ESSAI SUR L'HISTOIRE DE LA FORMATION ET DES PROGRÈS DU TIERS ÉTAT

 

CHAPITRE V. — LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1560 ET CEUX DE 1570.

 

 

SOMMAIRE : La réformation en France. — Avènement de Charles IX. — Le chancelier de l'Hôpital. — États généraux de 1560, ordonnance d'Orléans. — Assemblée de Pontoise. — Commencement de la guerre civile. — Travaux législatifs de l'Hôpital, ordonnance de Moulins. — Suites du massacre de la Saint-Barthélemy. — Nouveau parti formé de protestants et de catholiques. — Avènement de Henri III ; cinquième édit de pacification. — La Ligue, son but, sa puissance. — États généraux de 1576 ; ordonnance de Blois. — Henri de Bourbon, roi de Navarre ; conseils qu'il adresse aux états. — Projets et popularité du duc de Guise.

 

Le schisme de la réforme, le plus grand mouvement d'opinion qui ait remué la société française avant sa révolution de 1789, ne fut point chez nous, comme dans les pays du Nord, spontané, irrésistible, lié à des instincts nationaux, à d'anciennes velléités d'indépendance religieuse, à des faits dont la cause, venue de loin, remontait haut dans l'histoire. La plus grande partie de l'Allemagne et dé la Suisse, les royaumes scandinaves et l'Angleterre, nations et gouvernements, avaient rompu sans retour avec l'Église romaine avant le milieu du XVIe siècle, tandis qu'en France le besoin de rénovation dans la foi, la morale et la discipline chrétiennes, quoique senti vivement par les intelligences libres et les âmes pieuses qu'agitait l'esprit du siècle, trouvait la royauté toujours défiante ou hostile, et ne parvenait point à s'emparer de la masse ou de l'une des grandes classes de la nation. Quels que fussent le courage de leurs convictions et le mérite de leurs chefs, les protestants français ne formèrent, dit un historien éminent[1], qu'un parti clandestin et persécuté, jusqu'au jour où la faiblesse de l'autorité royale exercée par un prince mineur donna à ce parti l'appui de la noblesse, et lui permit de se montrer, de se constituer et d'agir.

Au règne de François II, qui, à proprement parler, ne fut qu'une minorité, l'avènement de Charles IX en ajouta une seconde. Dix-sept mois avaient suffi pour que les passions religieuses, d'un côté poussées à l'extrême par une répression atroce, de l'autre encouragées par une connivence indigne du pouvoir, fissent alliance avec les ambitions politiques, et pour que le pays se trouvât divisé en deux grandes factions ayant des princes à leur tête, et formées, l'une de la majorité des nobles, l'autre de la majorité du peuple unie au clergé. Entre les partis exaltés jusqu'au fanatisme, et qui, protestants ou catholiques, appelaient résolument la guerre civile, il y avait une opinion modérée qui, ne voulant ni de la persécution contre les réformés, ni pour eux du recours aux armes, cherchait, par la tolérance et la demande d'une transaction, à maintenir dans le royaume l'unité de l'Église, soutien, disait-on, de celle de l'État. Ce parti du bon sens national avait ses principales racines dans la bourgeoisie ; il était ennemi du schisme, mais non de la liberté de conscience, et il sentait le besoin de sérieuses réformes dans les mœurs et la constitution du clergé français. Tels furent les sentiments et les idées qu'on vit prévaloir dans les délibérations des états généraux de 1560, et qui marquent d'un caractère à part cette assemblée qui, sur les droits de l'État, en matière d'organisation ecclésiastique, pensa et proposa des choses que les révolutions modernes ont seules pu exécuter[2].

Il y avait alors dans le conseil du roi mineur, comme chef de la magistrature, un homme que son siècle a honoré d'une admiration respectueuse et qui reste grand pour le nôtre, Michel de l'Hôpital, dont on peut dire qu'il eut le génie d'un législateur, Pâme d'un philosophe et le cœur d'un citoyen. Fils d'un bourgeois, et devenu chancelier de France, c'est-à-dire premier ministre, il porta dans le gouvernement les principes traditionnels du tiers état, l'attachement au maintien de l'unité française et aux libertés de l'Eglise gallicane. Il sut faire accepter à la reine mère, Catherine de Médicis, sa politique, dont l'esprit était qu'au milieu des changements de l'Europe la France demeurât elle-même, et que sa personnalité ne fût absorbée ni par la révolution religieuse du Nord, ni par la réaction du Midi[3]. Il aimait la vieille maxime : Une foi, une loi, un roi[4], mais, selon lui, la foi devait être tolérante, la loi protectrice, et le roi impartial pour tous. C'est le langage qu'il lit entendre à l'ouverture des états réunis à Orléans ; son discours fut un appel à tout ce qu'il y avait de calme, de sage et de patriotique dans les sentiments de l'assemblée ; il adjura d'une manière touchante les croyants des deux partis de reconnaître leur devoir mutuel comme concitoyens, et des arrêter à temps sur la pente fatale où un double fanatisme allait tout précipiter[5].

Le tiers état, que le vote par tête avait confondu avec les deux autres ordres aux états généraux de 1484, joua dans ceux de 1560 un rôle personnel et éclatant. Son cahier de remontrances surpasse en valeur politique, en idées comme en étendue, ceux de la noblesse et du clergé ; on y trouve un sentiment profond de la justice sociale et de l'intérêt public, le zèle pour l'ordre, l'instinct des réformes et la science pratique de toutes les matières de droit et d'administration. C'est une sorte de nouveau code, n'ayant pas moins de 354 articles, et rédigé avec une telle précision qu'il pouvait immédiatement passer en loi. Voici, parmi les demandes qu'il contient, celles dont l'importance est frappante : l'élection aux dignités ecclésiastiques par le concours du clergé et d'un certain nombre de notables ; l'attribution d'une part des revenus ecclésiastiques à l'établissement de nouvelles chaires dans les universités et à l'érection, dans chaque ville, d'un collège municipal ; l'interdiction aux prêtres de recevoir des testaments ; la réduction des jours fériés aux dimanches et à un petit nombre de fêtes ; l'élection des officiers de magistrature par le concours de l'ordre judiciaire, des magistrats municipaux et de la couronne ; la révision des anciennes lois et ordonnances, et la réunion en un seul corps de celles qui seraient maintenues ; la poursuite d'office contre les crimes notoires sans qu'il fût besoin de partie civile ; la suppression des douanes intérieures et l'adoption d'un seul poids et d'une seule mesure dans tout le royaume ; l'établissement de tribunaux électifs de commerce et de police ; des règlements prohibitifs sur la coupe des bois de haute futaie ; la restriction des justices seigneuriales au profit de la justice royale ; la peine de déchéance des droits seigneuriaux pour tout noble convaincu d'exactions envers les habitants de ses domaines ; enfin, la tenue des états généraux une fois au moins tous les cinq ans, et le choix immédiat d'un jour et d'un lieu pour leur prochaine convocation[6].

En désaccord sur beaucoup de points, les trois ordres furent d'un même avis quant à la question des charges publiques. Ils déclarèrent qu'ils étaient sans pouvoirs pour consentir aucune taxe nouvelle, et demandèrent à être renvoyés dans leurs provinces pour y faire connaître les états de finances dressés par les ministres du roi. On fit droit à cette requête, et la clôture des états eut lieu le dernier jour de janvier 1561. Il fut ordonné que les états provinciaux s'assembleraient le 20 mars suivant ; qu'après consultation dans leur sein et dans les assemblées électorales, trois députés, un clerc, un noble et un bourgeois, seraient nominés pour chacune des treize divisions territoriales, qu'on appelait alors gouvernements, et que les trente-neuf élus se réuniraient à Melun avant le 1er de mai. Toutefois la réponse aux remontrances des états n'attendit pas l'octroi des subsides, et l'ordonnance qui la contenait fut dressée à Orléans le jour même où l'assemblée se sépara. Cet acte législatif, le premier de ceux qui ont fait la gloire du chancelier de l'Hôpital, n'est, à proprement parler, qu'un extrait des dispositions proposées dans le cahier du tiers état, où il choisit avec méthode, mais dont il affaiblit souvent la portée. Si l'on compare la célèbre ordonnance avec le travail collectif qui en fut la source, on la trouvera moins hardie et moins positive eu réformes ; elle présente beaucoup d'omissions, et parfois ne donne que des promesses. La seule variante remarquable entre son dispositif et le texte du cahier est l'application qu'elle fait du système de la candidature judiciaire aux élections ecclésiastiques ; en faisant deux parts du droit d'élire, l'une pour le clergé et le peuple, l'autre pour la couronne, elle prend un terme moyen entre le concordat de François Ier et le retour à l'usage antique demandé par le tiers état[7].

Les députés des treize gouvernements de France ne s'assemblèrent qu'au mois d'août, non à Melun, mais à Pontoise, où les commissaires des deux ordres laïques siégèrent seuls, tandis que les élus du clergé assistaient au synode ecclésiastique tenu à Poissy sous le nom de colloque. Vingt-six personnes, treize nobles et treize bourgeois, composèrent ainsi la réunion qui allait exercer dans toute sa plénitude le pouvoir des états généraux. Il n'y eut cette fois aucune dissidence entre les représentants des deux ordres ; nobles et bourgeois se montrèrent également imbus de l'esprit novateur, et d'accord pour tenter, non plus de simples réformes, mais un commencement de révolution. Leurs cahiers exprimèrent des prétentions au partage de la souveraineté, qui rappelaient celles des états généraux de 1356, et proposèrent des mesures dont la motion ne devait reparaître qu'au sein de l'Assemblée nationale de 1789. Le droit absolu de l'État sur les possessions du clergé y fut posé en principe, et servit de base à différents projets pour l'extinction de la dette publique. Entre deux plans conçus par les treize députés bourgeois, celui auquel ils s'arrêtèrent et dont ils pressèrent l'adoption consistait à vendre au profit du roi tous les biens ecclésiastiques, en indemnisant le clergé par des pensions établies selon le rang de ses membres. On calculait que cette vente devait produire cent vingt millions de livres, dont quarante-huit seraient prélevés comme fonds de la dotation nouvelle, quarante-deux employés à l'amortissement de la dette publique, et trente placés à intérêt dans les villes et les ports de mer pour y alimenter le commerce, en même temps qu'ils donneraient un revenu fixe au trésor[8]. Ce plan, qui n'était rien moins que l'anéantissement du clergé comme ordre politique, tomba sans discussion devant l'offre faite et l'engagement pris par les députés ecclésiastiques d'éteindre avant dix ans le tiers de la dette par une cotisation imposée à tous les membres de leur ordre.

L'assemblée de Pontoise proposait de renouveler tout le système administratif en réduisant les offices de finance, de police et de judicature à de simples commissions triennales ; elle abrégeait et fixait à deux ans le terme demandé pour la convocation périodique des états généraux ; enfin, plus positive en matière de tolérance religieuse que ne l'avait été l'assemblée d'Orléans, elle réclamait pour les protestants le plein et libre exercice de leur culte. Il fut répondu à cette dernière demande par des promesses et bientôt par des faits. On vit, ce qui ne s'était jamais vu en France, l'État séparé de l'Église, et une religion qualifiée d'hérétique ouvrir ses lieux de prières à côté des anciens temples sous la protection de la loi[9]. Mais rien n'était préparé alors pour un pareil état de choses ; l'égalité de droits ne pouvait produire la paix entre deux croyances qui n'avaient pas encore appris à se respecter mutuellement. L'œuvre de l'homme d'État philosophe rencontra, dans les esprits divisés, des passions indomptables, et, quand la persécution religieuse fut éteinte sous sa main, la guerre civile commença. Au mouvement qui, en sens divers, agitait et soulevait la conscience des masses populaires, s'étaient associées des ambitions rivales de princes et de grands qui renouvelaient sous un roi mineur ce qui, un siècle et demi auparavant, s'était fait sous un roi insensé. C'était une lutte semblable à celle des Bourguignons et des Armagnacs, mais nourrie, d'une part et de l'autre, par des intérêts moraux, par ce qu'il y a d'intime et de profond, soit dans le besoin de croyance libre, soit dans la fidélité aux vieux dogmes et dans l'attachement aux souvenirs. Du reste, ce mélange de pur zèle et de passions égoïstes ne servit qu'à rendre la lutte des partis plus formidable qu'autrefois, sans lui ôter ce qu'elle avait eu d'odieux, le meurtre et le pillage, les dévastations de la terre natale et l'appel fait à l'étranger.

Au milieu de cette immense collision politique dont le temps seul devait rester l'arbitre, et où tous les chefs de parti devaient périr l'un après l'autre, par la guerre ou par l'assassinat, l'Hôpital ne se lassa point de travailler à une paix impossible, et, sans rien dérober aux soucis du présent, il eut des pensées calmes pour l'avenir. Reprenant avec la puissance d'un génie organisateur tout ce que l'admirable cahier du tiers état de 1560 renfermait de vues et de conseils, il en fit la matière d'une série d'ordonnances royales, suite et complément de celle d'Orléans[10]. Leur ensemble forma en quelque sorte un nouveau fonds de droit civil dont la législation postérieure, jusqu'au renouvellement total de 1789, ne fit que développer les conséquences, et dont plusieurs dispositions subsistent dans nos codes actuels. La plus célèbre de ces ordonnances, la plus grande par l'étendue et le mérite, est celle qui porte le nom de Moulins et qui fut donnée dans cette ville au mois de février 1566. Elle résume, en les entourant de garanties plus efficaces, toutes les réformes judiciaires décrétées jusque-là ; son but principal fut de simplifier l'administration de la justice, et de faire un pas vers l'unité de juridiction et l'unité de procédure civile. Elle diminua le nombre des juges ordinaires, et restreignit la compétence des justices de privilège ; sous ce rapport, elle n'eut pas plus de ménagements pour les corporations municipales que pour le corps ecclésiastique ; elle enleva aux maires, échevins, capitouls, consuls et autres magistrats du même ordre, la connaissance des causes civiles, ne leur laissant que l'exercice de la juridiction criminelle et de la police[11]. Cette attaque isolée contre une partie des privilèges municipaux ne réussit point complètement ; ce n'était pas assez pour une révolution dans l'état politique des villes, et c'était trop pour une réforme. Les vieux municipes antérieurs à toute charte de commune réclamèrent avec succès devant le parlement au nom d'un droit immémorial, et l'ordonnance de Moulins demeura sans force à leur égard[12].

Pendant que cet homme, grand par l'esprit et grand par le patriotisme, cherchait dans de nobles travaux à soulager sa pensée des misères et des crimes de son temps, la lutte religieuse qu'il tenta vainement de prévenir continuait, suspendue par des trêves qui duraient peu, et où s'usaient l'un après l'autre les moyens de pacification. L'intolérance du siècle était toujours là pour réagir contre la raison et la justice, et, dans ce choc d'opinions inconciliables, entre lesquelles le pouvoir essayait de tenir la balance, l'opinion des masses populaires, celle qui avait le grand nombre pour elle, pressait de plus en plus et entraînait tout. La royauté, un moment impartiale, se rassit dans ses traditions d'ancienne foi et de foi exclusive ; elle redevint systématiquement hostile à la liberté de conscience, mais en dessous, non d'une manière ouverte, et elle prépara par de sourdes menées la ruine des concessions qu'elle avait faites. Au lieu des règles d'équité et d'humanité que recommandait le chancelier de l'Hôpital, ce qui prévalut dans les conseils de la couronne, ce fut la sagesse du Prince de Machiavel, importée des cours italiennes. L'Hôpital cessa d'être l'homme de ces conseils où sa loyauté austère était une gêne et un blâme ; il quitta les affaires publiques, frappé d'une tristesse profonde qui l'accompagna dans sa retraite. Il vit, avec une affliction toujours croissante, les choses suivre le cours fatal qu'il avait voulu changer, et la plaie des discordes civiles s'envenimer par l'influence d'une politique d'astuce et d'expédients, de trahisons et de coups d'État. Il mourut de douleur, après avoir vu l'effroyable couronnement de cette politique, le grand crime du siècle et un crime de la royauté, le massacre de la Saint-Barthélemy[13].

Il faut l'avouer, la bourgeoisie parisienne fut complice du pouvoir royal dans cette journée d'horrible mémoire[14]. Trompé par la fable d'un complot et égaré par ses haines fanatiques, le corps municipal reçut et accepta des ordres qui devaient assurer le guet-apens où des milliers de Français périrent, en pleine paix, par des mains françaises. Là se trouve l'un des moments les plus douloureux de notre histoire, et le roi sur le nom duquel pèse ce souvenir, Charles IX, reste marqué, pour un seul acte, du sceau d'une infamie éternelle. Et pourtant ce prince, que le vertige du siècle et d'atroces suggestions conduisirent au rôle de traître et d'assassin, était doué d'une noble intelligence. Il avait au plus haut degré le goût des arts et de tous les travaux de l'esprit. Ses encouragements, son exemple même, contribuèrent à soutenir et à porter plus avant la rénovation intellectuelle dont les commencements avaient jeté tant d'éclat sur le règne de François Ier. Au milieu des commotions civiles, et peut être sous leur influence, la littérature devint plus grave ; elle fut une arme dans la lutte des partis ; elle s'appliqua aux grandes questions de l'histoire, de la morale et du gouvernement des sociétés. De larges théories se formèrent pour élever et féconder la pratique de l'administration. L'économie politique, cette science bourgeoise des villes d'Italie, fut introduite par un ministre italien, créature de la reine mère[15], et donna une direction plus rationnelle aux règlements faits sur la police des métiers et sur le trafic des marchandises. C'est de là que datent chez nous le fameux principe de la balance du commerce et le système de protection de l'industrie nationale par la double défense de faire sortir du pays les matières propres à la fabrication, et d'y faire entrer les produits des manufactures étrangères[16].

Il y a de grandes leçons dans les crimes politiques ; celui du 24 août 1572 démentit bientôt les espérances de ceux qui l'avaient commis. La réformation ne périt point par la mort de ses plus nobles chefs, et le pouvoir qui avait voulu noyer dans le sang les soucis qu'elle lui causait retrouva sur sa route les mêmes embarras compliqués de périls nouveaux. Outre ceux qui survivaient aux massacres[17], et dont il s'était fait des ennemis irréconciliables, il eut contre lui la sympathie pour les victimes, l'indignation humaine et ses propres remords. L'opinion modérée, celle qui avait conseillé en vain la tolérance et la paix, se souleva et fit sortir du sein de la France catholique une faction sans esprit de secte, un troisième parti armé, qui reçut le nom de politique, et s'unit aux protestants pour soutenir, dans leur cause, la cause des droits humains et de la justice. Pour avoir violé ces droits avec une odieuse barbarie, le gouvernement vit ses propres droits niés par représailles, et la guerre contre un roi prévaricateur proclamée comme légitime. Les doctrines républicaines nées dans quelques âmes de l'étude de l'antiquité et de l'esprit de libre examen éclatèrent alors dans des livres où la science de l'histoire et la subtilité du raisonnement se mêlaient à des cris de haine et de vengeance[18]. Fruits du désespoir des protestants et d'un sentiment public de colère et de désaffection, ces livres, dont quelques-uns sont demeurés célèbres, furent pour nous la source d'opinions extrêmes qui, persistant depuis lors, plus ou moins actives, plus ou moins puissantes, selon le temps et les circonstances, ont formé et forment encore l'une des catégories de la grande opinion nationale.

Moins de quatre ans après le sanglant coup d'État de Charles IX, son successeur et l'un des instigateurs de son crime, Henri III, fut contraint de subir les conditions de paix que lui fit la confédération victorieuse des calvinistes et des catholiques associés. Le cinquième édit de pacification, celui du 14 mai 1576, dépassa tous les autres par l'étendue des concessions faites aux réformés[19]. Il fut statué par cet édit que l'exercice du nouveau culte serait libre et public dans tout le royaume, sauf Paris et la cour ; que les mariages contractés précédemment par des prêtres ou des personnes religieuses seraient légitimes ; que des tribunaux mi-partis de protestants et de catholiques seraient institués pour le jugement des causes des calvinistes et des catholiques-unis ; que toutes les sentences portées depuis le règne de Henri II pour cause de religion seraient annulées ; que les condamnés et les proscrits seraient amnistiés, et qu'une exemption d'impôt serait accordée, comme indemnité, aux veuves et aux enfants des victimes de la Saint-Barthélemy[20].

C'étaient là de nobles mesures, capables de commencer une ère de tolérance civile, si elles eussent été prises de bonne foi, avec la volonté et avec la puissance de les maintenir ; mais le prince qui les décréta ne voulait ni ne pouvait faire durer son œuvre. Esprit faible et fantasque, fanatique et dissimulé, il ne vit dans cette paix qu'une ressource extrême, une contrainte dont il se débarrasserait dès qu'il en trouverait le moyen. D'ailleurs, eût-il été plus sincère et plus ferme de propos, des périls inattendus l'auraient fait reculer. La paix conclue d'un côté lui suscita la guerre de l'autre ; elle le mit en butte à la défiance et à la haine des catholiques intolérants. Ce parti, qui avait de son côté le nombre, la puissance des vieilles mœurs et la force populaire, fut soulevé tout entier par un mouvement d'indignation, et, de ce mouvement, sortit la Ligue, association formidable, créée pour briser tout ce qui ne voudrait pas se joindre à elle. Son ressort fut le serment d'assistance mutuelle et de dévouement jusqu'à la mort, un régime de terreur, et l'obéissance absolue à un chef suprême qu'on devait élire[21] ; la seule annonce de cette élection future était une menace pour le roi. Une fois constituée sur un point du royaume et déclarée par ses manifestes, la Ligue s'étendit rapidement, grâce aux passions réactionnaires qui murmuraient contre la cour, et que, dans sa duplicité, la cour elle-même favorisait. Elle fit le premier essai de sa puissance dans les élections pour les états généraux convoqués à Blois au 15 novembre 1576 ; les protestants et les politiques en furent écartés par tous les moyens de fraude et de violence.

Ainsi, une convocation d'états, promise par l'édit de pacification comme sa garantie nationale, fut tournée contre lui, et la plupart des députés réunis à Blois y apportèrent pour mandat le mot d'ordre de la Ligue : une religion catholique romaine[22]. Les représentants de la noblesse, qu'on avait vus aux états de 1560 si zélés pour la liberté de conscience, se montraient presque unanimes et non moins violents que ceux du clergé dans cet esprit de réaction. Ceux du tiers état inclinaient aussi vers un retour à l'unité de culte, mais avec des sentiments plus modérés ; la haute bourgeoisie n'avait pas cédé sans réserve au courant de passions extrêmes qui entraînait, associées sous la main du clergé, l'aristocratie et les classes inférieures. Quant au roi, dans ses entretiens avec les députés et dans les conférences préliminaires, il annonça qu'il tenait pour nulles et demandait aux états d'annuler les concessions qu'il avait faites. Redoutant la Ligue, il s'en déclarait le chef pour prévenir un autre choix, tandis que le petit nombre d'élus des calvinistes et de leurs amis se retiraient, protestant d'avance contre les résolutions de l'assemblée[23].

C'est dans de telles conjonctures que la question de la tolérance fut, pour la seconde fois, remise au jugement des états généraux. Les deux premiers ordres votèrent sans débat l'abrogation de l'édit et la reprise de la guerre civile. Dans le troisième, il y eut division ; une partie des votants. et à leur tête la députation de Paris, ne reculait pas devant la guerre ; l'autre voulait que la restauration de l'unité catholique eût lieu par les voies les plus douces. Un homme, qui fut comme publiciste le précurseur de Montesquieu, Jean Bodin, député du Vermandois, se distingua dans cette lutte en déployant, pour la cause qu'avait défendue l'Hôpital, de grands talents et un noble courage. Chef de l'opposition bourgeoise contre la Ligue et contre la cour, il entreprit de tenir tête aux députés du tiers état parisien, aux commissaires des deux autres ordres et aux commissaires du roi. N'ayant pu faire que, dans le cahier de son ordre, la demande de réunion à un culte unique fût suivie des mots : sans guerre, il rendit la guerre impossible en provoquant, à force d'habileté, un refus péremptoire de tout subside[24].

Cette assemblée, dont le travail n'aboutit qu'à enfermer la question religieuse dans un cercle sans issue, avait une haute idée du droit des états généraux ; elle professa sur l'exercice et le partage de la souveraineté une sorte de théorie constitutionnelle. Les lois, selon elle, étaient de deux sortes : il y avait les lois du roi et les lois du royaume, celles-là faites par le prince seul, celles-ci faites par le prince d'après l'avis des états ; les premières modifiables et révocables à volonté, les autres inviolables et ne pouvant être changées qu'avec le consentement des trois ordres de la nation[25]. A l'ancienne demande de périodicité des états généraux, l'assemblée de 1576 joignit le vœu que toutes les provinces du royaume eussent le droit de tenir des états particuliers ; enfin, elle se déclara fortement contre la nomination aux dignités ecclésiastiques sans choix préalable du clergé et d'une partie du peuple, et contre la vénalité des offices judiciaires.

Le cahier du tiers état, aussi abondant en matières diverses que celui de 1560[26], n'offre point la même fermeté d'idées, ni la même précision de style. L'esprit de réforme ne s'y montre plus dans sa verve et sa plénitude. On y traite de la législation civile et criminelle, de la procédure, de l'enseignement public, des finances et du commerce ; mais il y a dans tout cela peu de choses neuves et originales. Ce sont presque toujours des conseils déjà donnés, d'anciennes plaintes, ou l'invocation de lois promulguées et non exécutées. Trois articles sont remarquables comme signe de résistance des privilèges municipaux à l'envahissement administratif ; ils revendiquent, au nom des corps de villes, la liberté des assemblées, la liberté des élections, et la juridiction pleine et entière[27]. D'un autre côté, l'esprit jaloux de l'ancienne magistrature, soit urbaine soit parlementaire, se montre ici par la demande de suppression des tribunaux de commerce[28], requête bizarre que le gouvernement eut la sagesse de ne pas écouter.

An milieu des embarras d'une paix armée, pleine de désordres et toujours près de se rompre, deux ans se passèrent sans que le roi répondit aux cahiers des états généraux. Sa réponse ne fut donnée qu'au mois de mai 1579, par la publication d'un édit qu'on nomme l'ordonnance de Blois. Supplément et confirmation des grandes lois qui l'avaient précédée, et dont elle approche par le mérite[29], cette ordonnance est une preuve des difficultés sans nombre qui s'opposaient alors à ce que le progrès demandé par la raison publique et consenti par le pouvoir se réalisât et descendît dans les faits. Beaucoup de dispositions des ordonnances de Moulins et d'Orléans y sont rappelées et prescrites de nouveau ; c'est comme une réponse dernière aux plaintes des anciens états généraux, en même temps que la sanction des cahiers de 1576. Cette fois encore, le cahier du tiers état entre pour la plus grande part dans le dispositif de la loi nouvelle qui, souvent, ne fait qu'en reproduire le texte.

L'ordonnance de Blois, libérale comme celle d'Orléans dans ce qui touche au droit civil, et gardant le même silence qu'elle sur les demandes de droits politiques, a pour caractère propre l'intention de supprimer ou d'atténuer pour la prérogative royale les gênes que lui imposaient, sur certains points, les ordonnances précédentes. Pour les nominations aux dignités ecclésiastiques, elle repoussa l'élection pure sans admettre la présentation de candidats, et maintint le droit absolu du roi selon le concordat de 1516. Pour les nominations judiciaires, à la présentation de trois personnes par les corps de judicature, système chéri du tiers état et passé en droit bien qu'éludé souvent, elle en substitua un nouveau, celui du choix par la couronne sur des listes d'éligibles dressées dans chaque circonscription juridique et renouvelées tous les trois ans[30].

A l'année 1576 et à la session des états de Blois se rapportent les premiers actes politiques d'un prince, alors chef de parti, et destiné à rallier un jour les partis qui divisaient la France, Henri de Bourbon, roi de Navarre, que l'extinction de la dynastie des Valois devait appeler à la couronne. Ce prince, né dans le calvinisme, devenu catholique par force mais sans beaucoup de résistance sous le règne de Charles IX, puis échappé de la cour sous Henri III et redevenu calviniste, avait été ballotté dans sa vie et dans sa conscience au vent de la guerre civile et des dissensions religieuses. Les accidents de sa fortune et ses propres variations lui avaient appris de bonne heure à juger et à tolérer. Une nature sympathique, généreuse, ouverte aux impressions douces et à toutes les grandes émotions, l'élevait, même dans la lutte, au-dessus de l'esprit de secte et de parti ; et peut-être aussi le faible de son caractère, son extrême facilité de mœurs et une certaine tiédeur en religion, concoururent, avec ses hautes qualités d'homme et de patriote, à faire de lui, quand le temps fut venu, l'instrument de la pacification et de la réconciliation nationales. L'âme de celui qui devait être Henri IV se fit voir tout entière et pour la première fois dans une réponse au vote des états généraux pour la réunion à un seul culte[31], réponse donnée sous forme de note, et où se trouvent les passages suivants d'une grâce de bon sens admirable :

Le roi de Navarre loue les états du zèle qu'ils ont au bien et repos de ce royaume, craint toutefois que.la requête qu'ils ont faite au roi de ne tolérer en ce royaume exercice d'autre religion que la romaine ne soit pas la voie pour parvenir à ce repos tant désiré, ni d'apaiser les troubles, qui seront d'autant pires que les précédents qu'il n'y aura moyen de les pacifier, quand bien, à la fin, les deux partis le voudroient... Partant, ledit roi de Navarre prie et reprie ladite assemblée, au nom de Dieu et pour l'obligation qu'ils ont au bien du roi et de la patrie, d'y vouloir bien penser et repenser, comme étant la plus hasardeuse chose et de la plus grande importance dont on ait jamais délibéré en France. Les prie considérer, non-seulement ce qu'ils désirent, mais ce que ce pauvre royaume peut comporter, et ce qui se peut faire, comme le malade désireux de santé, qui ne prend pas ce qu'il trouve agréable et à son goût, mais souvent ce qui est bien déplaisant et amer, comme plus convenable à sa maladie. Que s'il fait mal au cœur des catholiques, qui jouissent de leur religion sans qu'on leur fasse aucun trouble, voir ceux de ladite religion à qui on la veut ôter du tout, après leur avoir tant de fois accordée et si longtemps permise, il désire que les états considèrent soigneusement qu'en vain on s'est efforcé de la chasser de ce royaume et des royaumes d'Angleterre, Hongrie, Bohème, Danemark, Écosse, Suède, Suisse et Allemagne, où elle a mis le pied... Et partant, ledit roi de Navarre prie et reprie ladite assemblée, pour la troisième fois, d'y vouloir bien penser et remettre l'affaire en délibération[32].

Cette voix de la raison et du patriotisme ne fut pas écoutée ; les états se séparèrent sans revenir sur leur vote ; mais, faute d'argent pour la guerre offensive, ce vote demeura un simple vœu, et de nouvelles négociations amenèrent une nouvelle trêve non moins agitée, quoique plus longue que les précédentes[33]. Elle durait encore en 1584, lorsqu'un événement imprévu, la mort du frère unique du roi[34], donna au chef de la maison de Bourbon, chef du parti des réformés, les droits de premier prince du sang et de plus proche héritier de la couronne[35]. Ce fut le signal d'une crise violente pour les partis et pour la royauté. Bien que douteuse parce que le roi était encore jeune, la perspective d'un successeur huguenot fit courir un frisson d'effroi parmi les masses catholiques. Il ne s'agissait plus, disait-on avec une terreur sincère ou affectée, de savoir quelle mesure de tolérance serait faite à la nouvelle religion, mais si on ne la verrait pas s'asseoir sur le trône, et, devenue religion de l'État, s'armer de la toute-puissance royale contre l'ancienne foi du pays. La Ligue, dont les progrès avaient été bornés jusque-là, en lit tout à coup d'immenses ; elle pénétra cette fois dans les hautes classes de la bourgeoisie qu'elle parut embrasser tout entière.

Ici se développent dans toute leur grandeur les projets ambitieux de Henri de Lorraine, duc de Guise, d'une famille qui avait lié sa fortune et donné un martyr à la cause du parti catholique[36]. Il était l'âme de la Ligue, le chef élu et servi par elle, celui dont elle voulait faire le rival d'abord, ensuite le maitre du roi. Joignant l'habileté à l'audace, il savait se faire craindre sans jamais se trahir, et s'élevait à une immense popularité, tandis que la faiblesse et les débauches de Henri III rendaient ce prince pusillanime de plus en plus impopulaire. Les doctrines républicaines, que l'indignation produite par l'attentat de Charles IX avait suscitées et propagées dans le parti calviniste, passaient alors dans les rangs opposés par l'effet du mépris où tombait la royauté présente et des appréhensions qu'inspirait la royauté à venir. On invoquait la souveraineté du peuple et le droit d'élection nationale comme sauvegardes de la foi orthodoxe contre de prétendues connivences avec l'hérésie et contre l'avènement d'un roi hérétique.

Ce fut cette crise d'opinion, où le zèle pour l'ancien dogme s'imprégnait de passions démocratiques, qui ouvrit la route et marqua le but à l'ambition des Guises[37]. Ils visèrent à la couronne, en s'appuyant de titres faux qui les rattachaient à la seconde race, et en prenant un point d'appui plus effectif dans le patronage des droits que le progrès social avait mis, depuis trois siècles, en litige avec la royauté. Ils eurent des promesses de restauration pour tous les privilèges, ceux du clergé, ceux de la noblesse, ceux des provinces et ceux des villes. Les villes de liberté municipale, qui se sentaient tomber, non sans regrets, sous le niveau de l'administration, saisirent avidement l'espérance de regagner leurs franchises perdues, et de rétablir leurs constitutions mutilées. Elles s'enrôlèrent à l'envi dans la Ligue, dont leurs milices composèrent la principale force, et Paris fut à la tête de ce mouvement. Comme au temps d'Étienne Marcel, on vit se former une association de corps municipaux sous l'influence et la direction de la démocratie parisienne ; mais c'était dans un esprit de secte et de division, et non pour le grand intérêt national ; c'était pour l'extermination d'une partie des Français, et non pour le salut de tous. En cas de victoire, le résultat de l'insurrection bourgeoise et populaire devait être une sorte d'assurance mutuelle entre le clergé, la noblesse et les communes contre l'action du pouvoir royal et le progrès vers l'unité, un régime d'intérêts spéciaux et de morcellement administratif, sous la haute protection de l'Espagne, puissance ennemie de la grandeur et de l'indépendance du royaume[38].

 

 

 



[1] M. Mignet, De l'établissement de la réforme religieuse et de la constitution du calvinisme à Genève, Notices et Mémoires historiques, t. II, p. 248.

[2] Les états convoqués d'abord à Meaux, puis à Orléans, s'ouvrirent le 13 décembre ; on y comptait 393 députés, savoir : 98 pour le clergé, 76 pour la noblesse, et 219 pour le tiers état. Voyez la liste de ces derniers, ci-après, appendice 11.

[3] Il me souvient que, quand monsieur le cardinal de Lorraine vint du concile de Trente à Fontainebleau, il voulut fort exhorter le roy et la reyne de le faire publier ; et cela fut fort débattu au conseil devant leurs majestez. Monsieur le chancelier en prit fort et ferme la parole et s'y opposa du tout, alléguant qu'il estait du tout contre les droits et privilèges de l'Église gallicane, et qu'il n'estoit raison de les laisser perdre aucunement, ains les maintenir jusques à la dernière goure de sang de tous les François. (Vie du connétable Anne de Montmorency, Œuvres de Brantôme, t. VII, p. 98.)

[4] Harangue du chancelier aux états tenus à Orléans, le 13 décembre1560 ; Des États généraux et autres assemblées nationales (1789), t. X, p. 339.

[5] Otons ces mots diaboliques, noms de partis, factions et séditions, luthériens, huguenots, papistes ; ne changeons le nom de chrétiens. (Harangue du chancelier ; Des États généraux, etc., p. 343.)

[6] Cahier du tiers état de 1560, art. 10, 69, 72, 56, 48, 144, 243, 205, 343, 244, 245, 246, 265, 165, 82 et 353. Des Etats généraux et autres assemblées nationales, t. XI, p. 273 et suivantes. — Ce cahier est divisé en cinq sections, sous les titres suivants : 1° de l'état ecclésiastique ; 2° des universités ; 3° de la noblesse, gendarmerie et suite de la cour ; 4° de la justice ; 5° des tailles, impositions, subsides, marchandise et autres choses.

[7] Tous archevêques et évêques seront désormais, sitost que vacation adviendra, élus et nommez : à scavoir : les archevêques par les évêques de la province et chapitre de l'église archiépiscopale, les évêques par les archevêques, évêques de la province et chanoines de l'église épiscopale, appelez avec eux douze gentilhommes qui seront élus par la noblesse du diocèse, et douze notables bourgeois qui seront aussi élus en l'hostel de la ville archiépiscopale ou épiscopale ; tous lesquels, convoquez à certain jour par le chapitre du siège vaquant, et assemblez, comme dit est, s'accorderont de trois personnages de suffisance et qualitez requises par les saints décrets et conciles, agez au moins de trente ans, qu'ils nous présenteront, pour par nous faire élection de celui des trois que voudrons nommer à l'archevêché ou évêché vaquant. (Ordonnance générale rendue sur les plaintes, doléances et remontrances des états assemblés à Orléans, art. I. Rev. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 64.)

[8] Voyez dans le cahier du tiers aux états de Pontoise, le chapitre intitulé : Moyen de subvention pour l'acquiet des debtes, Mss. de la Bibliothèque nationale, n° 8927, fol. 33 v°.

[9] Voyez l'édit du 17 janvier 1562 (1561, vieux style), et le discours du chancelier de l'Hôpital pour l'ouverture de l'assemblée de Saint-Germain en Laye. Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 124, et Mémoires de Condé, t. II, p. 612.

[10] Voyez l'édit de novembre 1563, qui crée à Paris des juges-consuls, et la déclaration du 28 avril 1563, qui institue la juridiction consulaire dans les autres villes ; l'ordonnance de janvier 1565 sur la justice et la police, et la déclaration ampliative du 9 août 1564 ; l'ordonnance de février 1566 sur la réforme de la justice, et l'édit du 4 février 1567 sur la police générale du royaume. Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 153, 179, 160, 175, 189 et 220.

[11] Pour donner quelque ordre à la police des villes de nostre royaume et pourvoir aux plaintes qui, de ce, nous ont esté faites, avons ordonné que les maires, chauvins, consuls, capitouls et administrateurs des corps desdites villes qui ont eu ci-devant et ont de présent l'exercice des causes civiles, criminelles et de la police, continueront ei-après seulement l'exercice du criminel et de la police, à quoi leur enjoignons vaquer incessamment et diligemment, sans pouvoir d'ores en avant s'entremettre de la connoissance des instances civiles entre les parties, laquelle leur avons interdite et défendue, et icelle renvoyons et attribuons à nos Juges ordinaires ou des hauts justiciers des villes où il y a corps et communautez tels que dessus : nonobstant tous privilèges, coutumes, usances et prescription que l'on pourroit alléguer an contraire. (Ordonnance de Moulins, art. 71, Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 208.)

[12] Voyez Loiseau, Traité des seigneuries, édition de 1678, p. 101, et Dubos, Histoire critique de d'établissement de la monarchie française, t. IV, p. 298 et suivantes.

[13] L'Hôpital sortit du ministère au mois de mai 1568 ; sa mort arriva le 13 mars 1573. Voyez le tableau complet de sa vie dans la belle notice de M. Villemain, Mélanges historiques et littéraires, t. II.

[14] Le 24 août 1572.

[15] René de Biragues, garde des sceaux en 1571, et chancelier de France, depuis la mort de l'Hôpital, jusqu'en 1578.

[16] Afin que nosdits sujets se puissent mieux adonner à la manufacture et ouvrages des laines, lins, chanvres et fillaces, qui croissent et abondent en nosdits royaume et pays, et en faire et tirer le profit que fait l'estranger, lequel les y vient acheter communément à petit prix, les transporte et fait mettre en œuvre, et après apporte les draps et linges, qu'il vend à prix excessif ; avons ordonné et ordonnons qu'il ne sera doresnavant loisible à aucun de nosdits subjets et estrangers, souz quelque cause ou prétexte que ce soit, transporter hors nosdits royaume et pays aucunes laines, lins, chanvres et fillaces... Défendons aussi très expressément toute entrée en cestuy noste-dit royaume de tous draps, tailles, passements et canetilles d'or ou d'argent, ensemble tous veloux, satins, damas, taffetas, camelots, tolites et toutes sortes d'étoffes rayez ou y ayant or ou argent, et pareillement de tous harnois de chevaux, ceintures, espées et dagues, estrieux et esperons dorez, argentez ou gravez, sur peine de confiscation desdites marchandises... Davantage défendons l'entrée en nostredit royaume et pays de toutes sortes de tapisseries estrangères, de quelque étoffe et façon qu'elles soient, sur les mesmes peines mie dessus... (Édit de janvier 1372, sur le commerce à l'étranger et sur la police du royaume. Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 241.) — Voyez en outre les édits du 2 mars 1571 sur la fabrication des draps, de juin 1572 sur la création des courtiers de commerce, et de la même date sur le règlement du taux de l'intérêt. (Ibid., p. 232 et 252.)

[17] Les épouvantables scènes de Paris se répétèrent à Meaux, à Orléans, à Bourges, à Rouen, à Angers, à Lyon, à Toulouse et dans beaucoup de villes de moindre importance.

[18] Voyez le Discours de la servitude volontaire, par Étienne de la Boétie ; l'ouvrage de François Hotman, intitulé Franco-Gallia ; celui d'Hubert Longuet, Vindiciœ contra tyrannos, sive de principis in populum populique in principe m legitima potestate ; les Apophtegmes ou discours notables recueillis de divers auteurs contre la tyrannie et les tyrans ; le Discours des jugements de Dieu contre les tyrans, recueilli des histoires sacrées et profanes ; le Traité du droit des magistrats sur leurs sujets, etc.

[19] Le premier édit de pacification fut rendu le 19 mars 1562, le second est du 23 mars 1568, le troisième du mois d'août 1570, et le quatrième du mois de juillet 1673. Voyez le Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 135, 226, 229 et 261.

[20] Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 280 et suivantes.

[21] Au cas qu'il y ait empeschement, opposition ou rébellion à ce que dessus, par qui et de quelle part qu'ils puissent estre, seront lesdits associez tenus et obligez d'employer tous leurs biens et moyens, mesures leurs propres personnes jusques à la mort pour punir, chastier et courir sus à ceux qui les auront voulu contraindre et empescher...

Au cas que quelques uns des associez, leurs subjects, amis ou confédérez, fussent molestez, oppressez et recherchez pour les cas dessusdits, par qui que ce soit, seront tenus lesdits associez employer leurs corps, biens et moyens pour avoir vengeance de ceux qui auront faict lesdites oppresses et molestes, soit par la voye de justice ou par les armes, sans nulle acception de personnes.

S'il advenoit qu'aucun des associez, après avoir fait serment en ladite association, se vouloit retirer ou départir d'icelle, sous quelque prétexte que ce soit [que Dieu ne veuille !], tels réfractaires de leurs consentements seront offensez en leurs corps et biens en toutes sortes qu'on se pourra adviser, comme ennemis de Dieu, rebelles et perturbateurs du repos public...

Jureront lesdites associez toute prompte obéissance et service au chef qui sera député... et seront les défaillons et dilayans punis par l'authorité du chef et selon son ordonnance... (Acte constitutif de la Ligue : Palma Cayet, Chronologie novennaire, Collect. Michaud et Poujoulat, Ire série, t. XII, p. 13.)

[22] Voyez le recueil intitulé : Des états généraux et autres assemblées nationales, t. XIII, p. 97 et suivantes.

[23] On compta présents à la séance royale 104 députés du clergé, 75 de la noblesse et 150 du tiers état. Voyez la liste de ces derniers, ci-après, Appendice II.

[24] Voyez le mémoire de Bodin sur les états de 1576 ; Des états généraux, etc., t. XIII, p. 212 et suivantes. — Voz très-humbles subjectz les gens du tiers estat vous supplient vouloir réduire tous vos subjectz à l'union de l'Église catholicque, apostolicque et romaine, par les meilleures et plus sainctes voyes et moyens que Vostre Majesté advisera, et, en ce faisant, l'exercice de toute autre prétendue religion estre osté tant en publicq qu'en particulier. (Cahier du tiers état de 1576, art. XIII, Ms. de la Bibliothèque royale, SF. 595, 2, fol. 6 v°.)

[25] Il y a différence entre les loix du roi et les loix du royaume... celles-cy, d'autant qu'elles ne peuvent estre faites qu'en générale assemblée de tout le royaume, avec le commun accord et consentement des gens des trois estats... aussi depuis elles ne peuvent être changées ni innovées qu'avec l'accord et commun consentement des trois estats. (Instructions des gens des trois estats du royaume de France, Mémoires de Nevers, in-fol., t. I, p. 415.)

[26] Il y a 448 articles rangés sous les titres suivants : 1° de l'état de l'Église ; 2° des Universités ; 3° de la justice ; 4° de la noblesse ; 5° des finances, tailles et impositions ; 6° de la marchandise et police. (Voyez le Ms. de la Bibl. royale, SF. 595, 2.)

[27] Que toutes ellections des prévostz des marchans, eschevins, capitouls et gouverneurs de villes se ruent librement et soient suivies, et ceulx qui par autres voyes entreront en telles charges en soient osiez, et leurs noms rayez des registres. (Cahier du tiers état de 1576, art. 410, Ms. de la Bibl. roy., SF. 595, 2, fol. 112, r°.) — Vous plaira aussy, suivant l'antienne coustume et libertez, ordonner qu'il sera permis aux maires et eschevins, capitoulz, juratz, consulz et autres administrateurs des villes, de faire leurs assemblées généralles et particullières, sans demander permission de ce faire à vos courts de parlement, baillifz, sénéchaux et autres officiers, et sans ce qu'ilz soient tenuz ny contrainctz de les y appeler. (Ibid., art. 611.) — L'expérience du passé a faict assez entendre les désordres qui sont advenuz aux villes à l'occasion de la désobéyssance faicte aux maires, eschevins, cappitoulz, juratz et consulz d'icelles, ausquelz la jurisdiction criminelle et politicque qu'ilz avaient auparavant auroit esté ostée... vous plaira ordonner que ceulx qui avaient anciennement la jurisdiction tant civille, criminelle que polliticque seront réintégrez d'icelle, pour en jouir et user tout ainsi qu'ilz avaient secoustumé de faire auparavant, nonobstant tous édictz, ordonnances et jugemens à ce contraires. (Ibid., art. 122, fol. 32, v°.)

[28] Et quant aux prieurs et juges-consulz des marchans, qu'ilz soient dès à présent supprimez... et leur jurisdiction réunye aux jurisdictions ordinaires. (Cahier du tiers état de 1576, art. 118, fol. 31, r°.)

[29] Elle a 363 articles, dont 220 traitent de l'administration de la justice, 21 des universités, et le reste de l'état ecclésiastique, de la noblesse, de l'armée, des finances et de la police.

[30] Voyez l'ordonnance de Blois, art. 1, 2, 102 et 103, et conférez ces articles avec les art. 1 et 39 de l'ordonnance d'Orléans, Recueil des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 380 et suivantes, et p. 63 et suivantes.

[31] Lorsque la majorité de l'assemblée eut résolu que le roi serait supplié de ramener tous les Français à la religion catholique, elle s'effraya de la retraite des dissidents, et fit partir une ambassade pour négocier avec eux, dans leurs places de sûreté au delà de la Loire. Les envoyés trouvèrent le roi de Navarre en Guienne, à la tête des protestants armés. Il reçut tout en bonne part, dit le député Bodin dans ses Mémoires, et pleura oyant l'archevêque de Vienne réciter les calamités de la guerre.

[32] Extrait des Mémoires de Bodin, Rec. des états généraux, etc., t. XIII, p. 287 et suivantes.

[33] Voyez le traité de Bergerac et l'édit de Poitiers, septembre 1577 ; Rec. des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 530 et suivantes.

[34] François, duc d'Anjou.

[35] Les Bourbons étaient issus de Louis IX, par Robert, comte de Clermont, son dernier fils.

[36] François, duc de Guise, père de Henri, tué en 1563 par un gentilhomme huguenot.

[37] Les principaux membres de cette famille étaient le duc de Guise, ses frères le duc de Mayenne et le cardinal de Guise, son fils aîné le prince de Joinville, et ses oncles les ducs d'Aumale et d'Elbeuf.

[38] Advenant le cas de la mort du roy sans enfants... les catholiques, le plus diligemment qu'ils pourront, feront assembler les estais pour parvenir à l'eslection d'un roy catholique et ordonner les loix du royaume pour remettre toutes choses au cours des anciennes loix fondamentales de la France... Il sera très-nécessaire d'advertir nostre saint Père le pape et le roy catholique de toutes nos intentions, affin de les prévenir, et qu'au besoin Sa Saincteté nous assiste de sa saincte bénédiction et le roy catholique de ses forces el moyens pour une si saincte cause qui leur touche de près, voire où ils y ont intérest notable et principale deffense.

Le moyen advisé et résolu de tenir pour essayer en ce grand désordre qui menace de toutes parts la ruine finale de nostre religion et de l'estât de ce royaume est de mettre un si bon ordre que nous restablissions ceste monarchie et tous les estais d'icelle selon les anciennes fondamentales loin, sans nous despartir de la deue obéyssance que nous devons au roy, tant qu'il sera catholique ou qu'il ne se déclarera fauteur d'hérétiques :

Premièrement c'est de faire que le plus que l'on pourra de provinces et de villes de ce royaume s'unissent ensemble de force et conseil et moyens... (Instructions du comité parisien de la Ligue, adressées en 1587 à tous les comités des bonnes villes : Palma Cayet, Chronologie novennaire, Collect. Michaud et Poujoulat, 1re série, t. XII, p. 34-38.)