HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE IV. — JEANNE DARC - 1429-1431.

CHAPITRE III. — Jeanne Darc. Campagne de Picardie et de Paris (du 17 juillet au 13 septembre 1429).

 

 

Il était d’usage que les rois de France, après leur sacre, et le même jour, se rendissent à Corbeny, pour y toucher les écrouelles. Un notable incident ne permit pas à Charles VII de se conformer ponctuellement à cette coutume.

Le 17, jour du sacre, avant la cérémonie, Jeanne Darc écrivit une seconde lettre au duc de Bourgogne. Dans cette dépêche, elle se plaignait de ce que le hérault, porteur de sa première missive, n’était pas de retour et de ce que le prince n’avait point répondu à son appel. Quelque fût l’hostilité de Philippe le Bon, le duc ne se sentait point complètement assuré dans ce rencontre. Le défaut pur et simple du vassal, en pareille occasion, pouvait entraîner contre le défaillant, de rigoureuses conséquences. D’ailleurs, l’astre de Charles VII montait à l’horizon : Philippe ne conservait à l’étoile pâlissante des Anglais, qu’une foi chaque jour plus tiède et plus ébranlée.

Ce jour même, 17 juillet 1429, à l’insu de Jeanne, ou après le départ de son message, les ambassadeurs de Bourgogne arrivèrent à Reims. Ils vinrent au nom de Philippe le Bon, saluer le roi de France et lui apporter des offres d’accommodement. Cependant Antoine de Toulongeon, maréchal de Bourgogne, publiait le ban de guerre dans tous les bailliages de ce duché. Les nobles et gens d’armes, d’après ce mandement, devaient s’assembler à Châtillon-sur-Seine le vingt-huit juillet, pour s’opposer au dauphin, qui voulait se faire couronner à Reims[1].

Le duc de Bourgogne, en effet, commençait à subir les conséquences de la fausse position qu’il avait embrassée. Sa politique, et nous y reviendrons bientôt, consistait toujours à se faire courtiser en même temps par Henri VI et par Charles VII. Rusant des deux parts, il jouait un double jeu tendant à duper l’un et l’autre.

Au moyen de ces vaines conférences, les envoyés bourguignons amusèrent, à Reims, pendant quatre jours, le roi de France et son conseil. Puis ils s’éloignèrent sans rien conclure. Charles VII quitta Reims le 20 et se rendit à Corbeny ; là se trouvait un prieuré dépendant de Saint-Remi de Reims. Ce monastère était placé sous l’invocation d’un saint appelé Marculfe, qui, de son vivant, dit-on, avait été prince du sang royal[2].

La langue vulgaire, en se formant, changea le nom de Marculfus en Marcou. Il n’en fallut pas davantage pour que les fidèles invoquassent particulièrement l’intercession de ce saint, afin d’en obtenir la guérison des écrouelles. Une maladrerie spéciale était annexée à ce monastère, qui recevait, tous les ans, de nombreux pèlerinages. Une tradition ancienne attribuait particulièrement aux rois de France, nouvellement sacrés, le pouvoir de guérir, par l’apposition des mains, cette maladie[3].

Après avoir fait ses offrandes, ses oraisons, et touché les malades, le roi se dirigea par Vailly, petite ville du domaine de l’archevêque de Reims, qui reconnut immédiatement son autorité. Un grand nombre d’autres places appartenant à la province ecclésiastique de Reims, ou de Picardie et de Champagne, imitèrent cet exemple. Soissons, Laon, Château-Thierry, Provins, Coulomiers, Crécy en Brie, Compiègne, etc., redevinrent spontanément français[4].

Après la bataille de Patay, plusieurs conseillers du roi, notamment le duc d’Alençon, dont les domaines à reconquérir se trouvaient sur la lisière du Maine, voulaient marcher en armes vers la Normandie. La Pucelle insista pour opérer d’abord la campagne de Reims, qui en un seul jour, disait-elle, faisait du dauphin le roi de toute la France. Elle rallia ou entraîna Charles VII, ainsi que le conseil, à cette dernière résolution. Mais Bedford, aussitôt que les Anglais eurent perdu la ligne de la Loire, concentra d’abord ses forces au sein de la Normandie. Il y rencontra en effet le connétable de Richemont, qui, ne pouvant souffrir l’inertie à laquelle on le condamnait, alla guerroyer contre l’ennemi dans cette province[5].

Le 4 juillet 1429, le gouvernement anglais assignait une somme de cinq mille marcs, sur la rançon du duc de Bourbon, pour la solde de la garnison de Calais. C’est ainsi qu’en dépit du testament d’Henri V, les Anglais se voyaient forcés d’entendre à la libération des princes français, prisonniers d’Azincourt. A force de ruse vis-à-vis du saint-siège, et avec l’argent prêté par Martin V, le conseil privé réunit en Angleterre une nouvelle armée de cinq mille hommes. Ces forces étaient censées destinées à combattre les Hussites de Bohême : le cardinal de Winchester en prit le commandement[6].

En France, il s’agissait de remonter le moral des populations, chaque jour plus refroidies, plus craintives, et de réchauffer également l’alliance du Bourguignon. Le 15 juillet 1429, Paris eut le spectacle d’une véritable scène, à la fois théâtrale et politique, dont l’impresario était le régent de France, duc de Bedford. Après une procession, accompagnée de sermon, le grand conseil et le parlement se réunirent, à la Table de marbre du palais, en présence du régent et du duc de Bourgogne. Sur ce théâtre, consacré aux Sotties et Moralités, on lut publiquement le traité du Ponceau (juillet 1419). Puis, le chancelier pour les Anglais fit un récit pathétique du meurtre de Montereau, suivi, à point nommé, de murmures d’indignation. Le final ou dénouement fut un serment général de haine à la patrie, et d’amour en faveur du gouvernement étranger. On profita de cet enthousiasme pour changer le prévôt des marchands et les échevins, devenus inopinément suspects. Toutes les autorités furent contraintes à renouveler le serment anglais[7].

Dans le même temps, le duc de Bourgogne promettait au régent Bedford une armée de secours. Le régent s’engagea de lui payer vingt mille livres, et de lui remettre des joyaux qui lui permissent d’emprunter une somme égale, au compte du roi d’Angleterre. Pierre Surreau, trésorier du régent, porta le numéraire à Arras, entre les mains du receveur ducal. Mais le duc ne fournit point d’armée l’eût-il voulu de bonne foi, ce résultat dépassait alors sa puissance. Aux termes stricts du droit féodal, les Flamands et les Picards du nord se refusaient à servir le duc hors de leur pays, et à l’aider dans sa guerre contre les Français[8].

Bedford, en attendant, adressait au conseil privé message sur message. Répondant à ses pressantes instances, le cardinal d’Angleterre, accompagné de ses cinq mille hommes, arriva le 25 juillet à Paris. Une division de ce corps arbora sur son drapeau des symboles contenant une allusion satyrique à la Pucelle. Le capitaine de cette division avoit fait faire ung estendart tout blancq, dedens lequel avoit une queunelle chergié de lin, à quoy pendoit ung fuisel ; autour, du tille, comme à moitiet fusée ; et y estoit entresemé, en plusieurs lieus, de fusiaux, et avoit escript : Or viegne la belle ! en signeflant qu’il lui donroit à filler[9]...

Ces merveilleux succès, qui se propageaient chaque jour en faveur de la cause royale, étaient l’œuvre de la Pucelle. Le peuple, la nation française ne s’y trompaient pas. Ils saluaient la libératrice d’une admiration, d’un respect et d’un enthousiasme unanimes. Mais il n’en fut point ainsi dans les hautes régions de la politique et du gouvernement.

Les obstacles les plus pénibles, les ennemis les plus redoutables que Jeanne devait rencontrer sur son chemin, elle les trouva chez ceux-là même qui auraient dû être pour elle les premiers des auxiliaires. Après toutes les épreuves préliminaires qu’elle subit, il lui fallut compter encore avec la jalousie des grands, avec les passions basses et mauvaises, qui habitent trop souvent l’asile du pouvoir. Dès le premier jour de sa carrière, commença ainsi, pour l’héroïne, un second et navrant martyre.

Le jour même où elle partait de Blois vers la ville assiégée, Jean, bâtard d’Orléans, la trompait et désobéissait à son commandement. Peu de temps après, un conflit d’autorité éclatait au milieu du siége, entre Jeanne et le gouverneur d’Orléans, Raoul de Gaucourt. La Trimouille, R. de Chartres entretenaient contre elle une hostilité, longtemps couverte d’un masque hypocrite, mais qui, dans leur cœur, ne cessa jamais d’exister et de grandir[10].

A l’époque où nous sommes parvenus, il y avait déjà, dans l’État, deux conseils et deux politiques : le conseil et la politique du roi, le conseil et la politique de la Pucelle. Entre ces deux autorités, la séparation, la divergence, même l’antagonisme, se manifestaient quotidiennement, et de plus en plus. Chaque mesure proposée par l’héroïne était presque toujours, non seulement critiquée, mais contrecarrée sourdement par les ministres.

La Pucelle, en quittant Reims, voulut conduire le roi droit à Paris. La Trimouille, plein du respect intéressé qu’il avait manifesté, à Auxerre, pour le duc de Bourgogne, désapprouva cette hardiesse. L’idée fixe de La Trimouille était de négocier avec le duc. De cette œuvre de dupe, de cette chimérique entreprise, le diplomate R. de Chartres fit son affaire et son honneur personnels. Le cabinet de Charles VII, pendant cinq ans encore, devait s’aveugler sur ce mirage, et ne connut point d’autre programme[11].

Vers les premiers jours d’août, contre le gré de la Pucelle, des trêves et un traité secret furent conclus, entre le, roi et ce grand vassal. Celui-ci promettait de délivrer Paris, sans coup férir, dans un délai de quinze jours. Le 3 août, Charles VII et ses conseillers, rassasiés de gloire, décidèrent qu’ils retourneraient en Berry. La cour était alors à Provins ; on envoya des fourriers à Bray, où il y avoit un bon pont, pour passer la Seine en cette ville. Heureusement, les Anglais arrivèrent pendant la nuit à Bray : ils attaquèrent et détroussèrent l’avant-garde royale, qui, devant cet obstacle, prit le parti de rebrousser chemin[12].

Ici se place un remarquable épisode qui a suscité de vives controverses parmi nos modernes historiens. Écoutons d’abord, sur le fait, Cousinot de Montreuil, auteur de la Chronique de la Pucelle. La vigille de la Nostre-Dame, mi-août, dit-il (14 août), le roy, par le conseil des seigneurs et capitaines, s’en retourna à Château-Thierry, et passa outre avec tout son ost vers Crespy en Valois, et se vint loger aux champs, assez près de Dammartin ; et le pauvre peuple du pays crioit Noël ! et pleuroient de joie et de liesse[13]...

Jeanne, ajoute un témoin oculaire, acteur de la scène, chevauchait entre Dunois et l’archevêque de Reims, chancelier de France. Laquelle chose, la Pucelle considérant, continue Montreuil, et qu’ils venoient au-devant du roy en chantant Te Deum laudamus et aucuns respons et antiennes, dit au chancelier de France et au comte de Dunois : En nom Dieu, voicy un bon peuple et dévot, et quand je devrai mourir, je voudrois bien que ce fût en ce pays !

Et lors ledit comte de Dunois lui demanda : Jeanne, sçavez-vous quand vous mourrez, ne en quel lieu ? Et elle respondit qu’elle ne sçavoit et qu’elle en estoit à la volonté de Dieu. Et si dit oultre aux dits seigneurs : J’ay accomply ce que Messire (Dieu) m’a commandé, de lever le siége d’Orléans et faire sacrer le gentil roi. Je voudrois bien qu’il voulût me faire ramener auprès mes père et mère, et garder leurs brebis et bestail, et faire ce que je soulois[14] faire... Et quand les dits seigneurs ouvrent la dite Jeanne ainsi parler et que, les yeux au ciel, remercioit Dieu, ils creurent mieulx que c’estoit chose venue de par Dieu qu’autrement[15].

Dans ces paroles, croyons-nous, la Pucelle n’exprimait pas ouvertement sa pensée. Coupe ou calice, l’héroïne devait épuiser, jusqu’au fond, jusqu’à la lie, ce breuvage où ses lèvres avaient trempé. Non, elle ne regrettait pas les humbles occupations de son enfance, qu’elle avait oubliées pour de plus grands travaux. Si Jeanne, après le sacre, eût voulu sérieusement retourner à ses brebis, le roi n’avait-il pas assez pitié d’elle ? Les ministres, R. de Chartres et Dunois lui-même, en ce cas, de concert avec le maître, l’eussent unanimement conviée à se reposer !

Mais Jeanne, armée de sa pénétration féminine, perçait à jour l’habile chancelier. Elle aussi, dans son langage, se montrait diplomate. La veille, elle disait à l’ex-Bourguignon : je ne crains que d’être trahie. Aujourd’hui, la même plainte, sous une forme également détournée, s’échappait de son âme. Devant cet archevêque de peu de foi, elle prenait à témoin la naïve piété des humbles populations qui l’entouraient et le cordial abandon de leur confiance. Ce à quoi R. de Chartres et Dunois, te froid et attrempé seigneur, comme l’appelle Jean Chartier, répondirent en demandant à l’infortunée le lieu et la date de sa mort. A cette question, Jeanne émet pour réplique une douloureuse hypothèse, sorte de terme moyen entre la justice qui lui était due et la fin dont elle se sentait menacée.

Le 4 août 1429, Jean de Bedford quitta Paris et dirigea, par Corbeil et Melun, vers la Brie, l’ensemble de ses forces, y compris le contingent destiné aux Hussites. Le 7, Bedford écrivit au roi, de Montereau, une lettre dans laquelle il le défiait personnellement. Le régent proposait un rendez-vous en Brie ou en Ile-de-France, pour vider la querelle des deux rois, soit par le moyen de paix non feinte et pardurable, soit par la voie des armes. Les deux armées se rejoignirent vers Mitry-en-France[16].

Du 15 au 17, Jean de Lancastre et le roi Charles VII se trouvèrent aux champs, en présence, sous les murs de Senlis. Mais les deux partis s’observaient à ce point que le conflit se borna, pour tout résultat, à d’insignifiantes escarmouches. Bedford, rappelé à Paris par des transes continuelles, quitta la place avec son armée et se replia encore une fois sur la capitale. Charles VII entra le 18 à Compiègne, qui venait de se déclarer pour sa cause[17].

Cependant le nom seul et la présence de la Pucelle reconquéraient, au profit du roi Charles, et sans coup férir, le territoire usurpé. Firent obéissance au roi, dit Monstrelet, Beauvais, Creil, Pont-Sainte-Maxence, Choisy, Gournay-sur-Aronde, Remy, La Neuville-en-Hez, et de l’autre côté Mognay, Chantilly, Saintines et plusieurs autres... La ville de Senlis se soumit également et reçut à cet effet des lettres d’abolition, signées du roi à Senlis le 22 août 1429. Pour vérité, ajoute le chroniqueur bourguignon, s’il (si le roi), à toute sa puissance, estoit venu à Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville et plusieurs autres villes et fors chasteaulx, la plus grande partie des habitans d’ycelles estoient tout pretz de le recepvoir à seigneur, et ne désiroient au monde aultre chose que de lui faire obéyssance et plaine ouverture. Toutefois il ne fut pas conseillé de luy traire si avant sur les marches du duc de Bourgogne[18]. »

Loin de là, Regnauld de Chartres, accompagné de Chr. d’Harcourt, de Raoul de Gaucourt et autres ambassadeurs, se trouvait le 16 août à Arras, pour traiter de paix avec les Bourguignons et les Anglais. Charles VII faisait offrir à Philippe le Bon les propositions suivantes : Le roi devait s’excuser du meurtre accompli à Montereau ; une chapelle expiatoire serait élevée à ses frais sur le théâtre du crime. Le duc garde toutes ses possessions, prérogatives, pensions, avec de nouvelles terres qui lui seront données. Il sera dispensé pendant sa vie de tout hommage envers la couronne. Quant aux Anglais, Charles Vil leur abandonnait à charge d’hommage, la Guyenne, non seulement telle qu’ils la possédaient actuellement, mais avec extension, en leur faveur, de limites jusqu’à la Dordogne. Moyennant cette dernière concession, les Anglais devaient remettre en liberté les ducs d’Orléans et de Bourbon, les comtes d’Eu, d’Artois et d’Angoulême, soit gratuitement, soit au prix de finance raisonnable[19].

Du 18 au 28 août, Charles VII prit son séjour à Compiègne. Jean de Luxembourg, personnage le plus considérable, après le duc, des États de Philippe le Bon, vint y trouver le roi de France : de nouveaux pourparlers eurent lieu. Le roi homologua et ratifia en grande partie les articles délibérés à Arras ; le 28, de nouvelles trêves furent stipulées entre le roi et le duc. Ces trêves devaient courir jusqu’au 25 décembre et comprendre « tous les pays de çà la rivière de Seine, depuis Nogent-sur-Seine jusqu’à Harfleur, avec le Ponthieu, Amiens, Noyon et Thérouanne. Le traité réservait expressément au duc le droit d’employer ses personne et force à la défense de Paris. Bref, un historien du temps apprécie et résume en termes très justes le résultat de ces conférences. Jehan de Luxembourg, dit-il, fist moult de promesses de faire la paix entre le roy et le duc de Bourgogne : dont il ne fist rien, sinon le décevoir[20].

La Pucelle ne méconnaissait point les ménagements qui devaient être observés à l’égard du duc de Bourgogne. Le meurtre de Montereau, sur lequel elle eut à s’expliquer, lui apparaissait comme un crime détestable et qu’il importait de désavouer. Politiquement elle y voyait une tache compromettante et une faute des plus graves à effacer. Mais, pour cela, elle ne prosternait pas avec bassesse, devant une victime peu innocente, telle que Jean sans Peur, la dignité de la couronne. Elle ne lui sacrifiait pas, ainsi que le faisaient les ministres de Charles VII, jusqu’aux droits de l’État et de la nation. Sa rectitude de jugement, la droiture de son âme lui inspiraient à ce sujet une élévation de vues et de sentiments que l’on rencontre rarement chez les politiques de profession. Comme contraste avec les actes diplomatiques de la Trimouille et de R. de Chartres, on peut lire la lettre que la Pucelle écrivit de Reims au duc Philippe. On y trouvera, sur ce thème difficile, un modèle de sagesse, d’honnêteté, de justice à la fois délicate et noble[21].

La Pucelle profita d’un intervalle entre deux de ces trêves impolitiques, à l’aide desquelles Philippe le Bon, auxiliaire des Anglais, décevait le cabinet de Charles VII. Elle partit de Compiègne, le 23 août 1429, avec le duc d’Alençon et une belle compagnie de gens de guerre. Le 26, elle occupait militairement Saint-Denis. Charles VII alors se vit forcé de quitter. Compiègne et se porta jusqu’à Senlis que la Pucelle venait de recouvrer et qui lui ouvrit ses portes. Il vint à grand regret, dit Perceval de Cagny, jusquez en la ville de Senlis ; et sembloit qu’il Fust conseillé au contraire du vouloir de la Pucelle, du duc d’Alençon et de ceulx de leur compaignie[22].

Le duc de Bedford commençait à sentir le poids de l’héritage que lui avait légué son frère Henri V. En faisant face aux cruelles difficultés qui l’accablaient, le régent de France croyait accomplir un devoir d’honneur. Il s’agissait de conserver à son pupille Henri VI le dépôt qui lui avait été confié. Il ne se dissimulait pas la dure position faite à son orgueil. Condamné à ne subsister en France que par la grâce de Philippe le Bon, la Normandie était le seul point où il se sentit quelque assurance. Beauvais et Aumale venaient de se déclarer pour Charles VII. Lorsque la Pucelle parut à Saint-Denis aux portes de la capitale, l’anxiété du régent fut extrême. Il comprit avec raison que sa présence et son action à Paris seraient plus propres à causer la perte des Anglais qu’à les sauver. Philippe, duc de Bourgogne, portait du moins le nom de Français. Laissant donc à ce prince le commandement de la capitale, il se dirigea de nouveau vers la Normandie[23].

Le 27 août, Bedford était à Vernon. Tout ce qui pouvait porter les armes avait été levé en masse et devait venir passer à la montre devant les baillis respectifs. Le mandement comprenait tous les Anglais et Normands de la province. Aussitôt formées, ces troupes avaient ordre de se porter à marches forcées pour défendre la capitale. Comme les baillis succombaient à la peine, des commissaires extraordinaires furent institués pour opérer hâtivement ces revues. Le gouvernement anglais, à court de finances, fit main basse, pour payer ces dépenses de guerre, sur les dépôts civils conservés dans les greffes du parlement[24].

Le 7 septembre, la Pucelle, après avoir soumis Lagny, vint camper à La Chapelle. Elle avait en sa compagnie le duc d’Alençon et le comte de Clermont, les maréchaux de Rais et de Boussac, suivis d’environ 12.000 hommes. La capitale était défendue par la population civile, en partie bourguignonne, et par une garnison de deux mille hommes. L’évêque de Thérouanne, chancelier de France pour les Anglais, Jean Rattley ou Rathelet, chevalier anglais, Simon Morbier, prévôt de Paris, anglo-bourguignon, le sire de l’Ile-Adam et quelques autres chefs de guerre envoyés par Philippe le Bon, exerçaient le commandement militaire. Les vingt-quatre quarteniers, ou capitaines de la milice parisienne, furent chargés de pourvoir, chacun dans leurs quartiers, à la défense de la ville[25].

En avant et en arrière des diverses portes qui donnaient accès dans Paris, on avait construit des barrières de bois. Des fossés remplis d’eau et des contre-fossés, munis de remblais ou boulevards, régnaient tout autour de l’enceinte. Des canons et des munitions d’artillerie garnissaient les murs, ainsi que les points élevés du périmètre de la ville. Charles VII avait sa résidence en l’abbaye de Saint-Denis : le cas échéant, il pouvait, à cette distance, profiter de la victoire et recouvrer sa capitale ; dans le cas contraire, il ne compromettait ni sa majesté, ni sa personne. L’attaque des assiégeants fut principalement concertée entre la Pucelle et le beau duc son officier fidèle. Le corps de ville reçut des lettres pleines de courtoisie, scellées aux armes du duc d’Alençon, qui invitaient les Parisiens à reconnaître l’autorité du roi Charles. Une amnistie générale (comme il était de règle) fut annoncée au nom du roi[26].

La journée du 7, consacrée aux approches, s’était passée en observation de la part de Jeanne et en escarmouches. Le lendemain 8, jour de la Nativité de la Vierge, la Pucelle résolut de donner l’assaut, malgré son respect pour cette solennité. Le matin à huit heures, elle partit de La Chapelle, suivie des mêmes forces que la veille et d’un matériel de siége. Raoul de Gaucourt se joignit à l’expédition. La Pucelle et ses principaux lieutenants, ou compagnons d’armes, se- portèrent, au milieu des champs, vers une butte voisine de la porte Saint-Honoré. Cet emplacement s’appelait alors le Marché-aux-Pourceaux[27].

Le seigneur de Saint-Vallier poussa une pointe heureuse jusqu’à cette porte. Il incendia les barrières, prit le boulevard et refoula les défenseurs, qui escarmouchaient an dehors, jusque dans l’intérieur de l’enceinte. La Pucelle alors jugea le moment venu de pratiquer l’assaut. Les fossés étaient remplis : mais Jeanne ignorait leur profondeur. Et si en avoit aucuns, au dit lieu, parmi les assiégeants, qui le sçavoient bien, et selon ce qu’on pouvoit considérer, eussent bien voulu, par envie, qu’il fust meschu (qu’il arrivât mal) à la dite Jeanne[28].

Cependant elle franchit le contre-fossé qui était à sec, et monta sur le dos-d’âne ou remblai qui séparait le contre-fossé du fossé. Armée de sa lance et exposée comme une cible au tir des assiégés, elle sondait elle-même la profondeur de l’eau, en ralliant, de sa parole, ceux qui la suivaient. Dans ce moment, un trait lancé de la place effleura l’une de ses cuisses et traversa l’autre de part en part : Jeanne fut mise ainsi hors de combat. Au même instant, son porte-étendard, blessé d’abord au pied, tomba mortellement atteint d’une flèche, qui le frappa entre les deux yeux[29].

La Pucelle, sans désemparer, se fit porter près d’un épaulement de terre ou dodine, qui la protégeait contre le tir ennemi. Malgré sa cruelle blessure, elle ne cessa point de diriger l’action, animant la troupe de ses pressantes instances. L’assaut se poursuivit en effet avec une certaine vigueur. Des intelligences politiques existaient, de tout temps, dans la capitale en faveur du roi Charles. Une partie de la population civile remplissait, ce jour-là, les églises et assistait au sermon. Au milieu du jour et pendant le plus fort de l’assaut, soudain un cri public s’élève dans les rues et se propage parmi la foule : Tout est perdu, voici l’ennemi, sauve qui peut ! A ce bruit qui gagne l’intérieur des églises, les fidèles désertent précipitamment le service religieux et se retirent en tumulte. Mais cette commotion spontanée ou artificielle s’arrêta bientôt[30].

Les assaillants étaient privés de l’activité de leur chef, de cet élan sympathique et irrésistible que la Pucelle ne manquait jamais de leur communiquer. Plus d’un capitaine combattait mollement et de mauvaise humeur. La nuit vint sans que les troupes eussent franchi la brèche, ouverte dès la matinée. Jeanne persistait toujours et criait de persévérer : mais en vain ; le duc d’Alençon lui-même vint la prier de se retirer. Jeanne résista à toutes les instances. La Trimouille avait donné l’ordre de la retraite : Raoul de Gaucourt et d’autres survinrent, se saisirent de l’héroïne, la mirent à cheval et la ramenèrent ainsi contre son gré à La Chapelle. Jeanne protestait et disait avec son serment de guerre habituel : Par mon martin (bâton de commandement), la place eût été prise ![31]

Les historiens du temps, en effet, s’accordent à reconnaître et il parait évident que si la Pucelle avait exercé son action, pleinement, à l’abri de ces funestes dissidences, la capitale rentrait, dès ce jour, sous la domination de Charles VII. Le sire de Montmorency, premier baron chrétien de France, ou Ile-de-France, c’est-à-dire le premier des anciens vassaux de, la crosse ou évêché de Paris, s’était associé au plan de la Pucelle. On a vu, par l’exemple de Jean Tudert, que la cause royale comptait dans le haut clergé parisien des influences notables[32].

Le lendemain 9, la Pucelle, souffrante de la fièvre causée par sa blessure, voulait néanmoins retourner à l’assaut. De nouvelles entraves paralysèrent, comme la veille, son indomptable conviction. Charles VII venait de recevoir un hérault de Philippe le Bon. Le duc, par ce message, pressait le roi de cesser les hostilités et réitérait avec protestations ses promesses. Le traité du 28 août fut renouvelé, en y comprenant désormais la capitale, demeurée jusque-là en dehors du contrat d’armistice[33].

La Pucelle laissa faire ; elle tâcha de se dégager du réseau dans lequel on cherchait à l’emprisonner. Un dernier espoir lui restait : le duc d’Alençon, de concert avec elle, avait jeté un pont sur la Seine, vis-à-vis de Saint-Denis. Le 10 septembre, de grand matin, la Pucelle envoya son avant-garde dans la direction de ce pont. Elle comptait retourner au siège en employant ce passage. Par ordre du roi, le pont avait été coupé[34].

Le 13 septembre 4429, après un dernier conseil tenu à Saint-Denis, Charles VII décampa. Il prit la route du Berry et licencia une partie de ses troupes, emmenant avec lui la Pucelle. Avant de partir, Jeanne se désarma du harnais avec lequel elle avait combattu ; l’abbaye de Saint-Denis était le sanctuaire de la monarchie : la Pucelle, au moment où l’on faisait subir cette épreuve à son dévouement, offrit et déposa son armure complète sur la tombe de saint Denis et ses compagnons, patrons des rois de France[35].

 

 

 



[1] Mémoires de Pie II, loc. cit. Ms. Cordeliers, n° 16, f° 485 v° (inédit). Nous transcrivons la date du 28 juillet, d’après Labarre, Mémoires de Bourgogne, t. II, p. 203. Peut-être faut-il lire 28 juin ? La feinte ne se révèle pas moins, soit que l’on admette l’une ou l’autre variante.

[2] Ms. Cordeliers, 16, f° 486. Pie II, ibid. Montreuil, p. 323. Bollandistes au 1er mai, p. 70 et suiv.

[3] Saint Marcou était invoqué pour les marques au cou, de même que saint Clair l’était par les aveugles, etc., etc. La maladrerie de Saint-Marcou et la cérémonie royale subsistèrent autant que la monarchie. M. le docteur Chereau, déjà connu par ses travaux d’histoire médicale, prépare sur ce sujet un mémoire plein de faits curieux.

[4] Ms. Cordeliers n° 16, f° 486, 489 vu. Montreuil, ibid., 3. Chartier, t. I, p. 98 et suiv. ; t. III, p. 205. Saint-Remi. Procès, t. IV, p. 432. D. Grenier, t. 20 bis, f. 12, 15 ; t. 89, p. 271. Martin et Jacob, Histoire de Soissons, 1837 in-8°, t. II, p. 319.

[5] Catalogue Teulet, p. 282-3. Procès, t. III, p. 12, 13. Monstrelet, chap. LXIII, LXX. Beaurepaire, Administration, p. 61, 62. Voy. aussi P. Cochon, p. 458, chap. L.

[6] Lettres des rois et reines, t. II, p. 409. Proceedings, etc. t. III, p. 345. Le Brun de Charmettes, t. II, 229. 236.

[7] Journal de Paris, p. 680. Registre du conseil. Procès, t. IV, p. 454. Sarrasin, varia monumenta : L. L. 414, f° 77.

[8] Beaurepaire, Administration, p. 62. Lettre de Jean Desch, Procès, t. IV, p. 354.

[9] Un étendard au milieu duquel il y avait une quenouille chargée de lin ; un fuseau à moitié rempli de fil pendait à la quenouille ; le champ était semé de fuseaux vides, etc. (Chronique de Lille, n° 26, déjà citée, p. 103). Rymer, t. IV, partie IV, p. 150. Registre du conseil, Procès, t. IV, p. 453, etc. Cette division était probablement celle que conduisit Jean Radcliff, sénéchal de Guyenne. Voy. Beaurepaire, Administration, p. 63.

[10] Procès, t. III, p. 67, 68, 117, etc. Ms. Cordelier, n° 16, f° 485.

[11] Conférer, Procès, III, 341.

[12] Lettre de la Pucelle aux Rémois. Procès, t. V, p. 139. Montreuil, p. 325.

[13] P. 326.

[14] Ce que j’avais coutume de faire.

[15] Montreuil, ibid. Le comte de Danois, déposant pour le procès de réhabilitation en 1457, rapporte ce dialogue en termes à peu près identiques. Seulement (variante notable), il place dans la bouche du chancelier, mort depuis 1444, cette phrase, que Montreuil attribue au même Dunois : Jeanne, savez-vous quand vous mourrez, etc. Procès, t. III, p. 14.

[16] Ms. Cordeliers n° 16, f- 487-9. Montreuil et suite, p. 324-5, 456. Monstrelet, ch. LXV. Procès, t. IV, p. 21, 47, 454, etc. Le 12 août 1429, attaque des Anglais contre Châlons, repoussée. (Barthélemy, p. 183.)

[17] Les mêmes. J. Chartier, t. I, p. 99 et suiv. Carlier, Histoire du Valois, t. II, p. 456. Delpit, p. 238. Chron. de Lille, p. 103, 104. Ms. s. fr. 2342, f° 38.

[18] Carlier, ibid., p. 453. Ad. Bernier, Monuments inédits, etc. (Chronique de Senlis) 1834, in-8°, p. 18. Monstrelet, ch. LXX.

[19] D. Plancher, t. IV, Preuves, p. lxxviij et s. Ms. Cordeliers n° 16, f° 487.

[20] Ms. Cordeliers n° 16, f° 489 v° et suiv. Montreuil, p. 331. Ordonnances, t. XIV, p. 108. L Chartier, t. 1, p. 106. Berry. Procès, t. IV, p. 47. D. Plancher, p. lxxx-j. Du Tillet, Recueil des traités, p. 222. Pontus Heuterus, p. 247. Etc.

[21] Procès, t. V, p. 126.

[22] Ms. Cordeliers, n° 16, f° 486 v°. Cagny. Procès, t. IV, p. 24 ; Berry, ibid., p. 47. Montreuil, p. 332. Jean Chartier, t. I, p. 107.

[23] Cagny cité, p. 43. Montreuil, p. 332. J. Chartier, p. 106. P. Cochon, p. 457.

[24] Registre du conseil, Procès, t. IV, p. 451. Registres-bannières du Châtelet, Livre noir, f° 61. Le 3 août 1429, parut, au nom d’Henri VI, une ordonnance qui prescrivait à tous les tenanciers de terre d’avoir à se retirer dans leurs tenures, sous le délai d’un mois. Chacun devait y comparaître en personne, ou du moins par procureur, pour acquitter le service militaire des fiefs. (Proceedings, etc., p. 349.) — Catalogue Teulet, p. 383. Titres originaux de Saint-Martin des Champs, allégués Ms. s. fr. 4805, fa 178 v°. Ms. Fontanieu 115, au 27 août 1429. Ms. Gaignières 649, 4, f° 2. Beaurepaire, Administration, p. 63.

[25] Montreuil, p. 332. Monstrelet, ch. 70, Journal de Paris. Procès, t. IV, p. 463. Les documents ne nous instruisent pas avec clarté des résultats que produisit la levée en masse de nobles, mentionnée ci-dessus.

[26] Les mêmes. Doublet, Antiquités de Saint-Denis, dans Godefroy, Charles VII, p. 321. D. Plancher, t. IV, p. 133. Le 7 septembre 1429, Charles VII institue Jean Tudert (doyen de l’église de Paris ou Notre-Dame) au gouvernement et administration de toutes finances, des pays par deçà la rivière de Seine. (Ms. Gaignières, 771, f° 102.) Cet acte remarquable implique une volonté d’organisation du gouvernement ou de l’administration civile. — La porte Saint- Martin, fermée dès la venue de la Pucelle, resta murée jusqu’en 1444. (Journal, Panthéon, p. 725 a.)

[27] Les mêmes. Cagny, p. 26. On peut consulter le plan de Paris en 1436, donné par Kausler, Atlas des batailles, 1831, le texte grand in-4° pl. 34 (les planches grand in-f°).

[28] Montreuil, p. 333.

[29] Journal de Paris, ibid., p. 465. Procès, t. I, p. 57 et 246.

[30] Monstrelet. Registre du parlement. Félibien. Preuves, t. II, p. 590 b. Divers traits consignés dans les Délibérations capitulaires de Notre-Dame, montrent combien fut grande et réelle l’impression de terreur causée à Paris par le siège de la Pucelle. (L. L. 414, f° 79 à 82.)

[31] Cagny, p. 27. Berry, p. 47. Raoulet, p. 205. Sur la situation des esprits dans la capitale, voyez divers actes de Henri VI, des 18 et 25 septembre 1429 ; Ms. Fontanieu 115 ; Livre noir (à la préfecture de police), f° 263 ; Sauval, Antiq. de Paris, t. III, p. 586 et circ.

[32] Monstrelet. Cagny. Vallet de Viriville, Notes sur deux médailles de plomb, etc. J. Chartier, 1, 108. P. Cochon, p. 460. Au moment, dit ce dernier historien (bourguignon), où la place fut abandonnée, les assiégés quittaient les remparts : il n’y avait plus qu’à monter aux échelles pour entrer sans résistance ; ce même fait s’était produit à Orléans, lors de la prise des tourelles. — Lettres du 10 septembre 1429, au nom d’Henri VI : la baronnie de Montmorency est confisquée pour crime de lèse-majesté et donnée au bâtard de Saint-Pol. (Duchesne, Histoire de la maison de Montmorency, p. 232.) 1430 février 16 et 17, divers actes de Jean de Luxembourg, bâtard de Saint-Pol, qui s’intitule seigneur de Montmorency. (Cabinet des titres, dossier Luxembourg.)

[33] Les mêmes. P. Cochon, ibid. Du Tillet, p. 222. Charles était à Saint-Denis le 7 septembre. Il y fit célébrer le service de son père. Itinéraire. Chronique de Tournay, citée, p. 414. (L. L. 44, f° 19.)

[34] Les mêmes. Cagny, p. 39. A Pierre Bessonneau, escuier, maistre de l’artillerie du roy n. s. et à Jorrand Arnauld, maistre des œuvres d’icelui seigneur, du bailliage de Senlis, la somme de 235 livres, qui, ès mois d’août et septembre 1429, de l’ordonnance et commandement du roy n. d. s., leur a esté paiée et baillée par ledit trésorier, c’est assavoir audit Bessonneau 105 livres, et audit maistre des œuvres, 50 livres, pour la despense que faire leur avoit convenu, pour faire les pons que lors le dit seigneur fit faire sur la rivière de Seine, emprès Saint-Denis. Ms. s. fr. 2342, f° 32.

[35] Les mêmes. Cagny, p. 29. J. Chartier, t. I, p. 109. A ce harnais était jointe une épée que Jeanne avait recueillie, comme trophée de guerre, devant Paris. Procès, t. I, p. 179. Charles VII, avant de quitter Saint-Denis, écrivit de cette ville, à la date du 13 septembre, une lettre probablement circulaire, ou manifeste politique, pour justifier sa résolution. Nous avons rencontré la dépêche ou l’exemplaire qui fut adressé à la ville de Reims. En voici la teneur presque complète. Après avoir reconquis plusieurs places,nous avons négocié avec notre cousin le duc de Bourgogne. Jour a été tenu et abstinence de guerre conclue jusqu’à Noël prochain. Et, pour ce que, si, durant icelle abstinence, attendu le très grand nombre de gens qui sont en nostre compagnie, feussions demorez en nos pays de par deçà, ce eust esté la totale destruction d’iceulx, veu que ne les povons employer ou fait de guerre ; nous, pour alléger nosdits pays, et aussi pour assembler et mettre sus plus Brant armée, afin de retourner après le temps de ladite abstinence, ou plus tost se besoin est, à toute puissance, à entendre et poursuivre le demourant de noz conqueste et recouvrement de nostre seigneurie, avons délibéré de faire un tour oultre ladite rivière de Seine, et pour la garde du dit pays nous avons institué lieutenant général le comte de Clermont, le comte Vendôme, etc. (Archives municipales de Reims, communiqué par M. Louis Paris).