HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

I. — CAPTIVITÉ DES MEMBRES DE LA FAMILLE DE BOURBON.

 

 

La plupart des pièces que nous donnons dans cette note sont inédites ; quelques-unes cependant ont été publiées dans des ouvrages aujourd'hui devenus fort rares. Nous avons pensé qu'il était utile d'en mettre l'ensemble sous les yeux de nos lecteurs.

 

Le décret du 6 avril 1793 était ainsi conçu :

La Convention nationale décrète que tous les individus de la famille de Bourbon seront mis en état d'arrestation.

La Convention nationale décrète que les individus de la famille ci-devant royale, détenus au Temple, continueront d'y rester prisonniers.

 

Les membres de la famille de Bourbon qui, dans ce moment, résidaient en France, étaient au nombre de six :

Le duc d'Orléans et ses deux fils, le duc de Montpensier et le duc de Beaujolais ; la duchesse d'Orléans, fille du duc de Penthièvre ; la duchesse de Bourbon, sœur du duc d'Orléans, le prince de Conti.

Le duc de Montpensier fut arrêté à Nice, en vertu d'un ordre du Comité de sûreté générale, daté du 1er avril.

Les cinq autres membres de la famille royale furent arrêtés à Paris, en vertu du décret du 6 avril.

 

I

ARRESTATION DU DUC DE MONTPENSIER.

 

Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale.

1er avril 1793, l'an second de la République française une et indivisible.

Le Comité de sûreté générale, après avoir délibéré avec le Comité de défense générale et plusieurs membres de la Convention réunis, arrête que le citoyen Égalité, adjudant général de l'armée du Var, sera mis en état d'arrestation et conduit, sous bonne et sûre garde, aux prisons de l'Abbaye et tenu au secret jusqu'à nouvel ordre ; que les scellés seront apposés sur ses papiers et que le présent arrêté sera mis à exécution par le ministre de la guerre.

Les membres du Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale.

AMAR, L. MARIBON-MONTAUT, MEAULLE.

 

Le ministre des affaires étrangères, chargé par intérim du département de la guerre, au général Biron.

Je vous adresse, général, un mandat d'arrêt décerné cette nuit par le Comité de surveillance et de sûreté générale contre le citoyen Égalité cadet, adjudant général, employé à l'armée du Var.

Je vous prie de le faire mettre à exécution sur-le-champ et de m'en accuser réception. Je vous autorise en conséquence à prendre toutes les mesures de sûreté et de prévoyance que vous jugerez convenables.

LEBRUN.

 

Du lundi huit avril mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an IIe de la République française, trois heures de relevée, à Nice, chef-lieu du département des Alpes- Maritimes. Nous, Jacques-Alexandre Pauliani, maire, Jean-Louis Raynaud, Gérôme Genet, officiers municipaux de cette ville, Pierre-Honoré Boissal, juge de paix, Louis-Félix Gassin, secrétaire-greffier, et Pierre Millo, commis à la municipalité, d'ordre du citoyen Biron, commandant en chef de l'armée d'Italie, nous nous sommes portés à son domicile, où étant arrivés, nous a ordonné de nous transférer à la maison du citoyen Camos et dans l'appartement occupé par le citoyen Égalité cadet, pour procéder à la mise des scellés sur tous ses papiers, ayant à cet effet remis à nous, citoyen-maire, la lettre du ministre des affaires étrangères, chargé par intérim du département de la guerre, adressée audit général Biron, datée de Paris le ler de ce mois, et signée Lebrun, portant l'ordre de faire mettre à exécution le mandat d'arrêt décerné par le Comité de surveillance et de sûreté générale réuni au Comité de défense générale, contre ledit citoyen Égalité cadet, lequel mandat, joint à ladite lettre et à nous communiquée, porte entre autres que les scellés seront apposés sur les papiers dudit citoyen Égalité cadet.

Étant arrivés audit appartement occupé par celui-ci, nous y avons trouvé ledit citoyen Égalité cadet, en compagnie des citoyens André Labarre, colonel du I5e régiment de dragons et commandant la place de Nice, et Jean-François la Poype, général de brigade, chef de l'état-major de l'armée d'Italie. En présence des mêmes, nous avons signifié l'objet de notre commission audit citoyen Égalité cadet, lequel tout de suite nous a présenté et ouvert un petit secrétaire, dans lequel nous avons trouvé divers papiers que nous avons placés dans une boite en bois ; après quoi l'ayant requis de nous faire, indiquer et ouvrir les bureaux, commodes et armoires et autres existant dans ledit appartement, comme aussi de nous indiquer les pièces du même, nous ayant été tout ouvert, et ayant tout visité et vérifié, nous avons retiré tous les papiers qui s'y trouvaient dans la susdite boite en bois, laquelle nous avons liée et croisée avec une ficelle sur laquelle nous avons apposé le sceau de la municipalité, en cire rouge d'Espagne, ainsi que deux autres cachets sur les deux petits crochets de la même boite ; ayant, avant que de procéder à la mise desdits scellés, requis ledit citoyen Égalité de nous remettre tous les papiers qu'il aurait sur lui, il nous a présenté son portefeuille, lequel nous a paru ne contenir que quelques assignats ; nous les lui avons livrés avec ledit portefeuille.

En suite de quoi nous avons pris et fait porter à la maison commune la boite sus-mentionnée, pour être remise à la personne qui nous sera indiquée par le susdit citoyen Biron, commandant en chef l'armée d'Italie, de quoi tout nous avons dressé le présent procès-verbal dans ledit appartement, signé de tous les nommés ci-dessus :

PAULIANI, maire.

Louis RAYNAUD, Gérôme GENET, officiers municipaux.

Jean LA LOUE, André LA BARRE, Antoine ÉGALITÉ, MILLO ; BOISSAL, juge de paix ; CASSIN, secrétaire-greffier.

 

Conseil provisoire exécutif.

15 avril 1793.

Le ministre des affaires étrangères a donné communication d'une lettre du général Biron, qui l'informe qu'il a fait mettre à exécution le décret qui ordonne que tous les Bourbons seront mis en état d'arrestation, et qu'en conséquence il a fait arrêter et conduire à Paris l'un des fils du citoyen Égalité, qui se trouvait dans l'armée des Alpes-Maritimes.

Le Conseil arrête qu'il sera donné connaissance de cette disposition au Comité de salut public, afin qu'il juge s'il ne convient pas d'ordonner que ce citoyen soit conduit à Marseille.

CLAVIÈRE, LEBRUN, BOUCHOTTE, DALBARALDE, GOHIER.

GROUVELLE, secrétaire.

 

Comité de salut public.

16 avril, au matin.

Présents : Guyton, Bréard, Cambon, Treilhard, Lindet, Danton, Delacroix, Barère.

Lecture faite d'une lettre du ministre des affaires étrangères, qui annonce l'arrestation du citoyen Égalité cadet, pour être traduit à la barre, le Comité a arrêté de proposer à la Convention que le citoyen Égalité cadet sera traduit à Marseille.

L. GUYTON, B. BARÈRE, DELACROIX, CAMBON fils aîné, TREILHARD, LINDET.

 

II

ARRESTATION DU DUC D'ORLÉANS.

 

Paris, le 7 avril 1793, l'an second de la République.

Citoyen président,

En exécution du décret rendu hier par la Convention nationale portant que tous les individus de la famille des Bourbons seront mis en état d'arrestation, le citoyen Louis-Philippe-Joseph Égalité a été mis en état d'arrestation et conduit à la mairie pour constater l'identité de sa personne.

J'ai l'honneur de vous adresser une copie certifiée conforme du procès-verbal qui a été dressé à la mairie. Vous y verrez que le citoyen Égalité regarde le décret comme étranger à sa personne en sa qualité de représentant de la nation.

Les égards dus à la représentation nationale m'empêchent de me rendre juge de ses réclamations, je les soumets à la Convention nationale qui, seule, peut statuer sur la demande du citoyen Égalité et régler la détermination que le maire de Paris ainsi que moi devons prendre pour l'exécution de la loi.

Le ministre de la justice,

GOHIER.

 

Commune de Paris, département de police.

Le 7 avril 1793, l'an 2e de la République.

Ce jourd'hui dimanche, 7 avril 1793, l'an 2e de la République française, 8 heures du matin, par devant nous, administrateur de police, est comparu le citoyen Égalité, conformément à un décret de ta Convention nationale du jour d'hier, qui nous a été notifié par le ministre de la justice, et en vertu d'un mandat d'amener, décerné par nous et mis à exécution par le citoyen Cavaignac, officier de paix.

A lui demandé ses nom, prénoms, âge, profession, pays de naissance et de demeure.

Répondu s'appeler Louis-Philippe-Joseph Égalité, âgé de 45 ans, né à Saint-Cloud, département de Seine-et-Oise, député à la Convention nationale du département de Paris, y demeurant rué Saint-Honoré.

A lui exhibé et notifié le décret de la Convention nationale qui ordonne l'arrestation de tous les individus de la famille des Bourbons.

Nous a répondu que ce décret, que nous venons de lui exhiber, mérite une explication à son égard, parce qu'il ne le désigne pas nominativement, et qu'il est dans une classe à part, étant député à la Convention nationale ; pourquoi il croit devoir nous requérir de suspendre à son égard l'exécution entière de la loi jusqu'à ce qu'il en ait référé à la Convention, ce qu'il va bire sur-le-champ.

A lui demandé si ses réponses contiennent vérité ; lecture faite, a dit que oui, qu'il y persiste, et a signé.

Et, avant de signer, nous déclare le dit Égalité qu'il n'entend pas que sa comparution puisse nuire ni préjudicier à la Représentation nationale, dont il se trouve investi, et qu'il n'a entendu comparaître que pour s'en expliquer avec les magistrats du peuple.

L.-P.A. ÉGALITÉ, L. ROUX.

Sur quoi nous, administrateurs de la police, disons qu'il sera référé sur-le-champ au ministre de la justice de l'interrogatoire ci-dessus, avec invitation de nous tracer la marche que nous avons à suivre, et avons signé :

L. ROUX, BAUDRAIS, D. E. LAURENT.

 

A la mairie, le 7 avril 1793, l'an 2e de la République, onze heures du matin.

Citoyens mes collègues,

Il est venu ce matin chez moi deux citoyens, se disant l'un officier de paix, l'autre inspecteur de police, qui m'ont présenté une réquisition signée Pache, en vertu d'un décret de la Convention, pour que j'eusse à les suivre à la mairie ; je m'y suis rendu à l'instant pour m'expliquer avec un magistrat du peuple.

Je lui ai déclaré que j'étais venu pour conférer avec eux et sans déroger aux droits attachés à la qualité de représentant du peuple dont je suis investi. Alors ils m'ont exhibé un décret rendu hier portant ces mots : la Convention nationale décrète que tous les individus de la famille des Bourbons seront mis en état .d'arrestation. Comme je n'y suis pas compris nominativement et que je me trouve dans un cas particulier, comme député, je les ai requis de suspendre l'exécution du mandat d'arrêt, jusqu'à ce que j'en eusse écrit à la Convention. Inviolablement attaché à la République, sûr de mon innocence, et désirant avec ardeur le moment où ma conduite sera examinée, scrutée et rendue publique, je n'aurais pas retardé d'un instant l'exécution du décret, si je n'avais pas craint de laisser compromettre en moi la dignité de représentant du peuple ; je vous prie, citoyens mes collègues, de prendre une décision à ce sujet et de me faire passer vos ordres à la mairie, où je les attends,

Philippe-Joseph ÉGALITÉ[1].

 

III

TRANSLATION DES BOURBONS À MARSEILLE.

 

Le 8 avril, le duc d'Orléans, le duc de Beaujolais, le prince de Conti et la duchesse de Bourbon partirent pour Marseille, sous la conduite de trois commissaires du pouvoir exécutif. Ces commissaires étaient les sieurs Laugier, Cailleux et Naigeon. Ils avaient reçu des instructions dont la teneur suit :

Conseil exécutif provisoire. Tous les ministres présents.

8 avril 1793.

Le ministre de la justice a remis sur le bureau un décret rendu ce jour même par la Convention nationale, portant que tous les individus de la famille des Bourbons, hors ceux qui sont détenus au Temple, seront transférés sur-le-champ à Marseille, où ils resteront en état d'arrestation dans les forts et châteaux de cette ville.

Le Conseil exécutif provisoire arrête, pour l'exécution de ce décret, les dispositions suivantes :

1° il y aura deux voitures, un officier de gendarmerie sera dans chacune d'elle ; elles seront escortées par un détachement, chacune, de six gendarmes, qui seront fournis par les départements de la route, d'après les ordres qui seront donnés par le département de la guerre.

2° Deux commissaires civils seront chargés de présider à la translation ; en conséquence, ils requerront les municipalités et corps administratifs de pourvoir à la sûreté des prisonniers et de fournir, s'il y a lieu, les suppléments d'escorte nécessaires.

3° L'un des deux commissaires devra toujours marcher avec les voitures, tandis que l'autre ira en avant pour faire préparer les logements et prendre d'avance toutes les mesures de sûreté.

4° Les prisonniers ne pourront avoir de domestique qu'au moment où ils seront arrivés à leur destination, mais les femmes pourront emmener avec elles une femme pour les servir.

5° Il sera fait une route pour indiquer les lieux de repos ainsi que les lieux où l'escorte sera relevée.

6° Le ministre de la justice est chargé de faire toutes les autres dispositions qui lui paraîtront convenables et il sera dressé en outre une instruction particulière pour les commissaires à la translation.

CLAVIÈRE, LEBRUN, GARAT, GOHIER, GROUVELLE.

 

Le départ n'eut pas lieu sans protestation de la part de la duchesse de Bourbon et du prince de Conti, qui, de Paris d'abord et ensuite de plusieurs des villes où il leur fut permis de s'arrêter, adressèrent des pétitions à la Convention ; mais elles furent toutes rejetées par un ordre du jour pur et simple.

Le voyage s'effectua sans grave incident ; seulement les commissaires eurent la précaution de traverser de nuit la ville de Lyon et d'aller d'une seule traite de Roanne à Vienne. Comme ils se voyaient arrêtés, à chaque instant, par le manque absolu de chevaux de poste, ils prirent le parti de s'embarquer sur le Rhône, dans un bateau assez grand pour recevoir les voitures, les prisonniers et leur escorte, et descendirent ainsi de Vienne jusqu'à Avignon.

A leur arrivée à Marseille, les princes et la duchesse de Bourbon furent écroués au château de Notre-Dame de la Garde ; ils y trouvèrent le duc de Montpensier, qui les avait devancés de dix jours dans cette prison. Plus tard ils furent transférés au fort Saint-Jean.

Peu de temps après, ils eurent à subir un interrogatoire devant le peuple assemblé dans l'église Saint-Thomas. Cette formalité avait été prescrite par le décret du 16 avril 1793, qui était ainsi conçu :

Le président du Tribunal criminel du département des Bouches-du-Rhône, ou les juges par lui délégués, interrogeront les individus de la famille des Bourbons, détenus à Marseille, sur tous les faits relatifs à la conspiration ourdie contre la liberté française, et il sera envoyé au Comité de salut public une expédition de ces interrogatoires.

 

Nous donnons in extenso le texte des interrogatoires du duc d'Orléans et de ses deux fils. La finesse des réponses y égale souvent la stupidité des demandes. Nous les ferons précéder de la lettre par laquelle le ministre de la justice transmit ces pièces au président de la Convention.

Paris, ce 20 mai 1793.

Citoyen président,

Je m'empresse de vous transmettre des expéditions des interrogatoires subis par les individus de la famille des Bourbons détenus au fort de Notre-Dame de la Garde de Marseille.

La Convention nationale verra sans doute avec satisfaction le zèle que les membres du Tribunal criminel du département des Bouches-du-Rhône ont montré dans cette circonstance.

L'accusateur public m'informe que les interrogatoires ont été faits dans une église, en présence du peuple, au milieu de la garde nationale, et que tout s'est passé dans la plus grande tranquillité.

Le ministre de la justice,

GOHIER.

 

L'an second de la République française et le 7 mai 1793, à 9 heures du matin, le président du Tribunal criminel du département des Bouches-du-Rhône, séant à Marseille, s'est transporté, en compagnie de l'accusateur-public et du greffier dudit tribunal, en la paroisse de Saint-Thomas, et en vertu d'un décret de la Convention nationale, à la date du 16 avril, a mandé venir du fort Notre-Dame de la Garde le citoyen Bourbon Orléans, y transporté et détenu en vertu de ce même décret du 16 avril, et, constitué ledit citoyen Bourbon Orléans, le président a ainsi commencé l'interrogatoire :

D. Votre nom, citoyen ?

R. Louis-Philippe Égalité.

D. Votre âge, citoyen ?

R. Agé de 46 ans.

D. Où êtes-vous né ?

R. A Saint-Cloud, résidant à Paris.

D. Connaissez-vous le motif de votre arrestation ?

R. Non, citoyen. Le décret de la Convention porte : Par mesure de sûreté générale. Je ne sais pas autre chose.

D. Quelle avait été votre opinion sur les états généraux de 1789 qui prirent le nom d'Assemblée nationale ?

R. Je pensai qu'ils devaient être Assemblée nationale.

D. Dans cette première Assemblée, n'intriguâtes-vous pas pour empêcher la destruction du clergé, des parlements et de la noblesse ?

R. Non, citoyen, je n'intriguai pas ; je n'ai jamais intrigué, et je fus un des premiers de la Chambre de la noblesse qui se réunirent à celle qu'on appelait la Chambre du tiers.

D. En octobre 1789, lorsque le peuple se porta à Versailles pour faire venir Capet et sa famille à Paris, n'aviez-vous pas un parti conduit par Mirabeau pour vous mettre sur le trône ?

R. Non, citoyen, je n'ai jamais eu de parti d'aucune espèce ; j'ai toujours eu aversion d'être sur le trône, je n'y ai jamais pensé, et n'ai jamais été lié particulièrement avec Mirabeau.

D. Cependant, à cette époque, Mirabeau vous dit : Montez à cheval et vous êtes roi ?

R. Je ne me le rappelle pas ; il ne m'a jamais tenu pareil propos, je ne l'aurais pas écouté de sang-froid.

D. On assurait alors que vous aviez fait répandre beaucoup d'argent pour monter sur le trône, et que vous vous servîtes de l'influence de Mirabeau pour vous populariser.

R. Je n'ai jamais fait répandre de l'argent, je n'ai chéri et désiré que la liberté.

D. N'assistiez-vous pas à des conciliabules où étaient les Bouillé, les Lafayette, les Mirabeau, qui voulaient nous asservir ?

R. Non, citoyen, je n'ai jamais eu connaissance de ces conciliabules, et je n'ai jamais assisté à aucun d'aucune espèce.

D. N'est-ce pas vous qui incitâtes cette visite populaire aux Tuileries, le 20 juin 1792, dans l'espoir qu'on se déferait de Capet et de son fils, et que vous leur succéderiez sur le trône ?

R. Non, citoyen, jamais je n'ai eu pareille pensée. Je n'étais pas à Paris dans ce temps.

D. Vous vous flattiez cependant, à la journée du 10 août, que, Capet et son fils périssant, vous seriez roi ?

R. Non, citoyen.

D. Vos premiers voyages en Angleterre n'avaient-ils pas pour but de vous assurer la cour de Saint-James, pour vous aider à monter sur le trône de France ?

R. Non, citoyen ; mes premiers voyages en Angleterre n'ont été faits que pour jouir de la liberté dont nous ne jouissions pas encore en ce temps-là. Je n'ai fait le dernier, en 1789, qu'avec une mission du gouvernement et l'approbation de l'Assemblée nationale. Il n'avait pas l'objet sur lequel vous me questionnez.

D. N'aviez-vous pas cabalé pour vous faire nommer représentant du peuple ?

R. Non, citoyen ; je l'ai désiré, et n'ai fait aucune cabale.

D. Quelle fut votre opinion au moment de l'abolition de la royauté, et sur la République déclarée une et indivisible ?

R. La République une et indivisible.

D. Mais vous conçûtes alors le projet d'être dictateur ou protecteur ?

R. Non, citoyen, je n'ai jamais eu ce désir.

D. Quel était votre projet en envoyant vos deux fils à l'armée ?

R. Je n'ai point envoyé mes deux fils à l'armée. Ils étaient entrés dans la carrière militaire : l'un était colonel, l'autre sous-lieutenant dans le même régiment ; ils ont poursuivi cette carrière.

D. N'étiez-vous pas étroitement lié avec Dumouriez ?

R. Non, citoyen, je le connaissais très-peu.

D. N'avait-il pas mené avec lui vos deux fils à l'armée, pour leur attirer la bienveillance des soldats et les faire servir à ses infâmes trahisons ?

R. Ils étaient à l'armée avant que Dumouriez y arrivât, car ils servaient déjà lorsque le maréchal de Rochambeau commandait.

D. Sans doute vous vîtes Dumouriez lorsqu'il vint de son armée à Paris, et il vous fit part des projets sinistres qu'il avait conçus ?

R. Je n'ai vu Dumouriez qu'une fois, et l'espace de cinq minutes. Il ne me fit part d'aucun projet de cette espèce, et s'il l'eût fait, je ne l'aurais pas tenu secret. Ce fut par hasard que je le rencontrai.

D. Ne vous dit-il pas qu'il placerait votre fils allié duc de Brabant et de Hollande, tandis que lui, Dumouriez, serait capitaine général ?

R. Non, citoyen, il ne me parla pas de cela ; il me dit seulement qu'il aimait beaucoup mon fils, qui était un bon officier.

D. Fallait-il bien que vous eussiez quelque projet, puisque vous aviez envol é votre fille dans une ville frontière, auprès de Dumouriez, avec la famille Sillery ?

R. Ma fille avait voyagé en Angleterre pour sa santé et achever son éducation dans la langue anglaise. Elle était confiée dès sa naissance presque, dès l'âge de deux ans, aux soins de la citoyenne Sillery. Quand l'ambassadeur d'Angleterre en France fut rappelé, j'écrivis positivement à la citoyenne Sillery de ramener ma fille en France, ne voulant pas qu'elle pût passer pour émigrée. La citoyenne Sillery retarda son retour, par différentes raisons de santé, et elle n'arriva qu'au moment où la loi sur les émigrés fut rendue. Comme cette loi ordonnait aux personnes qui avaient voyagé, et qui avaient des explications à donner sur leur voyage, de sortir de France en attendant, pour ne pas passer pour émigrées, je la fis partir pour Tournai, et elle en fit sa déclaration à la Commune de Paris ; mais, à ce moment, je retirai à la citoyenne Sillery les pouvoirs que je lui avais donnés et l'autorité qu'elle avait sur ma fille. Je chargeai quelques personnes de chercher en Belgique une femme qui pût prendre soin d'elle, parce que je ne pouvais en ce moment en faire partir une de Paris, qui aurait été réputée émigrée si elle était sortie de France.

D. Sans doute votre fils aîné, dans sa correspondance, vous avait instruit des complots liberticides de Dumouriez ?

R. Non, citoyen ; depuis le jugement de Louis Capet, notre correspondance était devenue beaucoup plus froide parce que son opinion n'était pas la même que la mienne ; il ne m'avait fait part d'aucun projet.

D. Il n'est pas possible que votre fils aîné ne fût pas instruit des projets de cet infâme général, puisqu'il s'est enfui avec lui ; prr conséquent. vous deviez en être instruit vous-même. Je vous interpelle de dire la vérité.

R. C'est avec la plus grande vérité que je déclare que je n'en étais nullement instruit ; si j'en avais eu le plus léger soupçon, je ne l'aurais pas tenu secret ; je n'en ai eu nulle connaissance.

D. N'est-ce pas pour vous masquer que vous siégiez à la montagne de la Convention, et que vous votâtes la mort sans appel, tandis que vos amis et vos partisans étaient parmi les appelants ?

R. Je n'ai jamais eu de parti ; je n'ai jamais rien fait pour me masquer, et n'ai suivi que ce que me dictait ma conscience.

D. Depuis la mort du tyran, n'aviez-vous pas envoyé des émissaires dans les départements du Nord pour sonder l'opinion publique et connaître si elle ne répugnait pas à vous avoir pour roi ?

R. Non, citoyen, aucun.

D. On a reconnu de vos gens parcourant les départements et tenant à peu près ce langage.

R. Cela ne peut pas être.

D. Quelle liaison avez-vous avec Biron ?

R. Liaison d'amitié depuis trente ans. Nous sommes du même âge, nés du même jour.

D. Est-ce lui qui a demandé que votre fils cadet servit auprès de lui, ou est-ce le ministre qui l'a envoyé dans l'armée d'Italie ?

R. C'est mon fils cadet qui l'a demandé au ministre, après en avoir obtenu l'agrément et le consentement de Biron.

D. N'entrait-il pas dans vos vues que de vos deux fils l'un se popularisât dans l'armée du Nord et l'autre dans celle du Midi pour seconder les projets liberticides de l'infâme Dumouriez ?

R. Non, citoyen. Encore une fois, je n'avais aucune connaissance des projets de l'infâme Dumouriez. C'est mon fils qui a demandé à passer dans l'armée du Midi ; je n'ai fait que me rendre à ses désirs en appuyant sa demande auprès de Biron.

D. Quels étaient les membres de la Convention que vous fréquentiez le plus assidûment ?

R. Je n'en fréquentais aucun assidûment, je n'étais lié intimement avec aucun. Ceux avec qui je communiquais le plus, dans la Convention, étaient ceux qui siégeaient du côté gauche, appelé la Montagne, parce que nos opinions nous rapprochaient.

D. N'avez-vous pas fait dernièrement un voyage dans les départements de l'Orne et du Loiret, et notamment à Orléans ? Quel en était le motif ?

R. Je ne me suis pas éloigné de Paris de plus de dix lieues, depuis le commencement de la Convention. J'ai très-peu manqué de séances à la Convention, jamais deux de suite, et n'ai découché de Paris que pour coucher à trois lieues dans une terre à moi, et pour une nuit, et encore très-rarement.

D. Vous y aviez envoyé quelques-uns de vos émissaires ?

R. Personne.

D. Donnez-nous quelques motifs sur la réputation douteuse que vous avez ?

R. Je ne croyais pas en avoir une douteuse parmi les patriotes.

D. Avez-vous toujours agi d'après vous-même ou d'après un conseil particulier ?

R. D'après moi-même, citoyen.

D. Vous nous avez dit que vous aviez une aversion marquée pour le trône ; pourquoi ne vous êtes-vous pas attaché à vous laver de ces inculpations, ou à les repousser ?

R. Fort de la pureté de ma conscience, de mes intentions et de ma conduite, sûr qu'elles me feraient triompher de toutes les calomnies, je les ai toujours méprisées.

D. Brûliez-vous les lettres de vos fils à mesure que vous les receviez ?

R. Quelquefois oui, quelquefois non.

D. Quelle est votre conduite à l'égard de votre fils depuis que vous avez appris qu'il a trahi la nation ?

R. Au moment où j'ai eu le soupçon qu'il avait une mauvaise conduite, j'ai été mis en état d'arrestation, et j'ai toujours espéré qu'il y avait été contraint par la force et n'ai eu aucun moyen de rien faire.

D. Ne souffriez-vous pas dans voire maison que vos gens vous flattassent de la royauté ou de la dictature ?

R. Toutes les personnes qui me connaissent aussi ma façon de penser et savent que je l'aurais pris pour une injure.

D. Pourquoi êtes-vous si mal avec les parents de votre famille, qui se disent patriotes ?

R. Je ne connais point de parents de ma famille, avec qui je sois mal, qui se disent patriotes.

D. Depuis que vous êtes en arrestation au fort de la Vierge de la Garde, n'avez-vous pas cherché à avoir communication avec quelques personnes de la cité.

R. Non, citoyen, point d'autres que celle avec les ouvriers dont j'avais besoin.

Plus n'a été interrogé.

Lecture faite, etc., et a signé avec nous.

Louis-Philippe-Joseph ÉGALITÉ, — MAILLET cadet, président ; — GIRAUD, accusateur public ; — ÉT. CHOMPRÉ, greffier du Tribunal criminel.

 

Et de suite constitué le jeune Orléans, ci-devant Baujolais.

D. Comment vous appelez-vous, citoyen ?

R. Alphonse-Léodgard Orléans.

D. Quel âge avez-vous ?

R. J'ai treize ans.

D. Où êtes-vous né ?

R. A Paris.

D. Vous y demeuriez ?

R. Oui, citoyen.

D. Êtes-vous patriote ?

R. Oui, citoyen.

D. N'auriez-vous pas aimé mieux être prince dans l'ancien régime ?

R. Non, sûrement.

D. Votre papa ne vous a-t-il jamais dit qu'il serait roi ?

R. Jamais.

D. Vous parlait-il en bien de la Révolution ?

R. Oui, toujours.

D. Il vous disait donc bien aimer la liberté et l'égalité ?

R. Oui, citoyen.

D. Fréquentait-il quelques aristocrates dans la maison de votre père ?

R. Non, citoyen.

D. Les domestiques, tous les gens de votre maison ne vous parlaient-ils pas beaucoup de l'aristocratie ?

R. Aucun ne m'en parlait.

D. Vos maîtres vous parlaient-ils de la liberté et de l'égalité ?

R. Non, ils me donnaient souvent les bonnes nouvelles.

D. De sorte que vous n'avez jamais entendu parler du projet qu'il fallait un roi ?

R. Non, jamais.

D. Aimeriez-vous mieux le titre de prince que celui de citoyen ?

R. J'aime mieux celui de citoyen.

Plus n'a été interrogé.

Lecture faite, etc. ; et a signé avec nous :

ALPHONSE-LÉODGARD-MAILLET cadet, président ; — GIRAUD, accusateur public ; — E. CHOMPRÉ, greffier du Tribunal.

 

L'an second de la République française, et le 8 mai 1793, à 9 heures du matin, le président du Tribunal criminel du département des Bouches-du-Rhône, séant à Marseille, s'est transporté, en compagnie de l'accusateur public et du greffier dudit tribunal, en la paroisse de Saint-Thomas, et, en vertu d'un décret de la Convention nationale à la date du 16 avril, il a mandé venir du fort Notre-Dame-de-la-Garde le citoyen Orléans-Montpensier cadet, y transporté et détenu en vertu de ce même décret du 16 avril, et, constitué ledit citoyen Orléans-Montpensier cadet, le président a ainsi commencé l'interrogatoire :

LE PRÉSIDENT. Votre nom, citoyen ?

R. Antoine Égalité.

D. Votre âge ?

R. Dix-huit ans moins deux mois.

D. Où êtes-vous né, citoyen ?

R. A Paris, et y domicilié.

D. Connaissez-vous le motif de votre arrestation ?

R. Non, citoyen.

D. Quelles en ont été les circonstances ?

R. Je partis de Nice le 8 avril, d'après l'ordre du Comité de surveillance que reçut le général Biron de me faire arrêter et conduire à la prison de l'Abbaye, à Paris. Je partis accompagné d'un officier de gendarmerie et d'un maréchal des logis. J'arrivai le 10 à Aix, à une heure du matin. On nous arrêta, on nous conduisit à la municipalité. L'officier de gendarmerie exhiba son ordre et, malgré cela, la municipalité jugea à propos de ne pas me laisser passer sans en avoir informé le district. Le district arrêta qu'il enverrait deux commissaires au département pour l'en instruire, et le département me fit venir à Marseille.

D. Vous reconnaissez cette boite et les sceaux ?

R. Oui, citoyen, je crois que c'est cela.

Le président a ordonné la lecture de plusieurs lettres et d'un passeport à la date du 30 décembre 1792, signé Dumouriez, et d'un, signé Beurnonville, et de diverses gazettes et papiers publics, cités seulement par leurs titres.

D. Étiez-vous dans la carrière militaire avant la Révolution ?

R. Je n'y suis entré que le 3 juillet 1791.

D. Pourquoi avez-vous quitté l'armée du Nord pour passer dans celle du Midi ?

R. Parce que, mon frère commençant à avoir des principes différents des miens, j'ai préféré, n'étant pas d'accord, quitter l'armée où il était.

D. N'était-ce pas combiné entre Dumouriez, votre frère et vous ?

R. Ce n'était nullement combiné. Quand le général Biron passa à Paris pour se rendre à l'armée, je priai mon père de lui demander de me faire entrer au service avec lui ; il le fit ; la demande fut faite au ministère et accordée.

D. Sans doute, avant de partir de l'armée du Nord, vous étiez instruit des projets liberticides de Dumouriez ?

R. Nullement. Je n'en avais pas même le soupçon.

D. Lorsque vous étiez avec votre frère auprès de Dumouriez, vous entendiez parler des moyens de relever la monarchie.

R. Je n'en ai pas entendu un mot.

D. Vous avez dit tout à l'heure que les principes de votre frère n'étaient pas les vôtres, et que c'était cela qui vous avait décidé à quitter l'armée du Nord, et vous dites en ce moment que vous n'avez pas entendu un mot de contre-révolution.

R. Je le dis : je n'ai pas entendu un mot de contre-révolution. Seulement je voyais mon frère commencer à avoir des principes tout différents de ceux qu'il avait autrefois, c'est-à-dire du côté gauche de l'Assemblée nationale ou des patriotes qui le composent.

D. Votre père, dans sa correspondance, ne vous avait-il pas manifesté le projet de monter sur le trône ?

R. Jamais.

D. Lorsque vous étiez dans l'armée du Nord, n'aviez-vous aucune correspondance avec vos parents émigrés ?

R. Aucune ; je ne puis même imaginer qu'on en ait le soupçon.

D. Dumouriez, dans ses conversations, ne laissait-il pas apercevoir son dessein de trahir la République ?

R. Je ne lui ai entendu rien dire à ce sujet qui me l'ait fait croire, jusqu'au 22 décembre, que je suis parti de Liège.

D. Ne promettait-il pas à votre frère la souveraineté du Brabant et de la Hollande ?

R. Jamais je n'ai reçu aucune connaissance de ce projet.

D. Quelles étaient vos liaisons avec Biron ? Mangiez-vous avec lui ?

R. Très-souvent.

D. L'accompagniez-vous dans ses courses et travailliez-vous dans l'état-major comme vous le deviez ?

R. Je l'accompagnais dans ses courses et je faisais ce qu'on m'ordonnait de faire.

D. Avant que votre arrestation fût publiquement connue, n'avez-vous pas eu quelques conférences particulières avec Biron ?

R. Aucune, et mon arrestation même m'a extrêmement étonné, n'ayant rien à me reprocher.

D. Au moment où vous fûtes arrêté, fûtes-vous conduit dans vos appartements ?

R. Oui, citoyen.

D. Par qui fut mis le scellé sur cette cassette ?

R. Par les officiers municipaux de Nice.

D. Au moment de votre arrestation, jusqu'à celui de votre transmarchement, n'avez-vous communiqué qu'avec ceux qui étaient chargés de vous conduire ?

R. Qu'avec eux ; il y est resté un secrétaire nommé Mirys, qui demeurait dans le même appartement que moi, et cela n'a été que quelques heures.

D. D'où est-il, ce Mirys ? mangeait-il chez Biron ?

R. Il était Polonais, depuis longtemps en France, et il mangeait aussi chez Biron.

D. Lors de votre passage par Marseille, n'eûtes-vous pas une entrevue avec Biron et Kellermann ?

R. Kellermann n'y était pas, et je dînai avec Biron.

D. Cependant Kellermann et Biron ont eu une entrevue ?

R. A Nice.

D. Sans doute, c'était pour concerter les moyens de nous trahir au Midi pendant qu'on nous trahissait au Nord ?

R. Je ne crois pas. Au reste je n'ai pas assisté à cette entrevue.

D. Pourquoi, étant bon patriote, lors de votre passage à Marseille, n'allâtes-vous pas visiter la Société républicaine ?

R. J'y suis resté trop peu de temps. Sans cela je m'en fusse fait un devoir.

D. Depuis votre séjour dans l'armée du Midi, n'avez-vous pas reçu des lettres de votre frère ?

R. Une seule, où il m'apprenait les revers que l'armée de la Belgique essuyait près de Louvain.

D. L'avez-vous conservée, cette lettre ?

R. Non, je ne l'ai pas conservée.

D. Il n'est pas possible qu'il ne vous parle pas du dessein de Dumouriez de livrer la Belgique à l'ennemi, et de son projet, à lui, d'émigrer avec Dumouriez ?

R. Je puis vous assurer que non, sa lettre était très-courte, et il paraissait désespérer du salut de la République.

D. Pourquoi, connaissant les principes changés de votre frère, ne l'avez-vous pas été dénoncer au Comité de salut public, vu le danger que devait courir l'armée ?

R. J'ai déjà dit que je n'avais aperçu en lui aucun principe contre-révolutionnaire ; je ne voyais que son patriotisme très-affaibli, et n'avais aucun fait à citer contre lui.

D. Il me semble que vous n'auriez pas dû alors vous séparer de votre frère pour un affaiblissement de patriotisme.

R. J'ai déjà dit qu'il pensait comme le côté droit de l'Assemblée, et que j'avais la même opinion que celle de mon père, qui siégeait dans le côté gauche.

D. Pourquoi n'avez-vous rien fait pour disculper votre père des soupçons qu'on a sur lui de son désir de monter sur le trône ?

R. Je n'avais rien à faire, la pureté de sa conduite parle d'elle-même.

D. Votre popularité avec le soldat, quel but avait-elle ?

R. Je ne sais ce que c'est que cette popularité : je n'en ai jamais affecté.

D. Pourquoi a-t-on trouvé chez vous si peu de correspondance ?

R. J'ai déjà dit que je ne gardais pas mes lettres.

D. Quel est le nom du citoyen qui vous écrit de Nimes ?

R. C'est Peyre, auteur de l'École des pères, et qui a été attaché à mon père comme son secrétaire.

D. Pourquoi correspondez-vous encore avec un homme qui emploie encore les noms et les titres abolis ?

R. C'est la première lettre que je recevais de lui, depuis quelque temps. Je ne les emploie point, quant à moi. Si j'avais pu le lui dire, je l'aurais fait.

D. Pourquoi votre père, qui n'était pas connu pour faire des aumônes abondantes avant la Révolution, en a-t-il fait depuis la Révolution ?

R. Je n'ai aucune notion de ces aumônes dont on parle.

Plus n'a été interrogé.

Lecture à lui faite de ces interrogats et réponses, a déclaré la vérité, y persister, et a signé avec nous, et le tribunal a ordonné la remise de la botte et papiers au prisonnier, ce qui a été fait.

ANTOINE ÉGALITÉ, — MAILLET cadet, président ; — GIRAUD, accusateur public ; — E. CHOMPRÉ, greffier du Tribunal criminel.

 

IV

CAPTIVITÉ DES BOURBONS À MARSEILLE ET À PARIS.

 

On pouvait croire que la captivité des membres de la famille des Bourbons ne serait pas de longue durée ; en effet, quatre mois après le décret du 6 avril, qui avait ordonné leur arrestation, était intervenu le décret du ter août 1793 qui ordonnait qu'ils seraient déportés hors du territoire de la République. Mais ce décret ne reçut aucune exécution. Loin de là, le duc d'Orléans était arraché des bras de ses fils à Marseille, conduit à Paris, traduit devant le Tribunal révolutionnaire et exécuté le 6 novembre 1793. Le même jour, un ordre du Comité de sûreté générale ordonnait la translation, dans les prisons de Paris, de la duchesse d'Orléans, restée jusqu'alors à Bizy-lèsVernon, sous la garde de la municipalité. Cet ordre était ainsi conçu :

Du 16e jour du second mois de l'an II de la République.

Le Comité de sûreté générale arrête que la ci-devant duchesse d'Orléans, actuellement demeurant à Vernon ; où elle est retirée, nonobstant le décret de la Convention qui ordonne que tous les individus de la famille des Bourbons soient conduits à Marseille, sera saisie par le porteur, qui est chargé de requérir la force armée pour l'exécution du présent.

VADIER, LAVICOMTERIE, JACOT, AMAR, DUBABRAN, LOUIS (du Bas-Rhin), VOULLAND, GUFFROY.

 

La duchesse d'Orléans était dans un état de santé tel que l'on fut obligé de mettre cinq jours pour faire le trajet de Vernon à Paris. Le 29 brumaire, elle fut écrouée à la prison du Luxembourg.

Nous renvoyons aux mémoires si intéressants, que le duc de Montpensier a laissés, pour tout ce qui concerne la captivité des prisonniers de Marseille, et à l'ouvrage intitulé : Anne-Paule-Dominique de Noailles, marquise de Montagu, pour ce qui 'regarde la captivité de la duchesse d'Orléans ; nous avons hâte d'arriver au 9 thermidor, pour avoir à raconter des faits moins tristes.

Aussitôt après la mort de Robespierre, les prisons ne tardèrent pas à se vider. La duchesse d'Orléans, restée presque seule dans la prison du Luxembourg, adressa la lettre suivante aux comités de gouvernement :

LIBERTÉ, ÉGALITÉ.

La citoyenne Marie-Louise-Adélaïde Penthièvre, aux Représentants du peuple français, composant les Comités de salut public et de sûreté générale réunis.

Citoyens Représentants,

Forte de ma conscience et d'une conduite en tous points irréprochable, je réclame avec confiance l'humanité et la justice des Représentants du peuple français composant les Comités de salut public et de sûreté générale réunis, dans l'état affligeant où mes maux m'ont réduite.

J'ai été mise en arrestation à Bizy-lès-Vernon au mois d'avril 1793 ; j'étais alors absente de Paris depuis deux ans, et je pleurais la perte récente et cruelle du meilleur des pères, auprès duquel j'avais vécu depuis cette époque.

Ce malheur ayant mis le comble à des chagrins d'autant plus cuisants qu'ils étaient occasionnés par les sentiments qui sont placés dans toute âme honnête, et qui devaient naturellement faire mon bonheur, ma santé était tellement affectée que, lors de mon départ de Bizy-lès-Vernon, distant de Paris de vingt lieues, au mois de brumaire, les commissaires qui m'y conduisirent dans la maison d'arrêt du Luxembourg jugèrent devoir employer cinq jours à ce voyage.

Mes maux se sont aggravés depuis six mois que je suis retenue dans cette maison, et sont parvenus à un période très-alarmant. Mon état est constaté par le rapport des officiers de santé ; ils estiment qu'il est on ne peut plus instant d'abandonner les remèdes palliatifs qu'ils ont seulement pu employer jusqu'à présent pour s'occuper du fond de ma santé ; ce qui ne peut avoir lieu dans la maison d'arrêt du Luxembourg, où il n'y a aucune des commodités suffisantes, ni possibilité de respirer l'air.

Dans cette position, je demande qu'il me soit permis de me retirer dans une maison particulière où je puisse recevoir tous les secours nécessaires, sous telles conditions qu'il plaira de me prescrire.

Obéissance absolue aux lois, respect aux autorités constituées, telle a toujours été et telle sera toujours la règle de ma conduite, et c'est dans ces sentiments que j'attendrai avec soumission la décision que les Représentants du peuple français, composant les Comités de salut public et de sûreté générale réunis, porteront sur ma demande.

 

Il fut fait droit presque aussitôt à la pétition de la duchesse. Par ordre des Comités de gouvernement, les administrateurs de police prenaient un arrêté ainsi conçu :

Département de police. — Commune de Paris.

Le concierge de la maison de santé de Belhomme, rue de Charonne, n° 70, recevra le prisonnier ci-après dénommé, savoir : Marie-Louise-Adélaïde Penthièvre, qui lui est envoyée de la prison du Luxembourg, et il la gardera jusqu'à nouvel ordre.

Fait au département de police, hôtel de la Mairie, le 26 fructidor an II de la République : GÉROME, CHRISTOPHE.

 

La captivité des prisonniers du fort Saint-Jean s'adoucissait aussi. Nous en avons la preuve dans l'arrêté suivant, que nous avons retrouvé :

30 nivôse an III de la République (19 janvier 1795).

Vu la demande faite par les enfants d'Orléans détenus au fort Saint-Jean de Marseille, par décret de la Convention, le Comité arrête qu'il leur sera permis de se promener dans le jardin et les cours, comme le citoyen Conti, et la citoyenne Bourbon, leur tante, attendu que le décret qui les concerne n'a mis aucune différence entre les enfants d'Orléans et leurs parents détenus dans le même fort.

Les Représentants du peuple composant le Comité de sûreté générale :

VARDON, GARNIER (de l'Aube), J.-S. ROVÈRE, GUFFROY, HARMAND, BOUDIN, REVERCHON.

 

Les idées d'humanité et de justice reprenaient chaque jour plus d'empire ; des voix généreuses s'élevèrent pour demander que les membres de la famille de Bourbon fussent déportés hors du territoire de la République, en vertu du décret du 1er août 1793 qui, depuis dix-huit mois, était resté sans exécution.

Mais le 3 pluviôse an m, sur le rapport de Cambacérès, au nom des Comités de salut public, de sûreté générale et de législation, la Convention nationale passa à l'ordre du jour sur cette motion, et décida qu'il serait sursis, jusqu'à la paix, à l'exécution du décret du 1et août 1793.

Six mois plus tard, le 12 messidor an III (30 juin 1795), la Convention adopta à l'unanimité la déclaration suivante :

Au même instant que les cinq représentants du peuple, le ministre, les ambassadeurs français et les personnes de leur suite livrés à l'Autriche, ou arrêtés et détenus par ses ordres, seront rendus à la liberté, et, parvenus aux limites du territoire de la République, la fille du dernier roi des Français sera remise à la personne que le gouvernement autrichien désignera pour la recevoir, et les membres de la famille de Bourbon actuellement détenus en France pourront aussi sortir du territoire de la République[2].

 

Avant même que la remise de la fille de Louis XVI aux mains des commissaires autrichiens fût effectuée — elle n'eut lieu que le 26 décembre 1795 —, le prince de Conti et la duchesse de Bourbon étaient mis en liberté, mais sous l'obligation de se retirer, le prince à Autun, la duchesse à Moulins, et d'y demeurer sous la surveillance des municipalités de ces communes (décret du 28 thermidor an III). Un mois après la duchesse d'Orléans obtenait l'autorisation de quitter la maison Belhomme, et recouvrait la pleine jouissance de ses droits civils en vertu d'un arrêté que nous nous empressons de donner, car il fait un étrange contraste avec les pièces de l'époque ultra-révolutionnaire que nous sommes si souvent obligés d'inscrire dans nos annales.

24 fructidor an III (10 septembre 1795).

Les Comités de salut public et de sûreté générale réunis, sur le rapport fait, par un membre, de la situation de Louise-Marie-Adélaïde Bourbon Penthièvre, veuve d'Orléans :

Considérant que Louise-Marie-Adélaïde Bourbon Penthièvre n'a été privée de la liberté et de la jouissance de ses biens que par simple mesure de sûreté générale et par l'effet des circonstances révolutionnaires qui ont provoqué sa détention ;

Qu'il n'a jamais existé aucune accusation contre ses principes, ses sentiments et sa conduite, toujours conformes à ce qu'on devait attendre d'une Française soumise aux lois de son pays ;

Considérant que le terme où la Révolution est parvenue doit d'autant plus disposer le gouvernement à tous les actes de justice qui peuvent se concilier avec la sûreté, la tranquillité publique et le maintien des principes républicains, que déjà les Français qui se sont assemblés ont accepté avec enthousiasme la constitution destinée à faire leur bonheur ;

Considérant que cette tranquillité, loin de pouvoir être altérée par la déclaration de pleine liberté d'une femme devenue encore plus intéressante par ses trop longues souffrances et par le délabrement de sa santé, serait consolidée, s'il en était besoin, par une telle application des principes ;

Considérant enfin que le décret du 12 messidor dernier a fait prévoir l'époque prochaine où les membres de la famille de Bourbon, restés en France exempts de tous reproches, jouiraient de tous les droits de citoyen et que le terme où est parvenue la négociation relative à l'échange de la fille du dernier roi des Français donne lieu de penser qu'aucune convenance politique ne saurait être blessée par les actes de justice que la situation de Louise-Marie-Adélaïde Penthièvre sollicite,

Arrêtent quant à présent :

Que Louise-Marie-Adélaïde Bourbon Penthièvre, veuve d'Orléans, jouira dès ce moment de sa pleine et entière liberté avec faculté de se retirer à sa maison d'Armainvilliers ou à telle autre qu'elle jugera convenable.

MAREC, DOULCET, Jean DEBRY, BOISSY, DEFERMON, Henri LARIVIÈRE, VERNIER, J.-B. MARIETTE, MERLIN (de Douai), KERVELEGAN, LETOURNEUR (de la Manche), Alex. YSABEAU, J.-Fr. ROVÈRE, P. MARTIN, LOMONT, BAILLY, BAILLEUL.

 

Les deux jeunes princes étaient toujours prisonniers au fort Saint-Jean, et le décret du 12 messidor semblait devoir être pour eux considéré comme une lettre morte. Cependant leur mère faisait à Paris les démarches les plus actives pour obtenir leur liberté. Mais le Directoire, qui avait succédé à la Convention, restait sourd à ses prières. Aux instances de la duchesse vinrent bientôt se joindre celles de ses fils. Voici la lettre qu'ils écrivirent à ceux qui avaient leur sort entre les mains.

Aux citoyens composant le Directoire exécutif.

Au fort Jean, le 8 pluviôse an IV de la République (26 janvier 1796).

Citoyens,

Les diverses réclamations qui vous ont été adressées par notre mère, au sujet de notre liberté, étant demeurées jusqu'à présent sans réponse, nous nous déterminons à y joindre les nôtres. Nous vous conjurons de prendre en quelque considération le sort de deux jeunes infortunés privés depuis prés de trois ans du plus précieux de tous les biens, la liberté, et dont le seul crime ou plutôt le seul motif de détention n'a pu être qu'une naissance qu'ils n'étaient assurément pas les maîtres de choisir. Nous pourrions, citoyens, ne fonder uniquement cette pétition que sur les principes de justice qui ne permettent pas de laisser des innocents gémir dans les fers dont la pureté de leur conduite aurait dû les garantir, mais nous nous bornons à vous demander la simple exécution d'un décret ou plutôt d'une déclaration authentique rendue par la Convention nationale le 12 messidor de l'an III, et qui porte qu'aussitôt après que l'échange de la fille du dernier roi des Français contre les cinq représentants du peuple, le ministre, les ambassadeurs français, sera consommé, les autres membres de la famille Bourbon, actuellement détenus en France, pourront aussi sortir du territoire de la République. Certes nous eussions préféré le séjour de notre patrie à tout autre ; mais en songeant que non-seulement nous serions en butte à toutes sortes de calomnies, mais que notre présence pourrait même fournir aux malveillants des prétextes de susciter quelques troubles, nous ne désirons que d'aller jouir tranquillement de notre liberté dans un pays neutre ou allié de la République, jusqu'à ce que l'affermissement de la tranquillité et du bonheur de notre patrie nous permette d'y rentrer pour y mener une vie paisible et ignorée et rendre des soins à une tendre mère depuis si longtemps séparée de ses enfants.

Nous comptons trop, citoyens, sur votre justice et voué humanité pour ne pas espérer que vous voudrez bien faire droit à notre demande,

A.-P. ORLÉANS ; L.-A. ORLÉANS.

 

On insinua enfin à la duchesse d'Orléans que les deux princes n'obtiendraient leur liberté que s'ils consentaient à s'expatrier aux États-Unis d'Amérique, et si leur frère aîné, alors réfugié en Suisse ou en Allemagne, s'engageait à aller au delà de l'Atlantique porter un nom et une renommée qui importunaient le gouvernement français. Son départ d'Europe était même la condition sine qua non de la mise en liberté de ses frères. Aussitôt que la duchesse d'Orléans sut à quoi s'en tenir sur les intentions secrètes du Directoire, elle s'empressa d'écrire à son fils aîné pour les lui faire connaître.

Paris, ce 8 prairial an IV (27 mai 1796).

Les événements qui se sont accumulés sur la tète de ta pauvre mère depuis l'instant où elle s'est vue privée de la consolation de communiquer avec toi, en achevant de ruiner sa santé, l'ont rendue encore plus sensible à tout ce qui a rapport aux objets de son affection.

Son pays et ses enfants multipliant depuis longtemps ses sollicitudes, tu ne te borneras pas sans doute à les partager lorsque tu sauras que, même dans tes malheurs, tu peux encore les servir.

L'intérêt de ta patrie, celui des tiens, te demandent le sacrifice de mettre entre nous la barrière des mers ; je suis persuadée que tu n'hésiteras pas à leur donner ce témoignage d'attachement, surtout lorsque tu sauras que tes frères détenus à Marseille partent pour Philadelphie, où le gouvernement français leur fournira de quoi exister d'une manière convenable.

Les revers ayant dû rendre encore plus précoce la maturité de mon fils, il ne refusera pas à sa bonne mère la consolation de le savoir auprès de ses frères.

Si l'idée de notre séparation est déchirante pour mon cœur, celle de votre réunion en adoucira bien l'amertume.

Que la perspective de soulager les maux de ta pauvre mère, de rendre la situation des tiens moins pénible, de contribuer à assurer le calme à ton pays... que cette perspective exalte ta générosité, soutienne ta loyauté... tu n'a pas sans doute oublié, mon bien-aimé, que la tendresse de ta mère n'a pas besoin d'être excitée par de nouveaux actes de ta part propres à la justifier. Que j'apprenne bientôt que mon Leodgard et mon Antoine ont embrassé leur ami ; que leur mère reçoit en eux les démonstrations et les preuves des sentiments de son fils... arrive à Philadelphie en même temps qu'eux... plus tôt, si tu le peux... Le ministre de France à Hambourg facilitera ton passage... qu'il le connaisse du moins.

Ah ! que ne puis-je aller moi-même presser contre le sein déchiré de cette tendre mère celui qui ne lui refusera pas le soulagement qu'elle réclame !

Si cette lettre parvient à mon bien-aimé, j'espère qu'il ne différera pas de répondre à sa si tendre mère et de lui procurer enfin la consolation de recevoir une fois de ses nouvelles, comme elle a, hélas ! pour la première fois la satisfaction de lui en donner des siennes. Il voudra bien s'adresser sous le couvert du ministre de la police générale de la République à Paris.

J'aime à croire que depuis environ trois mois, malgré l'impossibilité où j'ai toujours été de t'écrire, et quoique bien indirectement, tu auras connu l'extrême désir de ta mère de te savoir bien éloigné de tous les intrigants et de toutes les intrigues, qu'elle ne saurait assez te recommander de fuir.

L.-M.-A. PENTHIÈVRE.

 

La duchesse d'Orléans avait, avant de l'envoyer, soumis sa lettre au ministre de la police, Cochon de Lapparent ; elle reçut quinze jours après l'autorisation de la faire partir. A la lettre du ministre elle répondit par la lettre suivante :

Citoyen ministre,

Dès l'instant où j'appris que vous étiez seul chargé de l'exécution de la détermination du Directoire exécutif, relative à mes enfants, votre réputation m'inspira la plus grande confiance pour le prompt accomplissement de mes vœux, ceux de voir ces infortunés enfants jouir de leur liberté hors de toute portée et des intrigants qui pourraient tenter de les séduire et de ceux qui, à leur insu, voudraient emprunter leur nom pour se livrer à de nouvelles manœuvres : par quelle fatalité se fait-il donc que, malgré les dispositions bien précises du décret du 12 messidor, mes pauvres enfants soient, tout à l'heure depuis un an, les seuls innocents, qui, même après que la puissance publique a si solennellement prononcé sur leur sort, gémissent encore dans les cachots ?... Je ne parle pas de l'état de dénuement dans lequel on les laissait depuis environ deux mois... je suis bien persuadée que le gouvernement ne le connaissait pas... Mais, citoyen, vous êtes père ; vous connaissez le prix de la liberté, et si vous faites attention à tout ce qu'a souffert la malheureuse mère qui réclame pour ses enfants la justice qu'il semblait qu'on ne devait pas leur refuser, ah ! sans doute qu'elle n'aurait plus besoin de vous en importuner.

Le gouvernement m'a fait demander, autant qu'il serait en moi, de décider mon fils aîné à se rendre aussi en Amérique. Mon attachement bien connu pour mon pays, ma soumission à ses lois, m'auraient suffi pour aller même au-devant de ce vœu, si d'un autre côté je n'étais pas bien convaincue que le seul parti que peuvent prendre mes enfants est de se tenir à mille lieues de tout ce qui pourrait les rapprocher de toute affaire publique. Je n'ai donc pas hésité un seul instant à écrire la lettre que j'ai confiée à votre bienfaisant ancien collègue pour vous la remettre. Il me l'a rapportée pour que j'y mette une adresse. Cet obligeant citoyen et plusieurs autres se sont inutilement donné des soins pour savoir d'une manière précise, et le lieu de sa retraite, et le nom qu'il a pris dans ce moment. Vous ne devez pas être surpris de l'inutilité de mes recherches, puisque, avec les moyens que vous avez, vous n'êtes pas mieux fixé. Je serais trop heureuse si je voyais mon pays tranquille, et bien plus encore si je pouvais y contribuer, disposée, comme je le suis, à faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour cela. Comment donc me refuserait-on, ou refuserait-on à mes enfants la justice que personne ne réclame en vain ? Vos principes me la garantissent ; mais de plus longs délais seraient des dénis formels, et ce n'est pas le sort que vous voulez faire à la plus sensible et à la plus infortunée des mères. Ses enfants sèchent avec raison d'impatience, ils se meurent, et quand ils n'auraient pas d'aussi sûrs garants de la légitimité de leurs demandes, la politique les éloignerait du foyer sulfureux dans lequel ils respirent un si mauvais air et qui menace à chaque instant de quelque explosion dont ils pourraient devenir si injustement les victimes.

L.-M.-A. PENTHIÈVRE.

Ce 29 prairial an IV (17 juin 1796).

 

Le ministre de la police, auquel la duchesse s'empressa de faire parvenir deux copies de sa lettre, les adressa, l'une directement en Suisse, et l'autre, par l'intermédiaire du ministre des relations extérieures, au ministre de la République près les villes hanséatiques.

Ces deux lettres d'envoi, quoique renfermant quelques détails identiques, nous paraissent devoir être insérées ici l'une et l'autre.

Au Ministre des relations extérieures.

18 messidor an IV (6 juillet 1796.

Vous connaissez, mon cher collègue, les intentions du Directoire exécutif relativement aux enfants du ci-devant duc d'Orléans, et l'intérêt qu'il attache à ce que l'aîné passe les mers et se retire en Amérique. Vous savez qu'il a été convenu que sa mère lui écrirait pour l'y déterminer. On vient de me faire passer plusieurs copies de la lettre qu'elle lui écrit. J'en adresse une au citoyen Bacher, en Suisse, pour qu'il la fasse parvenir à sa destination, s'il peut découvrir la retraite du ci-devant duc de Chartres. Mais comme j'ai lieu de croire qu'il est plutôt dans les environs de Hambourg ou d'Altona qu'en Suisse, je vous envoie deux copies de cette même lettre pour que vous les adressiez aux envoyés de la République à Hambourg et à Altona, pour les faire parvenir au ci-devant duc de Chartres, s'ils peuvent savoir où il est. Je vous prie aussi de leur recommander, dans le cas où il se déterminerait à partir, de ne rien négliger pour s'assurer de son départ sur un vaisseau neutre ou allié, de sa destination pour l'Amérique, et de vous rendre un compte exact du résultat de leurs opérations à cet égard. Vous n'ignorez pas que les deux frères détenus à Marseille doivent aussi se rendre en Amérique, et qu'ils ne doivent partir qu'au moment où le Directoire recevra la nouvelle certaine du départ de l'aîné. Je vous répète de vouloir bien me faire part de ce que vous aurez fait.

 

Au citoyen Bacher.

18 messidor an IV (6 juillet 1796).

Je vous adresse, citoyen, une lettre écrite par la ci-devant duchesse d'Orléans au ci-devant duc de Chartres, son fils. Le Directoire exécutif attache beaucoup d'intérêt à ce que lui demande sa mère, et qu'il passe promptement en Amérique. Il espère que son éloignement contribuerait à assurer le rétablissement de la tranquillité dans l'intérieur de la République, en ôtant un prétexte, et sinon un chef, du moins le nom d'un chef aux excitateurs. C'est peut-être d'ailleurs un moyen de sonder le terrain et de s'assurer s'il existe un parti assez fort pour lui donner quelques espérances, ou si on se sert seulement de son nom sans sa participation. La ci-devant duchesse d'Orléans ayant demandé la faculté de faire sortir de France ses deux enfants détenus au fort de Marseille, le Directoire a cru ne devoir y consentir, en exécution de la loi du 12 messidor, qu'à la condition qu'ils iront en Amérique, que leur aîné s'y rendra aussi. Les deux cadets ne sortiront même de Marseille que lorsqu'on aura la certitude, par quelque envoyé de la République, que l'aîné est parti pour l'Amérique sur un vaisseau neutre, et avec les précautions prises, de concert avec notre envoyé, dans le port dont il partira, pour assurer son départ et sa destination. Vous voudrez bien, en conséquence, ne rien négliger pour découvrir la retraite dudit duc de Chartres, et lui faire parvenir la lettre ci-incluse et assurer le succès des vues du Directoire. Vous aurez soin de me faire connaître le résultat de toutes vos démarches à ce sujet.

 

Les conjectures du ministre étaient exactes ; c'était dans les environs de Hambourg que celui qui avait le droit de prendre le titre de duc d'Orléans, depuis l'expiation du 6 novembre 1793, avait fixé sa demeure.

Le ministre des relations extérieures en avertit sur-le-champ son collègue.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.

Le ministre des relations extérieures au ministre de la police générale.

Le citoyen Reinhard m'informe à l'instant, citoyen collègue, qu'aussitôt la réception de ma lettre du 18 messidor dernier, il a pris des renseignements sur le séjour actuel du fils du ci-devant duc d'Orléans : il est actuellement à Vandbeck, bourg danois à deux lieues de Hambourg. Il lui a fait passer la lettre de sa mère par une personne sûre et impartiale qui la lui remettra en mains propres. Le citoyen Reinhard nie rendra compte de ce qui arrivera à la suite de cette démarche, et je mettrai le même empressement à vous en instruire.

Salut et fraternité,

CH. DELACROIX.

Paris, le 2 thermidor de l'an IV de la République (20 juillet 1796).

 

Aussitôt la réception de la lettre de sa mère, le duc d'Orléans s'empressa de lui répondre :

Friedrischstadt, ce 15 août 1796, y. st. (28 thermidor an IV).

Je reçois avec joie et attendrissement, ma chère maman, la lettre que vous m'avez écrite de Paris le 8 prairial, et que le ministre de la République près les villes hanséatiques m'a fait passer par ordre du Directoire exécutif.

Conformément à ce que vous m'ordonnez, j'adresse cette réponse sous le couvert du ministre de la police générale.

Quand ma tendre mère recevra cette lettre, ses ordres seront exécutés et je serai parti pour l'Amérique. En accusant au ministre de France à Bremen la réception de votre lettre et de celle qu'il m'a écrite en me l'envoyant, j'ai cru pouvoir lui demander, d'après ce que vous m'avez mandé, et qu'il m'a confirmé, les passeports nécessaires à la sûreté de ma route, et dès que je les aurai reçus, je m'embarquerai sur le premier bâtiment qui fera voile pour les États-Unis.

Assurément, quand j'aurais de la répugnance pour le voyage que vous me demandez d'entreprendre, je n'en mettrais pas moins d'empressement à partir. Mais c'était toujours celui que je désirais le plus de pouvoir faire, et je ne fais à présent qu'accélérer l'exécution d'un projet qui était déjà définitivement arrêté. Il y a même longtemps que je serais déjà parti, si je n'en eusse été constamment retenu par une suite de circonstances également bizarres et malheureuses. Je n'entreprendrai pas de vous en faire le triste et inutile détail. J'espérais que, dans peu, tous les obstacles qui m'arrêteraient seraient aplanis. Mais il n'en est point que votre lettre ne détruise et je vais partir sans différer davantage. Et que ne ferais-je pas après la lettre que je viens de recevoir ! je ne crois plus que le bonheur soit perdu pour moi sans ressource, puisque j'ai encore un moyen d'adoucir les maux d'une mère si chérie, dont la position et les souffrances m'ont déchiré le cœur depuis si longtemps. Je n'ose examiner si je puis conserver l'espérance de la revoir jamais ; mais serai-je donc toujours privé de la consolation de voir de temps en temps quelques lignes de son écriture et de savoir au moins comment elle se trouve ?

Je crois rêver quand je pense que, dans peu, j'embrasserai mes frères et que je serai réuni à eux, car j'étais réduit à pouvoir à peine croire ce dont le contraire m'eût jadis paru impossible. Ce n'est pas cependant que je cherche à me plaindre de ma destinée, et je n'ai que trop senti combien elle pouvait être plus affreuse. Et même à présent je ne la croirai plus malheureuse si, après avoir retrouvé mes frères, j'apprends que notre mère chérie est aussi bien qu'elle puisse l'être et si j'ai pu encore une fois servir ma patrie en contribuant à sa tranquillité et par conséquent, à son bonheur. Il n'est point de sacrifices qui m'aient coûté pour elle, et, tant que je vivrai, il n'y en a point que je ne sois prêt à lui faire.

Il m'est impossible, puisque j'écris à ma chère maman, de ne pas saisir cette occasion de lui dire que depuis longtemps je n'ai plus de relations avec Mme de Genlis ; elle vient même de faire imprimer à Hambourg une lettre qui m'est adressée, accompagnée d'un précis — très-inexact — de sa conduite pendant la Révolution et dans lequel elle ne respecte pas même la mémoire de mon malheureux père. Je ne compte certainement pas répondre à la lettre qu'elle m'écrit ; mais je crois de mon devoir de rétablir dans leur intégrité une partie des faits qu'elle a tronqués. Je ferai imprimer à Hambourg le petit écrit, et j'aurai soin qu'il en soit adressé un exemplaire au ministre de la police générale, espérant qu'il voudra bien vous le faire remettre.

Adieu, ma chère maman ; rien n'égale la joie que j'ai ressentie en revoyant de votre écriture dont j'étais privé depuis si longtemps. Puissè-je apprendre bientôt que votre santé s'améliore et le savoir de vous-même. Soignez bien cette santé qui nous est si précieuse, et, si ce n'est pas pour vous, au moins que ce soit pour vos enfants. Adieu, votre fils vous embrasse de toute son âme, et croyez qu'il est bien heureux de pouvoir encore vous obéir.

L.-P. D'ORLÉANS.

 

Un mois après, le duc d'Orléans annonçait à sa mère son prochain départ pour les États-Unis. Sa lettre, pour plus de sûreté, ne fut transmise en France que lorsque le vaisseau cinglait à toutes voiles vers l'Amérique.

A bord du vaisseau America, dans le port de Hambourg, le 15 septembre 1796 (28 fructidor an IV).

Il y a déjà longtemps, ma chère maman, que vos ordres seraient exécutés et que je serais parti pour Philadelphie, si un vent d'ouest permanent ne nous empêchait pas de sortir de l'Elbe. Comme il me sera impossible d'écrire au moment où nous mettrons à la voile, je laisserai cette lettre à un négociant de Hambourg — M. J.-Er.-F. Westphalen, dont je ne peux assez vous vanter l'extrême obligeance à mon égard —, et il voudra bien se charger d'y ajouter l'époque du départ d'America. Je suis sur un très-bon vaisseau américain doublé en cuivre et fort bien arrangé intérieurement. Le capitaine est un fort bon homme et nous sommes bien nourris ; soyez sans aucune inquiétude pour ma route, ma chère maman. Le ministre de France m'a délivré le passe- port que j'avais demandé pour moi ; il a eu même l'attention d'y joindre une lettre pour le ministre de la République près les États-Unis ; ainsi vous pouvez être parfaitement tranquille sous tous les rapports. Il me tarde beaucoup d'avoir des nouvelles de mes frères, dont je suis privé depuis si longtemps. Les gazettes ne nous ayant pas annoncé leur départ, je crains qu'il ne soit pas encore effectué. J'en attends la nouvelle avec une impatience bien vive.

J'ai aussi prié M. Westphalen de joindre à cette lettre un exemplaire du petit écrit dont je vous ai parlé.

Adieu, ma chère maman, votre fils vous chérit et vous embrasse de toute son âme. C'est aussi de toute son âme qu'il souhaite que le voyage qu'il entreprend puisse avoir l'effet que vous en attendez et améliorer enfin la cruelle position des siens qui pèse sur son cœur depuis si longtemps.

L.-P. D'ORLÉANS.

Le vaisseau America a mis en mer le 24 septembre, avec le vent le plus favorable, qui continue encore.

 

Citoyen ministre,

Le citoyen L.-P. d'Orléans m'a chargé à son départ de vous remettre une lettre et une petite brochure et d'y joindre la prière de vouloir bien avoir la complaisance de faire parvenir l'un et l'autre à la citoyenne sa mère.

Je m'acquitte de cette commission avec d'autant plus de plaisir que, tout en obligeant ce jeune homme si aimable et si intéressant, je me vois à même, citoyen ministre, de pouvoir vous prier d'agréer les assurances d'estime et de considération parfaites qui vous sont dues, et d'oser manifester le désir que j'ai de me trouver dans le cas de pouvoir servir en quelque manière un républicain que j'honore.

C'est avec ces sentiments, citoyen ministre, que j'ai l'honneur de vous saluer respectueusement,

J.-R.-F. WESTPHALEN, associé de M. RUCKER-WESTPHALEN.

Hambourg, le 28 septembre 1796.

 

Fidèle à ses promesses, le Directoire rit, aussitôt la réception de cette lettre, les mesures les plus promptes pour assurer le départ des jeunes prisonniers du fort Saint-Jean. Nous en trouvons la preuve dans les trois pièces dont la teneur suit :

Sur la demande d'Antoine-Philippe et d'Alphonse-Léodgard d'Orléans, tendant à ce que, pour éviter tout soupçon de connivence avec les agitateurs qui voudraient emprunter leur nom, et conformément aux dispositions du décret du 12 messidor an in, ils puissent se rendre à Philadelphie ou dans tel autre lieu que le gouvernement voudra leur indiquer ;

Le Directoire exécutif charge les ministres de la police générale et de la marine de faire, chacun pour ce qui les concerne, les dispositions, de donner les ordres et fournir les moyens pour que lesdits Antoine-Philippe et Alphonse-Léodgard d'Orléans se rendent convenablement et sûrement à Philadelphie, où ils s'adresseront au ministre chargé des affaires de la République, qui leur fera compter annuellement la somme .......... de jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.

 

Au Commissaire du Directoire exécutif.

Les jeunes gens d'Orléans détenus au fort Jean de votre arrondissement ayant réclamé, pour ce qui les concerne, l'exécution du décret du 12 messidor an ni, le Directoire exécutif a arrêté qu'il leur serait fourni de quoi se rendre convenablement, commodément et sûrement, à Philadelphie, et m'a chargé de donner des ordres pour l'exécution de son arrêté. En conséquence, le ministre de la marine dirigeant la partie relative à l'embarquement, vous vous concerterez avec le commissaire principal de résidence à Marseille pour que le passage de ces deux détenus en Amérique s'opère suivant les vues du gouvernement, en leur laissant les facilités de convenance pour leurs préparatifs. Vous fournirez au commandant du fort Jean, à qui j'écris par le même courrier, la décharge de la garde qui lui est confiée.

Vous m'instruirez des dispositions que vous aurez faites pour cet objet ainsi que de leurs résultats.

Écrit à la suite :

Au commandant du fort Jean, à Marseille.

Les jeunes d'Orléans détenus dans le fort, dont le commandement vous est confié, ayant invoqué, pour ce qui les concerne, le décret du 12 messidor an in, et le Directoire .exécutif m'ayant chargé de l'exécution de son arrêté à ce sujet, j'écris par le même courrier au commissaire auprès de l'administration municipale de Marseille, pour qu'il se concerte avec le commissaire principal de la marine qui disposera leur embarquement, et pour que les déclarations qu'il vous fera à l'égard de ces détenus vous servent de décharge.

 

Les deux jeunes princes s'embarquèrent le 5 novembre 1796 et eurent le bonheur de retrouver leur frère aîné, arrivé avant eux en Amérique ; ils ne devaient plus le quitter. Mais leurs jours étaient comptés : une maladie de poitrine, née probablement dans les cachots du fort Saint-Jean, les enleva à quelques années de distance. Le duc de Montpensier mourut en Angleterre le 18 mai 1807. Le duc de Beaujolais le 30 mai 1808 à Malte, où son frère aîné l'avait amené pour rétablir sa santé.

Pour terminer ce qui concerne les personnages dont il est question dans cette note, nous ajouterons que la duchesse d'Orléans, la duchesse de Bourbon et le prince de Conti subirent le contre-coup du 18 fructidor. Le Directoire, qui avait repris les traditions jacobines, les fit déporter en Espagne.

Le prince de Conti mourut à Barcelone le 10 mars 1814, âgé de quatre-vingts ans.

La duchesse de Bourbon vit sa postérité s'éteindre dans les fossés de Vincennes. Elle rentra en France en 1814 et n'en sortit plus. Retirée dans le couvent des Filles-du-Temple qu'elle avait fondé, elle mourut à Paris le 10 janvier 1821. Elle avait été frappée d'apoplexie dans l'église de Sainte-Geneviève.

La duchesse d'Orléans eut le bonheur d'assister au mariage de son fils avec la princesse sicilienne qui devait être un jour la reine Marie-Amélie, de revoir sa patrie et de jouir quelques années encore du bonheur de ses enfants. La digne fille du duc de Penthièvre mourut à Paris le 22 juin 1821.

 

 

 



[1] Le Moniteur, n° 100, donne la lettre de Gohier et celle du duc d'Orléans ; mais le texte n'en est pas exact. Le nôtre est conforme aux originaux que nous avons eus entre les mains.

[2] Il est à remarquer que l'initiative de cette mesure réparatrice appartient à la Convention régénérée et non au Directoire, auquel il est d'habitude de l'attribuer. Celui-ci, dans cette circonstance, ne fit qu'exécuter les promesses faites par l'assemblée souveraine à laquelle il avait succédé.