HISTOIRE GÉNÉRALE DE NAPOLÉON BONAPARTE

GUERRE D'ITALIE. - TOME PREMIER

 

CHAPITRE XI.

 

 

Opérations des armées en Allemagne. — Renforts détachés par l'Autriche en Italie. — Bonaparte rassemble ses forces. — Opérations devant Mantoue. — Débats avec Gênes. — Armements à Venise Conflit entre Bonaparte et les commissaires du Directoire. — Sa politique envers les émigrés. — Porto-Ferrajo livré aux Anglais ; rancune tenue au grand duc de Toscane. — Commencement de l'expédition en Corse pour en chasser les Anglais.

 

Lorsque Bonaparte partit de Paris, on lui avait promis que les armées d'Allemagne entreraient en campagne sans délai, et commenceraient à opérer le 26 germinal. Jusqu'à la fin de mai elles restèrent dans une inaction absolue. Jourdan, commandant l'armée de Sambre-et-Meuse, ne commença les hostilités sur la rive droite du Rhin que le 13 prairial (1er juin), et l'armée de Rhin-et-Moselle, commandée par Moreau, ne passa ce fleuve que le 6 messidor (23 juin). Ces retards, quelle qu'en fût la cause, permirent à l'Autriche de détacher en Italie 30.000 hommes de ses armées d'Allemagne, et ce puissant renfort[1] était en pleine marche et près de sa nouvelle destination, lorsque les armées du Rhin firent leur diversion. Elle ne fut donc que d'un faible secours pour Bonaparte. Cependant le Directoire comptait que le début glorieux de la campagne sur le Rhin allait consterner l'Autriche, et serait d'une grande utilité pour l'armée d'Italie ; il espérait même qu'une partie des détachements faits par Wurmser seraient rappelés.

Bonaparte n'avait pas une grande confiance en ces calculs hypothétiques ; il rassemblait toutes ses forces, et demandait en vain des renforts. Le général Châteauneuf-Randon devait lui amener de l'intérieur 6.000 hommes ; ils reçurent contre- ordre et restèrent à Nismes. Il requit les commissaires du Directoire de donner l'ordre au général Kellermann de lui envoyer promptement deux demi-brigades de l'armée des Alpes ; il expédia 150.000 liv. en numéraire, pour subvenir à leur solde[2].

Il invitait le ministre français à Venise à mettre plus d'activité dans sa correspondance secrète, et à lui faire passer tous les jours un bulletin des forces et des mouvements de l'ennemi. Vous devriez avoir, lui mandait-il[3], des espions à Trente, à Roveredo, à Insprück. C'est ainsi que fait à Bâle Barthélemi, et il rend des services majeurs à la République. Je suis instruit d'une manière indirecte que Venise arme, et vous ne me parlez pas de ces armements, de leur nature et de leur force !

Après la bataille de Borghetto, Beaulieu s'était retiré sur les hautes montagnes pour défendre les issues du Tyrol ; il avait fait tirer et fortifier avec beaucoup de soin des lignes entre la tête du lac de Garda et l'Adige.

Masséna, pour garder aussi les débouchés du Tyrol, occupait la position de la Corona et de Rivoli. Malgré ces avantages, on jugea convenable de ne pas souffrir l'établissement des avant-gardes ennemies à une si grande proximité. Masséna ordonna, le 16 messidor (4 juillet), au général Joubert, d'attaquer les Autrichiens par la Bochetta de Campion. Le chef de bataillon Marchand tourna l'ennemi par la droite ; ce fut le signal de l'attaque. Les Français, leurs armes à la main et sans tirer un seul coup de fusil, gravirent les rochers escarpés, tuèrent 100 hommes, firent 200 prisonniers, prirent 40o tentes et les bagages. En même temps, le chef de bataillon Recco tourna l'ennemi par la gauche, s'empara de l'excellente position de Bellone, tua 300 hommes et fit 70 prisonniers. L'ennemi abandonna des retranchements qui lui avaient coûté beaucoup de peine à élever. Ce fut le premier combat depuis que Wurmser était venu prendre le commandement de l'armée autrichienne[4].

Le concert de louanges et d'admiration qu'excitaient en France, en Italie et dans plusieurs parties de l'Europe les succès de Bonaparte, était quelquefois troublé par des gazetiers qui jetaient du doute sur ses victoires, répandaient de fausses nouvelles de défaites, et attaquaient personnellement le général en chef, ou travaillaient à jeter de la division entre lui et le Directoire.

Le chef d'état-major-général, Berthier, était chargé de répondre aux journalistes. Il avait, dès le commencement de la campagne, offert aux chouans qui doutaient du compte des prisonniers faits par l'armée française, d'en faire imprimer le contrôle s'ils voulaient en payer les frais. La Gazette générale de l'Europe, répétant un article de la Gazette de Francfort, avait imaginé une grande victoire des Autrichiens ; Berthier y répondit dans le Courrier de Bâle. Il écrivit au Directoire, le 1er messidor (5 juillet) : Si le gazetier eût fait son roman 15 jours plus tôt, on aurait pu croire au dessein de relever le courage abattu des Autrichiens, et par là d'empêcher nos progrès rapides sur le Rhin. Je dois cependant relever une légère erreur de ce rédacteur de Francfort, c'est qu'après la déroute complète des Autrichiens sur le Mincio, pas un Français n'a passé l'Adige ; qu'il n'y a pas eu de combats, que par conséquent voilà seize mille Français ressuscites ; mais un fait que ne pourra nier le gazetier général de l'Europe, c'est que le général Masséna vient de battre les Autrichiens dans les gorges du Tyrol.

Le général Berthier est furieux, écrivait Bonaparte à Carnot[5], de la victoire imaginaire que les gazetiers allemands font remporter à Beaulieu sur nous. Quant à moi, je trouve que ces messieurs ont raison de chercher à se consoler par le seul moyen qui leur reste. Les rêves ont toujours été la consolation des malheureux.

Telle était l'esquisse que Bonaparte faisait de sa situation à Carnot[6] : Toutes nos affaires diplomatiques en Italie, hormis Gênes et Venise, sont terminées. Venise, le moment n'est pas favorable ; il faut auparavant prendre Mantoue et bien battre Wurmser. Quant à Gênes, le juste moment est arrivé. J'écris là-dessus longuement au Directoire. Tout va assez bien ; l'ennemi se renforce ; nous ne le chercherons pas, à moins qu'il ne s'approche trop près de l'Adige, et nous allons concentrer tous nos moyens pour enlever Mantoue.

Cette place était commandée par le général Canto-d'Irlis, qui avait sous lui les généraux Roccavina, Roselmini et Wuckassowich, 12.000 hommes d'infanterie, 500 de cavalerie, 600 d'artillerie, 150 mineurs, 100 marins, total 14.000 hommes. Le quartier-général français se porta de Bologne à Roverbella où était Serrurier, qui commandait le blocus ; plusieurs chaloupes françaises étaient sur le lac inférieur. D'après les reconnaissances détaillées faites par le général Serrurier et les commandants du génie et de l'artillerie, pour attaquer en même temps la place et la citadelle, il aurait fallu 54 pièces de canon et 22 mortiers, non compris les bouches de rechange ; 1.100 hommes d'artillerie, 20 à 25.000 hommes d'infanterie et 1.000 de cavalerie[7].

Depuis le combat du 16 prairial (4 juin) où les Français rejetèrent dans la place les postes extérieurs, et emportèrent le retranchement de Saint- Georges, la division Serrurier continuait de la bloquer, et éleva quelques ouvrages sur les issues par lesquelles la garnison aurait pu déboucher. Le grand éloignement du parc de siège n'avait pas permis, pendant un mois, de rien entreprendre. La garnison tenta plusieurs sorties pour troubler les travaux. Le 18 messidor (6 juin) le général Wuckassowich en exécuta une avec assez de succès, dit un écrivain[8]. — Il rentra plus vite qu'il n'était sorti, en laissant une centaine de morts, écrivit Bonaparte au Directoire. Je ferai ce soir une dernière reconnaissance pour fixer les dernières opérations du siège ; dans 4 ou 5 jours la tranchée sera ouverte[9].

La division Serrurier était forte de 7.000 hommes ; elle avait des malades et jusqu'à 50 par jour. Le général en chef se proposait de la renforcer. Il espérait avoir bientôt la ville, et qu'alors le nombre des malades diminuerait. Wurmser commençait à faire des mouvements pour chercher à débloquer Mantoue. Bonaparte attendait avec impatience les dix bataillons de l'armée de l'Océan, que le Directoire lui avait annoncés depuis longtemps, et dont il ri avait pas encore de nouvelles.

Le 28, à 2 heures du matin, Wuckassowich fit une nouvelle tentative, et sortit avec 3.000 hommes par la porte de Pradella, tandis que 1.500 hommes débouchaient par la porte de Cérèse. Les postes avancés se replièrent suivant l'usage ; les Autrichiens étaient à portée de pistolet des batteries que déjà ils espéraient enlever. Mais le brave 5e bataillon de grenadiers était là. Les généraux Fiorella et Dallemagne disposèrent leurs troupes, attaquèrent à leur tour l'ennemi, et après deux heures de combat, le mirent en désordre et le conduisirent jusqu'aux palissades de la ville ; sa perte fut de 5 à 600 hommes[10].

Le général en chef médita un coup d'audace au succès duquel les opérations ultérieures étaient subordonnées, et qui, comme ceux de cette nature, écrivait Bonaparte au Directoire, dépend absolument d'un chien ou d'une oie[11]. L'exécution en était fixée au 29 messidor (17 juillet). Il s'agissait de surprendre la place. Huit cents grenadiers devaient débarquer à deux heures du matin, sous la batterie et le bastion du palais, s'emparer de la porte de la poterne, baisser les ponts-levis de la chaussée de Saint-Georges, par laquelle l'armée serait entrée dans la ville. Les bateaux étaient réunis et déjà 100 grenadiers embarqués. Mais le Pô ayant considérablement diminué, et les eaux du lac inférieur s'étant rapidement écoulées, il ne s'en trouva plus assez ; il fallut renoncer à ce projet. Alors on agita la question de savoir si l'on ouvrirait la tranchée. L'orage du Tyrol paraissait prêt à fondre ; mais le chef de brigade du génie, Chasseloup, promit que la place serait prise en 15 jours ; elle était mal armée et la garnison affaiblie ; le général en chef résolut donc d'ouvrir la tranchée[12]. Il fit d'abord adresser par le chef d'état- major-général une sommation au commandant de la place ; il répondit que les lois de l'honneur et du devoir lui imposaient l'obligation de se défendre jusqu'à la dernière extrémité.

La garnison avait conservé un petit camp retranché à Migliaretto, sous la protection de ses ouvrages. Le 30, à 11 heures du soir, Serrurier le fit attaquer par les généraux Murât et Dallemagne ; ils l'emportèrent, tandis que le chef de bataillon d'artillerie, Andréossy, avec cinq chaloupes canonnières, qu'il avait armées, donnait à l'ennemi une fausse alerte, et attirait sur lui tous les feux des remparts. Pendant ce temps-là, le chef de brigade du génie, Chasseloup, traça, à 80 toises de la place, l'ouverture de la tranchée, sous le feu et la mitraille de l'ennemi. Au même instant, les batteries de Saint-Georges, de Pradella et de la Favorite, commencèrent à jouer contre la place. Dix minutes après, le feu se manifesta de tous côtés dans la ville. La douane, le palais Colloredo, et plusieurs couvents furent entièrement consumés. A la pointe du jour, la tranchée n était que faiblement tracée ; l'ennemi réunit une partie de ses forces et chercha à sortir, protégé par le feu des remparts ; mais les Français, abrités par des ravins, des digues, et toutes les sinuosités du terrain, attendirent l'ennemi de pied ferme et sans tirer. Cette morne constance seule, écrivit Bonaparte au Directoire[13], le déconcerta : il rentra dans ses murs. Je ne vous parlerai point de l'intrépide Serrurier, ajoutait-il ; sa réputation militaire est établie, et nous lui devons, entre autres choses, le gain de la bataille de Mondovi. Le chef de brigade du génie, Chasseloup, le chef de bataillon Samson, et le chef de bataillon d'artillerie Muiron, donnent tous les jours des preuves de talent, d'activité et de courage qui sont autant de titres à la reconnaissance de l'armée et de la patrie. Toutes les troupes montrent une patience, une constance et un courage qui donnent l'audace de concevoir les entreprises les plus hardies.

On employa les nuits suivantes à perfectionner les travaux. Bonaparte regardait la prise de Mantoue comme tellement assurée, qu'il proposa au Directoire de raser sur-le-champ cette place, et de transporter immédiatement en France les 300 pièces d'artillerie qui s'y trouvaient. Le Directoire approuva ces dispositions, et lui manda, lorsque cette ville serait démolie, de faire aussi détruire les fortifications du château de Milan[14].

Douze mille hommes détachés de l'armée des côtes de l'Océan se rendaient à l'armée d'Italie[15]. Le Directoire se flattait que la droite de l'armée de Rhin-et-Moselle, touchant bientôt au lac de Constance, irait inquiéter les derrières de l'armée autrichienne d'Italie. Suivant lui, le prince Charles, réduit à la moitié de ses forces, par ses pertes et les garnisons qu'il avait jetées dans les places, prenait le chemin du Danube. Les généraux Moreau et Jourdan le pressaient avec activité sur ses deux flancs. La campagne la plus décisive lui paraissait donc déjà à l'abri de tout retour fâcheux[16].

D'après la manière dont le Directoire et le général en chef en agissaient avec les princes d'Italie, auxquels ils accordaient des armistices ou la paix, et dont ils traitaient la Toscane qui n'avait pas cessé d'être en paix apparente avec la France, l'aristocratie génoise ne pouvait pas se dissimuler le sort qui l'attendait, ni les rigueurs que sa conduite partiale envers l'Autriche et l'Angleterre attirerait infailliblement sur le pays. Le Directoire écrivait en effet à Bonaparte : L'expédition de Livourne aura été pour Gênes le signal de justes alarmes que sa neutralité perfide doit lui inspirer. Que la vengeance nationale suive la victorieuse armée d'Italie, et ne négligeons pas les indemnités qu'exigent les pertes et les sacrifices de la République[17].

Loin de vouloir céder à une situation de choses qu'il ne pouvait pas dominer, et de déférer de bonne foi aux exigences d'un vainqueur, qui ne supportait pas de résistances, le sénat de Gènes agitait ou laissait agiter le peuple contre les Français par le parti de l'Autriche, d'une puissance qui ne pouvait plus le défendre. On insinuait aux Génois que les Français voulaient leur enlever leurs biens, leurs armes, leurs églises. Les prêtres échauffaient l'imagination du peuple par des cérémonies religieuses. Les femmes se rendaient en troupe aux églises. Des processions composées surtout de domestiques parcouraient les rues. Les Français étaient insultés et menacés. Faypoult remit une note le 22 messidor (17 juillet) au secrétaire d'État, et demanda que le Gouvernement voulût bien lui faire part des mesures effectives qu'il prenait pour prévenir les suites de cette fermentation, afin qu'il pût en informer le Directoire et le général en chef.

Bonaparte, dont l'action suivait toujours la menace, ne se trouvait point alors en situation d'agir. Il méditait d'enlever Mantoue d'un coup de main, et il était obligé de tenir ses troupes concentrées sur l'Adige. Il attendait une réponse du Directoire ; il prit donc le parti de dissimuler avec Gènes pour gagner 15 jours, espérant qu'après ce délai sa situation en Italie serait décidée. Le sénat lui envoya M. Cattaneo pour donner des explications.

Lorsque je le verrai, écrivit Bonaparte à Faypoult[18], il sera content de moi, et je n'oublierai rien de tout ce qui peut l'endormir, et donner au sénat un peu plus de confiance. Le temps de Gènes n'est pas encore venu pour deux raisons : - 1° Parce que les Autrichiens se renforcent, et que bientôt j'aurai une bataille. Vainqueur j'aurai Mantoue, et alors une simple estafette à Gênes vaudra la présence d'une armée. 2° Les idées du Directoire sur Gênes ne me paraissent pas encore fixées. Il m'a bien ordonné d'exiger une contribution (de 10 millions), mais il ne m'a permis aucune opération politique. Je lui ai expédié un courrier extraordinaire avec votre lettre, et je lui ai demandé des ordres que j'aurai à la première décade du mois prochain. D'ici à ce temps-là, oubliez tous les sujets de plainte que nous avons contre Gènes. Faites-leur entendre que vous et moi, nous ne nous en mêlons plus, puisqu'ils ont envoyé M. Spinola à Paris ; que nous sommes contents de ce choix, et que cela nous est garant de leurs bonnes intentions. Dites-leur positivement que j'ai été très-satisfait des mesures qu'ils ont prises relativement à M. Girola ; enfin n'oubliez aucune circonstance pour faire renaître l'espérance dans le cœur du sénat de Gênes et l'endormir, jusqu'au moment du réveil. Faites en sorte que nous gagnions quinze jours, et que l'espoir renaisse ainsi que la confiance entre vous et le gouvernement génois, afin que, si nous étions battus, nous le trouvions ami. Faites passer promptement à Tortone tout ce qui se trouve chez M. Balbi. L'intention du Directoire est de réunir tout à Paris, pour faire une grande opération de finances. J'y ferai passer trente millions.

 

M. Cattaneo vint trouver le général en chef et' en parut extrêmement satisfait. Cependant la conduite du gouvernement génois jeta le Directoire hors des bornes de la modération qu'il semblait s'être imposée ; il perdit patience, prit un arrêté très-sévère contre Gênes, conforme aux propositions de Bonaparte et le lui envoya, s'en reposant sur sa prudence pour le choix du moment et des moyens d'exécution, et sur les précautions à prendre pour que les fonds et autres objets précieux déposés à Gênes ne pussent, dans aucun cas, courir les moindres hasards, parce qu'il valait mieux les mettre en sûreté que d'être obligé de les réclamer[19].

On a vu que Beaulieu avait en se retirant violé le territoire de Venise et occupé Peschiera ; que Bonaparte avait suivi son exemple et s'était emparé de Vérone ; que cette invasion avait amené entre lui et le gouvernement vénitien des explications qui n'avaient satisfait ni l'un ni l'autre ; que le Directoire voulait, profiter de ces débats pour obtenir de l'argent ; et que Bonaparte recommandait au ministre français à Venise de tenir la querelle ouverte pour en profiter suivant les circonstances. Dans une position aussi embarrassante, pressé entre deux grandes puissances, que devait faire le gouvernement vénitien ? Il est difficile de le dire ; mais il prit le parti d'armer. L'escadre fut rassemblée ; des levées furent faites en toute hâte dans l'Italie, la Dalmatie et l'Albanie ; les forts furent approvisionnés et garnis de soldats. Venise se remplit de troupes ; une contribution de guerre fut établie. La république eut en peu de temps une attitude guerrière et menaçante. Elle n'avait point de général ; suivant les lois du pays il devait être étranger, il y en avait trois sur les rangs : Salis, ancien colonel d'un régiment suisse en France, le prince de Nassau au service de l'Autriche, et le Polonais Komarzeuski, ancien favori du roi Stanislas, protégé de la Russie.

Le sénat n avait pris aucune mesure de défense lorsque les Autrichiens faisaient passer sur le territoire vénitien des corps considérables de troupes, et menaçaient d'en introduire par d'autres points qui dans tous les temps avaient été respectés. Au moment où les Français, poursuivant leur ennemi sur le même territoire qu'il violait encore impunément, étaient forcés d'occuper, quoique en amis, des postes indispensables au succès de leurs opérations, il devait paraître étrange qu'on réunît des forces extraordinaires dont l'objet n'était pas même apparent. Le sénat savait que ce mouvement avait frappé la nation vénitienne tout entière, et avait dû nécessairement lui faire croire qu'il était uniquement dirigé contre les Français. Cette opinion s'était tellement accréditée par les insinuations des émigrés et des partisans de l'Autriche, que les cafés et les places publiques retentissaient encore des expressions les plus scandaleuses, malgré les plaintes réitérées qui en avaient été faites, et les mesures que l'administration avait dû prendre pour les réprimer. Le général en chef regarda donc ces dispositions comme hostiles, et le ministre français demanda au sénat des explications promptes et catégoriques sur cet armement[20]. Il répondit de suite en protestant de sa sincère et constante amitié, de sa fermeté, de sa loyauté, de sa franchise à maintenir sa neutralité. Son armement était destiné à un usage innocent. Devant craindre dans ce moment que les environs de la capitale ne devinssent bientôt le théâtre de vives actions de guerre, il ne pouvait se dispenser de prendre les précautions nécessaires pour la garantir de descentes imprévues d habitants effrayés ou de gens armés, dispersés ou fugitifs, qui, y venant chercher un asile, y occasionneraient la confusion et la terreur. Tel était le seul motif des mesures qu'il avait prises en faisant approcher de Venise une partie des forces maritimes, en faisant préparer un nombre convenable de barques armées pour leur service, et en appelant une quantité suffisante de troupes pour la garde de la capitale[21].

Bonaparte reprocha au provéditeur général des assassinats commis par les habitants du pont de Saint- Marc sur des Français, et le prévint que si le plus tôt possible il n'y mettait ordre, les villages seraient exposés au juste ressentiment de l'armée et qu'il ferait un, exemple terrible sur eux[22].

Il y avait à Vérone entre les troupes françaises et les Esclavons une animosité que des malveillants se plaisaient à exciter. Le général en chef exigea du provéditeur que pour éviter de plus grands malheurs, aussi fâcheux que contraires aux intérêts des deux républiques, il fit sortir les Esclavons sous quelques prétextes spécieux[23].

Enfin par le motif que les circonstances actuelles de la guerre et la nécessité de défendre Vérone l'obligeaient à placer de l'artillerie sur les remparts de cette ville, Bonaparte prévint le provéditeur qu'il donnerait au général d'artillerie les ordres nécessaires[24].

Vous trouverez ci-joint, mandait-il au Directoire[25], copie de la note que Lallemant a remise au sénat et de sa réponse. Au reste je suis maître de toutes les places fortes de la république sur l'Adige. Peut-être jugerez-vous à propos de commencer dès à présent une petite querelle au ministre de Venise à Paris, pour que, après la prise de Mantoue, et lorsque j'aurai chassé les Autrichiens de la Brenta, je puisse trouver plus de facilité pour la demande que vous avez l'intention que je leur fasse de quelques millions.

 

Dans l'attente des grands événements qui se préparaient, ce n'était pas assez pour le général en chef d'avoir la ville de Vérone, l'occupation de la citadelle était nécessaire à la sûreté de son armée.

Il écrivit au Directoire[26] :

Messieurs du sénat de Venise voulaient nous faire comme ils firent à Charles VIII. Ils calculaient que comme lui nous nous enfoncerions dans le fond de l'Italie, et nous attendaient probablement au retour. Je me suis sur-le-champ emparé de la citadelle de Vérone, que j'ai armée avec leurs canons, et en même temps j'ai envoyé un courrier au citoyen Lallemant notre ministre à Venise, pour lui dire d'enjoindre au sénat de cesser ses armements. Vous avez vu les notes que je vous ai envoyées là-dessus, par mon dernier courrier ; déjà l'armement a discontinué.

 

Bonaparte était convenu avec le provéditeur général qu'un entrepreneur fournirait des vivres à l'armée, et que la république de Venise le paie-, rait secrètement. Cette convention avait été en partie exécutée. Les fournitures s'élevaient à trois millions. L'entrepreneur vint plusieurs fois demander de l'argent au général en chef qui le renvoya avec des promesses et l'ordre positif de continuer son service. Il alla trouver les commissaires du Directoire qui lui donnèrent une lettre de change de 30o.000 livres à prendre sur les contributions de Rome. Bonaparte s'en plaignit comme de la plus mauvaise mesure que l'on eût pu prendre, puisqu'elle avait appris au fournisseur qu'avec de l'importunité et en laissant manquer son service, il tirerait de l'argent. Je suis donc maintenant obligé, mandait-il au Directoire[27], de me fâcher contre le provéditeur, d'exagérer les assassinats qui se commettent contre nos troupes, de me plaindre amèrement de l'armement qu'on n'a pas fait lorsque les impériaux étaient les plus forts, et par là je les obligerai, pour m'apaiser, à me fournir tout ce qu'on voudra : voilà comme il faut traiter avec ces gens-là. Ils continueront à me fournir, moitié gré, moitié force, jusqu'à la prise de Man- toue. Alors je leur déclarerai ouvertement qu'il faut qu'ils me paient la contribution portée dans votre instruction, ce qui sera facilement exécuté. Je crois qu'il serait utile que vous témoignassiez à M. Quirini votre étonnement de l'armement des Vénitiens qui, sans aucun doute, était dirigé contre nous : il n'y a pas de gouvernement plus lâche et plus traître que celui-ci.

Le jugement était sévère, mais juste. Sans doute le Directoire et Bonaparte. étaient habiles et empressés à profiter des prétextes que ce gouvernement leur fournissait, et à exagérer ses torts ; mais il était certain aussi qu'il avait montré une aversion excessive pour la révolution ; qu'il avait maltraité les Français fidèles à la cause nationale, et excité la haine du peuple contre eux, tandis qu'il avait protégé les émigrés ; et que quoiqu'il ne fût pas entré formellement dans la coalition, il avait toujours eu une grande déférence pour l'Autriche devant laquelle, depuis longtemps, il était accoutumé à trembler. Comment le général en chef aurait-il pu accorder quelque foi aux motifs que le sénat de Venise donnait à ses armements ? Rester neutre, en supposant qu'il le voulût sincèrement, armer pour faire respecter cette neutralité, il en avait le droit ; mais devait-il en user, s'il n'en avait pas la force ? Si les puissances belligérantes conspiraient à l'envi contre cette neutralité, était-il sage à un état faible de compromettre son existence pour sauver un principe ? N'était-il pas plus politique et plus prudent d'essayer de se sauver soi- même en contractant une alliance avec l'une des parties entre lesquelles jusqu'à ce moment on se trouvait pressé, avec l'Autriche ou la France ?

Dans sa correspondance avec Bonaparte, le Directoire n'avait paru regarder Venise que comme un état auquel il fallait faire payer la paix et même faire racheter son existence par des contributions. Dans sa correspondance avec le ministre français, le Directoire annonçait une politique plus favorable à cette puissance. Il est temps, écrivait-il à Lallemant, que la république de Venise sorte enfin de la longue inertie où elle croupit depuis la paix de Passarovitz, et qu'elle reprenne entre les états le rang qu'elle occupait avant 1718 ! La France lui en offre aujourd'hui les moyens. Venise peut augmenter son territoire, acquérir des places qui, consolidant sa puissance, serviront à former entre les deux républiques un pacte fédératif fondé sur leurs intérêts réciproques. Le Directoire ordonnait à Lallemant d'engager les Vénitiens à envoyer un négociateur à Paris[28]. Cette ouverture n'eut, comme on le verra, aucun succès ; la politique étant subordonnée à la chance des armes, à mesure qu'elle devint de plus en plus favorable à la république française, elle dédaigna une puissance qui n'inspirait plus de crainte, et dont la conduite peu loyale ne pouvait qu'irriter le vainqueur.

Au début de la guerre de la liberté, l'armée avait encore dans ses rangs des officiers et des généraux dont le dévouement était équivoque ; l'administration militaire manquait d'énergie. Pour remédier à ces inconvénients, mettre de l'ensemble dans les opérations militaires, leur imprimer un mouvement rapide, et développer toutes les ressources nationales, la Convention envoya aux armées des représentants du peuple revêtus de grands pouvoirs. Ce ressort, dont l'action fut d'abord utile, s'usa ensuite par ses excès, et ne devint plus qu'une superfétation depuis que la guerre, la politique et le Gouvernement eurent pris une marche plus régulière. Cependant le Directoire voulut avoir des commissaires près des armées. Garreau et Salicetti étaient en cette qualité à l'armée d'Italie. Bonaparte, qui avait offert sa démission plutôt que de partager le commandement avec Kellermann, ne pouvait que supporter avec impatience le pouvoir et le contrôle qu'ils exerçaient. Elle éclata au sujet des affaires de Livourne.

Satisfait de la situation militaire de cette place, le général Vaubois ne l'était pas de la situation administrative. Il y avait de la désunion dans une commission chargée de surveiller les propriétés anglaises. Une colonie génoise, ayant à sa tête Lachaise, consul français à Gênes, était venue s'emparer des affaires ; il prenait le haut ton ; et Vaubois se plaignait de sa correspondance. Le commerce avait offert cinq millions pour se racheter des recherches et des prétentions de la commission, au sujet des propriétés anglaises ; on les avait refusés. Les magasins anglais étaient considérables, mais on redoutait les dilapidations d'une commission nombreuse et peu famée. Le port était étroitement fermé ; les neutres ne pouvaient plus y entrer. Le commerce était dans une crise fâcheuse. En transmettant ces détails au général en chef, Vaubois lui mandait : Je suis convaincu qu'avec des formes douces et honnêtes, cette ville aurait rempli votre attente, et produit, sans faire crier, dix millions à la République. Je me lave les mains de toutes ces affaires ; je me renferme dans la partie militaire[29].

Tous ces reproches inculpaient indirectement les commissaires du Directoire, qui avaient la haute-main sur les opérations administratives.

En occupant Livourne, le Directoire et le général en chef n'avaient voulu qu'en chasser les Anglais et s'emparer des propriétés ennemies. La Toscane n'était point un pays conquis ; le grand duc y régnait toujours, elle était traitée en état indépendant. Bonaparte tenait beaucoup à ce que du moins elle en eût toutes les apparences. Emporté par un excès de zèle, le commissaire Garreau fit à Livourne des actes publics de gouvernement, des arrêtés, des proclamations. Par un de ces actes, il ordonna l'expulsion des émigrés à vingt lieues à la ronde. Il requit Vaubois de prêter main-forte pour l'exécution de ces mesures ; il déféra à cette réquisition, et associa ainsi l'autorité militaire aux abus de pouvoir du commissaire du Directoire. Bonaparte en fut vivement blessé. Il écrivit à Garreau[30] :

La réquisition que vous avez faite au général Vaubois est contraire à l'instruction que m'a donnée le Gouvernement. Je vous prie de vous restreindre, désormais, clans les bornes des fonctions qui vous sont prescrites par le Directoire, sans quoi, je me trouverais obligé de défendre, à l'ordre de l'armée, d'obtempérer à vos réquisitions. Nous ne sommes tous que par la loi ; celui qui veut commander et usurper des fonctions qu'elle ne lui accorde pas n'est pas républicain.

Quand vous étiez représentant du peuple, vous aviez des pouvoirs illimités, tout le monde se faisait un devoir de vous obéir : aujourd'hui vous êtes commissaire du Gouvernement, investi d'un très-grand caractère ; une instruction positive a réglé vos fonctions, tenez-vous-y. Je sais bien que vous répéterez le propos que je ferai comme Dumouriez ; il est clair qu'un général qui a la présomption de commander l'armée que le Gouvernement lui a confiée, et de donner des ordres sans un arrêté des commissaires, ne peut être qu'un conspirateur.

 

Le général en chef écrivit à Vaubois[31] :

Je suis très-peu satisfait, général, de votre proclamation. Le commissaire du Gouvernement n'a pas le droit de vous requérir, et dans la place importante que vous commandez, l'on est aussi coupable d'obéir à ceux qui n'ont pas le droit de commander, que de désobéir à ses chefs légitimes. Par l'esprit de l'instruction que je vous avais donnée, et par tout ce que je vous avais dit de. vive voix pendant mon séjour à Livourne, il devait vous être facile de sentir que cette proclamation n'aurait pas mon approbation.

Le citoyen Belleville a été uniquement chargé des opérations relatives au séquestre des biens appartenant dans Livourne à nos ennemis. J'ai appris avec étonnement le gaspillage et le désordre qui y existent.

Vous devez accorder au citoyen Belleville toute la force dont il peut avoir besoin, et le revêtir de toute la confiance nécessaire pour qu'il dénonce tous les abus, qu'il fasse tourner au profit de la République les marchandises que nous avons séquestrées.

L'intention du Gouvernement n'est pas. qu'on fasse aucun tort aux négociants livournais, ni aux sujets du grand duc de Toscane. Tout en cherchant les intérêts de la nation, l'on doit être généreux et juste. J'ai été aussi affligé qu'étonné des vexations que l'on commet contre le commerce de Livourne.

Vous voudrez bien me rendre un compte détaillé de tout ce qui a été fait à ce sujet. Vous aurez soin, surtout, de m'instruire par quelle autorité le citoyen Lachaise a quitté son consulat de Gênes pour s'ingérer dans, les affaires de Livourne.

 

Bonaparte écrivit au Directoire exécutif[32] :

J'ai à vous parler de notre position militaire, administrative et politique à Livourne.

Les batteries contre la mer sont en bon état ; nous avons réparé une citadelle où la garnison peut se mettre à l'abri contre ; une insurrection. Nous y avons 2.800 hommes de garnison de très- bonnes troupes, deux compagnies d'artillerie et un bon officier de génie. Si l'armée était obligée d'abandonner le nord de l'Italie, cette garnison se retirerait par Massa et la rivière de Gênes. Le général Vaubois, qui y commande, est un homme sage, ferme et bon militaire.

Lors de notre entrée à Livourne, j'ai chargé le citoyen Belleville, consul de la République dans cette place, de mettre les scellés sur tous les magasins appartenant aux Anglais, Portugais, Russes, et à toutes les autres puissances avec qui nous sommes en guerre, ainsi qu'aux négociants de ces différentes nations. Je prévins le citoyen Belleville qu'il serait personnellement responsable des dilapidations qui pourraient avoir lieu. Cet homme est généralement estimé par sa probité. Après mon départ, une nuée d'agioteurs génois sont venus pour s'emparer de toutes ces richesses. Toutes les mesures que j'avais prises ont été dérangées, et l'on a substitué à un seul responsable, des commissions où tout le monde dilapide en amusant son voisin. Vous trouverez ci-joint l'extrait de deux lettres du général Vaubois : on se conduit d'une manière dure envers les négociants livournais, on les traite avec plus de rigueur que vous n'avez intention que l'on se conduise envers les négociants anglais même : cela alarme le commerce de toute l'Italie, nous fait passer à ses yeux pour des Vandales, et a entièrement indisposé les négociants de la ville de Gènes ; et la masse du peuple de cette ville, qui nous a toujours été favorable, est actuellement très-prononcée contre nous.

Si notre conduite administrative à Livourne est détestable, notre conduite politique envers la Toscane n'est pas meilleure. Je me suis toujours gardé de faire aucune espèce de proclamation, et j'ai expressément ordonné qu'on ne fît en apparence aucun acte de gouvernement. Vous verrez, par la proclamation ci-jointe, combien l'on fait peu de cas de ma manière de voir et des ordres que j'ai donnés. La mesure de chasser les émigrés de Livourne et de vingt lieues à la ronde, par une proclamation, est aussi inutile qu'impolitique. Il y a très-peu d'émigrés dans Livourne, le grand duc même a donné des ordres pour les chasser. Il était bien plus simple d'en faire arrêter trois ou quatre par les autorités mêmes du pays ; alors le peu qui reste se serait bientôt sauvé. Cette proclamation, où l'on s'attribue une juridiction sur vingt lieues de pays, est d'un très-mauvais effet, à moins que — ce qui est extrêmement contraire à vos instructions —, nous ne voulions prendre le ton et la politique de l'ancienne Rome.

Dans la position actuelle de l'Italie, il faut ne nous faire aucun nouvel ennemi, et attendre la décision de la campagne pour prendre un parti conforme aux vrais intérêts de la République. Vous sentirez sans doute alors qu'il ne nous convient pas de laisser le duché de Toscane au frère de l'empereur. Je désirerais que jusqu'alors on ne se permît aucune menace, ni aucun propos à Livourne, contre la cour de Toscane. Les moindres de mes paroles et de celles de vos commissaires sont épiées et rapprochées avec une grande importance ; mais l'on croit toujours être ici dans les couloirs de la Convention.

Le Directoire persista dans la détermination qui avait jusqu'alors dirigé sa conduite à l'égard du grand duc de Toscane, et vit avec peine dans les mesures prises par Garreau l'oubli de ses principes politiques à l'égard de cette puissance. Sans cesser de marcher à son but, celui d'affaiblir les Anglais dans la Méditerranée en leur fermant les ports et en ramenant la Corse sous les lois de la République, h la faveur de l'occupation de Livourne, il ne voulait porter aucune atteinte en ce moment à l'indépendance de la Toscane, ni exercer des actes de gouvernement. Il écartait, jusqu'à des circonstances plus favorables, les griefs qui devaient résulter pour lui de la partialité du grand duc en faveur des Anglais. Il recommandait donc à ses commissaires d'employer les formes qu'exigeait la neutralité, et de concerter préalablement avec le général en chef les arrêtés qu'ils croiraient utiles, en s'abstenant toutefois de tout ce qui tendrait à usurper les droits du gouvernement toscan.

Quant aux opérations administratives à Livourne, l'intention du Directoire était d'y faire régner la sécurité, le bon ordre et l'intégrité. Il se borna à appeler fortement la surveillance de ses commissaires sur cet objet important[33].

Cette réponse n'était pas de nature à satisfaire Bonaparte. Elle laissait donc subsister l'espèce d'état de rupture dans lequel il s'était placé avec les commissaires.

Dans la hiérarchie militaire, le général en chef n'était pas moins jaloux de ses droits ; même de la part des hommes qu'il aimait, il ne souffrait jamais le moindre écart en paroles ou actions. Un jour qu'il se plaignait à Berthier de ce que des mesures prises pour l'approvisionnement de l'armée n'étaient pas exécutées, celui-ci lui ayant répondu : Cela m'étonne, j'ai pourtant donné mes ordres. — Qu'appelez-vous vos ordres ? lui répliqua vivement Bonaparte. Un seul homme donne des ordres à l'armée, c'est moi ; tout le reste y obéit, à commencer par vous ; montez à cheval et veillez à ce que mes ordres soient exécutés.

On vient de voir dans sa correspondance avec le Directoire quelle était la politique de Bonaparte envers les émigrés. Il aimait mieux les faire chasser par les princes qui leur avaient donné asile, et qui étaient toujours prêts à le leur retirer, que de se donner l'air d'un persécuteur en les chassant lui- même. En effet, il n'y avait besoin que de dire un mot à ces princes, et souvent même ils le prévenaient. La plupart des émigrés s'enfuyaient donc à l'approche de l'armée, et allaient chercher un refuge en Suisse. Ils y étaient encore plus mal qu'ils ne l'auraient été en Italie, où Bonaparte n'avait pas d'antipathie bien prononcée contre eux. En Suisse, au contraire, l'ambassadeur Barthélémy les pourchassait vivement.

Je suis instruit, disait-il dans une note du 5 thermidor (23 juillet) à l'union helvétique[34], que les glorieux et rapides progrès des armées françaises en Italie ont déterminé beaucoup d'émigrés et de prêtres français, ennemis de leur patrie, à se réfugier dans les bailliages ultramontains dont les douze premiers cantons sont souverains. Comme il est très-vraisemblable qu'ils vont se répandre sur le territoire helvétique, et chercher à réunir leurs plans de haine et de fureur contre la république française, à ceux des autres émigrés et prêtres français qui, malheureusement pour le repos des deux nations, ont trouvé asile dans quelques états helvétiques, je dois, conformément à mes instructions, vous demander formellement de repousser hors du territoire de la confédération toutes les classes de ces étrangers aussi dangereux pour la tranquillité de la France, que pour celle de la Suisse ; tant ceux qu'une fausse pitié y a tolérés jusqu'ici, que ceux qui viennent s'y réfugier en dernier lieu.

Il était à craindre que les Anglais, chassés de Livourne, ne convoitassent l'île d'Elbe. Le Directoire autorisa Bonaparte à les y prévenir et à s'en emparer, s'il le jugeait utile. Il crut plus convenable d'obtenir du grand duc qu'il prît des mesures de défense nécessaires pour résister à une attaque des Anglais. Miot demanda le changement du gouverneur de Porto-Ferrajo qui leur était vendu ; que la garnison de la place fût augmentée, et offrit même d'y joindre 200 Français de celle de Livourne. Que le grand duc refusât ce secours comme contraire à sa neutralité, on le conçoit ; mais il répondit que, pour y rester fidèle, il s'était fait une règle constante de ne point augmenter ses moyens de défense ; que d'ailleurs la mer n'étant plus libre, Livourne était bloqué par les Anglais[35]. On fut donc fondé à croire qu'il était résolu à ne leur opposer aucune résistance. En effet, ils débarquèrent à l'île d'Elbe, le 10 juillet (22 messidor), et se présentèrent aux portes de Porto-Ferrajo avec des lettres pour le gouverneur Gilbert Elliot, vice-roi de Corse et du major Duncan, commandant l'expédition. Il assembla les militaires et les principaux habitants ; il fut résolu de livrer la place aux Anglais ; ils y entrèrent.

Bonaparte recommanda à Miot de s'abstenir de menaces désormais impuissantes et inutiles ; de ne laisser transpirer aucune marque de ressentiment, et d'attendre que les circonstances et les ordres du Gouvernement missent à même d'agir et non pas de parler[36].

Cet événement excita les regrets du Directoire, mais il dévoila les intentions secrètes que le grand duc avait jusque-là colorées du désir apparent de conserver la neutralité. Dans toute autre circonstance, le Directoire n'aurait pas balancé à déclarer la guerre à la Toscane ; mais lorsque les triomphes rapides de la République tendaient chaque jour à dissoudre les restes de la coalition, et amenaient nécessairement la paix générale, il ne lui parut pas prudent de rallumer la guerre, se réservant toutefois de réclamer plus tard contre cette violation des traités qu'il s'était montré jaloux de respecter[37].

Vainqueur de Wurmser, Bonaparte fit ensuite au grand duc cette réponse[38] :

J'ai reçu la lettre dont V. A. R. m'a honoré, en date du 13 juillet. Elle ne m'est arrivée que fort tard, ce qui, joint aux nombreux événements qui viennent de se passer, a mis quelque retard dans ma réponse.

Le Gouvernement a appris, avec la plus grande douleur, l'occupation de Porto-Ferrajo par les Anglais. Il aurait été si facile à Votre Altesse de défendre cette place, il lui aurait été si avantageux de se conserver la possession de cette partie essentielle de ses états, qu'on est obligé de penser que la trahison de votre gouverneur, pareille à celle de Spannochi, est la cause de cet événement aussi désagréable pour la France que pour vos sujets.

Le Directoire exécutif serait autorisé, sans doute, à s'emparer, par représailles, des états de Votre Altesse Royale qui sont sur le continent ; mais fidèle aux sentiments de modération, le gouvernement français ne changera en rien, et n'altérera d'aucune manière la neutralité et la bonne harmonie qui règnent entre lui et Votre Altesse Royale.

Ce ton de modération contrastait singulièrement avec cet arrêt d'une sage politique prononcé vingt-trois jours avant par Bonaparte, dans sa lettre au Directoire : Vous sentirez, sans doute, qu'il ne nous convient pas de laisser le duché de Toscane au frère de l'empereur. Mais Bonaparte croyait inutile de parler quand il ne pouvait pas agir ; et dans le moment même où l'on endormait, le grand duc par de belles protestations, on méditait un coup contre lui.

Le bruit se répandit que l'empereur, d'après les probabilités d'une santé toujours chancelante, touchait au terme de sa vie. Le Directoire écrivit au général en chef[39] : Pour profiter de cet événement, il est utile que vous en soyez instruit avec la plus grande célérité lorsqu'il aura lieu. Entretenez, à cet effet, des intelligences dans Vienne. Le grand duc de Toscane, héritier du trône impérial, n'hésitera pas à se rendre sur-le-champ dans sa capitale, après la mort de son frère. Il s'agit dès- lors de le prévenir, de l'enlever comme ennemi de la République, et d'occuper militairement la Toscane. Ce plan, quoique dressé sur des conjectures, peut-être peu certaines, n'en mérite pas moins toute votre attention.

Bonaparte écrivit donc à Miot[40] :

On dit l'empereur sur le point de mourir. Cherchez à avoir quelqu'un qui puisse vous instruire du moment où cela pourrait arriver. Vous sentez combien cela est important, et combien il est essentiel que je sois instruit du moment où le grand duc se mettra en chemin pour Vienne.

L'occupation de Livourne avait eu aussi pour, but d'arracher la Corse aux Anglais. Paoli en avait fait offrir la couronne au roi d'Angleterre, il l'avait acceptée et nommé Gilbert Elliot vice-roi. Paoli ne tarda pas à se montrer mécontent. Je suis ici dans mon royaume, dit-il au vice-roi ; j'ai fait la guerre deux ans au roi de France ; j'ai chassé les républicains. Si vous violez les privilèges et les lois du pays, je puis en chasser vos troupes plus facilement encore. Paoli fut invité à se rendre en Angleterre ; il se soumit[41]. Par suite d'une mauvaise administration, de l'inconstance des Corses, et de leur caractère indomptable qui les révolta toujours contre leurs maîtres, ils ne purent sympathiser avec les Anglais, et n'aspiraient qu'à secouer leur joug, et à les chasser de l'île.

Un grand nombre de réfugiés qui, fidèles à la France, n'avaient pas voulu se soumettre à la domination de l'Angleterre, ou auxquels elle était devenue insupportable, étaient en Italie. Bonaparte avait accueilli et protégé ses compatriotes malheureux ; ils entretenaient des intelligences dans leur patrie ;leurs nombreux adhérents y levaient la tête.

Dès le 2 prairial, le général en chef avait envoyé en Corse le chef de bataillon Bonnelli avec une trentaine de patriotes de son choix, lui avait fait compter 24.000 fr. et livrer des armes et des munitions, avec promesse, dès qu'on aurait des nouvelles plus sûres, d'en fournir davantage et d'envoyer des brevets d'officier pour lever des bataillons au compte de la République. Les citoyens Bracci et Paraviccini furent chargés de rester à Gênes pour correspondre avec les patriotes corses, et tenir informé le général en chef de tout ce qui se passerait. La direction de cette expédition fut confiée au citoyen Sapey, dont le zèle était connu de Bonaparte[42].

Arrivé en Corse, Bonnelli distribua les armes, annonça d'autres secours, souleva les villes et les villages, principalement sur les montagnes voisines de Bastia et de Saint-Florent. Maître de Livourne, Bonaparte prépara une expédition capable de seconder cette insurrection. Il donna l'ordre aux généraux Gentili et Casalta de se rendre dans cette ville, d'y réunir tous les réfugiés, 180 gendarmes corses et de s'embarquer avec eux. Il fit mettre à leur disposition 4.000 fusils de chasse, de la poudre, des balles, des souliers[43]. Quelle gloire pour eux, mandait-il à Bonnelli, s'ils peuvent seuls chasser de la patrie ces orgueilleux Anglais. Gloire et bonheur pour ceux qui se prononceront les premiers ! Je vous recommande de ne vous livrer à aucun esprit de parti ; que tout le passé soit oublié, hormis pour le petit nombre d'hommes perfides, qui ont égaré ce brave peuple.

Les armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin sont dans le cœur de l'Allemagne ; tout sourit à la République ; faites en sorte de faire parler bientôt de vous : embrassez nos bons amis, et assurez-les qu'avant peu ils seront délivrés de la tyrannie qui les opprime[44].

Bonaparte ne doutait pas que les réfugiés ne devinssent bientôt maîtres, de tout l'intérieur du pays. Alors il se proposait d'y faire passer une compagnie de canonniers et 5 ou 6 pièces de montagne avec lesquelles il serait facile de s'emparer de Saint-Florent, qui n'avait aucune fortification permanente. Ce port pris, les Anglais n'avaient plus d'intérêt à tenir les autres. Les habitants d'Ajaccio et de Bastia étaient très-impatients de leur joug[45].

Ces dispositions étaient conformes aux instructions du Directoire qui tenait beaucoup à expulser les Anglais de la Corse. Convaincu que pour assurer le succès de cette grande opération, c'était ainsi qu'il l'appelait, il était nécessaire de lui donner un chef connu par ses talents, son civisme et son attachement à la République, et qui réunît la confiance du Gouvernement à celle des patriotes corses, il jeta les yeux sur Salicetti, et écrivit à Bonaparte en le prévenant de ce choix : Pour compléter votre gloire, et la rendre plus brillante, il ne vous reste, général, qu'à joindre au titre de vainqueur de l'Italie celui de libérateur du pays qui vous a vu naître. Le Directoire l'espère de vos talents et de vos soins. Il autorisa le général en chef à accorder une amnistie de concert avec Salicetti[46].

A la fin de prairial, Bonaparte avait calculé que l'armée autrichienne n'aurait pas reçu ses renforts, et ne serait pas prête à reprendre les hostilités avant quarante jours ; que ce temps lui était suffisant pour terminer plusieurs opérations secondaires, et fixer les rapports de la République française avec les états d'Italie. Il ne s'était pas trompé ; l'armée autrichienne, forte de 60.000 hommes, était réunie dans le Tyrol italien. Wurmser avait son quartier-général à Trente. La renommée exagérait encore ses forces déjà assez imposantes ; les ennemis de la France en concevaient les plus hautes espérances ; ses amis en étaient alarmés. Tous les regards se portaient sur la grande lutte qui se préparait ; de toutes parts les peuples et les gouvernements étaient dans l'attente.

Bonaparte n'avait que 40.000 hommes[47] dont environ 8.000 devant Mantoue. L'armée couvrait le siège de cette place, et était en observation ; la droite appuyée à Legnago, le centre à Vérone et à Rivoli, la gauche à Salo. Une réserve de 4 à 5.000 hommes devait, de Peschiera, renforcer au besoin l'armée ou seconder le corps devant Mantoue. Bonaparte, en informant le Directoire de cette position, et de celle de l'ennemi, ajoutait : Malheur à celui qui calculera mal ![48]

Le 11 thermidor, à trois heures du matin, la division Masséna fut attaquée par des forces considérables. Le général Sebottendorf qui les commandait emporta les positions retranchées de Brentino et de la Corona. Les Français se retirèrent sur Rivoli. Le général Davidowich jeta un pont sur l'Adige, à Dolce, et passa sur la rive droite pour seconder Sebottendorf. Le général Mitrowschy marchait sur la Chiusa, et le général Mezaros sur Vérone. Masséna, ne pouvant tenir plus longtemps contre cette combinaison de forces, se reploya sur Piovesano, entre Rivoli et Castel-Nuovo, trop heureux que l'ennemi ne sût pas mieux profiter de ses avantages et de sa supériorité. Le beau caractère de ce général qui grandissait dans le danger se peint avec énergie dans la lettre suivante qu'il adressa à Bonaparte : J'arrive de Rivoli : le feu a cessé ; nous tenons toujours la position de Campo-Orongo, hauteurs derrière Rivoli. Nos troupes sont harassées ; elles sont absolument sur les dents ; elles ont livré plus de cinquante combats. Je n'ai jamais vu les Autrichiens se battre avec tant de rage, ils étaient tous ivres d'eau-de-vie ; les nôtres, quoique le ventre vide, se sont battus avec un courage surprenant. Si vous m'envoyez 7 à 8.000 hommes de renfort, je vous promets presque de réoccuper demain la Corona ; mais il nous faut des troupes fraîches. De vos nouvelles, mon général ; je n'en ai pas eu d'aujourd'hui ; j'en attends avec impatience. Je viens d envoyer voir, si l'ennemi est aux ; environs de la Chiusa ; je couche au Pont ; Pigeon et Victor couchent à Rivoli ; Joubert est malade.

Dans le même temps, le général Quasdanowich, avec 15.000 Autrichiens, attaqua la division Sauret à Salo, et s'en empara après un combat où le général Rusca fut blesse. Sauret se retira sur Dezenzano. Le général Guyeux, coupé à Salo avec un bataillon de la 15e légère, se jeta dans un grand bâtiment, et y brava les efforts de l'ennemi. Une partie de la colonne de Quasdanowich marcha sur Brescia, fit prisonniers quatre compagnies d'infanterie, 80 hommes du 20C régiment de chasseurs, deux généraux et quelques officiers supérieurs malades ou blessés.

La situation de l'armée française était difficile. Que fera Bonaparte ? L'ennemi, dit-il[49], en descendant du Tyrol par Brescia et l'Adige, me mettait au milieu. Si l'armée républicaine était trop faible pour faire face aux divisions de l'ennemi, elle pouvait battre chacune d'elles séparément, et par ma position, je me trouvais entre elles. Il m'était donc possible, en rétrogradant rapidement, d'envelopper la division ennemie descendue de Brescia, de la faire prisonnière, de la battre complètement, de revenir sur le Mincio, d'attaquer Wurmser, de l'obliger à repasser dans le Tyrol ; mais pour exécuter ce projet, il fallait, dans vingt- quatre heures, lever le siège de Mantoue qui était sur le point d'être prisé, car il n'y avait pas moyen de retarder six heures. Il fallait repasser sur-le-champ le Mincio, et ne pas donner le temps aux divisions ennemies de m'envelopper. La fortune a souri à ce projet, et le combat de Pezenzano, les deux combats de Salo, la bataille de Lonato, celle de Castiglione, en sont les résultats.

On a fait au général Augereau l'honneur de ce plan, ou du moins d'avoir ranimé la résolution de Bonaparte qui, alarmé des revers essuyés par Masséna et Sauret, penchait pour une retraite derrière le Pô[50]. D'autres, sans contester cette gloire à Augereau, affirment que Bonaparte avait déjà ordonné les préparatifs nécessaires pour attaquer, et qu'il voulut uniquement sonder les généraux et les dispositions des troupes. Quelle que soit la plus juste de ces versions, il est certain que le général en chef adopta dans la nuit même cette résolution hardie qui le tira d'embarras tout en lui acquérant une gloire immortelle[51].

Le 12, au soir, toutes les divisions se mirent en marche vers Brescia, et se rassemblèrent sur le Mincio, Augereau à Roverbella, Masséna à Castel- Nuovo, la réserve et la cavalerie à Villa-Franca ; Serrurier leva le siège de Mantoue après avoir en- cloué et enfoui ses canons, détruit ses affûts et ses munitions, et se retira avec une de ses brigades sur Nozzolo, couvrant la seule communication directe de l'armée par Crémone.

Les Autrichiens, de leur côté, s'avançaient ; Quasdanowich se portait sur la Chiusa ; il envoyait des corps sur Montechiaro et Lonato.

 

 

 



[1] Évalué par Napoléon (Montholon, t. III, p. 273) à 30.000 hommes ; par le Directoire (lett. 4 messidor) à 20.000 ; par Jomini (tom. V, page 169) à 25.000.

[2] Réquisition du 3 messidor an IV (21 juin 1796).

[3] Lettre du 5 messidor (23 juin).

[4] Lettre de Bonaparte, 17 messidor (5 juillet).

[5] Lettre du 18 messidor (6 juillet).

[6] Lettre du 18 messidor (6 juillet).

[7] Lettre de Sugny à Bonaparte 11 messidor (29 juin).

[8] Jomini, tom. VIII, page 162.

[9] Lettre du 8 messidor (26 juin).

[10] Lettre de Bonaparte au Directoire, 4 thermidor (22 juillet). Cette affaire fut vive, et la perte des deux partis balancée. (Jomini, tom. VIII, page 162.)

[11] Lettre du 24 messidor (12 juillet).

[12] Montholon, tom. III, page 268.

[13] Lettre du 4 messidor (22 juin).

[14] Lettre du Directoire, 14 thermidor (1er août).

[15] Lettre du Directoire, 29 messidor (17 juillet).

[16] Lettre du 7 messidor (25 juin).

[17] Lettre du 18 messidor (6 juillet).

[18] Lettre de messidor.

[19] Lettre des 29 messidor et 7 thermidor (17 et 25 juillet).

[20] Note de Lallemant, 20 messidor (8 juillet).

[21] Note du sénat, 21 messidor (9 juillet).

[22] Lettre du 19 messidor (7 juillet).

[23] Lettre du 20 messidor (8 juillet).

[24] Lettre du 21 messidor (9 juillet).

[25] Lettre du 24 messidor (11 juillet).

[26] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[27] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[28] Lettre de Lallemant à Bonaparte, 8 thermidor (26 juillet).

[29] Lettres des 18 et 21 messidor (6 et 9 juillet).

[30] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[31] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[32] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[33] Lettre du 14 thermidor (1er août).

[34] Moniteur, 5 thermidor an IV.

[35] Lettre du grand duc 13 juillet (25 messidor).

[36] Lettre de Bonaparte, 2 thermidor (20 juillet).

[37] Lettre à Bonaparte, 7 thermidor (25 juillet).

[38] Lettre du 25 thermidor (12 août).

[39] Lettre du 7 thermidor (25 juillet).

[40] Lettre du 24 thermidor (11 août).

[41] Il y reçut une pension annuelle de 2.000 £ et fut un triste et nouvel exemple du sort réservé à ceux qui, par ambition ou par esprit de parti, appelant sur leur patrie un joug étranger, finissent par exciter la défiance de ceux-là mêmes dont ils se sont faits les dociles instruments.

[42] Lettre de Bonaparte, du 2 prairial (21 mai).

[43] Lettre du 26 messidor (14 juillet).

[44] Lettre du 2 thermidor (20 juillet).

[45] Lettre de Bonaparte, 7 thermidor (25 juillet).

[46] Lettres des 29 messidor et 14 thermidor (17 juillet et 1er août)

[47] Lettre au Directoire, 18 messidor (6 juillet).

[48] Lettre du 24 messidor (12 juillet).

[49] Lettre au Directoire, 19 thermidor (6 août).

[50] Botta, Histoire d'Italie, tom. II, page 60.

[51] Jomini, tom. VIII, page 313.