HISTOIRE GÉNÉRALE DE NAPOLÉON BONAPARTE

GUERRE D'ITALIE. - TOME SECOND

 

CHAPITRE XIII.

 

 

Position de l'armée autrichienne dans le Tyrol. - Bonaparte l'attaque Bataille de Roveredo. — Entrée des Français à Trente. — Wurmser descend dans la vallée de la Brenta. — Projets divers de Bonaparte. — Combats de Primolano, de Covolo, de Cismone. — Bataille de Bassano. — Wurmser cherche à gagner Mantoue ; combats de Cérea, de Due-Castelli. — Bataille de Saint-Georges. — Wurmser renfermé dans Mantoue. — Moreau se dispose à attaquer les gorges du Tyrol ; obligé par la retraite de Jourdan de rétrograder. — Bonaparte ne peut plus espérer le concours des armées d'Allemagne. — Sommation faite à Wurmser de rendre Mantoue. — Expédition en Corse ; délivrée des Anglais. — Nouveau conflit entre Bonaparte et les commissaires du Directoire.

 

Le 16 fructidor an IV (2 septembre 1796), Masséna passa l'Adige au pont de Golo, suivant le grand chemin du Tyrol, arriva à Alla le 17, et culbuta les avant-postes ennemis sur Serravalle et San-Marco. Augereau partit en même temps de Vérone, et se porta sur les hauteurs qui séparent les États de Venise du Tyrol. Vaubois marcha de Storo sur la gauche du lac de Garda. Son avant-garde arriva à Torbole où elle fut jointe par la brigade du général Guyeux qui s'était embarqué sur le lac à Salo. L'ennemi occupait en force Serravalle ; le général Pigeon reçut l'ordre d'attaquer ce village, l'emporta et fit 300 prisonniers[1].

Le 18 au point du jour, les armées se trouvèrent en présence. Une division ennemie gardait les défilés inexpugnables de San-Marco, une autre, au-delà de l'Adige, le camp retranché de Mori. Le 18, à la pointe du jour, le général Pigeon, avec une partie de l'infanterie légère, gagna les hauteurs à la gauche de San-Marco ; l'adjudant-général Sornet, à la tète de la 18e demi-brigade d'infanterie légère, attaqua l'ennemi en tirailleur ; le général de brigade Victor, à la tète de la 18e demi-brigade d'infanterie de bataille en colonne serrée par bataillon, perça par le grand chemin ; la résistance de l'ennemi fut longtemps opiniâtre : au même instant, le général Vaubois attaqua le camp retranché de Mori ; après deux heures de combat très-vif, l'ennemi plia partout. Lemarois, aide-de-camp du général en chef, porta l'ordre au général Dubois de faire avancer le premier régiment de hussards, et de poursuivre vivement l'ennemi. Le général se mit lui-même à leur tête, et décida de l'affaire ; mais il fut blessé mortellement. Un de ses aides-de-camp venait d'être tué à ses côtés. Un instant après, écrivit Bonaparte au Directoire[2], je trouve ce général expirant. — Je meurs, me dit-il, pour la République, faites que j'aie le temps de savoir si la victoire est complète. — Il est mort.

L'ennemi se retira à Roveredo : le général en chef ordonna au général de brigade Rampon de passer avec la 32e entre cette ville et l'Adige ; le général Victor, pendant ce temps, entra au pas de charge dans la grande rue ; l'ennemi se replia encore en laissant une grande quantité de morts et de prisonniers. Au même moment le général Vaubois forçait le camp retranché de Mori, et poursuivait l'ennemi sur l'autre rive de l'Adige ; il était une heure après-midi : l'ennemi, battu partout, profitait des difficultés du pays, à tous les défilés tenait tête, et exécutait sa retraite sur Trente. Il n'avait encore perdu que trois pièces de canon et mille prisonniers.

Masséna rallia toutes les demi-brigades, et leur donna un moment de repos. Pendant ce, temps-là Bonaparte alla, avec deux escadrons de cavalerie, reconnaître les mouvements de retraite de l'ennemi ; il s'était rallié en avant de Calliano pour couvrir Trente, et donner le temps à son quartier-général d'évacuer cette ville. Calliano était une position presque inexpugnable. L'Adige touche à des montagnes à pic, et forme une gorge qui n'a pas 40 toises de largeur, fermée par un village, un château élevé, une bonne muraille qui joint l'Adige à toute la montagne ; toute l'artillerie autrichienne battait ce défilé. Le général Dommartin fit avancer huit pièces d'artillerie légère pour le battre d'écharpe. Le général Pigeon passa avec l'infanterie légère sur la droite ; 300 tirailleurs se jetèrent sur les bords de l'Adige pour commencer la fusillade ; protégées par ces dispositions, trois demi-brigades en colonne serrée et par bataillon, l'arme au bras, passèrent le défilé. L'ennemi, ébranlé par le feu de l'artillerie, et par la hardiesse des tirailleurs, ne résista pas au choc de ces colonnes ; il abandonna l'entrée de la gorge ; la terreur se communiqua dans toute sa ligne, il se retira en désordre, poursuivi par la cavalerie française.

Lemarois, aide-de-camp du général en chef, suivi de cinquante hussards, voulut gagner la tête de la colonne ennemie et l'arrêter tout entière ; il la traversa, fut jeté par terre et blessé de plusieurs coups ; une partie de l'armée ennemie lui marcha sur le corps. Le chef de brigade du icr régiment de hussards fut tué. Bessières, capitaine des guides, voyant deux pièces de canon sur le point de s'échapper, s'élança avec cinq ou six de ses cavaliers, et les enleva malgré les efforts des ennemis.

Six ou sept mille prisonniers, vingt-cinq pièces de canon, cinquante caissons, sept drapeaux, tel est, écrivait Bonaparte au Directoire, le fruit de la bataille de Roveredo, une des plus heureuses de la campagne[3].

Masséna entra dans la ville de Trente, le 19 (5 septembre) à huit heures du matin. Wurmser en était sorti la veille. Bonaparte apprit alors qu'il n'avait eu à combattre que la moitié des forces ennemies, et que le maréchal autrichien s'était dirigé sur Bassano avec le reste ; il résolut de le poursuivre. Mais Davidowich s'était retranché derrière la rivière de Lavis et gardait le débouché du pont. Il fallait le chasser de cette position avant de se mettre aux trousses de Wurmser. Dallemagne, à la tête de la 15e demi-brigade, passa non sans beaucoup de peine sous le feu de l'ennemi retranché dans le village, et Murat passa au gué à la tête d'un détachement du 10e chasseurs, portant un nombre égal de fantassins. L'adjudant-général Leclerc, avec trois chasseurs et le chef de brigade des Allobroges Desaix, accompagné de douze carabiniers ou grenadiers, étaient parvenus à tourner l'ennemi et s'étaient embusqués à une demi-lieue en avant ; ainsi pressé de toutes parts Davidowich se retira avec précipitation sur Salurn et Neumarck avec perte de 300 prisonniers

Résumant alors sa situation, Bonaparte crut n'avoir pas d'autre chose à faire que de marcher sur Trieste ; il était sûr d'être à Botzen dès que l'armée du Rhin se serait avancée sur Insprück ; mais ce plan qu'il avait adopté, et qui était bon au mois de juin, ne lui parut plus rien valoir à la fin de septembre : les neiges allaient bientôt rétablir les barrières de la nature. Le froid commençait déjà à être vif ; les ennemis qui l'avaient senti s'étaient jetés sur la Brenta pour couvrir Trieste. Il allait se mettre en marche pour les attaquer à Bassano, ou pour couper leurs derrières s'ils faisaient un mouvement sur Vérone. Il lui était impossible de s'engager dans les montagnes du Tyrol, lorsque toute l'armée ennemie était à Bassano, et menaçait son flanc et ses derrières. Arrivé à Bassano, il battait les ennemis ; mais alors comment les pousser par-devant et-chercher à leur enlever Trieste ? Le jour où il aurait battu les ennemis à Bassano, et où l'armée du Rhin serait à Insprück, les quatre mille hommes, débris de la division qui s'était retirée par Trente, se porteraient par Brixen et Lintz sur le Frioul : alors la communication serait vraiment établie avec l'armée du Rhin, et il aurait acculé les ennemis au-delà de Trieste, point essentiel d'où ils tiraient leur subsistance. Ensuite selon la nature des circonstances, il se tiendrait à Trieste, où il retournerait sur l'Adige, après avoir détruit ce port ; et il dicterait aux Vénitiens la loi que le Directoire lui avait envoyée par ses dernières instructions. De là encore il serait facile, si les renforts du général Châteauneuf-Randon arrivaient, et si le Directoire faisait filer 10.000 hommes de l'armée des Alpes, d'envoyer une bonne armée jusqu'à Naples. Enfin, si l'on voulait ne pas avoir, pendant l'hiver, la guerre au cœur de l'Italie, il fallait la porter dans le Frioul. L'armée du Rhin, occupant Insprück, gardait le flanc gauche de l'armée d'Italie ; dans un mois les neiges et les glaces le garderaient, et l'armée du Rhin pourrait retourner sur te Danube. Vous sentez mieux que moi, ajoutait Bonaparte au Directoire[4], l'effet que fera la prise de Trieste sur Constantinople, sur la Hongrie, et sur toute l'Italie. Au reste, le 22 je serai à Bassano. Si l'ennemi m'y attend, il y aura une bataille qui décidera du sort de tout ce pays-ci ; si l'ennemi recule encore sur Trieste, je ferai ce qui, d'après les circonstances militaires, me paraîtra le plus convenable ; mais j'attendrai vos ordres pour savoir si je dois ou non me transporter sur Trieste ; si je dois m'y porter, je vous prie de me faire connaître de quelle manière vous entendez que je me conduise avec cette ville, dans le cas où l'on jugerait à propos de l'évacuer quelque temps après.

C'était aux opérations militaires en Allemagne et en Italie, plus qu'aux instructions du Directoire, à résoudre tout ce qu'il y avait de vague et de conditionnel dans ces diverses combinaisons.

Bonaparte laissa Vaubois sur le Lavis pour observer et contenir les débris de l'aile droite de l'armée autrichienne, tandis qu'il allait se rabattre sur sa gauche.

Le 20 fructidor (6 septembre), Augereau et Masséna se rendirent avec leurs divisions à Borgo-de-Val-Sugana, le premier par Val-Sarda, le deuxième par Trente et Levico. Le 21 au matin, l'infanterie légère faisant 1 avant-garde d'Augereau, commandée par Lannes, rencontra l'ennemi qui s'était retranché dans le village de Primolano, la gauche appuyée à la Brouta, et la droite à des gorges à pic. Augereau fit sur-le-champ ses dispositions ; la brave 5e demi-brigade d infanterie légère attaqua i ennemi en tirailleurs ; la 4e demi-brigade d'infanterie de bataille, en colonne serrée et par bataillon, marcha droit à l'ennemi, protégée par le feu de l'artillerie légère. Le village fut emporté ; mais l'ennemi se rallia dans le petit fort de Covolo, qui barrait le chemin par lequel il fallait passer ; la 5e légère gagna la gauche du fort et établit une vive fusillade, tandis que deux ou trois cents hommes de la 4e passaient la Brenta, gagnaient les hauteurs de droite, et menaçaient de tomber sur les derrières de l'ennemi. Après une résistance assez vive, il évacua ce poste, et chercha à se retirer ; mais le 5e régiment de dragons, auquel le général en chef avait fait restituer ses fusils, soutenu par un détachement du 10e régiment de chasseurs, se mit à la poursuite de la colonne, en atteignit la tête, la fit toute prisonnière, et prit dix pièces de canon et huit drapeaux.

Elle se composait de trois bataillons de Croates et six bataillons de ligne formant 4.000 hommes[5]. Le général en chef, en attendant qu'il pût transmettre au Directoire les traits de courage qui méritaient d'être recueillis par l'historien, lui signala comme s'étant particulièrement distingués dans ces affaires, Milhaud, chef de brigade du 5e de dragons, et Duroc, capitaine d'artillerie.

La nuit, la fatigue des marches forcées qu'avaient faites ses soldats, et des combats qu'ils avaient livrés, décidèrent Bonaparte à faire coucher l'armée à Cismone. Il y passa la nuit sans suite, sans bagages, mourant de lassitude et de faim, heureux de trouver un soldat qui partagea avec lui sa ration de pain[6].

Cette marche rapide et inattendue de vingt lieues en deux jours déconcerta entièrement l'ennemi qui, croyant que les Français marcheraient sur Insprück, avait envoyé une colonne sur Vérone pour menacer cette place, et donner à Bonaparte des craintes sur les derrières de l'armée. Wurmser voulait nous couper, écrivit-il au Directoire[7], et il l'était lui-même.

Le 22 (8 septembre) à deux heures du matin, l'armée française se mit en marche : arrivée au débouché des gorges, près du village de Solagna, elle rencontra l'ennemi. Le général Augereau se porta avec sa division sur la gauche, envoya à sa droite la 4e demi-brigade, et ensuite toute la division Masséna. Il était à peine sept heures du matin quand le combat commença. Forts de leur bonne position et encouragés par la présence de leurs généraux, les Autrichiens tinrent quelque temps, mais ils ne purent résister à l'impétuosité des soldats, ils furent culbutés, mis en déroute, et poursuivis par des détachements de cavalerie de Murat. L'armée marcha aussitôt sur Bassano : Wurmser et son quartier-général y étaient encore. Augereau y entra par sa gauche, et Masséna par sa droite, à la tête de la 4e demi-brigade, qui, partie à la course, partie en colonnes serrées, fondit sur les pièces qui défendaient le pont de la Brenta, les enleva, passa le pont, et pénétra dans la ville, malgré les efforts de la réserve de grenadiers chargée de protéger la retraite du quartier-général.

Dans cette journée, les Français firent 5.000 prisonniers[8], prirent trente-cinq pièces de canon tout attelées avec leurs caissons ; deux équipages de ponts de trente-deux bateaux tout attelés ; plus de deux cents fourgons portant une partie des bagages de l'armée, cinq drapeaux, dont deux pris par le général Lannes[9]. On ne manqua que d'un instant Wurmser et le trésor de l'armée.

Le soir, Bonaparte parcourait avec son état-major le champ de bataille couvert de morts. Par un beau clair de lune et dans la solitude profonde de la nuit, dit Napoléon, un chien sortant tout-à-coup de dessous les vêtements d'un cadavre s'élança sur nous et retourna presqu'aussitôt à son gîte, en poussant des cris douloureux ; il léchait tour-à-tour le visage de son maître, et se lançait de nouveau sur nous. C'était tout à la fois demander du secours et rechercher la vengeance. Soit disposition du moment, soit le lieu, l'heure, le temps, l'acte en lui-même, ou je ne sais quoi, toujours est-il vrai que jamais rien, sur aucun de mes champs de batailles, ne me causa une impression pareille. Je m'arrêtai involontairement à contempler ce spectacle. Cet homme, me disais-je, a peut-être des amis ; il en a peut-être dans le camp, dans sa compagnie, et il gît ici abandonné de tous excepté de son chien ! Quelle leçon la nature nous donnait par l'intermédiaire d'un animal !...

Ce qu'est l'homme ! Eh quel n'est pas le mystère de ses impressions ! J'avais, sans émotion, ordonné des batailles qui devaient décider du sort de l'armée ; j'avais vu, d'un œil sec, exécuter des mouvements qui amenaient la perte d'un grand nombre d'entre nous ; et ici, je me sentais ému, j'étais remué par les cris et la douleur d'un chien !... Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en ce moment j'eusse été plus traitable pour un ennemi suppliant ; je concevais mieux Achille rendant le corps d'Hector aux larmes de Priam[10].

Chassé de Bassano, Wurmser se décida à se jeter dans Mantoue, et se dirigea sur Vérone. Il rejoignit à Montebello son avant-garde, qu'il y avait envoyée dès le 20 fructidor. Il voulait percer par Vérone, mais Kilmaine, qui défendait cette place, l'en empêcha.

Le Masséna marcha sur Vicence ; Augereau se porta sur Padoue pour couper, à tout événement, la retraite de l'ennemi dans le Frioul, et ramassa les bagages de l'armée autrichienne et l\00 hommes qui les escortaient. Dans cette situation, Wurmser n'avait pas un moment à perdre pour gagner Mantoue, mais il avait perdu son équipage. de pont à Bassano, et il lui fallait traverser l'Adige. Il fit passer deux escadrons au bac d'Albaredo pour connaître la position des Français. Un chef de bataillon envoyé par Sahuguet à Porto-Legnago pour remplacer la garnison de cette place que Kilmaine en avait retirée lorsqu'il fut attaqué à Vérone par Mezaros, crut que l'armée autrichienne avait passé à Albaredo, craignit d'être coupé, et se retira avec sa troupe[11]. Wurmser, apprenant que Porto-Legnago n'était point occupé, fila, dans la nuit du 24 au 25, le long de l'Adige et y passa ce fleuve[12].

A cette fâcheuse nouvelle, Bonaparte le fit passer à Ronco par la division Masséna, tandis qu'Augereau revenait de Padoue sur Porto-Legnago, ayant soin d'éclairer sa gauche pour empêcher l'ennemi de se sauver par Castel-Baldo sur Trieste et Venise.

Le 25, à la pointe du jour, Bonaparte, espérant encore barrer le chemin à Wurmser, ordonna à Masséna de se porter sur Sanguinetto, et à Sahuguet, avec une brigade, à Castellaro, et de couper tous les ponts sur le Tione et la Molinella.

Pour aller de Ronco à Sanguinetto, il y a deux chemins, l'un direct, l'autre qui passe par la gauche, suit l'Adige, et rejoint celui de Porto-Legnago à Mantoue. Pigeon, avec l'avant-garde de Masséna, marcha par le premier chemin sur Sanguinetto ; Murat, avec la cavalerie légère, prit le second. Arrivé à Cérea, il donna dans l'avant-garde ennemie, commandée par le général Ott, et culbuta plusieurs escadrons de cavalerie ; Pigeon, entendant la canonnade, précipita sa marche pour venir au secours de Murat, traversa le village au pas de course, et s ?empara du pont sur lequel devaient passer les Autrichiens. Après un moment d'étonnement et d'hésitation, Ott revint au combat, attaqua avec des forces supérieures cette faible avant-garde, la culbuta, reprit le village et le pont et fit 4 à 500 prisonniers. Elle dut au courage du 8e bataillon de grenadiers et au sang-froid du général Victor d'être sortie à si bon marché d'une lutte aussi inégale. Bonaparte, qui était accouru au premier coup de canon, arriva au moment de la déroute, et n'eut que le temps de tourner bride et de se sauver en toute hâte. Quelques minutes après, Wurmser en ayant été informé le fit poursuivre dans toutes les directions, recommandant, surtout, qu'on le lui amenât vivant.

Wurmser ne dut son salut qu'à l'éloignement de la division Masséna qui ne put soutenir son avant-garde. Il faut, écrivit Bonaparte au Directoire, faire à son ennemi un pont d'or, ou lui opposer une barrière d'acier. Il fallait se résoudre à laisser échapper Wurmser, quoique, selon tous les calculs et toutes les probabilités, il dût, être ce jour-là obligé de poser les armes[13]. Le général en chef se contenta donc de rallier son avant-garde et de retourner à mi-chemin de Ronco à Cérea.

Wurmser fila, toute la nuit du 25 au 26 (11 au 12 septembre), sur Mantoue avec une telle rapidité, qu'il arriva de bonne heure à Nogara. Apprenant que les ponts sur la Molinella étaient coupés, et que Sahuguet l'attendait à Castellaro, il sentie qu'il ne fallait pas essayer de forcer ce poste, puisque dès la pointe du jour on était à sa poursuite. En effet, Bonaparte espérait le trouver aux prises avec Sahuguet. Malheureusement ce général n'avait pas fait détruire le pont de Willa-Impenta, à une lieue sur sa droite ; Wurmser sut mettre cette faute à profit, et effectua son passage. Pour le harceler et retarder sa marche, Sahuguet envoya le générai Charton avec 300 hommes. Mais ce détachement trop faible fut enveloppé et sabré par un régiment de cuirassiers, et obligé de se rendre après une résistance inutile ; le général Charton fut tué. Ce fut donc à l'imprévoyance de Sahuguet que Wurmser dut encore son salut.

Le 21, Augereau avait investi Porto-Legnago ; Masséna, y envoya le général Victor pour l'investir aussi du côté de l'Adige. Après quelques pourparlers, la garnison forte de 1,673 hommes se rendit prisonnière le 27. On y trouva 22 pièces de cartons de campagne et leurs caissons tout attelés, et les 500 Français faits prisonniers au combat de Cérea.

Arrivé à Mantoue, Wurmser se trouva avoir encore une armée de plus de 30.000 hommes, y compris la garnison, dont 5.000 de cavalerie. Il en laissa 5.000 pour garder la place, et campa avec le reste entre Saint-Georges et la citadelle. La présence d'un corps aussi considérable ayant Mantoue pour appui, gênait trop l'armée française pour que Bonaparte ne cherchât pas à le rejeter dans la place.

Le 28 (14 septembre) Masséna partit à la pointe du jour de Castellaro, se porta sur Mantoue par la route de Due-Castelli, et surprit les Autrichiens dans leur camp ; tout semblait lui promettre une victoire complète ; mais la 5e demi - brigade se trompa de chemin, et n'arriva pas à temps pour soutenir cette attaque. Les Autrichiens se rallièrent, et attaquèrent à leur tour ; leur cavalerie chargea les Français ; ils évacuèrent le camp en désordre ; leur échec leur aurait été beaucoup plus funeste sans la bonne contenance de la 32e demi-brigade et du 20e de dragons.

Masséna prit, dans la nuit, une position rétrograde vers Due-Castelli. Le 29, le général Bon, commandant provisoirement la division d'Augereau qui était malade, arriva de Governolo, longeant le Mincio.

Ces combats, qui, dans la réalité, n'étaient que des échauffourées, avaient donné aux Autrichiens beaucoup de confiance et de présomption. Fiers de leurs petits succès, les houlans, les cuirassiers les hussards, inondaient la campagne. Bonaparte ne demandait pas mieux que de voir les ennemis disposés à engager une affaire sérieuse hors de leurs remparts ; le 29 au matin ils firent une sortie générale pour défendre la Favorite et Saint-Georges, et se conserver les moyens de nourrir leur nombreuse cavalerie. Leur droite était appuyée à la route de Legnago vers Motella, leur gauche vers Saint-Antoine sur la route de Vérone.

L'armée française était placée, savoir : la division Sahuguet, à droite, sur la route allant de la citadelle à Roverbella ; la division Masséna au centre, à la hauteur de Due-Castelli ; la division Augereau à gauche, longeant le Mincio par Formigosa.

Le général Bon, commandant la division Augereau, engagea le combat à deux heures après midi, et repoussa les Autrichiens vers Casteletto. Wurmser dirigea son aile droite sur Tenca, et obtint quelques avantages. Mais Masséna parut. Tandis que Lasalcette se portait rapidement entre la Favorite et la citadelle, Pigeon, qui avait passé par Villa-Nova, tourna la plaine pour couper la communication entre. la Favorite et Saint-Georges. Les Autrichiens dégarnirent leur centre pour soutenir leurs ailes. C'était là ce qu'attendait Bonaparte ; Masséna s'avança avec impétuosité ; Victor, avec la 18e de ligne en colonnes serrées par bataillons, marcha droit sur Saint-Georges ; la 32e, conduite par Rampon et soutenue par Kilmaine, à la tête de deux régiments de cavalerie, se porta à la droite pour rejeter les Autrichiens sur lé général Pigeon ; le reste de la division soutenait ces attaques ; de toutes parts le combat s'engagea avec une grande vivacité.

La droite des Autrichiens, craignant d'être coupée par la prise de Saint-Georges, se retira en désordre ; Bon la poursuivit. Les Autrichiens, trouvant ce faubourg occupé par les Français, se rejetèrent vers la citadelle, et, protégés par elle, firent leur retraite, Sahuguet n'ayant pris aucune disposition pour s'y opposer. La droite de Masséna fut même un instant en danger. La 32e y accourut et repoussa les Autrichiens. Bonaparte envoya quelques escadrons au soutien de sa droite ; il n'était plus temps ; Wurmser venait de rentrer à Mantoue.

Ces combats causèrent des pertes sensibles aux deux armées[14].

Les généraux Victor, Saint-Hilaire, Bertin et Mayer y furent blessés, ainsi que plusieurs chefs de brigade, mais aucun grièvement. Bonaparte fit des promotions provisoires et demanda de l'avancement au Directoire pour plusieurs officiers, notamment le grade de général de brigade pour Leclerc, chef de brigade du 10e régiment de chasseurs. Il envoya à Paris a a drapeaux par son aide-de-camp Marmont.

Masséna se plaignit vivement à Bonaparte de ce que dans son rapport au Directoire sur la bataille, de Saint-Georges, il ne lui avait pas départi, ainsi qu'à Chabran et à Rampon, la juste part de gloire qui leur appartenait, et de ce qu'il avait trop vanté Leclerc et Marmont[15].

Il est probable que Bonaparte rendit à l'un de ses plus illustres compagnons la justice qu'il réclama avec autant de fierté que de franchise. Il avait, dit Napoléon, une audace, un coup-d'œil que je n'ai vus qu'à lui ; mais il était avide de gloire, et ne souffrait pas qu'on le frustrât des éloges qu'il croyait avoir mérités. Les rapports étaient rédigés à la hâte, et quelquefois ne faisaient pas à chacun sa véritable part[16].

N'ayant pu parvenir à détruire le corps de Wurmser, Bonaparte avait du moins atteint son but en le refoulant dans Mantoue ; il ne perdit point l'espoir de l'attirer encore au combat ; il fit fortifier Saint-Georges et la Favorite t mais il n'occupa point le Seraglio, et conserva seulement le pont de Governolo, pour faciliter le passage du Mincio.

Le 4e jour complémentaire (20 septembre) la cavalerie autrichienne, forte de 1.500 hommes, se porta à Castellucio ; les grand-gardes se replièrent comme elles en avaient l'ordre, mais l'ennemi ne poussa pas plus loin. Le 3 vendémiaire an V (24 septembre) il attaqua Governolo en suivant la rive droite du Mincio ; après une canonnade très-vive et plusieurs charges d'infanterie, il fut repoussé avec quelque perte.

Les Autrichiens campèrent à la Chartreuse devant la porte Pradella et à la chapelle près la porte Cerèse, et restèrent immobiles. Kilmaine, qui commandait le corps de blocus, attaqua ces deux camps ; le 8 vendémiaire ils furent évacués ; il occupa ces deux postes et bloqua la citadelle.

Vainqueur à Castiglione, Bonaparte avait projeté, si une division de l'armée du Rhin venait prendre position à Insprück, de se porter à Trieste, de faire saccager cette ville et sauter son port. Le Directoire, louant la hardiesse de ce projet, avait pensé qu'il fallait cependant l'ajourner jusqu'au moment où les succès des trois armées de la République auraient ouvert les portes de l'Autriche. A peine s'était-il passé un mois, le Directoire ne connaissait pas encore la défaite de Wurmser ; mais il la regardait comme assurée, et la conquête de l'Italie comme irrévocable. Dans cette confiance, parmi les dispositions qu'il avait d'avance adoptées pour tirer parti de si grands avantages, et les rendre décisifs en faveur de la République dont les intérêts tendaient tous à la paix, la première était de signifier à l'empereur que s'il ne consentait à envoyer sur-le-champ un chargé de pouvoirs à Paris, pour entrer en négociation, les Français iraient détruire son port de Trieste et ses établissements sur l'Adriatique. Le Directoire prescrivit donc à Bonaparte, aussitôt que le sort de Wurmser et de sa dernière division serait décidé, de faire à la cour de Vienne cette notification, de fixer un court délai pour la réponse, afin de ne pas perdre des moments que l'approche de l'arrière-saison rendait plus précieux ; de marcher sur Trieste, prêt à exécuter une menace que légitimaient le droit de la guerre et l'opiniâtreté d'une orgueilleuse maison qui osait tout contre la République et se jouait de sa loyauté ; de continuer, pendant ce mouvement, à disperser le reste des Autrichiens disséminés dans le Tyrol ; d'établir une communication sûre avec l'armée de Rhin-et-Moselle, et d'imposer de fortes contributions partout où pénétreraient les armées françaises[17].

Poussez jusqu'à Trieste, lui écrivait en même temps Carnot[18], si vous croyez votre gauche assurée et que vous soyez tranquille sur vos derrières ; levez de fortes contributions dans le Frioul, et menacez l'empereur de détruire son port unique, s'il ne se hâte d'accepter la paix ; mais il faudra bien en venir là s'il s'obstine. N'oubliez pas qu'aussitôt les quartiers d'hiver pris sur le Rhin, il va avoir beaucoup de forces disponibles qu'il ne manquera pas d'employer contre vous, et que c'est une raison pour ne pas vous enfourner sans être certain des gorges du Tyrol.

Conformément aux intentions du Directoire, Bonaparte écrivit à l'empereur, le 11 vendémiaire (2 octobre) : Sire, l'Europe veut la paix ; cette guerre désastreuse dure depuis trop longtemps. J'ai l'honneur de prévenir Votre Majesté que si elle n'envoie pas des plénipotentiaires à Paris pour entamer les négociations de paix, le Directoire exécutif m'ordonne de combler le port de Trieste et de ruiner tous les établissements de Votre Majesté sur l'Adriatique. Jusqu'ici, j'ai été retenu dans l'exécution de ce plan par l'espérance de ne pas accroître le nombre des victimes innocentes de cette guerre. Je désire que Votre Majesté soit sensible aux malheurs qui menacent ses sujets et rende le repos et la tranquillité au monde.

Le général en chef écrivit au Directoire[19] : Le courrier que vous m'avez ordonné d'envoyer à Vienne est parti depuis longtemps ; il doit être arrivé à cette heure et j'en attends la réponse.

Rien ne semblait plus s'opposer au succès des opérations depuis longtemps projetées en Allemagne par le rapprochement et le concours de l'armée de Rhin-et-Moselle et de celle d'Italie. Moreau se disposait à tenter l'attaque des gorges du Tyrol. Le Lech et l'user étaient forcés, ce qui lui donnait d'excellents débouchés sur Insprück. Ses avant-postes occupaient Neubourg et Neustadt ; son armée était campée à Geisenfeld ; le corps de Férino occupait Mosbourg, Freysing et Munich. La droite était aux sources du Lech, vers Kempten et Schœngau[20]. Mais tandis que Bonaparte battait encore Wurmser, et le renfermait avec ses débris dans Mantoue, l'armée de Sambre-et-Meuse, attaquée par le prince Charles qui avait conduit dans la Bavière un renfort au général Wartensleben, était forcée, quoique sans combat sérieux, à se replier sur la Rednitz et successivement sur la Lahn. Moreau écrivit à Bonaparte[21] : La retraite de Jourdan me force à changer de direction. Je n'ose vous confier mon projet actuel, craignant que ce courrier ne tombe entre les mains de l'ennemi. Dès qu'il sera déterminé, je vous en ferai part. Je désire bien sincèrement que des circonstances plus favorables me mettent à même de seconder vos opérations. P. S. Le général Reynier vous envoie en deux mots, en chiffres, ce que nous devons faire.

Quel était ce projet ? Après avoir détaché Desaix du côté de Nuremberg, pour communiquer avec Jourdan, qui se trouvait déjà à soixante lieues de là, derrière la Lahn, Moreau, le 24 fructidor (10 septembre), fit passer le Danube par son aile gauche à Neubourg, et la dirigea sur Eichstaedt. Son centre passa sur la rive gauche du fleuve, et prit une position intermédiaire à Unterstadt ; la division Delmas resta sur la rive droite vers Zell, pour couvrir Neubourg. Férino se replia derrière la Paar, vers Friedberg, afin de ne pas rester trop exposé, et pour couvrir les ponts du Lech.

C'était une demi-mesure qui compromettait inutilement Desaix ; la marche des Français vers Eichstaedt était une faute qui aurait pu avoir les suites les plus graves, si Moreau avait eu affaire à un autre adversaire que le général Latour[22]. Cette manœuvre ne fut que le prélude de la retraite de Moreau sur le Rhin.

Pour l'excuser, on a dit qu'il avait été gêné par les ordres du Gouvernement. A la nouvelle du revers de Jourdan, le Directoire le remplaça par Beurnonville, général, dit Napoléon, à peine capable de remuer un bataillon[23], et annonça l'intention de rompre le dessein de l'ennemi par une mesure qu'il appelait prompte et audacieuse. Il prescrivit à Moreau de se porter sur-le-champ, avec la plus grande partie de ses forces, entre la Rednitz et le haut Necker, pour marcher contre le prince Charles, qui devait en même temps être attaqué de front par Beurnonville qui avait amené de l'armée du Nord un renfort à celle de Sambre-et-Meuse. Avant de quitter la Bavière, Moreau devait y établir une défensive assez forte pour couvrir le Lech, et contenir les ennemis qui se trouvaient dans cette partie du théâtre de la guerre. Mais pour remplir ce but, il devenait nécessaire que Bonaparte occupât vivement dans le Tyrol les Autrichiens qui pourraient porter des secours en Bavière. Le Directoire prescrivit donc au général en chef de l'armée d'Italie de menacer de faire une irruption et de se porter rapidement sur Insprück. Ce concert seul pouvait permettre de reprendre en Bavière l'offensive sur tous les points, et faire espérer que la manœuvre du prince Charles, heureuse ou non, attirerait sur son armée des coups plus terribles, en l'invitant à tenter de nouveau le sort des batailles[24].

Ces instructions du Directoire et la lettre de Moreau à Bonaparte étaient de la même date. Moreau ne les avait donc pas reçues, lorsqu'il annonça mystérieusement son projet ; il opéra de lui-même son mouvement rétrograde. Du reste, à moins qu'il n'eût, à la tête de 60.000 hommes, fait sa jonction avec Bonaparte, quel coup décisif pouvait-il porter aux Autrichiens en Allemagne après la retraite de Jourdan ? Loin que Bonaparte pût compter sur le concours des armées françaises du Rhin, c'était désormais en Italie où devaient se réparer les revers éprouvés en Allemagne. Le Directoire, malgré les hésitations qu'il manifesta, ne tarda pas à s'en convaincre. Il craignit même que l'archiduc Charles n'abandonnât l'armée de Sambre-et-Meuse, ne se présentât un instant en forces contre celle de Rhin-et-Moselle que pour masquer un mouvement dont le but serait de diriger toutes les troupes disponibles en Italie, pour faire lever le siège de Mantoue. Il recommanda au général en chef de garder avec soin les débouchés du Tyrol, et d'employer, pour s'emparer de cette place, l'audace et l'activité qui caractérisaient toutes ses entreprises[25]. C'était, en effet, l'objet de toutes ses pensées, le but de tous ses efforts ; mais à cause des pluies, on ne pouvait pas penser à en faire le siège avant le mois de janvier, et alors l'Autriche aurait dans le Tyrol et le Frioul une armée de 50.000 hommes[26].

L'opinion qu'on s'était formée au Luxembourg des événements militaires en Allemagne se peint beaucoup mieux encore dans la correspondance confidentielle de Carnot que dans les dépêches officielles. Il écrivait à Bonaparte[27] :

Quoique accoutumés, mon cher général, aux choses les plus extraordinaires de votre part, nos espérances pot été surpassées par la victoire de Bassano. Quelle gloire pour vous, immortel Bonaparte ! Quel coup terrible pour l'orgueilleuse Autriche ! Elle ne s'en relèverait pas si toutes nos armées avaient eu le même succès que celles d'Italie ; mais la misérable reculade de Jourdan déconcerte tous nos projets. L'armée de Rhin-et-Moselle, qui allait vous donner la main, s'est trouvée compromise, presque cernée, obligée de rétrograder avec précipitation pour sauver son flanc, et il faudra toute l'habileté de Moreau pour sortir d'embarras. Cependant Beurnonville, qui remplace Jourdan, vient avec un renfort considérable ; il va reprendre l'offensive, et j'espère que la fin de tout ceci sera la déconfiture générale de l'armée du prince Charles. Il n'en résultera pas moins que nous serons privés des ressources de la Bavière, que votre gauche n'est plus appuyée, que nous aurons beaucoup de peine à vous faire parvenir un secours équivalent à la colonne qui devait se réunir à vous par Insprück. C'est donc dans votre énergie que nous trouverons de nouveaux moyens.

De l'énergie ! Bonaparte n'en manquait pas. C'était beaucoup sans doute, mais cela n'était pas suffisant ; les renforts promis n'arrivaient pas, et l'Autriche recrutait avec une grande activité son armée. Celle dé la République ne comptait que 28.000 hommes, dont 9.000 occupés devant Mantoue. Les 6.000 hommes du général Châteauneuf-Randon étaient à la vérité partis, mais ils n'étaient pas arrivés, ils s'éparpillaient en route et le général Villot notamment, commandant à Marseille, retenait la 11e demi-brigade. Pour se soutenir en Italie, Bonaparte avait besoin de 53.000 hommes, savoir : 35.000 hommes à l'armée d'observation et 18.000 au siège de Mantoue. Il en demandait donc au Directoire 15.000, plus 1.500 de cavalerie légère ou dragons, 800 canonniers, 10 officiers du génie et quelques officiers supérieurs d'artillerie, 1.500 charretiers organisés en brigades ayant leurs chefs[28], 2 bataillons de sapeurs, 7 compagnies de mineurs et 20.000 fusils. Il avait une grande quantité de fusils autrichiens ; mais ils étaient trop lourds, et les soldats ne pouvaient s'en servir. Il faisait fabriquer par mois trente milliers de poudre, ce qui pouvait suffire. Si la conservation de l'Italie vous est chère, écrivait-il[29], envoyez-moi tous ces secours pour la fin d'octobre ; cela seul peut me mettre à même de porter de grands coups aux Impériaux ; mais il faudrait qu'il n'en fût pas comme de tout ce qu'on annonce à cette armée où rien n'arrive. Calculez aussi que sur 4.000 hommes que vous envoyez, il n'en arrive pas la moitié. Quelles que soient les circonstances qui se présenteront, ne doutez pas un seul instant du zèle et du dévouement de l'armée à soutenir l'honneur des armes de la République.

Si la guerre ne consistait que dans le choc des masses armées pour la faire, ce serait encore pour l'humanité un fléau assez déplorable ; mais elle foule sans pitié les populations le plus souvent innocentes des querelles de leurs gouvernements. C'est le droit de la guerre, c'est-à-dire du plus fort. Les armées républicaines en usaient largement ; les armées monarchiques ne s'en faisaient pas faute. Encore si ces exactions ne tournaient qu'au profit du soldat ! Mais en général les administrations militaires les regardent comme leur proie. Bonaparte le savait, le voyait, et luttait de tous ses efforts pour réprimer leur avidité ; car, pour lui, il n'était avide que de gloire. Instruit qu'Il s'était commis dans le duché de Mantoue des abus de toute espèce, et que les bons habitants étaient indignement foulés, il convoqua les notables du pays en assemblées, pour entendre leurs plaintes et régulariser les réquisitions et les contributions[30].

Il parait que malgré la sévérité du général en chef contre les dilapidateurs, un tas de fripons, sous prétexte de l'approvisionnement de l'armée, dépouillaient à leur profit les villages[31]. Vous êtes, écrivait-il à Berthier, le premier agent de la République dans le Mantouan. Vous devez donc porter votre surveillance sur tout ce qui peut intéresser l'ordre public ; concertez-vous avec l'ordonnateur Aubernon, et qu'on mette un terme à ces perpétuelles réquisitions qui désolent le pays conquis, sans presque aucun profit pour la République. Ces excès irritaient le peuple ; il assassinait les Français, et était disposé à la révolte. Le général en chef organisa des colonnes mobiles pour en opérer le désarmement et faire arrêter les hommes turbulents[32].

Wurmser était né en Alsace et avait été quelque temps au service de France. Le Directoire rendit un arrêté pour lui appliquer les lois sur les émigrés, espérant que la crainte d'être traduit à Paris et jugé comme tel, s'il résistait jusqu'à la fin, le déciderait à rendre Mantoue. Le Directoire, en envoyant cet arrêté au général en chef, le laissait maître d'en faire usage et d'offrir à Wurmser une capitulation honorable[33]. C'était mal présumer du maréchal autrichien, méconnaître le caractère de Bonaparte et l'honneur militaire. Je n'ai pas jugé à propos, répondit-il au Directoire[34], de me servir de l'arrêté que vous m'avez envoyé, puisque vous m'en laissiez maître. D'ailleurs, la place n'était point aux abois. Il venait d'écrire au Directoire[35] : Mantoue ne pourra être pris avant le mois de février (pluviôse) ; je dois vous l'avoir déjà annoncé. Vous verrez par là que notre position en Italie est incertaine et notre système politique très-mauvais.

Berthier écrivit de sa part à Wurmser. Ce n'était pas une de ces sommations hautaines et brutales, protocole habituel d'un assiégeant vulgaire qui cherche à effrayer l'assiégé. C'était une invitation loyale et polie, fondée sur la situation véritable de la garnison. Il engageait Wurmser à prendre connaissance de celle de l'armée française dans le Tyrol et sur la Brenta. Rendez à l'empereur, lui mandait-il[36], votre personne, votre cavalerie et votre infanterie. Rendez à l'armée française Mantoue ; nous y gagnerons, et l'humanité plus que nous. Wurmser répondit qu'il croyait pouvoir encore se défendre.

Toujours effrayés de la longueur d'un siège qu'ils regardaient comme un gouffre pour les Français, le général en chef et le Directoire convinrent de continuer le blocus et de l'alimenter par des troupes fraîches. On se borna donc à resserrer l'assiégé dans la place, à y rejeter ses fourrageurs, à repousser ses sorties.

La fièvre continuait d'exercer ses ravages. Le soldat épuisé, succombant au mal, se refusait aux secours de l'art. Bonaparte accourut, jeta du quinquina dans les futailles, et distribua lui-même l'infusion aux corps à mesure qu'ils défilaient. Sa sollicitude ranima les courages, on se soumit au médicament ; on se trouva mieux[37].

Les expéditions faites en Corse par le général en chef, après l'occupation de Livourne, avaient préparé les voies à sa délivrance. Une partie de l'île était insurgée contre les Anglais ; toute la population était prête à éclater contre eux ; convaincus qu'ils ne pouvaient pas tenir contre l'exaspération générale, ils faisaient toutes leurs dispositions pour s'y soustraire et s'embarquer. Dès le commencement de fructidor, Bonaparte avait ordonné une nouvelle expédition commandée par le général Gentili : diverses causes en avaient retardé le départ. Pour s'embarquer, ce général attendait à Livourne des vents favorables, et Salicetti à Florence, que l'insurrection eût pris le caractère qu'il s'efforçait de lui imprimer, lorsque tout-à-coup Gentili écrivit à Bonaparte : Notre pays est rendu à la liberté[38].

En effet, les Anglais avaient évacué sur l'île d'Elbe toutes leurs munitions. Le vice-roi Elliot avait annoncé qu'ils allaient quitter la Corse. La ville de Bastia avait formé un comité ; tous les prisonniers républicains avaient été mis en liberté ; les députations des communes arrivaient de toutes parts pour renouveler, au nom des habitants, le serment de fidélité à la République. Bastia, ses forts et Saint-Florent étaient déjà gardés par les Corses, conjointement avec les Anglais, qui allaient en partir dans trois jours. Gentili n'attendait toujours que le vent favorable pour mettre à la voile.

Napoléon décrit ainsi cette révolution[39] : L'exaltation devint extrême dans toutes les montagnes de la Corse. A Ajaccio, dans une grande fête, on accusa le jeune Colona, aide-de-camp du vice-roi, d'avoir insulté un buste de Paoli. Ce jeune homme en était incapable ; l'insurrection éclata ; les habitants de Bogonano interceptèrent les communications de Bastia à Ajaccio, cernèrent le vice-roi qui avait marché contre eux avec un corps de troupes : il fut contraint d'abandonner ses deux favoris, de les chasser de son camp. Ceux-ci, déguisés, escortés de leurs parents, gagnèrent, par des chemins de traverse, Bastia où ils arrivèrent avant le vice-roi. Elliot vit qu'il était impossible de se maintenir en Corse ; il chercha un refuge, et s'empara de Porto-Ferrajo. Gentili et tous les réfugiés débarquèrent, malgré les croisières anglaises. Ils intimèrent une marche générale de la population. Toutes les crêtes de montagne se couvrirent de feux pendant la nuit. Les habitants s'emparèrent de Bastia et de toutes les places. Les Anglais s'embarquèrent à la hâte, abandonnant beaucoup de prisonniers. Le roi d'Angleterre ne porta que deux ans la couronne de Corse, qui ne servit qu'à dévoiler l'ambition de son cabinet et à lui donner un ridicule. Cette fantaisie coûta cinq millions sterling à la trésorerie de Londres.

Dans ses instructions à Gentili, Bonaparte prescrivit avec une grande sagacité toutes les mesures propres à conserver la Corse à la France et à maintenir la paix dans l'île. Vous accorderez, lui mandait-il[40], un pardon général à toux ceux qui n'ont été qu'égarés ; vous ferez arrêter et juger par une commission militaire les quatre députés qui ont porté la couronne au roi d'Angleterre, les membres du gouvernement et les meneurs de cette infâme trahison, entre autres les citoyens Pozzo-di-Borgo, Bertholani, Péraldi, Stephanopoli, Tartarorlo, Filippi, et l'un des chefs de bataillon qui seront convaincus d'avoir porté les armes contre les troupes de la République. Ainsi la vengeance nationale n'aura à peser que sur une trentaine d'individus, qui se seront peut-être sauvés avec les Anglais. Vous ferez également arrêter tous les émigrés s'il y en avait qui eussent l'audace de continuer leur séjour dans les terres occupées par les troupes républicaines. Mais je vous recommande surtout de faire une prompte justice de quiconque, par un ressentiment contraire à la loi, se serait porté à assassiner son ennemi ; enfin faites ce qui dépend de vous pour rétablir la tranquillité dans l'île, étouffer toutes les haines, et réunir à la République ce pays si longtemps agité. Faites passer à Livourne le plus de Corses que vous pourrez ; il y aura un dépôt pour les recevoir. Le seul moyen de faire sortir de l'île les hommes inquiets, ceux mêmes qui ont combattu pour les Anglais, c'est de les envoyer à l'armée.

Le général Gentili fut chargé d'organiser des colonnes mobiles commandées par des patriotes, et deux corps de gendarmerie pour prêter mainforte au commissaire du gouvernement, et occuper les forteresses jusqu'à l'arrivée des troupes de ligne. Le général en chef donna l'ordre d'y envoyer deux bataillons, et se proposait de donner le commandement de l'île au général Berruyer, persuadé qu'il ne fallait, pour y commander, aucun général ni commandant de place qui fût corse. Il y expédia un officier du génie et un officier d'artillerie, pour faire un plan de défense du golfe Saint-Florent. Suivant lui, ce point seul était essentiel ; il convenait d'y concentrer toute la défense de l'île, en y établissant une place, une fortification permanente. Les places de Bastia, Corte, Calvi, Ajaccio et Bonifacio étaient faibles et inutiles ; il suffisait d'y entretenir des batteries de côtes. Si on avait eu une place à Saint-Florent, et si on y avait concentré toutes les forces, les Anglais ne se seraient pas emparés de l'île. Comme l'établissement de Saint-Florent n'était encore qu'un projet, on devait, en attendant, concentrer toute l'administration militaire à Ajaccio et non, comme on l'avait fait précédemment, à Bastia, attendu que cette ville, située du coté de l'Italie, communiquait très-difficilement avec la France. La Corse, restituée à la République, offrait des ressources à la marine et pour le recrutement de l'infanterie légère, et des facilités pour s'emparer de l'île d'Elbe. L'expulsion des Anglais de la Méditerranée aurait une grande influence sur le succès des opérations militaires en Italie, un grand effet moral sur l'esprit des Italiens, assurerait des communications, ferait trembler l'état de Naples jusque dans la Sicile, et mettrait en état d'en exiger des conditions plus sévères. Tels étaient les résultats que faisait entrevoir Bonaparte au Directoire, dans sa lettre du 26 vendémiaire.

Il paraît que le commissaire du gouvernement, Sallicetti, penchait pour une amnistie générale dans la Corse. Bonaparte insista pour qu'on en exceptât les quatre députés qui avaient eu la bassesse de porter la couronne au roi d'Angleterre, les six membres du conseil d'état du vice-roi, enfin les émigrés portés comme tels sur les registres du département : en tout douze ou quinze individus. Sur tant de coupables, il trouvait que c'était être indulgent[41].

Gentili mit à la voile de Livourne, le 7 brumaire, et débarqua le lendemain à Bastia, d'où il se proposait de marcher contre les Anglais qui avaient encore, dans le golfe de Saint-Florent, une escadre de quatorze vaisseaux, et à terre 600 hommes. Le reste de leurs forces s'était rendu à Porto-Ferrajo, avec le vice-roi Elliot.

On a vu comment une réquisition du commissaire du gouvernement Gareau, au général Vaubois, avait fait éclater le général en chef contre une autorité qui lui devenait de plus en plus intolérable, à mesure que la victoire le grandissait dans sa propre opinion, aux yeux de l'armée et de toute l'Italie. Il avait stigmatisé ce commissaire, ex-conventionnel, par cette phrase amère et dérisoire, écrite au Directoire, composé d'ex-conventionnels : On croit toujours être ici dans les couloirs de la Convention. Les affaires de la Corse amenèrent un nouveau conflit ; c'était avec Sallicetti. On ne voit pas précisément quel en était l'objet. Déjà commissaire du gouvernement près de l'armée, il avait été chargé par le Directoire de se rendre en Corse. Au sujet d'un de ses arrêtés, Bonaparte écrivit à Gentili : Vous devez vivre en bonne intelligence avec le commissaire du gouvernement, sans vous croire obligé pourtant d'obéir à tous les arrêtés, qu'il pourrait prendre pour le service militaire, qui vous regarde seul. Vous devez surtout ne permettre aucun acte législatif, ni qu'on s'éloigne en rien des lois constitutionnelles. Il faut que la Corse soit une bonne fois française, et ne plus y entretenir ce petit tripotage de connivences particulières qui tendent à éloigner les amis de la France.

Il mandait en même temps à Serrurier, commandant à Livourne : Je ne reconnais pas aux commissaires du gouvernement le droit de faire des arrêtés pour requérir des généraux de division. Je vous envoie en conséquence l'arrêté des commissaires. Quand le général Gentili, chargé de l'expédition, vous demandera quelque chose, vous serez maître de le lui accorder, lorsque volts penserez qu'il ne pourra en résulter aucun inconvénient ; mais ne m'alléguez jamais un arrêté des commissaires, qui, pour moi, est absolument insignifiant, et cette méthode est sujette à trop d'abus, pour que vous ne sentiez pas vous-même la conséquence de ne pas y donner lieu. Quand les commissaires vous envoient un arrêté, renvoyez-le en disant que vous ne connaissez d'ordres que ceux de l'état-major[42].

Sallicetti ne resta que quelques jours en Corse ; le Directoire le remplaça par Miot, ministre à Florence, auquel Bonaparte écrivit : La mission que vous avez à remplir est extrêmement difficile ; ce ne sera que lorsque toutes les affaires seront arrangées, qu'il sera permis de faire passer des troupes en Corse. Vous y trouverez le général Gentili qui commande cette division. C'est un honnête homme, généralement estimé dans ce pays.

Le Corse est un peuple très-difficile à connaître, ayant l'imagination très-vive et les passions extrêmement actives[43].

 

 

 



[1] Bonaparte écrivit à Joséphine, d'Alla, le 17 fructidor, à midi : Nous sommes en pleine campagne, mon adorable amie, nous avons culbuté les postes ennemis, nous leur avons pris huit ou dix chevaux, avec un pareil nombre de cavaliers. La troupe est très-gaie et bien disposée. J'espère que nous ferons de bonnes affaires et que nous entrerons dans Trente le 19. Point de lettres de toi, cela m'inquiète vraiment ; l'on m'assure cependant que tu te portes bien, et que même tu as été te promener au lac de Côme. J'attends tous les jours le courrier où tu m'apprendras, de tes nouvelles, tu sais combien elles me sont chères. Je ne vis pas loin de toi ; le bonheur de ma vie est près de ma douce Joséphine ; pense à moi ! écris-moi souvent, bien souvent ; c'est le seul remède à l'absence ; elle est cruelle, mais sera, j'espère, momentanée.

[2] Lettre du 20 fructidor (6 septembre).

[3] Lettre du 20 fructidor (6 septembre).

[4] Lettre du 20 fructidor (6 septembre).

[5] Lettre de Bonaparte au Directoire, 22 fructidor, confirmée dans Montholon, tom. I, page 12, en réfutation de Jomini, tom. IX, page 114, qui porte les prisonniers à 1.200 ou 1.500.

[6] Ce soldat en fit ressouvenir l'empereur au camp de Boulogne, en 1805. Montholon, tom. III, page 305.

[7] Lettre du 22 fructidor (8 septembre).

[8] Lettre de Bonaparte an Directoire, 22 fructidor (8 septembre). Jomini, tom. IX, page 116, 2.000 prisonniers.

[9] Nous lui avons donné le titre de général depuis que Bonaparte demanda ce grade pour lui, après la mort du général Causse ; cependant il n'était pas encore nommé, puisque Bonaparte renouvela sa demande au Directoire après la prise de Bassano.

[10] Las Cases, tome II, page 12. — Arnault, Histoire de Napoléon, confirme cette anecdote et la place à Bassano.

[11] Montholon, tom. III, page 308.

[12] Bonaparte écrivit de Montebello, le 24, à Joséphine :

L'ennemi a perdu, ma chère amie, 18.000 hommes prisonniers, le reste est tué ou blessé. Wurmser, avec une colonne de 1.500 chevaux et 500 hommes d'infanterie, n'a plus d'autre ressource que de se jeter dans Mantoue : jamais nous n'avons eu de succès aussi constants et aussi grands. L'Italie, le Frioul le Tyrol, sont assurés à la République. Il faut que l'empereur crée une seconde armée. Artillerie, équipages de ponts, bagages, tout est pris. Sous peu de jours nous nous verrons ; c'est la plus douce récompense de mes fatigues, et de mes peines.

Mille baisers ardents, bien amoureux.

[13] Lettre du 30 fructidor (6 septembre).

[14] Aux Autrichiens 2.000 prisonniers, 2,500 tués ou blessés, 25 pièces de canons. Lettre de Bonaparte au Directoire 30 fructidor ; 2.000 hommes hors de combat. Jomini, tom. IX, page 129.

[15] V. Pièce justificative.

[16] Antommarchi, tome V, page 321.

[17] Lettre du 4e jour complémentaire au IV (20 septembre).

[18] Lettre du 3e jour complémentaire an IV (19 septembre).

[19] Lettre du 26 vendémiaire an V (17 octobre).

[20] Lettre de Moreau à Bonaparte, 23 fructidor (9 septembre).

[21] Lettre de Moreau à Bonaparte, 23 fructidor.

[22] Jomini, tom. IX, page 59.

[23] Montholon, tom. III, page 341.

[24] Lettre du Directoire à Bonaparte, 23 fructidor (9 septembre).

[25] Lettre du 6 vendémiaire an V (27 septembre 1796).

[26] Lettre de Bonaparte au Directoire, 10 vendémiaire an V (1er octobre).

[27] Lettre du 3e jour complémentaire (19 septembre).

[28] Première idée de l'organisation militaire qu'il leur donna sous le nom de soldats du train, lorsqu'il fut premier consul.

[29] Lettre du 10 vendémiaire (1er octobre).

[30] Arrêté du 8 messidor (26 juin).

[31] Lettre de Bonaparte à Berthier, 10 vendémiaire (1er octobre).

[32] Lettre de Bonaparte à Berthier, 10 vendémiaire (1er octobre).

[33] Lettre du 10 vendémiaire (1er octobre).

[34] Lettre du 26 vendémiaire (17 octobre).

[35] Lettre du 17 vendémiaire (8 octobre).

[36] Lettre du 25 vendémiaire (16 octobre).

[37] Antommarchi, tom. I, page 283.

[38] Lettre du 4 vendémiaire (15 octobre).

[39] Montholon, tom. IV, page 60.

[40] Lettre du 26 vendémiaire (17 octobre).

[41] Lettre de Bonaparte au Directoire, 4 brumaire (25 octobre), et à Gentili, 11 brumaire (1er novembre).

[42] Lettre du 11 brumaire (1er novembre).

[43] Lettre du 3 frimaire (21 novembre).