HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE L'ANGLETERRE PAR LES NORMANDS

TOME PREMIER

 

LIVRE SEPTIÈME.

 

 

Depuis la mort de Guillaume le Conquérant jusqu'à la dernière conspiration générale des Anglais contre les Normands.

1087-1137

 

Durant son séjour en Normandie, dans les premiers mois de l'année 1087, le roi Guillaume s'occupa de terminer avec Philippe Ier, roi de France, une ancienne contestation. A la faveur des troubles qui suivirent la mort du duc Robert, le comté de Vexin, situé entre l'Epte et l'Oise, avait été démembré de la Normandie et réuni à la France. Guillaume se flattait de recouvrer sans guerre cette portion de son héritage ; et, en attendant l'issue des négociations, il prenait du repos à Rouen ; il gardait même le lit, d'après le conseil de ses médecins, qui tâchaient de réduire par une diète rigoureuse son excessif embonpoint. Croyant avoir peu de chose à craindre d'un homme absorbé dans de pareils soins, Philippe ne faisait aux réclamations du Normand que des réponses évasives ; et, de son côté, celui-ci semblait prendre le retard en patience[1]. Mais un jour le roi de France s'avisa de dire en plaisantant avec ses amis : Sur ma foi, le roi d'Angleterre est long à faire ses couches ; il y aura grande fête aux relevailles. Ce propos, rapporté à Guillaume, le piqua au point de lui faire tout oublier pour la vengeance. Il jura par ses plus grands serments, par la splendeur et la naissance de Dieu, d'aller faire ses relevailles à Notre-Dame de Paris, avec dix mille lances en  guise de cierges[2].

En effet, reprenant tout à coup son activité, il assembla ses troupes, et, au mois de juillet, il entra en France par le territoire dont il revendiquait la possession. Les blés étaient encore dans les champs, et les arbres se chargeaient de fruits. Il ordonna que tout fût dévasté sur son passage, fit fouler les moissons par la cavalerie, arracher les vignes et couper les arbres fruitiers[3]. La première ville qu'il rencontra fut Mantes-sur-Seine ; on y mit le feu par son ordre, et lui-même, dans une espèce de rage destructive, se porta au milieu de l'incendie pour jouir de ce spectacle et encourager ses soldats.

Comme il galopait à travers les décombres, son cheval mit les deux pieds sur des charbons recouverts de cendre, s'abattit, et le blessa au ventre. L'agitation qu'il s'était donnée en courant et en criant, la chaleur du feu et de la saison rendirent sa blessure dangereuse[4] ; on le transporta malade à Rouen, et de là, dans un monastère hors des murs de la ville, dont il ne pouvait supporter le bruit[5]. Il languit durant six semaines, entouré de médecins et de prêtres, et son mal s'aggravant de plus en plus, il envoya de l'argent à Mantes pour rebâtir les églises qu'il avait incendiées ; il en envoya aussi aux couvents et aux pauvres de l'Angleterre, pour obtenir, dit un vieux poète anglais, le pardon des vols qu'il avait commis[6]. Il ordonna qu'on mit en liberté les Saxons et les Normands qu'il retenait dans ses prisons. Parmi les premiers étaient Morkar, Siward Beorn, et Wulfnoth, frère du roi Harold, l'un de ces deux otages pour la délivrance desquels Harold fit son fatal voyage[7]. Les Normands étaient Roger, ci-devant comte de Hereford, et Eudes, évêque de Bayeux, frère maternel du roi Guillaume.

Guillaume, surnommé le Roux, et Henri, les deux plus jeunes fils du roi, ne quittaient point le chevet de son lit, attendant avec impatience qu'il dictât ses dernières volontés. Robert, l'aîné des trois, était absent depuis sa dernière querelle avec son père. C'était à lui que Guillaume, du consentement des chefs de Normandie, avait légué autrefois son titre de duc ; et, malgré la malédiction qu'il avait prononcée depuis contre Robert, il ne chercha point à le déshériter de ce titre que le vœu des Normands lui avait destiné[8]. Quant au royaume d'Angleterre, dit-il, je ne le lègue en héritage à personne, parce que je ne l'ai point reçu en héritage, mais acquis par la force et au prix du sang ; je le remets entre les mains de Dieu, me bornant à souhaiter que mon fils Guillaume, qui m'a été soumis en toutes choses, l'obtienne, s'il plaît à Dieu, et y prospère. — Et moi, mon père, que me donnes-tu donc ? lui dit vivement Henri, le plus jeune des fils. — Je te donne, répondit le roi, 5.000 livres d'argent de mon trésor. — Mais que ferai-je de cet argent, si je n'ai ni terre ni demeure ?Sois tranquille, mon fils, et aie confiance en Dieu ; souffre que tes aînés te précèdent ; ton temps viendra après le leur[9]. Henri se retira aussitôt pour aller recevoir les 5.000 livres ; il les fit peser avec soin, et se procura un coffre-fort bien ferré et muni de bonnes serrures[10]. Guillaume le Roux partit en même temps pour se rendre en Angleterre, et s'y faire couronner roi.

Le 10 septembre, au lever du soleil, le roi Guillaume fut éveillé par un bruit de cloches, et demanda ce que c'était ; on lui répondit que l'office de prime sonnait à l'église de Sainte-Marie. Il leva les mains en disant : Je me recommande à madame Marie, la sainte mère de Dieu ; et presque aussitôt il expira[11]. Ses médecins et les autres assistants, qui avaient passé la nuit auprès de lui, le voyant mort, montèrent en hâte à cheval et coururent veiller sur leurs biens[12]. Les gens de service et les vassaux de moindre étage, après la fuite de leurs supérieurs, enlevèrent les armes, la vaisselle, les vêtements, le linge, tout le mobilier, et s'enfuirent de même, laissant le cadavre presque nu sur le plancher[13]. Le corps du roi demeura ainsi abandonné pendant plusieurs heures[14] ; car dans toute la ville de Rouen les hommes étaient devenus comme ivres, non pas de douleur, mais de crainte de l'avenir ; ils étaient, dit un vieil historien, aussi troublés que s'ils eussent vu une armée ennemie devant les portes de leur ville[15]. Chacun sortait et courait au hasard, demandant conseil à sa femme, à ses amis, au premier venu ; on transportait, on cachait tous ses meubles, ou l'on cherchait à les vendre à perte[16].

Enfin des gens de religion, clercs et moines, ayant repris leurs sens et recueilli leurs forces, arrangèrent une procession[17]. Revêtus des habits de leur ordre, avec la croix, les cierges et les encensoirs, ils vinrent auprès du cadavre et prièrent pour l'âme du défunt[18]. L'archevêque de Rouen, nommé Guillaume, ordonna que le corps du roi fût transporté à Caen, et enseveli dans la basilique de Saint-Étienne, premier martyr, qu'il avait bâtie de son vivant. Mais ses fils, ses frères, tous ses parents s'étaient éloignés, aucun de ses officiers n'était présent ; pas un seul ne s'offrit pour avoir soin de ses obsèques[19], et ce fut un simple gentilhomme de la campagne, nommé Herluin, qui, par bon naturel et pour l'amour de Dieu, disent les historiens du temps, prit sur lui la peine et la dépense[20]. Il fit venir à ses frais des ensevelisseurs et un chariot, transporta le cadavre jusqu'au bord de la Seine, et de là sur une barque, par la rivière et par mer, jusqu'à la ville de Caen[21]. Gilbert, abbé de Saint-Étienne, avec tous ses religieux, vint à la rencontre du corps ; beaucoup de clercs et de laïques se joignirent à eux ; mais un incendie qui éclata subitement fit bientôt rompre le cortège, et courir au feu clercs et laïques[22]. Les moines de Saint-Étienne restèrent seuls, et conduisirent le roi à l'église de leur couvent.

L'inhumation du grand chef, du fameux baron, comme disent les historiens de l'époque[23], ne s'acheva point sans de nouveaux incidents. Tous les évêques et abbés de la Normandie s'étaient rassemblés pour la cérémonie ; ils avaient fait préparer la fosse dans l'église, entre le chœur et l'autel ; la messe était achevée ; on allait descendre le corps, lorsqu'un homme, sortant du milieu de, la foule, dit à haute voix : Clercs, évêques, ce terrain est à moi ; c'était l'emplacement de la maison de mon père ; l'homme pour lequel vous priez me l'a pris de force pour y bâtir son église[24]. Je n'ai point vendu ma terre, je ne l'ai point engagée, je ne l'ai point forfaite, je ne l'ai point donnée ; elle est de mon droit, je la réclame[25]. Au nom de Dieu, je défends que le corps du ravisseur y soit placé, et qu'on le couvre de ma glèbe[26]. L'homme qui parlait ainsi se nommait Asselin, fils d'Arthur, et tous les assistants confirmèrent la vérité de ce qu'il avait dit. Les évêques le firent approcher, et, d'accord avec lui, payèrent soixante sous pour le lieu seul de la sépulture, s'engageant à le dédommager équitablement pour le reste du terrain[27]. Le corps du roi était sans cercueil, revêtu de ses habits royaux ; lorsqu'on voulut le placer dans la fosse, qui avait été bâtie en maçonnerie, elle se trouva trop étroite ; il fallut forcer le cadavre et il creva[28]. On brûla de l'encens et des parfums en abondance ; mais ce fut inutilement ; le peuple se dispersa avec dégoût, et les prêtres eux-mêmes, précipitant la cérémonie, désertèrent bientôt l'église[29].

Guillaume le Roux, en chemin pour l'Angleterre, avait appris la mort de son père au port de Wissant, près de Calais. Il se hâta d'arriver à Winchester, lieu de dépôt du trésor royal, et gagnant par des promesses Guillaume de Pont-de-l'Arche, gardien du trésor, il en reçut les clefs[30]. Il le fit inventorier et peser avec soin, et y trouva 60.000 livres d'argent fin avec beaucoup d'or et de pierres précieuses[31]. Ensuite il fit assembler tous ceux des hauts barons normands qui se trouvaient en Angleterre, leur annonça la mort du Conquérant, fut choisi roi par eux, et sacré par l'archevêque Lanfranc dans la cathédrale de Winchester, pendant que les seigneurs restés en Normandie tenaient conseil sur la succession[32]. Beaucoup d'entre eux souhaitaient que les deux pays n'eussent qu'un seul et même gouvernement ; ils voulaient donner la royauté au duc Robert, qui était revenu d'exil ; mais l'activité de Guillaume, les prévint.

Son premier acte d'autorité royale fut d'emprisonner de nouveau les Saxons Wulfnoth, Morkar et Siward Beorn, que son père avait rendus à la liberté[33] ; puis il tira du trésor une grande quantité d'or et d'argent qu'il fit remettre à Othon l'orfèvre, avec ordre d'en fabriquer des ornements pour la tombe de celui qu'il avait abandonné à son lit de mort[34]. Le nom de l'orfèvre Othon mérite d'être placé dans cette histoire, parce que le registre territorial de la conquête le cite comme un des grands propriétaires nouvellement créés[35]. Peut-être avait-il été le banquier de l'invasion, et avait-il avancé une partie des frais sur hypothèque de terres anglaises ; on peut le croire, car les orfèvres, au moyen âge, étaient en même temps banquiers ; peut-être avait-il fait simplement des spéculations commerciales sur les domaines acquis par la lance et l'épée, et donné aux gens d'armes errants, espèce d'hommes commune dans ce siècle, de l'or en échange de leurs terres.

Une sorte de concours littéraire s'ouvrit alors entre les versificateurs latins d'Angleterre et de Normandie pour l'épitaphe qui devait être gravée sur le tombeau du roi défunt, et ce fut Thomas, l'archevêque d'York, qui en remporta l'honneur[36]. Plusieurs pièces de vers et de prose' à la louange du Conquérant nous ont été conservées, et, parmi les éloges que lui donnèrent les clercs et les littérateurs du siècle, il y en a d'assez bizarres : Nation anglaise, s'écrie l'un d'entre eux, pourquoi as-tu troublé le repos de ce prince ami de la vertu ?[37]Ô Angleterre, dit un autre, tu l'aurais chéri, tu l'aurais estimé au plus haut degré, sans ta folie et ta malice[38]. — Son règne fut pacifique, dit un troisième, et son âme bienfaisante[39]. Il ne nous reste rien des épitaphes que lui fit de vive voix le peuple vaincu, à moins qu'on ne regarde comme un exemple des exclamations populaires qu'excita sa mort ces vers d'un poète anglais du treizième siècle : Les jours du roi Guillaume furent des jours de souffrance, et beaucoup d'hommes trouvèrent sa vie trop longue[40].

Cependant, les barons anglo-normands qui n'avaient point concouru à l'élection de Guillaume le Roux repassèrent la mer, courroucés contre lui de ce qu'il était devenu roi sans leur aveu ; ils résolurent de le déposer, et de mettre à sa place son frère acné Robert, duc de Normandie[41]. A la tête de ce parti figuraient Eudes de Bayeux, frère du Conquérant, nouvellement sorti de prison, et beaucoup de riches Normands ou Français de l'Angleterre, comme s'exprime la chronique saxonne[42]. Le roi Roux — car c'est ainsi que les histoires du temps le nomment[43] —, voyant que ses compatriotes conspiraient contre lui, appela à son aide les hommes de race anglaise, les engageant à le soutenir par l'espoir d'un peu de soulagement[44]. Il convoqua au près de lui plusieurs de ceux que le souvenir de leur puissance passée faisait encore regarder par la nation anglo-saxonne comme ses chefs naturels ; il leur promit les meilleures lois qu'ils voulussent choisir, les meilleures qui eussent jamais été observées dans le pays[45] ; il leur rendit le droit de porter des armes, et la jouissance des forêts ; il arrêta la levée des tailles et de tous les tributs odieux ; mais tout cela ne dura guère, disent les annales contemporaines[46].

Pour ces concessions de quelques jours, et peut-être aussi par un désir secret d'en venir aux mains avec des Normands[47], les chefs saxons consentirent à défendre la cause du roi, et firent publier en leur nom et au sien l'ancienne proclamation de guerre, celle qui faisait lever autrefois tout Anglais en état de porter les armes : Que celui qui n'est pas un homme de rien, soit dans les villes, soit hors des villes, quitte sa maison et vienne 4[48]. Trente mille Saxons se rendirent au lieu assigné, reçurent des armes et s'enrôlèrent sous la bannière du roi[49]. Ils étaient presque tous fantassins ; Guillaume les conduisit en grande hâte avec sa cavalerie, composée de Normands, vers la ville maritime de Rochester, où s'étaient fortifiés l'évêque Eudes et les autres chefs des opposants, attendant l'arrivée du duc Robert pour marcher sur Canterbury et sur Londres[50].

Il paraît que les Saxons de l'armée royale montrèrent une grande ardeur au siège de Rochester. Les assiégés, pressés vivement, demandèrent bientôt à capituler, sous la condition de reconnaître .Guillaume pour roi et de garder sous lui leurs terres et leurs honneurs[51]. Guillaume refusa d'abord ; mais les Normands de son armée ne portant pas le même zèle que les. Saxons dans cette guerre qui était pour eux une guerre civile, et ne se souciant point de réduire aux dernières extrémités leurs concitoyens et leurs parents, trouvèrent le roi trop acharné contre les défenseurs de Rochester[52]. Ils essayèrent de l'apaiser : Nous qui t'avons assisté dans le danger, lui disaient-ils, nous te prions d'épargner nos compatriotes, nos parents, qui sont aussi les tiens, et qui ont aidé ton père à conquérir l'Angleterre[53]. Le roi se laissa fléchir, et accorda enfin aux assiégés la libre sortie de la ville avec leurs armes et leurs chevaux. L'évêque Eudes essaya d'obtenir, en outre, que la musique militaire du roi ne jouât pas en signe de victoire à la sortie de la garnison[54] ; mais Guillaume refusa avec colère, et dit tout haut qu'il ne ferait pas cette concession pour mille marcs d'or[55]. Les Normands du parti de Robert quittèrent la ville qu'ils n'avaient pu défendre, les enseignes basses, au son des trompettes du roi. Dans ce moment, de grandes clameurs partirent du milieu des Anglais de l'armée royale[56] : Qu'on apporte des cordes, criaient-ils, nous voulons pendre ce traître d'évêque avec tous ses complices. Ô roi ! pourquoi le laisses-tu ainsi se retirer sain et sauf ? Il n'est pas digne de vivre, le fourbe, le meurtrier de tant de milliers d'hommes[57].

C'est au bruit de ces imprécations que sortit d'Angleterre, pour n'y jamais rentrer, le prélat qui avait béni l'armée normande à la bataille de Hastings. La guerre entre les Normands dura quelque temps encore ; mais cette querelle de 'famille s'apaisa peu à peu, et finit par un traité entre les deux partis et les deux frères. Les domaines que les amis de Robert avaient perdus en Angleterre, pour avoir embrassé sa cause, leur furent restitués, et Robert lui-même fit l'abandon de ses prétentions à la royauté pour des propriétés territoriales[58]. Il fut convenu entre les deux partis que le roi, s'il survivait au duc, aurait le duché de Normandie, et que, dans le cas contraire, le duc aurait le royaume d'Angleterre : douze hommes du Côté du roi et douze du côté du duc confirmèrent ce traité par serment[59]. Ainsi se terminèrent et la guerre civile des Normands et l'alliance que cette guerre avait occasionnée entre les Anglais et le roi. Les concessions que ce dernier avait faites furent toutes révoquées, ses promesses démenties, et les Saxons redescendirent à leur rang de sujets et d'opprimés[60].

Près de la ville de Canterbury était un ancien couvent, fondé en l'honneur du missionnaire Augustin, qui convertit les Saxons et les Angles. Là se conservaient, à un plus haut degré que dans les maisons religieuses de moindre importance, l'esprit national et le souvenir de l'ancienne liberté. Les Normands s'en aperçurent, et de bonne heure ils tentèrent de détruire cet esprit par des humiliations réitérées. Le primat Lanfranc commença par abolir l'antique privilège des moines de Saint-Augustin, qui consistait à n'être justiciables que de leur propre abbé pour la discipline ecclésiastique[61]. Quoique cet abbé fût alors un Normand, et, comme tel, peu suspect d'indulgence envers les hommes de l'autre race, Lanfranc lui enleva la surveillance de ses moines pour se l'attribuer à lui-même[62] ; il défendit, en outre, de sonner les cloches du monastère avant que l'office eût été sonné à l'église épiscopale, sans respect, dit l'historien, pour cette maxime des saintes Écritures : Où est l'esprit de Dieu, là est la liberté[63]. Les moines saxons murmurèrent d'être soumis à cette gène ; et, pour montrer leur mécontentement, ils célébrèrent les offices tard, avec négligence, et en commettant à plaisir des irrégularités volontaires, comme de renverser les croix et de faire la procession nu-pieds contre le cours du soleil[64]. On nous fait violence, disaient-ils, au mépris des canons de l'Église ; eh bien ! nous violerons les canons dans le service de l'église[65]. Ils prièrent le Normand, leur abbé, de transmettre de leur part une réclamation au pape ; mais l'abbé, pour toute réponse, les punit comme rebelles, et ferma le cloître pour qu'aucun d'eux ne pût sortir[66].

Cet homme, qui sacrifiait de si bonne grâce, par haine des Saxons, son indépendance personnelle, mourut en l'année 1088 ; et alors l'archevêque Lanfranc se transporta au monastère, menant avec lui un moine de Normandie, appelé Guy, très-aimé du roi[67]. Il somma les religieux de Saint-Augustin, au nom de l'autorité royale, de recevoir et d'installer sur-le-champ ce nouvel abbé ; mais tous répondirent qu'ils n'en feraient rien[68]. Lanfranc, irrité de cette résistance, ordonna que ceux qui refusaient d'obéir sortissent à l'instant du couvent. Ils sortirent presque tous, et le Normand fut installé en leur absence, avec les cérémonies d'usage[69]. Ensuite le prieur du monastère, appelé Elfwin, et plusieurs autres moines, tous Saxons de naissance, furent saisis et emprisonnés[70]. Ceux qui étaient sortis au commandement de l'archevêque se tenaient assis à terre sous les murs du château de Canterbury. On vint leur dire qu'il leur était accordé un délai de quelques heures pour rentrer au couvent, mais .que, passé ce terme, ils seraient regardés et traités comme vagabonds[71]. Ils restèrent quelque temps indécis ; mais l'heure du repas arriva, ils souffraient de la faim : plusieurs se repentirent alors, et envoyèrent â l'archevêque Lanfranc pour lui promettre obéissance. On leur fit jurer, sur les reliques de saint Augustin, de tenir fidèlement cette promesse ; ceux qui refusèrent de prêter serment furent emprisonnés jusqu'à ce que l'ennui de la captivité les eût rendus plus dociles[72]. L'un d'eux, appelé Alfred, qui réussit à fuir, et que l'on trouva errant par les chemins, fut mis aux fers dans la maison épiscopale[73]. L'esprit de résistance s'apaisa durant quelques mois, et ensuite devint plus violent ; il y eut un complot tramé contre la vie du nouvel abbé de race étrangère[74]. L'un des conjurés, appelé Colomban, fut pris, conduit devant l'archevêque et interrogé sur son dessein de tuer le Normand : J'ai eu ce dessein, répondit le moine avec assurance, et je l'aurais exécuté[75]. Lanfranc ordonna qu'on l'attachât nu devant les portes du monastère, et qu'on le battît publiquement à coups de fouet[76].

Dans l'année, 1089, mourut le primat Lanfranc, et aussitôt les moines, délivrés de la terreur qu'il leur avait inspirée, entreprirent une troisième révolte, mais d'un caractère plus grave que les delà autres. Ils appelèrent à leur aide les habitants saxons de Canterbury, qui, embrassant cette cause comme une cause nationale, vinrent armés à la maison de l'abbé de Saint-Augustin et en firent l'attaque[77]. Les gens de l'abbé résistèrent, et il y eut de part et d'autre beaucoup d'hommes tués et blessés. Guy s'échappa à grand'peine des mains de ses adversaires, et courut s'enfermer dans l'église métropolitaine[78]. Au bruit de cette aventure, les Normands Gaucelme, évêque de Winchester, et Gondolphe, évêque de Rochester, vinrent en grande ii te à Canterbury, où de nombreux détachements de troupes furent envoyés par ordre du roi[79]. Le couvent de Saint-Augustin fut occupé militairement ; on instruisit le procès des moines, qui se virent condamnés en masse à recevoir la discipline ; deux religieux étrangers, appelés Guy et Le Normand, la leur infligèrent à la discrétion des évêques[80] ; ensuite on les dispersa sur plusieurs points de l'Angleterre, et à leur place furent appelés d'outre-mer vingt-quatre moines et un prieur. Tous ceux des habitants de Canterbury que saisit la police normande furent condamnés à la perte des yeux[81].

Ces luttes, fruit de la haine et du désespoir des vaincus, se reproduisaient à la fois dans plusieurs églises d'Angleterre, et en général dans tous les lieux où des Saxons, réunis en corps, et non réduits au dernier degré d'esclavage, se trouvaient en présence de chefs ou de gouverneurs de race étrangère. Ces chefs, soit clercs, soit laïques, ne différaient que par l'habit ; sous la cotte de mailles ou sous la chape, c'était toujours le vainqueur insolent, dur, avare, traitant les vaincus comme des êtres d'une espèce inférieure à la sienne. Jean de La Villette, évêque de Wells, et ci-devant médecin à Tours, abattit les maisons des chanoines de son église pour se construire un palais avec leurs débris[82] ; Renouf Flambard, évêque de Lincoln, autrefois valet de pied chez les ducs de Normandie, commettait dans son diocèse de tels brigandages, que les habitants souhaitaient de mourir, dit un ancien historien, plutôt que de vivre sous sa puissance[83]. Les évêques normands marchaient à l'autel, comme les comtes à leurs revues de gens d'armes, entre deux haies de lances ; ils passaient le jour à jouer aux dés, à galoper et à boire[84]. L'un d'entre eux, dans un accès de gaieté, fit préparer à des moines saxons, dans la grande salle de leur couvent, un repas où il les força de manger des mets défendus par leur ordre, et servis par des femmes échevelées et à demi nues[85]. Ceux des Anglais qui, à cette à vue, voulurent se retirer, ou simplement détourner les yeux, furent maltraités et appelés hypocrites par le prélat normand et ses amis[86].

Contre de pareils adversaires, les débris du clergé anglo-saxon ne purent soutenir un long combat. Chaque jour l'âge et la persécution enlevaient quelqu'un des anciens religieux ou prêtres ; la résistance, d'abord énergique, &éteignait par degrés[87]. C'était d'ailleurs, pour tout couvent d'Angleterre, un titre à la haine et aux vexations des grands, que d'être encore peuplé en majorité d'hommes de race anglaise. C'est ce qu'éprouva, sous le règne de Guillaume le Roux, le monastère de Croyland, déjà si maltraité à l'époque de la conquête. Après un incendie qui avait consumé une partie de la maison, le comte normand de la province où elle était située, présumant que les chartes de l'abbaye avaient péri dans les flammes, somma les moines de comparaître dans sa cour de justice à Spalding, pour y représenter leurs titres[88]. Au jour fixé, ils envoyèrent un des leurs, nommé Trig, qui vint apportant d'anciennes chartes en langue saxonne, confirmées par le Conquérant, dont le sceau y était suspendu. Le moine déploya ses parchemins devant le comte et ses officiers, qui se mirent à rire et à l'injurier, disant que ces écritures barbares et inintelligibles n'étaient d'aucune autorité[89]. Cependant la vue du sceau royal produisit quelque effet ; le vicomte normand, qui n'osa ni le briser, ni enlever 'publiquement des chartes qui en étaient munies, laissa partir le moine ; mais il envoya derrière lui ses valets armés de bâtons pour le surprendre dans la route et lui dérober ce qu'il portait. Trig n'échappa à leurs poursuites qu'en prenant un chemin détourné[90].

La paix qui régnait entre les conquérants de l'Angleterre fut encore une fois troublée, en l'année 1094, par la révolte de quelques chefs contre le roi. Une des causes de cette discorde était le droit exclusif sur les forêts de l'Angleterre, établi par Guillaume le Bâtard et maintenu rigoureusement par son fils[91]. A la tête des mécontents se trouvait Robert, fils de Roger de Molbray, comte de Northumberland, qui possédait deux cent quatre-vingts manoirs en Angleterre[92]. Robert manqua de se rendre à la cour du roi, dans l'un des jours fixés pour les conférences politiques des barons et chevaliers anglo-normands. Son absence donna des soupçons, et le roi fit publier que tout grand possesseur de terres qui ne se rendrait point à sa cour, aux fêtes prochaines de la Pentecôte, serait mis hors de la paix publique[93]. Robert de Molbray n'y vint pas, de crainte d'être saisi et emprisonné, et alors Guillaume fit marcher l'armée royale vers la province de Northumberland. Il assiégea et prit plusieurs châteaux ; il bloqua celui de Bamborough, où le comte Robert s'était retiré, mais il ne put s'en 1095 rendre maître. Après des efforts inutiles, le roi fit construire vis-à-vis de Bamborough un fort de bois qu'il appela dans son langage normand Malveisin, ou mauvais voisin, y laissa une garnison, et reprit sa route vers le sud[94]. Les gardiens de la nouvelle forteresse surprirent Robert dans une sortie, le blessèrent et le firent prisonnier. Il fut condamné à une prison perpétuelle, et ses complices furent bannis d'Angleterre.

Les biens de ces bannis, dans les villes et hors des villes, restèrent quelque temps sans maîtres et sans culture. Il parait que les favoris du roi les laissèrent en friche, après en avoir enlevé tout ce qui avait quelque valeur, se souciant peu d'une possession que son origine et l'incertitude des événements politiques rendaient trop précaire. De leur côté, les officiers royaux, pour que l'échiquier ne perdit rien de ses revenus, continuèrent de lever, sur la ville ou le canton dont les biens vacants dépendaient, la totalité de l'impôt territorial, et cette surcharge tomba spécialement sur les hommes de race anglaise[95]. Le peuple de Colchester, suivant un ancien récit, rendit de grandes actions de grâces à Eudes, fils d'Hubert, vicomte ou gouverneur de la ville, qui avait pris sous son nom les terres des Normands déshérités, et consenti â satisfaire, pour ces terres, aux demandes du fisc[96]. Si l'on en croit le même récit, le Normand Eudes se faisait aimer des habitants de Colchester par son administration équitable et modérée[97]. C'est le seul chef imposé aux Anglais par la puissance étrangère, dont l'histoire porte un semblable témoignage.

Cette exception à la loi de la conquête ne s'étendait guère au delà d'une seule ville ; partout ailleurs les choses suivaient leur cours, et les officiers royaux étaient pires que des voleurs, ce sont les paroles mêmes des chroniques ; ils pillaient sans miséricorde les greniers des laboureurs et les magasins des marchands[98]. A Oxford commandait Robert d'Ouilly, qui n'épargnait ni pauvres ni riches ; dans le nord Odineau d'Omfreville saisissait les biens des Anglais de son voisinage, afin de les contraindre à venir tailler et voiturer des pierres pour la construction de son château[99]. Près de Londres, le roi levait aussi par force des troupes d'hommes pour construire une nouvelle enceinte à la tour du Conquérant, un pont sur la Tamise, et à l'ouest de la cité un palais ou une cour d'audiences pour les assemblées de ses barons[100]. Les provinces auxquelles ces travaux échurent, dit une chronique saxonne[101], furent cruellement tourmentées ; chaque année qui s'écoulait était pesante et pleine de douleurs, à cause des vexations sans nombre et des tributs multipliés.

Des historiens moins laconiques nous ont transmis quelques détails sur ces douleurs et ces tourments que souffrait la nation subjuguée. Partout où le roi passait dans ses courses à travers l'Angleterre, ses gens et les soldats de sa suite avaient coutume de ravager le pays[102]. Lorsqu'ils ne pouvaient consommer en totalité les denrées de diverse nature qu'ils trouvaient dans les maisons des Anglais, ils les faisaient porter au marché voisin par le propriétaire et l'obligeaient de les vendre à leur profit. D'autres fois ils les brûlaient par passe- temps, ou, si c'était quelque boisson, ils en lavaient les pieds de leurs chevaux[103]. Les mauvais traitements qu'ils se permettaient contre les pères de famille, leurs outrages envers les femmes et les filles, ajoute le narrateur contemporain, feraient honte à raconter ; aussi, au premier bruit de l'approche du roi, chacun s'enfuyait de sa demeure, et se retirait, avec tout ce qu'il pouvait sauver, au fond des forêts ou dans les lieux déserts[104].

Cinquante Saxons qui, par des hasards heureux, et peut-être par un peu de lâcheté politique, étaient parvenus à conserver quelques débris de leur ancienne fortune[105], furent accusés, soit faussement, soit avec raison, d'avoir chassé dans les forêts royales, et d'avoir tué, pris et mangé des cerfs : tels étaient les termes de l'accusation criminelle intentée contre eux[106]. Ils nièrent, et les juges normands leur infligèrent l'épreuve du fer rouge, que les anciennes lois anglaises n'ordonnaient que du consentement et à la demande de l'accusé. Au jour fixé, dit un témoin oculaire, tous subirent cette sentence sans miséricorde. C'était chose pitoyable à voir ; mais Dieu, en préservant leurs mains de toute brûlure, montra clairement leur innocence et la malice de leurs persécuteurs[107]. Quand on vint rapporter au roi Guillaume qu'après trois jours les mains des accusés avaient paru intactes : Qu'est-ce que cela fait ? répondit-il ; Dieu n'est pas bon juge de ces choses ; c'est moi que de telles affaires regardent, et qui dois juger celle-ci[108]. L'historien garde le silence sur ce nouveau jugement et sur le sort des malheureux Anglais, qu'aucune fraude pieuse ne devait plus sauver.

Les Saxons, poursuivis par Guillaume le Roux pour les transgressions aux lois de chasse, encore plus vivement que par son père, n'avaient d'autre vengeance que de l'appeler, par dérision, gardien de bois et berger de bêtes fauves, et de répandre des contes sinistres sur ces forêts, où nul homme de race anglaise ne pouvait entrer armé sans péril de mort. On disait que le diable, sous des formes horribles, y apparaissait aux Normands, et leur parlait du sort épouvantable qu'il réservait au roi et à ses conseillers[109]. Cette superstition populaire fut accréditée par le singulier hasard qui rendit fatale à la race du Conquérant la chasse dans les forêts de l'Angleterre, et surtout dans la forêt Neuve. En l'année 1081, Richard, fils aîné de Guillaume le Bâtard, s'y était blessé mortellement ; dans le mois de mai de l'année 1100, Richard, fils du duc Robert et neveu du roi Guillaume le Roux, y fut tué d'un coup de flèche tiré par imprudence[110] ; et, chose bizarre, ce roi y périt aussi de la même mort, dans le mois de juillet de la même année.

Le matin de son dernier jour, il fit un grand repas[111] avec ses amis dans le château de Winchester, et se prépara ensuite à la chasse projetée. Pendant qu'il nouait sa chaussure, en badinant avec ses convives, un ouvrier lui présenta six flèches neuves ; il les examina, en loua le travail, en prit quatre pour lui, et donna les deux autres à Gaultier Tirel, en disant : Il faut de bonnes armes à qui tire de bons coups[112]. Gaultier Tirel était un Français qui avait de riches possessions dans le pays de Poix et dans le Ponthieu ; c'était l'ami le plus familier du roi et son compagnon assidu[113]. Au moment du départ, entra un moine du couvent de Saint-Pierre, à Glocester, qui remit à Guillaume des dépêches de son abbé. Cet abbé, Normand de naissance, et appelé Serlon, mandait avec inquiétude qu'un de ses religieux — probablement de race anglaise — avait eu dans son sommeil une vision de mauvais augure ; qu'il avait vu Jésus-Christ assis sur un trône, et à ses pieds une femme qui le suppliait, en disant : Sauveur du monde, regarde en pitié ton peuple, gémissant sous le joug de Guillaume ![114] En entendant ce message, le roi rit aux éclats : Est-ce qu'ils me prennent pour un Anglais, dit-il, avec leurs songes ? Me croient-ils un de ces fous qui abandonnent leur chemin ou leurs affaires parce qu'une vieille rêve ou éternue ? Allons, Gaultier de Poix, à cheval ![115]

Henri, frère du roi, Guillaume de Breteuil, et plusieurs autres seigneurs, l'accompagnèrent à la forêt : les chasseurs se dispersèrent ; mais Gaultier Tirel resta auprès de lui, et leurs chiens chassèrent ensemble[116], Tous deux se tenaient à leur poste, vis-à-vis l'un de l'autre, la flèche sur l'arbalète et le doigt sur la détente[117], lorsqu'un grand cerf, traqué par les batteurs, s'avança entre le roi et son ami. Guillaume tira ; mais, la corde de son arbalète se brisant, la flèche ne partit pas, et le cerf, étonné du bruit, s'arrêta, regardant de tous côtés[118]. Le roi fit signe à son compagnon de tirer ; mais celui-ci n'en fit rien, soit qu'il ne vit pas le cerf, soit qu'il ne comprit pas les signes. Alors Guillaume impatienté cria tout haut : Tire, Gaultier, tire donc, de par le diable ![119] Et au même instant une flèche, soit celle de Gaultier, soit une autre, vint le frapper dans la poitrine ; il tomba sans prononcer un mot, et expira. Gaultier Tirel courut à lui ; mais, le trouvant sans haleine, il remonta à cheval, galopa vers la côte, passa en Normandie, et de là sur les terres de France.

Au premier bruit de la mort du roi, tous ceux qui assistaient à la chasse quittèrent en hâte la forêt pour courir à leurs affaires son frère Henri se dirigea vers Winchester et vers le trésor royal[120] ; et le cadavre de Guillaume le Roux resta par terre, abandonné comme autrefois celui du Conquérant. Des charbonniers, qui le trouvèrent traversé de la flèche, le mirent sur leur voiture, enveloppé de vieux linges à travers lesquels le sang dégoutta sur toute la route[121]. C'est ainsi que les restes du second roi normand s'acheminèrent vers le château de Winchester, où Henri était déjà arrivé et demandait impérieusement les clefs du trésor royal. Pendant que les gardiens hésitaient, Guillaume de Breteuil, venant de la forêt Neuve, accourut, hors d'haleine, pour s'opposer à cette demande : Toi et moi, dit-il à Henri, nous devons nous souvenir loyalement de la foi que nous avons promise au duc Robert, ton frère : il a reçu notre serment d'hommage ; absent comme présent, il y a droit[122]. Une querelle violente s'engagea ; Henri mit l'épée à la main ; et bientôt, avec l'aide, de la foule qui s'assemblait, il s'empara du trésor et des ornements royaux.

Il était vrai, en effet, qu'aux termes du traité de paix conclu entre Guillaume et le duc Robert, et juré par tous les barons anglo-normands, la royauté était dévolue au duc ; mais il se trouvait alors loin de l'Angleterre et de la Normandie. Les exhortations du pape Urbain II à tous les chrétiens, pour les engager à reconquérir la terre sainte, avaient agi vivement sur son esprit aventureux. Il était parti, des premiers, dans cette grande levée en masse, faite, aux cris de DIEU LE VEUT ! en l'année 1096 ; et, trois ans après, il avait atteint le .but de son pèlerinage par la prise de Jérusalem. Lorsque arriva la mort de son frère Guillaume, Robert était en route pour la Normandie ; mais ne se doutant point de ce que le retard devait lui faire perdre, il s'arrêta longtemps, par amour pour une femme, à la cour d'un des seigneurs normands établis en Italie. Pris ainsi au dépourvu et manquant de chef, ses partisans ne purent tenir contre ceux de Henri. Ce dernier, maître du trésor, vint à Londres, où les principaux d'entre les Normands se réunirent ; et, trois jours après la mort de son frère, il fut élu roi par eux et couronné solennellement[123]. Les prélats le favorisèrent, parce qu'il les aimait beaucoup, eux et la littérature du temps, ce qui lui faisait donner, en langue normande, le surnom de Clerc ou de Beau-Clerc[124]. On dit même que les Saxons le préféraient à son compétiteur, parce qu'il était né et avait été élevé en Angleterre[125]. Il promit à son couronnement d'observer les bonnes lois du roi Edward ; mais il déclara qu'il voulait conserver, comme son père, la jouissance exclusive des forêts[126].

Le roi Henri, premier du nom, n'avait dans le caractère ni les mêmes défauts, ni les mêmes qualités que son frère ainé Robert. Autant celui-ci était léger, fantasque, et en même temps généreux et loyal, autant l'autre avait d'aptitude aux affaires et de penchant à la dissimulation. Malgré la facilité de son avènement au trône, il jugea prudent de ne point s'endormir sur la foi de ceux qui l'avaient élu. La fidélité des Anglo-Normands lui était suspecte ; il résolut de se créer en Angleterre une force indépendante de la leur, et d'exciter à son profit le patriotisme des Saxons. Il tendit la main à ces pauvres vaincus, qu'on flattait au jour du péril, et que le lendemain on écrasait ; il convoqua les principaux d'entre eux, et leur tint le discours suivant :

Mes amis et féaux, natifs de ce pays, où je suis né, vous savez que mon frère en veut à mon royaume. C'est un homme orgueilleux, et qui ne peut vivre en repos ; il vous méprise manifestement, vous traite de lâches et de gloutons, et ne désire que vous fouler aux pieds. Mais moi, comme un roi doux et pacifique, je me propose de vous maintenir dans vos anciennes libertés, et de vous gouverner d'après vos propres conseils, avec modération et sagesses. J'en ferai, si vous le demandez, un écrit signé de ma main, et je le confirmerai par serment. Tenez donc ferme pour moi ; car si la bravoure des Anglais me seconde, je ne crains plus les folles menaces des Normands[127].

L'écrit promis par le roi aux Anglais, ou, pour parler le langage du siècle, sa charte royale, fut en effet dressé. On en fit autant de copies qu'il y avait de comtés normands en Angleterre, et, pour qu'elle parût plus solennelle, on y appliqua un sceau neuf, fabriqué pour cet usage[128]. Les exemplaires furent déposés dans la principale église de chaque Province : mais ils n'y restèrent pas longtemps : tous furent enlevés quand le roi se rétracta, et, selon l'expression d'un ancien historien, faussa impudemment sa parole[129]. Il n'en resta que trois copies qui par hasard échappèrent : une à Canterbury, une à York, et l'autre à Saint-Alban.

La même politique qui fit faire à Henri Ier cette démarche auprès des Anglais lui en inspira une autre plus décisive : c'était de prendre pour épouse une femme de race anglo-saxonne. Il y avait alors en Angleterre une fille orpheline de Malcolm, roi d'Écosse, et de Marguerite, sœur du roi Edgar. Elle se nommait Edithe, et elle avait été élevée à l'abbaye de Rumsey, dans la province de Hants, sous la tutelle d'une autre sœur d'Edgar, appelée Christine, qui, après s'être réfugiée en Écosse avec son frère, avait pris le voile de religieuse en l'année 1086[130]. Comme fille de roi, plusieurs des hauts barons normands avaient recherché en mariage la nièce d'Edgar : elle fut demandée au roi Guillaume le Roux par Alain le Breton, seigneur du château de Richemont, dans la province d'York ; mais Alain mourut avant que le roi lui eût octroyé la jeune fille[131]. Guillaume de Garenne, comte de Surrey, la désira ensuite ; mais le mariage n'eut pas lieu, on ne sait par quel empêchement[132]. Ce fut elle que les plus habiles conseillers du roi Henri lui proposèrent comme épouse, afin de gagner, par ce moyen, l'appui de toute la race anglo-saxonne contre Robert et ses partisans.

De leur côté, beaucoup d'Anglais concevaient l'espoir frivole de voir revenir les anciens temps saxons lorsque la petite-fille des rois saxons porterait la couronne. Ceux qui avaient quelques relations avec la famille d'Edithe se rendirent auprès d'elle, et la prièrent avec instance de ne point se refuser à ce mariage[133]. Elle montra beaucoup de répugnance, on ne sait précisément par quel motif ; mais les solliciteurs ne se rebutèrent point, et l'obsédèrent tellement, dit un ancien auteur, qu'elle céda pas lassitude et à contre-cœur[134]. Noble et gracieuse femme, lui disaient-ils, si tu voulais, tu retirerais du néant l'antique honneur de l'Angleterre ; tu serais un signe d'alliance, un gage de récon6iliation ; mais si tu t'obstines dans ton refus, la haine sera éternelle entre les deux. races, et le sang ne cessera point de couler[135].

Dès que la nièce d'Edgar eut accordé son consentement, on la fit changer de nom, et, au lieu, d'Edithe, on l'appela Mathilde, ce qui sonnait mieux à, l'oreille des Normands[136]. Cette précaution d'ailleurs n'était pas la seule nécessaire ; car il s'éleva un grand parti contre le mariage ; il se composait principalement des amis secrets du duc Robert, auxquels se joignirent beaucoup de gens qui, par orgueil national, trouvaient indigne qu'une femme saxonne devint la reine des conquérants de l'Angleterre. Leur malveillance suscita des obstacles imprévus ; ils prétendirent que Mathilde, élevée depuis son enfance dans un monastère, avait été vouée à Dieu par ses parents : le bruit courut qu'on l'avait vue publiquement porter le voile ; et ce bruit fit suspendre la célébration du mariage, à la grande joie de ceux qui y étaient contraires[137].

Il y avait alors à la place de Lanfranc, dans l'archevêché de Canterbury, un moine du Bec, nommé Anselme, homme de science et de vertu, dont les écrivains du temps rendent cet honorable témoignage que les Anglais indigènes l'aimaient comme s'il eût été l'un d'entre eux[138]. Anselme était venu par hasard en Angleterre, sous le règne du premier Guillaume, dans le temps où Lanfranc, voulant détruire la réputation des saints de race anglaise, attaquait avec acharnement la sainteté de l'archevêque Elfeg, assassiné jadis par les Danois[139]. Tout préoccupé de son projet, le primat entretint le moine normand de l'histoire du Saxon Elfeg, et de ce qu'il appelait son prétendu martyre. Pour moi, lui répondit Anselme, je crois cet homme martyr et vraiment martyr ; car il aima mieux mourir que de faire tort à son pays. Il est mort pour la justice, comme Jean pour la vérité, et tous deux pareillement pour le Christ, qui est la vérité et la justice[140].

Devenu à son tour primat, sous Guillaume le Roux, Anselme persista dans l'esprit d'équité qui lui avait inspiré cette réponse, et dans sa bienveillance pour les Anglais. Il fut l'un des plus zélés partisans du mariage que souhaitaient ceux-ci ; mais quand il vint à apprendre les bruits qui se répandaient sur le compte de la nièce d'Edgar, il déclara que rien ne saurait le déterminer à enlever à Dieu celle qui était son épouse, pour l'unir à un époux charnel[141]. Désirant pourtant s'assurer de la vérité, il interrogea Mathilde, et elle nia qu'elle eût jamais été vouée à Dieu, elle nia même qu'elle eût jamais porté le voile de son plein gré, et offrit d'en donner la preuve devant tous les prélats d'Angleterre : Je dois confesser, dit-elle, que quelquefois j'ai paru voilée ; mais en voici la raison : dans ma première jeunesse, quand j'étais sous la tutelle de Christine, ma tante, pour me garantir, à ce qu'elle disait, contre le libertinage des Normands, qui en voulaient à l'honneur de toutes les femmes, elle avait coutume de placer sur ma tête un morceau d'étoffe noire, et quand je refusais de m'en couvrir, elle me traitait fort durement. En sa présence, je portais ce morceau d'étoffe ; mais dès qu'elle s'était éloignée, je le jetais à terre, et marchais dessus avec une colère d'enfant[142].

Anselme ne voulut point prononcer seul sur cette grande difficulté, et convoqua une assemblée d'évêques, d'abbés, de religieux et de seigneurs laïques, dans la ville de Rochester. Des témoins cités devant ce concile confirmèrent la vérité des paroles de la jeune fille. Deux archidiacres normands, Guillaume et Humbault, furent envoyés au monastère où Mathilde avait été élevée, et déposèrent que la voix publique, ainsi que le témoignage des sœurs, était d'accord avec sa déclaration[143]. Au moment où l'assemblée allait délibérer, l'archevêque Anselme se retira pour n'être point suspect d'exercer la moindre influence ; et, quand il revint, celui qui portait la parole au nom de tous énonça en ces termes la décision commune : Nous pensons que la jeune fille est libre, et peut disposer de son corps, nous autorisant du jugement rendu, dans une semblable cause, par le vénérable Lanfranc, au temps où les femmes saxonnes, réfugiées dans les monastères par crainte des soldats du grand Guillaume, réclamèrent leur liberté[144].

L'archevêque Anselme répondit qu'il adhérait pleinement à cette décision, et peu de jours après il célébra le mariage du roi normand et de la nièce du dernier roi de race anglaise ; mais avant de prononcer la bénédiction nuptiale, voulant dissiper tous les soupçons et désarmer la malveillance, il monta sur une estrade devant la porte de l'église, et exposa au peuple assemblé tout le débat et la décision des évêques. Ces faits sont racontés par un témoin oculaire, par Edmer, Saxon de naissance et moine de Canterbury.

Toutes ces précautions ne purent vaincre ce que l'historien Edmer appelle la malice de cœur de certains hommes[145], c'est-à-dire la répugnance de beaucoup de Normands contre la mésalliance de leur roi. Ils s'égayèrent sur le compte des nouveaux époux, les appelant Godrik et Godive, et employant ces noms de la langue saxonne comme des sobriquets de dérision[146]. Henri le savait et l'entendait, dit un ancien chroniqueur, mais il affectait d'en rire aux éclats, cachant adroitement son dépit[147]. Lorsque le duc Robert eut débarqué en Normandie, l'irritation des mécontents prit un caractère plus grave ; beaucoup de seigneurs anglo-normands passèrent la mer pour aller soutenir les droits du frère dépossédé, ou lui envoyèrent des messages. Ils l'invitaient à presser son débarquement en Angleterre, et l'assuraient de leur fidélité, selon le pacte conclu autrefois avec Guillaume le Roux[148]. En effet, à l'arrivée de Robert, son armée se grossit rapidement d'un grand nombre de barons et de chevaliers ; mais les évêques, les simples hommes d'armes et les Anglais de naissance demeurèrent dans le parti du roi[149]. Les derniers surtout, suivant leur vieil instinct de haine nationale, désiraient ardemment que les deux factions en vinssent aux mains. Il n'y eut point de combat au débarquement, parce que Robert aborda sur la côte de Hants, pendant que son frère l'attendait sur celle de Sussex. Il fallait quelques jours aux deux armées pour arriver à la rencontre l'une de l'autre ; les moins fougueux parmi les Normands des deux partis, profitant de l'intervalle, s'entremirent et apaisèrent cette querelle de parents et de compatriotes[150]. Il fut décidé que Robert renoncerait encore une fois à ses prétentions sur le royaume d'Angleterre, pour une pension annuelle de deux mille livres d'argent, et que les confiscations faites par le roi sur les amis du duc, et par le duc sur les amis du roi, seraient gratuitement restituées[151].

Ce traité priva les Anglais de l'occasion de satisfaire impunément leur aversion nationale contre leurs vainqueurs, et de tuer des Normands à l'abri d'une bannière normande. Mais, peu de temps après, cette occasion s'offrit de nouveau et fut avidement saisie. Robert de Belesme, l'un des comtes les plus puissants en Normandie et en Angleterre, fut cité à l'assemblée générale tenue dans le palais du roi, pour répondre sur quarante-cinq chefs d'accusation[152]. Robert comparut, et demanda, suivant l'usage, la faculté d'aller librement prendre conseil avec ses amis sur ses moyens de défense[153] ; mais, une fois hors de l'assemblée, il monta vite à cheval et gagna l'un de ses châteaux forts. Le roi et les seigneurs, qui attendirent vainement sa réponse, le déclarèrent ennemi public, à moins qu'il ne revint se présenter à la prochaine cour[154]. Mais Robert de Belesme, se préparant à la guerre, garnit de munitions et d'armes ses châteaux d'Arundel et de Tickehill, ainsi que la citadelle de Shrewsbury qu'il avait en garde. Il fortifia de même Bridgenorth, sur la frontière du pays de Galles[155] ; et c'est vers ce dernier point que l'armée royale se mit en marche pour l'atteindre.

Il y avait trois semaines que le roi Henri assiégeait Bridgenorth, quand les comtes et les barons normands entreprirent de faire cesser la guerre, et de réconcilier Robert de Belesme avec ce roi. Car ils pensaient, dit un vieil historien, que la victoire du roi sur le comte Robert lui donnerait le moyen de les contraindre tous à plier sous sa volonté[156]. Ils vinrent en grand nombre trouver Henri, et lui demandèrent une conférence, ou, comme on s'exprimait alors en langue française, un parlement pour traiter de la paix. L'assemblée se tint dans une plaine auprès du camp royal[157]. Il y avait sur le coteau voisin un corps de trois mille Anglais, qui, sachant ce dont il était question dans la conférence des chefs normands, s'agitaient beaucoup, et criaient : Ô roi Henri, ne les crois pas, ils veulent te tendre un piège ; nous sommes là, nous t'assisterons et livrerons l'assaut pour toi ; ne fais point de paix avec le traître, que tu ne le tiennes vif ou mort[158]. Pour cette fois, les Normands ne réussirent point dans leur tentative de conciliation ; le siège de Bridgenorth fut poussé- vivement, et la forteresse prise ; celle de Shrewsbury le fut ensuite, et Robert de Belesme, réduit à capituler, fut déshérité et banni[159].

La vanité des Anglais de race enrôlés sous la bannière royale pouvait être flattée de leurs succès militaires contre les Normands insurgés, mais la nation entière n'en retirait aucun soulagement ; et, si elle se vengeait de quelques-uns de ses ennemis, c'était au profit d'un autre ennemi. Quoique le roi eût épousé une femme saxonne, et malgré le sobriquet saxon que lui donnaient les chefs normands, il était Normand dans le cœur. Son ministre favori, le comte de Meulan, se faisait remarquer, entre tous les autres dignitaires étrangers, par sa haine contre les indigènes[160]. Il est vrai que la voix populaire surnommait Mathilde la bonne reine ; elle conseillait, disait-on, au roi, d'aimer le peuple ; mais les faits ne révèlent aucune trace de ces conseils ni de son influence[161]. Voici comment la chronique saxonne du monastère de Peterborough prélude au récit des événements qui suivirent le mariage si désiré de Henri et de la nièce d'Edgar : Ce n'est pas chose facile que de raconter toutes les misères dont le pays fut affligé, cette année, par les tributs injustes et sans cesse renouvelés. Partout où voyagea le roi, les gens de sa suite vexèrent le pauvre peuple, et commirent en plusieurs lieux des meurtres et des incendies[162]... Chaque année qui succède à l'autre dans la série chronologique est marquée par la répétition des mêmes plaintes, énoncées à peu près dans les mêmes termes, et cette monotonie donne une couleur plus sombre au récit... L'année 1105 fut grandement malheureuse, à cause de la perte des récoltes, et des tributs dont la levée ne cessa point[163]. L'année 1110 fut pleine de misères, à cause de la mauvaise saison, et des impôts que le roi exigea pour la dot de sa fille[164]... Cette fille, nommée Mathilde, comme sa mère, et qui avait alors cinq ans, fut mariée à Henri, cinquième du nom, empereur d'Allemagne. Tout cela, dit la chronique saxonne, coûta cher à la nation anglaise[165].

Ce qui lui coûta cher encore, ce fut une invasion que le roi Henri entreprit contre son frère, le duc de Normandie. Personnellement. Henri n'avait aucun motif pour rompre le premier la paix qui existait entre Robert et lui, depuis que ce dernier avait renoncé à toute prétention sur le royaume d'Angleterre. Il y avait peu de temps que le duc était venu visiter son frère comme un ami de cœur ; et même, en retour de l'hospitalité qu'il reçut alors, il avait fait don à sa belle-sœur Mathilde des deux mille livres de pension que le roi devait lui payer, aux termes de leur traité de paix[166]. Cet acte de courtoisie n'était pas le seul bon office que Henri eût éprouvé de la part de son frère aîné, l'homme le plus généreux et le moins politique de cette famille. Anciennement, lorsque Henri était encore sans terres et mécontent de sa condition, il avait essayé de s'emparer du mont Saint-Michel en Normandie[167] ; Robert et Guillaume le Roux l'y assiégèrent, et, le serrant de près, le réduisirent à manquer d'eau. L'assiégé fit prier ses frères de ne pas lui dénier la libre jouissance de ce qui appartient à tous les hommes, et Robert, sensible à cette plainte, ordonna à ses soldats de laisser ceux de Henri se pourvoir d'eau. Mais alors Guillaume le Roux s'emporta contre Robert : Vous faites preuve d'habileté en fait de guerre, lui dit-il, vous qui fournissez à boire à l'ennemi ; il ne manque plus que de lui donner aussi des vivres[168]. — Quoi ! répliqua vivement le duc, devais-je laisser un frère périr de soif ? et quel autre frère aurions-nous, si nous le perdions ?[169]

Le souvenir de ce service et de cette affection fraternelle s'évanouit du cœur de Henri aussitôt qu'il fut roi. Il chercha de toute façon à nuire à Robert, et à profiter même contre lui de ski caractère insouciant et facile jusqu'à l'imprudence. Cette disposition d'esprit rendait le duc de Normandie malhabile à gouverner ses affaires. Beaucoup d'abus et de désordres s'introduisaient dans son duché ; il y avait une foule de mécontents, et la légèreté naturelle à Robert l'empêchait de les apercevoir, ou sa douceur de les punir. Le roi Henri se prévalut avec art de ces circonstances pour s'entremettre dans les querelles des Normands avec leur duc, d'abord sous le personnage de conciliateur ; puis, quand les discordes recommencèrent, il leva le masque et se déclara protecteur de la Normandie contre le mauvais gouvernement de son frère[170]. Il somma Robert de lui céder la province en échange d'une somme d'argent. Tu as le titre de seigneur, lui mandait-il dans son message ; mais tu ne l'es plus réellement ; car ceux qui doivent t'obéir se moquent de toi[171]. Le duc, indigné de cette proposition, refusa d'y accéder ; et alors Henri Ier se mit à poursuivre à main armée la ruine de son frère[172].

Près de partir pour la Normandie, il ordonna en Angleterre une grande levée d'urgent, pour les frais de cette expédition ; et ses collecteurs de taxes usèrent de la plus cruelle violence envers les bourgeois et les paysans saxons[173]. Ils chassaient de leurs pauvres masures ceux qui n'avaient rien à donner ; ils en enlevaient les portes et les fenêtres, et prenaient jusqu'aux derniers meubles[174]. Contre ceux qui paraissaient posséder quelque chose on intentait des accusations imaginaires ; ils n'osaient se présenter en justice, et l'on confisquait leurs biens[175]. Beaucoup de personnes, dit un contemporain, ne trouveraient rien de nouveau dans ces griefs, sachant qu'ils existèrent durant tout le règne de Guillaume, frère du roi actuel, pour ne pas parler de ce qui se passa du temps de leur père. Mais, de nos jours, il y avait un motif pour que ces vexations, déjà anciennes, fussent encore plus dures et plus insupportables : c'est qu'elles s'adressaient à un peuple dépouillé de tout, entièrement ruiné, et contre lequel on s'irritait de ce qu'il n'avait plus rien à perdre[176]. Un autre écrivain de l'époque raconte que des troupes de laboureurs venaient au palais du roi ou sur son passage, et jetaient devant lui leurs socs de charrue, en signe de détresse, et comme pour déclarer qu'ils renonçaient à cultiver leur terre natale[177].

Le roi partit pour la Normandie, vainquit le duc Robert, et le fit prisonnier, avec ses amis les plus fidèles, dans une bataille livrée près du château de Tinchebray ; à trois lieues de Mortain. Un incident remarquable de cette victoire, c'est que le roi saxon Edgar se trouva parmi les prisonniers[178]. Après avoir renoncé à ses anciennes espérances pour son pays et pour lui-même, il était allé s'établir en Normandie, auprès du duc Robert, avec lequel il se lia d'affection, et qu'il accompagna même à la terre sainte[179]. Il fut ramené en Angleterre, et le roi, qui avait épousé sa nièce, lui accorda une pension modique, de laquelle il vécut, jusqu'à ses derniers jours, au fond d'une campagne, dans l'isolement et l'obscurité[180]. Le duc Robert éprouva, de la part de son frère, un traitement plus rigoureux : il fut envoyé sous bonne garde au château de Cardiff, bâti sur la côte méridionale du pays de Galles, vis-à-vis de celle de Glocester, dans un lieu récemment conquis sur les Gallois. Robert, séparé de l'Angleterre.par le cours de la Saverne, jouit d'abord d'une sorte de liberté ; il pouvait se promener dans la campagne et les forêts voisines ; mais un jour il tenta de s'évader, et saisit un cheval ; on le poursuivit, on le ramena en prison, et depuis lors il n'en sortit plus. Quelques historiens, mais du siècle suivant, assurent qu'il eut les yeux crevés par l'ordre de son frère[181].

Au moment de sa défaite, Robert avait un fils encore en bas âge, nommé Guillaume, dont le roi Henri tâcha de s'emparer, mais qui fut sauvé et conduit en France par le zèle d'un ami de son père[182]. Louis, roi des Français, adopta le jeune Guillaume et le fit élever dans son hôtel ; il lui donna chevaux et harnais, suivant la coutume du siècle, et feignant de s'intéresser à ses malheurs, se servit de lui pour causer de l'inquiétude au duc-roi son voisin, dont la puissance lui faisait ombrage. Au nom du fils de Robert, le roi de France forma une ligue dans laquelle entrèrent les Flamands et les Angevins. Le roi Henri fut attaqué sur tous les points de sa frontière de Normandie ; il perdit des villes et des châteaux, et, en même temps, les amis du duc Robert conspirèrent contre sa vie[183]. Durant plusieurs années, il ne dormit jamais sans avoir au chevet de son lit une épée et un bouclier[184]. Mais, quelque formidable que fût la confédération de ses ennemis extérieurs et intérieurs, elle ne prévalut point contre la puissance qu'il tirait de la Normandie unie à l'Angleterre.

Le jeune fils de Robert continua de. vivre aux gages du roi de France, comme son vassal, et à suivre ce roi dans ses guerres. Ils allèrent ensemble en Flandre, après une sédition où avait péri le duc des Flamands, Karle ou Charles, fils de Knut, roi des Danois, tué aussi dans une sédition[185]. Le roi de France entra en Flandre avec l'aveu des gens les plus considérables du pays, pour punir les meurtriers du dernier duc ; mais, sans cet aveu, en vertu de son droit de suzeraineté féodale (droit fort sujet à litige), il mit à la place du duc mort le jeune Guillaume, qu'il avait à cœur de rendre puissant pour l'opposer au roi Henri[186]. Il y eut peu de résistance contre ce duc impopulaire, tant que le roi de France et ses soldats demeurèrent en Flandre ; mais, après leur départ, une révolte universelle éclata contre le nouveau seigneur imposé par les étrangers[187]. La guerre commença avec des chances diverses entre les barons de Flandre et le fils de Robert. Les insurgés mirent à leur tête le comte d'Alsace, Thiedrik, de la même race qu'eux, et parent de leurs anciens ducs[188]. Ce candidat populaire attaqua l'élu du roi de France, qui, blessé au siège d'une ville, mourut peu de temps après. Thiedrik d'Alsace lui succéda, et le roi Louis se vit obligé, malgré ses prétentions hautaines, de reconnaître comme légitime duc des Flamands celui qu'ils avaient eux-mêmes choisi[189].

Au moment d'aller sur le continent soutenir la longue guerre que son neveu et le roi de France lui suscitèrent, Henri avait fait en Angleterre, du conseil de ses évêques et de ses barons, une grande promotion d'abbés et de prélats. Selon la chronique saxonne, il n'y eut jamais autant d'abbayes données en une seule fois que dans la quarante-unième année du règne des Français en Angleterre[190]. Dans ce siècle, où les communications journalières avec les gens d'église tenaient une si grande place dans la vie, un pareil événement, quoique à nos yeux peu mémorable, n'était point indifférent à la destinée de la population anglaise, hors des cloitres comme dans les cloitres. Parmi tous ces nouveaux pasteurs, dit le contemporain, Edmer, la plupart furent plutôt loups que pasteurs. Que telle n'ait pas été l'intention du roi, il faut le croire ; et pourtant cela serait plus croyable, s'il en eût pris au moins quelques-uns parmi les indigènes du pays. Mais si vous étiez Anglais, aucun degré de vertu ou de mérite ne pouvait vous mener au moindre emploi ; tandis que l'étranger de naissance était jugé digne de tout. Nous vivons dans de mauvais jours[191].

Parmi les nouveaux abbés qu'institua le roi Henri, en l'année 1107, on remarqua particulièrement un certain Henri de Poitou, qui passa en Angleterre parce que c'était un pays où les clercs faisaient fortune plus promptement qu'ailleurs, et vivaient avec moins de gène. Ce Poitevin obtint du roi l'abbaye de Peterborough, et il s'y comporta, dit la chronique contemporaine, comme le frelon dans la ruche, enlevant tout ce qu'il trouvait à prendre dans le couvent et hors du couvent, et faisant tout passer dans son pays[192]. Il était moine de Cluny, et avait promis au supérieur de cet ordre ; par serment sur la vraie croix, de lui procurer la propriété entière de l'abbaye de Peterborough, avec tous ses biens en terres et en meubles[193]. Au moment où le chroniqueur saxon écrivait ce récit, l'abbé avait fait au roi sa demande, et l'on n'attendait plus que la décision royale. Que Dieu ait pitié, s'écrie le Saxon, des moines de Peterborough et de cette malheureuse maison ! C'est bien aujourd'hui qu'ils ont besoin de l'assistance du Christ et de tout lé peuple chrétien[194]...

Ces souffrances, auxquelles il faut compatir, puisqu'elles furent éprouvées par des hommes, et que le gouvernement de l'étranger les rendait communes aux clercs et aux laïques, en fatiguant chaque jour l'esprit des Anglais, paraissent avoir augmenté en eux les dispositions superstitieuses de leur nation et de leur siècle. Il semble qu'ils aient trouvé quelque consolation à s'imaginer que Dieu révélait par des signes effrayants sa colère contre leurs oppresseurs. La chronique saxonne affirme que, dans le temps où l'abbé Henri le Poitevin fit son entrée à Peterborough, il apparut, la nuit, dans les forêts situées entre le couvent et la ville de Stamford, des chasseurs noirs, grands et difformes, menant des chiens noirs aux yeux hagards, montés sur des coursiers noirs, et poursuivant des biches noires : Des gens dignes de foi les ont vus, dit le narrateur, et durant quarante nuits consécutives on entendit le son de leurs cors[195]. A Lincoln, sur le tombeau de l'évêque normand Robert Bluet, homme fameux par ses débauches, des fantômes se montrèrent aussi durant plusieurs nuits[196]. On racontait des visions horribles qui, selon le bruit public, apparaissaient au roi Henri dans son sommeil, et le troublaient tellement, que, trois fois de suite, dans la même nuit, il s'était élancé hors du lit et avait saisi son épée[197]. C'est vers le même temps que se renouvelèrent les prétendus miracles du tombeau de Waltheof[198] ; ceux du roi Edward, dont la sainteté n'était point contestée par les Normands à cause de sa parenté avec Guillaume le Conquérant, occupaient aussi l'imagination des Anglais[199]. Mais ces vains récits du foyer, ces regrets superstitieux des hommes et des jours d'autrefois, ne donnaient au peuple ni soulagement pour le présent, ni espérance pour l'avenir.

Le fils du roi Henri et de Mathilde ne tenait rien de sa mère dans ses dispositions envers les Anglais. On l'entendait dire publiquement que si jamais il venait à régner sur ces misérables Saxons, il leur ferait tirer la charrue comme à des bœufs[200]. A l'âge où ce fils, nommé Guillaume, reçut en cérémonie ses premières armes, tous les barons normands l'agréèrent pour successeur du roi, et lui jurèrent d'avance fidélité. Quelque temps après il fut marié à la fille de Foulques, comte d'Anjou. Cette union détacha les Angevins de la confédération formée par le roi de France, qui lui-même renonça bientôt à la guerre, à condition que Guillaume, fils de Henri, se reconnaîtrait son vassal pour la Normandie, et lui en ferait hommage[201]. La paix se trouvant ainsi complètement rétablie, dans l'année 1120, au commencement de l'hiver, le roi Henri, son fils légitime Guillaume, plusieurs de ses enfants naturels et les seigneurs normands d'Angleterre se disposèrent à repasser le détroit[202].

La flotte fut rassemblée au mois de décembre dans le port de Barfleur. Au moment du départ, un certain Thomas, fils d'Étienne, vint trouver le roi, et lui offrant un marc d'or, lui parla ainsi : Étienne, fils d'Érard, mon père, a servi toute sa vie le tien sur mer, et c'est lui qui conduisait le vaisseau sur lequel ton père monta pour aller à la conquête ; seigneur roi, je te supplie de me bailler en fief le même office : j'ai un navire appelé la Blanche Nef, et disposé comme il convient[203]. Le roi répondit qu'il avait choisi le navire sur lequel il voulait passer, mais que, pour faire droit à la requête du fils d'Étienne, il confierait à sa conduite ses deux fils, sa fille et tout leur cortège. Le vaisseau qui devait porter le roi mit le premier à la voile par un vent du sud, au moment où le jour baissait, et le lendemain matin il aborda heureusement en Angleterre[204] ; un peu plus tard, sur le soir, partit l'autre navire ; les matelots qui le conduisaient avaient demandé du vin au départ, et les jeunes passagers leur en avaient fait distribuer avec profusion[205]. Le vaisseau était manœuvré par cinquante rameurs habiles : Thomas, fils d'Étienne, tenait le gouvernail, et ils naviguaient rapidement, par un beau clair de lune, longeant la côte voisine de Barfleur[206]. Les matelots, animés par le vin, faisaient force de rames pour atteindre le vaisseau du roi. Trop occupés de ce désir, ils s'engagèrent imprudemment parmi des rochers à fleur d'eau dans un lieu alors appelé le Ras de Calte, aujourd'hui Ras de Catteville[207]. La Blanche Nef donna contre un écueil, de toute la vitesse de sa course, et s'entr'ouvrit par le flanc gauche : l'équipage poussa un cri de détresse qui fut entendu sur les vaisseaux du roi déjà en pleine mer ; mais personne n'en soupçonna la cause[208]. L'eau entrait en abondance, le navire fut bientôt englouti avec tous les passagers, au nombre de trois cents personnes, parmi lesquelles il y avait dix-huit femmes[209]. Deux hommes seulement se retinrent à la grande vergue, qui resta flottante sur l'eau : c'était un bouclier de Rouen, nommé Bérauld, et un jeune homme de naissance plus relevée, appelé Godefroi, fils de Gilbert de l'Aigle[210].

Thomas, le patron de la Blanche Nef, après avoir plongé une fois, revint à la surface de l'eau ; apercevant les têtes des deux hommes qui tenaient la vergue : Et le fils du roi, leur dit-il, qu'est-il arrivé de lui ?Il n'a point reparu, ni lui, ni son frère, ni sa sœur, ni personne de leur compagnie. — Malheur à moi ! s'écria le fils d'Étienne ; et il replongea volontairement[211]. Cette nuit de décembre fut extrêmement froide, et le plus délicat des deux hommes qui survivaient, perdant ses forces, lâcha le bois qui le soutenait, et descendit au fond de la mer en recommandant à Dieu son compagnon[212]. Bérauld, le plus pauvre de tous les naufragés, dans son justaucorps de peau de mouton, se soutint à la surface de l'eau : il fut le seul qui vit revenir le jour ; des pêcheurs le recueillirent dans leur barque ; il survécut, et c'est de lui qu'on apprit les détails de l'événement[213].

La plupart des chroniqueurs anglais, en rapportant cette catastrophe douloureuse pour leurs maîtres, paraissent compatir extrêmement peu aux malheurs des familles normandes. Ils nomment ce malheur une vengeance divine, un jugement de Dieu, et se plaisent à 6ouver quelque chose de surnaturel dans ce naufrage arrivé par un temps serein sur une mer tranquille[214]. Ils rappellent le mot du jeune Guillaume et ses desseins sur la nation saxonne : L'orgueilleux, s'écrie un contemporain, il pensait à son règne futur ; mais Dieu a dit : Il n'en sera pas ainsi, impie, il n'en sera pas ainsi ; et il est arrivé que son front, au lieu d'être ceint de la couronne d'or, s'est brisé contre les rochers[215]. Enfin ils accusent ce jeune homme et ceux qui périrent avec lui, de vices infâmes et, à ce qu'ils prétendent, inconnus en Angleterre avant l'arrivée des Normands[216]. Leurs invectives et leurs accusations passent souvent toute mesure ; et souvent aussi ils se montrent flatteurs et obséquieux à l'excès, comme des gens qui haïssent et qui tremblent. Tu as vu, écrit l'un d'eux dans une lettre qui devait rester secrète, tu as vu Robert de Belesme, cet homme qui faisait du meurtre sa plus douce récréation ; tu as vu Henri, comte de Warwick, et son fils Roger, l'âme ignoble ; tu as vu le roi Henri, meurtrier de tant d'hommes, violateur de ses serments, geôlier de son frère... Peut-être vas-tu me demander pourquoi, dans mon histoire, j'ai tant loué ce même Henri. J'ai dit qu'il était remarquable entre les rois par sa prudence, sa bravoure et ses richesses ; mais ces rois, auxquels nous prêtons tous serment, devant qui les étoiles du ciel semblent s'abaisser, et que les femmes, les enfants et les hommes frivoles vont contempler au passage, rarement dans leur royaume il se trouve un seul homme aussi coupable qu'eux, et c'est ce qui fait dire : La royauté est un crime[217].

Selon les vieux historiens, on ne vit plus sourire le roi Henri depuis le naufrage de ses enfants. Mathilde, sa femme, était morte, et reposait à Winchester, sous une tombe dont l'épitaphe contenait quelques mots anglais, ce qui de longtemps ne devait reparaître sur la sépulture des riches et des grands d'Angleterre[218]. Henri prit une seconde épouse, hors de la race anglo-saxonne, maintenant retombée dans le mépris parce que lé fils du Conquérant n'avait plus besoin d'elle. Ce nouveau mariage du roi fut stérile, et toute sa tendresse se réunit dès lors sur un fils naturel nominé Robert, le seul qui lui restât[219]. Vers le temps où ce fils parvint à l'âge nubile, il arriva qu'un certain Robert, fils d'Aymon, riche Normand, possesseur de grands domaines dans la province de Glocester, mourut, laissant pour héritière de ses biens une fille unique appelée Aimable, et familièrement Mable ou Mobile. Le roi Henri négocia avec les parents de cette jeune fille tin mariage entre elle et Robert, son bâtard : les parents consentirent ; mais Aimable refusa. Elle refusa longtemps, sans expliquer les motifs de sa répugnance, jusqu'à ce qu'enfin, poussée à bout, elle déclara qu'elle ne serait jamais la femme d'un homme qui ne portait pas deux noms.

Les deux noms, ou le double nom, composé d'un nom propre et d'un surnom, soit purement généalogique, soit indiquant la possession d'une terre ou l'exercice d'un emploi, était un des signes par lesquels la race normande en Angleterre se distinguait de l'autre race[220]. En ne portant que son nom propre ; dans les siècles qui suivirent la conquête, on risquait de passer pour Saxon ; et la vanité prévoyante de l'héritière de Robert, fils d'Aymon, s'alarma d'avance de l'idée que son époux futur pourrait être confondu avec la masse des indigènes. Elle avoua nettement ce scrupule dans une conversation qu'elle eut avec le roi, et que rapporte de la manière suivante une chronique en vers[221].

Sire, dit la jeune Normande, je sais que vos yeux se sont arrêtés sur moi, beaucoup moins pour moi-même que pour mon héritage ; mais ayant un si bel héritage, ne serait-ce pas grande honte que de prendre un mari qui n'eût pas double nom ?[222] De son vivant, mon père s'appelait sir Robert, fils d'Aymon ; je ne veux être qu'à un homme dont le nom montre aussi d'où il vient. — Bien parlé, demoiselle, répondit le roi Henri ; sir Robert, fils d'Aymon, était le nom de ton père ; sir Robert, fils de roi, sera le nom de ton mari[223]. — Voilà, j'en conviens, un beau nom pour lui faire honneur toute sa vie ; mais comment appellera-t-on ses fils et les fils de ses fils ? Le roi comprit cette demande, et reprenant aussitôt la parole : Demoiselle, dit-il, ton mari aura un nom sans reproche, pour lui-même et pour ses héritiers ; il se nommera Robert de Glocester, car je veux qu'il soit comte de Glocester, lui et tous ceux qui viendront de lui[224].

A côté de cette historiette sur la vie et les mœurs des conquérants de l'Angleterre, peuvent se placer quelques traits moins gais de la destinée des indigènes. En l'année 1124, Raoul Basset, grand justicier, et plusieurs autres barons anglo-normands tinrent une grande assemblée dans la province de Leicester ; ils y firent comparaître un grand nombre de Saxons, accusés d'avoir fait le brigandage, c'est-à-dire la guerre de parti, qui avait succédé à la défense régulière contre le pouvoir étranger. Quarante-quatre qu'on accusait de vol à main armée furent condamnés à la peine de mort, et six autres à la perte des yeux par le juge Basset et ses assesseurs[225]. Des personnes dignes de foi, dit la chronique contemporaine, attestent que la plupart moururent injustement ; mais Dieu qui voit tout, sait que son malheureux peuple est opprimé contre toute justice ; d'abord on le dépouille de ses biens, et ensuite on lui ôte la vie. Cette année fut dure à passer ; quiconque possédait quelque peu de chose en fut privé par les taillages et par les arrêts des puissants ; quiconque n'avait rien périt de faim[226].

Un fait arrivé quelque temps auparavant peut éclaircir en partie ce que la chronique entend par ces arrêts qui dépouillaient de tout les malheureux Saxons. Dans la seizième année du règne de Henri Ier, un homme appelé Brihtstan, habitant de la province de Huntingdon, voulut se donner, avec ce qu'il possédait, au monastère de Saint-Ethelride. Robert Malartais, prévôt normand du canton, s'imagina que l'Anglais ne songeait à. se faire moine que pour échapper au châtiment de quelque délit secret contre l'autorité étrangère, et il l'accusa, apparemment à tout hasard, d'avoir trouvé un trésor et de se l'être approprié[227]. C'était un attentat aux droits du roi ; car les rois normands se prétendaient possesseurs-nés de toute somme d'argent trouvée sous terre[228]. Malartais défendit, de par le roi, aux moines de Saint-Ethelride de recevoir Brihtstan dans leur maison ; puis il fit saisir le Saxon. et sa femme, et les envoya devant le justicier Raoul Basset, à Huntingdon[229]. L'accusé nia le délit qu'on lui imputait ; mais les Normands le traitèrent de menteur, le raillèrent sur sa petite taille et sa corpulence .excessive, et, après beaucoup d'insultes, rendirent une sentence qui l'adjugeait au roi, lui et tout ce qu'il possédait[230]. Aussitôt après le jugement, ils exigèrent de l'Anglais une déclaration de ses biens meubles et immeubles, ainsi que du nom de ses débiteurs. Brihtstan la fit : mais les juges, peu satisfaits du compte, lui répétèrent plusieurs fois qu'il mentait impudemment. Le Saxon répondit dans sa langue : Mes seigneurs, Dieu sait que je dis vrai ; il répétait patiemment ces mots, dit l'historien, sans ajouter autre chose[231]. On contraignit sa femme à livrer quinze sous et deux anneaux qu'elle portait sur elle, et à jurer qu'elle ne retenait rien. Ensuite le condamné fut conduit, pieds et poings liés, à Londres, jeté dans une prison obscure, et chargé de chaînes de fer, dont le poids surpassait ses forces[232].

Le jugement du Saxon Brithstan fut rendu, selon le témoignage de l'ancien historien, dans l'assemblée de justice, ou, comme parlaient les Normands, dans la cour du comté de Huntingdon[233]. A ces cours, où se jugeaient toutes les causes, à l'exception de celles des hauts barons, réservées pour le palais du roi, présidait le vicomte de la province, que les Anglais appelaient sheriff, ou un juge de tournée, un justicier errant, comme on s'exprimait en langue normande[234]. A la cour du comté siégeaient, comme juges, les possesseurs des terres libres, ceux que les Normands appelaient francs tenants, et que les indigènes appelaient franklings, joignant à l'adjectif français une terminaison saxonne[235]. La cour du comté, comme celle du roi, avait des sessions périodiques, et ceux qui manquaient de s'y rendre payaient une certaine amende pour avoir, comme disent les actes du temps, laissé la justice sans jugement[236]. Nul n'avait le droit d'y venir siéger, s'il ne portait l'épée et le baudrier, signes de la liberté normande, et si, de plus, il ne parlait français[237]. On s'y rendait ceint de l'épée, et cet appareil obligé servait à en écarter les Saxons, ou, suivant le langage des anciens actes, les vilains, les habitants des hameaux, et toutes gens d'ignoble et basse espèce[238]. La langue française était, pour ainsi dire, le criterium auquel on distinguait les personnes ayant capacité pour être juges ; et même il y avait des cas de procédure où le témoignage d'un homme ignorant l'idiome des vainqueurs, et trahissant par là sa descendance anglaise, n'était point regardé comme valable. C'est ce que prouve un fait postérieur de plus de soixante années au temps où nous sommes parvenus. En 1191, dans une contestation où l'abbé de Croyland était intéressé, quatre personnes témoignèrent contre lui ; c'était Godefroy de Thurleby, Gaulthier Leroux de Hamneby, Guillaume, fils d'Alfred, et Gilbert de Bennington. On inscrivit, dit l'ancien historien, le faux témoignage qu'ils portèrent, et l'on ne voulut point inscrire la vérité que l'abbé disait ; mais tous les assistants croyaient encore que le jugement lui serait favorable, parce que les quatre témoins n'avaient point de fief de chevalier, n'étaient point ceints de l'épée, et que même l'un d'entre eux ne parlait pas français[239].

Des deux seuls enfants légitimes du roi Henri, il lui restait encore Mathilde, épouse de Henri V, empereur d'Allemagne. Elle devint veuve en l'année 1126, et retourna auprès de son père ; malgré son veuvage, les Normands continuaient de la surnommer par honneur l'emperesse, c'est-à-dire l'impératrice[240]. Aux fêtes de Noël, Henri tint sa cour, en grande pompe, dans les salles du château de Windsor, et tous les seigneurs normands des deux pays, rassemblés à son invitation, promirent fidélité à Mathilde, tant pour le duché de Normandie que pour le royaume d'Angleterre, jurant de lui obéir comme à son père, après la mort de son père[241]. Le premier qui prêta ce serment fut Étienne, fils du comte de Blois et d'Adèle, fille de Guillaume le Conquérant, l'un des amis les plus intimes et presque le favori du roi[242]. Dans la même année Foulques, comte d'Anjou, suivant le nouvel enthousiasme du siècle, se fit ce qu'on appelait soldat du Christ, marqua d'une croix sa cotte d'armes, et partit pour Jérusalem. Dans l'incertitude de son retour, il remit le comté à son fils Geoffroy, surnommé Plante-Genest, à cause de l'habitude qu'il avait de mettre, en guise de plume, une branche de genêt fleuri à son chaperon[243].

Le roi Henri se prit de grande amitié pour son jeune voisin, le comte Geoffroy d'Anjou, à cause de sa bonne mine, de l'élégance de ses manières et de sa réputation de courage ; il voulut même devenir son parrain en chevalerie, et faire à ses frais, à Rouen, la cérémonie de la réception de Geoffroy dans cette haute classe militaire[244]. Après le bain, où, suivant l'usage, on plongea le nouveau chevalier, Henri lui donna, comme à son fils d'armes, un cheval d'Espagne, une cotte et des chausses de mailles à l'épreuve de la lance et du trait, des éperons d'or, un écu orné de figures de lion en or, un heaume enrichi de pierreries, une lance de frêne avec un fer de Poitiers, et une épée dont la lame était d'une trempe si parfaite qu'elle passait pour un ouvrage de Waland, l'artiste fabuleux des vieilles traditions du Nord[245]. L'amitié du roi d'Angleterre ne se borna pas à ces témoignages, et il résolut de marier en secondes noces au comte d'Anjou sa fille Mathilde, l'emperesse. Cette union fut conclue, mais sans l'aveu préalable des seigneurs de Normandie et d'Angleterre, circonstance qui eut des suites fâcheuses pour la fortune des deux époux[246]. Leurs noces se firent aux octaves de la Pentecôte, dans l'année 1127, et les fêtes se prolongèrent durant trois semaines[247]. Le premier jour, des hérauts en grand costume parcoururent les places et les rues de Rouen, criant, à chaque carrefour, cette bizarre proclamation : De par le roi Henri, que nul homme ici présent, habitant ou étranger, riche ou pauvre, noble ou vilain, ne soit si hardi que de se dérober aux réjouissances royales ; car quiconque ne prendra point sa part des divertissements et des jeux sera coupable d'offense envers son seigneur le roi[248].

Du mariage de Mathilde, fille de Henri Ier, avec Geoffroy Plante-Genest, naquit, en l'année 1133, un fils qui fut appelé Henri, comme son aïeul, et que les Normand surnommèrent Filz emperesse, c'est-à-dire fils de l'impératrice, pour le distinguer de l'aïeul, qu'ils surnommaient Filz-Guillaume-Conquéreur. A la naissance de son petit-fils, le roi normand convoqua encore une fois ses barons d'Angleterre et de Normandie, et les requit de reconnaitre, pour ses successeurs, les enfants de sa fille, après lui et après elle[249] ; ils y consentirent en apparence et le jurèrent. Le roi mourut deux ans après, en Normandie, croyant laisser sans contestation la couronne à sa fille et à son petit-fils ; mais il en arriva tout autrement. Au premier bruit de sa mort, Étienne de Blois, son neveu, fit voile en grande hâte pour l'Angleterre, où il fut élu roi par les prélats, les comtes et les barons qui avaient juré de donner la royauté à Mathilde[250]. L'évêque de Salisbury déclara que ce serment était nul, parce que le roi avait marié sa fille sans le consentement des seigneurs ; d'autres dirent qu'il serait honteux pour tant de nobles chevaliers d'être sous les ordres d'une femme[251]. L'élection d'Étienne fut solennisée par la bénédiction du primat de Canterbury, et, ce qui était important dans ce siècle, approuvée par une lettre du pape Innocent II.

Nous avons appris, disait le pontife au nouveau roi, que tu as été élu par le vœu commun et le consentement unanime, tant des seigneurs que du peuple, et que tu as été sacré par les prélats du royaume. Considérant que les suffrages d'un si grand nombre d'hommes n'ont pu se réunir sur ta personne sans une coopération spéciale de la grâce divine, et que, d'ailleurs, tu es parent du dernier roi au plus proche degré, nous tenons pour agréable tout ce qui a été fait à ton égard, et t'adoptons spécialement, d'affection paternelle, pour fils du bienheureux apôtre Pierre et de la sainte Église romaine[252].

Étienne de Blois était très-populaire auprès des Anglo-Normands, à cause de sa bravoure éprouvée et de son humeur affable et libérale. Il promit, en recevant la couronne, de rendre à chacun de ses barons la jouissance libre des forêts que s'était appropriées le roi Henri, à l'exemple des deux Guillaume[253]. Les premiers temps du nouveau règne furent paisibles et heureux, du moins pour la race normande. Le roi était prodigue et magnifique, il donna beaucoup à ceux qui l'entouraient[254] ; il puisa largement dans le trésor que le Conquérant avait amassé, et que ses deux successeurs avaient encore accru. Il aliéna ou distribua en fiefs les terres que Guillaume avait réservées pour sa part de conquête, et qu'on appelait le domaine royal ; il créa des comtes et des gouverneurs indépendants dans des lieux administrés jusque-là, pour le profit du roi seul, par les préposés royaux. Geoffroy d'Anjou, mari de Mathilde, s'engagea à rester en paix avec lui, moyennant une pension de cinq mille marcs ; et Robert de Glocester, fils naturel du dernier roi, qui d'abord avait manifesté l'intention de faire valoir les droits de sa sœur, prêta entre les mains d'Étienne le serment de foi et d'hommage[255].

Mais ce calme ne dura guère, et, vers l'année 1137, plusieurs jeunes barons et chevaliers, qui avaient inutilement demandé au nouveau roi une part de ses domaines et de ses châteaux, commencèrent à s'en emparer à main armée. Hugues Bigot saisit le fort de Norwich ; un certain Robert prit celui de Badington : le roi se les fit rendre ; mais l'esprit d'opposition s'accrut sans relâche du moment qu'il eut éclaté[256]. Le fils bâtard du roi Henri rompit subitement la paix qu'il avait jurée à Étienne ; il lui envoya de Normandie un message pour le défier et lui dire qu'il renonçait à son hommage. Ce qui excita Robert à prendre ce parti, dit un auteur contemporain, ce furent les réponses de plusieurs hommes de religion qu'il consulta, et surtout un décret du pape, qui lui enjoignait d'obéir au serment qu'il avait prêté à Mathilde sa sœur, en présence de leur père[257]. Ainsi se trouvait annulé le bref du même pape en faveur du roi Étienne ; et la guerre seule pouvait décider entre les deux compétiteurs. Les mécontents, encouragés par la défection du fils dix dernier roi, furent en éveil par toute l'Angleterre, et se préparèrent au combat. Ils m'ont fait roi, disait Étienne, et à présent ils m'abandonnent ; mais, par la naissance de Dieu, jamais on ne m'appellera roi déposé[258]. Pour avoir une armée dont il fût sûr, il assembla des auxiliaires de toutes les parties de la Gaule : comme il promettait une forte paye, les soldats venaient à l'envi se faire inscrire sur ses rôles, gens de cheval et gens d'armure légère, surtout Flamands et Bretons[259].

La population conquérante de l'Angleterre était encore une fois divisée en deux factions ennemies. L'état des choses devenait le même que sous les deux règnes précédents, quand les fils des vaincus s'étaient mêlés aux querelles de leurs maîtres, et avaient fait pencher la balance de l'un des deux côtés, dans le vain espoir d'obtenir une condition un peu meilleure. Quand de semblables conjonctures se présentèrent sous le règne d'Étienne, les Anglais de race se tinrent à l'écart, désabusés par l'expérience du passé. Dans la querelle d'Étienne et des partisans de Mathilde, ils ne furent ni pour le roi établi, qui prétendait que sa cause était celle de l'ordre et de la paix publique, ni pour la fille du Normand et de la Saxonne : ils tentèrent d'être pour eux-mêmes ; et l'on vit se former en Angleterre, ce que l'on n'y avait point vu depuis la dispersion du camp d'Ely, une conspiration nationale, en vue de l'affranchissement du pays. A un jour fixé, dit un auteur contemporain, on devait partout massacrer les Normands[260].

L'historien ne détaille pas comment ce complot avait été préparé, quels en furent les chefs, quelles classes d'hommes y entrèrent, ni dans quels lieux et à quels signes il devait éclater. Seulement il rapporte que les conjurés de 1137 avaient renouvelé l'ancienne alliance des patriotes saxons avec les habitants du pays de Galles et de l'Écosse[261], et que même ils avaient dessein de mettre à la tête de leur royaume affranchi un Écossais, peut-être David, le roi actuel, fils de Marguerite, sœur d'Edgar[262]. L'entreprise échoua, parce que des révélations .ou de simples indices parvinrent ait Normand Richard Lenoir, évêque d'Ely, sous le secret de la confession[263]. Dans ce siècle, les esprits les plus fermes ne s'exposaient guère à un danger de mort évident sans avoir mis ordre à leur conscience ; et quand l'affluence des pénitents était plus grande que de coutume, c'était un signe presque certain de mouvement politique. En épiant sur ce point la conduite des Sapons, le haut clergé, de race normande, remplissait l'objet principal de son intrusion en Angleterre ; car, au moyen de questions insidieuses faites dans les épanchements de la dévotion, il était aisé de découvrir la moindre pensée de révolte ; et rarement celui que le prêtre interrogeait ainsi savait se garder d'un homme à qui il croyait le pouvoir de lier et de délier sur la terre comme dans le ciel. L'évêque d'Ely fit part de sa découverte aux autres évêques et aux agents supérieurs de l'autorité[264] : mais malgré la promptitude de leurs mesures, beaucoup de conjurés, et les plus considérables, dit le narrateur contemporain, eurent le temps de prendre la fuite[265]. Ils se retirèrent chez les Gallois, afin d'exciter ce peuple à la guerre contre les Normands[266]. Ceux qui furent saisis périrent, en grand nombre, par le gibet ou d'autres genres de supplices[267].

Cet événement eut lieu soixante-six ans après la dernière défaite des insurgés d'Ely, et soixante-douze après la bataille de Hastings. Soit que les chroniqueurs ne nous aient pas tout dit, soit qu'après ce temps le fil qui rattachait encore les Saxons aux Saxons, et en faisait un peuple, n'ait pu se renouer, on ne trouve plus dans les époques suivantes aucun projet de délivrance conçu, de commun accord, entre toutes les classes de la population anglo-saxonne. Le vieux cri anglais, Point de Normands ! ne retentit plus dans l'histoire, et les insurrections postérieures ont pour mot de ralliement des formules de guerre civile : ainsi, au quatorzième siècle, les paysans d'Angleterre, soulevés, criaient : Point de gentilshommes ![268] et au dix-septième, les habitants des villes et des campagnes disaient : Plus de lords orgueilleux, ni d'évêques au cœur corrompu ![269] Il sera cependant possible de saisir encore dans les faits qui vont suivre des traces vivantes de l'ancienne hostilité des deux races.

C'est une chose aujourd'hui fort incertaine que la durée du temps pendant lequel les mots de noble et de riche furent, dans la conscience populaire des Anglais, synonymes de ceux d'usurpateur et d'étranger ; car la valeur exacte du langage des vieux historiens est trop souvent un problème pour l'historien Moderne. Comme ils écrivaient pour des gens qui savaient, sur leur propre état social, bien des secrets que la postérité n'a pas reçus, ils pouvaient s'exprimer en termes vagues, user même de réticences : on les comprenait à demi-mot. Mais nous, comment nous est-il possible de comprendre la manière de s'énoncer des chroniqueurs, si nous ne connaissons pas déjà la physionomie de leur temps ? et pourrons-nous étudier le temps, sinon dans les chroniques elles-mêmes ? Voilà un cercle vicieux dans lequel tournent nécessairement tous les modernes qui entreprennent de décrire avec fidélité les vieilles scènes du monde et le sort heureux ou malheureux des générations qui ne sont plus. Leur travail, plein de difficultés, ne saurait être complètement fructueux ; qu'on leur sache gré du peu de vrai qu'ils, font revivre à si grande peine.

 

FIN DU TOME PREMIER

 

 

 



[1] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., Iib. VII, apud Script. rer. normann., p. 655.

[2] Chronique de Normandie ; Recueil des hist. de la France, t. XIII, p. 240. — Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 980, ed. Selden.

[3] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 655.

[4] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 656.

[5] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 656.

[6] Robert of Gloucester's Chronicle, p. 369, ed. Hearne.

[7] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 192.

[8] Voyez livre VI.

[9] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 659.

[10] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 659.

[11] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[12] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[13] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[14] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[15] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[16] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[17] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[18] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[19] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[20] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[21] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[22] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 661.

[23] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[24] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[25] Roman de Rou, t. II, p. 302. — Chronique de Normandie ; Recueil des hist. de la France, t. XIII, p. 242.

[26] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[27] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[28] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[29] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VII, apud Script. rer. normann., p. 662.

[30] Monast. anglic., Dugdale, t. II, p. 890.

[31] Hist. Ingulf. Croyland., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 106, ed. Gale.

[32] Monast. anglic., Dugdale, t. II, p. 890.

[33] Alured. Beverlac, Annal. de gest. reg. britann., lib. IX, p. 136, ed. Hearne. — Florent. Wigorn. Chron., p. 642.

[34] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 663.

[35] Domesday-book, vol. II, p. 97 et 98.

[36] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 663.

[37] Script. rer. normann., p. 318.

[38] Guill. Pictav., apud Script. rer. normann., p. 207.

[39] Chron. Raynaldi Andegavensis, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 479.

[40] Robert of Gloucester's Chronicle, t. II, p. 374 et 376, ed. Hearne.

[41] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 192 et 193.

[42] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 192 et 193.

[43] Roman de Rou, t. II, p. 305. — Robert of Gloucester's Chronicle, p. 383, ed. Hearne.

[44] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 194.

[45] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 984, ed. Selden. — Annal. waverleienses, apud Rer. anglic. Script., t. II, p. 136, ed. Gale.

[46] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 984, ed. Selden.

[47] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 984, ed. Selden.

[48] Voyez livre II. — Annal. waverleienses apud Rer. anglic. Script., t. II, p. 136, ed. Gale.

[49] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 667.

[50] Florent. Wigorn. Chron., p. 643.

[51] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 667.

[52] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 667.

[53] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 668.

[54] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 668.

[55] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 668.

[56] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 669.

[57] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 669.

[58] Florent. Wigorn. Chron., p. 644.

[59] Florent. Wigorn. Chron., p. 644.

[60] Chron. Joban. Bromton, apud Hist. anglic. Script, t. I, col. 934, ed. Selden.

[61] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1791, ed. Selden.

[62] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1791, ed. Selden.

[63] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1792, ed. Selden.

[64] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1792, ed. Selden.

[65] Annales ecclesiast. Winton. ; Anglia sacra, t. I, p. 298.

[66] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1792, ed. Selden.

[67] Chron. Willelmi Thorn., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1793, ed. Selden.

[68] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 179.

[69] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 179.

[70] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 179.

[71] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 179.

[72] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[73] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[74] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[75] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[76] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[77] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[78] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[79] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[80] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[81] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 180.

[82] Hist. de episc. bathon. et wellens. ; Anglia sacra, t. I, p. 559.

[83] Annal. ecclesiast. Winton. ; Anglia sacra, t. I, p. 295.

[84] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2367, ed. Selden. — Ibid., col. 2362.

[85] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2372, ed. Selden.

[86] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2372, ed. Selden.

[87] Matth. Paris. Vitæ abbatum S. Albani, t. I, p. 54.

[88] Hist. Ingulf. Croyland., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 107, ed. Gale.

[89] Hist. Ingulf. Croyland., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 107, ed. Gale.

[90] Hist. Ingulf. Croyland., apud Rer. anglic. script., t. I, p. 107, ed. Gale.

[91] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. IV, apud Rer. anglic. Script., p. 124, ed. Savile.

[92] Orderic.Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 703.

[93] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 203.

[94] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 203.

[95] Monast, anglic., Dugdale, t. II, p. 890.

[96] Monast, anglic., Dugdale, t. II, p. 890.

[97] Monast, anglic., Dugdale, t. II, p. 890.

[98] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 773.

[99] Lelandi Collectanea, t, IV, p. 116.

[100] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 206.

[101] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 206.

[102] Eadmeri Hist. nov., p. 94, ed. Selden.

[103] Eadmeri Hist. nov., p. 94, ed. Selden.

[104] Eadmeri Hist. nov., p. 94, ed. Selden.

[105] Eadmeri Hist. nov., p. 48, ed. Selden.

[106] Eadmeri Hist. nov., p. 48, ed. Selden.

[107] Eadmeri Hist. nov., p. 48, ed. Selden.

[108] Eadmeri Hist. nov., p. 48, ed. Selden.

[109] Simeon. Dunelm. Hist. dunelm., apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 225, ed. Selden. — Roger de Hoved. Annal., pars I, apud Rer. anglic. Script., p. 460, ed. Savile.

[110] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 780.

[111] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[112] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[113] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[114] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 781.

[115] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[116] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[117] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2375, ed. Selden.

[118] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2375, ed. Selden.

[119] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2375, ed. Selden.

[120] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 82.

[121] Matth. Paris„ t. I, p. 54. — Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. apud Rer. anglic. Script., p. 126, ed. Savile.

[122] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 782.

[123] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 208.

[124] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 997, ed. Selden.

[125] Guillelm. Neubrig., de Reb. anglic., p. 297, ed. Hearne.

[126] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 997, ed. Selden.

[127] Matth. Paris., t. I, p. 62.

[128] Thomæ Rudborne, Hist. major Winton. ; Anglia sacra, t. I, p. 274.

[129] Matth. Paris., t. I, p. 62.

[130] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. V, apud Rer. anglic. Script., p. 164, ed. Savile. — Annales warerleienses, ad. ann. MLXXXVI, apud Rer. anglic. Script., t. II, p. 133, ed. Gale.

[131] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 702.

[132] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 702.

[133] Matth. Paris., t. I, p. 58.

[134] Matth. Paris., t. I, p. 58.

[135] Matth. Paris., t. I, p. 58.

[136] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VIII, apud Script. rer. normann., p. 702.

[137] Eadmeri Hist. nov., p. 56, ed. Selden.

[138] Eadmeri Hist. nov., p. 112, ed. Selden.

[139] Voyez livre V.

[140] Johan. Sarisbur. de Vita Anselmi ; Anglia sacra, t. II, p. 162.

[141] Eadmeri Hist. nov., p. 56, ed. Selden.

[142] Eadmeri Hist. nov., p. 56 et 57, ed. Selden.

[143] Eadmeri Hist. nov., p. 56 et 57, ed. Selden.

[144] Voyez livre V.

[145] Eadmeri Hist. nov., p. 57 et seq., ed. Selden.

[146] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. V, apud Rer. anglir. Script., p. 156, ed. Savile. — Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2375, ed. Selden. — Godrik signifie bon et fort ; Godive, par adoucissement pour god-ghive, signifie bonne grâce ou bonne et gracieuse. Godrick Godfader, le compère Godrick, était quelque personnage des contes ou des farces du temps.

[147] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. V, apud. Rer. anglic. Script., p. 157, ed. Savile.

[148] Florent. Wigorn. Chron., p. 650.

[149] Florent. Wigorn. Chron., p. 650.

[150] Florent. Wigorn. Chron., p. 650.

[151] Florent. Wigorn. Chron., p. 650.

[152] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 806.

[153] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 806.

[154] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 806.

[155] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 806.

[156] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 806.

[157] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 807.

[158] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 807.

[159] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 807.

[160] Eadmeri Hist. nov., p. 94, ed. Selden.

[161] Robert of Brunne's Chron., p. 98, ed. Hearne. — Robert of Gloucester's Chron., p. 193, ed. Hearne.

[162] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 212.

[163] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 213.

[164] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 216.

[165] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 220.

[166] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 805.

[167] Thomæ Rudborne, Hist. major Winton. ; Anglia sacra, t. I, p. 263.

[168] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. IV, apud Rer. anglic. Script., p. 121, ed. Savile.

[169] Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. IV, apud Rer. anglic. Script., p. 122, ed. Savile.

[170] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud, Script. rer. normann., p. 820.

[171] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud, Script. rer. normann., p. 820.

[172] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud, Script. rer. normann., p. 820.

[173] Eadmeri, Hist. nov., p. 83, ed. Selden.

[174] Eadmeri, Hist. nov., p. 83, ed. Selden.

[175] Eadmeri, Hist. nov., p. 83, ed. Selden.

[176] Eadmeri, Hist. nov., p. 83, ed. Selden.

[177] Dialog. de Scaccario ; Seldeni notæ ad Eadmeri Hist. nov., p. 216.

[178] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 214.

[179] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. X, apud Script. rer. normann., p. 778.

[180] Willelm. Malmesb., de Gent. reg. angl., lib. III, apud Rer. anglic. Script., p. 103, ed. Savile.

[181] Matth. Paris., t. I, p. 63.

[182] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 838.

[183] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XI, apud Script. rer. normann., p. 838 et seq. — Voyez aussi Sugerii Vita Ludovici Grossi, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 44.

[184] Sugerii Vita Ludovici Grossi, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 44.

[185] Johan. Iperii Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 466. — Voyez plus haut, livre VI.

[186] Johan. Iperii Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 466.

[187] Johan. Iperii Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 466.

[188] Johan. Iperii Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 466.

[189] Johan. Iperii Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIII, p. 466.

[190] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 214.

[191] Eadrneri Hist. nov., p. 110, ed. Selden.

[192] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 232.

[193] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 235.

[194] Chron. saxon., ed Gibson, p. 236.

[195] Chron. saxon., ed Gibson, p. 232.

[196] Henrici Knyghton, de Event. angl., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2364, ed. Selden.

[197] Henrici Knyghton, de Event. angl., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2383, ed. Selden.

[198] Petri Blesensis Ingulfi continuat., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 116, ed. Gale.

[199] Hist. Ingulf. Croyland., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 84.

[200] Henrici Knyghton, de Event. angl., lib. II, apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 2382, ed. Selden. — Chron. Johan. Bromton, ibid., t. I, col. 1013. — Thom. Walsingham., Ypodygma Neustrie, apud Camden, Anglica, Hibernica, etc., p. 444.

[201] Anonymus, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XIV, p. 16.

[202] Orderic Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867.

[203] Orderic Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867 et 868.

[204] Orderic Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867.

[205] Orderic Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 868.

[206] Orderic Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 868.

[207] Willelm. Gemet. Hist. normann., apud ibid., p. 297.

[208] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867.

[209] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867. — Willelm. Malmesb., de Gest. reg. angl., lib. V, apud Rer. anglic. Script., p. 165, ed. Savile.

[210] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 867.

[211] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 868.

[212] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 868.

[213] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. XII, apud Script. rer. normann., p. 868.

[214] Gervas. Cautuar. Chron., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1339, ed. Selden. — Matth. Westmonast. Flor. histor., p. 240.

[215] Henrici Huntind. Epist. de contempla mundi ; Anglia sacra, t. II, p. 696.

[216] Gervas. Cantuar. Chron., apud Hist. anglic. Script., t. II, col. 1339, ed. Selden. — Eadmeri Hist. nov., p. 24, ed. Selden. — Anglia sacra, t. II, p. 40.

[217] Henrici Huntind. Epist. de contempla mundi ; Anglia sacra, t. II, p. 698 et 699.

[218] Thomæ Rudhorne, Hist. major Winton. ; Anglia sacra, t. I, p. 277.

[219] Willelm. Gemet. Hist. normann., apud. Script. rer. normann., p. 606.

[220] Hickesii Dissertatio epistolaris ; Thesaurus linguarum septentrionalium, t. II, p. 27.

[221] Robert of Gloucester's Chron., p. 431 et 432, ed. Hearne.

[222] Robert of Gloucester's Chron., p. 434, ed. Hearne.

[223] Robert of Gloucester's Chron., p. 432, ed. Hearne.

[224] Robert of Gloucester's Chron., p. 432, ed. Hearne.

[225] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 228.

[226] Chron. saxon., ed. Gibson, p. 228.

[227] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 629.

[228] Leges Henrici I, cap. X, § 1.

[229] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 629.

[230] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 629.

[231] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 629.

[232] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 630.

[233] Orderic. Vital. Hist. ecclesiast., lib. VI, apud Script. rer. normann., p. 629.

[234] Justitiarii itinerantes. —Voyez Glossarium Spelmani, verbo Justitia.

[235] Franci tenentes... — La terminaison ling dans les langues germaniques indique ressemblance ou filiation. Lorsque les Anglais se sont déshabitués d'aspirer fortement leur langue, le mot frankling est devenu franklin. — Voyez Chaucer's Canterbury tales.

[236] Leges Henrici I, cap. XXIX, § 1.

[237] Gloss. ad Matth. Paris., verbo Assisa.

[238] Leges Henrici I, cap. XXIX, § 1.

[239] Petri Blesensis Ingulfi continuat., apud Rer. anglic. Script., t. I, p. 458, ed. Gale.

[240] De orig. comit. andegav., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 537.

[241] Matth. Paris., t. I, p. 70.

[242] Matth. Paris., t. I, p. 70.

[243] Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 581, in nota c, ad cale. pag. — Chronique de Normandie, ibid., t. XIII, p. 247.

[244] Johannis monac. major. monast. ; Hist. Gaufredi ducis Normann., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 520 et 521.

[245] Johannis monac. major. monast. ; Hist. Gaufredi ducis Normann., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 520 et 521. — C'est le Volundur de l'Edda scandinave et le Wyland-Smith des contes populaires de l'Angleterre et de l'Écosse.

[246] Willelm. Malmesb., Historiæ novellæ, lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 175, ed. Savile.

[247] Chron. Johan. Bromton, apud Hist. anglic. Script., t. I, col. 1016, ed. Selden.

[248] Johan. monac. major. monast., Hist. Gaufredi ducis Normann., apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 521.

[249] Matth. Paris., t. I, p. 72.

[250] Matth. Paris., t. I, p. 74.

[251] Matth. Paris., t. I, p. 74.

[252] Epist. Innocent. II papæ, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XV, p. 391 et 392.

[253] Matth. Paris., t. I, p. 74.

[254] Willelm. Malmesb. Hist. nov., lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 176, ed. Savile.

[255] Willelm. Malmesb. Hist. nov., lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 179, ed. Savile.

[256] Matth. Paris., t. I, p. 75.

[257] Willelm. Malmesb., Hist. nov., lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 180, ed. Savile.

[258] Willelm. Malmesb., Hist. nov., lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 180, ed. Savile.

[259] Willelm. Malmesb., Hist. nov., lib. I, apud Rer. anglic. Script., p. 169, ed. Savile.

[260] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[261] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[262] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[263] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[264] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[265] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[266] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[267] Orderic. Vital., Hist. ecclesiast., lib. XIII, apud Script. rer. normann., p. 912.

[268] Anciens vers cités par Sharon Turner, History of England, t. II, p 213, note 68.

[269] Voyez les historiens de la révolution de 1640.