ESSAI SUR L'HISTOIRE DE LA FORMATION ET DES PROGRÈS DU TIERS ÉTAT

 

CHAPITRE III. — LE TIERS ÉTAT SOUS CHARLES V, CHARLES VI, CHARLES VII, ET LOUIS XI.

 

 

SOMMAIRE : La France du nord et la France méridionale. — Double esprit et double tendance du tiers état. — Rôle de la bourgeoisie parisienne. — Résultats du règne de Charles V. — Question de l'impôt régulier. — Révolte des maillotins. — Abolition de la municipalité libre de Paris. — Son rétablissement. — Démagogie des cabochiens. — Alliance de l'échevinage et de l'université. — Demande d'une grande réforme administrative. — Ordonnance du 25 mai 1413. — État des paysans, communes rurales. — Patriotisme populaire ; Jeanne d'Arc. — Règne de Charles VII, ses conseillers bourgeois. — Règne de Louis XI, son caractère.

 

Les états généraux que j'ai mentionnés jusqu'ici n'étaient pas toute la représentation du royaume ; il y en avait une pour la France du nord et du centre, pour le pays de langue d'Oïl et de droit coutumier, et une pour la France méridionale, pour le pays de langue d'Oc et de droit écrit[1]. Quoique réunies simultanément par la même autorité, et quoique générales d'une part comme de l'autre, ces assemblées ne jouèrent point le même rôle politique, et l'histoire ne peut leur accorder une égale importance. Le nord et le midi de la France n'étaient point, au moyen âge, dans la même situation sociale ; le midi était plus civilisé, plus prospère, et gouverné moins directement ; là, subsistait, mieux conservée, l'empreinte romaine dans les mœurs comme dans la langue ; l'esprit municipal soutenu par le nombre et la richesse des villes y gardait mieux sa force et sa nature. Les révolutions administratives, les créations de la royauté se faisaient au nord et n'arrivaient que par contre-coup dans le midi. Il en était de même pour les courants de l'opinion publique nés dans la France coutumière du conflit des classes rivales ou ennemies et des grands corps de l'État. Toujours d'un côté et de l'autre, il y avait une sorte de dissonance dans les sentiments et dans les actes, et la trace s'en est conservée jusqu'au sein de l'unité moderne. De là résulte la nécessité de borner le théâtre de cette histoire qui doit être une et simple pour être claire, d'omettre des faits considérables, mais sans portée ultérieure ; et de négliger le pays où règne plus de liberté, un droit plus équitable, une moins grande inégalité des conditions et des personnes, pour celui où le désordre social est excessif, mais où se jettent les fondements de l'ordre à venir, et où se passent les faits qui marquent la série de nos progrès civils et politiques.

Le tiers état puisait sa force et son esprit à deux sources diverses : l'une multiple et municipale, c'étaient les classes commerçantes ; l'autre unique et centrale, c'était la classe des officiers royaux, de justice et de finance, dont le nombre et le pouvoir augmentaient rapidement, et qui, sauf de rares exceptions, sortaient tous de la roture. A cette double origine répondaient deux catégories d'idées et de sentiments politiques. L'esprit de la bourgeoisie proprement dite, des corporations urbaines, était libéral, mais étroit et immobile, attaché aux franchises locales, aux droits héréditaires, à l'existence indépendante et privilégiée des municipes et des communes ; l'esprit des corps judiciaires et administratifs n'admettait qu'un droit, celui de l'État, qu'une liberté, celle du prince, qu'un intérêt, celui de l'ordre sous une tutelle absolue, et leur logique ne faisait pas aux privilèges de la roture plus de grâce qu'à ceux de la noblesse. De là vinrent, dans le tiers état français, deux tendances divergentes, toujours en lutte, mais répondant toujours à un même objet final, et qui se tempérant l'une par l'autre, se combinant sous l'influence d'idées nouvelles plus hautes et plus généreuses, ont donné à nos révolutions, depuis le lue siècle, leur caractère de marche lente, mais toujours sûre, vers l'égalité civique, l'unité nationale et l'unité d'administration. Un autre fait non moins caractéristique et aussi ancien dans notre histoire, c'est le rôle particulier de la bourgeoisie parisienne. Paris était la ville du grand commerce et des grandes institutions scientifiques ; l'activité intellectuelle s'y déployait plus largement que dans aucune autre ville du royaume ; l'esprit public s'y montrait à la fois municipal et général. On a vu le peuple de Paris figurer comme chef de l'opinion militante dans les tentatives démocratiques de 1557 ; on le retrouvera de même à toutes les époques de crise sociale, sous Charles VI, au temps de la Ligue et dans nos révolutions modernes, donnant l'impulsion au progrès et au désordre fatalement mêlés ensemble.

Je reprends le fil du récit au règne de Charles V. Ce prince recouvra une à une les portions démembrées du royaume ; il rendit la France plus forte au dehors, et au dedans plus civilisée ; il fit de grandes choses en dépensant beaucoup, et trouva le moyen de lever plus d'argent que ses prédécesseurs, sans recourir aux états généraux et sans soulever de résistances ; tout resta calme tant que sa main fut là pour tout concilier et tout régler. Il établit, sous le nom d'aides ordinaires, la permanence de l'impôt, violant du même coup les franchises féodales et les franchises municipales ; il le fit avec décision, mais. à ce qu'il semble, avec scrupule, et il en eut du regret à son lit de mort[2]. C'était, en effet, quelque chose de grave et de triste : la royauté se trouvait pour la première fois en opposition avec la bourgeoisie ; le nouvel ordre monarchique était divisé contre lui-même par la question de l'impôt régulier, question vitale qu'il fallait résoudre, et qui, à l'avènement de Charles VI mineur, ne pouvait l'être ni dans un sens ni dans l'autre.

L'émotion qu'avait produite la nouvelle des paroles de repentir attribuées au roi défunt ne permettait pas de continuer d'autorité la levée des subsides généraux, ni d'en espérer la concession par les trois états réunis. Les tuteurs du jeune roi essayèrent, comme moyen terme, des convocations de notables et des pourparlers avec l'échevinage de Paris ; mais il n'en résulta rien qu'un surcroît d'effervescence populaire et des menaces d'émeute. en présence desquelles l'échevinage prit de grandes mesures d'armement pour le maintien de l'ordre public et la défense des libertés de la ville[3]. Cette attitude de la bourgeoisie parisienne parut quelque chose de si redoutable aux princes gouvernants, que ceux-ci rendirent une ordonnance abolissant à perpétuité les impôts établis, sous quelque nom que ce fût, depuis le temps de Philippe le Bel[4]. Il leur fallut dès lors administrer avec les seuls produits du domaine royal, et bientôt, à bout de ressources, ils se décidèrent timidement à frapper d'une taxe les marchandises de toute sorte. Ce fut le signal d'une rébellion armée. Le bas peuple et les jeunes gens de Paris, forçant l'arsenal de la ville, s'emparèrent des maillets de combat qui s'y trouvaient en grand nombre ; et coururent sus aux fermiers de la taxe, aux collecteurs et aux officiers royaux, massacrant les uns et forçant les autres à s'enfuir. L'exemple de Paris fut imité, avec plus ou moins de violence, dans les principales villes des provinces du centre et du nord[5].

Cet esprit de résistance de la bourgeoisie française était encouragé par des événements extérieurs, par l'exemple de la ville de Gand, qui, à la tète d'un parti formé dans les communes de Flandre, soutenait la guerre contre le souverain du pays, au nom des libertés municipales. Entre les bourgeois de France et les Flamands insurgés, il y avait, non-seulement sympathie, mais correspondance par lettres, avec promesse d'efforts mutuels pour le succès d'une même cause, et, dans cette cause, étaient comprises la défense des privilèges locaux contre le pouvoir central, et l'hostilité des classes roturières contre la noblesse[6]. La question ainsi posée réunit dans un intérêt commun la royauté et le baronnage, mal disposés à s'entendre sur le fait des impôts levés sans demande préalable et sans octroi. Un grand coup fut frappé en Flandre par l'intervention d'une armée française et de Charles VI en personne ; cette campagne victorieuse, qui eut l'aspect et le sens d'un triomphe de la noblesse sur la roture, amena au retour, contre les villes coupables de mutinerie, une suite de mesures violentes, où la vengeance du pouvoir fut mêlée de réaction aristocratique.

L'armée royale fit son entrée à Paris comme dans une ville conquise, brisant les barrières, et passant sur les portes abattues de leurs gonds. Le jour même trois cents personnes, l'élite de la bourgeoisie, furent arrêtées et jetées en prison, et, le lendemain, les libertés immémoriales de la ville, son échevinage, sa juridiction, sa milice, l'existence indépendante de ses corps d'arts et métiers furent abolis par une ordonnance du roi[7]. Il y eut de nombreuses exécutions à mort, et entre autres celle d'un riche marchand, qui, jeune, avait figuré dans les émeutes de 1358 ; puis un acte de clémence, commuant, pour le reste des détenus, la peine criminelle en peine civile, frappa la haute bourgeoisie parisienne d'amendes équivalant presque à la confiscation des biens. Rouen, Amiens, Troyes, Orléans, Reims, Chatons et Sens furent punies de même par la suppression de leurs droits municipaux, par des supplices, des proscriptions et des exactions ruineuses. L'argent levé ainsi montait à des sommes immenses, mais les princes et les gens de cour pillèrent de telle sorte qu'il n'en vint pas le tiers au trésor royal[8].

Vingt-neuf ans se passèrent durant lesquels, aux désordres d'une administration sans règles, aux dilapidations de tout genre, on vit se joindre la folie du roi, les querelles des princes, la guerre civile et bientôt l'invasion étrangère. La réaction de 1383 avait fait à la haute bourgeoisie des plaies beaucoup plus profondes que celle de 1359. Celle-ci l'avait frappée simplement dans ses ambitions politiques, l'autre l'avait appauvrie, dispersée, privée de son lustre et de son influence héréditaire. La ville de Paris, entre autres, se trouvait déchue de deux manières : par la perte de ses franchises municipales et par la ruine des familles qui l'avaient gouvernée et conseillée dans le temps de sa liberté. Cet abaissement de la classe supérieure, composée du haut négoce et du barreau des cours souveraines avait fait monter d'un degré la classe intermédiaire, celle des plus riches parmi les hommes exerçant les professions manuelles, classe moins éclairée, plus grossière de mœurs, et à qui la force des choses donnait maintenant l'influence sur les affaires et l'esprit de la cité. De là vint le caractère de démagogie effrénée que montra tout d'un coup la population parisienne, lorsque en l'année 1412, ayant recouvré ses franchises et ses privilèges, elle fut appelée de nouveau par les événements à jouer un rôle politique[9].

L'un des princes qui se disputaient à main armée la garde et le pouvoir du roi privé de sens, le duc de Bourgogne, pour accroître ses forces, s'était fait l'allié de la bourgeoisie et le défenseur des intérêts populaires. Cette politique lui réussit ; il devint maitre des affaires, et le rétablissement de la vieille constitution libre de Paris fut son ouvrage. Reprises après une suspension de plus d'un quart de siècle, les élections municipales donnèrent un échevinage et un conseil de ville presque entièrement formés de gens de métier, et où dominaient, par la popularité jointe à la richesse, les maures bouchers de la grande boucherie et de la boucherie Sainte-Geneviève. Ces hommes, dont la profession allait de père en fils depuis un temps immémorial, et pour qui leurs étaux étaient une sorte de fiefs, avaient autour d'eux une clientèle héréditaire de valets qu'on nommait écorcheurs, classe abjecte et violente, toute dévouée à ses patrons, et redoutable à quiconque ne serait pas de leur parti dans le gouvernement nouveau. Ce gouvernement eut l'affection du menu peuple et devint un objet d'effroi pour la bourgeoisie commerçante et pour ce qui restait de familles décorées d'une ancienne notabilité. Aux passions du parti qu'on appelait bourguignon il associa les violences démagogiques, et l'autorité, se faisant soutenir par des émeutes, passa bientôt du conseil de ville à la multitude, des maitres bouchers aux écorcheurs. L'un d'entre eux, Simon Caboche, fut l'homme d'action de cette seconde époque révolutionnaire à laquelle son nom demeure attaché, et où l'esprit de réforme de 1357 reparut un moment pour être aussitôt compromis par les actes sauvages et ignobles de la faction sur laquelle il s'appuyait[10].

Ici se rencontre un fait qui n'est pas sans exemple dans nos révolutions modernes, celui d'une alliance politique entre la classe lettrée, les esprits spéculatifs, et la portion ignorante et brutalement passionnée du tiers état. Dans la municipalité de Paris, en 1413, Jean de Troyes, médecin renommé, homme d'éloquence autant que de savoir, siégeait à côté des bouchers Saint-Yon et Legoix en parfaite communion de sentiments avec eux[11]. Bientôt le corps savant par excellence, l'Université, s'autorisa d'une assemblée de notables, inutilement convoquée, pour élever la voix, faire des remontrances et demander, en son propre nom et au nom du corps de ville, le redressement des abus et la réformation du royaume. Dans l'idée, à ce qu'il semble, d'associer pour cette grande tentative toutes les forces du tiers état, elle invita le parlement à se joindre à elle et aux citoyens de Paris, afin d'obtenir justice et réforme ; le parlement refusa, l'heure de l'ambition n'était pas venue pour lui, et du reste il ne voulait pas se commettre avec des théoriciens sans pratique des affaires et des démocrates de carrefour. Il ne convient pas, répondit-il, à une cour établie pour rendre la justice au nom du roi, de se constituer partie plaignante pour la demander..... L'Université et le corps de ville sauront bien ne faire nulle chose qui ne soit à faire[12]. Mais l'échevinage et l'Université ne reculèrent pas ; celle-ci demanda qu'un jour fût assigné pour que les princes et le roi lui-même entendissent ses remontrances, et, au milieu d'un nombreux concours de bourgeois de Paris et des provinces, elle parla au nom du peuple par la bouche de ses professeurs, dénonça les griefs et proposa les remèdes comme l'eût fait un pouvoir politique, le grand conseil de la nation[13].

La cour était divisée et le roi incapable de rien comprendre et de rien vouloir ; le prince, qui régnait alors sous son nom, croyait mener le peuple à ses fins et se trouvait mené par lui. On céda, et les deux corps qui se portaient comme représentants de l'opinion publique, l'Université et la ville, furent autorisés à présenter un plan de réforme administrative et judiciaire. Des commissaires dont le nom est resté inconnu se mirent à l'œuvre et obtinrent que toutes les anciennes ordonnances conservées dans les archives leur fussent livrées en examen[14]. Ils en firent la base de leur travail d'épuration et de réorganisation ; mais, pendant que ce travail se poursuivait, de vives résistances s'annoncèrent de la part de ceux qui entouraient la reine et l'héritier du trône. Un complot fut ourdi contre la sûreté de la ville, et l'indignation populaire s'anima au plus haut degré ; il y eut une prise d'armes tumultueuse ; et la bastille Saint-Antoine, cette citadelle de la royauté dans Paris, commencée sous Charles V et rasée sous Louis XVI, fut investie par le peuple comme au 14 juillet 1789[15].

Une capitulation suspendit l'émeute ; mais bientôt de nouveaux signes de mauvais vouloir à la cour amenèrent de nouvelles prises d'armes du parti cabochien. Des attroupements redoutables, dont les chefs et les orateurs étaient le médecin Jean de Troyes et Eustache de Pavilly docteur en théologie, envahirent tantôt le palais du roi, tantôt l'hôtel du dauphin, faisant suivre les harangues politiques de violences contre les personnes, d'arrestations de seigneurs et même de dames que le peuple haïssait. Enfin, le 25 mai 1413, les résolutions des nouveaux réformateurs, rédigées, comme celles des états de 1356, sous la forme d'une ordonnance royale, furent lues devant le roi en son lit de justice et déclarées obligatoires et inviolables[16].

Cette ordonnance, qui n'a pas moins de deux cent cinquante-huit articles, est un code complet d'administration, établissant une hiérarchie de fonctionnaires électifs, imposant des règles de gestion et de comptabilité, limitant les offices, soit en nombre, soit quant au pouvoir, et assurant aux sujets de toutes les classes des garanties contre l'injustice, l'oppression, l'abus de la force ou de la loi. Il y a là un immense détail de prescriptions de tout genre, sur lequel semblent dominer deux idées, la centralisation de l'ordre judiciaire et celle de l'ordre financier ; tout aboutit d'un côté à la chambre des comptes et de l'autre an parlement. L'élection est le principe des offices de judicature, il n'y a plus de charge vénale ; les lieutenants des prévôts, des baillis et des sénéchaux sont élus par les gens de loi et les avocats du district. Pour la nomination d'un prévôt, les gens de pratique et autres notables désignent trois candidats, entre lesquels choisit le chancelier assisté de commissaires du parlement. Pour la prévôté de Paris et les autres offices supérieurs, c'est le parlement qui nomme au scrutin, sans formalité de candidature ; il choisit de même ses propres membres et ne peut en prendre plusieurs dans la même famille. Les prévôts, baillis et sénéchaux doivent être nés hors de la province où ils exercent leur magistrature ; ils ne peuvent rien y acquérir, ni y marier leurs filles. La juridiction des eaux et forêts, souvent tyrannique pour les campagnes, est restreinte dans son étendue, et soumise en appel au parlement. Il est statué que les usages ruraux seront partout respectés ; que les paysans pourront s'armer pour courir sus aux pillards ; qu'ils auront le droit de poursuivre les loups, de détruire les nouvelles garennes faites par les seigneurs et de refuser à ceux-ci tout péage établi sans titre[17].

Ce qui fait le caractère de cette grande ordonnance et la distingue de celle du 3 mars 1357, c'est que, sauf l'élection pour les emplois judiciaires, elle n'institue rien de nouveau, laisse intact le pouvoir royal et se borne à lui tracer des règles administratives. L'expérience du siècle précédent a porté ses fruits ; en dépit de son nouvel accès de fougue révolutionnaire, l'esprit de la bourgeoisie parisienne est au fond plus rassis et plus modéré. Sous cette domination anarchique de la municipalité dominée elle- même par une faction d'hommes grossiers et violents, des idées calmes de bien public, jusque-là contenues, se sont fait jour au travers et peut-être à la faveur du désordre. Suivant une remarque applicable à d'autres temps de révolution : Les violents ont exigé ou dicté, les modérés ont écrit[18].

Ceux mêmes qui présidaient aux violences ou les couvraient de leur aveu ne furent point sans vertus civiques, ils eurent dans le cœur des sentiments de patriotisme que leur expression ferait croire modernes. Le corps municipal de Paris, écrivant aux autres villes et leur rendant compte de ses actes, disait : Cette présente poursuite est pour garder que l'estat de la chose publique de ce royaume ne verse en désolation, ainsy qu'elle estoit en voie..... à quoy en temps de nécessité comme le temps présent, ung chascun se doit emploier, et préférer la pitié du pais à toutes les aultres, soit de parents, frères ou aultres quelconques, car elle les comprent toutes[19]. C'étaient là de nobles paroles dignes d'annoncer la grande charte de réforme, œuvre commune du corps de ville et de l'Université ; mais, cette loi administrative de la vieille France, il se trouva des hommes pour la concevoir, il ne s'en trouva point pour l'exécuter et la maintenir. Les gens sages et rompus aux affaires n'avaient alors ni volonté ni énergie politique. Ils se tinrent à l'écart, et l'action resta aux exaltés et aux turbulents, aux bouchers et à leurs alliés. Ceux-ci précipitèrent par des excès intolérables une réaction qui amena leur chute, leur bannissement et l'abandon des réformes obtenues à si grande peine ; trois mois après sa promulgation, l'ordonnance du 25 mai fut annulée[20].

Ainsi des hommes du tiers état, portés par une crise révolutionnaire à s'investir eux-mêmes du pouvoir constituant, eurent au commencement du XVe siècle la pensée de refondre d'un seul jet l'administration du royaume, de lui donner des principes fixes, une base rationnelle et des procédés uniformes. Si le plan qu'ils rédigèrent ne fut pas même essayé, il resta comme un monument de sagesse politique, où se montre d'une manière éclatante l'espèce de solidarité qui liait dans une même cause toutes les classes de la roture. Les commissaires délégués par la ville et l'Université de Paris ont fait ce qu'aux états généraux firent les députés du corps entier de la bourgeoisie ; ils se sont occupés de la population des campagnes, ils ont pris à son égard des mesures qui témoignent à la fois de leur sympathie pour elle et des progrès survenus dans son état depuis la fin du XIIe siècle.

Depuis lors, en effet, l'affranchissement collectif des paysans par villages et par seigneuries avait toujours gagné en fréquence et en étendue. Une sorte d'émulation se déclarait sur ce point entre les propriétaires des serfs, et le mobile en était double. D'une part, le sentiment du droit naturel s'ajoutant au sentiment chrétien ; de l'autre, l'intérêt personnel plus éclairé conseillaient la même chose, et parfois le style des chartes présentait l'alliance bizarre de ces deux motifs d'action[21]. Parmi les villages affranchis en foule dans le XIIIe et le XIVe siècle, beaucoup prirent de nouveaux noms exprimant leur état de liberté civile, et tous ou presque tous obtinrent une forme plus ou moins complète de régime municipal. Ce régime, en s'appliquant aux campagnes, y propagea le nom de Commune, qui servait à le désigner dans les villes du centre et du nord, et de là vint le mouvement de déviation qui a fait perdre à ce mot son premier sens si restreint et si énergique[22]. Quelque grande qu'ail été, dans le cours des XIIIe et XIVe siècle, la multiplication des communes rurales, elle n'amena point pour les classes agricoles cette unité d'état civil qui existait pour la bourgeoisie d'un bout à l'autre du royaume ; la condition des paysans, résultat de transactions de tout genre sur les droits réels ou personnels, resta inégale suivant les lieux et diversifiée à l'infini.

Et pourtant, cette masse d'affranchis encore attachés au domaine par quelque lien et tout au moins soumis à la juridiction seigneuriale, cette population qui ne relevait point immédiatement de la puissance publique pouvait déjà compter parmi les forces vives de la nation ; elle était comme un corps de réserve imbu de l'esprit patriotique, et capable d'un élan spontané de vigueur et de dévouement. C'est ce qu'on vit, lorsque la défaite d'Azincourt, plus funeste que celle de Poitiers, eut amené pour la France une série de revers, où la noblesse, la bourgeoisie, la royauté elle-même, ne surent que reculer pas à pas jusqu'à la honte d'un traité qui léguait la couronne et livrait le pays à un prince étranger[23]. Paris, dans un accès de faiblesse et d'égarement, avait ouvert ses portes et fêté le triomphe des Anglais ; le royaume était conquis jusqu'à la Loire, où Orléans, dernier boulevard des provinces encore libres, soutenait contre l'armée d'invasion une lutte désespérée, qui semblait être le dernier souffle de l'énergie nationale. On sait quel secours presque miraculeux vint alors à cette ville et au royaume, ce que fut Jeanne d'Arc, ce qu'elle fit, et comment, par elle et à son exemple, une émotion de pitié et de colère, l'amour de la commune patrie, la volonté de s'unir tous et de tout souffrir pour la sauver, remonta des derniers rangs populaires dans les hautes classes de la nation.

Dulong et pénible travail de la délivrance nationale sortit un règne dont les principaux conseillers furent des bourgeois, et le petit-fils de Charles V reprit et développa les traditions d'ordre, de régularité, d'unité, qu'avait créées le sage gouvernement de son aïeul. Charles VII, roi faible et indolent par nature, occupe une grande place dans notre histoire, moins par ce qu'il fit de lui-même que par ce qui se fit sous son nom ; son mérite fut d'accepter l'influence et de suivre la direction des esprits les mieux inspirés en courage et en raison. Des âmes et des intelligences d'élite vinrent à lui et travaillèrent pour lui, dans la guerre avec toutes les forces de l'instinct patriotique, dans la paix avec toutes les lumières de l'opinion nationale. Un fait déjà remarqué et très-digne de l'être, c'est que cette opinion eut pour représentants et le roi pour ministres des hommes sortis des classes moyennes de la société d'alors, la petite noblesse et la haute bourgeoisie. Au-dessus de tous leurs noms dominent les noms roturiers de Jacques Cœur et de Jean Bureau, l'un formé à la science de l'homme d'État par la pratique du commerce, l'autre qui cessa d'être homme de robe pour devenir, sans préparation, grand maitre de l'artillerie, et faire le premier, de cette arme encore nouvelle, un emploi habile et méthodique[24].

L'esprit de réforme et de progrès qui, en 1413, avait brillé un instant et n'avait pu rien fonder, parce qu'un parti extrême en était l'organe, reparut, et modela sur un plan nouveau toute l'administration du royaume, les finances, l'armée, la justice et la police générale[25]. Les ordonnances rendues sur ces différents points eurent leur plein effet, et elles se distinguent, non comme les précédentes par une ampleur un peu confuse, mais par quelque chose de précis, de net, d'impérieux, signe d'un talent pratique et d'une volonté sûre d'elle-même parce qu'elle a le pouvoir. La question de l'impôt permanent et des taxes mises sans l'octroi des états fit alors un pas décisif ; après quelques alternatives, elle fut tranchée par la nécessité, et, à ce prix, le royaume eut pour la première fois des forces régulières. Les milices des villes, organisées jadis hors de la dépendance et de l'action de la royauté, vinrent se fondre dans une armée royale et en même temps nationale. Il y eut, pour la partie privilégiée du tiers état, diminution de droits politiques ; mais la forme de la monarchie moderne, de ce gouvernement destiné dans l'avenir à être à la fois un et libre, était trouvée ; ses institutions fondamentales existaient ; il ne s'agissait plus que de le maintenir, de l'étendre et de l'enraciner dans les mœurs.

Le règne de Charles VII fut une époque d'élan national ; ce qu'il produisit de grand et de nouveau ne venait pas de l'action personnelle du prince, mais d'une sorte d'inspiration publique d'où sortirent alors en toutes choses le mouvement, les idées, le conseil. De semblables moments sont toujours beaux, mais leur propre est de durer peu ; l'effort commun ne se soutient pas, la fatigue et le désaccord surviennent, et bientôt la réaction commence. Les mêmes forces qui avaient fondé le nouvel ordre administratif n'auraient pas su le maintenir intact ; elles étaient collectives, et comme telles, trop sujettes à varier ; l'œuvre de plusieurs avait besoin, pour ne pas déchoir, d'être remise aux mains d'un seul. Ce seul homme, cette personnalité jalouse, active, opiniâtre, se rencontra dans Louis XI. S'il y a dans l'histoire des personnages qui paraissent marqués du sceau d'une mission providentielle, le fils de Charles VII fut un de ceux-là ; il semble qu'il ait eu comme roi la conviction d'un devoir supérieur pour lui à tous les devoirs humains, d'un but où il devait marcher sans relâche, sans qu'il eût le temps de choisir la voie. Lui qui avait levé contre son père le drapeau des résistances aristocratiques, il se fit le gardien et le fauteur de tout ce que l'aristocratie baissait ; il y appliqua toutes les forces de son être, tout ce qu'il y avait en lui d'intelligence et de passion, de vertus et de vices. Son règne fut un combat de chaque jour pour la cause de l'unité de pouvoir et la cause du nivellement social, combat soutenu à la manière des sauvages, par l'astuce et par la cruauté, sans courtoisie et sans merci. De là vient le mélange d'intérêt et de répugnance qu'excite en nous ce caractère si étrangement original. Le despote Louis XI n'est pas de la race des tyrans égoïstes, mais de celle des novateurs impitoyables ; avant nos révolutions, il était impossible de le bien comprendre. La condamnation qu'il mérite et dont il restera chargé, c'est le blâme que la conscience humaine inflige à la mémoire de ceux qui ont cru que tous les moyens sont bons pour imposer aux faits le joug des idées.

Ce roi qui affectait d'être roturier par le ton, l'habit, les manières, qui s'entretenait familièrement avec toutes sortes de personnes, et voulait tout connaitre, tout voir, tout faire par lui-même, a des traits de physionomie qu'on ne rencontre au même degré que dans les dictatures démocratiques[26]. En lui apparut, à sa plus haute puissance, l'esprit des classes roturières ; il eut comme un pressentiment de notre civilisation moderne, il en devina toutes les tendances, et aspira vers elle sans s'inquiéter du possible, sans se demander si le temps était venu. Aussi, dans le jugement qu'on porte sur lui, doit-on regarder à la fois ce qu'il fit et ce qu'il voulut faire, ses œuvres et ses projets. Il songeait à établir dans tout le royaume l'unité de coutume, de poids et de mesures ; sur ce point et sur d'autres, il se proposait d'imiter l'admirable régime civil des républiques italiennes.

L'industrie, enfermée dans les corporations qui l'avaient fait renaître après la renaissance des villes, était toute municipale ; il entreprit de la faire nationale ; il convoqua des négociants à son grand conseil, pour aviser avec eux aux moyens d'étendre et de faire prospérer le commerce ; il ouvrit de nouveaux marchés et provoqua la fondation de nouvelles manufactures ; il s'occupa des routes, des canaux, de la marine marchande, de l'exploitation des mines ; il attira par des privilèges les entrepreneurs de travaux et les artisans étrangers, et, en même temps, il tint sur pied des armées quatre fois plus nombreuses que par le passé, fit des armements maritimes, recula et fortifia les frontières, porta la puissance du royaume à un degré inouï jusqu'alors[27]. Mais ces germes de prospérité ne devaient fructifier que dans l'avenir ; le présent était lourd et sombre ; les impôts croissaient sans mesure ; le prince qui semait pour le peuple et se faisait peuple fut impopulaire. Il fit beaucoup souffrir et souffrit beaucoup lui-même dans sa vie de travaux, de ruses, de craintes, d'expédients, de soucis continuels[28]. La bourgeoisie, dont les privilèges municipaux étaient la seule chose ancienne qu'il ménagea, lui fut fidèle sans l'aimer. Ses grandes vues, ses pensées de bien public, les nouveautés qu'il méditait ne touchèrent que le petit nombre de ceux qui les apprirent de sa bouche et qui étaient capables de les juger. L'opinion du temps n'a rien aperçu de ces choses, mais en revanche elle a saisi au vif dans Louis XI le portrait de l'homme extérieur, cette figure railleuse et sinistre que la tradition conserve, et impose encore à l'histoire.

 

 

 



[1] Ce partage du royaume en deux régions administratives dura jusqu'au XVIe siècle ; leur limite commune était marquée de l'ouest à l'est par la Gironde, la Dordogne et les frontières méridionales de l'Auvergne et du Lyonnais. Quoique cette division répondit en général à celle des dialectes romans du nord et du midi et à celle de l'ancienne France en deux zones juridiques, il y avait, sous chacun de ces rapports, au moins une exception, car l'Auvergne était pays de taupe méridionale, et le Lyonnais pays de droit écrit.

[2] De ces aides du royaume de France dont les erres gens sont tant travaillés et grevés, usez-en en vostre conscience et les ôtez au plus tôt que vous pourrez ; car ce sont choses, quoique je les aie soutenues, qui moult me grèvent et poisent en couraige. (Paroles de Charles V mourant, Chron. de Froissart, liv. II, chap. XXX.)

[3] Cependant les princes et ducs cognoissans la pauvreté du domaine et qu'il ne pouvoir suffire aux choses urgentes et nécessaires, assemblèrent une partie des phis notables de Paris ; et furent assez contents qu'ou mist douze deniers pour livre. Et fut à Paris et à Rouen crié et à Amiens ; mais le peuple tout d'une volonté le contredirent, et ne fut rien levé ne exigé. (Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Nouvelle collection de Mémoires pour servir à l'Histoire de France, t. II, p. 343.) — Lesquelles démonstrances ils prenaient en grande impatience, et réputaient tous ceux qui en parloient ennemis de la chose publique, en concluant qu'ils garderaient les libertez du peuple jusques à l'exposition de leurs biens, et prindrent armures et habille-mens de guerre, firent dixeniers, cinquanteniers, quarteniers, mirent chaisnes par la ville, firent faire guet et garde aux portes. Et ces choses se faisaient presque par toutes les villes de ce royaume, et à ce faire commencèrent ceux de Paris. (Ibid., p. 348.)

[4] Avons quietié, remis et annuité, et par ces présentes quietons, remettons et annulions et mettons du tout au néant tous aides et subsides quelxconques qui, pour le fait desdictes guerres, ont esté imposez, cuilliz et levez depuis rostre prédécesseur le roy Philippe, que Dieu absoille, jusques aujourd'hui. (Ordonn. du 16 nov. 1380, Rec. des ordonn. des rois de France, t. VI, p. 537.)

[5] ... Et tantost par toute la ville le menu peuple s'esmeut... Ils sceurent que en l'hostel de Ville avoit des harnois, ils y allèrent et rompirent les huis où estoient les choses pour la défense de la ville, prindrent les harnois et grande foison de maillets de plomb et s'en allèrent par la ville, et tous ceux qu'ils trouvoient fermiers des aydes ou qui en estoient soupçonnez tuoient et nettoient à mort bien cruellement. (Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 348.) — Chron. du religieux de Saint-Denis, édit. de M. Bellaguet, t. I, p. 130.

[6] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. I, p. 132. — Et en ladite ville (Courtray) furent trouvées lettres que ceux de la ville de Paris avaient escrit aux Flamens très mauvaises et séditieuses. (Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires. etc., t. II, p. 356.) — Pareillement à Reims, à Chalons en Champagne et sur la rivière de Marne, les vilains se rébelloient et menaeoient jà les gentilshommes et darnes et enfants... aussi bien à Orléans, à Blois, à Rouen, eu Normandie et en Beauvoisis leur étoit le diable entré eu la tète pour tout occire. (Chron. de Froissart, liv. II, ch. CLXXXVIII.)

[7] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. Ier, p. 230 et suiv. — Ordonn. du 27 janvier 1383 [1382, vieux style] ; Rec. des Ordonn. des rois de France, t. IV, p. 683.

[8] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. Ier, p. 240 et suivantes. — Chron. de Froissart, liv. II, ch. CCV. — Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 357 et suivantes.

[9] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 606. — L'empeschement et main mise... par nous mis es dicte prevosté des marchans, eschevinage, clergie, maison de la ville, parlouër aux bourgois, jurisdicion, cohercion, privilèges, rentes, revenues et droiz appartenans d'ancienneté à ycelle prévosté des mosellans, eschevinage et clergie de nostre dicte bonne ville de Paris, avons levé et osté, levons et ostons à plain, de nostre certaine science et propre mouvement. (Ordonn. de Charles VI, du 20 janvier 1412 [1411, vieux style] ; Rec. des Ordonn., t. IX, p. 668.)

[10] Et pour vrai, il faisait en ce temps (1411-1412) très périlleux en icelle ville pour nobles hommes de quelque partie qu'ils fussent, parce que le peuple et commun dessusdit avaient grand'partie de la domination dedans icelle (Chron. d'Enguerrand de Monstrelet, édit. Buchon, Panthéon littéraire, p. 202.) — A la fin d'avril et au commencement de may (1413), se mirent sus plus fort que devant meschantes gens, trippiers, bouchers et escorchenrs, pelletiers, cousturiers et autres pauvres gens de bas estat, qui faisaient de très inhumaines détestables et déshonnestes besongnes. (Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 481). — Et estait pitié de voir et sçavoir ce que faisoient lesdictcs meschantes gens, lesquels on nommait Cabochiens, à cause d'un escorcheur de bectes, nommé Caboche, qui estait l'un des principaux capitaines desdites meschantes gens. (Ibid.) — Ils allaient par Paris par tourbes et délaissaient leurs mestiers. Et ainsi, puisqu'ils ne gagnoient rien, il falloit qu'ils pillassent et desrobassent, et aussi le faisoient de leur auctorité pure et privée. (Ibid., p. 482.) — On prenoit gens ausquels on imposoit avoir fait quelque chose dont il n'estoit rien, et falloit qu'ils composassent fusa droit fust tort à argent qu'il falloit qu'ils baillassent. (Ibid., p. 483.) — Et s'ils ne prestoient promptement, on les envoyoit en diverses prisons, et mettoit-on sergens en leurs maisons, jusques à ce qu'ils eussent payé ce qu'on leur demandoit. (Ibid., p. 484.)

[11] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 8.

[12] Registres du parlement, cités par M. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, 5e édit., t. III, p. 299.

[13] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 738. — Ibid., p. 750, 766 et 768.

[14] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 4. — Ceux du conseil des dessusdits firent chercher et quérir ès chambres des comptes et du trésor et au Chastenet toutes les ordonnances royaux anciennes. (Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 483.)

[15] Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 8 et suivantes.

[16] Rec. des Ordonn. der rois de France, t. X, p. 70 et suivantes. — Ibid., t. X, p. 170. — Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 50 et suivantes.

[17] Ordonn. de Charles VI du 25 mai 1413, art. 202, 174, 190, 166, 154, 179, 229 à 234, 235, 236, 238, 241, 244, Rec. des Ordonn., t. X, p. 70 et suivantes. — L'ordonnance est divisée en dix chapitres généraux qui traitent successivement du domaine, des monnaies, des aides, des trésoriers des guerres, de la chambre des comptes, du parlement, de la justice, de la chancellerie, des eaux et forêts et enfin des gens d'armes. Au préambule se trouvent les paroles suivantes : Savoir faisons que nous... afin que doresenavant lesdicts abus et inconvéniens cessent de tout en tout, et que tous les fais de la chose publique de nostre dit royaume, tant au regard de toutes nozdictes finances et de nostredicte justice comme autrement, soient remis en bon estat, et deuement gouvernez au bien de nous et de nostredict peuple...

[18] Histoire de France par M. Michelet, t. IV, p. 241.

[19] Lettre des prévost des marchands, eschevins, bourgeois, mamans et habilitas de la ville de Paris aux maires, eschevins, bourgeois, mamans et habitans de la ville de Noyon (3 mai 1413). Archives de l'hôtel de ville de Noyon. — Selon toute probabilité, cette lettre était une circulaire.

[20] Histoire de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 485 et suivantes. — Et aussi cassa, annula, abolit, révoqua et du tout meit à néant et comme nulles déclara certaines escritures qui par manière d'ordonnances avoient naguères esté faictes par aucuns commissaires, tant chevaliers qu'escuiers, confesseurs et aumosnier du roy et deux des conseillers de céans, au pourchas d'aucuns de l'Université et de la ville de Paris, et lesquelles, par grande impression tant de gens d'armes de cette ville qu'autrement, avoient esté publiées en may dernier. (Extrait des registres du parlement, Rec. des Ordonn. des rois de France, t. X, p. 140, note.) — Ordonnance du 5 septembre 1413, ibid., p. 170.

[21] Je, considérons et regardans être piteuse chose et convenable de ramener en liberté et franchise les hommes et femmes qui de leur première création furent créez et formez francs par le creator don monde ; considérans aussin en ceste partie le lirait évident de moy et de mes hoirs... (Charte donnée aux habitants du village de Perrusses par Guy, sire de Clermont, 1383, Rec. des Ordonn. des rois de France, t. VII, p. 32 ) — Lesquelles personnes, en aient demourer hors de nostre dicte terre en certains lieux, se affranchissent sans notre congié... et pour hayne d'icelle servitude, plusieurs personnes délaissent à demourer en nostre dicte terre, et par ce est et demeure icelle terre en grand partie non cultivée, non labourée et en rien, pourquoy nostre dicte terre est grandement moins valable... (Charte donnée aux habitants de Concy par Enguerrand, sire de Concy, 1368, Rec. des Ordonn. des rois de France, t. V, p. 154). — Considérons... les courtoisies, bontés et aggréables services que li dit habitan et leur ancesseur ont fait, ou temps passé, à nous et à nos prédécesseurs, pour l'amendement dudit territoire, et en récompensacion des choses dessus dictes, pour le remède des âmes de nous et de nos ancesseurs, et pour la somme de... que nous avons eue et reçue des habitant de nostre dicte justice de Joigny... (Charte donnée aux habitants de Joigny par Jehans, comte de Joigny, 1324, ibid., p. 379).

[22] Voyez plus haut, chapitre premier.

[23] Le traité de Troyes, conclu en 1420 avec Henri V, roi d'Angleterre.

[24] Les deux grandes ordonnances de 1443 et de 1454 qui fondèrent sur des principes rationnels et des règles fixes la comptabilité du trésor sont attribuées à Jacques Cœur. — Deux frères Bureau siégeaient dans le conseil de Charles VII ; ses autres conseillers bourgeois furent Jean Jouvenel ou Juvénal, Guillaume Cousinot, Jean Rabateau, Étienne Chevalier et Jean Leboursier.

[25] Voyez l'ordonnance du 2 novembre 1439 pour la réformation de l'état militaire, celle du 25 septembre 1443 sur le gouvernement des finances, telle du 10 février 1444 sur le même sujet, celle du 19 juin 1415 sur la juridiction des élus, celle du 26 novembre 1447 sur la comptabilité du trésor, celle du 28 avril 1448 sur les francs archers, celle du 17 avril 1453 pour la réformation de la justice, celles du 21 janvier et du 3 avril 14à9 sur la reddition des comptes et l'assiette des tailles, celle du 18 septembre 1460 sur la procédure devant les conseillers des aides et celle du mois de décembre 1460 sur la juridiction de la chambre des comptes. Recueil des Ordonn. des rois de France, t. XIII, p. 306 ; ibid., p. 372 ; ibid., p. 414 ; ibid., p. 428 ; ibid., p. 516 ; t. XIV, p. 1 ; ibid., p. 284 ; ibid., p. 482 et p.484 ; ibid., p.496 ; ibid., p.510.

[26] Entre tous ceulx que j'ay jamais congneuz, le plus saige pour soy tirer d'ung mauvais pas en temps d'adversité, c'estoit le n'y Louis XI, nostre maigre, le plus humble en paroles et en habita, naturellement amy des gens de moyen eget et ennemy de tous Brans qui se pavaient passer de lui. Nul homme ne preste jamais tant l'oreille aux gens, ny ne s'enquist de tant de choses comme il faisoit. (Mém. de Philippe de Commynes, édit. de mademoiselle Dupont, t. I, p. 83 et 84.) — De mamies menues choses de son royaulme il se mesloit et d'assez dont il se fast bien passé ; mais sa complexion estoit telle, et ainsi vivoit. (Ibid., t. II, p. 273.)

[27] Aussi désiroit fort que en ce royaulme l'on usast d'une coustume, d'un poiz et d'une mesure, et que toutes ces coustumes fussent mises en françois dans ung beau livre. (Mém. de Philippe de Commynes, t. II, p. 209.) — Vous sçavez bien le désir que j'ai de donner ordre au fait de la justice et de la police du royaume, et, pour ce faire, il est besoin d'avoir la manière et les coutumes des autres pays ; je vous prie que sous envoyez quérir devers vous le petit Fleurentin pour sçavoir les coutumes de Fleurence et de Venise, et le faites jurer de tenir la chose secrette, afin qu'il vous le die mieux et qu'il le mette bien par écrit. (Lettre au sieur Dubouchage, Hist. de Louis XI par Duclos, t. III. p. 449.) — Voyez l'ordonn. du mois de septembre 1171 sur les mines, et celle du mois d'avril 1483 sur le même objet, Rec. des Ordonn. des rois de France, t. XVII, p. 446 ; et t. XIX, p. 105. — Les ordonnances de Louis XI sont remarquables par une grande vigueur de rédaction ; il est probable qu'il les dicta lui-même. — Mais ung bien avoit en lui nostre bon maistre : il ne mettoit rien en trésor, il prenait tout et despendoit tout. Il feit de grans édiffices à la fortification et deffense des villes et places de son royaulme, et plus que tous les aultres roys qui out esté devant luy. (Mém. de Philippe de Commynes, t. II, p. 144.)

[28] Davantaige il sçavoit n'estre point aymé de grans personnaiges de son royaulme, ne de beaucoup de menuz et si avoit plus chargé le peuple que jamais roy ne feit, combien qu'il eust bon vouloir de les descharger, comme j'uy dict ailleurs. (Mém. de Philippe de Commynes, t. II, p. 244.) — Je croy que, si tous les bons jours qu'il a eux en sa vie, esquels il a eu plus de joye et de plaisir que de travail et d'ennuy, estoient bien nombrés, qu'il s'y en trouverait bien vingt de peine et de travail contre ung de plaisir et d'ayse. (Ibid., p. 477.)