HISTOIRE DE CHARLES VII

TOME PREMIER

LIVRE II. — DEPUIS LA RETRAITE DU PRINCE CHARLES VERS LA LOIRE (JUIN 1418), JUSQU’À LA MORT DE CHARLES VI (21 OCTOBRE 1422).

CHAPITRE III. — Entrevue de Jean sans Peur et du dauphin à Montereau. Mort de Jean sans Peur : 10 septembre 1419.

 

 

L’événement qui forme le sujet de ce chapitre, est un des épisodes les plus dramatiques et des faits les plus graves du quinzième siècle. Il tire à la fois son importance historique et de lui-même, et de ses origines, et de ses conséquences. Pour le passé, le meurtre de Jean sans Peur, se rattache, par un lien logique et nécessaire, au meurtre de Louis, duc d’Orléans, assassiné en 1407. Après elle, cette même catastrophe entraîna des conséquences infinies : elle ouvrit pour la France, une nouvelle série de représailles, de crimes et de désastres.

Deux acteurs principaux figurent dans ce drame, et captivent tout d’abord l’attention. Le premier fut la victime, Jean sans Peur. L’autre, Charles de France régent, est celui sur qui se reporte naturellement la pensée, pour trouver l’auteur, le chef responsable de cette sanglante action.

Le prince Charles, en 1419, était âgé de seize ans. D’un caractère doux et humain, qui, sous ce rapport, ne se démentit jamais, pendant tout le cours de sa vie, doué d’un tempérament débonnaire et timide, diverses causes arrêtèrent en lui, jusqu’à un terme fort tardif, le développement de ses facultés. Dès le jour où il fut l’héritier désigné du trône, il était devenu pour ainsi dire la possession d’un parti. Des politiques, pleins de confiance en eux-mêmes, s’emparèrent du jeune prince, comme d’autres, depuis trente ans, s’étaient emparés de Charles VI. Bien loin de presser sa lente jeunesse, et d’exciter sa spontanéité, ils s’attachaient au contraire à le laisser, à le retenir dans une sorte d’abandon intéressé. Enfermé, par eux, comme au milieu d’une enceinte impénétrable, il ne voyait que par leurs yeux.

Ces conseillers avaient nourri et développé, dès l’enfance, chez le prince Charles, un sentiment de méfiance et d’hostilité contre le duc de Bourgogne. La retraite de Paris, suivie des derniers événements qui venaient de s’accomplir, aigrirent ce sentiment et lui communiquèrent un nouveau degré d’irritation et d’acuité. Mais tout un abîme s’étend, aux yeux de l’observateur, entré cette disposition défavorable, ou ce mécontentement du dauphin, et l’idée d’un assassinat. Rien ne prouve que les familiers du jeune régent aient osé lui faire la moindre ouverture personnelle, tendante à la perpétration d’un acte aussi coupable.

Ainsi, ni la préméditation, ni la volonté, ni l’intelligence, ni la participation, comme on le verra plus tard, ces éléments indispensables de toute responsabilité sérieuse, ne sauraient être imputés, dans cette déplorable cause, au jeune dauphin régent. Pour découvrir les véritables auteurs de la catastrophe de Montereau, il faut chercher ailleurs, il faut interroger les diverses influences dont ce prince était entouré : On ne saurait peindre un tableau moralement plus inégal et plus mêlé, que celui de ces influences.

Yolande d’Aragon, la bonne mère de Charles, lui manquait dans ce moment. Lors de sa retraite en Berry, le fils du roi avait emmené avec lui son précepteur, nommé Gérard Machet. Ce docteur, élève puis maître du collège royal de Navarre, après avoir introduit son pupille aux lettres humaines, inaugurait avec lui sa carrière politique. E demeura, dès lors, à ses côtés, comme directeur de sa conscience, ou confesseur du dauphin, puis confesseur du régent, puis confesseur du roi. Ami et collègue du grand Gerson, maître Gérard Machet était un vénérable et saint homme, mais dans une aussi orageuse circonstance, aucun rôle, selon toute vraisemblance, ne lui fut assigné[1].

L’homme qui prit, à cette réunion tragique de Montereau, la part la plus considérable, est Tanguy Duchâtel. Né en 1359, ce gentilhomme breton touchait à un âge déjà très mûr. Nature forte et puissante, il devait poursuivre jusque près du terme ou cercle centenaire, le long cours de sa robuste existence[2]. L’Angleterre, l’Aragon, le Portugal, l’Italie, la France, furent successivement le théâtre de ses prouesses militaires. Il servit d’abord Louis, duc d’Orléans, jusqu’à sa mort, et se porta dès lors (1407) un de ses vengeurs. Duchâtel passa ensuite les Monts et prêta le secours de son épée à Louis II d’Anjou, roi de Naples et de Sicile. Le duc de Bourgogne lui-même ne fut pas étranger à la carrière et à la fortune de Tanguy. Jean sans Peur le donna vers 1412 à son gendre, Louis, duc de Guyenne et Dauphin. Ce prince le prit pour son maréchal ou maréchal de Guyenne, et bientôt Duchâtel, nommé prévôt de Paris, monta sur la scène politique[3].

Louis duc de Guyenne étant mort, Tanguy devint le bras droit du connétable d’Armagnac. Il épousa les vues et la conduite de ce comte, avec un zèle aveugle et une fidélité toute féodale. Vingt fois, il joua résolument sa tête, pour la cause du connétable, dans ce jeu sanglant des partis. On sait le dévouement, la présence d’esprit, l’intrépidité qu’il déploya en 1418, lors de l’enlèvement de Charles Dauphin. Ces qualités brillantes sont propres à exciter en faveur du capitaine breton de légitimes sympathies. Mais il y a une ombre au tableau. Tanneguy... très périlleux homme, chaud, soudain et hâtif, et faut que soubdainement ce qu’il veut soit fait et accomply. Ainsi le peint un témoignage contemporain[4]. Duchâtel, insatiable de biens et de jouissances, recevait de toutes mains et vendait après tout son dévouement.

Par complaisance pour le comte d’Armagnac, il s’était fait le bourreau de Louis de Bosredon. Indépendamment du sang de ce juste, qui souille la mémoire de Duchâtel, une autre tache le marque, une seconde charge s’élève contre lui, devant l’histoire. C’est le jugement d’un honnête homme et appréciateur éclairé : Guillaume Cousinot, chroniqueur et chancelier de la maison d’Orléans. Cet écrivain, dans la Geste des nobles, place Duchâtel au niveau des pires conseillers qui entourèrent le jeune roi Charles VII[5].

Un autre capitaine célèbre servait aux côtés du prince régent. II se nommait Arnald Guilhem, seigneur de Barbazan en Bigorre. Compatriote de la Hire et de Saintrailles, il a laissé dans nos annales, un souvenir moins populaire que ces derniers. Mais ce souvenir est beaucoup plus recommandable et d’un ordre plus relevé.

Barbazan mérita un titre que l’histoire n’a pas prodigué. Il fut, avant Bayard, surnommé par ses contemporains le chevalier sans reproche. Barbazan détesta la surprise et le crime de Montereau, bien loin de les conseiller. Tombé au pouvoir des Anglais ses ennemis, qui étaient devenus ses juges, on l’accusa cependant d’y avoir trempé. Sans autre preuve que sa parole, sans autre garantie que sa renommée Barbazan se lava de ce reproche et contraignit ses accusateurs à l’absoudre[6].

Quant au conseil, proprement dit, du régent, on y comptait surtout deux personnages notables. Le premier, Robert le Maçon, natif de Château du Loir en Anjou, homme sans naissance, comme on disait, fut anobli en 1401, et s’éleva par sa propre valeur. Louis d’Anjou le fit magistrat, et le plaça dans les conseils de la couronne. C’est ainsi qu’il passa, comme homme de robe, au service du dauphin. Éclairé, laborieux, sage, assidu, Le Maçon était un de ces caractères probes et bons, que l’on rencontre parfois dans le camp des pervers. Naturellement honnête, mais faible, il partagea les revers et les fautes des mauvais jours. Il était incapable du mal, mais capable de le laisser faire, et incapable d’y opposer une active et généreuse vigueur[7].

Le second, Jean Louvet, de petite condition aussi, se trouvait en 1415, lieutenant du juge-mage et président des aides ainsi que des comptes en Provence. A cette époque, Charles, comte de Ponthieu, tout récemment fiancé à Marie d’Anjou, voyageait avec son beau-père, dans ces parages. Ils rencontrèrent à Nîmes le président Louvet. Louis II ramena ce magistrat à Paris, le mit au conseil, et depuis ce temps, Louvet ne quitta plus le gendre du roi de Sicile. Louvet, égoïste, remuant, vaniteux, âme dépourvue de véritable grandeur et de toute élévation, fut un des hommes funestes au prince Charles[8].

Le régent avait encore pour entourage et pour familiers, Hugues de Noyers, premier écuyer du corps et maître de l’écurie ; Pierre de Beauvau, son gouverneur : deux sages et expérimentés chevaliers, qui le servaient depuis le jour de sa naissance. Enfin, à la suite de ces influences, venaient un certain nombre d’épées, de militaires, hommes de main et d’action. Nous nommerons Pierre Frotier ; Guillaume, vicomte de Narbonne ; un des grands barons du Midi ; Guillaume Bataille ou Bataillier, chevalier de renom ; Robert de Loré, gentilhomme manceau ; Olivier Layet ; Guillaume d’Avaugour, qui fut grand bailli de Touraine, issu d’une branche cadette de la maison royale et ducale de Bretagne[9].

Parmi ces individualités diverses, inégales et pour lors confondues, nous distinguerons, en dernier lieu, Pierre Frotier. Ce gentilhomme poitevin peut être signalé comme un type spécimen de ces nobles aventuriers, officiers de fortune, qui pullulaient au quinzième siècle. Loi, religion, droit, morale, discipline, lui étaient profondément étrangers. Sans autre Dieu que la force, sans autre foi qu’en son épée, Frotier n’hésita pas à construire, dans la boue d’une vie effrénée, sa fortune acquise au milieu du sang : le sang du duc de Bourgogne.

Ce meurtre de Montereau fut l’exploit qui lui valut ses éperons de chevalier, avec l’office de grand maître de l’écurie, l’une des premières charges de la cour[10]. Marié en 1421 à Jeanne de Naillac, héritière de Preuilly, il devint ainsi baron de la Crosse de Tours, on l’un des quatre grands vassaux de Touraine. Le baron de Preuilly introduisait des fous dans l’église paroissiale de sa seigneurie. Il menait en dérision, au milieu des rues, l’abbé de Preuilly. Il contraignait ses meuniers et ceux de l’abbé à jouter, entre eux, sur des ânes, à la quintaine. Pour construire ses tours, il démolissait les bâtiments, en pierre, possédés et occupés par ses vassaux, se servant de ces bâtiments comme de carrières. Frotier bravait enfin le roi lui-même et déclarait, au surplus, qu’il était lui baron, pape, empereur et roi en sa terre[11].

Ces divers personnages, et notamment les premiers, couvaient dans leurs cœurs une haine ardente et mortelle contre Jean sans Peur. Duchâtel n’ignorait pas que lors de l’invasion de Paris, durant la nuit du 30 mai, son nom figurait en tète des victimes vouées aux massacres sur les listes bourguignonnes. Robert le Maçon, Jean Louvet, dans maint édit ou manifeste du duc de Bourgogne, avaient été taxés d’infamie, désignés à l’opprobre et à l’exécration publiques[12].

D’autres éléments de haine et de colère se mêlaient, chez ces hommes, à leurs ressentiments particuliers. La France était livrée au paroxysme de cette fièvre, que les passions politiques engendrent, aux époques les plus agitées. La guerre civile régnait depuis douze ans. Douze ans de vicissitudes partagées, de revers, éprouvés surtout par les champions du duc Louis ; douze ans d’impunité pour Jean sans Peur ; de succès presque continus, de triomphes dans le crime ! Bien loin d’amortir le courroux des Armagnacs, ce long duel n’avait fait que l’attiser. L’invasion d’Henri V et les progrès de la conquête mettaient le comble à l’exaltation. La doctrine de l’assassinat, du tyrannicide, invoquée par Jean sans Peur, cette dernière arme des partis refoulés ou même vaincus, se retournait logiquement contre lui et se dirigeait, à son tour, vers sa poitrine.

Au lendemain du meurtre de Montereau, un docte et pieux prêtre, humaniste gradué de l’Université de Paris, qui fut depuis précepteur d’un fils de France, maître 1tobert Blondel, offrait au Dauphin régent son poème, aujourd’hui peu connu, mais remarquable. Cet ouvrage, écrit d’abord en mètres latins, puis traduit en vers de la langue vulgaire, a pour titre la Complainte des bons Français. Au milieu des sentiments les plus nobles, les plus justes et les plus purs, le patriote normand, auteur de ces vers, va jusqu’à placer sous la sauvegarde de la religion et sous la sanction de la morale, l’homicide accompli sur le duc de Bourgogne[13].

Telles furent, du côté du Dauphin, les circonstances morales au milieu desquelles s’ouvrit le drame de Montereau.

Le 11 juillet 1419, Armagnacs et Bourguignons, en la personne des deux princes, s’étaient juré, une réconciliation qui n’était nullement dans les cœurs. Chacun des deux partis entendait absorber en son triomphe son adversaire réconcilié. Vers les premiers jours du mois d’août, aussitôt après la prise de Pontoise, le Dauphin envoya des troupes sous les murs de Paris. Le duc Jean renouvela immédiatement ses alliances avec les Parisiens. Il leur fit reprendre l’insigne de sa faction, qui était la croix oblique, ou sautoir de Bourgogne, et défendit qu’il fût donné accès ni passage aux forces du Dauphin[14].

Cependant le conseil du roi siégeait à Troyes. La reine, la ville de Paris écrivirent au régent et au duc, pour les adjurer de se rapprocher et de s’unir. Une nouvelle conférence avait été fixée, lors du traité de Corbeil, au 26 août suivant. Les deux princes contractants s’étaient promis de s’entendre avant ce terme de rigueur. Ils devaient se concerter, tant au sujet de l’administration générale du royaume, que de la guerre contre les Anglais[15].

Le 10 août, T. Duchâtel, Jacques du Peschin et Louis d’Escorailles sénéchal de Berry, envoyés du Dauphin, se rendirent à Troyes, vers le duc de. Bourgogne. Ils invitèrent Jean sans Peur à tenir sa promesse et à se transporter près du régent. Le duc répondit en exhortant le prince, par l’intermédiaire de ces envoyés, à venir se joindre non seulement à lui duc, mais au roi et à la reine qui habitaient Troyes ; comme un bon fils devait le faire, disait-il, à l’égard de son père et de sa mère[16].

Les conseillers du régent et le prince lui-même, autant que nous pouvons juger de ses sentiments, éprouvaient quant à l’adoption de ce plan, les plus vives répugnances. Les premiers, spécialement, comprenaient que suivre ce parti c’était abdiquer et périr. Toute leur politique et tous leurs efforts se dirigèrent donc vers un seul but : triompher, sur ce point, de la volonté ou de l’option du duc de Bourgogne. L’entreprise offrait de grandes difficultés. Jean sans Peur, caractère sombre, taciturne, était la défiance même. Toujours mal assuré depuis le meurtre de Louis, il s’était fait construire, dans son hôtel d’Artois, une chambre forte, toute en pierres, à l’épreuve du canon, et s’y retirait la nuit pour y coucher. Il ne sortait jamais le soir, à l’heure où avait péri sa victime. Le jour, il ne marchait qu’entouré d’une forte garde du corps ou escorte[17].

Jean sans Peur, au préjudice de sa belle et vertueuse épouse, Marguerite de Bavière, avait eu successivement plusieurs liaisons illicites. En ces derniers temps, il s’était accointé d’une certaine dame de Giac, qui jouissait auprès de ce prince du plus grand crédit. Plusieurs historiens modernes la qualifient, sans hésitation, de maîtresse du duc. Nous nous bornerons, sur un tel point, à faire observer ce qui suit. Jeanne du Peschin, dame de Giac, avait épousé en 1376, Louis de Giac, seigneur de Châteaugay, mort vers 1408. Elle était mère (entre autres enfants) d’un fils, nommé Pierre de Giac, homme fait et l’un des principaux capitaines au service de Jean sans Peur. Donc la dame de Giac, en 1419, devait être à peu près sexagénaire[18].

Quoi qu’il en soit, on ne saurait nier que la mère et le fils, comblés de biens par le duc, possédaient, à ses côtés, la plus grande faveur. La mère principalement était tenue par lui en un singulier attachement. Jeanne du Peschin avait été longtemps dame d’honneur de la reine. Elle connut ainsi, tout enfant, le prince Charles. Ce dernier répondait par une sorte d’affection d’habitude et filiale, à la tendre familiarité de la dame d’honneur. Madame de Giac suivit la reine, à la cour de Troyes. Entourée elle-même de ses femmes, le duc lui avait donné un état considérable. Partout elle accompagnait Jean sans Peur, qui la consultait sur ses plus grandes, comme dans ses plus petites affaires[19].

Jeanne du Peschin, d’une assez grande famille d’Auvergne, était sœur de Jacques du Peschin, l’envoyé du régent. Par le mari de sa belle-sœur, Catherine de Giac, elle appartenait à la maison de Poitiers et aux seigneurs de Saint-Vallier. Or Charles de Poitiers, évêque de Langres, et l’un des principaux conseillers de Jean sans Peur, avait pour frère Jean de Poitiers, évêque de Valence en Dauphiné, qui occupait à la cour du régent une position assez notable[20].

Enfin, parmi les plus privés de Jean sans Peur, se trouvait un domestique, nommé Philippe Musnier, dit Jossequin ou Petit-Josse, fils d’un armurier au service de la maison ducale. Jossequin, prisonnier du Turc à Nicopolis, comme le duc, ne s’était point séparé du prince bourguignon, depuis leur enfance. Jean sans Peur l’avait fait successivement son valet de chambre, puis secrétaire ; premier chambellan, à qui était confié son sceau de secret ; garde de ses joyaux ; puis, conseiller. Il lui accordait, avec son extrême familiarité, une confiance extrême[21].

De proche en proche, comme on voit, ces divers ressorts communiquaient du prince Charles au duc de Bourgogne. Tanguy Duchâtel, de concert avec ses collègues du conseil, fit mouvoir, avec infiniment d’art et d’habileté, ces touches sensibles et secrètes. Jossequin et surtout la dame de Giac étaient auprès de Jean sans Peur les aboutissants. Le prévôt de Paris, dans ses fréquentes ambassades, inspecta et activa puissamment les effets de cette œuvre de séduction. Après de nombreux pourparlers et de grandes résistances, le duc se décida, le ter septembre 1419, à quitter Troyes, sa résidence actuelle. Il se rendit à Bray-sur-Seine, se dirigeant ainsi vers le dauphin régent. Le duc s’était fait suivre de trois cents hommes d’armes pour sa garde et d’un petit corps d’armée[22].

De son côté, le dauphin, dès les premiers jours d’août, (vers le 12), était parti de Bourges. Il avait pris sa demeure le 24, au château de Montereau-faut-Yonne, attendant de jour en jour l’arrivée de son cousin. Charles, d’après Monstrelet, avait à sa suite près de vingt mille combattants. Le dimanche 10 septembre 1419, Jean sans Peur, cédant à de nouvelles instances, se porta de Bray à Montereau, Les serments du 11 juillet avaient été, renouvelés la veille et échangés entre les signataires du traité. Le château de Montereau était situé d’un côté de la Seine, et la ville de l’autre. Un pont de pierre fortifié, avec tête, herses et ponts-levis, unissait les deux rives. L’entrevue devait avoir lieu sur ce pont[23].

A cet effet, Regnaudin le Normand, charpentier, avait construit, par ordre du régent, un parc de bois, divisé en trois parties. La première s’ouvrait du côté du château, après la tête de pont, et formait une sorte de vestibule. La seconde, subdivisée, à ce qu’il paraît, en couloirs obliques, contenait une espèce de loge ou de chambre. Une porte, munie de serrure, y donnait accès. Cette porte ouvrait du côté du vestibule et fermait en dedans de la loge. Semblable au vestibule, la troisième partie communiquait de la chambre à la ville[24].

Pour offrir au duc de Bourgogne une nouvelle garantie, le dauphin, sur l’avis de ses conseillers, avait délogé du château, qu’il occupait primitivement. Cette forteresse fut mise à la disposition du duc de Bourgogne et de ses gens. Charles passa la nuit du 9 au 10, au château de Moret. Puis, le matin, accompagné de Barbazan, il revint à Montereau et s’établit dans la ville[25].

Vingt chevaliers en tout devaient assister à l’entrevue. Chacun des deux princes, dans ce dessein, avait fait choix de dix personnes, agréées par le parti adverse. Jean sans Peur désigna : Charles de Bourbon, comte de Clermont, son gendre ; Archambault de Foix, seigneur de Navailles ; les sires de Saint-Georges, de Vergy, d’Autrey, de Lens, de Montaigu, de Fribourg, de Pontaillier et Pierre de Giac. Les dix chevaliers délégués par le dauphin, se nommaient T. Duchâtel, Barbazan, P. Frotier, G. d’Avaugour, vicomte de Narbonne, P. de Beauvau, Ol. Layet, H. de Noyers, L. d’Escorailles, Robert de Loré. Il avait été convenu que ces vingt militaires, seraient armés seulement de leur cotte d’armes ou haubergeon, et de l’épée. Le due prit en outre avec lui, comme greffier, Jean Seguinat, l’un de ses secrétaires. Le dauphin devait être assisté de R. le Maçon et du président de Provence. Parmi les gens de monseigneur de Bourgogne, se trouvait un juif appelé Maître Mousque, qui se mêlait de prédire. Il déconseilla au duc d’aller à cette réunion. Ce juif lui remontra, comme pronostic, que, s’il y allait, il n’en reviendrait pas. D’autres personnes ouvrirent un avis analogue[26].

Arrivé au château dans l’après-midi, le duc commença par donner ses ordres pour la sûreté de sa personne et pour la police militaire de la place. Il prit ensuite possession de ce poste. Le duc installa sa garde. Il y introduisit également la dame de Giac, qui avait fait route avec lui, persistant à lui conseiller de se rendre à l’entrevue. Jean sans Peur confia cette dame, avec une partie de ses joyaux, à Philippe Jossequin, comme au plus féable de ses serviteurs[27].

A cette heure, des avis assez sombres lui parvinrent encore. Les barrières, construites sur le pont, étaient, disait-on, très avantageuses au dauphin ; des gens cachés et en armes se tenaient dans des maisons du côté de la ville. Pierre de Giac, envoyé pour reconnaître les lieux, rapporta qu’il n’avait rien vu de semblable. Le duc, après en avoir délibéré, marcha au rendez-vous. Parvenu à la tète du pont, il réunit une dernière fois son conseil, sans descendre de cheval ; et, sur l’avis de la majorité, ayant reçu les nouveaux serments des gens du dauphin, il s’engagea sur le pont[28].

De ce côté, l’abord du parc, ou vestibule, présentait une entrée, composée de fortes pièces de bois, crénelées et disposées à droite et à gauche, en manière d’affûts ou barbacanes. Le milieu offrait un passage. Sur les côtés, des canons, braqués et chargés, étaient prêts à faire feu, ultérieurement, en cas d’invasion sur cette face[29].

Pierre de Beauvau et T. Duchâtel reçurent le duc et sa suite, avec de grandes marques de respect. Duchâtel mit à les introduire une sorte de précipitation. Séguinat, secrétaire du duc, n’entrait pas assez promptement au gré de Tanguy. Celui-ci le tira par une de ses longues manches, qui pendaient à la robe du secrétaire et qui étaient alors de mode, pour les hommes comme pour les femmes. Aussitôt la porte ou guichet de la chambre fut fermée en dedans de telle sorte que le duc et ses compagnons se virent pour ainsi dire dans l’impossibilité de retourner sur leurs pas[30].

Jusqu’ici les circonstances de l’événement nous sont connues d’une manière claire et certaine. Mais il n’en est plus de même à partir de ce point. Ce qui se passa dès lors, eut pour témoins vingt personnes environ. Ces dernières, appelées depuis à en déposer, le firent avec l’inévitable partialité de leur situation respective. Le tumulte violent de l’action, joint à la position critique de chacune d’elles, mirent un double obstacle à la netteté de leurs impressions et par suite à l’exactitude ou à l’autorité de leurs souvenirs. Ces divers récits enfin ne se produisirent que partiellement et jamais dans un débat d’ensemble et contradictoire. De là le désaccord, la confusion, toute naturelle, des notions qui nous sont restées à cet égard. Toutefois le voile ténébreux, que le temps et l’histoire ont laissé retomber sur le dénouement de ce drame, ne nous semble pas absolument impénétrable. L’opinion que nous allons émettre, pour résumer les faits, nous parait rendre de ces faits, un compte, si ce n’est complètement vrai, au moins le plus vraisemblable.

D’après une première version, l’entrevue de Montereau ne fut autre chose que le résultat d’un complot ourdi et prémédité par Duchâtel et ses complices, sans en excepter le jeune prince lui-même. A l’aide d’amorces couvertes ou de séductions, ce complot avait pour but d’attirer Jean sans Peur en un guet-apens. Une fois le duc entré dans la loge, le dauphin aurait fait au président Louvet un clignement d’œil, accompagné de certain geste convenu, en présence de Duchâtel. A ce signal et sans plus attendre, Duchâtel se serait précipité sur le duc et l’aurait assassiné. Le duc enfin aurait succombé au moment même, où ce prince, agenouillé, protestait aux pieds du dauphin, de sa soumission et de sa loyauté envers la couronne. Tel est, sauf quelques divergences (assez graves déjà), le thème commun de toutes les dépositions bourguignonnes. Mais on peut s’assurer que cette version n’offre pas une image exacte et sincère de la vérité.

Jean sans Peur était un adversaire à moitié soumis et à demi révolté. Si haut que fût son rang, quelle que fût l’étendue de sa puissance, la loi monarchique faisait de lui le premier sujet de l’autorité royale. Or, dans l’état de santé où se trouvait l’infortuné Charles V.I, cette autorité vivait, pour ainsi dire tout entière, dans la personne de son fils unique, le prince Charles. L’invitation ainsi adressée, par ce prince, au duc de Bourgogne, constituait un mandement et un ordre. Mis en demeure par l’opinion publique, sommé par les requêtes des villes et des corps de l’État, Jean sans Peur ne pouvait pas se dispenser de se rendre à l’entrevue de Montereau.

Le prince Charles, armé à blanc, l’épée ceinte, se tenait debout à l’extrémité de la lobe, du côté de la ville. Le duc marcha vers lui. Arrivé devant le régent, il se découvrit en ôtant son aumusse ou bonnet de velours, et mit un genou en terre. Monseigneur, dit-il au prince, après Dieu, mon devoir est de vous obéir et servir ; j’offre d’y mettre et employer mon corps, mes amis, alliés et bienveillants. Dis-je bien ? ajouta le duc, pour terminer ce discours ; et il invoquait du regard l’approbation du dauphin ainsi que des seigneurs. Beau cousin, lui répondit le prince, vous dites si bien qu’on ne pourrait mieux : levez-vous et vous couvrez[31].

Ainsi s’engagea le colloque entre les deux princes. liais Jean sans Peur, il faut le répéter une dernière fois, était le meurtrier de son cousin Louis, duc d’Orléans. Il avait tramé froidement et spontanément cet assassinat ; il l’avait fait consommer avec une préméditation, une perfidie ; une atrocité, vraiment extraordinaires, et qui attestent, chez le criminel, une rare perversité. Jean sans Peur, depuis ce meurtre, avait ordonné la mort de Montaigu, mort couverte de formes judiciaires, mais également inique et presque aussi odieuse. Jean sans Peur avait usurpé le pouvoir royal, séduit les villes et les populations, mis dans le royaume le feu de la guerre civile. Bien plus : en 1416, à Calais, il avait traité avec le roi d’Angleterre Henri V, et n’avait pas craint de déchaîner sur la France la honte et le fléau d’une invasion étrangère.

A défaut de ses souvenirs, dont il pouvait redouter la fidélité ; à défaut de remords, que, selon le procédé des grands coupables, il avait violemment étouffés dans son cœur, la mémoire de ses adversaires n’offrait point de ces défaillances. Le courroux de ses ennemis veillait, pour suppléer sa conscience muette et pour aider à ses souvenirs. Cette loge, que Regnauldin Lenormand construisit sur le pont de Montereau, n’était point seulement un piège. C’était une sellette, où Jean sans Peur, sous l’étreinte de la nécessité, allait enfin rencontrer un juge et se trouver face à face avec des accusateurs. Tanneguy Duchâtel, d’après un témoignage indépendant et désintéressé, lui rappela tout d’abord le meurtre de Louis et lui annonça que le jour était venu de l’expier[32].

Alléguant une série de griefs moins vifs, mais plus directs et immédiats, le dauphin interpella le duc à son tour. Il lui reprocha sa longue demeure à Troyes, puis à Bray-sur-Seine. Dix-huit jours durant, ajouta le dauphin, vous nous avez fait attendre votre venue en ce lieu de Montereau, ce lieu atteint d’épidémie ou de mortalité ; au risque et probablement en vue de péril pour notre personne[33].

A ce langage sévère, irrité, qui remplaçait les premières démonstrations de là courtoisie, Jean sans Peur, à son tour, reprit son attitude insoumise. L’orgueil, l’arrogance dont il avait fait preuve au congrès de Pouilly et qui, de sa part, avaient failli rendre ce congrès inutile, reparurent dans son ton et dans son langage. Le duc répondit au dauphin qu’on ne pourroit rien aviser ou faire, si non en la présence du roi son père, et qu’il falloit qu’il y vînt. Le prince Charles à ce propos, repartit qu’il iroit par devers Monseigneur son père, quand bon lui sembleroit, non mie à la volonté du duc de Bourgogne, et qu’on savoit bien que ce qu’ils feroient eux deux le roi en seroit content. Puis le dauphin demanda compte au duc, des conventions récemment arrêtées entre eux à Corbeil, de son inertie contre les Anglais ; de la prise de Pontoise ; de ses alliances renouvelées avec les fauteurs de la guerre civile...[34]

Ces paroles, et beaucoup d’autres que nous abrégeons, furent dites. Car, soit textuellement, soit en substance, on les trouve, presque unanimement rapportées par les témoins ou chroniqueurs, tant de tel parti que de l’autre. Un précieux document, découvert depuis peu, nous apprend même comment le colloque devint une altercation. En agissant ainsi, continua le dauphin, vous avez manqué à vos devoirs. — Monseigneur, répondit le duc, je n’ai fait que ce que je devois faire. — Si ! vous avez manqué, dit le dauphin. — Non ! répliqua le duc ![35]

Un démenti, cet outrage à des lois élémentaires, venait d’éclater, dans la bouche d’un vassal, parlant au fils de son souverain. Au même moment, le sire de Navailles intervint dans le débat. Monseigneur, dit-il en marchant sur le dauphin, vous viendrez, à présent, vers votre père, quiconque le veuille voir ! Disant ces mots, Archambaud de Foix, qui s’était porté auxiliaire du due, se rapprochait du régent. De la main gauche, il fit le geste de saisir le prince et tira, de la droite, son épée, à moitié du fourreau. Archambaud de Navailles était notoirement voué au parti anglais. Dans ce même instant, le duc Jean, soit dans une intention soit dans une autre, toucha de la main son épée[36].

C’en fut assez. Pareil à la mine chargée qu’enflamme l’étincelle, aussitôt le conflit fit explosion. Au bruit des épées tirées, du tumulte, quelques serviteurs du dauphin accoururent par le côté de la ville. Seul ou à peu près seul, le sire de Navailles fit résistance, pour défendre le duc. Tous deux succombèrent sous les coups de Pierre Frotier, de Robert de Loré, de Guillaume Bataille et du vicomte de Narbonne. Aux premières voies de fait, le dauphin, saisi d’épouvante, avait quitté la place, emmené jusqu’à son logis, par le président Louvet, et ses gens[37].

Jean sans Peur fut le principal objet de ces violences meurtrières. L’histoire conserve à cet égard une pièce notable de conviction. Ce sont les ossements et spécialement le crâne de la victime. Au-dessus du coronal, vers le point où l’os des tempes se soude avec le pariétal droit, on voit encore aujourd’hui sur la tête de Jean sans Peur, une large entaille, de plusieurs centimètres d’étendue et très vivement incisée. Ce coup formidable accuse la lame ou taillant d’une hache d’armes. Il parait avoir été frappé en dessus, par derrière, au moment peut-être où le prince était déjà tombé. Ce coup, assené de haut en bas, porta d’un tel poids, ou d’une force si grande, que l’arrière-tête ou occiput s’ouvrit au-dessous de l’arme, jusqu’aux vertèbres, en une effroyable fissure. La partie antérieure de la boîte osseuse était également fracassée[38].

Cependant le prince respirait encore. Quelque subalterne lui plongea une épée dans le ventre. Le duc poussa un soupir, étendit les reins et mourut sur la place. Il était environ cinq heures du soir. Archambaud de Foix, blessé mortellement, fut porté à l’hôpital de Montereau, où il expira peu de jours après[39].

La plupart des relations de l’un et de l’autre parti représentent T. Duchâtel, comme ayant pris, à la fin tragique de Jean sans Peur, une part non seulement directe et personnelle, mais principale. Presque toutes s’accordent à. signaler expressément, en lui, le meurtrier, qui, de sa hache d’armes, fit au duc la large plaie, dont la trace est encore visible à nos yeux[40].

Néanmoins, tandis que ses collègues se vantèrent du rôle qu’ils avaient joué dans cette circonstance, Duchâtel se défendit toujours de l’accusation, qui lui fut, à cet égard, imputée. D’après l’un des plus graves témoignages, Duchâtel en effet, au moment où le sire de Navailles marchait sur le dauphin, se serait saisi du prince et l’aurait emporté dans ses bras, hors du parc, comme il avait fait en 1418, à l’hôtel des Tournelles. Le meurtre aurait été co4sommé, ainsi, pendant son absence momentanée[41].

De plus et peu de temps après la catastrophe, Duchâtel écrivit au duc Philippe le Bon, successeur du duc Jean, pour protester qu’il était innocent de cet assassinat. Suivant l’usage du temps, il offrit de prouver son bon droit par la voie légale du gage de bataille, en combattant contre deux champions de la cause opposée. Aucun gentilhomme ne se présenta pour relever le gant de Duchâtel[42].

Barbazan était également absent au moment du meurtre. Arrivant du dehors, attiré par le cliquetis et le tumulte, il rencontra Huguet de Noyers, qui, au contraire, venait du pont et retournait à la ville. Huguet, tout .éploré, lui apprit la catastrophe. Le loyal capitaine en fut indigné. Rejoignant bientôt le jeune prince, il osa lui manifester son sentiment. Barbazan lui représenta qu’il venait de mettre la couronne de France en péril[43].

Les gens du duc de Bourgogne qui se tenaient hors du parc, vers le château, entendirent du bruit. Mais ils ne s’émurent point, dans la persuasion où ils étaient que ce fust monseigneur le Dauphin qu’on eust tué. Cependant ils ne tardèrent pas à être informés de la vérité. Parmi les dix chevaliers de Jean sans Peur, le sire de Montaigu parvint seul à s’échapper sain et sauf. Il escalada les barrières et courut porter la nouvelle aux Bourguignons. Huit autres gentilshommes survivaient, après le meurtre de leur maître et d’Archambaud de Foix. Tous et Jean Séguinat en même temps, furent arrêtés, presque sans résistance. Chacun d’eux tomba au pouvoir de quelque serviteur ou chevalier du Dauphin et demeura prisonnier de guerre. Traités en prévenus, plusieurs d’entre eux subirent un interrogatoire par-devant le chancelier du Régent. Charles de Bourbon passa immédiatement dans le camp du dauphin[44].

Bientôt le pont fut évacué. La maison d’un meunier située dans la ville, à peu de distance, reçut d’abord le cadavre de Jean sans Peur, dépouillé de ses bagues, joyaux et vêtements. Son inhumation eut lieu le lendemain, sans aucune pompe en rapport avec son rang. Une fois cette triste expédition achevée, Duchâtel commandant des forces, fit fermer la barrière du côté du château, et dresser le pont-levis devers la ville. Il fit également sonner les trompettes et ménétriers, en signe de victoire. Peu de temps après, quatre cents hommes d’armes furent dirigés vers le château. Les Bourguignons, instruits de la mort de leur duc, s’enfuirent comme dans une déroute. Jossequin, la dame de Giac, son fils et quelques chefs, demeurèrent à Montereau : Les trois premiers furent considérés comme ayant joué, en toute cette affaire, le rôle de traîtres, et se rangèrent, dès lors, au parti du dauphin[45].

Ce n’est pas seulement comme un crime, que la catastrophe du 10 septembre 1419 se présente au jugement de l’historien. Elle fut encore une grande faute politique. François Ier, roi de France, au mois de juillet 1521, passa par Dijon. Le descendant de Louis, duc d’Orléans, visitait la Chartreuse, antique cimetière de la maison ducale de Bourgogne. Le roi voulut contempler à nu la dépouille mortelle de Jean sans Peur, son aïeul, qui, depuis le meurtre, y avait été transportée. A l’aspect de cette plaie formidable, qui entaillait le crâne du duc Jean, François Ier, expert en coups d’estoc et de taille, se récria sur l’énormité de la blessure. Sire, dit au prince le Chartreux qui l’accompagnait, c’est par ce trou-là que les Anglais sont entrés en France[46].

 

 

 



[1] Biographie Didot, au mot : Machet.

[2] Il mourut en 1458.

[3] Ms. 9681, 5, f° 116. Documents biographiques. Cabinet des titres.

[4] Ms. 9631, 5, f° 125.

[5] Duchâtel... le président de Provence... M. Guillaume de Champeaux, évêque de Laon... renommez de vie honteuse et déshonnête, etc. (Geste des nobles, p. 190.)

[6] Ms. 9681, 5, f° 109 et suiv. Barbazan, dans un siècle de dissolution morale, continua la noble figure de Duguesclin. Il fut, comme ce preux, inhumé à Saint-Denis, sanctuaire et nécropole de la monarchie.

[7] Biographie Didot : Le Maçon.

[8] Biographie citée : Louvet.

[9] Le vicomte de Narbonne et Guillaume d’Avaugour, déployèrent plus tard une valeur morale ou intellectuelle d’un ordre considérable.

[10] K. K. 53, f° 2 dans Jean Chartier, t. III, p. 299-300.

[11] Voy. Hazé, Notices pittoresques sur les antiquités et les monuments du Berry, Bourges, 1834, in-4°, pl. 36. Pierre Frotier, baron de Preuilly, notice de M. Granmaison, Mémoires de la société archéologique de Touraine, 1855, in-8°, t. VI, p. 252 et suiv.

[12] Labarre, t. I. d. 210.

[13] Ms. Saint-Germain-des-Prés, n° 1634. Voy. Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, t. XIX, p. 161 et suiv.

[14] Besse, p. 319 et suiv. Revue archéologique, 1861, mai-juin, p. 425.

[15] Religieux, t. VI, p. 368, etc.

[16] Labarre, t. I, p. 218. D. Plancher, t. III, p. 518. Kervyn de Lettenhove, t. IV, p. 210.

[17] Labarre, Mém. de Bourg., II, 133. Saint-Foix, Essais sur Paris, 1778, in-12, p. 211 et 212. Ci-dessus p. 35. Statistique monumentale de Paris, 3e série, 28e livraison, planches I et II.

[18] Pasquier, Recherches, liv. VI, chap. III. Gollut, Mémoires de la république séquanoise, 1647, in-f°, p. 701. Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, 1824, t. IV, p. 466 ; et d’autres qui ont suivi ces auteurs. Le religieux de Saint-Denis, plus réservé, l’appelle une vénérable et prudente dame, t. VI, p. 332. Anselme, t. VI, p. 345. Le duc Jean avait 48 ans, étant né le 28 mai 1371.

[19] J. Chartier, in-16, à la table : Giac. Monstrelet, t. III, p. 341 et 346. Vers le 5 décembre 1418, le roi (c’est-à-dire le duc de Bourgogne) alloue à la dame de Giac 6,000 livres, en considération des pertes qu’elle avait faites à Paris et à Melun. (Ms. s. fr. 292, 11, p. 798.) Il s’agit sans doute ici des confiscations ordonnées par le comte d’Armagnac en 1417. La dame de Giac était alors (1417) au service de la reine et sa confidente. Le 25 février 1419, Jean sans Peur donne à vie la châtellenie de Chaussin (Jura) dans sa comté de Bourgogne, et jusqu’à 1.500 livres de revenu à la dame de Giac et à son fils, Pierre de Giac. (D. Plancher, t. III, p. 506.)

[20] Charles VII et ses conseillers. Anselme : Giac, Saint-Vallier. Monstrelet, p. 339.

[21] Labarre, t. I, p. 210. La dissertation insérée, p. 209 à 244, dans les Mémoires, etc., publiés par Labarre, forme, avec les pièces qui la suivent, l’une des principales sources de renseignements que nous possédions sur le meurtre de Jean sans Peur. Cette dissertation parait avoir pour auteur Prosper Bauin, dont les Mémoires existent manuscrits à la bibliothèque de l’Institut, n° 372 et 373. Le Mémoire sur le meurtre se trouve dans le Ms. 373, p. 106 et suiv.

[22] Labarre, t. I, p. 218 et 219. D. Plancher, t. III, p. 519 à 522. Gachard, Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 242.

[23] Itinéraire de Charles VII. K. 60, n° 15 et 15 bis. Besse, p. 322. Monstrelet, t. III, p. 338. Labarre, p. 219 et 220. D. Plancher, p. 523. Voir, 1° Topographie de Châtillon, la gravure de Montereau, précieuse estampe quant à la disposition des lieux et des bâtiments ; 2° Pontifical de Jacques des Ursins, évêque de Poitiers, Ms. Soltykof, n° 4, acquis par la bibliothèque de la ville de Paris en 1861, f° 82 (miniature).

[24] Labarre. Plancher. Monstrelet, p. 340. Religieux, t. VI, p. 370. Son Abrégé dans J. Chartier, t. III, p. 227.

[25] Besse. Labarre. Basin, t. I, p 37. Berry, dans Godefroy, p. 435. Ms. Colbert, 9681, 5, f° 116 verso et 120.

[26] Sources citées. Ursins, p. 369 à 371. Ms. Colbert, f° 110.

[27] Monstrelet, t. III, p. 340,341. Le duc, dit cet auteur, avait en sa compagnie environ cinq cents hommes d’armes et deux cents archers.

[28] Labarre, p. 221. Monstrelet, p. 342. Jean sans Peur, avant de commander le meurtre de Louis, duc d’Orléans, s’était fait également donner un avis par son conseil. voy., pour ce rapprochement, Assassinat du duc d’Orléans, etc. (Magasin de librairie, 25 novembre 1859, p. 246.)

[29] Labarre, p. 221 à 288.

[30] Ibid., p. 221 à 273. Monstrelet, p. 343.

[31] Labarre, p. 274. Monstrelet, p. 343.

[32] Mémoires de Pie II, 1614, p. 153.

[33] Ursins, Godefroy, p. 371. Besse, p. 326 et s. Document de Rome : Ms. Bréquigny, volume 80.

[34] Ibid.

[35] Document de Rome, déjà cité, ou note diplomatique remise entre les mains de Martin V, le 4 décembre 1419, par les ambassadeurs du dauphin, contradictoirement avec les envoyés de Bourgogne. Ce document a été publié pour la première fois dans les Lettres des rois et reines, etc., de M. Champollion-Figeac, 1847, in-4°, t. II, p. 355. M. J. Quicherat l’a reproduit en second lieu, d’après Bréquigny : Œuvres de Basin, t. IV, p. 277 et suiv.

[36] Ursins, ibid. Monstrelet. Cousinot, p. 177.

[37] Ursins, p. 373. Chronique de Le Picart : Ms. 812 de Troyen. Chronique de Raoulet, p, 165. Monstre !et, p. 344. Etc., etc.

[38] Voy. Mémoires de la commission des antiquités de la Côte-d’Or, t. I, p. 419 et suiv. Épreuve, moulée en plâtre, du crâne de Jean sans Peur.

[39] Labarre, p. 223, 274, 275 et 290.

[40] Regnauldin l’enferma ;

Tanguy si la frappa ;

Bataille si l’assomma.

(Bribes d’une chanson du temps, Labarre, p. 287.) M. Le Roux de Lincy a publié une autre chanson ou complainte, faite par les Bourguignons, sur le même événement. (Chansons historiques et populaires, Aubry, 1857, in-8°, p. 16 et suiv.)

[41] Ursins, p. 372.

[42] Ibid. Voy. aussi Basin, t. I, p. 38, et Labarre, t. I, p. 241, 242.

[43] H. de Noyers était premier écuyer du corps et maître de l’écurie du régent. Dix jours après, et probablement pour expier sa tiédeur, Huguet fut supplanté dans cette charge. Il eut pour successeur, le 20 septembre 1419, Pierre Frotier. Ms. 968 t, 5, f° 117.

[44] Ursins, p. 372. Monstrelet. Jean de Bourbon, père de Charles, abhorrait Jean sans Peur depuis le meurtre de 1407. Charles, âgé de 16 ans en 1419, avait été élevé sous l’influence de ce sentiment.

[45] Il fut mis en la bière des pauvres, vêtu seulement de son gippon, ou pourpoint, et de ses chausses. On l’enterra ensuite dans l’église de Notre-Dame de Montereau sans linceul et sans poësle sur la fosse. Labarre, p. 223, 224. Ms. 9681, 5 verso, p. 10. Elmham, p. 236. Monstrelet, p. 346.

[46] Mémoires de Bourgogne, par J. du Tillet ; Ms. de la bibliothèque de l’Arsenal, histoire, n° 252, p. 122. Cet ouvrage, composé sur les lieux, reproduit la tradition intime et domestique des religieux, qui se succédèrent à Dijon depuis l’événement.