LOUIS XIII ET RICHELIEU

DEUXIÈME PARTIE

 

LETTRES INÉDITES DE LOUIS XIII À RICHELIEU (1622-1642)

 

 

1641. — Situation du duc de Lorraine. — Il traite avec la France. — Mauvaise foi de ce prince. — L'armée française envahit de nouveau la Lorraine et chasse le duc de ses États. — Campagne de Catalogne. — Procès du duc de Vendôme. — Sa fuite en Angleterre. — Assemblée de Mantes. — Les députés du clergé adoptent les nouveaux impôts.

 

De St Germain, le 5 janvier 1641, à 4 heures du soir.

Mon cousin, je suis bien marri de vous importuner sur les mauvoises humeurs de M. le Grand, a son retour de Ruel il ma baillé le paquet que vous luy avés délié, je lay ouvert et lay lu je luy ay dit, M. le cardinal me mande que vous luy avés tesmoigné une grande envie de me complaire en toutes choses et cependant vous ne le faites pas sur un chapitre de quoy je lay prié de vous parler qui est vostre paresse, il ma repondu que vous luy en aviés parlé, mais que pour ce chapitre la il ne pouvoit changer et quil ne feroit pas mieux que ce quil avoit fait, ce discours ma fasché je luy ay dit, un homme de vostre condition qui doit songer a se rendre digne de commander les armées et qui mavés témoigné avoir ce dessein la paresse y est du tout contraire, il ma respondu brusquement quil navoit jamais eu cette pensée ni y avoit prétendu je luy ay répondu que si et nay pas voulu enfoncer ce discours, vous cavés ce qui en est, jay repris ensuite le discours sur la paresse, luy disant que ce vice rendoit un homme incapable de toutes bonnes choses, et quil nestoit bon qua ceux du marais ou il avoit été nourry qui étoient du tout adonnés au plaisir et que sil vouloit continuer une telle vie qu'il faloit quil y retournast, il ma respondu arrogamment quil étoit tout prét, je luy ay respondu, si je nestoit plus sage que vous e sais ce que jaurois à vous respondre la dessus.

Ensuite de cela je luy ay dit que mayant les obligations quil ma il ne devoit pas me parler de la fason, il ma respondu son discours ordinaire quil navoit que faire de mon bien quil estoit tout prest a me le rendre et quil sen passeroit fort bien et seroit aussi content destre Cinq-Mars que M. le Grand et que pour changer de fason de vivre il ne pouvoit vivre autrement. Et ensuite il est venu toujours me picotant et moy luy jusques dans la cour du chasteau ou je luy ay dit quétant en lhumeur ou il estoit il me feroit plaisir de ne me point voir. Il ma tesmoigné quil le feroit volontiers, je ne lay point veu depuis, tout ce que dessus a esté en la présence de Gordes. — LOUIS[1].

Jay montré à Gordes ce mémoire avant que vous lenvoyer qui ma dit ny avoir rien leu que de véritable. — (Recueil d'Aubéry, t. II, p. 838.) — (Histoire de Louis XIII, par le Père Griffet, t. III, p. 310 et 311.) — (Papiers de Richelieu, t. VI. p. 647.)

 

De Bonnais, ce 5 février 1641[2].

Je trouve très bon que charost face lordre a vostre balet[3], vous luy en ferés voir ce mesme qui luy servira de commandement nous ferons tout ce que nous pourons pour tuer des marcassins[4] ce qui est assés dificile en cette saison je feroy toujours tuer un chevreil et une beste fauve, je viens de prendre 2 loups et suis encore après un, je vous Mile le bon soir. LOUIS. — (Ibid., fol. 299.) — (Original.)

 

Le duc Charles de Lorraine se trouvait, depuis longtemps, dans une étrange situation. Ses États étaient occupés par les armées françaises, ses troupes, composées d'étrangers et commandées en grande partie par des généraux étrangers ne lui étaient nullement dévouées, l'Espagne et l'Allemagne se servaient de son nom et de sa personne pour lutter contre la France, sans trop se préoccuper des intérêts du malheureux souverain. Enfin, de son intérieur même lui venaient de sérieux embarras. Du vivant de sa femme, la duchesse Nicolle, qui lui avait apporté en dot le duché de Lorraine, il avait épousé la princesse de Cantecroix. La duchesse délaissée avait demandé et reçu un asile en France, puis s'étant adressée à la cour de Rome pour avoir justice, avait obtenu du pape l'interdiction de toute fréquentation aux deux époux adultérins. Le duc et la princesse n'avaient tenu aucun compte de l'injonction, mais cette situation devenait intolérable pour eux, car leurs alliés, les Espagnols, mécontents de voir le duc Charles désobéir à l'Église, s'éloignaient de lui chaque jour davantage. Il ne restait qu'une ressource au duc de Lorraine, pour sortir de cette difficulté, traiter avec la France. Mais Richelieu et Louis XIII, qui avaient reçu à Paris la duchesse Nicolle et lui faisaient une pension, paraissaient ne vouloir renouer avec le duc qu'à la condition que ce prince reprendrait sa femme légitime. Charles, qui aimait la princesse de Cantecroix, se refusait à accepter une pareille condition. Heureusement pour lui, ni Richelieu ni Louis XIII ne voulurent sacrifier les grands intérêts de la France à ceux d'une duchesse de Lorraine, quelque intéressante que pût être cette dernière. L'un et l'autre tenaient seulement à sauver les apparences, et, tout en souhaitant de ramener le duc de Lorraine à la France, ne voulaient pas paraître abandonner la duchesse. D'autre part, le due Charles désirait vivement rentrer en possession de ses États, pour sortir de la tutelle dans laquelle le tenaient les Espagnols et l'empereur, et pouvoir même, le cas échéant, rentrer en lutte avec la France, mais, cette fois, d'une façon indépendante et avec ses propres forces. Ces sentiments des deux partis trouvèrent deux femmes pour interprètes, et, au moment où on pouvait le moins le prévoir, se conclut le traité le plus inattendu de l'époque.

Depuis longtemps, du Hallier, le futur maréchal de l'Hôpital, avait été chargé de négocier avec le duc de Lorraine, mais, jusqu'au commencement de 1641, il n'avait pas réussi dans sa mission. Ce fut alors seulement que deux femmes se mêlèrent de ces négociations et les menèrent à bonne fin. L'une d'elles était cette Charlotte des Essarts qui, tout d'abord maîtresse d'Henri IV, était ensuite passée dans les bras du cardinal de Guise, puis avait épousé du Hallier. L'autre était la princesse de Cantecroix. Ces deux femmes comprirent les difficultés de la situation, mais devinèrent que toutes pouvaient être tranchées si le duc de Lorraine consentait à venir à la cour de France. La princesse y décida le duc Charles, et celui-ci se résolut, non sans arrière-pensée, à venir à Paris, pour entamer des négociations directement avec Louis XIII. C'est cette nouvelle que celui-ci, dans la lettre suivante, remerciait Richelieu de lui avoir apprise.

 

De St Germain, ce 17 février 1641[5].

Je suis extresmement ayse de ce que mande le Halier, je confesse que je ne croyiois pas que ceste affaire put réussir, ayant été tant de fois trompé par le duc Charles, nous en serons encore plus aseurés quand nous nous le verrons icy, je parle en ces termes estant toujours en défiance de ce costé là, j'a y eu un peu de goute ceste nuit a ceste heure je nay plus de douleur, songés a vous et a vostre santé et rien ne sauroit mal aller. LOUIS. — (Ibid., Lorraine, t. XXXII, fol. 10.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 18 février 1641.

Ayant peur que le mauvois temps que vous eustes ier a la chasse ne vous ait fait mal, jenvoye ce gentillôme pour savoir de vos nouvelles, je ne me sans plus du tout de la goute et croy que vostre vue ma guéri ne vous ayant jamais veu que je men sois bien trouvé, je fais estat au partir du Palais[6] daler coucher a Morsan pour dela aler a Villeroy côme je vous dis lautre jour, je vous prie me mander si il ny a rien qui men ampesche afin que je dône les ordres à mes chiens en partant de Versailles ou je men vas coucher aujourduy je ne manqueroy de me rendre mercredy a 3 heures a vostre logis ou plustôt si il est nécessaire pour voir si il y aura quelque chose a resoudre pour jeudy[7], je vous recommancleroy ce que jay acoutumé qui est davoir soin de vous. LOUIS. — (Ibid., France, t. V, fol. 300.) — (Original.)

 

De la maison rouge, 26 février 1641.

Jenvoye ce gentillôme pour savoir de vos nouvelles que je prie Dieu estre telles que je les désire, je viens ier coucher en ce lieu pour estre plus proche des Buisons a courre le loup, je finiroy en vous recomandant ce que jay acoutumé qui est davoir soin de vous, je vous donne le bon jour. LOUIS. — (Ibid., fol. 301.) — (Original.)

 

De Cherly, ce 3 mars 1641.

Je vous remercie du soin que vous avés de moy je me porte assés bien a cette heure, je nay point sorti du logis aujourduy, jespère si ma santé me le permet coure demain le loup à Verrière si il sy en trouve auquel cas je demeureroy a coucher a Versaille, si il ne sy en trouve point je gagneroy St Germain si lafaire de mont Calue[8] réusit cest un grand bien pour casai je vous recomande toujours davoir bien soin de vous. LOUIS. (Ibid., fol. 302.) — (Original.)

 

Mars 1641.

Vous ferés avertir Monsr de Brulon de ne point dire au premier gentillôme de la chambre dater visiter Monsr de Loraine parce que estant chose acoutumée il leur va dordinaire dire de ma part sans men parler. — (Ibid., Lorraine, t. XXXII, fol. 20.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 9 mars 1861.

Je ne pourrois pas voir M. de Loraine aujourduy Brulon nestant arivé icy que à onze heures et ne ma point dit que vous eusiés entandu que ce deust estre aujourduy et ne ma parlé que de demain, je parleroy selon ce que vous me mandés à M. de Loraine, jay une extresme joye de savoir que M. Danguien soit hors de danger, je vous dône le bon soir et vous prie davoir toujours bien soin de vous. LOUIS. — (Ibid., fol. 24.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 9 mars 1641.

Jay oublié a vous mander par Chamarande que Brulon ma dist que il faloit que a larivée de Mons. de Loraine les gardes prisent les armes et qu'on les avoit prises au duc de Parme, je vous prie de me mander ce que jay a faire la desus demain des le matin, je vous dône le bon soir. LOUIS.

(Cette lettre porte comme suscription :) Pour mon Cousin etc., si monsr le cardinal est andormi monsr de Chavigny ouvrira cette lettre. — (Ibid., fol. 25.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 14 mars 1641[9].

Je suis bien fasché des longueurs que M. de Loraine aporte a son traicté,je croy aime vous me mandés que en laissant aler les afaires de longue il se portera a la raison, jay peur que vostre long séjour a Paris porte préjudice a vostre santé, je vous prie davoir soin de vous sur toutes choses cela est bien estrange que il y ait des prélats qui ne facent pas ce quils doivent en ceste ocasion, il sen faut resouvenir en temps et lieu, vous mavés fait plesir de me faire savoir les nouvelles dalemagne, je vous dône le bon soir et vous recomande davoir toujours soin de vous. LOUIS. — (Ibid., fol. 29.) — (Original.)

 

Charles de Lorraine, arrivé à Paris le 7 mars, avait été logé à l'hôtel d'Épernon. Deux jours après, il avait obtenu sa première audience du roi ; puis les négociations avaient été entamées. Mais les prétentions de la France étaient grandes, et le duc de Lorraine, de son côté, aurait bien voulu obtenir la restitution complète de son duché contre de simples promesses, disposé qu'il était à n'en tenir aucune. Aussi ces négociations marchaient lentement et l'humeur que ces lenteurs causaient à Louis XIII, et qu'il témoigne dans la lettre précédente, ne nous étonne pas. On employait cependant tous les moyens pour éblouir le duc Charles. Chaque jour il était traité magnifiquement et était le prétexte de nouvelles fêtes. Le soir même du 14 mars, on donna en son honneur, au Palais-Cardinal, une seconde représentation du ballet qui avait été dansé à l'occasion de la signature du contrat de mariage du duc d'Enghien.

 

De St Germain, ce 30 mars 1641.

Javois envoyié des ier un gentillôme a Ruel pour savoir de vos nouvelles lequel ne vous y ayant pas trouvé sen revint icy ce qui mavoit mis en peine, vous me fites grand plesir de menvoyier ter Chamarande pour men tirer, je suis bien ayse que M. de Loraine ait signé son traité, je vous conjure davoir soin de vous plus que jamais. LOUIS. — (Ibid., France, t. V, fol. 303.) — (Original.)

 

Enfin, le 29 mars, toutes les conditions du traité furent arrêtées et le duc de Lorraine le signa. Par ce traité il s'engageait, ainsi que ses successeurs, à ne jamais abandonner la France et à lui rester fidèle dans la guerre comme dans la paix. Il promettait de rompre tous les traités qu'il avait conclus avec les étrangers et de n'avoir désormais aucune intelligence avec ceux-ci. Il devait, en outre, rendre hommage au roi de France, non-seulement pour les duchés de Lorraine et de Bar, mais aussi pour tous ses autres États, et le reconnaître pour son seul suzerain. Ses troupes devaient en toutes occasions se réunir aux armées du roi et servir, sous ses ordres, partout où celui-ci le jugerait utile. De plus, il abandonnait à la France le comté de Clermont, Stenay, Jametz et Dun. Nancy 'restait en dépôt entre les mains de Louis XIII jusqu'à la paix, et les soldats lorrains n'en devaient pas approcher de moins de cinq lieues. A ces conditions, le roi consentait à lui rendre la possession de ses États. Dans ce traité, les intérêts de la duchesse Nicolle furent complètement sacrifiés. Richelieu craignait qu'en insistant trop sur ce point, le duc ne se refusât à transiger, et le cardinal tenait à assurer à la France le droit de suzeraineté sur la Lorraine ; aussi ne fut-il parlé de la question du mariage du duc Charles que dans le dernier article du traité et encore le fit-on uniquement pour ne pas paraître entièrement abandonner la malheureuse princesse. Il n'est point parlé ici, est-il dit dans le traité, du différend qui est entre ledit sieur duc et la duchesse Nicolle de Lorraine sur le sujet de leur mariage, parce que la décision d'icelui dépend purement du tribunal ecclésiastique, et que Sa Sainteté, par devant laquelle les parties se sont pourvues, saura leur faire droit ainsi que la justice le requiert. Cependant ledit sieur duc baillera à ladite dame duchesse six-vingt mille livres de pension annuelle à prendre sur la recette de Bar[10].

Remettre la cause de la duchesse aux soins de la cour de Rome, c'était en réalité l'abandonner, car le duc Charles avait déjà assez montré le peu de cas qu'il faisait des décisions ecclésiastiques. De plus, en faisant allouer une pension à cette princesse, on reconnaissait implicitement la séparation des deux époux et on autorisait, par là, le duc de Lorraine à ne pas reprendre sa femme légitime.

En acceptant ce traité, le duc de Lorraine n'avait, comme nous l'avons dit, qu'un but, rentrer en possession de ses États, pour agir ensuite selon que les circonstances le lui permettraient. Il espérait se rendre bientôt indépendant, car il connaissait les projets que formaient à ce moment même le comte de Soissons et le duc de Bouillon, et Charles comptait bien profiter de la guerre civile qu'il prévoyait pour revenir sur le traité qu'il subissait et imposer alors ses conditions. Ce qui prouve bien que telle était son intention, c'est qu'en même temps qu'il signait le traité du 29 mars 1641, il déposait chez un notaire de Paris une protestation contre ce traité même, prétendant que les conditions lui en avaient été imposées et que sa signature lui avait été extorquée[11].

Cependant, le 2 avril, il se rendit à Saint-Germain, où il entendit la messe, puis prêta librement serment, sur l'Évangile, d'observer fidèlement le traité qu'il avait conclu. Le 10 avril, il rendait solennellement hommage au roi pour ses États, et, le 14 du même mois, il partait pour la Lorraine avec la ferme volonté de ne tenir, de tous les engagements qu'il avait contractés, que ceux auxquels il ne pourrait pas se refuser.

Son premier acte fut de parcourir ses États, accompagné de la princesse de Cantecroix. C'était montrer combien Richelieu avait eu raison de ne pas insister sur la question du mariage du duc Charles. Mais celui-ci ne se contentait pas de se montrer à ses sujets. Il agissait. Hormis Nancy, la Lorraine entière était de nouveau entre ses mains ; il en profita pour réunir des troupes, relever les fortifications des villes, pourvoir celles-ci de tout ce qui leur était nécessaire pour soutenir un siège. Il se préparait par tous les moyens à user des bons résultats qu'avait produits sa duplicité, et à se servir de la première occasion pour lever le masque. Cependant, le 21 avril, lors de son arrivée à Bar, il avait fait sortir de la ville les troupes françaises, et dès qu'il avait pu se dire libre dans ses Etats, il avait ratifié le traité du 29 mars et envoyé cette ratification à Paris. Après un tel acte, le duc Charles devait être mal venu à se plaindre du traité qu'il avait accepté si librement. C'est cependant ce qu'il fit ; mais, avant d'en arriver publiquement à une protestation, il dissimula pendant plusieurs mois, et sut faire attendre Richelieu, tout en ne tenant aucun des engagements qu'il avait contractés envers la France.

Dès le mois de mai, le duc Charles montrait la mauvaise volonté dont il était animé à l'égard de la France, et Richelieu était obligé de lui rappeler ses promesses et de l'engager à joindre ses troupes à l'armée du maréchal de Châtillon, en prévision de la révolte prochaine du comte de Soissons, dont la conduite inspirait de graves inquiétudes[12]. Le 5 juin, le cardinal renouvelait ses instances auprès du duc, mais inutilement[13]. Le 17 juin, Richelieu lui écrivait encore[14] et en même temps, écrivant à du Hallier, il pressait celui-ci d'engager vivement le duc Charles à tenir ses promesses. Son Altesse, lui disait-il, n'y saurait manquer sans perdre l'honneur[15]. Mais tout cela touchait fort peu le duc de Lorraine, qui croyait trop au succès de la révolte qui se préparait sous ses yeux, pour sacrifier ses intérêts à ceux de la France. Le manque de foi du duc étonna Richelieu, car nous voyons celui-ci, le 3 juillet, trois jours avant la malheureuse bataille de la Marfée, écrire à du Hallier, qu'il ne sauroit croire le procédé de M. de Lorraine qu'il ne l'ay veu confirmé par ses actions[16]. La conduite antérieure du duc devait pourtant permettre de pénétrer ses véritables sentiments. Cependant, au commencement du mois d'août, Richelieu, forcé enfin de se rendre à l'évidence, écrit encore à du Hallier, mais, cette fois, il veut profiter de la déloyauté du duc Charles et la faire tourner au profit de la France, aussi mande-t-il que par son manque de foi, le duc Charles se déclare lui-même déchu de ses droits sur la Lorraine[17]. C'était là un prétexte pour envahir de nouveau le duché et dépouiller encore une fois le duc Charles de ses États, mais ce prince, par sa conduite, obligeait la France à agir ainsi. Après avoir librement traité avec la France, le duc, dans une déclaration qu'il publiait le 27 août, proclamait hautement qu'on lui avait fait violence pour extorquer sa signature au traité du 29 mars. A cette époque, il avait déjà rejoint l'armée espagnole et s'était déclaré de nouveau contre la France. Une partie do l'armée française, sous les ordres du comte de Grancey, envahit aussitôt la Lorraine, et le duc Charles, à la fin de 1641, se retrouva dans la même situation où il était au commencement de cette année : prince errant, dépouillé de ses États, dépourvu de toute autorité, complètements à la merci des Espagnols et de l'empereur.

 

De St Germain, ce 9 avril 1641.

Pour vous oster la peine de venir demain icy je pars présentement pour vous aler trouver a Ruel[18]. LOUIS. — (Ibid., fol. 304.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 18 avril 1841.

Je vous remercie du soin que vous avés de moy je pris ier médecine de quoy je me porte tres bien je fais estat de vous aler voir demain, si vous jugés a propos que M. le grand maistre[19] se trouve a Ruel pour voir ce que on pourra faire cette campagne, côme vous le proposates lautre jour vous le ferés avertir, sinon ce sera une autre fois, je vous Mile le bonjour et vous prie devoir toujours soin de vous. LOUIS. — (Ibid., fol. 305.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 2 may 1841.

Estant en peine de vostre santé jenvoye ce gentillôme pour men reporter des nouvelles, je m'en vas coure le loup a franconville puis je me retireroy a Ecouan je vous recomande davoir toujours soin de vostre santé et de vostre personne. LOUIS.

Quand il viendra des nouvelles de M. le Grand maistre je vous prie de me les faire savoir[20]. — (Ibid., fol. 306.) — (Original.)

 

De Saint-Germain, ce 10 may 1841.

Vous mavés fait grand plesir de me faire savoir la nouvelle de cataloghe, je prie le bon Dieu quelle soit veritable, je trouve bon que M. Delbœuf le jeune sorte du bois de Vincennes après y avoir couché 3 nuits, jay comandé a Gevre qui sen va coucher a Paris de vous aler voir pour savoir de vous ce quil y aura a faire sur ce sujet, je vous dône le bon soir. LOUIS. (Ibid., fol. 307.) (Original.)

 

Le 20 février 1641, un événement extraordinaire se produisait à la cour de France. Les députés d'une province espagnole y venaient réclamer le secours de Louis XIII contre leur souverain. La Catalogne se donnait à la France. Il était nécessaire d'agir rapidement et avec vigueur si l'on voulait enlever à l'Espagne cette belle principauté. On réunit un nouveau corps de troupes dont on donna le commandement à un maréchal de camp de l'armée d'Italie, le sieur de la Mothe-Houdancourt. En même temps l'archevêque de Bordeaux recevait l'ordre de croiser avec la flotte de la Méditerranée, près des côtes espagnoles, et d'y aider l'armée de terre dans ses opérations. Le 27 mars, l'archevêque enleva, dans la baie de Roses, cinq vaisseaux espagnols, sous le feu des remparts de la ville. Quelques jours après, la Mothe-Houdancourt, après avoir fortifié Barcelone, tenta d'attaquer Tarragone. Après cinq jours de lutte l'armée espagnole se retira et laissa le général français assiéger tranquillement la ville. C'était cette nouvelle que venait d'apprendre Louis XIII, le 10 mai, lorsqu'il écrivait la lettre précédente. Mais il se pressait trop de se féliciter, car, après cinq mois de siège, Tarragone n'était pas encore prise, et, lorsque, le 20 août, une flotte espagnole vint attaquer la flotte française , l'archevêque de Bordeaux, qui, par sa mauvaise volonté, avait rendu toutes les opérations de l'armée de terre inutiles, fut battu et forcé de chercher, pour ses vaisseaux, un refuge dans les ports de Provence. Après cette défaite de l'armée navale, la Mothe-Houdancourt ne pouvait continuer d'assiéger une ville que la flotte espagnole venait d'approvisionner à nouveau. Le général français abandonna le siège et repassa les Pyrénées. La Catalogne était perdue pour la France. Cette province n'était point à regretter pour elle-même, car, placée au-delà des Pyrénées, elle n'aurait pas plus été conservée par la France que le Roussillon ne put l'être par l'Espagne. Mais le Roussillon appartenait encore aux Espagnols. La conquête de la Catalogne en 1641 aurait donc pu, dès cette année, assurer à la France, par voie d'échange, la possession du Roussillon. C'est à ce titre, mais à ce titre seulement, que Louis XIII et Richelieu agirent sagement en encourageant la révolte des Catalans. Mais nous ne croyons pas qu'ils aient jamais songé à étendre le royaume de France, dans le midi, au-delà de ces murailles naturelles et presque infranchissables, en dehors desquelles il a été toujours fort imprudent de s'aventurer.

 

Au mois de décembre 1640, deux ermites, Poirier et Louis Allaiz, habitant un faubourg de Vendôme, étaient arrêtés sous l'inculpation de fausse monnaie. Mis à la torture le 15 janvier 1641, ils déclarèrent, pour se sauver ou tout au moins pour retarder leur supplice, que le duc de Vendôme leur avait offert une forte somme et proposé d'assassiner le cardinal de Richelieu. Ce qu'avaient espéré les deux ermites arriva. Ils furent transférés à la Bastille et longuement interrogés par le chancelier lui-même. Quoique ces deux malheureux ne pussent appuyer leur accusation d'aucune preuve, leur témoignage parut suffisant et le duc de Vendôme reçut l'ordre de venir se justifier.

César, duc de Vendôme, était, après cinq années de captivité, sorti de Vincennes à la fin de 1630, et depuis ce moment, sauf un court séjour en Hollande, il avait vécu tranquillement dans sa terre d'Anet. Ayant les mêmes intérêts que la noblesse du royaume, le duc de Vendôme devait être l'ennemi de Richelieu. Mais sa captivité l'avait refroidir et il n'osa jamais agir ouvertement contre le ministre. Il s'était même tenu avec soin à l'écart des conspirations diverses formées contre Richelieu. Aussi croyons-nous que l'accusation portée contre ce prince au commencement de 1641, par les deux ermites de Vendôme, n'avait aucun fondement. Mais Richelieu crut devoir saisir, avec empressement, une occasion qui lui semblait propice pour déconsidérer ou tout au moins pour amoindrir un membre éminent de la noblesse.

Dès qu'il s'était vu accusé, le duc de Vendôme avait envoyé à la cour sa femme et ses enfants et s'était préparé à y venir lui-même. Mais, le 3 février, Louis XIII ordonnait à la duchesse de se rendre à Chenonceaux avec ses fils et d'y séjourner jusqu'à la complète justification de son mari[21]. Cette conduite du roi fit naître, sans doute, quelques défiances dans l'esprit du duc, qui, au lieu de venir à Paris comme il en avait d'abord formé le projet, se rendit à Cherbourg, où il s'embarqua pour l'Angleterre. Louis XIII prit alors complètement la direction du procès de son frère naturel, nomma et présida lui-même une commission de vingt-quatre membres, chargée de se prononcer sur l'accusation. Le 22 mars, cette commission rendit un arrêt de prise de corps contre le duc et décida qu'il serait jugé par contumace. La procédure ayant été terminée le 17 mai suivant, les commissaires se rendirent à Saint-Germain, sous la présidence du roi, lequel avait déclaré qu'il se considérait comme personnellement atteint par la tentative formée contre son ministre. Tous les commissaires s'étant rangés à l'avis de leur rapporteur, Talon, conseiller d'État, qui avait demandé la condamnation par défaut, le jugement allait être prononcé, lorsqu'un des secrétaires de Richelieu, Cherré, apporta au chancelier une lettre du cardinal. Louis XIII prit connaissance de cette lettre ; puis, après une courte délibération avec le chancelier Séguier, Bouthillier, surintendant des finances, et de Noyers, secrétaire d'État à la guerre, il s'adressa aux, commissaires et leur dit : Messieurs, c'est M. le cardinal qui me prie de pardonner à M. de Vendôme ; ce n'est pas mon avis. Je dois la protection à ceux qui me servent avec affection et fidélité comme fait M. le cardinal ; et si je n'ai soin de faire punir les entreprises qui se font contre sa personne, il sera difficile que je trouve des ministres pour prendre soin de mes affaires avec le courage et fidélité qu'il fait. Je me suis donc résolu de prendre un expédient que j'ai proposé à M. le chancelier, de retenir le procès criminel de M. de Vendôme à ma personne, et d'en suspendre le jugement définitif, et selon qu'il se conduira envers moi, j'userai de bonté envers lui et lui pardonnerai si ses actions le méritent. Le chancelier insistant et faisant observer que M. le cardinal lui avait donné ordre de demander avec instance le pardon de M. de Vendôme, le roi répondit qu'il était résolu à ne pas pardonner encore, mais seulement à suspendre le jugement définitif du procès, se réservant de faire grâce à son frère si la conduite de celui-ci devenait meilleure[22].

En demandant la grâce du duc, Richelieu essayait de réparer la faute qu'il avait commise en acceptant trop à la légère une accusation uniquement fondée sur le méprisable témoignage de deux vulgaires criminels. Pendant l'instruction du procès de César de Vendôme, on n'avait pu, malgré tontes les recherches de la police du cardinal, découvrir aucune preuve matérielle de la prétendue conspiration du duc. C'est à peine si l'on était parvenu, grâce à quelques rap ports d'espions, à lui imputer à crime la fréquentation à Londres de certains Français émigrés et suspects. Il était impossible de prononcer une condamnation sur d'aussi vagues indices ; mais, comme on ne voulait pas reculer en proclamant l'innocence, Richelieu crut se tirer d'embarras en se montrant magnanime et en provoquant lui-même un pardon qui suspendait un procès qu'on ne pouvait continuer. D'ailleurs, en agissant ainsi, Richelieu comptait bien que Louis XIII, qui croyait son frère coupable, ne voudrait pas lui accorder une grâce complète. De la sorte le duc de Vendôme restait exilé et sous le coup d'une accusation capitale, et Richelieu n'en avait pas moins tous les bénéfices de la magnanimité. Nous n'allons pas jusqu'à supposer que les deux ermites, auteurs de l'accusation contre César de Vendôme, aient été soudoyés par le cardinal ; et pourtant il est à remarquer que la Gazette de France ne parla jamais ni de ces deux accusateurs, ni de l'accusation, ni de ce procès, et qu'un silence si profond couvrit cette affaire que nous n'avons pu apprendre le sort définitif des deux ermites. Mais qu'il y ait eu machination ourdie par Richelieu, se servant des deux ermites comme complices, ou seulement, ce que nous aimons mieux croire, habileté à tirer parti de leur calomnieuse invention, il est certain que le cardinal a eu, dans cette affaire, l'honneur d'être magnanime et l'avantage de ne l'être pas.

En ce qui concerne le point d'histoire qui nous intéresse particulièrement, Louis XIII s'est montré dans cette circonstance, comme toujours, plus attaché aux intérêts de Richelieu qu'à ceux de ses propres parents. Il a fait de cette affaire son affaire personnelle ; il a tenu à présider lui-même le tribunal assemblé pour venger son ministre ; il s'est montré aussi courroucé contre le duc de Vendôme, son frère naturel, que contre Gaston, son frère légitime. Ces sentiments de vive répulsion contre les ennemis du cardinal quels qu'ils fussent, de profonde affection envers Richelieu, ne se démentirent pas après le procès, ainsi que le prouve la lettre suivante. Nous appelons tout spécialement l'attention sur cette lettre, dans laquelle on voit Louis XIII allant jusqu'à s'interdire de lire les lettres qui lui viennent des ennemis de Richelieu.

 

De St Germain, ce 23 may 1841[23].

Je vous envoyé 3 lettres que M. de Lisieux[24] me dans ier au soir de ma sœur de vandosme et de ses 2 enfans en remerciement de ce qui test passé je ne les ay voulu ouvrir venant de la main de persônes qui ne vous aiment point, je vous recommande da-voir toujours soin de vous plus que jamais. — LOUIS. — (Ibid., fol. 308.) — (Original.) — (Ibid., 1641, six premiers mois, fol. 331.) — (Copie.)

 

Si Richelieu trouva toujours dans le clergé français des hommes dévoués à sa politique, il y rencontra aussi parfois de vives résistances. Le caractère envahissant du premier ministre, les alliances qu'il fit contracter à la France avec les protestants d'Allemagne et de Hollande, la hauteur avec laquelle il imposa souvent ses volontés au pape, le sacrifice qu'il fit quelquefois de son caractère et de ses intérêts de prêtre à ses devoirs d'homme d'État, les lourdes taxes qu'il imposa, à plusieurs reprises, sur les revenus de l'Église, toute sa conduite enfin contribua à éloigner de lui beaucoup de bons esprits du clergé qui, frappés dans leurs croyances aussi bien que dans leurs intérêts, ne virent en Richelieu que le despote, sans apercevoir l'homme de génie.

En 1641, pressé par des besoins d'argent, et ne pouvant plus frapper le peuple épuisé, ni créer de nouvelles charges pour les vendre, le cardinal voulut demander des subsides au corps qui avait le moins souffert des troubles intérieurs ainsi que de la guerre étrangère, et il s'adressa de nouveau au patriotisme du clergé. Au mois de février, une assemblée des députés de ce corps se réunit à Mantes. Richelieu lui demanda une imposition volontaire de 6.600.000 livres[25]. Cette demande partagea aussitôt l'assemblée en deux camps. Beaucoup, parmi les députés, étaient dévoués à Richelieu et prêts à consentir au sacrifice qu'il leur demandait, mais plusieurs autres étaient hostiles au cardinal et lui refusaient l'argent qu'il réclamait parce qu'ils réprouvaient l'emploi que le ministre voulait en faire. Cependant, le 12 mars, l'assemblée accepta le principe de la taxe, mais les archevêques de Sens et de Toulouse, qui étaient présidents de l'assemblée, ayant refusé d'adhérer à ce vote, la discussion devint plus vive que jamais. Le 15 mars, Richelieu se plaignait vivement à Bouthillier de l'opposition qui était faite à ses projets et des retards qu'elle amenait. Il engageait le surintendant à presser les députés du clergé de consentir à l'impôt qui leur était proposé[26]. Enfin les deux archevêques s'étant décidés à accepter le principe de la taxe, comme le faisaient leurs collègues, un nouveau vote eut lieu le 49 mars, par lequel, dit le procès-verbal de cette séance, fut résolu que, suivant l'avis de monseigneur le cardinal, l'assemblée accordait au roi quatre millions de livres en trois années, si la guerre durait autant[27].

Ce vote ne contenta pas Richelieu. Le cardinal ne pouvait accepter quatre millions, il lui en fallait six. Les six derniers jours du mois de mars et les mois d'avril et de mai furent remplis par des négociations inutiles avec les membres opposants de l'assemblée du clergé[28]. Lassé enfin de tous ces retards et de l'opposition violente faite à ses projets, Richelieu se résolut à imposer arbitrairement une taxe qui lui paraissait nécessaire. Un des commissaires royaux délégués à Mantes, Michel d'Émery, intendant des finances, fut chargé d'expulser de l'assemblée les archevêques de Sens et de Toulouse et les évêques d'Évreux, de Maillezais, de Bazas et de Toulon, qui dirigeaient l'opposition des députés[29]. C'est à cette mission de l'intendant des finances que Louis XIII faisait allusion en écrivant à Richelieu, le 24 mai, la lettre qui va suivre.

D'Emery exécuta fidèlement la mission qui lui avait été donnée. Le 3 juin il arriva à Mantes et exposa aux députés, dans un langage hautain, quelle était la volonté du roi[30]. Les prélats expulsés furent obligés d'obéir, mais l'assemblée s'empressa d'envoyer une députation au roi pour demander leur rappel, promettant en leur nom qu'ils ne s'opposeraient plus désormais aux propositions qui avaient été présentées aux députés du clergé[31]. Cette députation n'obtint aucune concession et revint à Mantes sans avoir réussi dans sa mission[32]. Richelieu savait que les députés qui étaient restés en exercice lui étaient tous dévoués et qu'il en obtiendrait tout ce qu'il désirerait, aussi se souciait-il peu de faire revenir ceux qui jusqu'alors s'étaient toujours opposés à ses désirs. A partir de ce moment toutes les difficultés que rencontra encore le cardinal n'eurent que peu d'importance et furent toutes levées facilement[33]. Enfin le 14 août, après bien des discussions de détail, les députés, ainsi que les commissaires royaux, signèrent le contrat par lequel le clergé s'engageait à payer toutes les redevances qui lui avaient été demandées[34], et le 22 du même mois, l'assemblée se séparait après une session orageuse qui n'avait pas duré moins de six mois. Le 30 août, les députés vinrent à Amiens, où se trouvait Louis XIII, pour prendre congé de lui, puis chacun d'eux retourna dans son diocèse.

 

De Dangu[35], ce 24 (mai) au soir, 1641[36].

Messrs du clergé seront bien surpris et faschés quand ils liront la lettre que M. Demery leur porte.

Je voy parce que vous me mandés que le siège Daire comance très bien jespère que nous en auront Mile isue avec laide du bon Dieu[37].

Je partiroy lundy dicy pour aler coucher a Gournay, mardy a Aumale et mercredy a Abbeville.

Je vous conjure devoir toujours bien soin de vous. — LOUIS.

Si Mr des Noyiers vouloit venir icy je vous prie de le retenir auprès de vous y estant du tout necessaire en cette saison[38]. — (Arch. des aff. étrang. de France, t. V, fol. 309.) — (Original.)— (Ibid., 1641, six premiers mois, fol. 332.) — (Copie.)

 

De Quesnoy, ce 28 juin 1641.

Je vous remercie du soin que vous avés de moy je ne me porte pas bien depuis ier si il faut séjourner a Peronne je serois bien ayse de pouvoir demeurer un jour a Corbie pour me purger en ayant grand besoin[39], vous mavés fait grand plesir de me faire savoir les nouvelles de larmée car jen estois en grand peine[40], je vous dône le bon soir. — LOUIS. — (Ibid., t. V, fol. 311.) — (Original.)

 

De Nelle, ce 28 sept. 1641.

Jenvoye des prés pour savoir de vos nouvelles[41] et vous porter des musquats de Chasteau tiéry que je crains qui ne soient pas encore bien murs je vous prie den bien faire faire laisé et les bien faire laver avant que den manger je vous dône bien le bon jour. — LOUIS.

Je men vas prendre médecine. — (Ibid., t. V, fol. 312.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 25 9e 1641.

Je vous remercie des 3 bônes nouvelles que vous mandates ier au soir il en faut bien remercier Dieu et recognoistre les grâces quit nous fait tous les jours[42], je me porte ce matin beaucoup mieux que je nay fait depuis un mois je men va a la chasse je vous dône le bon jour. — LOUIS.

Jespère dans 4 jours estre prest a aler partout si il en estoit besoin. — (Ibid., fol. 314.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 26 9e 1641.

Envoyant ce gentillôme pour savoir de vos nouvelles je vous aseureroy queje me porte fort bien, si le temps se foit un peu je fois estat daler coucher a Versaille je vous recomande devoir toujourplus de soin de vous que jamais. — LOUIS. — (Ibid., fol. 315.) — (Original.)

 

De St Germain, ce 24 décembre 1641.

Le marquis ville mest venu dire adieu qui mademandé la reponce pour ma sœur je vous prie de me lenvoyier parce porteur la lettre quil ma apportée étoit de créance sur luy et force compliments, je vous dône le bon jour et vous recommande devoir toujours soin de vous. — LOUIS. — (Ibid., fol. 316. — (Original.)

 

De Marly, ce 28 décembre 1641[43].

Je vous remercie du soin que vous avés de moy ma santé va bien pour le reste jespère que le bon Dieu mexaucera je nay rien a vous mander ayant point afaires a Paris je ne manqueroy de my rendre jeudy prochain je vous dône le bon jour. — LOUIS. — (Ibid., fol. 30.) — (Original.)

 

 

 



[1] Nous n'avons pas à commenter cette lettre. Elle montre trop bien quelle véritable et profonde affection Louis XIII ressentit tout d'abord pour Cinq-Mars, et quelle fortune celui-ci eût pu faire si, respectant Richelieu et obéissant au roi, il avait délaissé ses compagnons de plaisir pour se livrer entièrement à l'étude. Il refusa constamment de changer de conduite ; aussi, après avoir lu cette lettre, ne s'étonne-t-on plus qu'en 1642 Louis XIII ait abandonné si facilement un favori pour lequel son affection s'était changée en mépris, devant sa paresse invétérée et son peu de patriotisme.

[2] Cette lettre est écrite au crayon.

[3] Ce ballet fut donné le 7 février, au Palais-Cardinal, à l'occasion de la signature du contrat de mariage du duc d'Enghien, fils aîné du prince de Condé, et de mademoiselle de Brézé, nièce du cardinal. Cette cérémonie eut lieu au Louvre. Le roi signa au contrat, puis toute la cour se rendit au Palais-Cardinal, où l'on dansa le ballet qui fut, dit la Gazette du 9 février, le plus magnifique dont on ait mémoire. Le mariage fut célébré le 11.

[4] Destinés, sans doute, au repas qui devait suivre la signature du contrat de mariage du duc d'Enghien. C'était là, de la part de Louis XIII, une attention délicate à l'égard de Richelieu.

[5] Cette lettre a déjà été citée par M. le comte d'Haussonville dans son Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, t. II, p. 327.

[6] Le 20, Louis XIII vint à Paris, et le 21 il tint un lit de justice au Parlement.

[7] Pour le lit de justice. Le 21 était un jeudi.

[8] Moncalieri, qu'assiégeait alors l'armée française, près de Turin. La ville assiégée fut prise quelques jours après, car, le 23 mars, Louis XIII écrivait à Mazarin, employé en ce moment en Italie, pour le féliciter sur le bon succés de Moncalier auquel, ajoutait le roi, vous avez contribué par vos sages et bons advis, je vous en tesmoigne le gré que je vous en sçay. (V. Arch. des aff. étrang., Turin, t. 33, fol. 478.)

[9] Cette lettre a été citée par M. le comte d'Haussonville. (Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, t. II, p. 329.)

[10] V. plusieurs copies du traité dans le 32e volume de Lorraine, aux archives des affaires étrangères. V. aussi la Gazette de France du 18 septembre 1841, ainsi que le recueil d'Aubéri. (Mémoires pour servir à l'histoire de Richelieu, t. V, pp. 19 et 24.)

[11] V. l'excellente Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, par M. le comte d'Haussonville, t. II, p. 131.

[12] V. une lettre de Richelieu au duc Charles, datée du 14 mai. (Papiers de Richelieu, t. VII, p. 1048.)

[13] Papiers de Richelieu, t. VII, p. 285.

[14] Papiers de Richelieu, t. VII, p. 1049.

[15] Papiers de Richelieu, t. VII, p. 286.

[16] Lettre de Richelieu au duc Charles, p. 288.

[17] Lettre de Richelieu au duc Charles, p. 1050.

[18] Nous prions nos lecteurs, en lisant cette lettre, de se souvenir que celui qui l'écrivait était le roi de France, et qu'a cette époque il était aussi fatigué, aussi abattu, aussi malade que l'était son ministre.

[19] La Meilleraie, grand-maître de l'artillerie.

[20] La Meilleraie était malade en ce moment à son château de la Meilleraie. Le 19 avril, Richelieu se plaignait à Chavigni de ce que le maréchal de Brézé ne fût point allé visiter le grand-maître de l'artillerie, quoiqu'il ay eût gue dix lieues de Saumur, où habitait le maréchal, à la Meilleraie. (V. Papiers de Richelieu, t. VI, p. 777.)

[21] Papiers de Richelieu, t. VII, p. 277.

[22] V. la lettre de Richelieu au chancelier (Papiers de Richelieu, t.VII, p. 791) et un extrait du procès-verbal de cette séance de la commission (même volume, p. 793).

[23] Cette lettre a déjà été citée par M. Avenel (t. VI, p. 793).

[24] Philippe Cospeau, évêque de Lisieux depuis 1638. Il mourut en 1646.

[25] V. l'instruction donnée aux commissaires royaux, le 21 février 1641. (Papiers de Richelieu, t. VI, p. 755.)

[26] Papiers de Richelieu, t. VII, p. 280.

[27] Arch. des aff. étrang., France, 1841, six premiers mois, fol. 173.

[28] V. une lettre à Bouthillier, datée du 13 avril (Papiers de Richelieu, t. VII, p. 282), et une autre du 18 avril, adressée aux présidents de l'assemblée (Idem, t. VI, p. 775.)

[29] V. l'instruction qui fut donnée à d'Émery dans les derniers jours de mai. (Papiers de Richelieu, t. VI, p. 802.)

[30] V. la relation de la séance. (Bibliothèque nationale, fonds Dupuy, t. 890. fol. 140.)

[31] V. le procès-verbal des séances de l'assemblée du clergé. (Arch. des aff. étrang., France, 1641, six premiers mois, fol. 495.)

[32] V. le mémoire adressé par Richelieu à l'assemblée vers le 10 juin. (Papiers de Richelieu, t. VI, p. 817.)

[33] Lettre à Bouthillier du 18 juillet. (Idem, t. VI, p. 838.)

[34] Arch. des aff. étrang., France, t. 97, fol. 196.

[35] Le roi partait pour la Picardie. Le 23 de ce mois, le roi partit de St-Germain et alla coucher à Vigni et le lendemain à Dangut. (Gazette de France du 25 mai.)

[36] Cette lettre a déjà été citée par M. Avenel (t. VI, p. 804.)

[37] Le maréchal de la Meilleraye avait commencé le siège d'Aire-sur-la-Lys le 10 précédent. Cette ville se rendit le 26 juillet, après une belle défense et une intervention inutile de l'armée espagnole.

[38] Richelieu était resté à Vigny, près de Pontoise. Ainsi que Louis XIII, il partait pour la Picardie. La sollicitude du roi pour son ministre allait jusqu'à chercher quelle était la meilleure route que pouvait suivre le cardinal. Rn même temps qu'il adressait à Richelieu la lettre que nous donnons ici, il écrivait, probablement à Chavigni : Je croy que les meilleurs logements que puisse prendre M. le cardinal sont Rabote, Gerboy, Caret et Oisemont, pour moy lundy jiroy coucher a Gournay, mardy a Aumale et mercredy a Abbeville. (Même manuscrit, fol. 310.)

[39] Le roi, parti depuis le 25 juin d'Abbeville, n'arriva à Corbie que le 29 il y demeura trois jours, puis en partit pour aller à Péronne.

[40] C'est l'armée du maréchal de Châtillon qui s'apprêtait à attaquer Sedan et les troupes du comte de Soissons et du duc de Bouillon.

[41] Richelieu était â Chaulnes, où Louis XIII le rejoignait le 28 septembre.

[42] Nous ne savons de quelles nouvelles Louis XIII veut parler. A cette époque, les armées françaises se battaient partout, en Catalogne, en Italie, en Allemagne, en Flandre ; aussi nous pensons que Louis XIII avait appris quelques-uns des faits de guerre du moment.

[43] Cette lettre est écrite au crayon.