HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME DEUXIÈME

LIVRE IV. — JEANNE DARC - 1429-1431.

CHAPITRE I. — Carrière de Jeanne Darc. Depuis sa naissance jusqu’à la levée du siège d’Orléans (6 janvier 1412-8 mai 1429).

 

 

L’historien qui accomplit le pèlerinage de Domremy-la-Pucelle, trouve en quelque sorte dans les communications de la nature, le commentaire du personnage. C’est un riant vallon, où la Meuse s’écoule. Les dernières pentes des Vosges, viennent s’y adoucir et mourir. Par d’imposants couchers du soleil d’automne, ces collines ont des échos harmonieux, pour la trompe des pâtres, qui, le soir, s’y fait encore entendre.

Cette terre, au quinzième siècle, formait l’extrémité orientale de la France et de la Champagne. En 1328, cent ans avant le siège d’Orléans, elle avait été réunie, avec l’ensemble de cette province, au domaine propre de la couronne.

Le sentiment patriotique ou national semble avoir son siège principal au centre des États. Là, il puise immédiatement au cœur ses premiers éléments de vie. Parfois, cependant, c’est aux extrémités que l’on sent battre, pour aussi dire, ses plus énergiques pulsations.

Tel fut politiquement le berceau de Jeanne Darc. Ici, dans la contrée qui la vit naître, la France, du côté de l’orient, commençait avec cette vallée de mœurs et d’un parler plus doux. A quelque distance, art sud, c’était le duché ou la comté de Bourgogne. A l’est et au nord, se dressaient l’Alsace et la Lorraine, c’est-à-dire l’Empire et l’Allemagne. Comme pour rendre cette opposition, par le rapprochement, plus sensible, le village même[1] où naquit la Pucelle était mi-parti. Ainsi, la chaumière natale de Jeanne relevait directement du royaume et faisait partie de la prévôté d’Andelot, bailliage de Chaumont en Bassigny. Puis, à deux pas de là, d’autres chaumières et d’autres habitants de la même paroisse appartenaient au duché de Bar et à la Lorraine. Ici, le génie de la France devait apparaître dans l’histoire et se personnifier sous les traits de cette jeune fille.

Parmi les habitants de ce village, il y avait une famille composée du père, de la mère et successivement de cinq enfants : trois frères et deux sœurs. Le père s’appelait Jacques ou Jacob, et, en y joignant son surnom (genre de désignation, qui, même pour lés gens de la campagne, commençait à se répandre) : Jacques Darc. La mère, native de Vouton, hameau voisin, s’appelait Isabelle ou Zabillet Romée. Jeanne, l’aînée des deux filles, naquit en ce lieu, dans la nuit de l’Épiphanie, le 6 janvier 1412[2].

A cette époque, le droit reconnaissait trois classes de personnes, 1° les nobles, 2° les francs ou libres, 3° les non-libres. Un acte irrécusable déclare que les parents de Jeanne n’étaient point nobles ; il ajoute que peut-être même sont-ils de condition autre que libre. Le servage, en effet, dans ces contrées, touchait à sa période la plus atténuée. C’est pourquoi des nuances inappréciables (même pour les juristes), distinguaient seules, entre eux, les hommes ou les âmes de deuxième et de troisième catégories. Depuis le dix-septième siècle, des descendants de cette famille, ou des érudits, ont tenté de remonter, au delà du père et de la mère de la Pucelle, le cours de cette généalogie. De vaines conjectures ont été l’unique résultat de ces recherches. Jeanne, comme tous les individus réellement grands dans l’humanité, commence et finit à elle-même.

Une seule circonstance digne d’être notée se rapporte à sa naissance. Les registres de l’état civil, alors, n’étaient point encore en usage. Pour l’âge et la filiation des personnes, la preuve testimoniale suppléait à la preuve légale par écrit. Le prêtre qui avait baptisé l’enfant, la sage-femme, la nourrice, les parrains et marraines surtout, devaient conserver dans leur souvenir et administrer, au besoin, cette preuve. Aussi les parrains et marraines étaient-ils, pour chaque nouveau-né, plus nombreux que de nos jours. Jeanne, sur la désignation de sa mère, honora au moins huit femmes, ou compatriotes, du titre de marraines. Comme si l’histoire, afin de garantir l’authenticité de cette naissance, avait pris dès lors le soin d’en multiplier les preuves ou témoignages !

Les parents de la Pucelle, au dire de l’un de ses plus anciens historiens, étoient de fort gens de bien, craignant et aimant Dieu, mais qui avoient peu de moyens et vivoient d’un peu de labourage et de bestial qu’ils nourrissoient. Les calamités du temps et sept personnes à faire vivre ne les rendaient pas bien riches[3]. Jeanne apprit le Pater, l’Ave, le Credo, et ne sut jamais ni a ni b. On lui montra encore à filer et à coudre. Toute jeune, elle fut employée à conduire aux champs les brebis de ses parents. Elle gardait aussi et à tour de rôle, pour son père, le troupeau de la commune. Le reste du temps, elle s’occupait aux travaux du ménage[4].

Chacun l’appelait Jeannette, dans son village, et jusqu’à son départ elle ne porta point d’autre nom. La chaumière paternelle était située près de l’église. De là se voyait, à peu de distance, la Fontaine des groseilliers sur le coteau. Cette source recevait l’ombrage d’un hêtre archiséculaire, objet de traditions romanesques et immémoriales, appelé l’Arbre aux fées. Plus loin s’étendait le Bois chesnu ou des chênes. Tous les ans, le dimanche de Lœtare, quatrième du carême, la jeunesse allait y manger des gâteaux ; que les mères préparaient. On chantait, on dansait autour de l’arbre ancien, couronné, ce jour-là, de fleurs et de guirlandes. Jeanne se rendait, avec les autres jeunes filles, à ces solennités. Mais elle n’était pas danseuse : bonne du reste et bien aimée de toutes et de tous[5].

On la voyait réfléchir ; elle aimait la solitude et tenait parfois ses yeux comme cloués vers le ciel. La foi du christianisme, sa poésie, furent la source où se désaltéra sa jeune âme. Elle montra de bonne heure une piété avide. L’iconographie des saints peupla de divins hôtes un empyrée plein, disait-elle, de suaves senteurs ; un monde enchanté, qu’elle portait en elle. Jeanne fréquentait assidûment l’église, se confessait et communiait souvent ; mais elle rougissait avec bonne grâce, lorsque ses amies la taxaient d’être trop dévote. Il y avait auprès de Domremy un oratoire, l’ermitage de Notre-Dame de Beaumont, où elle aimait à s’écarter, emmenant avec elle sa jeune sœur. Le son des cloches lui causait une joie infinie. Pour stimuler le zèle, parfois négligent, du marguillier chargé de sonner celle de la paroisse, elle le subventionnait de ses caresses enfantines, accompagnées de petits présents[6].

La guerre civile épargna cette contrée jusqu’au mariage de René, qui devint duc de Bar ; mais, en 1421, elle y pénétra : Jeanne avait alors neuf ans. Les Anglo-Bourguignons, conduits par le comte de Saint-Pol, arrivèrent jusqu’à Gondrecourt, à trois lieues de Domremy. Ils s’emparaient des châteaux, mettant les villages à feu et à sang. Domremy ressortissait militairement à la châtellenie de Vaucouleurs. Il demeura constamment français : ce petit village, lui aussi, devait être un canton sacré de la patrie. Mais la lutte et la division régnaient dans la contrée. Domremy était armagnac, tandis que Maxey, village tout proche, était bourguignon. Dans les rixes fréquentes qui éclataient entre les deux communes, Jeanne vit souvent, avec larmes, revenir, sanglants et meurtris ; les jeunes garçons de sa paroisse[7].

De 1424 à 1428, diverses alarmes, éclatant coup sir coup ; signalèrent l’invasion des gendarmes ennemis. Les habitants furent contraints de se réfugier, tantôt au château de l’Ile comprise dans le village, entre deux bras de la Meuse, et tantôt à celui de Neuchâteau. Ils trouvèrent au retour leurs demeures dévastées par le pillage et l’incendie. Toutes ces circonstances exaltèrent progressivement l’âme rêveuse et tendre de la jeune enfant. Elle se dit, dans son cœur, que Dieu ne voulait pas la perpétuité de ces désastres. Peu à peu, dessein candide et sublime ! elle conçut l’ambition de devenir elle-même le ministre ou l’instrument de la divine justice[8].

A l’âge de treize ans, pendant l’été de 1425, Jeanne se trouvait au jardin de son père. Elle entendit une voix, accompagnée d’une grande clarté, qui l’appelait, à droite, du côté de l’église. Bientôt, elle reconnut dans cette voix celle d’un ange, qui lui prescrivait d’être bonne, pieuse, et d’aller en France pour délivrer le royaume. Cette époque marquait l’âge de formation de la jeune fille, et correspondit aussi avec quelque recrudescence des hostilités. En effet, à peu de temps de là, Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, et le maréchal de Bourgogne, signaient ensemble une de ces courtes trêves qui servaient aux partis à reprendre haleine entre deux campagnes[9].

Ces apparitions se renouvelèrent, de plus en plus nettes et fréquentes, et s’emparèrent absolument de ses facultés. Dès ce moment, elle devint songeuse, concentrée, absorbée dans son unique préoccupation, qu’elle laissait, par instants, déborder, en quelque sorte, à travers les fissures de son âme. Enfin, ainsi qu’elle le dit plus tard, elle ne pouvait plus durer et le temps lui pesa comme à une femme enceinte. Son père, homme simple, accueillit ses ouvertures, d’abord timides, avec une inquiétude, qu’il finit par exprimer sur le ton de l’autorité, puis de la colère[10].

Il rêva, la nuit, que sa fille suivait en France les gendarmes du roi. Dès lors il retint Jeanne sous une étroite discipline et dit à ses fils : Si je savois que votre sœur partît, je voudrois que la noyassiez, et, si vous ne le faisiez, je la noyeroie moy-mesme. Jeanne se soumit à tout pour temporiser. Mais elle tenta de se conquérir l’intervention de son oncle, nommé Laxart, qui habitait un village voisin. La femme de Laxart était en couche. Jeanne se fit demander. Elle obtint le consentement de ses parents pour se rendre auprès de sa tante et l’assister. Arrivée là, elle sut persuader à son oncle de se rendre en parlementaire auprès du bailli-capitaine[11] ; disant qu’elle voulait aller vers le roi, lui porter secours.

Baudricourt répondit à l’envoyé qu’il donnât à Jeanne de bons soufflets et de la ramener à ses parents[12].

Ces derniers voulurent aussi, vis-à-vis de leur fille, déjouer par stratagème, le destin, qui était écrit. Un jeune homme avait recherché Jeanne par amour. D’intelligence avec la famille de Jeanne, ce jeune homme cita devant l’official de Toul sa fiancée, ou prétendue telle. Affirmant qu’il avait d’elle parole de mariage, il la somma de l’accomplir. Mais Jeanne se présenta devant le juge d’église, expliqua qu’elle n’avait rien promis, plaida son procès, et le gagna. Deux fois, elle s’échappa de nouveau, arriva jusqu’au capitaine et le fatigua vainement de ses interpellations[13].

Cependant, la force prodigieuse que portait en elle la sublime enfant, peu à peu, faisait expansion.

Cette crise du quinzième siècle était de celles qui ouvrent aux esprits les plus durs les portes de l’extraordinaire et du merveilleux. De vagues prophéties couraient le peuple, qui chaque jour les interprétait avec plus de précision. Les poètes faisaient entendre leur voix. Robert Blondel, dans la complainte des bons Français, invoquait, après tant de larmes, l’ange de la victoire et le montrait à la France, sous les traits d’une vierge pudique et tutélaire. Des pronostics, accrédités sous le nom celtique de Merlin, annonçaient que, des marches de Lorraine, proche du Bois chesnu, sortirait une jeune fille qui subjuguerait les archers bretons[14].

La dernière invasion de Domremy, suivie de l’émigration à Neuchâteau, eut lieu en juillet 1428. Antoine de Vergy commandait cette invasion. Membre de la commission que présidait Cauchon, il fut chargé, par lettres du 22 juin, enregistrées le 1er juillet au bureau des comptes, de mettre sous son obéissance les ville et châtellenie de Vaucouleurs et autres places environ. Ce mouvement, comme on sait, fut le prélude de l’expédition contre l’Orléanais. Lorsque le siège d’Orléans fut connu à Domremy, cette nouvelle y causa une consternation extrême et mit le comble à l’enthousiaste exaltation de Jeanne[15].

Au mois de février 1429, instruite de la bataille des Harengs, elle retourna une troisième fois à Vaucouleurs. C’était l’époque du carême. Jeanne dit à Baudricourt qu’il fallait impérieusement qu’elle partît pour faire lever le siège d’Orléans, et qu’elle irait, dussé-je, ajoutait-elle, user mes jambes jusqu’aux genoux ! Plusieurs indices donnent à penser que Baudricourt référa de cet incident à la cour, ou du moins à quelque autorité supérieure, et qu’il reçut ordre de ne plus s’opposer au départ de la jeune inspirée[16].

De Vaucouleurs, Jeanne se dirigea vers Nancy. Le duc Charles de Lorraine, conservateur des trêves précédemment signées entre Baudricourt et le maréchal de Bourgogne, avait mandé lui-même la jeune fille auprès de lui. Déjà, on le voit, Jeanne n’était plus, pour ceux qui l’entouraient, une enfant vulgaire. Le duc Charles, vieux et malade, se sentait troublé dans sa conscience. Il avait délaissé la duchesse, une sainte, et vivait publiquement en concubinage avec la bâtarde d’un prêtre, nommée Alison du Mai. Charles II de Lorraine voulut consulter la Pucelle et lui recommanda l’état de sa santé, mortellement atteinte. La jeune fille lui conseilla de reprendre sa compagne légitime, ajoutant qu’elle, Jeanne, n’avait pas la puissance de le guérir. Elle l’exhorta du reste à l’aider dans la mission qu’elle avait entreprise. Le duc lui fit remettre quatre francs d’or. Jeanne, après s’être arrêtée en pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port, revint alors à Vaucouleurs. Elfe prépara son départ sous les yeux de Baudricourt[17].

La jeune fille avait toujours sur elle les seuls vêtements qu’elle possédât : ses pauvres habits rouges de paysanne. Jean de Nouillompont ou Novelompont, chevalier de la garnison de Vaucouleurs, fut chargé de l’accompagner. La voyant ainsi vêtue, il lui demanda si elle comptait voyager dans cet équipage. Jeanne répondit que volontiers elle s’habillerait en homme, et que tel était son ferme dessein. Là-dessus, Nouillompont la vêtit et la chaussa des dépouilles d’un de ses valets[18].

Quelques jours après, les habitants de Vaucouleurs, de concert avec le capitaine, se cotisèrent pour l’habiller à neuf. Ses cheveux alors furent coupés court et en sébile, selon la mode des jeunes gens. On lui fit un gippon ou pourpoint et des chausses, qui se liaient ensemble, par le moyen de vingt aiguillettes. Elle eut aussi une huque ou robe courte ; pour coiffure, un chaperon de laine découpé ; elle fut chaussée de houseaux, armés de longs éperons. On lui fournit en outre un cheval, un haubert ou plastron qui protégeait le buste ; lance, épée, dague, c’est-à-dire l’équipement complet du cavalier d’armes[19].

Son costume était celui de gens de bien simple manière. Elle partit ainsi escortée de Nouillompont, chevalier ; de Bertrand de Poulengey, écuyer ; de deux sergents d’armes ou coustilliers, de Colet de Vienne, messager royal, et d’un archer nommé Richard. Baudricourt leur fit jurer de la conduire bien et sûrement. Sa propre foi cependant n’était pas bien vive, car au moment où Jeanne allait sauver la France et mourir, il la salua, pour tout adieu, de ces paroles : Va donc, Jeanne, et advienne que pourra ![20]

Le petit cortége quitta Vaucouleurs vers le 25 février 1429. Pour arriver jusqu’au roi, qui résidait au château de Chinon, il fallait traverser environ cent cinquante lieues, y compris les détours, sur un territoire en guerre, coupé de cours d’eau, hérissé de garnisons, et la moitié en pays ennemi. Jean de Nouillompont, chef de l’escorte, ainsi que ses compagnons, étaient des jeunes gens. Jeanne venait d’atteindre sa dix-huitième année. Brune, assez grande, forte, bien prise ; la voix assez grêle, très féminine et d’une grande douceur, elle avait reçu de la nature tous les attraits propres à séduire. Mais une égide morale toute-puissante l’avait prémunie et la protégea contre ce péril. Chaque nuit lorsqu’elle le put, elle avait coutume de s’arrêter dans quelque abbaye, ville ou village. Elle faisait choix aussi de quelque femme respectable, qui se prêtait à cet honneur et partageait sa couche hospitalière[21].

En cas de bivac et lorsque plus tard, elle se désarmait au milieu de ses compagnons, ce qui lui arriva rarement, Jeanne demeurait vêtue. Ainsi fit-elle dans ce voyage, où elle conserva jour et nuit ses chausses et son pourpoint, étroitement liés à foison d’aiguillettes. D’ailleurs le sentiment qu’elle inspirait, souverainement, tout d’abord était celui d’un profond respect. L’abandon tempérait, chez elle, un ascendant dont la puissance insinuante était irrésistible. Dès le principe, Jeanne, conduite matériellement par ces hommes, n’en prit pas moins sur eux l’autorité réelle, comme elle avait pris l’initiative de l’expédition[22].

La petite troupe se dirigea par Saint-Urbain, abbaye où elle coucha la première nuit. Puis on se remit en marche, presque sans débrider, évitant les grands chemins, avançant le moins en vue possible, et de préférence après le jour. La Pucelle ayant traversé Auxerre, gagna Gien, et là, trouva le premier poste français. Puis, côtoyant la Loire, elle se rendit à Sainte-Catherine-de-Fierbois, en Touraine. Ce lieu de pèlerinage célèbre était consacré à l’une de ses saintes. Elle y entendit trois messes consécutivement. De Sainte-Catherine, elle écrivit au roi pour lui annoncer sa venue[23]. Enfin le 6 mars, le cortège, sain et sauf, mit pied à terre sous les murs de la résidence royale à Chinon. Le trajet avait été franchi en onze jours[24].

La carrière de Jeanne Darc est la merveille de notre histoire et de toutes les histoires. En eux-mêmes, les faits dont elle se compose, offrent un caractère extraordinaire et surprenant. Ces faits, peu à peu enveloppés dans l’ombre redoublée des siècles, ont été en outre et dès le principe, obscurcis par des mensonges, des calomnies, des erreurs successives et accumulées. Cependant la postérité n’a point voulu demeurer trompée. Ce souvenir a pris dans ses préoccupations une place définitive et essentielle. Le demi-jour de la légende, bon pour certaines traditions lointaines et secondaires, ne convient pas au sérieux intérêt qui s’attache exceptionnellement à ce personnage. Les générations se succèdent, et la figure de Jeanne Darc, monte, monte sans cesse au zénith des esprits ; plus belle chaque jour, à mesure que la science dépouille un à un tous ces voiles. Des hommes du premier mérite ont consacré à ce travail d’éclaircissement leurs éminentes facultés. Venu après eux, j’essayerai de continuer leur œuvre, en profitant de la somme de leurs lumières et en remontant, à mon tour, aux sources vives de la vérité.

On a donné du génie cette définition : le bon sens élevé à sa plus haute puissance. Cette définition que l’on a souvent appliquée à Christophe Colomb, nous parait convenir spécialement à Jeanne Darc. L’héroïne du quinzième siècle nous apparaît comme une femme supérieure par la droiture de son esprit et de son cœur. Les problèmes les plus ardus de la politique ainsi que de la science humaine, se résument, en définitive, dans des notions claires et simples, qui contiennent la solution de ces problèmes. Ceux qui trouvent et appliquent ces solutions, obtiennent les applaudissements légitimes de la multitude. La France appartenait-elle à la France ou à l’Angleterre ? Telle était toute la question qui se débattait au quinzième siècle. Des incidents, des malentendus, des catastrophes inouïes, avaient compliqué ou embrouillé ce litige. Des circonstances analogues en empêchaient le dénouement.

Une femme (Isabeau de Bavière), a perdu le royaume : une fille le sauvera ! Ainsi s’était exprimée Jeanne avant de quitter son village[25]. On pourrait citer d’elle, divers autres mots, nobles et fiers, équivalents de celui-ci. La Pucelle avait donc une intelligence très lucide et très vive de la question politique de son temps. Quant à l’exécution, il s’agissait de marcher : elle donna l’exemple. L’héroïne subvint, dans le détail, aux nécessités de sa tâche, avec cette même simplicité lumineuse de vue, qui présidait à sa mission.

Arrivée à Chinon, la Pucelle se logea premièrement chez une femme de bien, proche le château. Elle fut ensuite admise dans un appendice ou dépendance de la résidence royale. Charles VII habitait, à Chinon, le château du milieu. Jeanne eut pour demeure provisoire une chambre de la tour du Coudray, grand corps de logis annexé au manoir. Elle habita cette tour, dont les vestiges subsistent encore, jusqu’à ce qu’elle fût autorisée à paraître devant le roi[26].

Les propositions qu’apportait la nouvelle venue n’avaient rien assurément de commun, ni d’ordinaire. Il était juste et naturel, en présence de cet incident, que les conseillers de la couronne fissent usage de circonspection, ainsi que de prudence. Charles VII, pendant toute sa vie, eut pour trait dominant de son caractère, écrit sur sa figure et dans ses yeux, la défiance. Quoique jeune encore, cette affection de l’âme était déjà, chez lui, très prononcée. Ses ministres, par divers motifs, que nous analyserons plus tard, secondèrent particulièrement en ce sens la disposition morale du prince. Jeanne fut accueillie et gardée à distance avec un luxe de précautions extrême[27].

Pendant trois jours, on mit en délibération si elle serait reçue à l’audience royale. Charles VII questionna d’abord, sur son compte, les gentilshommes qui l’avaient amenée. La Pucelle conférait quotidiennement, dans sa tour du Coudray, avec des hommes de diverses conditions, que la curiosité attirait auprès d’elle. Jeanne recevait également des femmes, qui, la nuit demeuraient en sa compagnie. Sur les rapports chaque jour plus favorables, dont elle était l’objet, il fut décidé que le roi lui accorderait audience[28].

Suivant le témoignage de Jeanne, cette audience fut publique. La nuit était venue. Il y avait au château, éclairé par plus de cinquante flambeaux ou torches de cire, près de trois cents chevaliers et hommes d’armes. Le comte de Vendôme, grand maître de l’hôtel, introduisit la jeune fille. Cette réception eut lieu, d’après la tradition locale, dans la grande salle du premier étage, longue de quatre-vingt-dix pieds sur cinquante, dont on voit encore, de nos jours, un pan de mur et la cheminée[29].

Charles VII, pour éprouver l’inconnue, se mit à l’écart. Plusieurs de ses familiers le masquaient, vêtus d’un riche costume, qui pût donner le change à la visiteuse inexpérimentée. Mais celle-ci distingua parfaitement le roi, et lui dit : Gentil daulphin, j’ay nom Jehanne la Pucelle, et vous mande le roy des cieux, par moi, que vous serez sacré et couronné dans la ville de Reims. Après diverses questions du prince, Jeanne insista en lui répétant : Je vous dis, de la part de Messire (de Dieu), que vous êtes vray héritier de France et fils du roy. Cette parole, qui répondait aux plus intimes préoccupations du prince Charles, produisit sur lui une très vive impression[30].

Si l’on en croit le concert de témoignages très notables, la Pucelle ne se serait point bornée à cette assurance, si frappante et si opportune. Dans un entretien particulier qui eut lieu en présence de Charles VII et de quelques intimes, Jeanne aurait retracé au roi, en détail la circonstance advenue le 1er novembre 1428 dans l’oratoire de Loches et que nous avons rapportée ci-dessus[31].

Gérard Machet, confesseur du roi, assistait à cet entretien. Ce digne et pieux docteur fut dès premiers à se déclarer en faveur de l’héroïne. Touché par tout ce qui se révélait devant ses yeux, par le charme sympathique et religieux qui s’exhalait de cette jeune fille, il déclara qu’elle était bien l’envoyée dont les prophéties annonçaient la venue, ainsi qu’il l’avait lu dans les livres. Cet appui du saint prêtre exerça une grande influence sur la détermination de Charles VII. Philippe de Coetquis, archevêque de Tours et conseiller du roi, fut également consulté. Ce prélat se montra également favorable à la Pucelle. Jeanne fut provisoirement admise ou accueillie auprès du prince. On n’en décida pas moins qu’il serait procédé vis-à-vis d’elle à une enquête minutieuse et approfondie[32]. Jeanne fut alors soumise à certaine inspection physique, dont l’idée seule nous choque sensiblement, et qui semble insulter à la fois tout bon sens ainsi que toute pudeur. Il importe, cependant, d’apprécier cette circonstance en connaissance de cause.

Les croyances publiques du moyen âme attachaient ou attribuaient à la femme, et surtout à la jeune fille, à la vierge, un idéal, qui touchait sans doute à la superstition, niais qui ne manquait pas toutefois d’élévation, ni de poésie. D’après ces croyances, la sainte douceur de la vierge communiquait à celle-ci une puissance, supérieure à la force, et au pouvoir du mal. Au dire des bestiaires, la licorne est un cheval-chèvre, de couleur blanche et sans tache. Cette bête intrépide porte au front, en guise de corne, une merveilleuse et redoutable épée. Douée en même temps de pieds rapides, elle défie ainsi à la fois les atteintes meurtrières et les poursuites du veneur. Mais si, dans, la clairière des bois, quelque jeune fille se rencontre sur son passage, soudain la licorne s’arrête : elle obéit à la voix de la vierge ; incline humblement sur son giron, sa blanche tête, et se laisse prendre aisément par les faibles mains de cette enfant[33].

Tel était l’idéal poétique, l’abstraction de la légende. Mais le fait concret se manifeste également dans la réalité des mœurs.

A l’époque de Jeanne Darc et dans plusieurs provinces de la France proprement dite, régnait une coutume fort notable. Lorsque les condamnés à mort marchaient au supplice, il arrivait parfois que quelque jeune fille, en voyant passer le cortége du patient, se sentit émue d’une compassion dévouée. Dans ce cas, elle réclamait publiquement le condamné, pour en faire son époux. Cet appel était suspensif ; il entraînait immédiatement le sursis de l’exécution. Bientôt, des lettres du prince, sous forme d’acte de rémission, abolissaient le crime et la peine prononcée. On peut citer, de 1350 à 1450 notamment, une série authentique de faits avérés et nombreux de ce genre. 11 était de notoriété publique, enfin, que le Diable ne pouvait avoir d’action sur la femme ou jeune fille, qu’après l’avoir dépouillée de sa virginité[34].

Cette double question se posait donc, au début de l’enquête, relativement à l’étrangère : 1° Était-elle femme, (ou homme, ainsi que l’indiquait son costume) ? 2° Offrait-elle à l’esprit du mal l’inviolabilité d’une vierge ? Trois grandes dames reçurent la mission d’opérer dans le secret cette étrange vérification. La première, appelée Jeanne de Preuilly ou madame de Gaucourt, était la femme de Raoul de Gaucourt, gouverneur d’Orléans, née en 1371. La seconde, toute jeune, avait le même àge environ que Jeanne Darc. Elle se nommait Jeanne de Mortemer, femme de Robert le Maçon, baron de Trèves, autre ministre du roi, ou membre du grand conseil. La troisième, Yolande d’Aragon, reine de Sicile, présidait cette commission. Elle fit au roi en conseil son rapport, qui fut complètement favorable à l’examinée[35].

Le roi décida ensuite que Jeanne serait conduite il Poitiers. Lui-même l’accompagna dans cette ville, où il se trouvait le 11, et encore le 23 mars 1429. Poitiers était le siège du parlement ; un grand nombre de docteurs et de jurisconsultes appartenaient à ce grand corps de l’État. Jeanne fut logée chez le conseiller Jean Rabateau et recommandée à la femme de ce magistrat. Là, elle reçut la visite d’une commission de clercs, chargée à sort tour de l’interroger et de l’examiner, sous le rapport de la foi. Beaucoup d’habitants. vinrent aussi la voir et converser avec elle. Dans ses réponses, elle déploya tant de sens, de simplicité modeste et gracieuse, qu’elle désarma les plus sévères. Elle déjoua même, à son grand succès, d’aigres attaques, imprudemment dirigées contre elle[36].

Procès-verbal de cet examen fut rédigé sous forme authentique. Malheureusement, le registre spécial qui en contenait le texte, ne nous est point parvenu. Ce document, que Jeanne invoquait, à Rouen, en présence de ses accusateurs, parait avoir été détruit par une malveillance intéressée. Nous savons toutefois parfaitement quel fut le résultat général et immédiat de cette enquête. La Pucelle, à Poitiers, ne se manifesta pas seulement devant ses juges officiels. Les hommes et les femmes qui la visitaient journellement, abordaient le seuil de sa demeure avec une curiosité sceptique et parfois hostile. Tous en revenaient surpris, émerveillés, remplis d’une tendre admiration ; quelques-uns émus jusqu’aux larmes. L’histoire doit citer, parmi ces derniers, Cousinot de Montreuil, auteur de la Chronique de la Pucelle. Ce personnage, l’un des plus considérables de son époque, se trouvait alors à Poitiers, comme secrétaire du roi, ou maître des requêtes au parlement. Il vit en cette occasion la Pucelle. Les lecteurs de cette importante chronique savent quel témoignage enthousiaste et convaincu il y porte à chaque page en faveur de notre héroïne[37].

Le 24 mars 1429, Charles VII, parti de Poitiers, se trouvait à Châtellerault, retournant vers Chinon, en compagnie de la Pucelle. Jeanne, après le rapport de Poitiers, avait été définitivement agréée par le roi. On lui assigna donc un état et un commandement. Le gouvernement résolut d’envoyer aux Orléanais des vivres et des munitions. Cette entreprise devait être confiée à la Pucelle. Les préparatifs de l’expédition se prolongèrent encore durant près d’un mois[38].

Yolande d’Aragon, en ces difficiles circonstances, habitait la Touraine, à peu de distance de la résidence royale. Elle déployait, au profit de la cause française, une remarquable activité. La reine de Sicile s’était endettée, pour aider à soutenir le siége d’Orléans, avant la venue de la Pucelle. Naguère les habitants de Tours avaient encore invoqué le secours de cette princesse, pour se délivrer de certain chef d’auxiliaires espagnols, qui menaçait d’appatiser leur ville. Ce capitaine, appelé Ferrado de Séville, consentit à s’éloigner, moyennant rançon, et vint prendre du service à Orléans, contre les Anglais. Le prix de ce marché fut la somme de 2.500 écus d’or, payés à ce chef de bande. Yolande d’Aragon donna sa vaisselle pour faire une partie de cette somme, que durent compléter les Tourangeaux. Ce fut elle qui, de Blois, dirigea les préparatifs du convoi destiné à ravitailler les Orléanais[39].

Jeanne, durant ce temps, se préparait, de son côté, au rôle actif qu’elle avait hâte de remplir. Après avoir regagné Chinon, elle se rendit à Saint-Florent-lez-Saumur. Charles d’Orléans représentait particulièrement la cause armagnac ou nationale. Aussi inspirait-il à la Pucelle un intérêt spécial. A défaut de ce prince, Jeanne prit en singulière affection le jeune duc d’Alençon, qu’elle appela toujours mon beau duc. Jean d’Alençon était le gendre du duc Charles. La Pucelle alla visiter à Saint-Florent la femme et la mère du duc Jean, qui la fêtèrent pendant plusieurs jours. Jeanne les quitta en leur promettant de ramener sain, sauf et victorieux, le beau duc[40].

De là, Jeanne vint à Tours, la ville la plus importante des états de Charles VII, sous le rapport du luxe et de l’industrie. Par ordre de ce prince, une armure de pied en cap fut fabriquée dans cette ville, pour l’habillement militaire de la Pucelle. Le roi voulut compléter cet équipement en lui offrant une épée. Mais la Pucelle demanda qu’on lui procurât de préférence, certaine arme de ce genre, qu’elle indiqua particulièrement. On a dit que Jeanne, arrivant de son pays, s’était arrêtée à Sainte-Catherine-de-Fierbois. Cette église, depuis près de cinquante ans, avait reçu de nombreux ex-voto, qu’y apportait la piété des pèlerins. On y déposait notamment des harnais de guerre, ainsi qu’il était d’ailleurs coutume de le faire dans tous les lieux saints. Jeanne, désigna une épée qui devait se trouver entre beaucoup d’autres dans cette église, et dont la lame était marquée de cinq croix[41].

Un armurier de Tours, fournisseur du roi, se rendit à Fierbois, muni d’une lettre de la Pucelle. Le clergé de cette collégiale s’empressa de donner l’épée demandée. Jeanne la reconnut ; et, par honneur pour sainte Catherine, elle en fit, pendant longtemps, son arme de prédilection. Telle est, à ce qu’il semble, la vérité pure et simple sur cette fameuse épée, qui donna lieu, même du vivant de la Pucelle, à tant de fabuleux commentaires[42].

Jeanne fut logée, à Tours, chez une dame nommée la Pau, d’un rang considérable[43]. Là, Jeanne fit peindre deux bannières ou enseignes de guerre polir son usage. Elle donna les sujets, et l’œuvre fut exécutée par James Power, ou en français Jacques Pouvoir, écossais, peintre du roi. L’une, la bannière proprement dite, était blanche et peinte des deux côtés. Sur la face principale, semée de fleurs de lis, on voyait le Père éternel en majesté, ayant pour siège l’arc-en-ciel, et portant dans sa main le globe du monde. Au-dessus se lisait cette inscription Jhesus Maria. Deux anges (saint Michelet saint Gabriel), agenouillés, offraient à Dieu une fleur de lis, emblème du royaume de France. Il y avait au revers (comme au contre-sceau royal) un écu de France, tenu par deux anges[44].

La seconde, plus petite, était un simple fanon. Elle représentait la Vierge Marie ou Notre-Dame, en annonciation ; à qui l’ange apportait également le lis symbolique de la France. Arrivée à Blois, Jeanne fit peindre et bénir dans l’église de Saint-Sauveur ; un troisième étendard. Celui-ci était destiné aux prêtres de l’armée. La Pucelle y avait fait placer l’image de Jésus crucifié. Par ses ordres, frère Pasquerel, Augustin, son confesseur et aumônier, prit la charge de cette enseigne. Trois serviteurs ou officiers furent attachés à sa personne, pour son service militaire. Jean d’Aulon, écuyer de l’écurie du roi, homme d’armes expérimenté, devint son écuyer, chargé de veiller sur elle, et plus tard son maître d’hôtel. On lui donna en même temps deux pages, de quatorze à quinze ans : l’un nommé Louis de Contes, et l’autre Raymond[45].

La cour céleste, Dieu le Père, Notre-Dame, Dieu le Fils, la Sainte-Trinité, les Archanges, les Saints et Saintes du paradis : tels furent les premiers confidents, les premiers témoins à qui Jeanne communiqua son sublime dessein. Dans ces élans religieux de la pensée, dans ce commerce divin qu’illuminait sa foi, la Pucelle était devenue voyante. Sainte Catherine ; sainte Marguerite, saint Michel lui apparaissaient habituellement et comme à volonté. Ils formaient pour elle un conseil, qu’elle appelait ses voix ; ce conseil l’assistait et dirigeait sa conduite. L’évidente sincérité de ses visions subjugue notre critique moderne : de la part de ses contemporains, elles ne rencontraient aucune objection fondamentale. L’autorité que Jeanne alléguait pour garant de sa mission, la sanction sous laquelle elle plaçait chacun de ses actes, régnait, à la lumière du jour, sur toutes les consciences[46].

La Pucelle séjourna les 25 et 26 avril à Blois, où elle fit sa jonction avec les sires de Gaucourt, de Rais, de Loré, le maréchal de Sainte-Sévère et autres chefs de guerre. Le 27 ou 28, quand tout fut prêt pour le départ, hommes et chariots, elle se réunit au convoi, puis se mit en route. Il s’agissait de paraître devant l’ennemi, violateur de la justice et du droit, en soldats de la foi et de la patrie. Jeanne prescrivit à ses compagnons d’armes de se confesser. Les filles d’armée, le bagage que les gens d’armes traînaient avec eux pour leur plaisir, tout cela fut laissé en arrière. En tête de la troupe, elle plaça un peloton de prêtres olé aumôniers, commandé par Pasquerel et rangé sous leur bannière. Cette avant-garde ouvrait la marche comme une musique sacrée, faisant entendre, par intervalles, le chant des hymnes et des psaumes[47].

Elle arriva ainsi le 29 devant Orléans. Le trajet s’était effectué par la rive de Loire, qui forme le côté de la Sologne. Sur cette rive, le convoi dépassa Orléans et vint s’arrêter devant Chécy, entre les assiégeants et Jargeau. Les Orléanais, munis de barques, se portèrent à sa rencontre. Jeanne, le soir même, vers huit heures, entra dans la ville. Elle était montée sur un cheval blanc, ayant à sa gauche le bâtard d’Orléans et derrière elle les principaux capitaines. La population se pressait à flots sur son passage. Tous, gens de guerre, hommes, femmes ; enfants, témoignaient leur joie comme se ils veissent Dieu descendre entre eulx. Ils se sentoient jà reconfortez et comme désassiégez par la vertu divine qu’on leur avoit dit estre en ceste simple pucelle[48].

Nul ne pouvait se rassasier de la voir. Chacun voulait toucher son cheval, l’approcher de plus près. Elle souriait à tous avec une angélique bienveillance : Quelques-uns, dans leur, empressement, armés de torches, mirent le feu à son étendard. Jeanne, se dégageant avec aisance, manœuvra son cheval comme l’aurait pu faire un écuyer des plus habiles, et, de sang-froid, elle éteignit aussitôt ce petit incendie. Escortée ainsi par la ville entière, elle descendit à l’hôtel de Jean Boucher, trésorier du duc d’Orléans. Elle était accompagnée de ses deux frères et de ses compagnons de Vaucouleurs. Jeanne, cette nuit et les suivantes, eut pour compagne de sa couche, la fille du trésorier[49].

Le 17 avril, Poton de Saintrailles était revenu à Orléans de son ambassade auprès de Philippe le Bon. Ce duc avait accueilli favorablement la requête des Orléanais. Il vint lui-même à Paris plaider la cause du duc d’Orléans. Philippe proposa de mettre la ville en séquestre, et neutralisée, entre ses mains. Ce terme moyen et amiable fut repoussé par le conseil anglais de Paris. Le duc de Bourgogne, blessé de ce rejet imprévu, donna ordre immédiatement à tons les Bourguignons qui combattaient à Orléans, parmi les Anglais, de quitter le siége. Le hérault ducal, porteur de cet ordre, accompagna l’ambassadeur qui retournait à Orléans. Les Anglais perdirent ainsi quinze cents auxiliaires ; et l’entente cordiale qui les unissait au duc Philippe reçut en outre une nouvelle atteinte[50].

Mais cet heureux incident pâlissait devant l’éclatante nouveauté qui remplissait les esprits et qui faisait tout oublier : la venue de la Pucelle. Une fausse mesure fut prise à l’insu de cette dernière et contre ses ordres. C’est pourquoi le convoi ne put entrer que partiellement le 29 avril, à Orléans. Il fallut attendre plusieurs jours l’arrivée complète de ce secours ; avant de tenter aucun mouvement important. Jeanne, dans cet intervalle, prit possession des lieux, visita les églises, opéra des reconnaissances, affermit le moral des assiégés et s’adressa par voie pacifique aux Anglais. Dès le mois de mars, un jour, à Poitiers, l’un des clercs qui l’examinaient lui demanda ce qu’elle était venue faire. Avez-vous de l’encre et du papier, répondit Jeanne ? Et, sur l’affirmative : Eh bien ! dit-elle, écrivez ce que je vais vous dicter. La Pucelle ébaucha dès lors, séance tenante, son manifeste ou lettre aux Anglais[51].

Elle compléta bientôt cette pièce, qui ne tarda pas à circuler en de nombreuses copies. La Pucelle est tout entière dans ce document remarquable, lancé au début de sa carrière. Pour beaucoup de lecteurs, la rouille du temps ou du langage est un voile qui rendra, malheureusement, impénétrable le sens complet de cet écrit, surtout dans ses naïves finesses et dans ses gauloises beautés de détail. Mais la signification générale frappera tous les esprits. Nous en transcrirons ci-après les principales parties sans altérer une syllabe.

Jhesus, Maria

Roy d’Angleterre, faictes raison au roi du ciel de son sang royal. Rendez les clefz à la Pucelle, de toutes les bonnes villes que vous avez enforcées[52]. Elle est venue de par Dieu pour réclamer le sang royal et est toute preste de faire paix, se vous voulez faire raison, par ainsi que vous mettez jus et paiez de ce que vous l’avez tenue[53].

Roy d’Angleterre, se ainsi ne le faictes, je suis chief de guerre, en quelque lieu que je attendrai voz gens en France, se ilz ne veulent obéir, je les feray yssir, veuillent ou non ; et se ilz veulent obéir, je les prendrai, à merci.. La Pucelle vient de par le roy du ciel, corps pour corps vous bouter hors de France. Et vous promet et certifie la Pucelle que elle y fera si gros hahay[54] que encore a mil ans en France ne fut veu si grant.

Guillaume de la Poule, comte de Suffort ; Jehan, sire de Talbort, et Thomas, sire de Scalles, lieuxtenans du duc de Bethford, soy disant régent du royaume de France pour le roy d’Angleterre, faictes réponse se vous voulez faire paix à la cité d’Orléans..

Duc de Bethford, qui vous dictes régent de France,.. la Pucelle vous prie et requiert que vous ne vous faictes mie destruire. Se vous ne lui faictes raison, elle fera que les François feront le plus beau fait qui oncques feust fait en la christianté.

Escript le mardy de la grant sepmaine[55]. Suscription : Entendez les nouvelles de Dieu et de la Pucelle.

De grossières invectives furent la réponse des Anglais à cette lettre, où les plus impérieux commandements de la raison avaient pour organe la bouche la plus candide. Le 4 mai 1429, le complément des troupes de renfort arriva de Blois, suivi d’artillerie et de tout le matériel, avec une forte escorte. La Pucelle était allée les recevoir cette fois du côté de la Beauce. Là se trouvaient les travaux d’attaque les plus formidables des ennemis. De même que le premier jour, les prêtres marchaient en tête. Parvenus à portée de la première bastille des Anglais, ces lévites entonnèrent le Veni Creator, hymne du treizième siècle composée par Étienne Langton, archevêque de Cantorbéry. Ce spectacle inouï glaça les assiégeants. Etonnés, stupéfaits, ils n’osèrent tirer sur cette phalange inoffensive : ils n’osèrent immoler une légion de martyrs. Cette femme, venue de Dieu, ou pour eux de l’enfer, faisait succéder à la terreur du sacrilège un autre genre d’épouvante. Comme la Pucelle l’avait prévu, le convoi passa tout entier sous les yeux des Anglais, sans atteinte et sans coup férir. Il entra ainsi dans la ville[56].

Le soleil venait seulement de se lever. Après quelques heures de repos, Jeanne entraîna immédiatement les troupes à l’assaut de l’une des bastilles, dite de Saint-Loup. Cet ouvrage fut emporté le même jour. Chassés du boulevard, les Anglais se réfugièrent dans le clocher, qui subsistait, de l’église, sur les ruines de laquelle cette bastille avait été construite. Les Français y pénétrèrent à la suite d’une lutte nouvelle et acharnée. Ils voulaient tuer tous lés ennemis qui s’y rencontraient. Cependant plusieurs de ces derniers, trouvant sous leur main des vêtements ecclésiastiques, s’en étaient affublés. Jeanne, avertie de ce stratagème, n’en fut point dupe ; mais elle vit dans je prétexte une occasion de miséricorde et de générosité. Elle les prit sous sa protection en disant, par plaisanterie, qu’il ne fallait pas verser le sang des prêtres. Et leur vie fut de la sorte épargnée[57].

Le lendemain 5 mai, jour de l’Ascension, la Pucelle interrompit toute opération militaire et fit célébrer religieusement cette grande fête. Le 6 mai fut marqué par la prise de la bastille des Augustins, dont il fallait s’emparer avant que de parvenir à la tête du pont ou bastille des Tourelles. Cette position, comme on sait, était la citadelle des assiégeants. Ils y avaient établi de tels ouvrages, que, le 6 au soir, les capitaines français victorieux renonçaient à l’espoir de s’en rendre maîtres. Il fallait, disaient-ils, au moins un mois de siège pour la réduire. Le 7, de grand matin, la ville fut sur pied, par ordre de la Pucelle. L’assurance et la gaieté rayonnaient sur son front. Au moment où elle partait, tout armée, de son logis, un pêcheur apporta une alose à son hôte Jacques Boucher, qui la lui offrit. Gardez-la pour le souper, répondit-elle ; je vous amènerai ce soir un godon (un Anglais prisonnier), qui en prendra sa part. Elle annonça également qu’elle reviendrait par le pont d’Orléans, c’est-à-dire après avoir conquis les Tourelles[58].

A six heures du matin, la lutte commença et dura toute la journée, soutenue par l’élite de la chevalerie d’Angleterre. L’assault fut fier et merveilleux, plus que nul qui eust esté oncques vu de la mémoire des vivants. A midi, la Pucelle plantait une échelle. En ce moment un carreau ou gros trait, lancé de haut en bas, lui traversa les muscles de la poitrine, au-dessus du sein droit, entre le cou et l’épaule, sur un trajet de sept à huit centimètres. Elle céda un moment à la douleur, et se tirant à l’écart, elle pleura. Puis elle fit venir son aumônier et se confessa. Cependant, le trait enlevé, le sang qui coulait abondamment de sa blessure fut étanché. On posa ensuite sur la plaie un premier appareil, composé de lard frais et d’huile d’olives. La Pucelle raffermie moralement et pansée, retourna sur l’heure au combat[59].

Les Anglais déployaient toujours la plus grande énergie. Au soleil couchant, le bâtard d’Orléans, désespérant da succès, fit sonner la retraite, contre l’avis de la Pucelle. Jeanne se détourna quelques instants seule dans une vigne et se recueillit à genoux. Elle revint, décidée à reprendre la lutte. En cet instant, la bannière de la Pucelle fut accidentellement agitée. Les troupes, croyant à un signal de ralliement, remontèrent à l’assaut avec une nouvelle ardeur. Les Anglais avaient épuisé leur dernier projectile et se disposaient d’eux-mêmes à se retirer. Au nombre de six cents, ils furent en un clin d’œil culbutés par les assaillants[60].

Quatre cents périrent sur la place, par le feu, le fer ou l’eau. W. Glasdale, un des principaux capitaines, avait violemment insulté la Pucelle. Jeanne, le tenant à merci, lui cria : Rends-toy, rends-toy.. j’ai pitié de ton âme ! Glasdale se trouvait sur le pont de bois en ruine, au-dessous duquel les Orléanais venaient de mettre le feu. A ces mots, le frêle appui s’écroula ; Glasdale et beaucoup d’autres Anglais tombèrent dans la Loire, au milieu du fracas et de débris enflammés. Jeanne, témoin de cette scène, s’émut d’une pitié profonde et manifesta par ses lamentations et ses larmes les sentiments dont elle était pénétrée[61].

Les vainqueurs, pour ne pas faire mentir la Pucelle, rétablirent à la hâte une tête de pont et revinrent par cette route à. Orléans. Ils reconduisirent en triomphes la ville leur libératrice. Jeanne rentra, suivie de deux cents godons, pour un qu’elle avait promis. Restait à débarrasser la rive droite. Pendant la nuit, les Anglais plièrent bagage, et les Orléanais, le 8 mai, au matin, n’eurent qu’à contempler leur départ. L’ensemble des troupes se divisa en deux colonnes : W. Pole, comte de Suffolk, dirigea l’une sur Gergeau ; l’autre, conduite par Talbot, regagna Meung-sur-Loire. La Pucelle, en quatre jours, avait accompli le premier acte de sa mission. Le siége d’Orléans était levé[62].

Ce grand épisode mérite la place d’honneur qu’il occupe dans nos annales. L’histoire, et à juste titre, a célébré les exploits des capitaines qui se distinguèrent en cette occasion mémorable. Les noms des Gaucourt, des Dunois, des La Hire, des Saintrailles, sont depuis ce jour demeurés célèbres. Il est juste d’ajouter que la Pucelle jeta sur la gloire même de ces hommes son propre reflet et un nouvel éclat.

La guerre que menaient, avant sa venue, les Duchatel, les Boucan et les la Trimouille, était ce qu’est la guerre en elle-même, une aveugle et grossière ordalie. Jeanne ; moralisa la lutte : elle en fit une guerre sainte et nationale.

Lorsque la Pucelle renvoyait les filles d’armée[63], proscrivait l’indiscipline et les violences, elle ne s’inspirait pas d’une dévotion mesquine. Les désordres de tout genre qui régnaient parmi les gendarmes au service de Charles VII, avaient perverti l’ordre civil de la société. Ces défenseurs de la cause française en étaient devenus le fléau le plus grave et le plus redoutable. Jeanne procédait ainsi, d’instinct, à une réforme de première importance.

L’histoire, d’autre part, n’a pas jusqu’ici versé assez de lumière sur le rôle que jouèrent, en cette crise, les humbles populations de nos provinces du Centre et du Midi. Dans les archives de quelques villes, telles que Tours par exemple, se conservent à cet égard des documents précieux et encore peu connus. Ce sont de véritables titres de noblesse pour ces villes et le chapitre premier de leur histoire moderne. Il faut lire ces documents pour savoir tout ce qu’elles eurent à souffrir de misères et de sacrifices. Le zèle patriotique, l’honnêteté, le bon sens, le dévouement modeste et naïf s’y peignent ensuite sous les traits les plus frappants. Poitiers, Chinon, Saumur, Angers, Tours, Blois, Bourges, La Rochelle s’unirent, dans un actif concert, à l’héroïsme que déploya la municipalité d’Orléans. De continuelles communications s’étaient établies spontanément entre toutes ces villes. Bien loin de recevoir l’impulsion du pouvoir central, toujours prêt à les exploiter, même sans mesure, on voit l’une de ces cités, la ville de Tours, supplier le roi, au mois de janvier 1429, de secourir Orléans et de faire quelque effort pour reconquérir son royaume. Albi, Montpellier, d’autres communes de l’Auvergne et du Bourbonnais s’associèrent à l’œuvre ; elles envoyèrent aux Orléanais du salpêtre, du soufre, de l’acier pour les armes de jet, etc.[64]

La délivrance d’Orléans fut le premier fruit de ce généreux concours. En un certain sens le rôle politique du tiers-état commençait : avant la Pucelle, jamais ces populations n’avaient été représentées ainsi. Jeanne les personnifia dans une figure si belle, que la France entière, aujourd’hui, la revendique à ce titre. Quand la Pucelle fit entendre sa voix dans la lettre à Bedford, ces populations tressaillirent à cet écho de leur âme, à cet écho divinisé de leur propre voix. La Pucelle, dès ce jour, devint leur amour et leur idole. Jeanne était plébéienne, et c’est, hélas ! dans le peuple seul qu’elle dei ait rencontrer une sympathie profonde et fidèle.

 

 

 



[1] Domremy et Greux (annexe), aujourd’hui canton de Coussey, arrondissement d’Épinal, Vosges.

[2] Les autorités sur lesquelles se fonde tout le commencement de ce chapitre sont réunies dans le mémoire intitulé : Nouvelles recherches sur la famille, etc., de Jeanne Darc. 1854, in-8°, Romée au féminin, ou, dans le midi et au masculin, Romieu, signifiait : qui a fait le grand pèlerinage, qui a été à Rome. Isabelle s’appelait ainsi héréditairement.

[3] Non multum divites. Quicherat, Procès, t. II, p. 335 et suiv. Ce recueil est la principale source qui vous sert d’autorité pour toute la partie connue de la carrière de Jeanne.

[4] Procès, t. III, p. 74. A Rouen, Jeanne, interrogée sur ce chapitre, répondit que pour ce qui est de coudre et de filer, elle ne craignait aucune dame de cette grande ville ; quant à avoir gardé les bestiaux, elle dit qu’elle ne s’en souvenait plus.

[5] Procès, t. II, p. 391 et suiv.

[6] Procès, t. I, p. 185 ; t. II, p. 413, etc.

[7] Procès, t. I, 66.

[8] Procès, t. II, p. 51, 214, etc.

[9] Ibid., D. Plancher, t. IV, p. lv et Ivj des Preuves, convention du 18 mars 1426.

[10] Procès, t. I, p. 132, etc.

[11] Chaumont, chef-lieu du bailliage, était au pouvoir de Bedford. Jean de Torcenay y remplissait le siège du bailliage pour Henri VI. Robert de Baudricourt cumulait avec la capitainerie de Vaucouleurs la charge de bailli de Chaumont pour Charles VII. Procès, t. II, p. 411 ; t. IV, p. 326.

[12] Ibid., p. 436, etc.

[13] Procès, t. I, p. 128, 215, etc.

[14] Ibid., t. I, 68,1213 ; t. III, 341, 429 ; t. IV, 481.

[15] Lettre du 22 juin ; l’original aux archives municipales de Reims. Il en existe une copie (faite par Fontanieu ?) à la direction générale des Archives : K, carton 69, n° 43, 3.

[16] Procès, t. II, 411 ; t. III, 115 et passim. Une version française de la chronique Antonine, version inédite et datée de 1485 à 1509, atteste et précise l’allégation de ce concert entre Baudricourt et le gouvernement. Ms. fr. 1391, f° 265. Communication de M. Paulin Paris. M. Michelet a très ingénieusement remarqué l’influence que la reine Yolande dut exercer, à cet égard, en Lorraine, et la part qui lui revient dans l’accueil favorable que reçut Jeanne Darc à la cour. (Hist. de France, t. V, p. 61.)

[17] Procès, t. I, p. 54, etc. Biographie Didot : Mai (Alison du).

[18] Recherches iconographiques sur Jeanne Darc, p. 2 et suiv.

[19] Voir la tapisserie d’Azeglio, conservée au Musée Jeanne Darc d’Orléans. Cette image a été gravée : Illustration, 1855, octobre, p. 286 ; et reproduite par MM. Bordier et Charton, Histoire de France, etc., t. I, p. 518. Vallet de Viriville, Recherches iconographiques, 1855, in-8°.

[20] Recherchés iconographiques sur Jeanne Darc, p. 2. Colet de Vienne est sans doute le même que Jean Colez, chevaucheur de l’écurie du roi, etc. Voyez Procès, t. V, p. 260, et Lebrun des Charmettes, Histoire de Jeanne d’Arc, t. I, p. 404, note 2.

[21] Montreuil, p. 314. Procès, t. I, p. 75 ; t. III, p. 70, etc.

[22] Procès, t. II, p. 435 ; t. III, p. 87.

[23] Procès, I, 75, 222 ; IV, 313.

[24] Au moment où Jeanne et ses compagnons arrivaient à Chinon, des hommes d’armes français dressèrent une embuscade sur sa route. Leur but était de dévaliser les survenants et de les rançonner. (Procès, III, 203.) Nous n’avons pas besoin d’insister sur un trait aussi caractéristique.

[25] Voyez Procès, t. II, p. 447.

[26] Montreuil, p. 273. Procès, t. I, p. 143 ; t. III, p. 66. G. de Cougny, Notice sur le château de Chinon, Chinon, 1860, in-8°, fig. ; p. 14, 10, 61. La tour du Coudray est figurée pl. I, au point A, 2.

[27] Procès, t. III, p. 115.

[28] Procès, t. V, p. 118. Montreuil, p. 273.

[29] Procès, t. I, p. 75 ; t. III, p. 103. A. Vallet, Charles VII et ses conseillers, p. 37. Cougny, Notice sur Chinon, p. 15, 61. Voyez pl. I, le plan, et pl. II le point A. Aquarelle de 1699, portefeuille Gaignières, cabinet des estampes (topographie), Chinon, feuillet marqué 54. J’ai sous les yeux un dessin dans lequel j’ai constaté l’état de ces lieux en 1843.

[30] Procès, t. I, p. 75 ; t. III, p. 103. Vallet de Viriville, Charles VII et ses conseillers, Paris, Dumoulin, 1859, in-8°, p. 37.

[31] La Pucelle avait pu être guidée sur ce point par le confesseur du roi.

[32] Procès, t. III, p. 75 ; t. IV, p. 128, 208. Lannoy, Histoire du collège de Navarre, t. II, p. 524. Mémoires de Pie II, liv. VI, p. 154. Montreuil, p. 274. Déposition de frère Pâquerel, confesseur et aumônier de la Pucelle ; Procès, t. III, p. 103, etc. Cf. Quicherat, Aperçus nouveaux, etc., p. 73. Maan, Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis, 1667, in-folio, p. 163. Gérard Machet est sans doute le personnage désigné en ces termes dans le poème latin anonyme (Procès, t. V, p. 32) :

...Vir unus,

Inter doctores sacres non ultimus...

Le même poète, qui est, je crois, le Normand Robert Blondel, indique également un autre personnage, comme ayant contribué à faire admettre la Pucelle :

.....Senior vates qui nomine Petrus

Dictus erat, dulci normanna gente creatus... (Ibid.)

Nous appuyons ici la conjecture du savant éditeur M. Quicherat, et nous pensons qu’il s’agit de Pierre de Saint-Valérien, maître en médecine et en astrologie. Ce poème de Robert Blondel, inachevé, paraît avoir été écrit à l’époque de la réhabilitation.

[33] La scène que nous décrivons se voit peinte dans un tableau très remarquable de l’époque, le Buisson ardent, cathédrale d’Aix. Cette scène représente par allégorie l’Annonciation de la Vierge. (Voyez Renouvier, les Peintres de René d’Anjou, 1857, in-4°, p. 13 ; et la planche dans les Œuvres de René, édit. Quatrebarbes, t. I, après la page cxlviij.) ...Aussi, si elle n’est pucelle, la licorne n’a garde d’y toucher, mais tue la fille corrompue et non pucelle. (Berger de Xivrey, Traditions tératologiques, p. 669.) Maury, Légendes pieuses, p. 176.

[34] Vallet de Viriville, Nouvelles rech. sur Agnès Sorel, p. 33 et s. Bullet. de la Soc. des antiquaires de Picardie (congrès de Laon, août 1868), t. VI, p. 621 et suiv. Du Gange, Glossaire, au mot matrimonium.

[35] Anselme, Généalogie des Gaucourt. Biographie Didot, article Le Maçon. Procès, t. III, p. 102, 209 ; t. V, p. 87.

[36] Montreuil, p 275 et suiv. Itinéraire. Procès, t. III, p. 74, etc. Jean Rabateau fut un des conseillers influents de Charles VII.

[37] Montreuil, ibid. Procès, t. I, p. 71 à 94.

[38] Itinéraire. Montreuil, ibid., etc.

[39] Ms. s. fr. 2342, f° 45. Archives de Tours ; dans le Cabinet historique, 1859, p. 196. Procès, t. III, p. 93. Appatiser, mettre à pacte, rançonner.

[40] Biographie Didot, article Jean, duc d’Alençon. Procès, t. I, p. 55 ; 133 ; t. III, p. 96 ; t. IV, p. 10.

[41] Montreuil, p. 277. Statuette de M. Carrand ; Recherches iconographiques, planche 2. Les Miracles de madame sainte Catherine de Fierbois, publié par M. l’abbé Bourassé, Tours, 1858, p. 19 et passim.

[42] Voyez Procès, t. V, à la table : Épée de Fierbois.

[43] C’est-à-dire La Paule (témoignage de Louis de Contes). Éléonore de Paule avait été damoiselle de la reine, de 1422 à 1427. En 1429, elle était mariée à Jean Dupuy, seigneur de la Roche-Saint-Quentin, principal conseiller, à Tours, de la reine Yolande.

[44] Procès, t I, p. 18, 117, 181 ; t. III, p. 66, 101 ; t. IV, p. 490 ; t. V, p. 154, 258. Archives de Tours ; Bull. Soc, hist. de France (loc. cit.), p. 113. Tapisserie d’Azeglio.

[45] Procès, t, III, p. 103 ; t. IV, p. 120, 301, 322. Montreuil, p. 281.

[46] Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat ; devise de la monnaie au quinzième siècle.

[47] Montreuil, p. 281, 283. Procès, t. III, p. 104, 106.

[48] Journal du siége, p. 153.

[49] Journal du siège. Procès, t. III, p. 212, etc.

[50] Ibid., p. 146. Ms. Cordeliers, n° 16, f° 483. Jollois, Histoire du siège d’Orléans, p. 24 et suiv. : The regent answered the duke’s ambassadors, that it was not honorable, nor yet consonant to reason, that the King of England should beate the bushe ; and the duke of Burgoyne should have the birdes. (Grafton, p. 579.) Cf. J. Chartier, in-16, t. I, p. 65.

[51] Extraits de comptes concernant le fait de l’advitaillement d’Orléans, Ms. s. fr. 2342, f° 49, 50. Procès, t. III, p. 74, etc.

[52] Violées.

[53] A condition que vous mettiez bas les armes et que vous payiez une indemnité pour avoir occupé indûment ces villes.

[54] Tintamarre, terme populaire et familier.

[55] C’est-à-dire le mardi de la semaine sainte, 22 mars 1429. — D’après la copie envoyée aux princes d’Orléans en Angleterre par Cousinot, chancelier du duc Charles. Montreuil, p. 281.

[56] Montreuil, ch. XLV. Déposition de Pâquerel, aumônier en chef : Procès, t. III, p. 105 et suiv. Histoire du siège, p. 37. D. Pitra, Spicilegium Solesmense, t. III, p. 130.

[57] Les mêmes. Montreuil, ch. XLVI. Kausler, Atlas des batailles. Jollois.

[58] Pour bien goûter ce dialogue, il faut, je crois, se rappeler que les prisonniers étaient un butin, une marchandise courante. Jeanne répond à la politesse d’une alose que lui fait le trésorier, par l’offre d’un godon. (Montreuil, ch. XLVIII.)

[59] Montreuil, ch. XLVIII. Procès, t. III, p. 70, 110, etc.

[60] Montreuil, ibid. Procès, t. III, p. 110 ; t. V, p. 103.

[61] Montreuil, ibid.

[62] Les mêmes. Grafton, p. 551.

[63] Au siège de Compiègne, en 1422, il y avait cinq cents folles femmes dans la garnison, composée de cent hommes d’armes (nobles) et mille hommes de pied ; au total : quinze cents militaires environ. (Journal de Paris, p. 658.)

[64] Cabinet historique, cité, p. 102. Lemaire, Histoire d’Orléans, 1648, in-fol., p. 185. Jollois, Histoire du siége, p. 52. Procès, t. IV, p. 136, 156. Vergnaud-Romagnési, Bulletin du bouquiniste du 15 janvier 1861, p. 19 et 20. Amos Barbot, Histoire de la Rochelle. Ms. Saint-Germain, fr., n° 1060, sub ann. 1429. Arcère, Histoire de la Rochelle, t. I, p. 271. Nos archives de ville marquent que Léger Saporis, évêque de Maguelonne (du 25 mai 1429 à 1430), fit la bénédiction de la chapelle de Notre-Dame des Bonnes-Nouvelles, fondée et bâtie par les habitants de Montpellier lorsqu’ils eurent appris la levée du siége d’Orléans et le sacre du roy en la ville de Reims. (Grefeuille, Histoire de Montpellier, 1739, in-fol., p. 143, 198.) Gallia christiana, t. VI, col. 800. Etc.