tige des Luxembourg, vieille comme Charlemagne, s’étendait à travers l’empire d’Occident, jusqu’à la Bohême et la Hongrie. Partout elle s’unissait à des maisons souveraines. Six reines, une impératrice, quatre rois de Hongrie et de Bohême, autant d’empereurs, ont fait retentir ce nom dans le monde. Le cardinal Pierre de Luxembourg, oncle de Jean, était mort en 1387, salué du titre de bienheureux par l’acclamation populaire.

Issu des comtes, puis ducs allemands de Luxembourg, par une branche cadette, Jean de Luxembourg était lui-même un cadet, ou puîné de famille. Né en 1391 et peu apanage, il s’allia au duc de Bourgogne et à l’Angleterre, pour faire la guerre en France. Comme prix de sa coopération, la conquête de ce royaume offrait à son ambition la perspective de quelque grand établissement, personnel et territorial. Il avait débuté, en 1412, sous les ordres de son oncle, Walerand, comte de Saint-Paul et connétable de France. Jean gagna vaillamment sa chevalerie en combattant les Armagnacs. Depuis ce jour, il servit constamment le parti de Bourgogne, perdit un œil au siège d’Alibaudière et reçut mainte autre blessure, témoignage de son incontestable bravoure. Jean sans Peur et Philippe le Bon le firent successivement gouverneur d’Artois, comte de Guise, capitaine général de la Picardie et en tout le premier lieutenant du duc même[13].

A première vue, P. Cauchon trouva les mains de Jean de Luxembourg bien puissantes, pour faire passer la proie, qu’il convoitait, de ces mains dans les siennes. Dès le 26 mai 1430, deux jours après l’événement, semblable à l’ennemi qui approche de haut et prudemment un point formidable, il fit, mouvoir l’Université de Paris et le vicaire général de l’Inquisition. A la date que nous indiquons et sous la dictée de l’évêque, ces deux corps écrivirent une lettre, non pas à Jean de Luxembourg, mais au duc de Bourgogne, en le requérant de livrer et d’envoyer à Paris la captive[14].

Jean de Luxembourg, bien loin d’accéder à cette invitation circonspecte et détournée, éloigna immédiatement Jeanne du camp de Compiègne, où elle était encore. Il l’envoya, sous bonne escorte, dans une de ses places fortes, appelée Beaulieu en Vermandois, à quelque distance au nord de Compiègne. Jeanne y demeura environ deux mois : juin et juillet[15].

Durant ce temps, les malheurs de la guerre et les revers se firent de nouveau sentir pour la France. Le 8 juin, un renfort de troupes anglaises arriva dans Paris. Douze forteresses voisines de la capitale tombèrent au pouvoir des ennemis. Ces derniers construisirent à Saint-Denis une nouvelle tour, qui fut armée le 29 juillet 1430. Château-Gaillard, Aumale, redevinrent anglais. Henri VI, dans le même mois, fit son entrée à Rouen[16].

Le siége des Bourguignons continuait devant Compiègne. Guillaume de Flavy redoublait d’activité, comme pour faire oublier la Pucelle. Le vendredi 26 (mai 1430), fut accordé nourriture à Barette, capitaine des gens de la Pucelle, pour trente-deux hommes d’armes, deux trompettes, deux pages, quarante-huit arbalestriers, et vingt hommes, tant archers que targiers (porteurs de targes ou pavois). Le samedy 27, fut démolie l’église de Saint-Germain au faubourg, pour faciliter la défense de la ville[17]. Cependant le duc de Bourgogne et Jean de Luxembourg poursuivaient l’attaque avec énergie. Vers le 20 juillet, le boulevard de Compiègne fut enlevé par les assiégeants. Les bourgeois de Reims, menacés de leur côté, aussi bien que ceux de Compiègne, adressaient au roi de fréquents messages, pour réclamer du secours. Les uns et les autres adjuraient surtout le jeune prince de paraître en personne et de marcher[18].

Nous possédons lés réponses du gouvernement royal. Charles VII, ou son conseil, écrivit à ses féaux et bienamez de Reims, qu’ils eussent bon courage, que déjà les Écossais étaient en route et que le roi ne tarderait pas à les suivre. Une dépêche ultérieure ajoute que le roi est parti, mais que aucunes menues places qu’il fallait soumettre chemin faisant, ont retardé sa marche. En butte à des périls encore plus pressants, les habitants de Compiègne reçurent de leur côté des assurances toutes semblables. De mai à juillet inclusivement, Charles VII se transporta de Gergeau à Sully ; puis de Sully à Gien : mais il ne marcha point au delà vers Compiègne[19].

Cauchon perdait patience, en voyant que sa prisonnière demeurait aux mains du seigneur de Luxembourg. Jeanne résolut de fuir. Les textes ne nous ont laissé, touchant cet épisode, que des notions d’un laconisme désespérant. Deux pièces de bois, ou de charpente, fournissaient à la captive une issue, par l’intervalle qui les séparait. La Pucelle s’introduisit dans cet espace et déjà elle était dehors, prête à enfermer ses gardiens. En ce moment, le portier de la tour survint : l’héroïne fut réintégrée dans sa prison[20].

La date même de ce premier essai d’évasion ne nous est point certifiée d’une manière exacte et précise ; mais sa tentative eut certainement lieu en juillet : soit du 14 au 20, soit du 20 à la fin de ce mois. Le 14 juillet 1430, P. Cauchon fit écrire au duc de Bourgogne une nouvelle lettre par l’Université. Dans cette dépêche, l’Université se plaint de ce que sa première missive est demeurée sans réponse. Nous doubtons moult, ajouté cette lettre, que par la faulceté et séduction de l’ennemi d’enfer, par la malice et subtilité de mauvaises personnes, vos ennemis et adversaires, qui mettent toute leur cure, comme l’on dit, à vouloir délivrer icelle femme,  par voyes exquises, elle soit mise hors de vostre subjeccion... En conséquence, les auteurs de la lettre supplient et demandent avec de nouvelles instances que la détenue soit, sans plus, de délai, non plus envoyée à Paris, mais remise à l’ordinaire, c’est-à-dire à P. Cauchon, évêque de Beauvais[21].

Une dépêche semblable, ou analogue, fut écrite, le même jour, par l’Université, à Jean de Luxembourg. Pierre Cauchon joignit à ces deux épîtres, sous la même date du 14 juillet, une requête et sommation adressées, en son nom propre et collectivement : 1° à Philippe, duc de Bourgogne ; 2° à Jean de Luxembourg, et 3° à Lionel de Wandonne. L’évêque expose, dans cette pièce, que Jeanne a été prise sur le territoire de sa juridiction et lui appartient comme juge spirituel. Le roi, néanmoins, dit-il, pour la rémunéracion de ceulx qui l’ont prinse et détenue, veult libéralement leur bailler jusqu’à la somme de six mil francs ; et, pour le dit bâtart qui l’a prince, lui donner et assigner rente, pour soustenir son estat, jusques à deux ou trois cens livres.

A ce premier marché, l’évêque, subsidiairement, ajoute une dernière proposition. Selon les droit, usage et coutume de France, poursuit-il, tout prisonnier de guerre, fût-il roi, dauphin, ou autre prince, peut être racheté au nom du roi (d’Angleterre), moyennant une indemnité fixe de dix mille livres allouées au preneur. Dans le cas où on l’exigerait, et encore bien que la prise d’icelle femme ne soit pareille à celle de roy, etc., l’évêque requiert définitivement que ladite Pucelle lui soit livrée, en baillant seurté de ladite somme de 10.000 francs, pour toutes choses quelconques[22].

Ainsi, J. de Luxembourg se faisait marchander.

La vie d’un prisonnier de guerre, en général, était sacrée. A part les cas de scélératesse patente et de brigandage qui donnaient lieu à un jugement criminel, non seulement le prisonnier de guerre voyait respecter ses jours, mais il était, pour le vainqueur, un hôte et souvent un frère d’armes[23].

L’intérêt s’unissait à ces sentiments, en faveur ou au profit de l’humanité. A la dépouille stérile d’un mort, le chevalier victorieux avait lieu de préférer la productive rançon du captif. Ces considérations, propres à mitiger les rigueurs militaires, étaient devenues surtout plus puissantes depuis que les exploits de Jeanne avaient changé les conditions antérieures de la lutte entre les deux peuples. Les nouveaux prisonniers, que la France faisait à l’Angleterre, lui permettaient d’espérer un échange, pour racheter enfin les illustres combattants d’Azincourt ; et, réciproquement, l’Angleterre devait tendre à s’approvisionner d’une semblable richesse. Donc, la mort de la Pucelle n’était nullement une conséquence nécessaire de sa captivité. Cette conséquence répugnait non seulement aux lois de l’honneur et au droit des gens, mais aux intérêts mêmes de l’Angleterre, entendus suivant la loi, la mesure et la raison[24].

L’acte de P. Cauchon fut signifié judiciairement, le jour même de sa date, à J. de Luxembourg, dans la bastille du duc campé devant Compiègne. J. de Luxembourg reçut et lut cette pièce en présence du duc et du chancelier de Bourgogne. L’évêque de Beauvais lui-même, présent, appuya, de ses instances orales, cette communication[25].

Jean de Luxembourg ne tint pas plus de compte de la sommation et de l’homélie épiscopales, qu’il n’avait fait de ses précédentes ouvertures. Dans les premiers jours d’août, au plus tard, Jeanne fut transférée de Beaulieu à Beaurevoir, dans le Cambraisis. Ce château, qui appartenait également à Jean de Luxembourg, seigneur de Choques et de Beaurevoir, était en même temps la demeure de sa famille[26].

Madame de Beaurevoir ou de Luxembourg, qu’il avait épousée en 1418, s’appelait, de son nom propre, Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux. A l’époque de la ligue picarde (1424), l’un des conjurés, R. de Longueval, fut amené prisonnier à Beaurevoir. Condamné comme les autres, il devait subir le même sort. Mais Jeanne de Béthune, française de naissance et de cœur, intervint auprès de son époux, et, par ses prières, elle sauva la vie au condamné[27].

Jean de Luxembourg avait également près de lui, à Beaurevoir, sa tante, Jeanne de Luxembourg. Témoin des jours anciens, Jeanne avait vu naître ce neveu et le roi Charles : Jeanne de Luxembourg comptait soixante-sept ans d’âge. Elle était, la propre sœur du cardinal Saint-Pierre de Luxembourg. C’est elle que le bienheureux faisait la confidente de sa vie intime ; à elle qu’il adressa dit-on, la Diète du salut. Jeanne avait elle-même vécu comme une sainte, au milieu des respects et des honneurs du monde. Elle n’avait point pris d’alliance. Comtesse de Ligny, de Saint-Paul, etc., etc., elle s’appelait la damoiselle de Luxembourg. Le sire de Beaurevoir, qu’elle affectionnait avec tendresse, figurait au premier rang de ses héritiers. Jeanne, enfin, survivant seule de sa génération, était l’aïeule, le guide, l’oracle vénéré de la lignée des Luxembourg[28].

Telles furent les deux femmes avec qui la Providence permit que Jeanne la Pucelle se rencontrât dans sa nouvelle demeure. Auprès de ces dames réellement si nobles, la libératrice n’eut qu’à paraître pour se voir, en partie du moins, comprise et appréciée. Les dames de Luxembourg s’émurent, pour elle, d’un bienveillant intérêt. Tout d’abord, les rigueurs de la prison lui furent adoucies par cette compagnie distinguée. Ces dames représentèrent courtoisement à Jeanne un seul point il leur semblait étrange qu’elle ne revêtit pas, à cette heure, après la lutte des camps, les vêtements de son sexe. Elles lui offrirent des étoffes en pièces, afin que Jeanne en disposât souverainement, selon son gré. L’héroïne le confessa : si quelqu’un, ici-bas, eût pu obtenir d’elle ce sacrifice, elle l’eût fait aux dames de Luxembourg[29].

Cependant, nous savons, par d’intimes circonstances, que la femme, à cette heure même, ne se décelait que trop, pour le repos de sa pudeur, en la personne de la Pucelle. Aymond de Macy, âgé de vingt-quatre ans, écuyer de Jean de Luxembourg, se trouvait alors à Beaurevoir. Il se livra envers Jeanne à une tentative, dont les textes authentiques nous ont conservé le témoignage. La tragédie n’avait point, d’ailleurs, atteint sa péripétie. D’ardents projets, pour l’avenir, roulaient encore dans la tête enflammée de la guerrière. Elle ne pouvait pas s’ouvrir de toutes ces choses à ses nobles hôtesses. Jeanne persista donc à garder ses habits d’hommes. Elle répondit à ses bienveillantes compagnes que le temps n’était point encore venu et que Dieu ne lui permettait pas de leur obéir[30].

Jeanne de Luxembourg était la marraine de Charles VII. En 1418, et sur les instances de cette dame, Charles, encore Dauphin, avait activement sollicité en cour de Rome, auprès de Martin V, la canonisation du jeune cardinal. Si Charles VII, en 1430, avait eu des yeux pour voir, un cœur pour sentir, ou l’étincelle d’une royale énergie, les dames de Beaurevoir et la demoiselle de Luxembourg au premier rang étaient des négociatrices toutes-puissantes. Jean de Luxembourg lui-même n’avait-il pas, en août 1429, sollicité, comme ambassadeur de Bourgogne, auprès du roi de France, à Compiègne[31] ?

Jeanne, on l’a vu, devait, aux termes du droit qui régnait alors, posséder personnellement de nombreux prisonniers, tant Bourguignons qu’Anglais. Elle offrait donc ainsi par elle-même à rançon et au centuple. En supposant que le conseil d’Angleterre s’opposât à cet arrange tuent direct, la diplomatie n’y pouvait-elle pourvoir par quelque combinaison ? Un allié neutre et commun, le duc de Savoie, par exemple, pouvait recevoir Jeanne sous séquestre. Evidemment, le succès d’une telle tentative était non seulement possible, mais en quelque sorte immanquable.

Cette tentative, de la part de la couronne, semblait tellement nécessaire et inévitable, que ses ennemis s’en montraient inquiets[32]. Jean de Luxembourg surveillait la Pucelle avec un soin extrême. Il craignait chaque jour, que, par quelque subtil expédient, ou autre, la captive s’échappât. Charles VII n’essaya pas le moindre effort. L’eût-il essayé, La Trimouille se fût dressé devant lui comme une invincible barrière. Mais ce qu’un gouvernement, mille fois ingrat, devait faire, Jeanne de Luxembourg eut la gloire de le tenter[33].

Pierre Cauchon ne perdait pas de vue sa victime. Après avoir échoué à Compiègne, il revint à Beaurevoir, obséder, tenter Jean de Luxembourg. Au mois d’août, les États de Normandie avaient voté les dix mille livres, prix du sang. Pendant le cours de septembre, cet impôt fut levé. L’évêque poursuivait ses démarches. Jean de Luxembourg, perplexe, hésitait ; la lutte du bien et du mal agitait sa conscience : Jeanne de Luxembourg intervint.

Apparemment, elle représenta au comte que livrer, pour de l’argent, cette jeune fille, cette héroïne, serait un meurtre d’abord et de plus une ignominie. L’aïeule était prête à comparaître devant Dieu. Elle fit son testament, le 10 septembre 1430, à Beaurevoir. La princesse, moribonde, adjura son neveu de ne pas souiller de cette tache le blason des Luxembourg. Elle le requit de ne pas livrer la Pucelle aux Anglais[34].

Cependant, à la fin de septembre, Pierre Cauchon avait cessé de visiter le capitaine de Beaurevoir. Le 20 octobre, ordre du roi d’Angleterre donné à Rouen : il prescrit de rembourser au garde de ses coffres un acompte de nobles, avancé par lui pour offrir et présenter en espèces d’or, monnaie d’Angleterre, ces dix mille livres. Les Anglais faisaient de nouveaux progrès en Picardie. Compiègne, réduit à l’extrémité, dévoré par la famine, allait tomber au pouvoir des assiégeants... Jeanne entendit, avec l’ouïe de son âme exaltée, la voix des femmes et des enfants de Compiègne, qu’elle connaissait, et qui combattaient jusqu’au dernier souffle, pour défendre leur ville. Jeanne, sans doute, se savait vendue déjà. Elle tenta une seconde fois de s’échapper.

Jeanne essaya de fuir, non pas, comme on l’a cru jusqu’ici, en sautant du haut de la plate-forme, mais par les fenêtres, en s’aidant de quelque lien ou support. Cet appui lui manqua et se rompit. Elle tomba grièvement meurtrie, au pied de sa prison, où elle fut réintégrée, puis se guérit[35].

Cependant, Guillaume de Flavy soutenait le siège de Compiègne. Une partie des troupes bourguignonnes avait été détachée de ce siège pour faire face, dans le pays de Namur, à une attaque concertée des Liégeois. La situation de Compiègne, néanmoins, était toujours très difficile. Au mois d’août, fut envoyé vers le roi Pierre Crin, pour obtenir quelque nombre de gens ; et le 20 du mois, mit ès mains de Jean de Malpart, receveur de la ville, la somme de cent livres tournois, et tant moins de ce (à compte sur) trois cents livres, données par le roy à la ville pour supporter la despense des gens de guerre. Enfin, du 24 au 28 octobre, Compiègne fut délivrée d’une manière subite et inattendue. La population au désespoir tenta une sortie téméraire qui fut couronnée de succès[36].

Ce jour même (24 octobre), l’armée de secours, qui depuis six mois n’arrivait pas, s’approcha de la ville. Louis de Bourbon, comte de Vendôme, avait fini par rallier environ deux mille fûts de lances, ou hommes d’armes. Le matin, il partit de Senlis, où il avait opéré sa jonction avec le maréchal de Boussac. Louis de Bourbon, en quittant Senlis, fit vœu à Notre-Dame de la Pierre, que s’il ravitaillait les assiégés de Compiègne, il fonderait, dans l’église de Senlis, un service perpétuel en l’honneur de cette Vierge. Les Anglais, embusqués aux portes de Compiègne, vinrent pour lui barrer le passage, au nombre de trois à quatre mille combattants[37].

La population civile et les femmes prirent en queue le corps de bataille anglo-bourguignon et l’attaquèrent avec une extrême intrépidité. Grâce à cette diversion, le comte de Vendôme traversa l’ennemi, sans dommage sensible pour sa troupe. Il pénétra, suivi de ce notable renfort, jusqu’au sein de la ville. La délivrance de Compiègne fut ainsi décidée[38].

Jean de Luxembourg, depuis peu de temps, était revenu devant Compiègne pour activer le siége en personne. La Pucelle avait prédit à son maître d’hôtel, qui la servait dans sa prison, que Compiègne et les autres places qu’elle avait conquises resteraient à la France. Jean de Luxembourg, vaincu et humilié, fut particulièrement sensible à son insuccès devant cette ville. Il leva le siège, courroucé. Vers ce temps, Jeanne de Luxembourg quitta Beaurevoir. Elle fut transportée à Boulogne, où elle mourut le 13 novembre 1430. Ce fut l’arrêt de la Pucelle. Jeanne était perdue[39].

Le seigneur de Beaurevoir, avantagé par sa tante, recueillait une succession litigieuse. La vente de la Pucelle lui aida, sans doute, pour apaiser les réclamations de ses cohéritiers : Louis de Luxembourg, prélat avide et frère de Jean, s’entremit à la consommation du marché. Le 21 novembre 1430, Jeanne était livrée ; elle venait de passer tout récemment dans les mains de l’Angleterre[40].

Jean de Luxembourg se vendait lui-même. Le 2 décembre, il acceptait un nouveau maître et recevait de l’autre main la somme de cinq cents livres pour servir, dans la retenue de l’évêque de Winchester, le cardinal-capitaine des Anglais. Du château de Beaurevoir, Jeanne fut transférée en la ville d’Arras. On l’enferma ensuite au château-fort de Drugy, près de Saint-Riquier, puis au Crotoy[41].

Les lieux qu’on vient de nommer étaient soumis par la force aux Anglais. Mais cette terre avait été le théâtre de luttés glorieuses, soutenues pour la cause de la patrie française. D’illustres morts y avaient déposé leurs os. Ces stations, pour Jeanne Darc, étaient celles d’un pèlerinage et presque d’un triomphe. Dans la ville d’Arras, un Écossais lui montra un portrait d’elle qu’il portait, symbole du culte que lui vouaient ses fidèles. Les dames d’Abbeville firent cinq lieues pour aller la visiter comme une sainte. Les hommages et le respect formaient cortége à la captive[42]. Les Français, à cette époque, occupaient encore çà et là quelques points en Normandie. Ayant de la sorte gagné la lisière du continent, on l’avait soustraite, autant que possible, au contact de la France et à la portée de tout libérateur. Du Crotoy, ses conducteurs la mirent dans une barque et la firent passer en Vimeu. A Saint-Valery, Jeanne prit la mer ; et par la ville d’Eu, puis Dieppe, elle fut conduite à Rouen, la vraie capitale des Anglais[43].

Ainsi, confiée à la mer seule, entre le ciel : et l’eau, cette jeune fille traversait l’espace, entourée de gardes. Et pourtant, ses vainqueurs n’étaient point rassurés. Dans leur île d’Angleterre, sur le sol usurpé de la France, ils tremblaient. Le 12 décembre 1430, Humphrey, duc de Glocester, publiait, à Wyx, un nouvel édit au nom d’Henri VI. Cet édit, signifié aux vicomtes, au constable de Douvres, au garde des Cinq-Ports, sévissait contre les déserteurs que terrifiait la Pucelle[44].

Rouen, nom sombre et sinistre ! Le 28 décembre 1430, Jeanne y était arrivée. A la date de ce jour, P. Cauchon se fit donner des lettres de territoire par le chapitre de cette métropole, le siége vacant. Aux termes du droit canonique, cette autorisation était nécessaire pour que l’évêque de Beauvais, expulsé de son diocèse par ses ouailles, pût exercer juridiction sur le territoire normand. Le 3 janvier 1431, un ordre royal d’Henri VI remit Jeanne entre les mains de P. Cauchon[45].

Vers cette époque, l’héroïne reçut une visite notable. Elle était écrouée depuis peu à Rouen. Jean de Luxembourg, comte de Ligny, qui l’avait vendue, pénétra dans sa prison. Venait-il insulter à sa victime ?... ou peut-être l’image de l’aïeule, naguère ensevelie dans la chapelle funéraire, se dressait devant lui comme un remords et le poussait à cette démarche ?... Il vint accompagné de son frère, le chancelier anglais, et de son écuyer, Aymond de Macy, dont nous avons parlé. Deux lords assistaient aussi à cette entrevue : Richard de Beauchamp, comte de Warwick, gouverneur du roi Henri VI, et Humphrey, comte de Stafford, connétable de France pour le roi d’Angleterre[46].

Le comte de Libny dit à la captive : Jeanne, je suis venu ici pour vous mettre à finance et traiter de votre rançon. Promettez seulement ici de ne plus porter les armes contre nous. — En nom Dé, répondit Jeanne, capitaine, vous moquez-vous de moi ? Me racheter ! vous n’en avez ni le vouloir ni le pouvoir ; non, vous ne l’avez pas ! Et comme le comte insistait : Je sais bien que ces Anglais me feront mourir ; mais fussent-ils cent mille godons de plus qu’il y en a déjà eu en France, ils n’auront pas le royaume ![47]

A ces mots, lord Stafford tira sa dague à demi du fourreau pour frapper Jeanne[48] ; mais Warwick l’arrêta. Ce meurtre eût été plus que le procès : il eût été une faute. Les Anglais ne voulaient pas tuer Jeanne ; il y avait mieux à faire, c’était de la juger.

La scène qu’on vient de rapporter précéda l’ouverture du procès ou fut contemporaine de ses préliminaires.

 

 

 



[1] Procès, t. IV, p. 402, 458 ; N, 165, 358. La Fons-Mélicoq, dans la Picardie 1857, p. 27, 28. Duchesne, Histoire d’Angleterre, 1614, in-f°, p. 1063.

[2] Procès, V, 253. Maan, Turonensis ecclesia, p. 164. Pour Blois et Orléans, cf. H. Martin Hist. de France, 1855, t. VI, p. 233.

[3] Papiers de Rogier, bibliothèque impériale, Ms. s. fr. 1515-2. Dans son extrait, Rogier, selon son habitude et selon toute apparence, a confondu et amalgamé trois lettres, ou dépêches distinctes. Varin, Archives de Reims, t. VII, 168. Procès, t. V, p. 168, 171.

[4] Gallia Christiana. Delettre, Histoire du diocèse de Beauvais, 1842, in-8°, t. II, p. 533. Biographie Didot : Chartres.

[5] Biographie Didot ; Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, au mot Chartres (R. de).

[6] Anselme et Biographie Didot : La Trimouille.

[7] Ms. 9676, 2, 2, Colbert, f° 93 et suiv.

[8] Anselme et Biographie Didot, articles La Fayette. Ci-dessus.

[9] Berry dans Godefroy, p. 376. A Paris, le gouvernement anglais confisqua tous les biens des Armagnacs. Mais Jean de Jonvelle occupa l’hôtel de la Trimouille (rue des Bourdonnais) et le conserva de la sorte à son frère. Sauval, Antiquitez de Paris, t. III, p. 311.

[10] Biographie Didot. J. J. 117, pièce n° 209, f° 139 et 140. R. de Chartres prêtait également sur gages à Charles VII. Après la mort du chancelier, ses héritiers détenaient encore la ville de Vierzon que R. de Chartres avait reçue comme nantissement de divers prêts, s’élevant à dix mille écus d’or. X. X. 8593, f° 79. Anselme. Etc.

[11] Çurita, Annales de Aragon ; Çaragoça, 1610, in-folio, liv. 13, ch. XLIX, f° 184 v°.

[12] Monstrelet, liv. II, ch. LXXXVI.

[13] Monstrelet. Fenin. Vignier, Hist. de la maison du Luxembourg, 1617, in-8°, p. 253. Michelet, Histoire de France, t. V, p. 111.

[14] Procès, t. I, p. 9, note 1, et p. 12.

[15] Cagny, Procès, t. I, p. 352. La Pucelle, vers la fin de mai, fut conduite à Noyon, demeure de Philippe le Bon. Là, elle fut présentée au duc et à la duchesse, puis amenée à Beaulieu. Cl. Hémerée, Augusta Viromanduorum, 1653, in-4°, p. 315. Cf. Monstrelet d’Arcq, IV, 398 ; Procès, IV, 397.

[16] Journal de Paris. Panthéon, p. 686. P. Cauchon, p. 476. Cab. des titres, dossier Morhier. Proceedings, etc., t. IV, p. 52. Rymer, t. IV, partie IV, p. 164.

[17] D. Grenier, t. XX bis, f° 11. D. Gillesson, p. 95. — 1430, 29 mai : le comte de Vendôme envoie savoir si les habitants de Senlis veulent tenir le party du roy. (Bernier-Mallet, p. 21.)

[18] La Picardie, p. 28. Monstrelet, ch. XCI. Lettres de Reims. A Compiègne, les messages vers le roi se renouvellent et se succèdent sous les dates des 26 mai ; 10, 12 et 23 juin ; 3 juillet, etc., etc., (D. Grenier, t. XX bis, f° 13 et suiv. Bullet. Soc. hist. fr., 1861, p. 176.)

[19] Lettres de Reims. Dom Grenier, ibidem. Itinéraire.

[20] Procès, t. I, p. 163, 249. Chronique de Tournay, p. 415.

[21] Procès, t. I, p. 9. Quelles sont les tentatives auxquelles il est fait allusion dans cette lettre ? L’histoire ne nous a laissé aucun enseignement précis à cet égard. Voy. ci-après, note 32.

[22] Procès, I, 13 et 14.

[23] Voir à ce propos la sollicitude généreuse de la Pucelle pour les prisonniers français : Montreuil, 319.

[24] Pierre du Lis, frère de Jeanne, combattait auprès d’elle à Compiègne. Fait prisonnier en même temps que sa sœur, il tomba au pouvoir d’un Bourguignon, le bâtard de Vergy. Pierre du Lis obtint du roi Charles VII un secours, consistant dans le produit des hauts passages (droit sur les marchandises) du bailliage de Chaumont. Cette aide lui servit à payer le prix de son élargissement, et Pierre du Lis ne tarda point à recouvrer sa liberté (Procès, V, 210, 321).

[25] Procès, t. I, p. 14, 15 ; t. V, p. 264.

[26] Procès, t. I, p. 109, 110.

[27] Jeanne de Béthune était veuve de Robert de Bar, tué en 1415, à Azincourt. Elle favorisa toute sa vie le parti national. Ces sentiments parurent de nouveau après la mort de son mari. Voir à cette époque une transaction (8 juillet 1441) entre elle et son très chier et amé cousin B. de Longueval. Histoire de la maison de Béthune, liv. V, chap. III, et preuves, p. 233.

[28] La Diète du salut, en prose. Biographie Didot et sources citées, ibid. Monstrelet, livre II, chap. XCXIII.

[29] Procès, t. I, p. 95, 96.

[30] Procès, III, 121. ... Une fois, on lui volt (voulut) faire de son corps déplaisir ; dit à ce sujet le Journal de Paris, mais elle saillit, etc. (Dans les Procès, t. IV, p. 470).

[31] Bollandistes, Saint-Pierre de Luxembourg, t. I, du mois de mai, p. 617.

[32] Tel est sans doute le véritable sens des termes que nous avons signalés ci-dessus, note 21.

[33] Procès, t. IV, p. 262.

[34] Procès, t. I, p. 231 ; t. V, p. 178, 179, 195. Anselme, art. Jeanne de Luxembourg. — Monstrelet, Panthéon, p. 630, 631. Procès, t. V, p. 191, 196, 369.

[35] ... Fu enfin amenée à Beaurevoir, là où elle fu par grant espace de tamps ; et tant que, par son malice, elle en quida escaper, par les fenestres. Mais ce à quoy elle s’avaloit, rompy. Se quéy jus de mont à val ; (elle tomba ainsi à pic de haut en bas) et se rompy près (pour ainsi dire) les rains et le dos. De lequelle blechure, elle fut long tamps malade ; et depuis ce qu’elle fu garie, fut elle délivrée aux Engloix par aucuns moyens et traitiés d’argent, etc. Chronique des cordeliers, n° 16, f° 198, v°. Cette Chronique paraît avoir été composée à Cambray ou dans le Cambraisis, à deux pas de l’événement. Cf. Procès, I, 110, 150, 152 ; Aperçus nouveaux, p. 56.

[36] Compiègne obtint aussi du roi des délégations ou mandats de contributions en nature, sur diverses villes voisines, telles que Senlis et autres. L’abbesse et les religieuses de S. Jean hors Compiègne contribuèrent, dès le principe, à la défense, en cédant à la ville le merrain, ou bois de charpente et du plomb pour l’artillerie : plommés... pour les canons à main, doubles à lancer. La courageuse cité s’obéra grièvement. D. Grenier, f° 10 à 20. D. Gillesson, p. 95 à 746 passim. Monstrelet, Ch. LXXXIX, XC, XCVI. Procès, V, 177.

[37] Procès, ibid., 369. D. Grenier, t. LXXXIX, p. 271 ; LIV, p. 164. Gagny, chap. CXIII. Ms. des Cordeliers, n° 16, f° 500 et suiv.

[38] Fidèle à son vœu, Louis de Bourbon fonda, par lettres du 20 décembre 1430, en l’église de Senlis, quatre livres tournois de rente perpétuelle, pour accomplir un service commémoratif de cet événement. Charles VII rendit à Chinon, le 18 du même mois, une ordonnance qui conférait aux bourgeois de Compiègne et à perpétuité d’insignes privilèges, en récompense de leur belle conduite. D. Grenier, ibid. et t. XX bis, f° 14, 15, 17. Ordonnances, XV, 365.

[39] Chronique de Tournay. Monstrelet. Cagny, p. 35. Anselme, gr. édit., III, 724. L’échec de Compiègne fut également pour le duc une source d’inconvénients. Suivant le Journal de Paris, il quitta le siège pour soigner la duchesse en couches (Panthéon, p. 688). Un document plus grave montre que cet insuccès devint entre le duc et le gouvernement anglais un texte de récriminations assez aigres, puis un notable sujet de dissentiment. Ce motif contribua enfin à la rupture. Collection ms. de Bourgogne ; t. X, (layette d’Arras), p. 385.

Développements sur le siège de Compiègne.

En ce temps (vers juin), estoient les pons et les passages assis sur la rivière devant Compiègne et y passèrent les Angloix premiers, atout 4.000 hommes, qui coururent le pais et jusques à Senlis et environ ; et y eult plusieurs coursses faietés de ceulx dud. Senlis et de Creil sur ceulx de Post dud. siége et ainsi se passa le tamps, en faisant bayes et trencquis parmy le bois, affin de luy logier plus seurement de là l’yawe (l’eau). Et tousjours salloient et s’efforchoient ceulx de la ville sur ceulx de l’ost à leur avantaige et y prirent plusieurs les prisonniers ; et entre les autres Guy de Roye, cousin bien prochain à la dame de Biaurevoir, et ung autre gentilhomme, englès, avec luy. Et si, avoient dedens ladicte ville grant plenté de petis engiens nommés culeuvres (ou plommées, canons à main, voy. note 36), les quelx estoient de métal de cœuvre (cuivre) et trayoient boules de ploncq qui perchoient ung homme d’armes tout oultre, comme ilz faisoient (perçaient) deux ou troix fortes croustes de quesne (écorces de chêne). Ces engiens là firent moult de maulx et occirent moult de gens du siège ; mais pau (peu) d’engiens furent assis ne gettés, de dehors, dedans la ville, pour ce que on le contendoit avoir entière. (Chron. des Cordeliers, n° 16, f° 500.)

Le venredi 4e jour d’aoust audit an trespassa le duc Phelipe de Brabant à Louvain ; de laquelle mort s’esmeu grand distord et contend entre la dame doagière de Haynau, qui estoit son ante (sa tante), et le duc Phelippe de Bourgoigne, qui estoit son cousin germain..... Et enfin convint-il que led. duc se partesist du siège de Compiengne, pour aller audit pays de Brabant ; et laissa son oost devant ledit Compiengne ; de laquelle oost furent chiefs messire J. de Luxembourg, et le seigneur de Saveuses avec les contes d’Arondel et d’Outiton. (Huntingdon.) — (Ibid.)

..... Le 24e j. du mois d’octobre, tu le siège de Compiengne levé par Poton de Sainte-Treille, Lahire, Barbazan, le seigneur de Boussach et autres tenans le party du roy Charles, qui s’estoient assamblés à grant puissance..... — Sortie des hommes et femmes ; incendie par eux des ouvrages de l’ennemi. Nombreux assiégeants pris et tués. — Les assaillants, continue le chroniqueur, attendu que ilz estoient pau de gens, car le plus grant partie de leur oost s’estoit partie par défaulte d’argent, si eurent conseil de rapasser l’yawe... et par ainsi fu l’endemain le siège désemparé. (Ibid. f° 502, 503.)

[40] Monstrelet, liv. II, ch. XCIII. Cagny, ibid. Procès, I, 17. La devise de Jean de Luxembourg était, un chameléon (chameau) qui, à force du grand fardeau qu’il porte, culbite par terre avec cette âme : Nemo ad impossibile tenetur (à l’impossible nul n’est tenu). Le Mausolée de la Toison d’or, 1689 in-8°, p. 14.

[41] Proceedings, etc., IV, 72. Procès, t. I, p. 100, 292 ; t. V, p. 358.

[42] Procès, ibid., p. 360 et suiv.

[43] Procès, III, 63, ibid. Jeanne, vraisemblablement, fut conduite de Dieppe à Rouen, par terre et à cheval. En effet, dans les premiers temps de sa détention à Rouen, elle était encore blessée par suite de l’équitation.

[44] Rymer, t. IV, partie IV, p. 165. Procès, t. V, p. 192. De fugiticis ab exercitu, quos terriculamenta Puellœ exanimaverant, arrestandis. Cet édit fut renouvelé à Rouen le 1er février 1431, en présence du roi Henri VI, et durant la captivité de la Pucelle. Ordre d’emprisonner les commissaires des guerres qui se refusaient à réunir les troupes, en Normandie. (Ms. Fontanieu, 115-6.)

[45] Procès, t. I, p. 18, 21 ; t. IV, 265.

[46] Procès, III, 121, 122.

[47] Procès, III, 121, 122.

[48] Cf. Procès, III, 139, 140. — La Pucelle, selon toute apparence, était dès lors et en ce moment même enchaînée. Nous reviendrons, plus loin, sur cette particularité.