L'HOMME AU MASQUE DE FER

 

CHAPITRE XX.

 

 

Perplexité de la régente de Savoie. — Elle découvre à Louis XIV la conduite de Matthioly. — Arrivée de Catinat à Pignerol. — Arrestation du baron d'Asfeld et sa détention à Milan. — L'abbé d'Estrades conçoit, le premier, le projet de l'enlèvement de Matthioly. — Dépêches de l'abbé d'Estrades racontant l'enlèvement et l'incarcération du ministre de Mantoue. — Moyens employés pour recouvrer les pièces officielles de la négociation. — Mystère qui entoure la disparition de Matthioly. — Sa famille se disperse et reste silencieuse et impuissante.

 

La régente de Savoie fut la première[1] instruite par Matthioly. Le 31 décembre 1678, elle reçut non-seulement ses confidences, mais encore la communication de toutes les pièces originales de la négociation, dont elle prit copie. Elle fut à la fois fort satisfaite de connaître cette intrigue, et très-embarrassée sur la conduite qu'elle avait à tenir. C'était le Piémont en effet qui avait le plus à souffrir de la cession de Casal à Louis XIV. S'opposer par les armes à l'exécution de ce projet était bien au-dessus de la volonté de cette princesse et des forces dont elle disposait. Y mettre des entraves la livrait au ressentiment du roi de France. Après avoir longtemps hésité, ne doutant pas que Matthioly ne se fût empressé de faire aux Espagnols et aux Autrichiens les mêmes révélations, elle préféra laisser à l'Empire et à l'Espagne le soin dangereux d'arrêter en Italie l'ambition envahissante de Louis XIV. Mais garder le silence et attendre prudemment le résultat de la lutte, soit armée, soit diplomatique qui paraissait devoir s'engager, ne pouvait convenir à cette princesse légère et d'une vulgaire habileté. A qui donc confier ce secret qui lui pesait et l'embarrassait ? Le faire connaître à Milan, à Venise, à Florence et provoquer une coalition des intérêts menacés, elle était trop peu Italienne pour s'y résoudre. Ce fut à Louis XIV lui-même qu'elle révéla les confidences de Matthioly[2]. De cette manière, elle se donnait le mérite d'obliger un puissant souverain, dont elle restait l'amie, sans avoir rien à redouter de lui, grâce aux vigoureuses mesures que nécessairement prendront les cours de Vienne et de Madrid. Elle se trompait dans une partie de ses calculs ; car ce ne fut que deux mois après que Matthioly, voyant l'inutilité de ses ouvertures à la régente, et apprenant que Louvois continuait ses préparatifs pour pénétrer à Casal, se résolut à instruire aussi les Autrichiens, les Vénitiens et les Espagnols[3]. S'il ne l'avait pas fait, le roi de France, ne rencontrant aucun obstacle, et ayant reçu le précieux avis de la duchesse de Savoie, aurait immédiatement pris possession de Casal. Louis XIV fut vivement touché, et avec raison fort reconnaissant de cette démarche. Dans ses dépêches, il exprime, à l'égard de la duchesse de Savoie, des sentiments de gratitude et d'estime, tandis qu'il flétrit ce qu'il appelle la trahison du fourbe. Mais, trompé par l'un, éclairé par l'autre, était-il en situation de sainement juger la conduite de ces deux personnages ? Et, si l'on se place à un autre point de vue que le sien, lequel a le plus compromis les vrais intérêts de ce pays, de l'homme dont les avis, payés il est vrai[4], mais si opportuns, réveillent tout à coup la vigilance des autres princes, ou de la princesse qui, plus Française qu'Italienne, s'empresse de livrer ces précieuses confidences au plus redoutable, au plus menaçant des voisins ?

La lettre de la régente parvint à Louis XIV dans le milieu du mois de février 1679. Le désappointement et le courroux du roi furent d'autant plus vifs que ses desseins recevaient déjà un commencement d'exécution. Tous ceux qui devaient jouer un rôle dans le dénouement de cette affaire étaient non-seulement désignés, mais occupaient dès lors leur poste. Le prévoyant Louvois, l'homme qui, avant Napoléon, a eu peut-être au plus haut degré le génie de l'organisation et l'esprit de détail, avait dressé, comme il excellait à le faire, tout le plan de l'opération. Ses ordres nets, précis, minutieux, avaient été ponctuellement suivis. Des troupes nombreuses, placées sous le commandement du marquis de Boufflers, colonel général des dragons, se réunissaient à Briançon, prêtes à passer la frontière[5]. Le baron d'Asfeld, colonel des dragons, partait pour Venise, avec la mission d'y échanger les ratifications du traité[6]. Catinat, alors brigadier d'infanterie, arrivait de Flandre où il avait déjà servi avec éclat, et se dirigeait dans le plus grand mystère vers Pignerol. Il avait été enjoint à Saint-Mars[7] de laisser ouverte la porte de secours de la citadelle, d'aller lui-même au-devant du mystérieux voyageur, et de l'introduire dans le donjon de manière à ce que personne ne pût soupçonner sa présence. Le faux prisonnier avait même dû changer de nom, et les dépêches qui lui étaient adressées portaient celui de Richemont au lieu de celui de Catinat[8]. Tout avait été merveilleusement conçu, tout préparé, tout prévu, sauf ce que le gouvernement de Versailles appelle la trahison de Matthioly.

Néanmoins la communication de la duchesse de Savoie ne détruisait pas entièrement les espérances de Louis XIV. Aussi se garda-t-il d'en instruire l'abbé d'Estrades qui, de l'ambassade de Venise, avait été nommé à celle de Turin. On voulut bien ne voir dans ces premières confidences qu'un commencement de trahison, qu'un accident regrettable, il est vrai, mais dont on pourrait peut-être neutraliser les conséquences en exerçant une pression sur le duc de Mantoue et en essayant d'intimider Matthioly. Mais celui-ci était devenu-aussi laconique dans ses lettres que peu exact dans les entrevues projetées. L'abbé d'Estrades, très-préoccupé du résultat d'une négociation dont il avait été l'âme, ne faisait que soupçonner une trahison dont il ne connaissait pas encore toute la réalité. Il envoyait courriers sur courriers à Venise pour M. de Pinchesne, à Mantoue pour Matthioly, dans les 'villes principales d'Italie pour le duc Charles IV, et de ces divers lieux lui arrivaient les nouvelles les moins satisfaisantes. Tantôt Matthioly se disait retenu à Vérone par l'état de sa santé. Tantôt Charles IV était entraîné à Venise par le désir d'assister à un carrousel[9]. Ce n'est pas que le duc se refusât formellement à exécuter le traité de cession. Mais des obstacles toujours nouveaux étaient suscités par celui même qui avait jusque-là dirigé cette affaire, par Matthioly ; et le jeune prince, insouciant et léger, d'une humeur fort versatile et ne s'opiniâtrant guère qu'au plaisir, recevait très-aisément les impressions de son favori. Tout à coup l'on apprend à Turin que le baron d'Asfeld, se rendant à Notre-Dame d'Incréa pour y échanger avec Matthioly les ratifications, a été arrêté par le gouverneur du Milanais et qu'il est retenu prisonnier par les Espagnols[10]. Quelque significative que soit cette arrestation, la cour de Versailles ne désespère point encore. Catinat reçoit l'ordre de remplir la mission confiée d'abord à d'Asfeld et de se rendre à Incréa où Matthioly est invité à se trouver[11]. Le faux Richemont, accompagné de Saint-Mars qui a pris le costume et le nom d'un officier de Pignerol, sortent en effet nuitamment de la citadelle, et avec des précautions infinies, se transportent au lieu du rendez-vous. Mais ils y attendent en vain Matthioly, et, après maintes aventures, après avoir couru le risque d'être arrêtés par un détachement de la garnison de Casal, après avoir été contraints de comparaître devant le gouverneur de cette place et y avoir gardé difficilement leur incognito, ils rentrent enfin à Pignerol très-heureux de n'être pas reconnus, mais ne rapportant pas l'acte de cession[12].

Dès ce moment, les doutes de l'abbé d'Estrades se changèrent en certitude, et c'est alors qu'il conçut le premier la pensée de l'enlèvement de Matthioly. Car, et c'est un point digne de remarque, il en a été de ce prisonnier comme d'Avedick. Louis XIV a approuvé la conduite de d'Estrades, comme il ratifiera celle de Ferriol. Mais ce sont ses ambassadeurs qui ont exécuté, avant même d'en avoir reçu l'autorisation, le projet d'enlèvement. Cela ressort jusqu'à l'évidence des dépêches qui vont être citées. Il faut en effet laisser parler l'auteur principal de cet acte de violence. Ce que je ferai du reste plus d'une fois désormais. En approchant du terme de cette étude, je désire que le lecteur se convainque par lui-même et soit ainsi associé au plaisir que procure la solution d'un problème. Après lui avoir évité de longues mais nécessaires recherches, je bornerai souvent mon rôle à celui (le guide, et, en le remettant parfois sur la piste, en me contentant de lui montrer le but et de lui fournir les éléments de la poursuite, je lui laisserai tout l'attrait, tout, le mérite du succès de notre commune entreprise.

Le 8 avril 1679, d'Estrades écrit à M. de Pomponne[13] :

Il est aisé de juger par tout ce que l'on apprend de plusieurs côtés que l'imprudence de Mattioli est cause que cette affaire est devenue publique, et il seroit impossible qu'on en sceut si bien les particularités, mesme celles du voyage et du séjour qu'il a fait à Paris, s'il n'en avait point parlé... Cependant, j'attends icy Mattioli pour voir si l'on doit faire fonds sur sa bonne foy et s'il est en pouvoir d'exécuter ce qu'il a promis. Je le feray si bien observer que je sçaurais s'il a commerce avec madame de Savoye et avec les ministres, et je trouveray peut-estre bien le moyen d'estre informé de ce qu'il traitera avec eux. Je vous supplie, monsieur, de me mander si le roy approuvera qu'en cas qu'on ne put douter de sa perfidie et qu'il fallut l'obliger par la peur à mettre tout en usage pour tenir sa parole, on le fit conduire à Pignerol, comme il me serait très-facile sans qu'il s'en aperçut, que lorsqu'il seroit arrivé, et sans que l'ont sceut icy que je l'aurais fait enlever, parce qu'il seroit aisé de dire qu'il y seroit allé de lui-mesme. Je n'y songerai néanmoins qu'après en avoir receu vos ordres, et ce ne serait qu'après avoir perdu toute espérance de son costé qu'il en faudrait venir là.

 

Le 22 avril[14], M. de Pomponne lui répond :

Monsieur, je commenceray à respondre aux deux lettres que vous avez pris la peine de m'escrire le 8 de ce mois sur l'affaire du comte Mattioli. Son procédé nous fait assez juger que c'est un fripon, mais, pour vous le mieux faire connaistre, Sa Majesté m'ordonne de vous confier, sous le secret qu'elle vous recommande, ce qui s'est passé en cette affaire. Dès son passage à Turin, il donna part généralement à madame la duchesse de Savoye des papiers dont il estoit chargé, et de tout ce qui avoit esté conclu icy avec luy. Il a donné depuis le même advis aux inquisiteurs de Venise, et fit arrester M. d'Asfeld à son passage dans le Milanais par l'advis qu'il en donna au comte de Melgar. Comme il croit toutes ces fourberies bien cachées, il a toujours amusé M. de Pinchesne, et vous voyez par les lettres qu'il vous escrit, qu'il veut vous amuser de mesme. Comme il propose de vous aller trouver à Turin, Sa M. ne désire point que vous luy fassiez cognoître que vous estes instruit de sa conduite. Vous continuerez à luy faire croire que vous estes trompé, et vous vous servirez de la confiance aparente que vous aurez en luy et de celle que vous lui témoignerez que le roy continue à y prendre pour tascher de tirer de lui la ratification du traité. Il a témoigné à Venise qu'il l'avoit entre les mains. Peut-être l'aura-t-il encore. Il seroit important d'employer toute votre adresse pour l'en tirer. Le roy ne juge point qu'il soit à propos de faire l'esclat que vous proposez en le faisant conduire à Pignerol. Le seul cas mi vous pourriez employer les menaces et la crainte seroit si vous saviez qu'en effet il eût la ratification et que vous crussiez ces moyens nécessaires pour l'obliger à vous la donner. L'on ne peut guère douter, s'il va à Turin, qu'il ne voye madame la duchesse de Savoye et qu'il ne se cache de vous. Vous n'en ferez point semblant et ne tesmoignerez point à cette princesse que vous sachiez cette affaire, bien que ce soit elle-mesme qui en a donné advis à S. M.

(Affaires étrangères, Savoie, 68.)

 

Le même jour[15], l'abbé d'Estrades insiste auprès du gouvernement de Versailles, enfin d'obtenir l'autorisation d'enlever Matthioly :

Je crois que ce que j'ai déjà eu l'honneur de mander au Roi prouve assez fortement la perfidie de Mattioli ; il est icy depuis quatre jours, et il m'est venu voir avec des précautions aussi grandes que s'il avoit beaucoup d'intérêt à se cacher ; — cependant il a eu tous les matins des conférences avec un nommé Tarin, qui est l'homme que madame R. avoit envoyé à Padoue pour apprendre ce qu'il disoit avoir à luy communiquer, il luy a supposé mille faussetez dans ses conversations, il a voulu faire croire qu'il me voyoit tous les jours, quoyque je ne luy aye parlé qu'une fois ; et que M. le duc de Mantoüe l'auoit envoyé ici pour me déclarer que ce prince ne pouvoit tenir la parole qu'il avoit donné à Sa Majesté de traitter avec elle de Casal. Dans le temps que j'escrivois cette lettre, Mattiolli est encore venu me voir, et la manière dont il m'a parlé m'a fait connoistre si clairement sa mauvaise foy que quand j'aurois pu en douter, il ne m'auroit laissé aucune incertitude là-dessus ; il m'a fait des projets ridicules qui ne tendent qu'à gagner du temps et à embarquer Sa Majesté, clans de nouveaux embarras ; il m'a dit qu'il partoit demain pour s'abboucher avec le Gouverneur de Casal, qui le pressoit fort de l'aller trouver et qui souhoittoit que sa place fût entre les mains du Roy ; comme il m'a assuré qu'il reviendroit dans cette semaine au plus tard et que je sçais que peu de jours après il doit retourner à Venise, je n'ay pas le temps d'attendre les ordres de Sa Majesté pour l'arrester. Il est néantmoins si important de le faire qu'il ne me restoit plus qu'à songer au moyen d'exécuter ce dessein sans éclat, affin que le bruit qui s'en respan- droit ne renouvellât pas ceux qui ont couru de l'affaire qu'il traittoit et qu'on ne put sçavoir ce qu'il seroit devenu. J'ay creû n'y pouvoir réussir qu'en engageant madame Royale au secret, parce qu'il m'estoit impossible de m'assurer dans Turin ou dans les Estats de M. le Duc de Savoye de la personne de Mattioli sans faire une violence dont elle auroit témoigné estre offensée, et que sous quelque prétexte que j'eusse voulu l'attirer du costé de Pignerol, cette Princesse qu'il informe de tout ce qui se passe entre luy et moy, l'auroit sans doute fait avertir de prendre garde à luy ; je me suis mesme yeti dans la nécessité d'en user ainsy, par ce qu'elle me dit il y a deux jours, que puisque Mattioli estoit icy il pourroit bien demeurer à Pignerol, ou se promener par la France plus longtemps qu'il se l'imaginoit, je luy répondis qu'elle estoit si éclairée que je croyois ne. devoir pas négliger la pensée qu'elle me donnoit ; que j'y ferois réflexion ; et que cependant je la priois au nom du Roy de ne rien dire qui pût empescher l'effet de la résolution que je prendrois pour le service de Sa Majesté, mais que je n'exécuterois point sans la luy communiquer ; elle me le promit, et après m'avoir remercié de ce que je voulois bien agir de concert avec elle, elle me recommanda de faire en sorte que Mattioli ne fût point arresté sur ses terres, affin qu'elle n'eût pas à se reprocher d'avoir livré un homme qui quoyque coupable d'une trahison s'estoit néantmoins confié à elle. J'ay esté ce matin chez madame Royale, et après luy avoir représenté qu'il estoit d'une extrême conséquence de mettre Mattioli en un lieu d'où il ne pût plus faire sa cour aux Espagnols et aux Vénitiens par les fausses contfidences que je sçavois qu'il leur faisoit tous les jours, je l'ay assurée que je prendrois si bien mes mesures qu'on le méneroit à Pignerol sans qu'il en eût aucun soupçon que lorsqu'il seroit hors des Estats de S. A . R. et sur le point d'entrer dans la place ; elle m'a tesmoigné estre satisfaitte de la parole que je luy en donnois, et elle m'a dit que je voyois bien qu'elle contribuoit autant qu'il luy estoit possible à ce qui estoit du service du Roy, puisqu'elle n'avoit point destourné Matlioli du voyage qu'il a fait icy et dont il l'avoit avertie, quoiqu'elle n'ait pas douté de ce qui luy en arriveroit.

Outre les raisons, monsieur, que je vous ay déjà expliquées, j'en ay eû depuis peu de nouvelles pour me déterminer à me saisir de Mattioli ; premièrement, j'ay sçéu qu'il n'avoit point voulu donner à M. le Duc de Mantoüe les originaux de papiers concernans le traitté, quelques instances que ce Prince qui n'en a que les copies luy en ait faittes, et qu'il les garde pour les montrer à ceux dont il veut tirer de l'argent et qui ne l'en croiroient pas sur de moindres preuves. Juliani m'a escrit que D. Joseph Varano qui est fort bien auprès de M. de Mantoüe qui a toujours tesmoigné souhaiter que son maistre se mist sous la protection du Roy par le traité de Casal et à qui ma lettre sera rendue, non pas à Vialardi comme je vous l'avois mandé, parce qu'en vous escrivant j'ay pris un nom pour l'autre, devoit avoir une conférence avec luy sur cette affaire, et qu'assurément il ne voudra entrer dans aucun engagement, tant que Mattioli sera en liberté. Enfin j'ai eû avis de Milan que M. Le Duc de Mantoüe a demandé six cent mille écus aux Espagnols, qu'il leur a déclaré que ne pouvant sans cela fortifier Casal, il ne leur respondoit pas de conserver cette place, que le comte de Melgar qui voudroit les luy donner fait des efforts inutiles pour les avoir, et qu'il ne les trouvera point ; de sorte qu'il est yraysernblable que ce Prince qui ne cherche que de l'argent perdant l'espérance d'en tirer de l'Espagne, écoutera les offres qu'on luy fera de la part du Roy et que Sa Majesté se trouveroit en possession d'une place importante qui demeureroit toujours entre ses mains par la mort du Duc de Mantoüe, dont la santé est si ruinée par ses débauches, par les maux incurables qu'elles luy ont causés et par le poison qu'on dit publiquement qu'on lui a donné depuis peu, — que selon toutes les apparences il ne sçauroit encore vivre longtemps. L'on peut ajouter que quand ce Prince viendroit à mourir avant que le traitté eust été executé, Sa Majesté seroit endroit de se faire justice elle mesme en produisant la lettre et le plein pouvoir de M. de Mantoile qui authorisent assez les articles dont on est convenu, mais il faut pour cela les retirer des mains de Mattioli, ce qui ne se peut faire si l'on ne se rend maistre de sa personne, parce qu'il ne les porte jamais avec luy.

Voilà, monsieur, les motifs qui m'obligent à ne le pas laisser échapper, et pour y réussir j'ay escrit à M. Catinat qu'il falloit que nous pussions nous voir un des premiers jours de cette semaine ; je l'informeray au long de l'estat ou sont les choses et je luy diray qu'il me marque un endroit proche de Pignerol ou je puisse me rendre à un jour donné avec Mattioli lorsqu'il sera de retour du voyage qu'il va faire au- près de Casal ; et qu'il y envoye secrètement quelques hommes bien armez, parce que je sçais qu'il porte toujours deux pistolets dans ses poches et deux autres avec un poignard à sa ceinture ; je le mènera. y en ce lieu là dans mon carrosse sous prétexte d'avoir une conférence avec M. Catinat, et je l'y ay desjà si bien disposé qu'il m'a tesmoigné le désirer ; comme je luy ay parlé d'une manière à lui oster toute sorte de soupçon et qu'il affecte d'appréhender qu'on ne decouvre icy le commerce que nous avons ensemble, il est entré de luy mesme dans foutes les précautions que iay voulu prendre, et nous sommes convenus que pour éviter les accidents qui pourroient arriver, nous ne verrions M. Catinat qu'une fois hors de la veüe de Pignerol et des Estats de Ill. Le Duc de Savoye ; c'est là aussi que j'espere le remettre en bonnes mains, et je ne doute pas que M. de Saint-Mars ne veuille bien le recevoir sur le rapport de M. Catinat et sur ma parole, du moins jusqu'à ce qu'il ait plù à Sa Majesté d'en ordonner autrement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je suis, etc.

L'abbé D'ESTRADES.

(Arch. des affaires étrangères, Savoie, n° 68.)

 

Le 20 avril[16], d'Estrades revient à la charge et expose les fortes raisons qui doivent déterminer à faire arrêter Matthioly :

Juliany m'a dit qu'il avait parlé à don Joseph Varano, lequel lui a promis de faire son possible pour renouer l'affaire de Casal, niais que présentement de Mantoue ne vouloit entendre parler de rien qu'il n'ait fait prendre ou tuer Mattioli, dont il se plaint d'avoir esté trahi. Il a sceu par ce mesme Varano que ce qui inquiétait le plus M. de Mantoue, c'est que Mattioli lui a fait ratifier le traité et qu'il en a gardé la ratification avec tous les autres papiers concernant cette affaire ; de sorte que, lorsqu'on sera maitre de la personne de Mattioli, on lui fera donner cette ratification avec le reste. Et ainsy, monsieur, vous voyez de quelle conséquence il est de l'arrester. Je ne balance plus aussi à le faire, surtout depuis que j'ai veu que M. Catinat, avec qui j'eus une conférence il y a deux jours, et avec qui j'ay pris toutes les mesures nécessaires, a jugé, après que je l'ay informé de toutes chosés, qu'il ne falloit différer d'exécuter cette résolution. J'espère qu'avant quatre ou cinq jours ce sera une affaire finie, et je vous informeray de la manière qu'elle se sera passée. Il me semble que lorsqu'on aura obligé Mattioli à donner avec les autres papiers la ratification de M. de Mantoue, si effectivement il l'a donnée à cet homme, le roy sera en droit de demander l'exécution du traité ratifié en cas que ce prince ne voulut pas prendre les voyes de la douceur et des négociations. (Aff. étrang., Savoie, 68.)

 

Enfin, le 28 avril, Louis XIV consent à l'arrestation[17]. Mais quand ses ordres parviennent à Turin, Matthioly était déjà enlevé depuis le 2 mai.

Je dois vous apprendre, écrivit d'Estrades à Pomponne, de quelle manière iay conduit Mattioli en lieu de seûreté. J'ay déjà eu l'honneur de vous mander que je m'estois étudié à luy tesmoigner une entière confiance et à luy faire naistre l'envie de s'abbouscher avec M. Catinat ; Giuliani, qui estoit arrivé-icy depuis trois ou quatre iours et dont à dire vray la fidélité mérite qu'on le considère, m'en donna un nouveau moyen qui me fut fort utile. It me dit que Mattioli luy avoit tesmoigné que les frais de plusieurs voyages et les libéralitez qu'il avoit esté obligé de faire aux maistresses de M. de Mantoüe pour se les rendre favorables, l'avoient épuisé et qu'il se trouvoit présentement sans argent, Giuliani ne balança point à luy promettre que je luy donnerois ce qui luy seroit nécessaire, et sur cet advis ie luy dis en confidence que nous n'avions qu'à chercher des expédiens pour renouer nostre affaire : Et que pourveu que M. Le Duc de Mantoüe eût toujours les mesmes sentiments, il ne nous seroit pas difficile d'exécuter promptement le traitté, parce que M. Catinat avoit non seulement le pouvoir de faire venir les trouppes qui estoient destinées pour cela et de les cômander, mais qu'il avoit encore une somme très considérable pour fournir à toutes les dépenses qu'il jugeroit à propos de faire ; que Guiliani m'avoit représenté l'estat où il estoit et que je luy ferois donner ce qu'il souhaitteroit. J'adjoutay qu'il ne falloit point avoir de fausse délicatesse là dessus ; que ce n'estoit ny mon argent, ny celuy de M. Catinat que je lui offrois, mais celuy de Sa Majesté, qui croyoit ne le pouvoir mieux employer que pour une affaire si importante. Comme il est un des plus grands fripons qui ait jamais esté, cette proposition luy donna beaucoup d'impatience de voir M. Catinat ; et il me pressa sur des raisons qu'il imagina sur le champ de ne point différer la conférence que nous devions avoir avec luy ; nous prismes jour pour le lendemain mardi, 2me de ce mois, et je luy dormay rendez-vous a un demy mille de Turin dans une Eglise ou j'allay le prendre dans mon carrosse à six heures du matin ; par malheur il y avoit trois iours qu'il faisoit très mauvais temps ; il pleuvoit encore beaucoup ce jour là, et comme les rivières de ce pays grossissent aisément, nous en trouvasmes une qui s'appelle la Guisiola, à trois milles du lieu ou nous devions nous rendre, dont les eaux étoient si hautes que les chevaux ne pouvoient la passer qu'à la nage ; il n'y auoit qu'un pont qui estoit a demy rompu et iestois au desespoir de cet empeschement. Lorsqu'après avoir veû qu'il falloit de necessité accommoder le pont avec des aix pour y pouvoir passer a pied, Mattioli y travailla avec tant d'ardeur, qu'en une heure nous le mismes en estat de nous servir.

Je proffitay de cette occasion pour laisser en cet endroit mon carrosse et nies gens affin que ce que j'allois faire fût plus secret, et nous allasmes à pied dans des chemins fort mauvais jusqu'au lieu ou nous estions attendus. M. Catinat avoit si bien disposé toutes choses que personne ne parût que luy ; il nous fit entrer dans une chambre, et dans la conversation je fis dire à Mattioli insensiblement ce qu'il m'avoit advoué deux iours auparavant, qu'il auoit tous les papiers originaux qui regardoient nostre affaire, scavoir la lettre de M. de Mantoue au Roy, la réponse que Sa Majesté luy auoit faite, le plein pouvoir de ce Prince, le traitté que vous aviez mis par écrit, le mémoire de M. le marquis de Louvois et deux signatures de M. de Mantoue ; l'une au bas du traitté pour servir de ratiffication et l'autre au bas d'une feuille de papier blanc pour y escrire un ordre au Gouverneur de Casal de recevoir les trouppes de Sa Majesté dans sa place lorsqu'elles s'y présenteraient ; il adjouta que ce prince avait depuis fait tout ce qu'il avait pu pour l'obliger de rendre tous ces papiers, mais qu'il n'avait jamais voulu l'aller trouver ; qu'il ne luy en avait envoyé que des copies et qu'il avait mis les originaux en dépost à Bologne entre les mains de sa femme dans un couvent de religieuses appelé Saint-Louis ; après avoir attiré cette confidence à M. Catinat, ie crûs que ma présence n'estait plus nécessaire, et il fût arresté sans bruit lorsque je me fûs esloigné.

Je revins icy avec M. l'abbé de Montesquieu, mon cousin germain que j'avais mené avec moy pour deux raisons que j'espère que Sa Majesté approuvera. La première parce que ie ne pouvais sortir seul de Turin sans que l'on crût que je n'allais pas faire une visite comme je Pavois dit deux jours auparavant et que j'avois déia éprouvé que l'on m'auoit observé dans deux ou trois promenades que j'avais faittes exprès hors de la ville, affin qu'on ne le trouvast pas extraordinaire lorsque ie voudrais mener Mattioli. La seconde et la plus forte, c'est que toutes les précautions que j'aiois prises pour voir M. Catinat aux Capucins, dont le couvent est hors de cette ville sur une montagne ou il n'y a point d'autre maison que la leur, n'ayans pû empescher qu'on ait sceû notre entreveüe et que M. le marquis de Saint-Maurice n'en ait parlé assez indiscrètement, iay crû ne devoir pas bazarder de nouvelles conferences avec luy, et qu'il seroit encore plus dangereux que j'allasse à Pignerol ; ce que M. l'abbé de Montesquieu peut faire sans conséquence. Je ne me serois pas néantmoins servy de luy, si dans un sejour de trois ans que nous avons fait ensemble à Venise je n'avois assez bien connu sa discrétion, son addresse et surtout sa fidélité pour pouvoir repondre de luy comme de moy-mesme ; c'est aussy ce qui m'a obligé de le faire venir icy. Et je l'ay envoyé ce matin à Pinerol sur l'advis que M. Catinat m'a donné qu'il avait interrogé deux fois Mattioli qui lui auoit proposé de faire venir son père a l'endroit ou il auoit esté pris affin qu'il pût l'obliger d'aller chercher les papiers que nous demandons et de les rapporter à Pinerol. Mais parce qu'il faut se défiler de tout ce qu'il dit et qu'il ne pourra sans doute soutenir la veüe de Giuliani quand il luy sera confronté, sur toutes les fourberies qu'il a faittes, iay voulu qu'il accompagnât M. l'abbé de Montesquieu à Pinerol pour de là se rendre par ordre de M. Catinat où Mattioli aurait déclaré que les papiers seroient cachés. Et qu'ainsy celuy qui seroit chargé de cette commission, non-seulement fût un homme assuré ; mais encore qu'il eût, une connoissance parfaite du pays, et qu'il en sceût la langue pour éviter toute sorte d'accidents.

Deux jours après que Mattioli eût esté conduit dans le donjon de Pinerol, j'y fis mener son valet avec toutes ses hardes et valises par celui de mes gens que j'avois desja donné à M. Catinat dans le voyage qu'il fit près de Casal ; j'auois pour cela pris la précaution de porter un billet de Mattioli qu'on luy fit escrire et par lequel il ordonnait à ce valet de le venir trouver dans un lieu ou il estoit obligé de rester trois ou quatre iours et d'ou il devait partir sans repasser par Turin ; de sorte que l'on a eû par là sans user de violence tout ce que lattioli auoit apporté icy ; si je m'estois servi de tout autre moyen, je n'aurois pu rien tirer de luy, parce qu'il n'auroit jamais voulu de luy-mesure me donner des papiers qu'il a tant de peine à se résoudre de rendre lorsqu'il est en estat de craindre la punition de sa perfidie ; et que si je luy auois fait la moindre menace il seroit infailliblement sorty le lendemain de Turin sans qu'il m'eût esté possible de l'arrester qu'avec un esclat qui aurait esté très préjudiciable.

 

Parmi les papiers saisis sur la personne même de Matthioly ne se trouvaient pas ceux qui émanaient du gouvernement de Versailles, tels que le traité signé par Pomponne, l'instruction donnée par Louvois, la lettre de Louis XIV au duc de Mantoue et la ratification de celui-ci. Il était essentiel de s'en emparer, afin de dérober aux autres puissances ces témoignages irrécusables de la tentative et de l'échec du roi de France. Matthioly donna d'abord, sur le lieu où ils se trouvaient, une indication inexacte. Mais ayant été menacé de la torture, puis de la mort, le malheureux comte finit par avouer que les fameux papiers se trouvaient à Padoue en un lieu que connaissait seul son père. On dicta au prisonnier une lettre dans laquelle, sans laisser même soupçonner son sort, il priait son père de remettre toutes les pièces de la négociation au sieur Giuliany, porteur de cette lettre. Le père de Matthioly, ignorant entièrement que Giuliany était un espion au service des agents français, lui remet tout, et l'habile messager confia à M. de Pinchesne, représentant du roi de France à Venise, les précieux originaux[18], qui furent immédiatement, et sous le couvert de l'ambassade, envoyés à Versailles[19].

Louis XIV était vengé. Parvenu au point culminant de sa puissance, arbitre des destinées de l'Europe soumise et silencieuse, assez audacieux, assez fort pour annexer en temps de paix, et par l'arbitraire, de vastes territoires à la France ; ayant jusque-là brisé tons les obstacles et triomphé de toutes les résistances, ce potentat invincible venait d'être joué par un petit ministre d'une petite cour d'Italie. Celui de ses projets qui semblait devoir le mieux réussir, grâce à la faiblesse autant qu'à la division ou à l'ignorance de ses adversaires ; celui de ses projets de l'exécution duquel dépendaient tant d'essentielles conséquences, et qu'il avait caressé longtemps et préparé avec des précautions et des soins infinis, échouait tout à coup par le moins prévu des accidents, l'abandon de l'agent principal de cette affaire. Une si grande entreprise ayant une issue presque grotesque, le premier échec du roi de France produit par une telle cause, tant de disproportion entre l'importance des préparatifs et leur entière inutilité, l'effroi d'un péril aussi grave remplacé par la certitude d'en être délivré, quel naturel sujet de raillerie pour toute l'Europe ! Louis XIV essaya de se les épargner, en anéantissant à jamais les preuves officielles de sa tentative et de son insuccès, en faisant disparaître le principal coupable, et en rappelant ses troupes aussi secrètement qu'il les avait réunies à Briançon. Il renonça avec une telle promptitude à son entreprise, qu'il semblait en quelque sorte ne l'avoir pas commencée. Ce fut en vain que d'Estrades, si intéressé au succès de la négociation, et se prenant à tout pour la prolonger, supplia le gouvernement de Versailles de lui laisser toute liberté à cet égard[20]. Le refus du ministre fut formel, et empreint à la fois de fierté et d'amertume. L'intention de Sa Majesté, écrit Pomponne à d'Estrades le 4 août 1675, n'est point de suivre pour cette affaire les voyes que vous proposez, ny de remettre une si grande entreprise aux mesures que vous pourriez prendre. Si jamais elle en formait le dessein, vous jugez assez que celles dont elle se servirait seraient immanquables. Aussi vous ne devez point vous mettre en estat de rien tenter pour ce sujet[21]. Sans doute la cour de Savoie était dans la confidence de l'intrigue, mais Louis XIV parlait en maître à Turin. Sans doute la voix de Matthioly s'était fait entendre à Venise comme à Milan, mais elle était étouffée pour toujours, et au souvenir de ses avis devait se mêler celui de sa disparition mystérieuse, et comme un salutaire effroi causé par l'étrangeté de son sort. Au surplus, quelque humilié que fut Louis XIV, il tint à Madrid le plus haut langage. Il exigea et obtint de l'Espagne la mise en liberté immédiate du baron d'Asfeld, prisonnier à Milan, et un désaveu formel infligé au gouverneur qui avait ordonné son arrestation. Ce fut donc pour Louis XIV un échec, mais un échec en partie réparé par le prompt abandon de ses projets, et compensé par la satisfaction de réduire à l'impuissance, d'enlever au monde, de supprimer celui-là seul qui pouvait témoigner de la première humiliation d'un grand roi. On fit répandre le bruit que Matthioly était mort, victime d'un accident, dans un voyage. Ceux qui pouvaient le plus en douter parurent y croire. Charles IV, soupçonné ou convaincu par les autres princes d'avoir voulu vendre à Louis XIV une des clefs de l'Italie, chercha dans de nouveaux plaisirs à oublier la honte de l'entreprise et le désappointement de l'insuccès. La famille de Matthioly se dispersa silencieuse et atterrée. Crut-elle à sa mort ? On l'ignore. Sur son arbre généalogique, la date de la fin d'Ercole Matthioly a été laissée en blanc[22]. Sa femme, veuve d'un époux qui devait lui survivre, alla enfermer sa douleur dans le couvent des Filles de Saint-Louis à Bologne, là même où, dix-sept années auparavant, Matthioly était venu l'épouser. Son père, qui ne reçut plus aucune nouvelle depuis la lettre portée par Giuliani, traîna quelque temps encore à Padoue sa malheureuse existence, ne sachant s'il fallait pleurer la mort d'un fils chéri ou se flatter qu'il vécût encore. Nul n'osa, parmi les membres de cette famille ainsi plongée dans la plus cruelle incertitude, tenter, pour essayer d'en sortir, des efforts qui auraient été d'ailleurs stériles. Se sentant comme menacés par le coup mystérieux qui avait frappé un des leurs, ils se turent et se soumirent, convaincus de leur impuissance, et certains que leurs recherches resteraient inefficaces et ne seraient peut-être pas sans péril.

 

 

 



[1] Matthioly s'adressa d'abord au président Truccki, ancien ministre des finances de la régente, puis à celle-ci.

[2] Archives du ministère de la guerre, 686. — Archives du ministère des affaires étrangères. Mantoue, 4. — Instructions données à M. de Gomont, ambassadeur près le duc de Mantoue.

[3] Archives des affaires étrangères. Mantoue, 5 et 11. — Lettre de M. de Gomont à Louis XIV, du 14 mai 1680. — Copie de la lettre de Matthioly à l'impératrice Éléonore d'Autriche.

[4] Voici la seule pièce qui établisse que Matthioly a reçu de l'argent des Espagnols et des Vénitiens. On remarquera que les renseignements fournis par d'Estrades lui ont été donnés très-indirectement.

Je ne dois pas oublier d'informer Votre Majesté que le père Ronzoni (espion) a dit à Juliani (espion) que son père l'avait assuré que les Espagnols avaient donné 4.000 pistoles à Nation pour récompense de leur avoir descouvert toute l'affaire de Casal et de leur avoir nommé M. d'Asfeld et qu'il avait aussi touché de l'argent des Vénitiens pour le mesme sujet. (Dépêche inédite de l'abbé d'Estrades à Louis XIV, du 16 mars 1680. — Affaires étrangères. Savoie, n° 70.)

[5] Archives du ministère de la guerre, 1183. — Mémoire de Chamlay sur les événements de 1678 à 1688.

[6] Archives des affaires étrangères. Lettre de Pomponne à Pinchesne, du 30 décembre 1678.

[7] Lettre de Louvois à Saint-Mars, du 29 décembre 1678. (Archives du ministère de la guerre.)

[8] Lettre de Louvois à Saint-Mars, du 15 février 1679. (Archives du ministère de la guerre.)

[9] Lettre de M. de Pinchesne à M. de Pomponne, du 18 février 1679. (Affaires étrangères, Venise.)

[10] Lettre de M. de Pinchesne à M. de Pomponne, du 11 mars 1679. (Affaires étrangères, Venise.)

[11] Lettre de M. de Pomponne à Matthioly, du 14 mars 1669.

[12] Lettre de Catinat, sous le nom de Richemont, à Louvois, du 15 avril 1679.

[13] Dépêche inédite. (Ministère des affaires étrangères. Savoie, 68.)

[14] Dépêche inédite. (Ministère des affaires étrangères. Savoie, 68.)

[15] Dépêche inédite. (Savoie, 68.)

[16] Dépêche inédite. (Affaires étrangères.)

[17] Dépêches inédites de Pomponne à d'Estrades, des 28 et 30 avril 1679.

[18] Parmi eux ne se trouva pas la ratification du duc de Mantoue, mais seulement plusieurs blancs-seings donnés par ce prince à Matthioly, et sur l'un desquels celui-ci assura qu'il devait écrire la ratification.

[19] Dépêches inédites de l'abbé d'Estrades à Pomponne, des 13, 27 mai et 3 juin 1679 (Archives du ministère des affaires étrangères. Savoie, 68.) — Lettre de Catinat à Louvois, du 3 juin 1679. (Archives du ministère de la guerre.)

[20] Lettres inédites d'Estrades à Pomponne, des 10 juin et 1er juillet 1679.

[21] Archives des affaires étrangères, Savoie. Dépêche inédite du 4 août 1679. Le projet de cession de Casal à Louis XIV fut repris deux ans plus tard et exécuté, mais sans la participation de l'abbé d'Estrades et grâce à l'habileté de l'abbé Morel, ministre de Louis XIV près le duc de Mantoue. Le 30 septembre 1681, les troupes Louis XIV pénétrèrent à Casal. On sait où le conduisit cette politique et comment, à la paix de Riswyck, il fut contraint de tout rendre, même Pignerol, conquête précieuse de son père. Quoi qu'il en soit, Louis XIV fut d'autant mieux avisé de rompre en 1679 cette négociation, que le maréchal d'Estrades mandait le 11 mars de Nimègue que cette nouvelle tentative était de nature à différer l'échange des ratifications du traité de paix générale. (Lettre inédite du maréchal d'Estrades. Bibliothèque impériale, manuscrits. Papiers du maréchal d'Estrades, t. XII, p. 1015.)

[22] Arbor priscœ nobilisque masculinœ familiœ de Matthiolis. — Archives de l'Empire, M 746.