LOUIS XIII ET RICHELIEU

PREMIÈRE PARTIE

 

CHAPITRE SEPTIÈME

 

 

Documents nouveaux apportés par nous dans le débat. — Authenticité des lettres qui vont être publiées. — Quels sont les traits matériels qui les caractérisent. — Importance qu'a pour l'histoire la publication de ces lettres inédites.

 

Dans les chapitres qui précèdent, nous nous sommes efforcé de prouver l'affection de Louis XIII pour Richelieu d'abord par l'étude du caractère de ce roi, puis par l'examen des faits principaux qui ont marqué ses relations avec le grand ministre. La première partie de notre démonstration nous a permis de présenter en Louis XIII un prince nécessairement conduit, par les impressions qu'il a reçues et par ses méditations fécondes, à soutenir de son amitié le cardinal. Dans la seconde partie de cette étude, nous avons vu, par les faits, que ces dispositions premières ont eu leur effet naturel, et que, dans les circonstances les plus décisives, Louis XIII a été l'auxiliaire le plus sûr, l'ami le plus dévoué de Richelieu.

Enfin, nous allons publier une série de lettres inédites, toutes écrites par Louis XIII à Richelieu, lesquelles achèvent de prouver jusqu'à l'évidence les liens d'amitié étroite qui n'ont cessé d'unir le souverain et son immortel conseiller.

Les lettres figurent au premier rang parmi les instruments de l'histoire. Leur importance tient à deux conditions : la situation de celui qui les a écrites, leur authenticité certaine.

De ces deux conditions indispensables, la première est remplie, puisqu'il s'agit d'un roi de France, ayant régné dans une des périodes les plus importantes de notre histoire nationale.

Quant à l'authenticité, on va voir qu'elle est incontestable. Ces lettres sont au nombre de deux cent quarante-huit. Sur ce nombre, deux cent quarante-quatre ont été transcrites par nous dans les archives du ministère des affaires étrangères. Toutes sont adressées au cardinal de Richelieu ; toutes, écrites entièrement de la main de Louis XIII, portent au dos cette suscription de la même écriture : A mon cousin le cardinal de Richelieu.

Au contraire des lettres, signées de Louis XIII, adressées à divers personnages et que l'on peut croire avoir été pour la plupart inspirées, ou même dictées par le cardinal, les lettres que nous allons publier ne sauraient, précisément parce qu'elles sont adressées à Richelieu, être que l'œuvre personnelle du roi. Au surplus, pour qui les a eues entre les mains, le doute n'est pas possible. Elles ont été évidemment écrites par la même personne qui les a signées. Dans toutes, c'est la même écriture allongée, à grands traits, tenant une large place, irrégulière dans sa marche, tantôt s'élevant, tantôt s'abaissant, faisant en somme peu d'honneur aux professeurs du fils d'Henri IV. L'orthographe y est peu respectée, ce qui est propre, d'ailleurs, à presque toutes les lettres de cette époque. Dans le nombre se trouvent des billets écrits parfois sur de petits morceaux de papier qu'avec beaucoup de soin et de goût on a rendus capables de résister au temps en les plaçant sur de solides feuilles ayant souvent l'épaisseur du carton. Six de ces billets ont été écrits au crayon. Pour toutes les autres lettres ou billets, le roi s'est servi d'une encre qui est restée assez noire.

Aux deux cent quarante-quatre lettres transcrites par nous aux archives du ministère des affaires étrangères, nous en avons ajouté quatre, également inédites, et que nous avons découvertes parmi les manuscrits de la Bibliothèque nationale, plus douze lettres déjà connues, mais nécessaires à. l'intelligence de l'ensemble. Sur les deux cent quarante-quatre lettres des affaires étrangères, seize ont été déjà mises en œuvre, en tout ou en partie, par M. Avenel dans les notes de sa publication des papiers de Richelieu, et deux autres ont été aussi employées par M. le comte d'Haussonville, dans son Histoire de la réunion de la Lorraine à la France.

Ces lettres se rapportent à une période de vingt années, s'étendant de 1622 à 1642. On remarquera qu'elles sont beaucoup plus nombreuses dans la seconde partie de cette période, et que Louis XIII y prend une plus grande part aux choses de la guerre et aux relations extérieures de la France, en même temps qu'il se préoccupe beaucoup des intrigues de la cour, surtout quand Richelieu peut en être menacé.

 

En résumé, nous publions pour la première fois et nous mettons à la disposition de la science historique deux cent trente lettres entièrement inédites, plus dix-huit inédites dans certaines de leurs parties, toutes émanant d'un roi de France, toutes d'une authenticité irrécusable, toutes adressées au plus grand homme du temps. Il est superflu d'insister sur l'importance d'une telle publication.

Ajoutons, en terminant, qu'afin de rendre la lecture de ces lettres plus compréhensible à ceux qui n'ont pas fait du règne de Louis XIII une étude approfondie, nous avons fait suivre beaucoup d'entre elles de récits explicatifs où sont résumés les événements auxquels ces lettres se rapportent. Pour chacune d'elles, nous indiquons le lieu précis où elles se trouvent, afin que les érudits puissent s'y reporter et contrôler notre copie, que nous avons faite d'ailleurs avec tout le soin possible.