L'HOMME AU MASQUE DE FER

 

CHAPITRE XIII.

 

 

Le chevalier de Taulès. — Comment il a été conduit à croire que l'Homme au masque de fer était Avedick. — On lui fournit la preuve évidente de l'impossibilité matérielle de ce système. — Taulès persiste et accuse d'un faux des pères jésuites. — Examen du journal de Dujonca. — Sa parfaite authenticité et la sincérité naïve de l'auteur ne peuvent être mises en doute. — Preuves nouvelles de cette authenticité et de l'exactitude de Dujonca.

 

J'ai découvert l'Homme au masque de fer, et il est de mon devoir de rendre compte à l'Europe et à la postérité de ma découverte, s'écrie le chevalier de Taulès[1], avec une conviction que ne devait pas partager la postérité, et une solennité de ton si peu justifiée par le résultat, qu'une extrême réserve est imposée à ceux qui, après lui, s'aventurent dans cette poursuite féconde en échecs.

La nouvelle de cette découverte fut d'abord accueillie avec une confiance qu'expliquait la situation de celui qui disait l'avoir faite. Issu d'une des plus anciennes et des plus respectables familles du Béarn, admis en 1754 dans les gendarmes de la garde du roi, entré, dix ans après, dans la carrière diplomatique, qu'il parcourut toujours avec honneur, parfois avec succès, envoyé successivement en Suisse, en Pologne et plus tard en Syrie comme consul général, lié d'amitié avec Voltaire, qui montrait de la déférence pour ses avis[2], M. de Taulès jouissait parmi ses contemporains d'une autorité due autant aux qualités de son esprit qu'à son caractère honorable. Il avait traversé le premier empire sans vouloir rentrer dans les affaires, et consacré aux études historiques les loisirs que lui avait créés son indépendante fierté. Ce fut la lecture d'un mémoire manuscrit et inédit du marquis de Bonnac, ambassadeur à Constantinople, qui révéla à Taulès l'existence du grand patriarche Avedick et son enlèvement par Ferriol. L'auteur de ce mémoire ajoutait qu'Avedick avait été ensuite envoyé aux îles Sainte-Marguerite, puis transféré à la Bastille, où il était mort. En lisant ce passage, dit Taulès[3], il me vint subitement dans la pensée que ce personnage pouvait bien être le Masque de fer. Confirmé ensuite de plus en plus dans cette conjecture par une multitude de faits que la mémoire m'avait retracés confusément à mesure que je lisais, je me dis avec une nouvelle assurance : Oui, c'est lui-même, voilà le Masque de fer !

A vrai dire, cette pensée, des plus naturelles, devait surgir dans l'esprit de tout lecteur de ce mémoire, et, si Taures crut posséder enfin la solution, du problème, bien d'autres en auraient été persuadés comme lui. Son seul tort, mais il fut grand, a été de s'opiniâtrer dans cette opinion quand une étude plus complète de la question aurait dû lui montrer son erreur, et, lorsque son système croulait de toutes parts, d'essayer de l'étayer par une accusation de faux aussi grave qu'imméritée.

Assurément l'intérêt qu'avait Louis XIV à dissimuler l'existence d'un prisonnier tel qu'Avedick, le besoin de dérober à tous les regards la victime d'un si énorme attentat contre le droit des gens, la nécessité d'enlever à l'ancien patriarche tout moyen d'instruire la Porte-Ottomane du pays où il était détenu, le retentissement qu'eut dans l'Orient entier sa disparition, la situation précaire où se trouvait alors le roi de France, contraint de ménager la Turquie, étaient autant d'arguments se présentant en foule à l'esprit et précieux à invoquer en faveur de l'opinion de Taulès. Ce système offrait en outre l'avantage d'expliquer plusieurs circonstances vraies ou supposées de la vie du mystérieux prisonnier de Saint-Mars. Ce silence presque constamment gardé par lui et qui a fait dire si souvent qu'il y était condamné sous peine de la vie, le patriarche arménien était contraint de l'observer par ignorance de notre langue. Cet accent étranger, remarqué par le chirurgien Nélaton dans une visite faite par lui à la Bastille[4], et qui le frappa dans les quelques syllabes à peine articulées par le détenu, trouve sa naturelle explication avec Avedick. Le fameux propos de Louis XV, répondant à son valet de chambre, Laborde, qui l'interrogeait sur l'Homme au masque de fer : La prison de cet infortuné n'a fait de tort à personne qu'à lui, s'appliquait assez exactement au patriarche. Enfin, à défaut de ces dépêches officielles, preuve souveraine et indispensable aujourd'hui, qui seules permettent d'édifier un système sur des bases inébranlables, celui de Taulès réunissait du moins en sa faveur de fortes présomptions et ne souleva d'abord aucune objection fondamentale.

Mais l'inventeur ne jouit pas longtemps d'une joie sans mélange. Sa conviction était des plus enracinées. Jamais peut-être, dit-il, rien ne m'avait paru d'une si grande évidence. Je ne sentais pas plus clairement mon existence que je ne reconnaissais le patriarche dans tous les traits du Masque de fer. Tout à coup, le ministre des affaires étrangères[5], qui a ordonné des recherches dans ses archives, fait savoir au chevalier de Taulès qu'en réalité un grand personnage arménien a été enlevé de Constantinople et conduit en France, mais que, se trouvant encore en Turquie dans les premiers mois de 1706, ainsi que l'établissent des dépêches indiscutables, il ne peut être le prisonnier amené par Saint-Mars, des îles Sainte-Marguerite, à la Bastille, le 18 septembre 1698, et mort dans cette forteresse le 19 novembre 1703. Taulès accepta d'abord avec résignation, et ainsi qu'il convenait, cette révélation vraiment foudroyante. Son système était renversé de fond en comble, ses raisonnements détruits, sa découverte anéantie. Il le reconnut. Il regretta de ne s'être point rappelé plus tôt cette maxime qu'il avait entendue souvent, répétée par d'Alembert lui-même : Il ne faut ni rien nier, ni rien affirmer dans ce monde. Il avoua sa méprise, et l'homme d'esprit répara avec grâce l'erreur, très-excusable du reste, commise par l'historien. Mais ce système avait jeté de si profondes et de si tenaces racines dans le cerveau de son auteur, qu'il ne parvint pas à les en arracher entièrement. Un germe était resté qui s'y développa peu à peu, et d'une manière qui à elle seule mérite l'attention, indépendamment de l'intérêt qu'inspire tout ce qui touche à l'Homme au masque de fer.

Serait-il possible, se dit Taulès[6], qu'une preuve aussi fulminante me laissât encore quelque ressource ? Disputer, à la suite d'un fait aussi destructif de mon opinion, et de la vérité duquel je suis obligé de convenir, ne serait-ce pas vouloir porter, de propos délibéré, la prévention à son comble ? On le voit, Taulès ne conteste point d'abord l'exactitude des deux dates et l'impossibilité de les concilier avec son système ; mais il modifie peu à peu les termes du problème à résoudre. Il ne s'agit plus pour lui de découvrir qui a été l'Homme au masque de fer, mais de prouver, malgré une objection capitale, que l'Homme au masque de fer a été Avedick. Ce fait est digne de remarque, et l'enchaînement des idées successives de Taulès est ici comme toujours fort significatif. Il ne commence pas par rechercher si un faux a été commis par les jésuites, pour établir ensuite que l'Homme au masque de fer est Avedick. Point. C'est de la nécessité dans laquelle il se croit placé d'établir cette identité, que découle pour lui, d'abord la supposition d'un faux, puis sa recherche, puis la certitude que ce faux a été commis. Quelque téméraire, que doive paraître mon observation, j'oserai le dire, je sens l'espérance renaître dans mon âme, et, malgré tout ce que je viens d'avouer contre moi-même, je ne renonce pas à ma découverte... Si je m'abuse, je mériterai doublement d'être confondu. Mais si, comme tout m'en assure, je sors victorieux de cette lutte, la confusion restera tout entière à ceux qui avaient voulu m'enlever l'honneur de cette découverte[7]. Dès lors tous les efforts de Taulès tendent à détruire les données réelles acceptées par lui jusque-là. Ne pouvant se refuser à admettre les dépêches du ministère des affaires étrangères établissant qu'Avedick était encore à Constantinople en 1706, et cet obstacle étant vraiment insurmontable ; Taulès se retourne vers l'autre, vers le journal de Dujonca. C'est le P. Griffet qui, le premier, a cité[8] les deux pages de ce journal ayant trait au prisonnier mystérieux et portant les dates du 19 septembre 1698, jour de son arrivée à la Bastille, et du 18 novembre 1703, jour de sa mort. Or le P. Griffet est jésuite. A ce titre, et dans l'intérêt, à ses yeux supérieur à tout, de l'ordre auquel il appartient, n'a-t-il pas pu altérer, falsifier ce document, de manière à ce qu'il pût être opposé à ceux qui se lèveraient peut-être un jour pour accuser les jésuites de l'enlèvement d'Avedick, et qui verraient dans ce personnage l'Homme au masque de fer ? Ce soupçon, à peine entré dans l'esprit de Taulès, l'envahit et le domine, et aussitôt tout lui devient argument irrésistible et preuve formelle d'une falsification.

Ce journal est divisé en deux parties formant chacune un volume. La première a pour titre : Estat de prisonnies qui sont envoies par l'ordre du roy à la Bastille à commenser du mescredy honsiesme du mois d'octobre que je suis entré en possession de la charge de lieutenant du roy en l'année 1690, et le verso de son folio 57 porte littéralement ce qui suit :

Du judy 18me de septembre 1698, à trois heures après midy, Monsieur de St-Mars gouverneur du château de la bastille est arive pour sa première entrée venant de son gouvernement des illes St-Marguerite honorat aient mene avec queluy dans sa litière un ensien prisonnier qu'il avet à pignerol lequel il fait tenir toujours masque dont le nom ne se dit pas et l'aient fait mettre en de sendant de sa litière dans la première chambre de la tour de la basinnière en atandant la nuit pour le mettre et mener moy mesme a neuf heures du soir avec M. de rosarges un des sergens que monsieur le gouverneur a mene dans la troisième chambre seud de la tour de la Bretaudière que j'aves fait meubler de bonites choses quelques jours avent son arivée en aient reseu l'hordre de Monsieur de St-Mars lequel prisonnier sera servy et sounie par Mr de rosarge que monsieur le Gouverneur norira.

Le seconde partie, dont le titre est : Estat de prisonnies qui sortet de la bastille a commenser du honsiesme du mois d'octobre que je suis entre en possession en l'aunee 1690, renferme au verso du folio 80 ce qui suit :

Du mesme jour lundi 19me de novembre 1703 — le prisonnier inconeu toujours masque d'un masque de velours noir que Monsieur de St-Mars gouverneur a mene avecque luy en venant des illes St-Marguerite qu'il gardet depuis lontamps lequel s'etant trouve hier un peu mal en sortant de la messe il est mort lejourd'huy sur les dix hures du soir sans avoir eu unne grende maladie il ne se put pas moins. M. Giraut nottre homonier le confessa hier surpris de sa mort il na point reseu les sacremens et notre homonier la exorte un momant avend que de mourir et se prisonnier inconeu garde depuis si lontamps a este entére le mardy a quattre hures de la pres-midy 20me novembre dans le semetiere St-Paul nottre paroisse sur le registre mortuer ± on a done un nom ausy inconeu que monsieur de rosarges maior et Mr Reil sieurgien qui hont signe sur le registre.

± je apris du depuis qu'on l'avet nome sur le registre M. de Marchiel que on a païe 40 l. d'anterement[9].

Pour tout lecteur non prévenu et impartial, ces pages naïves sont concluantes et n'inspirent aucun doute. Mais il n'en est point ainsi pour Taulès. Selon lui, le P. Griffet lui-même, et non Dujonca, est l'auteur de ce document dans lequel, avec un art achevé, il a introduit plusieurs causes d'obscurité et est parvenu à égarer à jamais tous ceux qui seraient tentés de soulever le voile. Il a commencé par imaginer les deux dates de 1698 et de 1703, afin qu'il fût impossible de les appliquer à Avedick qui se trouvait encore à Constantinople en 1706. C'est à dessein qu'avec des précautions infinies il a attiré l'attention sur ce fait inventé à plaisir : Saint-Mars avait ce prisonnier dès Pignerol, point sur lequel il insiste en disant plus bas : Ce prisonnier qu'il gardait depuis longtemps. Faire par deux fois affirmer par Dujonca que l'Homme au masque de fer a été d'abord détenu à Pignerol, écarte absolument en effet la personne d'Avedick. L'affectation de parler à plusieurs reprises de l'abbé Giraut, aumônier de la Bastille, est pour Taulès également significative en ce qu'elle révèle l'intention habile d'éviter avec soin de nommer les jésuites, même quand il s'agit de la Bastille, où l'un d'eux était constamment attaché. Il est vrai que les registres de l'église Saint-Paul confirment le journal de Dujonca, puisque, à la date du 20 novembre 1703, y est relaté l'enterrement du prisonnier[10]. Mais cette objection n'embarrasse point Taulès. Sans aller jusqu'à supposer que ces registres aussi ont été falsifiés, il veut bien les accepter pour authentiques.

Mais, dit-il, ce prisonnier, enterré le 20 novembre 1705, n'est point celui amené par Saint-Mars à la Bastille. C'est un obscur inconnu, et le P. Griffet, trouvant sur les registres de celte église la preuve de sa mort en 1703, s'en est servi comme d'une base pour échafauder ses mensonges, et, en attirant exclusivement sur lui l'attention de la postérité, l'a détournée d'Avedick et a rendu nécessairement infructueuses les investigations ultérieures.

Il n'en est rien. Dans cet épisode douloureux du règne de Louis XIV, les jésuites n'ont leur part de responsabilité que par la pression qu'ils ont exercée sur Ferriol, et ils sont entièrement innocents du faux dont on les a accusés.

La parfaite authenticité du journal de Dujonca ressort de bien des preuves. Il suffit de l'avoir lu, de s'être assuré qu'il n'est point composé de feuilles détachées et reliées ensuite, et qu'il a été écrit tout entier de la même plume incorrecte et naïve, pour se convaincre de l'impossibilité matérielle de la moindre altération. Ou il est faux d'un bout à l'autre, ou les pages relatives au Masque de fer ont pour auteur cette espèce de surveillant général de la Bastille, tantôt trop pompeusement nommé lieutenant du roi, tantôt remplissant les humbles fonctions de porte-clefs, dévoué à ses devoirs multiples[11], et qui doit être cru pour son ignorance de certaines choses, autant que pour sa connaissance parfaite d'autres, pour la naïveté non simulée de son langage et le ton de sincère assurance qui est uniforme dans le journal tout entier. Non-seulement, d'ailleurs, tout ce qui y concerne les autres prisonniers est corroboré par des dépêches indiscutables et déposées dans d'autres archives[12], mais encore les documents les plus certains confirment d'une manière absolue les dates et même quelques-uns des points indiqués dans les deux relations que nous venons de citer. Dujonca dit dans la première : J'avais eu soin de faire meubler sa chambre de toutes choses avant son arrivée, en ayant reçu l'ordre de M. de Saint-Mars. Or, une dépêche jusqu'ici inédite et d'une importance capitale porte ce qui suit : Barbezieux Saint-Mars. — Marly, le 19 juillet 1698. — J'ay receu la lettre que vous avez pris la peine de m'escrire le 9 de ce mois. Le roy trouve bon que vous passiez des isles de Sainte-Marguerite pour venir à la Bastille avec vostre ancien prisonnier, prenant vos précautions pour empescher qu'il ne soit veu ny conneu de personne. Vous pouvez escrire par avance au lieutenant de Sa Majesté de ce château de tenir une chambre preste pour pouvoir mettre ce prisonnier à vostre arrivée.

Cette dépêche ne saurait être contestée. Elle existe dans les archives du ministère de la guerre. Elle a été écrite par le ministre Barbezieux peu de temps avant le départ de Saint-Mars pour la Bastille, et, comme tant d'autres que nous citerons ultérieurement, elle établit d'une manière formelle qu'en 1698, et non plus tard, l'Homme au masque de fer a pénétré dans la Bastille, et qu'aucune altération n'a donc été commise sur le journal de Dujonca.

Mais à ces preuves définitives ajoutons-en d'autres tirées de la fin si singulière d'Avedick. Revenons à ce personnage au moment où il a foulé pour la première fois le sol français, et suivons-le jusqu'à sa mort, moins pour achever de montrer — ce qui serait superflu qu'il n'est point l'Homme au masque de fer, que pour éclairer dans tout son jour cette figure peu connue, et poursuivre jusqu'à son dénouement l'histoire de cet attentat extraordinaire.

 

 

 



[1] L'Homme au masque de fer, mémoire historique, par le chevalier de Taulès, ancien consul général en Syrie, p. 1.

[2] De 1752 à 1768, Taulès et Voltaire ont eu une longue et intéressante correspondance donnée par l'éditeur Gaultier-Laguionie (Paris, 1825), à la suite des divers mémoires de Taulès.

[3] L'Homme au masque de fer, mémoire historique, p. 21.

[4] Il en a été parlé dans le ch. VIII de cette étude.

[5] M. de Vergennes.

[6] L'Homme au masque de fer, p. 62.

[7] L'Homme au masque de fer, p. 63.

[8] Dans son Traité des différentes sortes de preuves qua servent à établir la vérité dans l'histoire.

[9] Archives de la bibliothèque de l'Arsenal. Journal manuscrit de Dujonca.

[10] Archives de l'Hôtel de Ville. Registres des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Saint-Paul, Saint-Paul, 5 1703-1705, t. II, n° 166.

[11] J'ai trouvé dans les archives de l'Arsenal un autre document émané de la même plume de Dujonca, dont on ne connaissait jusqu'ici que le journal. Ce sont des notes où il énumère les lourdes occupations qui pesaient sur lui. Ce document jette une certaine lumière sur le régime intérieur de la Bastille. C'est la même grosse écriture que celle du journal, les mêmes fautes de langage, la même naïveté. Il est trop long pour être cité ici. J'en extrais seulement le relevé de tout ce qu'avait à faire Dujonca.

Depuis plus d'un année que je suis entre à la Bastille, je este oblige de faire le service qui san suit :

Comme de se lever tous les matins de premies et le dernier coucher. — Faire monter la garde bien souvent a la plante de messiurs les officiers de monsieur de Besemaux, faire la ronde et la visitte tous les soirs dans l'incertitude que ces messieurs la fasset, fermer les portes fort souvent ne pouvent conter sur personne. — Prendre tout le soin de la garde du chasteau ne pouvent me fier ny reposer sur le deux oficiers de monsieur le gouverneur, lequels ne font que se qu'il lur plest et ne rendent conte de ce qu'il si passe qu'a monsieur de Besemaux. — Cant monsieur de la Venice ou dautres commiserres viennet pour interoger de prisonnies, il faut les aler prendre dans lur chambre et mener le prisonnies dans la salle de monsieur de Besemaux en traversant toutes le cours et il faut atandre dehors a la porte le plus souvent gusque a huit heures de tamps pour reprendre et ramener le prisonnier ou l'on lapris. — Les prisonnies auquels il est permis de voir du monde il faut ausi les aler prendre dans lur chambre pour les mener au travers de toutes les cours dans la salle alordinere ou les parans ou amis les atandet et il faut le plus souvent rester avec eus tout ausi lontamps qu'ils veullet estent oblige de les garder a veue et ensuitte les ramener. Il faut avoir le mesme soin et apliquacion pour quelques jeans de la religion lequels sont veus et entreteneus par le perre Bordes, M. Latour Daller et madame Chardon pour les convertir. — Suivre et garder le prisonnies quy hont la permission de saler promener au jardein et sur la terasse de fois a autre. — A. tous le prisonnies malades il faut les aler visiter souvent et en prendre du soin. A ceus qui hont besoin du medesin et de la potiquerre il faut les aler mener ou le malades vont pour estre plus a sure de se quil si passe et de remedes con lur ordonne de prendre il faut estre present canton lur aporte. — Le prisonnies qui se trouvent fort mal et en danger de mort il faut redoubler tous ces soins pour le faire confeser resevoir tous ces sacremans et tant il en murt il faut satisfaire a tous les devoirs d'un bon crestien. — A la rivée dun prisonnie qui doit estre renferme il faut commenser a le visiter et a foulier par tout sur luy et tontes ces hardes et le mener dans la chambre con luy donne. Au surplus il faut prendre le soin de li faire doner et aporter tout ce quil li est nesesaire pour la garniture de sa chambre en peient bien cherement au tapissier de monsieur de Besemaux ou bien a la mestresse dautel. — Le prisonnies renfermes qui optiennet lur liberte entiere il faut ausy le foulier tous et visiter leurs hardes avent que de sortir a cause de la grande communiquacion qu'il y a antre le prison-nies les uns aux autres. Il faut au si avoir le mesme soin de foulier le prisonnies questant renferme pour le mestre dans la liberte de la court ce qui arrive aces souvent. — Faire de visittes dans toutes les chambres et foulier partout mesmes tous le prisonnies et dans leurs hardes. — Comme ausy il faut visiter tout se qu'il vient de dehors pour le prisonnies renfermes et sa qu'il en sort pour racommoder ou blanchir lur hardes. — Dans le nombre qu'il y a de prisonnies quelques uns journelement se trouvent en necesité ou besoin de quelque chosse ou bien pour quelque plainte de lur noriteure ou mauves trétement du porte clefs qui le sert lequels prisonnies dans lur malur sont aubligés de hurter à lur porte pour advertir de lurs besoins se sont des ocasions qui arivet souvent et d'un grend bruit ou il faut aler rendre de fréquantes visittes. — Il faut prendre garde à la noriture que l'on donne au prisonnies estent fort souvent mauvesse de mauves vin et du vilain linge. — Visiter souvent toutte la vescelle dont on se sert ordinerement pour le prisonnies renfermes lequels escrivent sur le plus et les assiettes bien souvent pour se donner de lurs nouvelles les uns aux autres. — Il y a aprendre garde et de bien opserver sur toutes les personnes qui entret dans la Bastille sur tout pour le bilames et filles qui y viennet pour voir de prisonnies qui sont dans la liberte de la court. — Au bonnes restes de l'annee il faut prendre tout le soin de faire confeser entandre la messe et communier le prisonnies aux quels il est permis par ordre de le faire. — Aler plusieurs fois le jour et le soir sur le planches en dehors du chato pour contenir le prisonnies qu'ils ne se parlet les uns ans autres d'une tour a l'autre et d'anvoier de soldas dans les environs de la Bastille pour prendre des jeans qui font de signes au prisonnies qu'ils coneset et bien souvent se sont de prisonnies qui hont eu lur liberté voulant rendre service a seul qui restet la communiquacion estent partout et la cause tous ces désordres.

[12] Un seul exemple suffira. La personne enfermée à la Bastille quelques jours ayant le Masque de fer est, selon Dujonca, la fameuse madame Guyon, et une lettre du comte de Pontchartrain à Saint-Mars, du 3 novembre 1698, porte : Pour madame Guyon, il ne faut rien faire à son égard que par l'advis de M. l'archevêque. Archives impériales, Registres du secrétariat de la maison du roi.